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allemagne - Page 21

  • Baron rouge et Cigogne blanche !...

    Les éditions Presses de la Cité viennent de publier le dernier ouvrage de Patrick de Gmeline, intitulé Baron rouge et Cigogne blanche. L'auteur, auteurs de nombreux récits d'histoire militaire de qualité, y dresse le portrait des deux As du combat aérien pendant  la première guerre mondiale, l'Allemand Manfred von Richthofen (80 victoires) et le Français René Fonck (75 victoires)... Deux belles figures de l'héroïsme européen, un aristocrate et un fils du peuple...

     

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    "Le Baron Rouge, la Cigogne blanche. Les deux plus grands As ? les As des As ? de l’aviation de la Première Guerre mondiale. L’Allemand, le Français. L’aristocrate prussien, le fils d’un ouvrier forestier. Richthofen tué au combat en 1918, Fonck disparu en 1953. Le Baron Rouge encore célèbre dans le monde entier : films, livres, mémoriaux, cérémonies. René Fonck presque totalement oublié. Tout les oppose, tout les rapproche. Ce livre les fait revivre au quotidien. Avec leur personnalité, leurs idées, leurs stratégies, leurs combats, leur environnement humain, familial et guerrier, leur vie quotidienne, privée et publique. Pour Manfred von Richthofen, cette double biographie est une nouvelle approche car parallèle à celle de son alter ego français. Pour René Fonck, c’est la réparation d’une injustice, celle de l’ombre et de l’oubli."

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  • Idées reçues sur un auteur sulfureux...

    David Alliot, qui a dirigé la publication du recueil de témoignages sur Céline, intitulé D'un Céline l'autre, dans la collection Bouquin, a dans le même temps signé un Céline - idées reçues sur un auteur sulfureux aux éditions Cavalier bleu. L'auteur y revient sur un certain nombre de "vérités" qu'on colporte sur cet auteur...

     

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    "Longtemps étiqueté de sulfureux, déroutant par son style, choquant par ses propos, Céline est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands écrivains français du XXe siècle. Épousant les soubresauts politiques et idéologiques de son époque, tour à tour considéré comme écrivain de génie, odieux pamphlétaire, médecin des pauvres ou prophète maudit, il n'en finit pas de susciter le débat.
    Des décennies après les faits, David Alliot scrute ici la vie de Louis-Ferdinand Destouches et l'œuvre de Louis-Ferdinand Céline et fait la part entre la réalité et la "légende noire" de cet écrivain pas tout à fait comme les autres.

    David Alliot est né en 1973 et travaille dans l'édition. Amoureux de la langue française et argotique, il a consacré un ouvrage à l'argot des imprimeurs et typographes, ainsi qu'à celui des bouchers. Passionné par la lecture de Voyage au bout de la nuit en 1991, il a publié plusieurs ouvrages sur Céline, ainsi que des articles dans des revues spécialisées."

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  • Bainville ou la monarchie des lettres...

    Les éditions Robert Laffont, dans leur remarquable collection Bouquin, viennent de publier dans un fort volume un choix d'oeuvres du journaliste et historien monarchiste Jacques Bainville. L'édition de La monarchie des lettres : histoire, politique et littérature a été établie par Christophe Dickès, docteur en histoire et auteur d'une étude intitulée Jacques Bainville : les lois de la politique étrangère (Bernard Giovanangelli Editeur, 2008).

     

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    "Ce volume comprend quatre parties : " Histoire et politique ", " Voyages ", " Contes et romans " et " Bainville en son siècle ".

    La première illustre l’aspect le plus connu de Bainville : l’historien des relations internationales et en particulier franco-allemandes (relations analysées dans ses livres Bismarck, Histoire de deux peuples, Histoire de trois générations, Les Conséquences politiques de la paix, La IIIe République, mais aussi dans ses articles parus dans de multiples journaux, dont L’Action française, Candide, L’Éclair de Montpellier ou La Revue universelle). Bainville a beaucoup voyagé en Allemagne, il en connaît la culture, en maîtrise la langue : ses analyses s’imposent, on dit à l’époque qu’il " fait le Parlement ".

