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Points de vue - Page 432

  • J'ai deux Zemmour...

    Nous reproduisons ici un article de Jérôme Leroy, écrivain et auteur de plusieurs excellents polars d'anticipation, publié sur Causeur, à propos des poursuites engagées à l'encontre d'Eric Zemmour.

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    J'ai deux Zemmour

    Le moyen le plus simple pour perdre des amis, ou faire le tri, est assez simple. Il suffit de dire ce que l’on pense vraiment sur certains sujets comme, au hasard, l’islam, le vin naturel, la délinquance, le conflit israélo-palestinien, le retour de la mode des gros sacs chez les filles ou le procès fait à Eric Zemmour. J’ai donc décidé d’en avoir beaucoup moins, d’amis, en disant que je trouve absolument scandaleux qu’Eric Zemmour soit poursuivi devant les tribunaux. Je sais très bien ce qui va se passer mais c’est plus fort que moi.

    À gauche, on va me soupçonner (on est souvent suspicieux à gauche). On va dire qu’au fond, j’ai toujours été de droite et qu’il n’y a qu’à faire un tour dans ma bibliothèque pour le savoir. Ça passe son temps à lire Bloy et Bernanos, Drieu et Nimier et ça vient se prétendre communiste.
    À droite, on va ricaner (on est souvent ricaneur à droite). On va dire que je veux faire mon malin, mon anticonformiste mais au fond, que je suis toujours pour l’appropriation collective des moyens de production et que si ça se trouve, je pense que le bilan des pays de l’Est est globalement positif. Sans compter que l’on m’a vu soutenir Julien Coupat et que je passe son temps à dire du bien des étudiants anglais et des anarchistes grecs.
    En fait, j’ai envie de défendre Eric Zemmour malgré Eric Zemmour.

    Je m’explique. Eric Zemmour est poursuivi parce qu’il a fait du Eric Zemmour. Ça nous guette tous. Quand l’homme politique, le polémiste, le poète, l’écrivain, le journaliste sont trop sollicités, ils s’auto-pastichent, se caricaturent et finissent toujours par se ridiculiser ou par dire une bêtise. Paul Verlaine, qui avait compris ce danger, avait décidé de le prévenir et avait lui-même écrit un poème intitulé « Dans le genre de Paul Verlaine », histoire de montrer qu’il était conscient de ses tics.
    Eric Zemmour aurait dû faire du Eric Zemmour en privé et pas chez Ardisson dont on sait qu’il a une vieille pratique de l’interview conçue comme une chasse à l’homme sauf chez ceux qui font l’unanimité médiatique du moment. Eric Zemmour a fait du Eric Zemmour à cause de nous tous, aussi, nous ses auditeurs, ses lecteurs, ses spectateurs qui le détestons, l’aimons et parfois les deux à la fois.

    Par exemple, Zemmour a fait du Zemmour pour être encore plus aimé par une droite populaire et dure. Résultat, on finit par être aimé par le député tourquennois Christian Vanneste pour qui Marine Le Pen est une gauchiste, les homosexuels des sous-hommes et la France une nation chrétienne, forcément chrétienne, une nation qui fait n’importe quoi depuis, mettons, 1789. Quand j’ai appris que Christian Vanneste soutenait Eric Zemmour, je me suis dit que même si je n’étais pas toujours d’accord avec lui, il ne méritait pas ça, Zemmour. Et j’ai tout de suite pensé, allez savoir pourquoi, au titre du film qui a raconté le procès contre Charlie Hebdo au moment des caricatures de Mahomet.
    Mais Zemmour a aussi fait du Zemmour pour être encore plus détesté. Etre détesté est un grand plaisir narcissique, ce que ne savent pas les gens qui vous détestent car s’ils le savaient, ils cesseraient de vous détester pour ne pas vous faire plaisir. Le champion de la détestation zemmourienne, je crois, c’est Claude Askolovitch. Pour Claude Askolovitch, quand on dit le mot France, on est déjà fasciste. Et quand on dit le mot France et qu’on est de gauche, on finit par devenir fasciste un jour ou l’autre. Le syllogisme de la mort.

