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antiracisme - Page 2

  • Noir c'est plus noir !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Eman, cueilli sur son blog A moy que chault ! et consacré à un psychodrame médiatico-sportif, mettant en scène un pseudo-incident raciste, qui défrayé la chronique pendant quelques jours. Animateur du site Paris Vox, rédacteur en chef de la revue Livr'arbitres et collaborateur de la revue Éléments, Xavier Eman est l'auteur de deux recueils de chroniques intitulé Une fin du monde sans importance (Krisis, 2016 et la Nouvelle Librairie, 2019) et d'un polar, Terminus pour le Hussard (Auda Isarn, 2019).

     

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    Noir c'est plus noir !

    Est-il insultant, haineux, abject, en un mot « raciste », de désigner quelqu’un par sa couleur de peau ? Oui, si l’on en croit le psychodrame « antiraciste » qui a frappé le monde du sport et le landernau politico-médiatique à l’occasion de la rencontre de football entre le PSG et le club turc du Basaksehir (voir ici). Pourtant lorsque l’on veut désigner à l’attention d’autrui une personne dont on ne connaît pas le nom, n’est-il pas tout à fait logique et normal de la qualifier par le trait distinctif le plus parlant, le plus évident ? C’est bien sûr ce que la plupart des gens font quotidiennement. Si ce procédé d’usage commun peut paraître déplacé ou désobligeant lorsqu’il réduit la personne concernée  à un handicap ou à un trait particulièrement disgracieux (« le borgne », « la boiteuse »,  « le bigleux », « l’obèse »… etc… encore que généralement la personne n’est pas sensée entendre cette qualification…), il n’en est rien lorsqu’il s’agit de couleur de peau, celle-ci n’ayant rien de péjorative, de dégradante ou d’indigne en soi. A moins d’avoir honte de celle-ci, de la porter comme une disgrâce, une souffrance ou un boulet…  Or ce n’est pas le cas, puisqu’on nous rebat au contraire  quotidiennement  les oreilles avec l’affirmation  de la « fierté noire » (« Black lives matter ! », « Black pride ! », « Black power ! »…). Puisque les noirs sont  fiers de l’être, en quoi est-il raciste et injurieux de dire qu’ils le sont ? C’est  parfaitement absurde et profondément tartuffe,  mais nous en sommes pourtant  là… Pour quelle raison ? Et bien parce que l’antiracisme activiste est devenu si  vindicatif et totalitaire qu’il interdit aux blancs le droit même de prononcer un mot que seuls les principaux intéressés peuvent utiliser pour se qualifier. Évidemment cet interdit chromatico-sémantique n’est valable que dans un sens. Comme toujours.  « Je suis noir si je le veux, ce n’est pas au blanc de m’assigner à une couleur de peau dont pourtant je suis très fier ! »…  On voit bien que nous ne sommes plus là dans le domaine du débat rationnel mais dans celui des psychopathologies, dont l'une des expressions les plus fréquentes est l’hystérie. Une hystérie qui nourrit ce que l’on peut désormais  appeler sans exagération une nouvelle Terreur. Une Terreur « antiraciste » avec sa loi des suspects, ses condamnations arbitraires, ses procès sans avocat, ses lynchages collectifs, ses chasses à l’homme… Une Terreur où « l’antiracisme » n’est en réalité que le cache-sexe d’un autre racisme, anti-blanc celui-là, d’une volonté revancharde d’humiliation et de soumission des anciens prétendus « maîtres ».

    Xavier Eman (A moy que chault, 11 décembre 2020)

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  • Ce néo-racisme qui vient...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la question de ce nouvel antiracisme qui n'est qu'un néo-racisme. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « L’actuel antiracisme n’est pas le contraire du racisme, mais un racisme en sens contraire. »

    Dynamisé par le retentissement de l’affaire aux États-Unis, le combat mené par Assa Traoré contre les « violences policières » vous paraît-il être un mouvement de masse ou seulement résulter d’un effet de mode et d’une agitation marginale dont l’ampleur serait surestimée par nos médias ?

