Vous pouvez écouter ci-dessous une excellente chronique d'Eric Zemmour, sur RTL, consacrée au dernier gadget américanisant de l'UMP, l'allégeance aux armes...
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Vous pouvez écouter ci-dessous une excellente chronique d'Eric Zemmour, sur RTL, consacrée au dernier gadget américanisant de l'UMP, l'allégeance aux armes...
Nous reproduisons ci-dessous un article passionnant du colonel Michel Goya, cueilli sur son blog La voie de l'épée et consacré au rôle important joué par les héros et les as dans les conflits tout au long de l'histoire. Officier des Troupes de marine, Michel Goya est historien militaire et spécialiste de l'analyse des pratiques de l'art de la guerre. Il est l'auteur de nombreux articles et de plusieurs ouvrages comme La chair et l'acier - L'armées française et l'invention de la guerre moderne (Tallandier, 2004) ou Irak, les armées du chaos (Economica, 2008). Son oeuvre illustre parfaitement le renouveau de la pensée militaire française.
De l'emploi et de la reconnaissance des super-combattants
Pendant la campagne sous-marine américaine contre le Japon de 1942 à 1945, contribution majeure à la victoire, la moitié des navires coulés fut le fait d’un 1/6e des capitaines. Les 44 meilleurs tireurs d’élite soviétiques ont, officiellement au moins, abattu plus de 12 000 hommes, dont beaucoup de cadres allemands, pendant la Grande guerre patriotique. Le record historique dans cette catégorie particulière appartient sans doute au Finlandais Simo Hayha, avec 542 « victoires » à son actif en 100 jours seulement. Parmi les fantassins, et en examinant seulement les Français pendant la Grande guerre, on découvre des dizaines d’hommes comme Maurice Genay, du 287e Régiment d’Infanterie, quatorze fois cité, ou Albert Roche, du 27e Bataillon de chasseurs alpins, décoré de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire, de la Croix de guerre avec 4 citations et 8 étoiles. Il a été blessé neuf fois et a fait, entre autres, un total de 1180 prisonniers allemands. Du côté des tankistes, le cas de Michael Wittmann, crédité de 200 destructions diverses (et de l’arrêt d’une division blindée britannique à Villers-Bocage le 13 juin 1944) a souvent été mis en avant. On connaît moins le sergent Lafayette G. Pool de la 3e division blindée américaine, qui a obtenu, avec son équipage de char Sherman plus de 258 victoires dans les combats en Europe de 1944 à 1945. Le phénomène semble s’appliquer à toutes les formes d’affrontements mais c’est dans le combat aérien qu’il est le plus facile à mettre en évidence. Si on examine le cas des As de la chasse française de 1915 à 1918, on trouve les noms de 182 pilotes, crédités d’au moins cinq victoires aériennes. Cette poignée d’hommes, à peine 3% des pilotes de chasse formés en France, a totalisé 1756 victoires homologuées sur un total général revendiqué de 3950, soit près de la moitié.