    La preuve, nous dit Askolovitch, Chevènement soutient Zemmour. Tiens, encore une bonne raison de soutenir Zemmour, ça, pour moi. Chevènement a beau avoir un peu oublié le volet antilibéral de son souverainisme, c’est tout de même en participant à sa campagne de 2002 qu’il m’est arrivé deux choses bénéfiques : ma rencontre avec Elisabeth Levy et la possibilité de penser enfin à peu près clairement l’articulation entre nation et progrès social, quand règne partout la mondialisation.
    Tenez, je pense que Zemmour, au bout du compte, n’est pas attaqué pour ce que l’on dit dans les gazettes mais parce qu’il critique la mondialisation et l’Union Européenne de façon tout aussi virulente qu’un altermondialiste dans un séminaire sur le commerce équitable à Porto Alegre. Et que l’on n’est pas habitué à ce que ce genre d’attaque vienne de ce côté là. Ou alors qu’on lui en veut, dans une société de l’indifférenciation sexuelle programmée, pour avoir rappelé, un peu brutalement, que le transgenre n’était pas forcément l’horizon indépassable des rapports homme/femme.

    On sait très bien, depuis l’Antiquité, que les porteurs de mauvaises nouvelles paient pour la mauvaise nouvelle. On fait semblant, quand on les traduit devant les tribunaux, de leur en vouloir pour une chose, par exemple l’immoralité pour Flaubert ou l’antisémitisme pour Céline. Alors que c’est en fait pour l’angle de vue inédit (on appelle parfois aussi cela le style) apportés sur nos manques et nos lâchetés qu’ils sont cloués aux gémonies et voués au pilori, à moins que ce ne soit le contraire.
    Pourquoi est-il poursuivi, d’ailleurs, Zemmour ? Parce qu’il a dit que la plupart des trafiquants en prison étaient noirs et arabes. Et alors, pour avoir fait quelques ateliers d’écriture en milieu carcéral, comme on dit, même pour moi, c’est évident. Il aurait même pu ajouter qu’on trouve aussi des Gitans, souvent spécialisés dans le braquage.
    J’ai mon idée, de gauche, sur le pourquoi de cette surreprésentation. Ce n’est pas celle de Zemmour. Enfin, je ne crois pas.
    Mais a-t-il dit pour autant, un seul instant, qu’ils étaient là en raison de prédispositions génétiques ou pour des raisons de formule sanguine ? Il ne me semble pas. S’il l’avait dit, cela aurait été, effectivement, raciste. Là, il a juste oublié de terminer sa phrase, ce qu’il fait si bien quand il écrit Petit frère, qui n’est pas aussi bon sur le même sujet que Ils sont votre épouvante de Thierry Jonquet, mais qui n’est pas mal tout de même. Il pense que c’est dû à la mondialisation qui a fait perdre le sentiment d’appartenance à une même nation qu’il définit à la Renan comme un plébiscite renouvelé chaque jour. Jusque-là, je serais plutôt du même avis.
    Pour le reste, savoir pourquoi il y a des gens dans les quartiers qui ne participent plus au plébiscite (mais est-ce que les patrons délocaliseurs et les exilés fiscaux y participent encore, eux ?), on a le droit d’apporter la réponse que l’on veut.

    Zemmour estime que l’islam y est pour beaucoup. D’autres pensent que c’est un facteur parmi d’autres, et plutôt marginal. J’en fais partie.
    Le principal est de pouvoir en discuter. Jusqu’au bout.
    Quitte à s’engueuler gravement. Mais loin des prétoires. Très loin. Sinon, la France va finir par ressembler à une série judiciaire américaine. Et elle a beau être esquintée, fébrile, angoissée, elle mérite mieux que ça, je trouve, la France.

    Jérôme Leroy (Causeur, 18 janvier 2011)

     

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  • Le catéchisme postmoderne...

    Nous reproduisons ci-dessous le texte d'humeur que Michel Onfray a publié dans le journal Le Monde daté du 9 janvier 2011.