    Les deuxième et troisième parties sont plus inattendues : Bainville, tout d’abord, raconte ses périples en Grèce (Les Sept Portes de Thèbes), en Italie (Tyrrhénus), en Europe centrale (Vienne, Budapest, Prague.) et en Russie, où il est envoyé par Aristide Briand en 1916. Fait notable, alors que le " pèlerinage " en Grèce est incontournable pour tout intellectuel qui se respecte, il en revient déçu et n’hésite pas à écrire ses désillusions. Bainville se fait ensuite romancier (auteur notamment d’une Histoire d’amour) et conteur (Jaco et Lori, La Tasse de Saxe). Le conte est en effet un univers dans lequel il évolue avec délectation, idéal, dit-il, pour les " esprits ironiques ". L’histoire et la politique, toutefois, habitent chaque voyage, chaque conte : tout est prétexte à analyse, à élévation. La dernière partie entend situer Jacques Bainville " en son siècle ", celui de l’affaire Dreyfus et de l’Action française, qu’elle a enfantée. Historien monarchiste, proche de Charles Maurras, les lettres échangées avec ce dernier et publiées ici témoignent de cette proximité, Bainville, analyste froid et modéré, pragmatique, est cependant dreyfusard ! Homme de convictions, donc, travailleur insatiable, auteur à succès, il est reconnu par ses pairs et élu à l’Académie française en 1935. Son discours de réception et celui de son successeur sont essentiels pour la compréhension de cet homme pessimiste, emporté par un cancer moins d’un an après son élection, le 9 mars 1936.

    Quelques années avant sa mort, Jacques Bainville avait commencé à coucher quelques pensées intimes dans un petit cahier d’écolier intitulé " Pour moi ". Il est donné ici dans son intégralité pour la première fois. Pour la présente édition, l’auteur a rédigé une introduction générale, " Le stoïcisme d’un Cassandre ", et quatre autres pour ouvrir chaque partie. Une bibliographie bainvillienne commentée et un index onomastique complètent cet ouvrage."



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  • Un héros trahi par les alliés...

    Les éditions Perrin viennent de rééditer dans leur collection de poche Tempus, Mihailovic - Héros trahi par les Alliés, une biographie du général serbe écrite par Jean-Christophe Buisson. Ce dernier, journaliste au Figaro Magazine et spécialiste des Balkans, est aussi l'auteur d'un ouvrage consacré au général Vlassov, autre figure tragique de la deuxième guerre mondiale...

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    "Le 17 juillet 1946, le général Draza Mihailovic est fusillé par les communistes yougoslaves au terme d'une parodie de procès. Avec sa mort disparaît le chef de la résistance monarchiste anti-allemande, dernier obstacle à la conquête de la Yougoslavie par Tito. Né en 1893 au coeur de la vieille Serbie, décoré à de multiples reprises durant les deux guerres balkaniques (1912-1913) et la Première Guerre mondiale, Mihailovic intègre ensuite l'état-major de l'armée yougoslave. Après un séjour de quelques mois en France, il est nommé attaché militaire à Sofia puis à Prague. Ses
    avertissements contre le danger allemand ne sont pas entendus : la Yougoslavie est balayée en quelques jours par l'offensive du IIIe Reich d'avril 1941. Refusant la défaite, il rejoint le plateau de Ravna Gora où il crée la première guérilla de résistance en Europe occupée. En quelques mois, des dizaines de milliers d'hommes se rangent derrière lui, pour une Yougoslavie libre et royale. Depuis Londres, le roi Pierre II le nomme ministre de la Guerre du gouvernement yougoslave en exil. Après l'entrée en résistance des partisans de Tito en juillet 1941 et l'échec d'une action commune contre l'ennemi nazi, les troupes de Mihailovic doivent combattre sur plusieurs fronts : contre les Allemands, contre les oustachi croates alliés de Hitler, enfin contre les communistes. D'abord considéré comme le héros du monde libre par les Alliés, « le Chouan de Serbie » est abandonné par ceux-ci après des tractations entre Churchill et Staline. Les titistes ne parviennent à s'emparer de lui qu'en mars 1946 alors qu'il est encore à la tête d'une armée de plusieurs dizaines de milliers d'hommes. Draza Mihailovic fut autant victime de l'infiltration des services d'espionnage alliés par
    les agents communistes que par le cynisme et la lâcheté de l'Occident. Surtout, son destin tragique incarne celui de nombreux peuples européens, victimes successives de deux totalitarismes du XXe siècle."

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  • Fontenoy ne reviendra plus...