    L’affaire George Floyd est un fait divers auquel le système médiatique, acquis à l’idéologie dominante, a donné une résonance planétaire. La mort d’, autre fait divers, n’a rien à voir avec cette affaire, sinon la couleur de peau de deux délinquants multirécidivistes morts des suites de leur interpellation. Son retentissement doit, en revanche, tout à l’habileté du comité mis en place pour défendre sa « mémoire », qui a su instrumentaliser à son profit les délires du politiquement correct et les retombées non moins délirantes du mouvement Black Lives Matter, tout en faisant son miel de l’influence grandissante de l’idéologie indigéniste.

    L’amalgame entre les deux affaires met aussi en lumière l’américanisation des modes de pensée des proches d’Assa Traoré, qui se prend elle-même pour une nouvelle Angela Davis. Vous le savez, toutes les modes américaines, qu’il s’agisse de la Gay Pride, de la théorie du genre ou de l’« intersectionnalité » des luttes, ont fini par s’imposer en Europe. Or, le contexte est radicalement différent. Les États-Unis sont depuis leurs origines confrontés à une question raciale qu’ils n’ont jamais su résoudre. Rappelons-nous qu’en 1945, c’est une Amérique ségrégationniste qui a emporté la victoire sur le racisme hitlérien ! Quant à la violence policière, effectivement courante aux États-Unis, elle est sans commune mesure avec ce que l’on peut voir en France. J’ajoute que chez nous, quand il y a brutalités policières, elles s’exercent sans complexe sur les « Gaulois » (yeux crevés, bras arrachés, blessures de guerre), comme on l’a vu à l’époque des gilets jaunes, beaucoup plus que contre les racailles et les migrants.

    Mais, au fond, qu’est-ce que cette « pensée indigéniste » ?

    L’idéologie indigéniste s’est formée au contact des « études post-coloniales », elles-mêmes héritières des subaltern studies fondées par Ranajit Guha et de la French theory (Derrida, Deleuze, Foucault) qui se sont développées, principalement en Amérique, depuis plus d’une vingtaine d’années. Il est difficile d’y comprendre quelque chose si l’on ne s’est pas familiarisé avec l’œuvre de ses principaux théoriciens (Eduard W. Saïd, Gayatri C. Spivak, Achille Mbembe, Paul Gilroy, etc.). La pensée post-coloniale comprend deux aspects. D’une part une critique radicale, et à mon sens très justifiée, de l’universalisme abstrait de la raison occidentale qui, lorsqu’on l’étudie en profondeur, se dévoile comme un ethnocentrisme masqué (les « valeurs universelles », comme l’idéologie des droits de l’homme, n’ont d’universel que le nom). Et, d’autre part, le postulat, beaucoup plus contestable, selon lequel les anciennes nations colonisatrices n’ont jamais pu, par une sorte de fatalité quasi génétique, abandonner le regard « discriminant » qu’elles posaient naguère sur les indigènes des colonies. D’où le nom des Indigènes de la République (Houria Bouteldja), un nom d’autant plus grotesque que, si l’on s’en tient au sens des mots, les véritables indigènes de notre pays, les véritables autochtones, sont aussi ceux qui l’habitent depuis le plus longtemps.

    À partir de là, une nouvelle vague délirante s’est mise en place, qui n’a cessé d’enfler. On a très vite compris que le slogan « Les vies noires comptent » ne signifie pas qu’elles comptent aussi, mais que les vies des autres ne comptent pas ou comptent beaucoup moins. Concrètement, cela s’est traduit, et se traduit toujours, par une surenchère de revendications, de mises en accusation, de procès d’intention, d’exigences toujours plus extravagantes qui, sur la base des pulsions collectives pilotées par les lobbies, de la victimisation lacrymale et du droit d’avoir des droits, vise à « déblanchir » l’Europe, à dénoncer l’homme blanc comme coupable de toute la négativité sociale, voire comme incapable de dénoncer le racisme puisqu’un Blanc est nécessairement raciste, même quand il s’affirme bruyamment antiraciste (c’est dans ses gènes). L’essor de la cancel culture et l’hystérie des déboulonneurs de statues, peu différents à mes yeux des profanateurs de sépultures, entrent dans ce cadre. Pour le dire plus crûment, la chasse aux Blancs est désormais ouverte.