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    Le catéchisme postmoderne

    Notre civilisation politiquement correcte diffuse, par le biais des médias légitimes financés par le marché, une pensée unique contre laquelle un intellectuel digne de ce nom ne saurait aller. Voici quelques-uns de ces lieux communs du catéchisme de notre époque : le libéralisme constitue un horizon indépassable en dehors duquel il ne saurait y avoir que gauche irresponsable, stalinisme, communisme, marxisme-léninisme, néobolchevisme et autres billevesées d'irresponsables ignorant la science économique, religion des temps sans religion ; l'Europe est une chance pour les nations et les peuples, une garantie contre les guerres, les dévaluations, les krachs boursiers, le chômage de masse ; Internet est un lieu de liberté libertaire, un espace de circulation élargie de la vérité qui échappe au marché ; l'islam est une religion de paix, de tolérance et d'amour et quiconque, livre en main, pointe dans le Coran pléthore de sourates antisémites, homophobes, misogynes, phallocrates, bellicistes, intolérantes, célébrant la torture ou la peine de mort, passe pour un dangereux islamophobe compagnon de route du Front national ; le terrorisme international provient des villages les plus reculés d'Afghanistan où il faut faire régner la terreur militaire occidentale, mais sûrement pas du Pakistan, qui a l'arme nucléaire, ni des monarchies du Golfe, qui possèdent le pétrole...

    Et puis cette idée largement répandue que quiconque parle de démocratie réelle ou revendique le souci du peuple est un démagogue ou un populiste ! Il faut bien que ces élites aient peur et de la démocratie authentique et du peuple véritable pour réagir de façon pavlovienne avec pareille insulte...

    La machinerie gaullienne a bipolarisé la vie politique. Elle ne laisse de chance, pour gouverner la nation, qu'à deux formations libérales : une droite et une gauche, que, souvent, le style et le ton séparent plus que les idées et le fond. Dès lors, quiconque doute du bien-fondé de ce système devient un homme à abattre.

    Ainsi, cette antienne en passe de devenir vérité de science politique qu'en 2002 un certain Jean-Pierre Chevènement aurait fait perdre Lionel Jospin dont on s'évertue à oublier qu'il avait pourtant clamé haut et fort que son programme n'était pas de gauche. Il est tellement plus facile de massacrer le bouc émissaire que d'analyser les raisons d'un échec pour prendre sa part de responsabilité.

    Les mêmes belles âmes recommencent : Jean-Luc Mélenchon prendrait le risque de faire perdre la gauche ! La gauche libérale, autrement dit la gauche de droite, la gauche dite de gouvernement, ne perd pas une occasion de se placer au centre, mais elle voudrait en même temps conserver le bénéfice et les suffrages de son aile gauche... Plutôt que de savoir qu'on ne peut avoir le beurre centriste et l'argent du beurre de gauche, la Rue de Solférino stigmatise ceux qui revendiquent clairement une gauche digne de ce nom.

    Pour éviter le débat sur la nature des gauches, une fois les arguments remisés, on insulte : populiste celui qui s'installe sur d'authentiques positions de gauche et réaliste celui qui nous vend une soupe libérale servie dans un bol vendu par le PS ! A la queue leu leu, les billettistes, les éditorialistes, les journalistes, les intellectuels qui disposent de leur rond de serviette dans les officines médiatiques libérales activent la machine à gifles : démagogue par-ci, populiste par-là...

    Pourtant, il suffit de se souvenir des discours tenus par leurs soins depuis des années : quid de la panacée libérale ? L'euro devait apporter le paradis sur terre, l'amour entre les hommes, du travail à gogo, la fraternité entre les peuples, le cosmopolitisme dans les chaumières, la fin du racisme... Nous en sommes loin : chômage, misère en quantité, pauvreté, paupérisation galopante, pays en faillite, foyers en détresse, prolétarisation des peuples, pleins pouvoirs à une mafia richissime et un carcan bureaucratique européen serré au plus près de la nuque citoyenne...