Une armée est finalement une machine à former les tueurs de faible rendement. Dans une application guerrière de la loi de Pareto, la majorité des résultats micro-tactiques sont le fait d’une minorité d’individus doués et dont ceux qui survivent assez longtemps obtiennent le statut d’As. On peut sur une seule action de combat, apparaître héroïque et brillant alors que l’on est que chanceux. Avec la répétition, le facteur chance s’élimine et les héros survivants apparaissent alors vraiment comme des experts. Outre d’être chanceux, leur point commun reste une stabilité émotionnelle et des capacités de coordination sensorielles et motrices supérieures à la moyenne. Passé un premier seuil d’expériences, ces capacités innées se développent très vite en se nourrissant de chaque victoire, jusqu’à un seuil de quasi invincibilité mais aussi souvent de dépendance.Ces soldats d’exception contribuent grandement à la victoire, quand ils ne les arrachent pas eux-mêmes par leur seule action. Il reste à déterminer leur place dans l’organisation militaire et dans la société. Dans un article du Times, l’historien britannique Ben Macintyre constatait qu’alors que les Britanniques déploraient la mort de plus de 500 soldats en opérations depuis 2003, aucun héros combattant n’était connu du grand public. Il constatait également que les soldats mis en avant par l’institution étaient des héros « secouristes », comme le caporal Beharry, récompensé de la Victoria Cross pour avoir sauvé des camarades lors d’embuscades en Irak en 2004 ou, dans le cas américain, des héros « victimes » comme Pat Tillman, tué en Afghanistan (par des balles américaines), ou Jessica Lynch, prisonnière en Irak et héroïne fabriquée. Tout se passait comme si combattre était devenu honteux.Les réactions en France après l’embuscade de la vallée d’Uzbeen, le 18 août 2008, rejoignent cette analyse. Si la perte de dix hommes a suscité une grande émotion, voire une sur-réaction victimaire, il n’a jamais été fait mention, par exemple, du comportement remarquable du sergent chef du groupe de tête, qui a réussi à s’extraire du piège en abattant lui-même plusieurs adversaires tout en commandant le repli de ses hommes. Les combattants naturels, et donc les As potentiels, existent toujours. Il reste à déterminer si une société et son armée peuvent espérer vaincre en refusant de les reconnaître.Extrait de « Le complexe d’Achille », in Inflexions n°16, mars 2011.Michel Goya (La voie de l'épée, 19 septembre 2011)
Nous reproduisons ci-dessous un excellent billet d'humeur de Coralie Delaume, cueilli sur Causeur et consacré à une chronique délirante de Michel Serres diffusée sur France Infos le 18 septembre... Les aventures d'Astérix le Gaulois, la célèbre bande-dessinée, seraient un vecteur du fascisme et du nazisme ! Il faut évidemment écouter cette chronique intitulée Astérix pour se persuader qu'on ne rêve pas ! ... L'absence d'humour des curés du politiquement correct est consternante...
Astérix, national-socialix ?
« Tintin au Congo, BD raciste », on connaissait. Cette blague belge est inscrite dans notre patrimoine indignatoire depuis belle lurette. Ce qu’on savait moins, en revanche, c’est qu’il existe nombre d’autres bandes dessinées nazies. Tour d’horizon :
Il y a quelques mois, un génie trop injustement méconnu publiait un Petit livre bleu dans lequel il livrait la quintessence de sa pensée politique. Pour lui, « la société des Schtroumpfs est un archétype d’utopie totalitaire empreint de stalinisme et de nazisme ». Le grand Schtroumpf? Une représentation de Marx. La Schtroumpfette? Une potiche blonde dégoulinante d’une niaiserie toute antiféministe. Quant au méchant sorcier, ennemi juré des lutins bleus, il est laid, avare et affublé d’un nez crochu « comme les capitalistes occidentaux dans la propagande communiste, Gargamel est mû par la cupidité, l’intérêt égoïste et aveugle. Il a tout du juif tel que la propagande stalinienne le représente ».
Dimanche dernier, c’était au tour de Michel Serres, d’alimenter l’autodafé. Dans sa chronique du 18 septembre sur France Info, l’homme s’en prenait à Astérix et Obélix, héros d’un « album de revanche et de ressentiment », faisant systématiquement l’apologie de la violence sous stupéfiants (la potion magique) et typiquement fascistoïde dans son « mépris forcené de la culture ». Il est vrai que les libations des intrépides gaulois se passent souvent hors de la présence du barde, dûment attaché et bâillonné. Ni une, ni deux, Serres décèle là l’illustration d’une maxime célèbre, qu’il attribue (à tort, d’ailleurs) à Goering: « Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver ».
