Europe : vers une Union carolingienne ?
« Charlemagne a encore de l’avenir » a pu dire Charles de Gaulle ! « Il ne faut pas moins d’Europe, mais plus d’Europe » a déclaré de son côté la chancelière Angela Merkel tout en appelant « à donner un signal et à nous rapprocher dans une union politique ».
Ne pas se fier aux apparences
Dans l’immédiat, il est certain qu’avec « François, le cauchemar des entreprises » titre d’un article dans le quotidien Süddeutsche Zeitung, l’Europe n’en prend pas le chemin. François Hollande cherche à nier les réalités économiques et à finasser avec l’Italie et l’Espagne ; il ne trouve grâce en Allemagne que dans le parti « die Linke » l’équivalent du Front de gauche de Jean Luc Mélenchon .
François Hollande ne connait pas suffisamment l’Allemagne et commence à réaliser qu’il va lentement mais sûrement à « l’échec et mat », au-delà de son petit jouet sur la croissance de 120 milliards d’euros (emprunts de la Banque Européenne d’investissements ,fonds européens non encore utilisés) .
L’Allemagne aurait bien tort de ne pas lui permettre de garder la face et de continuer à illusionner ses électeurs. La Chancelière allemande a préféré ne pas s’attarder à Rome pour voir à Gdansk la « Mannschaft » triompher au football contre la Grèce (tout un symbole). Mario Monti adhère sur le fond, aux thèses d’Angela Merkel . Les sociaux -démocrates du SPD qui auraient eu tort pour des raisons de politique interne allemande, de refuser l’invitation à l’Elysée, se sont empressés de rallier le pacte budgétaire européen lors du vote au Bundestag.
Le chef de la diplomatie allemande Guido Westerwelle souligne qu’on ne peut pas combattre une crise des déficits avec de nouvelles dettes et qu’il n’est plus possible d’acheter de la croissance avec des dettes. La croissance doit être le résultat de réformes structurelles qui améliorent la compétitivité. Au delà des obstacles apparents que représente François Hollande, l’Europe, dans son malheur et son déclin actuel tant politique, militaire, démographique, moral qu’économique ne se dirige-t- elle pas à terme vers une UnIon carolingienne, noyau dur d’une Europe Puissance à construire pour survivre dans le monde multipolaire du XXIème siècle ?
Faire du mal économique européen de l’euro un bien politique
Milton Friedmann a prétendu à juste titre que l’Europe, sans harmonisation budgétaire, fiscale et sociale a mis la charrue avant les bœufs en introduisant l’euro. Le laxisme socialiste français et des pays de l’Europe du sud aura également beaucoup contribué à l’intenable situation actuelle car la France était même légèrement plus compétitive que l’Allemagne lors de l’introduction de l’euro. La Chancelière apporte cependant une réponse qui n’est pas sans rappeler les propositions passées de Karl Lamers et Wolfgang Schaüble à Edouard Balladur : « Nous devons créer une structure politique qui va de pair avec notre monnaie unique ». La France, beaucoup plus forte économiquement à l’époque, offusquée par l’atteinte portée à son aura politique , avait refusé de les étudier sérieusement .
Guido Westerwelle souligne que l’Europe est notre meilleure garantie de prospérité dans un monde multipolaire qui se globalise avec de nouveaux centres de pouvoir. A la France de faire en sorte qu’une véritable préférence communautaire soit établie et que l’Europe passoire ne soit plus l’Europe offerte , le sas de décompression, comme le remarquait Régis Debray, vers le libre échangisme mondialiste .La France doit reprendre l’idée allemande, mais faire aussi comprendre à l’Allemagne qu’avec des structures compétitives, on peut lutter entre Européens , à armes égales, mais certainement pas avec des salaires trente fois moins élevés , que ce soit en Chine ou au Maroc, comme le vient de le prouver Renault en implantant une nouvelle usine ultra -moderne avec des salaires marocains , à quelques heures des côtes françaises , et cela sans aucune protection douanière européenne.