    Quid d'Internet, qui devait nous apporter la Bibliothèque nationale gratuitement dans nos campagnes reculées (ah ! ce bon Jacques Attali...), faciliter la vie de l'intelligence en mettant le savoir digne de ce nom à disposition de tout le monde ? Tout passe par le Net et quiconque ne dispose pas d'un ordinateur est un citoyen de seconde zone. Les traces laissées par l'usage de nos ordinateurs servent aux marchands, aux publicitaires, aux polices diverses et multiples. Ne parlons pas de la possibilité pour chacun de dire tout et n'importe quoi, de montrer son indigence sans vergogne pour en informer la planète en temps réel.

    Quid de la liberté qui devait régner à Bagdad, dont l'Occident jurait qu'il deviendrait le phare de la démocratie dans cette région ? Ou de l'Afghanistan ? Des villages détruits, des femmes et des enfants massacrés par les armées d'occupation, dont la France, sous prétexte d'empêcher des attentats dans le reste du monde.

    Quid du peuple dont plus personne ne parle sans une moue de dégoût, sauf Marine Le Pen, qui pourrait bien en retirer des bénéfices. On ne peut longtemps l'humilier en le négligeant au profit de l'oligarchie qui professe ce catéchisme politiquement correct, sans générer une colère qui, un jour, emporte tout sur son passage. Les élections présidentielles sont, malheureusement, des occasions de régler des comptes - qu'on le veuille ou non, c'est ainsi. L'oubli du peuple est la première cause de la colère du peuple. Sachant cela, la colère s'évite - si l'on veut. Sinon...

    Miche Onfray (Le Monde, 9 janvier 2011)

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  • Des analyses décapantes !...

    Polémiste talentueux, Alain Soral nous livre une analyse particulièrement décapante de la situation actuelle dans un entretien vidéo qu'il a accordé au site Ripoublik.com. Nous reproduisons ici deux parties de cet entretien. A voir et à écouter, en attendant la prochaine publication de son essai intitulé Comprendre l'Empire (Editions Blanche, 2011)

    Sur la République...

     

    Sur les prochaines élections présidentielles...

    Le reste de l'entretien est visible ici.

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  • Les Larmes d'Europe...

    Nous signalons la parution d'un ouvrage d'André Waroch, dont on peut lire certains des articles sur le site Europe Maxima, intitulé Les Larmes d'Europe, aux éditions Le Polémarque, dirigée par Laurent Schang. Ce recueil est préfacé par Georges Feltin-Tracol

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    Les Éditions Le Polémarque présentent Les Larmes d'Europe d'André Waroch, un recueil de dix essais salutaires et intempestifs, premier volume de la collection "Jeune Réaction". L'Europe, l'islam, la Russie, Israël, les communautarismes et la République..., autant de thèmes clés pour comprendre notre époque de fin de civilisation, abordés par un jeune penseur sans tabou, qui se définit lui-même comme souverainiste européen.


    Préface de Georges Feltin-Tracol. 118 pages, 12 euros + 4 de frais de port, à commander aux Éditions Le Polémarque 29 rue des jardiniers 54000 NANCY, ou sur l'Internet : lepolemarque@gmail.com

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  • Eurasie ou Eurosibérie ?...

    Nous reproduisons ici un texte de Pierre Le Vigan consacré aux notions géopolitique d'Eurasie et Eurosibérie.

     

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    Eurasie ou Eurosibérie ?

    Qu'est-ce que l'Eurasie ? En toute rigueur géographique c’est l'Europe plus toute l'Asie donc en incluant l'Inde, la Chine, l'Indochine, etc. Au plan géopolitique l'Eurasie désigne quelque chose de plus étroit, c'est l'Europe plus l'ancienne Union soviétique, autrement dit la Grande Russie d'avant 1914, donc avec les pays musulmans autour de la Russie, souvent de culture ouralo-altaïque, donc turcophones. C’est un concept d’Etat impérial non racial.

     

    On entend parfois parler d’Eurosibérie. Le concept est différent : il s’agit de l’Europe et de la Russie seule. C’est donc un « club chrétien », qui exclue les musulmans, cela se veut aussi un club racial « blanc », au demeurant dépourvu de toute cohérence, la notion de « race blanche » n’ayant guère de sens ethnique et encore moins de sens au plan historique.