    Que deviennent, dans tout cela, les catégories de racisme et d’antiracisme ?

    Tout a changé. Il y a trente ans, la lutte contre le racisme consistait à lui opposer un universalisme très classique, qui en France s’affirmait « républicain ». L’Europe était perçue comme la « terre des droits de l’homme ». Les différences raciales étaient considérées comme de peu d’importance, l’idée sous-jacente étant qu’en réalité, « nous sommes tous les mêmes ». Il était alors de bon ton de proclamer l’indifférence à la différence. En supprimant les discriminations fondées sur les « préjugés » et les « stéréotypes », on allait créer des sociétés multiraciales harmonieuses et tous les problèmes disparaîtraient. Le jacobinisme français voulait, en outre, assimiler des individus mais ne reconnaissait pas l’existence des communautés. Les races, en somme, n’étaient que des illusions d’optique. Cette façon de voir n’a pas disparu, puisque l’on continue d’opposer les « valeurs universelles de la République » aux diverses formes de « communautarisme », mais elle a aujourd’hui perdu toute crédibilité. L’existence des communautés crève les yeux au moment même où – suprême ironie – on a officiellement décrété que « les races n’existent pas ».

    Le mouvement indigéniste se situe dans une tout autre perspective. C’est un mouvement identitaire qui fait reposer l’identité sur la race – ce qui est la façon la plus pauvre de définir l’identité. Voyant (non sans raison) dans l’universalisme une mystification, il revendique de façon convulsive des appartenances ethniques que l’on avait cru pouvoir enterrer sous des discours lénifiants. C’est pourquoi les Indigènes de la République contestent la légitimité des associations antiracistes traditionnelles et récusent radicalement le modèle républicain. Pour paraphraser Joseph de Maistre, on pourrait dire que cet antiracisme n’est pas le contraire du racisme mais un racisme en sens contraire. Un racisme affiché sans états d’âme qui a au moins le mérite, en luttant à fronts renversés, de clarifier les choses. Les races ont beau « ne pas exister », la racialisation des rapports sociaux est partout. Résultat : aujourd’hui, entre les réunions « interdites aux cisgenres » et les conférences réservées aux « racisés », on compte les Noirs pour dire qu’il n’y en a pas assez, comme sous le IIIe Reich on comptait les Juifs pour dire qu’il y en avait trop. C’est, assurément, une subversion de la société, mais pas une subversion du système dominant. La façon dont les grandes entreprises plient le genou devant les exigences de ce néo-racisme montre que le capitalisme n’y voit, en fin de compte, qu’une nouvelle source de profits.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 12 août 2020)

     
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  • Le "privilège blanc" : généalogie d'un concept fallacieux...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une intervention de Julien Rochedy consacrée à la notion de "privilège blanc", qui fait florès au sein de la gauche politiquement correcte . Publiciste et essayiste, Julien Rochedy est une figure prometteuse de la mouvance conservatrice et identitaire.

     

                                          

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  • La guerre des races est-elle déclarée ?...

    Le 25 février 2020, Pierre Bergerot recevait, sur TV libertés, Anne-Sophie Nogaret et Sami Biasoni à l'occasion de la publication de leur ouvrage intitulé Français malgré eux - Racialistes, décolonialistes, indigénistes : ceux qui veulent déconstruire la France (Toucan, 2020). Normalien, Sami Biasoni est professeur à l'ESSEC. Anne-Sophie Nogaret, professeur de philosophie, a publié Du mammouth au Titanic (Toucan, 2017).

     

                                        

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  • Français malgré eux...