    Les éditions Stock viennent de publier Fontenoy ne reviendra plus, ouvrage de Gérard Guégan consacré à Jean Fontenoy, journaliste, aventurier et romancier des années 30, passé du communisme au fascisme, qui s'est suicidé à Berlin en avril 1945, désespéré par la défaite de l'Allemagne.

    L'auteur, qui a créé les éditions Champ libre avec Gérard Lebovici, est une des figures de l'ultra-gauche des années 70 et est, notamment l'auteur de Debord est mort, Le Che aussi. Et alors ? Embrasse ton amour sans lâcher ton fusil (Librio, 2001).

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    "« Comme je viens d’une époque, voire d’un monde, où chacun jurait de rester éternellement fidèle à ses convictions, je me suis souvent demandé pourquoi tant de figures énergiques avaient ensuite, et sans trop tarder, tourné la page de leur jeunesse. Cette question – qu’est-ce qui pousse un homme à changer de camp, à passer, par exemple, de la gauche la plus enragée à la droite la moins clémente ? – a fini par m’obséder. J’aurais pu en tirer la matière d’un pamphlet si ce n’est que je voulais toucher au-delà du cercle des convaincus. Aussi ai-je ressuscité un écrivain du siècle dernier, Jean Fontenoy, qui, pour reprendre le mot de Malraux, fut partout où cela comptait, tout du moins dans ses 20 ans : la Grande Guerre, Dada, Octobre, Maïakovski, Lénine et Trotski, Moscou et Shangai, etc. Or, lui qui était né pauvre, que l’école de la République avait su distinguer et dont les livres avaient séduit aussi bien Kessel que Colette, Blanchot que Céline, voilà que, contre toute attente (il avait dénoncé le nazisme dès 1933), il se fit soudain fasciste. Quelques années plus tard, non sans logique (et aussi par haine de la lâcheté), il ne lui resterait plus qu’à partir se suicider dans Berlin assiégée par l’Armée rouge. 
    Reste que je n’ai écrit Fontenoy ne reviendra plus que pour comprendre de quoi nous sommes faits et à quoi tiennent nos destinées. Et nos refus. » Gérard Guégan

    Ni récit ni biographie, le nouveau livre de Gérard Guégan est porté par une figure si romanesque au destin si tragique qu’il ressemble et se situe avant tout en littérature. C’est le roman de Fontenoy. Ses engagements, ses amours, ses obsessions, ses déguisements, l’histoire d’un homme qu’on rêverait tout à la fois de rencontrer et de fuir, d’aimer et de quitter, comme il n’aura cessé de se quitter lui-même. 
    C’est sans doute bien Brice Parain qui aura donné avant Gérard Guégan sur Fontenoy le sentiment le plus juste : « Il y a eu Jean (Fontenoy). Je n’ai pas eu d’autre ami parce que les autres que j’ai connus étaient ou sont moins honnêtes que lui, je veux dire plus arrangeurs au fond. Arrangeur, il l’était comme vous le dites, mais il n’a pas triché avec la littérature, ou la poésie, comme vous voudrez, il a préféré devenir une crapule plutôt qu’un protégé de Paulhan, c’est tout de même beaucoup. »"

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  • Un dialogue entre Ernst Nolte et Dominique Venner...

    A l'occasion de la sortie dans la collection de poche Tempus de l'ouvrage d'Ernst Nolte, La guerre civile européenne, nous reproduisons ci-dessous un dialogue entre l'auteur et Dominique Venner, que la revue Eléments (n°98, mai 2000) avait publié à l'occasion de la première parution de ce livre en traduction française aux éditions des Syrtes.

     

     

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    Ernst Nolte et Dominique Venner, une rencontre...

    Dominique Venner : La « querelle des historiens » remonte à 1986, au 6 juin 1986 pour être précis, date à laquelle est publié en Allemagne votre article « Un passé qui ne veut pas passer ». Un an plus tard paraît La guerre civile européenne 1917-1945, que viennent de traduire en français les éditions des Syrtes. Vous y soulignez que le national-socialisme et le bolchevisme ne peuvent se comprendre que l'un par rapport à l'autre. Pour être plus précis, le « nœud causal » entre les deux idéologies réside dans l'émergence du national-socialisme comme réponse ou réaction au bolchevisme, à la menace de mort qu'il faisait planer sur la civilisation européenne. Comment expliquez-vous que cet article et ce livre aient suscité en Allemagne un tel scandale intellectuel?