     

    L’Eurasie est un concept qui vise à peser sur le destin du monde en favorisant un monde multipolaire. Il s’agit de peser aussi dans le sens de la paix par la création d’un vaste espace autosuffisant et largement autarcique. Il s’agit encore de donner un fondement géopolitique à un projet de civilisation, éloigné tant du productivisme américain que du productivisme chinois (ceci n’excluant aucunement de peser comme la Chine dans le sens d’un monde multipolaire). Au contraire, le projet restreint d’Eurosibérie ne protège pas le flanc sud de la fédération de Russie et à terme n’est pas tenable. Il rejette en outre les pays turcophones du coté de la Chine, créant un déséquilibre dont la conséquence, à terme, ne peut être que la perte de la Sibérie par la Russie donc une perte pour le projet Eurasien. Evidemment, le projet Eurasien inclut à terme la Turquie elle-même ; pour la bonne et simple raison qu’on ne peut vouloir inclure des pays turcophones sans la Turquie. Mais bien entendu, ceci n’a rien à voir avec le souhait, dans l’Union européenne telle qu’elle est de nos jours, de l’entrée de la Turquie dans l’Europe. Tant que la Grande Russie ne sera pas unie avec l’Europe dans l’Eurasie, la question de la Turquie dans cet Empire ne se posera pas. Là encore, l’Eurasie ne sera pas un concept racial ou « racialiste ». C’est pourquoi les Portugais originaires de telles anciennes colonies portugaises telles la Guinée-Bissau, quelle que soit la couleur de leur peau, les Antillais, Français ou Britanniques, y auront pleinement leur place.

     

    Eurasie ou Eurosibérie, conception nationale-étatique impériale ou Empire à base raciale, il faut savoir de quoi l’on parle. Tout n’est pas compatible.

    Pierre Le Vigan

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  • L'invasion des nanotechnologies...

    Un texte d'Anne-Corinne Zimmer, diffusé par le site grenoblois Pièces et Main d'Oeuvre et consacré aux nanotechnologies.

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    L'invasion des nanotechnologies

    Avec ses airs de science-fiction, la recherche sur les technologies de l'infiniment petit est pourtant une réalité d'autant plus inquiétante qu'elle est méconnue.

    Années 2000, dans les pays industrialisés : des investissements financiers sans précédent se font en faveur de la recherche et du développement des nanotechnologies. L'initiative française "Nano Innov", mise en place en 2008 sous les auspices du Commissariat a l'énergie atomique (CEA), prévoit le développement de trois "pôles d'excellence " 1 : à la clé, 1,15 milliard d'euros d'investissements publics sur cinq ans ou le financement de la recherche (publique) est entièrement subordonnée au partenariat public-privé et au développement d'applications commercialisables, brevetables, et donc, rentables.

    Le marché des nanotechnologies, estimé en 2010 à plus de 150 milliards de dollars devrait atteindre, en 2014, plus de 2 600 milliards, soit 15% de la production manufacturière mondiale (estimation Lux Research). La nanotechnologie travaille sur les dimensions de la matière inférieures à 100 nanomètres (1 nm=10-9 m, un milliardième de mètre). À cette échelle, on entre dans la physique quantique. Les matériaux et les éléments (graphite, argent, or, silice) acquièrent des propriétés nouvelles et radicalement différentes : ce qui était rouge devient vert, un métal devient translucide, un matériau non conducteur laisse passer l'électricité... Deux méthodes sont employées pour obtenir les nanomatériaux. La technique descendante : par procédés mécaniques, en réduisant la matière poudre à l'état nanoparticulaire par broyage à haute énergie. Ou la "technique ascendante" : les atomes sont assemblés, sous contrôle informatique, à l'image de briques, conférant formes et tailles souhaitées (tubes, fullerène 2...), afin d'obtenir la configuration recherchée. Ces remaniements au niveau atomique et moléculaire ouvrent aussi la voie à des assemblages hybrides, entre matière inerte et vivante. La conception de nouveaux matériaux multiplie l'éventail des matériaux, des applications et des profits.