    Les éditions du Toucan viennent de publier dans leur collection L'Artilleur un essai de Sami Biasoni et Anne-Sophie Nogaret intitulé Français malgré eux - Racialistes, décolonialistes, indigénistes : ceux qui veulent déconstruire la France. Normalien, Sami Biasoni est professeur à l'ESSEC. Anne-Sophie Nogaret, professeur de philosophie, a publié Du mammouth au Titanic (Toucan, 2017).

     

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    " Racisme d’état, néo-colonialisme, discriminations institutionnelles, un certain nombre de citoyens français accusent aujourd’hui la France de fautes graves, voire de crimes. Dans leurs discours, la notion de « race » fait son retour à tel point qu’en quelques années, il est devenu normal d’évoquer « blancs » et « racisés », y compris dans les lieux de décision et d’influence les plus respectables.
    S’intéressant à la filiation de ce phénomène, Sami Biasoni remonte aux sources historiques et théoriques du discours racialiste implanté en France par la mouvance indigéniste, dite «antiraciste et décoloniale ».
    Anne-Sophie Nogaret, par les témoignages et verbatim qu’elle a recueillis lors de colloques, de sessions universitaires ou de rassemblements associatifs, dresse un état des lieux inquiétant : derrière l’idéologie affleure de plus en plus nettement la rancœur, et même la haine, ne laissant rien présager de bon pour l’avenir du pacte républicain. Au point qu’il est temps de se poser la question : que reste-t-il de l’universalisme qui a politiquement fondé la France ? "
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  • Une démocratie gangrenée par l'idéologie progressiste...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Laurent Fidès au Figaro Vox à l'occasion de la réédition en collection de poche de son livre Face au discours intimidant - Essai sur le formatage des esprits à l'ère du modialisme (Toucan, 2015). Laurent Fidès est agrégé de philosophie.

     

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    « Notre démocratie est gangrenée par l'idéologie progressiste »

    FIGAROVOX.- Votre livre déconstruit les ressorts de l'idéologie contemporaine dominante. De quelle «idéologie» s'agit-il? Et le terme n'est-il pas exagéré, ou trop lourdement connoté?

    Laurent FIDÈS.- L'idéologie dont je parle est multiculturaliste, échangiste, déconstructiviste, elle nous promet un monde sans frontières, sans différences, atomisé, peuplé d'entités négociables et remplaçables. Plusieurs indices me font penser que nous avons affaire à une idéologie plutôt qu'à une doxa, même si elle n'est pas formalisée: le fait que ces idées soient présentées comme des vérités, voire comme des vérités scientifiques (portées par les «sciences humaines» qui jouent ici un rôle spécifique), le déni de réalité (l'idéologie est vraie, c'est le réel qui ment, comme lorsque vous croyez assister au changement de peuple qui se déroule sous vos yeux et que l'on vous explique que ce que vous voyez n'existe pas), la mobilisation de l'appareil idéologique d'État, de l'école primaire (qui inculque l'antiracisme dogmatique comme un catéchisme) à la Justice (qui criminalise les idées non conformes) en passant par l'Université et bien sûr les médias. Mais surtout cette idéologie, comme toute idéologie à toute époque, correspond aux intérêts de la classe dominante: cette hyperclasse d'affairistes et de financiers à laquelle s'agrègent tous les gagnants de la mondialisation ainsi que cette fraction de la petite bourgeoisie urbaine cultivée qui profite des retombées sociétales du système et y trouve en tout cas son compte.

    Vous parlez d'une «dichotomisation interne» à cette idéologie: qu'est-ce que vous entendez par là?

    J'appelle «dichotomisation interne» une technique de manipulation qui consiste à faire croire à un conflit en opposant simplement deux sensibilités prises au sein d'un même courant. En procédant ainsi, en faussant les lois de la symétrie et en marginalisant les contradicteurs sérieux, le système peut se reproduire à l'infini sans entorse apparente au principe du pluralisme.