    Ernst Nolte: Le « scandale » réside dans le fait que j'ai pris au sérieux l'auto-interprétation que les nationaux-socialistes donnaient de leur engagement à savoir la lutte contre le communisme, avec les mêmes moyens que le communisme. Cette motivation est évidente dans la guerre germano-soviétique (1941-45), et on en trouve un exemple célèbre dans le discours de Himmler à Posen. Le chef de la SS raconte comment un commissaire de l'Armée rouge, voyant revenir un régiment défait au combat, convoque ses officiers et en exécute quelques-uns froidement. Loin de s'en offusquer, Himmler appelle ses troupes à une résolution plus dure et plus violente encore.

    Mais le nœud causal s'est établi bien avant la guerre. Contrairement à beaucoup de mes collègues qui s'intéressaient au national-socialisme dans sa course au pouvoir des années trente, je me suis longuement penché sur les premières années de formation et d'expression idéologiques d'Adolf Hitler, au lendemain de la Première Guerre mondiale. C'est à ce moment que le futur Chancelier du IIIe Reich cristallise sa doctrine. Il subit l'influence des auteurs comme Eckart, Scheubner-Richter, Rosenberg, et développe un anti-bolchevisme qui sera constitutif du national-socialisme comme parti de contre-dictature, de la contre-guerre civile. L'antisémitisme donnera ensuite à son discours une cohérence idéologique à vocation universelle et une efficacité passionnelle propres, selon Hitler, à lutter contre le marxisme sur son terrain.

    Là réside donc le « scandale » : dans l'Allemagne de 1986-87, il était inimaginable d'établir une connexion ne fût-ce qu'indirecte entre le Goulag et Auschwitz.  

    D.V. : De votre part, il s'agissait d'une interprétation nouvelle par rapport à vos précédents travaux... 

     

    E.N. : Pas vraiment. Dans Le fascisme dans son époque, je considérais déjà le fascisme comme un antimarxisme fondamental, quelles que soient les distinctions que l'on peut faire ensuite entre fascisme-mouvement et fascisme-régime, fascisme normal et fascisme radical. Plus précisément, je définissais le fascisme comme un antimarxisme qui vise à anéantir son ennemi en développant une idéologie radicalement opposée à la sienne (encore qu'elle en soit proche) et en appli­quant des méthodes presque identiques aux siennes, non sans les avoir transformées à sa manière, et cela dans le cadre inébranlable de l'auto-affirmation et de l'autonomie nationales.

    D.V.: Sur ce point, l'utilisation indistincte du terme « fascisme » pour désigner les idéologies mussolinienne et hitlérienne risque d'introduire une certaine confusion. Le fascisme historique, authentique, né en Italie, présente des caractéristiques spécifiques très éloignées du nazisme. A mon sens, l'une des grandes différences avec le national-socialisme, et surtout avec la vision hitlérienne du monde, réside dans le fait que cette dernière se réclame d'une interprétation scientifique - ou prétendue telle - de l'histoire. Le darwinisme et le racisme biologique sont absents du fascisme italien. En revanche, dans Mein Kampf et dans les Libres propos, Hitler prétend à une justification scientifique de ses idées. Or, ce désir de scientificité du national-socialisme est aussi un trait de l'idéologie marxiste, qui se présente comme une « science », une compréhension rationnelle des lois déterminant la structure des sociétés et les mouvements de l'histoire. Je serai donc tenté de fonder sur ce point précis une parenté du national-socialisme et du bolchevisme, parenté qui exclut le fascisme italien.

    E.N.: Vous avez raison. Mais en plus du biologisme darwinien rôle de l'antisémitisme. Celui-ci permet à la doctrine hitlérienne de développer une philosophie de l'histoire proche quoiqu'opposée au marxisme. L'annihilation d'un peuple mondial voulue par Hitler est une réponse à la destruction d'une classe mondiale froidement envisagée par les bolcheviks. L'antisémitisme donnait à l'idéologie nationale-socialiste une dimension globale, universelle et, à sa manière, « rédemptrice ». A ce titre, l'antisémitisme est une nécessité intérieure du nazisme, que Mussolini et les doctrinaires du fascisme n'ont jamais développée.