     

    Dangers inconnus

    Depuis plus de 15 ans, les nanomatériaux sont massivement présents et s'imposent aux consommateurs sans qu'ils en soient informés car aucun étiquetage ni aucune réglementation n'encadre cette invasion : des articles de sports plus légers aux peintures et métaux de surface autonettoyants sous la seule action de la pluie, en passant par les diodes électroluminescentes pour écrans, les téléphones cellulaires ou les pneus longue durée ! L'alimentation n'y échappe pas. Les additifs alimentaires comme le nanosilice sont employés depuis les années 1990 comme anti-agglomérant. Les barres Mars sont enveloppées dans du papier contenant du nano dioxyde de titane de 1 à 5 nm. Autorisé dans sa forme non nano pour l'alimentaire (pour blanchir le glaçage des pâtisseries), son emploi est ici différent : transparent, il sert à empêcher l'oxygène de gagner l'aliment. La liste des nanoproduits est inconnue et impossible à établir, en l'absence d'obligation pour les producteurs, industriels ou revendeurs d'en déclarer la présence.

    Alors que le développement des nanos est soutenu massivement par les deniers publics, à peine 0,5 % de ces fonds sont consacrés à l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux. Cette carence d'évaluation et d'information est fondamentale pour comprendre ce qui se joue avec les nanotechnologies : tout se passe comme si aucun enseignement n'avait été tiré des désastres provoqués par de nombreuses substances chimiques disséminées au cours du siècle précédent. Tandis que le règlement Reach oblige enfin les producteurs à une évaluation des substances chimiques produites à plus de 10 tonnes par an, la règle appelée "No data, no market" 3 semble ne pas concerner les nanosubstances aux propriétés radicalement nouvelles. Autorités gouvernementales et agences sanitaires et de régulations en appellent à la nécessité d'évaluation et de réglementation depuis dix ans, tandis que le corpus des études scientifiques pointant la toxicité des nanoparticules ne cesse de s'allonger.

     

    Propriétés inédites

    Elles présentent en effet des caractéristiques inédites : une puissante réactivité chimique et une pénétration exceptionnelle, leur taille leur autorisant le franchissement de toutes les “barrières". Les études mettent en évidence les dommages sur l'ADN causés par les nanoparticules, un stress oxydatif (mort des cellules) et des effets inflammatoires. Une génotoxicité indirecte, atteignant l'ADN à travers des barrières intactes, à été mise en évidence. De façon générale, les nanoparticules se caractérisent par leur extrême mobilité dans l'environnement et dans les organismes. Quelle que soit la voie d'exposition (inhalation, ingestion, cutané), « elles peuvent être internalisées par les cellules, migrer vers le cytoplasme et le noyau et passer les barrières que l'on croyait les plus étanches du corps humain. Y compris la barrière placentaire », expliquait Patrick Brochard, toxicologue au Laboratoire santé-travail-environnement de Bordeaux II, devant l'Office parlementaires des choix scientifiques et technologiques (OPCST)4. « Les nanoparticules très fines et très allongées sous forme de fibres (comme les nanotubes de carbone) ne sont pas gérées par les cellules, et malgré tous les mécanismes de défense de l'organisme, la particule va persister, intacte, dans les tissus, à l'endroit où elle s'est déposée, ou bien elle va migrer... Cet ensemble d'effets peut entraîner des réactions sur des modèles in vitro : perte de fonction, hyperactivité cellulaire. Au-delà, une réaction inflammatoire au niveau des tissus est susceptible de déboucher sur des pathologies non spécifiques comme fibrose et le cancer », conclut le toxicologue.