    En fait, les oligarques et les technocrates qui détiennent le pouvoir sans l'avoir conquis (leur pouvoir étant d'origine économique) ont besoin des formes de la démocratie pour asseoir leur légitimité. Le problème est donc pour eux d'infléchir la consultation démocratique dans le sens de leur politique, du moins quand le peuple est consulté, ce qui n'est pas toujours le cas (il y a aussi des cas où l'on ne tient pas compte du résultat de la consultation parce qu'il ne va pas dans le sens attendu, comme au référendum de 2005). Pour cela il existe différentes techniques que j'analyse dans le livre. La dichotomisation interne en est une parmi d'autre. Par exemple on s'arrange pour maintenir la fausse division entre deux partis dits «de gouvernement», l'un de droite, l'autre de gauche, qui poursuivent en réalité les mêmes objectifs et ne diffèrent que par les moyens de les atteindre. L'alternance droite-gauche en France, a longtemps fonctionné sur ce modèle. Les voix dissidentes sont marginalisées, comme on l'a fait aux dernières présidentielles en décrétant qu'il y avait de grands et de petits candidats, et que les petits ne méritaient pas un temps de parole équivalent à celui des grands, ce qui manifeste une bien étrange conception de la compétition démocratique. Le mouvement «populiste» actuel déjoue ce procédé dichotomique en renvoyant dos à dos droite et gauche «de gouvernement» pour installer un autre clivage, non plus horizontal, mais vertical, politiquement plus significatif.

    Certaines idées, à l'inverse, sont «criminalisées»: par qui? Comment?

    Oui, le discours intimidant est un discours culpabilisant, qui diabolise, criminalise, anathémise, déshonore toute pensée non-conforme en la désignant comme fasciste, négationniste, monstrueuse et pathologique. Le coupable doit en venir à se mépriser, à se regarder comme infâme, indigne d'appartenir à l'humanité, il doit se détester ou se repentir. Vous me demandez par qui les idées non-conformes sont criminalisées? Je vous répondrai: par les gardiens de la pensée unique, journalistes, enseignants, universitaires, bref, par ceux que vous trouvez à tous les niveaux de l'appareil idéologique d'État. Voyez par exemple comment les journalistes traitent du «grand remplacement»: il faut toujours qu'ils disent «la théorie délirante du grand remplacement» alors que son inventeur, Renaud Camus, dit lui-même qu'il ne s'agit pas d'une «théorie». Dans un autre genre, voyez l'affaire Sylvain Gouguenheim.

    Ce professeur de l'École normale supérieure de Lyon, spécialiste d'histoire médiévale, avait voulu montrer dans un ouvrage académique que les textes grecs s'étaient transmis non pas principalement par le truchement des savants arabes, mais aussi par une filière latine que les historiens avaient tendance à négliger. Aussitôt une cabale fut organisée contre lui, par voie de pétition, pour l'accuser d'islamophobie. En réalité, beaucoup des signataires n'avaient pas ouvert le livre, la plupart ne connaissaient rien au sujet, et certains d'entre eux publiaient régulièrement des essais engagés à gauche, en qualité d'universitaires, sans trop se soucier pour leur propre compte de «la nécessaire distinction entre recherche scientifique et passions idéologiques» qui figurait dans leur pétition.

    Certaines voix pourtant se font entendre, et depuis plusieurs années déjà! Vous les citez: Zemmour, Lévy, Finkielkraut, Bruckner…

    En effet, on assiste depuis quelque temps à une libération de la parole, y compris dans les grands médias. Je crois qu'il y a plusieurs raisons à cela. Peut-être d'abord certaines règles du CSA. Sans doute aussi la course aux parts de marché: Zemmour, c'est vendeur! Et puis les journalistes savent que les idées dominantes ne sont pas majoritaires dans le pays: donc il faut bien aller un peu dans le sens de la majorité, sinon on se coupe d'une grande partie du public. Enfin, simple hypothèse, il n'est pas impossible que certains sentent le vent tourner et se préparent à la suite. Quoi qu'il en soit, tout cela reste sous contrôle. Les intellectuels non-alignés ne sont pas si présents. On en voyait dans l'émission de Frédéric Taddéi, soigneusement programmée en fin de soirée pour en limiter l'impact, mais l'émission a disparu, sans explication bien claire. J'ai beau regarder assez souvent la télévision, je n'y vois ni Alain de Benoist, ni Olivier Rey, ni Chantal Delsol, ni Hervé Juvin, ni Michèle Tribalat, etc. etc. Ceux-là, vous les trouvez sur les médias alternatifs, que dans le Camp du Bien on appelle «la fachosphère». Tiens, voilà un bel exemple de discours intimidant, n'est-ce pas?