    D.V.: On peut se demander si la prétention scientifique commune au national-socialisme et au bolchevisme n'est pas un des ressorts essentiels de ce que l'on a appelé le « totalitarisme ». Ce siècle a certes connu des abominations qui ne relevèrent ni du communisme ni du nazisme. Mais, en dehors des marxistes et des nationaux-socialistes, personne ne cherchait à justifier ses crimes par des arguments scientifiques. On invoquait plutôt les nécessités inhérentes à certaines situations. Or, voici deux mouvements idéologiques qui n'entendent pas se soumettre à la contingence historique, mais veulent la conformer à la vision rationnelle-scientifique qu'ils s'en font, qui justifie à leurs yeux tous les moyens. Ne tient-on pas là une clef fondamentale du totalitarisme?

    E.N.: Dans Mein Kampf, Hitler ne souhaite pas seulement opposer à l'idéologie de l'ennemi une idéologie « de même force », mais « de plus grande vérité ». Sur ce point, et au-delà du caractère scientifique dont nous parIons, il convient à mon sens de reconnaître que la philosophie de l'histoire du marxisme est authentique, alors que celle du national-socialisme est artificielle. Par authentique, je veux dire que le marxisme se fonde sur une idée très ancienne, sur un fond réel des aspi­rations humaines - la société sans classes, l'égalité entre tous, l'histoire sans conflit, la réconciliation de l'humanité, etc. Or, chez Hitler, on ne trouve pas une telle assise universelle. En ce sens, j'ai parlé de « copie pervertie »: le communisme est antérieur en tant que construction idéologique, mais aussi plus originel en tant que fond philosophique. Hitler ne peut être comparé ni à Marx ni à Staline, mais bien à Lénine.

    D.V.: Dans votre livre, vous soulignez combien la Première Guerre mondiale introduit une nouvelle barbarie dans la conduite des opérations militaires. Celle-ci n'est une invention ni du marxisme, ni du national-socialisme. Vous citez très justement la stratégie anglo-saxonne du blocus, qui était destinée à affamer le peuple allemand. jusqu'alors, la guerre ne concernait peu ou prou que les soldats: désormais, la population civile devenait une cible légitime. je pense, pour ma part, que dans leur extrémisme, le bolchevisme et le nazisme sont les produits de la Première Guerre mondiale et de son déchaînement illimité de violence.

    E.N.: Il me semble que ces barbaries, accomplies par des nations qui étaient considérées comme des « États de haute culture », auraient pu être « digérées » par ces mêmes États s'ils étaient parvenus à établir une paix juste et à s'intégrer dans la Société des nations. Mais la révolution de 1917 et l'instauration du communisme en Russie, qui s'inscrivaient à leur manière dans ces tendances à la déshumanisation manifestées par la cruauté des combats entre 1914 et 1918, ont entièrement changé la donne dans l'entre-deux guerres. D'où la responsabilité que j'attribue au bolchevisme dans le déclen­chement de la guerre civile européenne.

    D.V.: Le noyau initial du bolchevisme et surtout du national-socialisme était composé d'hommes qui avaient combattu sur le front en 14-18. Leur vision des choses avait été transformée par l'expérience de la guerre et, pour certains d'entre eux, de la défaite. Vous le soulignez dans votre livre: Hitler plus que d'autres a vécu comme une douleur et une humiliation terribles l'effondrement de l'armée impériale. On peut se demander si sa vision hyperconflictuelle de la vie politique ne doit pas beaucoup au sentiment de répulsion éprouvé face à cet effondrement. jusqu'à la fin, il aura la volonté d'être plus dur encore que tous ses adversaires, pour que l'Allemagne ne connaisse jamais une honte comparable à celle de 1918.