Aux dirigeants français de savoir alors également dire « Non » au « Nein »allemand, avec menace de ne plus jouer le jeu , et de revenir aux monnaies nationales, voire aux frontières nationales ! « Alles oder Nichts « (tout ou rien), prendre les Allemands à leurs propres mots, voilà ce que devrait proposer une France responsable à l’Allemagne, en acceptant l’idée allemande, mais sans se laisser rouler pour autant dans la farine, d’autant plus qu’à terme, l’Allemagne elle même ne pourra plus supporter la concurrence des pays émergents !
De plus pour survivre économiquement au XXIème siècle, il faut un marché minimum de 150 miIlions de consommateurs, ce qui permet des économies d’échelle avec des débouchés suffisants, des structures économiques et technologiques compétitives, et ce qui permet aussi de pouvoir financer des projets technologiques modernes publics ou privés d’avenir tels qu’AIrbus, Galiléo, Ariane, projets spatiaux et aéronautiques, industrie navale, armements terrestres…Pour paraphraser Lénine(« Mieux vaut moins mais mieux ») , il est donc possible d’affirmer qu’ avec moins d’Européens véritablement unis dans une structure carolingienne on peut donc faire plus qu’avec l’actuelle Union européenne anglo-saxonne, libre échangiste sous protectorat militaire américain
A quand une véritable défense européenne franco-allemande ?
IL faut faire exactement le contraire de ce que préconise Michel Rocard et tout en gardant la dissuasion nucléaire française, mettre en place une défense européenne crédible, opérationnelle, moderne, crainte, établie sur le Rhin et dont le quartier général serait à Strasbourg et non pas à Bruxelles, tout un symbole !
Le mythe de la France a toujours été de se constituer en unique héritière de Charlemagne. Le mythe de l’Allemagne a toujours été celui de la continuation de l’Empire Romain, avec le Saint Empire Romain Germanique. L’Europe n’en finit pas de subir les conséquences du Traité de Verdun en 843 par lequel les fils de Louis Le Pieux réglaient le partage de l’Empire Carolingien : ce qui allait devenir l’Allemagne à Louis Le Germanique, ce qui allait devenir la France à Charles Le Chauve, et ce qui allait devenir l’objet des guerres civiles européennes entre ces deux pays, la Lotharingie pour Lothaire.
La France et l’Allemagne sont liées par une « communauté de destin ». Edouard Husson remarquait que s’il y a un noyau en Europe, c’est bien celui constitué par la société française et allemande ; l’alliance de l’aveugle et du paralytique garde un sens si chacun sait soigner ses maux (étatisme et laxisme socialiste d’un côté, pacifisme de l’autre) (Edouard Husson- Une autre Allemagne - Gallimard, 396 p – 2005). A quand un Quartier général européen à Strasbourg puisque ,suite à l’obstruction britannique, celui constitué à Bruxelles n’en finit pas de rester dans les limbes chiraquiennes et comprend en tout et pour tout aujourd’hui 8 personnes ! De qui se moque-ton ? Là aussi, ce serait à la France de prendre les Allemands à leurs propres mots et de mettre en place une véritable structure de défense en dehors de l’OTAN équidistante de la Russie et des Etats-Unis! L’Europe continentale européenne resterait dans l’Alliance Atlantique tout en se rapprochant de la Russie par une Alliance Continentale où l’on pourrait reprendre schématiquement le traité révisé et renégocié de l’Alliance Atlantique en remplaçant tout simplement le mot Etats-Unis par Russie !
Prenons en considération la proposition de l’Allemagne, mais en nous faisant respecter , sans brader les intérêts économiques de la France, sans se laisser embarquer dans un monde libre échangiste mondialiste qui convient pour l’instant surtout à Angela Merkel . Exigeons la mise en place d’une défense européenne et gardons toujours en mémoire ces paroles prophétiques du Général de Gaulle ,le 29 Mars 1949,lors de sa conférence de Presse au Palais d’Orsay « Moi je dis qu’il faut faire l’Europe avec un accord entre Français et Allemands. Une fois l’Europe faite sur ces bases, alors on pourra essayer, une bonne fois pour toutes, de faire l’Europe toute entière avec la Russie aussi, dût- elle changer de régime. Voilà le programme de vrais Européens". Voilà le mien »
Marc Rousset (Metamag, 16 juillet 2012)