    Vous dénoncez aussi un manque de rationalité, paradoxal puisque la plupart des débats de société sont pourtant assis sur des considérations qui se revendiquent de la plus parfaite objectivité scientifique… vous citez notamment, comme exemple, les discussions en matière de bioéthique?

    D'abord, quand on suit les débats médiatiques, on est consterné par tant de confusions et de tant de mauvaise foi. Par exemple l'avortement est présenté comme un «droit fondamental»: ce droit, c'est celui qu'a la femme de disposer de son corps. Il est vrai que c'est un droit fondamental incontestable, mais il concerne essentiellement la contraception. Quand la femme est enceinte, la relation à son corps se complique d'une relation à autrui, autrui étant ce petit être qui est dans son corps mais qui n'y est pas comme une partie corporelle (un organe). C'est là qu'on attend les experts: leur rôle devrait être de poser les problèmes éthiques correctement, rationnellement, pour apporter aux citoyens l'éclairage nécessaire.

    Au lieu de cela, ils s'alignent sur l'idéologie dominante. C'est pitoyable. En réalité, il ne faut pas se raconter d'histoires: le droit à l'avortement n'a rien à voir avec l'éthique, c'est un choix de société qui correspond au mode de vie contemporain de la classe moyenne éduquée, urbaine, dans lequel la femme travaille, exerce des responsabilités, aspire à faire carrière, etc. On peut concevoir que la société ne soit pas prête à faire un autre choix, mais de là à se cacher derrière un «droit fondamental», c'est vraiment donner dans la sophistique. On voit ici qu'il y a des tabous. Je pense que ce n'est pas sain. Les gens devraient être au clair sur des questions qui les concernent autant.

    Comment la langue se fait-elle également l'instrument de ce «discours intimidant»?

    Nous sommes un peu manipulés par les mots, mais c'est compréhensible. Il est difficile, quand nous utilisons de façon habituelle un cadre posé par convention, de ne pas croire à la réalité intrinsèque de cette convention. Les gens qui exercent le pouvoir connaissent toute l'importance de la sémantique. Il n'est pas innocent de dire «extrême-droite» tandis qu'on dit «la gauche de la gauche» pour éviter «extrême gauche». Personne n'a envie de se voir coller l'étiquette «extrémiste», parce qu'un extrémiste est un personnage violent, avec lequel il est impossible de discuter. On crée aussi des mots comme «europhobe» pour faire croire que ceux qui détestent la technostructure eurocratique sont des ennemis de la belle idée d'Europe, alors que c'est l'inverse qui est vrai: quand on aime l'Europe on est amené à détester cette organisation stérile qui l'affaiblit et la condamne à l'impuissance. Il y a bien d'autres mots piégés. Même le mot «français» est devenu trompeur puisqu'on parle de «djihadistes français», comme si le djihadisme et la francité ne s'excluaient pas mutuellement de manière flagrante. Il y a également une manière d'utiliser les mots qui vise à ce que les choses ne puissent pas être nommées. On parle ainsi des «jeunes» des «quartiers sensibles». C'est une sorte de langage crypté à la Orwell. Cela pourrait être assez drôle si ces manières de parler n'étaient pas aussi des manières de penser. De nos jours, l'enseignement fait beaucoup de dégâts en fabriquant une pensée stéréotypée, une «pensée par slogan» qui n'est pas du tout une pensée, mais qui relève par contre d'un authentique endoctrinement.