     

    Une persistance indéfinissable

    De plus, aucune analyse du cycle de vie de ces nanomatériaux n'a été réalisée. Leur devenir dans l'environnement pose déjà question. Le nano-argent, abondamment utilisé comme antibactérien, risque, une fois libéré dans l'environnement, de rompre l'équilibre écologique en anéantissant les bactéries. Des nanopréparations de pesticides sont déjà sur le marché (BASF Syngenta, Bayer), avec l'avantage de mieux se dissoudre dans l'eau et d'être efficaces plus longtemps avec un dosage réduit. La plupart des nanoparticules sont déjà reconnues comme persistantes, toxiques, bioaccumulables, et capables de se mouvoir sans fin... Elles rempliraient ipso facto les critères pour entrer sur la liste de la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants. Pire, leur haute réactivité chimique leur permet de se lier aux polluants déjà en circulation (PCB, PFOS), leur conférant potentiellement une durée de vie encore plus longue. En dépit de cela, rien ne semble en mesure d'entraver leur développement. D'ailleurs, une partie non négligeable des financements publics alloués au plan Nano Innov est attribuée à « l'acceptabilité sociale ». Ce qui signifie présenter au public une myriade d'applications tenues pour réalisables et ne parler que des "bénéfices" : médicaux, environnementaux et, bien sûr, économiques.

     

    Vers un contrôle total ?

    Les nanotechnologies forment une révolution d'ensemble dont nanomatériaux et nanoparticules ne sont que les instruments. In fine, il s'agit de l'élaboration d'un véritable système, défini sous le terme de convergence et appelé "NBIC" : Nano, Bio, Info, Cogno 5. Soit la convergence de plusieurs technologies, biologie, sciences cognitives (neurosciences), informatique, robotique dont la nanotechnologie est l'élément habilitant. La biologie synthétique crée de nouveau systèmes vivants (autoréplicants) programmés pour exécuter des tâches précises : bactérie E. Coli surpuissante pour la dépollution, polymères nanobiologiques intégrant des protéines permettant aux objets de se reconstituer...

    Au-delà de l'alliance de la biologie, du vivant et de la nanotechnologie, se profilent les risques d'une humanité et d'une société entièrement sous contrôle, jusque dans ses comportements. Devant l`OPCST, François Berger, membre du réseau européen de nanobiotechnologie, Nano2life et chef de l'équipe de "Nanoneurosciences fondamentales et appliquées" au sein du pôle Minatec, donne un exemple des applications en cours avec un enthousiasme qui a de quoi inquiéter: « On peut manipuler le comportement alimentaire d'un singe en stimulant son hypothalamus (...). Il y a un réel danger dans les domaines de l'obésité ou de l'anorexie. Avouons que des outils implantés qui traiteront la maladie avant qu'elle n'apparaisse peuvent aussi être un avantage, même si cela a un côté impressionnant. (...) La valeur ajoutée des nanotechnologies transférées dans le domaine médical est indiscutable au niveau scientifique et industriel ».

    Le ministère de la Recherche n'a pu que confirmer l'existence de « technologies permettant de modifier le comportement humain », parmi lesquelles « l'inhalation de nanoparticules psychotropes». Bien sûr, la majeure partie des financements publics est allouée aux recherches pour la Défense et l'armement et la "sécurisation de la société", via les nouveaux instruments de contrôle (identification, RFID, puçages, traçabilité) permis par cette convergence. Les risques d'une espèce humaine sous contrôle (dont les outils sont aux mains d'une poignée de multinationales) sont trop importants pour ne pas questionner les fins poursuivies au moyen de la nanoscience.

     

    Anne-Corinne Zimmer, journaliste

     

     

    1. Ces pôles se situent à Grenoble (Minatec), Paris (Saclay) et Toulouse. L'ensemble des champs de la nanoscience est couvert et rassemble sur ces sites la recherche fondamentale et le développement industriel via les partenariats public-privé.

    2. Un fullerène est une molécule composée de carbone pouvant prendre une forme géométrique rappelant celle d'une sphère, d'un ellipsoïde, d'un tube (appelé nanotube) ou d'un anneau.

    3. "Pas de données, pas de marché" est la règle voulue par Reach.

    4. OPECST, Auditions publiques sur les nanotechnologies : risques potentiels, enjeux éthiques. Rapport n°3658 Assemblée nationale et n°208 Sénat (2007)

    5. Le projet américain NBIC porté depuis 2001 par la National Science Foundation a été exposé dans le rapport de W. Bainbridge et Roco « Converging technologies for improving human performances ». L'ETC Group a choisi de parler de BANG pour Bit (information) Atome, Nano, Gêne.

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