    E.N.: Les anciens officiers étaient en effet nombreux dans les rangs de la NSDAP - ce que Trotski, ayant lui-même contribué au massacre ou à l'enrôlement forcé des officiers russes, avait oublié lorsqu'il prévoyait l'écrasement probable des « petits-bourgeois » nationaux-socialistes par les communistes. Toutefois, si Hitler n'avait été, comme Rühm, qu'un ancien soldat perdu dans la vie civile, il n'aurait pas connu son destin. Au-delà de l'amertume propre aux sentiments nationalistes de l'époque, Hitler entendait devenir le soldat d'une idéologie et il dut pour cela prendre des leçons auprès de l'idéologie adverse. Certains soldats revenus du front ne peuvent s'accoutumer à la paix. Dans le cas du bolchevisme et du national-socialisme, la vraie question ne résidait pas dans une distinction entre temps de paix et temps de guerre: ces deux doctrines voulaient avant tout purifier le monde. Cette tension vers l'anéantissement de l'adversaire, constitutive de la guerre civile, existait dans un camp comme dans l'autre. J'en cite de nombreux exemples dans mon livre. Ainsi l'intellectuel de gauche Kurt Tucholsky écrit-il l'été 1927 dans ses Oanische Felder: « Que le gaz s'infiltre dans les pièces où jouent vos enfants! Qu' i Is s'affaissent lentement, les poupons. A la femme du conseiller ecclésiastique et du rédacteur en chef, à la mère du sculpteur et à la sœur du banquier, à toutes je souhaite une mort cruelle et pleine de tourments ». Même replacé dans le contexte des exactions brutales des corps-francs, ce genre d'exercices imaginatifs donne une idée de la violence de l'époque.

    D.V.: Votre thèse est que l'histoire euro­péenne, entre 1917 et 1945, est dominée par une guerre civile entre bolchevisme et anti­bolchevisme. Or, le monde anglo-saxon est lui aussi porteur d'une certaine vision du monde, une vision très différente de celles qui se développent sur le continent euro­péen. Vous montrez bien dans votre essai que Roosevelt voulait la guerre. Mais du point de vue qui était le sien, il ne s'agissait pas seulement d'écraser le national-socialisme, mais également d'éliminer une puissance capable d'unifier l'Europe sous sa direction. Cette intervention d'un troisième acteur dans la guerre civile européenne a modifié, non seulement les rapports de force, mais aussi les perspectives idéologiques. je pense ici à la manière dont Oswald Spengler, dès 1920, opposait le monde anglais et le monde prussien, en montrant qu'ils correspondaient à deux modes d'existence collective et à deux visions de l'avenir radicalement contraires. Spengler parle très peu du bolchevisme: à ses yeux, le grand antagonisme oppose le monde organique européen (symboliquement, la Prusse) et le monde mercantile anglo-saxon (symboliquement, l'Angleterre). Ne peut-on dire que 1945, de ce point de vue là, fut aussi une victoire contre l'Europe?

    E.N.: Mais aussi, d'un autre point de vue, une victoire pour l'Europe, si l'on considère le système « libéral » comme un système originairement européen. Par système libéral, j'entends le régime politique fondé sur la séparation et la balance des pouvoirs, et au-delà, sur la pluralité d'expression des réalités sociales. Un tel système, très imparfaitement maintenu aux États-Unis, n'existait plus en Europe sous la férule nationale-socialiste ou bolchevique. En ce sens, la victoire des États-Unis a permis la survie d'une forme d'organisation de la vie politique que je crois européenne dans son essence. Au fur et à mesure de son évolution, Hitler se pensait de plus en plus comme un ennemi de l'Europe existante - l'Europe des classes dirigeantes, l'Europe chrétienne, etc. Comme les bolcheviks, Hitler voulait faire table rase sur le Vieux Continent, mais dans le sens d'un mode de vie archaïque, fondée sur la vertu militaire. Bolcheviks et nationaux-socialistes combattaient chacun à leur manière contre l'histoire, l'un vers une post-histoire « radieuse », l'autre vers un retour aux commencements, avant cette décadence que les nazis voyaient par­tout à l' œuvre dans les siècles récents de l'Europe.

    D.V.: De la « querelle des historiens » à l' « affaire Sioterdijk », en passant par les prises de position très discutées d'auteurs comme Günter Maschke, Botho Strauss, Heimo Schwilk, Rainer Zitelmann, Martin Walser, on a le sentiment d'un réveil du débat outre-Rhin. Ce qui ne va pas sans inquiéter certains esprits, à commencer par celui que l'on a présenté comme le philosophe officiel de l'ancienne République de Bonn, Jürgen Habermas. Qu'en est-il?