    Récemment, on a vu Marc-Olivier Fogiel, qui pourtant a eu des enfants par GPA alors même que ce procédé est interdit en France, faire le tour des médias avec la bienveillance des journalistes. Mehdi Meklat vient à présent aussi de faire part de sa rédemption, avec l'indulgence du public… quand on est dans le bon camp, tout est permis?

    Qu'il puisse y avoir deux poids, deux mesures, cela ne fait aucun doute. Mais je suis favorable par principe à la plus grande liberté d'expression et j'approuve donc que Marc-Olivier Fogiel puisse donner son avis. Ce que je regrette, c'est plutôt l'absence de vrai débat. On parle beaucoup de la GPA et moins de la PMA. Or, voyez-vous, il me semble que le principe de la PMA est au moins aussi discutable. En effet dans «procréation médicalement assistée», il y a le mot «médical».

    Que je sache, la médecine a pour rôle de soigner et les homosexuels ne sont pas assimilables à des malades, sinon quelque chose m'a échappé. Quand je dis «soigner», j'inclus la palliation des défaillances de la nature, comme l'infertilité. Mais dans le cas d'un couple homosexuel, je pense qu'on a en vue autre chose: un droit à l'enfant, vu comme un droit au bonheur familial. Je me demande alors comment on peut justifier le glissement du «désir d'être heureux» vers le «droit au bonheur», un droit que la société aurait nécessairement à charge de satisfaire. En fait, l'institution du «mariage pour tous» entraîne l'application du principe d'égalité juridique à des situations qui sont par essence dissemblables ; d'où les problèmes philosophiques et éthiques que cela soulève. Mais qui pose ces questions dans le débat public? En tout cas je crois que sur des sujets aussi sérieux, nous ne pouvons pas nous contenter de témoignages émouvants. Nous avons besoin d'une pensée construite et argumentée. Nous avons besoin de rationalité. Nous souffrons beaucoup, en démocratie, du triomphe du pathétique sur la pensée méthodique, patiente, construite, démonstrative.

    Ce «camp dominant», et les vérités qu'il impose à la collectivité, a-t-il définitivement eu raison de notre modèle de civilisation?

    Je dirais plutôt que le discours intimidant affaiblit nos défenses immunitaires. Plus nous l'intériorisons, plus nous devenons vulnérables. Beaucoup de gens admettent aujourd'hui qu'il faut respecter les religions, toutes les religions, comme si l'irrespect dans ce domaine n'était pas un des marqueurs de notre civilisation. Une difficulté majeure, que ne connaissent pas les pays d'Europe de l'Est, est la confiance naïve dans notre dispositif de citoyenneté. C'est un dispositif inclusif, au sens de l'inclusion politique, mais point du tout au sens de l'inclusion culturelle. Or on voit bien qu'aujourd'hui le problème majeur est d'ordre culturel. On se trompe pareillement sur la fonction de la laïcité: la laïcité n'est pas du tout interventionniste culturellement, c'est simplement un principe de neutralité dans la sphère publique qui est elle-même autre chose que l'espace de la société civile. En revanche, la neutralité qu'elle impose peut parfois se retourner contre nos traditions culturelles, comme les crèches dans les écoles, etc. En réalité, rien de ce qui est propre à la citoyenneté ne s'applique directement aux problèmes culturels, c'est ce qu'il faut bien avoir à l'esprit. Ma thèse là-dessus est que nous avons une conception juridique et formelle de la citoyenneté qui n'est plus adaptée aux problèmes que nous rencontrons - pas seulement d'ailleurs au niveau de la pression migratoire, mais à d'autres niveaux également. À cette conception juridique et formelle, j'oppose la politique au sens fort du terme, qui concerne l'action efficace, la «décision qui institue», la souveraineté territoriale, etc. Je pense d'ailleurs qu'il y a dans le populisme une espèce de revanche du politique sur le juridique, qui prend la forme d'une contestation de «l'État de droit». Je ne dis pas que c'est forcément une bonne chose, mais je l'analyse comme un phénomène assez remarquable.

    Laurent Fidès, propos recueillis par Paul Sugy (Figaro Vox, 23 novembre 2018)

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