    E.N.: Voici quelques jours, j'ai tenu une conférence à Turin sur l'éthique de la discussion, concept forgé par Habermas. A mon sens, si l'on considère cette éthique de la discussion dans la totalité de ses conséquences, elle aboutit au spectre terrifiant d'une huma- nité clonée. Car ce que Habermas recherche comme finalité de la discussion rationnelle, c'est le consensus général. Or, celui-ci n'est possible qu'au prix de l'éradication des différences entre les hommes. Dans sa polémique avec le philosophe de Francfort, Sioterdijk l'a qualifié de « jacobin » dans la mesure où il se veut une sorte de pape séculaire régentant tous les termes le débat.

    Je ne sais si tous les exemples que vous citez sont réellement représentatifs d'un renouveau du débat proprement dit. Il s'agit plus de « scandales » lancés par des médias qui recherchent des événements susceptibles de capter sur une courte durée l'attention du grand public. La querelle des historiens, par exemple, n'a pas été continuée et la publication de ma correspondance avec François Furet ne l'a pas réveillée. De même, la traduction récente du Livre noir du communisme s'est surtout soldée par des polémiques lancées par d'anciens gauchistes contre Stéphane Courtois.

    D.V.: Les querelles idéologiques sont la version froide de la guerre civile. Elles ne prêtent pas au débat, sauf en de brèves occasions, entre dissidents rendus à la liberté par leur dissidence. Mais, d'une façon générale, cela se fait en dehors des grands moyens d'expression qui sont sous contrôle de la pensée unique.

    E.N.: Depuis la fin de la guerre froide, le libéralisme - à ne pas confondre avec le système libéral d'équilibre des pouvoirs dont nous parlions - tend en effet à devenir la pensée unique de l'Occident. Ce n'est pas un totalitarisme au sens classique du terme, car cette notion est liée à la violence physique à l'encontre des personnes. Mais il s'agit bien d'une espèce de totalitarisme doux ou mou, d'une forme inconnue jusqu'à ce jour. Le « politiquement correct » se traduit ainsi par un spectre très restreint d'opinions acceptables dans le débat public.

    D.V.: Ce blocage du débat est patent en ce qui concerne la mémoire du national-socialisme et celle du communisme: la comparaison dépassionnée des deux totalitarismes n'est toujours pas à l'ordre du jour ...

    E.N.: Oui, et il y a beaucoup de causes à cela. En France, par exemple, j'ai le sentiment que les communistes dans leur immense majorité ont été des hommes de gauche avant tout préoccupés de questions sociales françaises: la Russie paraît donc lointaine, et la réalité du communisme russe plus lointaine encore. Par ailleurs, la France ne pourrait pas se quaifier de « victorieuse » sans reconnaître son alliance avec Staline: elle a donc une obligation de gratitude envers la Russie communiste - ce dont témoigne encore votre station de métro Stalingrad!

    Au-delà de ces raisons, qui relèvent du passé singulier de chaque nation, la différence de traitement entre national-socialisme et bolchevisme tient aussi à la profonde affinité des doctrines universalistes. Le national-socialisme fut un particularisme, un racisme au sens réel du terme - et non au sens impropre des polémiques médiatiques qui, à travers un supposé « racisme », condamnent toutes les formes de l'instinct de conservation. Les nationaux-socialistes furent, pour beaucoup, des racistes authentiques: ils croyaient à la hiérarchie des races, ils possédaient une vision supranationale d'un destin racial commun, etc. Cette vision particulariste de l'histoire reste étrangère aux autres doctrines de la modernité, qui peuvent au moins se trouver un fond commun sur la question de l'universalisme.

    D.V.: Curieux universalisme que celui du communisme, qui impliquait la liquidation de la moitié non prolétarienne de l'humanité! Quant au racisme hitlérien, on peut se demander s'il ne comportait pas beaucoup plus d'universalisme qu'on ne l'a dit. On ne saurait oublier son opposition doctrinale et politique au différentialisme culturel, ethnique ou national. Mais pour conclure provisoirement ce débat, je voudrais attirer de nouveau l'attention sur une conséquence majeure de la Deuxième Guerre mondiale. Celle-ci ne s'est pas seulement terminée par la défaite du nazisme, ce dont on se réjouirait, mais aussi par la victoire écrasante de l'Union soviétique et des États-Unis, deux puissances hostiles à l'Europe et à ses valeurs de civilisation. Avec le recul du temps, on voit bien que, malgré les efforts ultérieurs du général de Gaulle, cette guerre fut une catastrophe pour l'Europe et les Européens.

    Propos recueillis par Charles Champetier (Eléments n°98, mai 2000)

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