Et l’on se prend à trembler en se rappelant les horreurs qu’on a sans doute offertes à nos enfants. N’avez-vous jamais songé que le monde enchanté de Winnie l’Ourson, peuplé d’animaux interlopes, n’est peut-être qu’une allégorie de cette bestialité froide tapie en nous et qui ne demande qu’à surgir ? N’avez-vous pas entrevu que l’appétence de l’ursidé pour le miel et sa tendance à chaparder ce nectar n’étaient probablement rien d’autre qu’une apologie de la gourmandise et du vol, autrement dit d’un péché doublé d’un crime ?
Heureusement qu’il reste les poupées. A condition bien sûr qu’on évacue la célèbre Barbie, dont on n’a point encore élucidé le mystère de ses liens avec le Klaus éponyme…
Nous reproduisons ci-dessous un texte de Jean-Paul Baquiast, animateur du site Europe solidaire, qui touche du doigt une vérité essentielle : les hommes politiques ne veulent pas abattre un système dont ils sont les clients...
Vive la banque d'affaire. Vive la fraude
Les économistes et observateurs les moins portés à la critique du capitalisme affirment aujourd'hui avec une grande unanimité que le salut de celui-ci supposerait le démantèlement de la dictature du pouvoir financier qui parasite dorénavant à son profit l'ensemble des activités productives.
Ceci devrait se traduire par une double série de réformes: ramener le système bancaire à son rôle premier de gestionnaire des épargnes et de financement des PME, interdire les activités spéculatives se déroulant dans le secret des paradis politiques et technologiques, qui permettent d'échapper aux contraintes fiscales et réglementaires.
Les mesures à prendre en ce but sont très simples et pourraient être comprises par tous les citoyens. Elles dépendent avant tout de l'intervention des gouvernements et des administrations de contrôle. Faire confiance à la bonne volonté réformatrice du pouvoir financier serait un leurre.
On pourrait donc penser que, à la veille d'élections générales, les candidats au pouvoir devraient en faire la priorité de leurs programmes. Toutes les autres réformes en découleraient. S'ils expliquaient aux électeurs la nécessité des décisions à prendre, ils auraient le soutien des peuples pour s'attaquer à la mise en oeuvre de ces réformes, malgré les résistances à prévoir. L'objection selon laquelle de telles réformes supposeraient un consensus international ne tient pas. Si personne ne commence, la dictature du pouvoir financier se poursuivra en s'amplifiant. S'en prendre à un tel pouvoir présente certes des risques majeurs, au plan national comme international, mais là encore il faut bien que quelqu'un donne l'exemple. On peut faire une comparaison. Si les manifestants syriens n'acceptaient pas de mettre leur vie en péril pour abattre le régime de Bachar al Hassad, celui-ci continuerait à les opprimer jusqu'à la fin des temps.
Il est donc curieux de voir, dans le cas des débats entre candidats socialistes à la présidence de la République, qu'en dehors de Arnaud Montebourg (et encore), aucun d'eux n'a vraiment insisté sur la priorité à donner à la réforme du système bancaire et à la lutte contre les gangsters en col blanc que que le courageux journaliste Marc Roche a décrit dans son livre "Le capitalisme hors la loi" (Albin Michel 2011). Les électeurs ne suivraient pas, dira-t-on. Mais, nous venons de le voir, ils suivront d'autant moins que personne ne prendra la peine de leur expliquer les enjeux en cause, et le rôle qu'ils pourraient jouer en tant que citoyens et agents économiques.
Les cyniques ou réalistes (dont nous ne sommes pas encore tout à fait) feront une autre hypothèse. Les partis de gauche, en France et en Europe, sont depuis des lustres des otages d'un Système qui finalement les nourrit en les pourrissant. Leurs candidats n'iront donc pas risquer de tuer la poule aux oeufs d'or. Les Français de gauche pourront se consoler en pensant que leurs homologues aux Etats-Unis avaient très vite compris que, derrière le Yes we can du sémillant Obama se trouvait et se trouve encore l'homme de confiance de Wall Street et de Warren Buffet.
Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 19 septembre 2011)
Vous pouvez lire ci-dessous un bon billet d'humeur de l'avocat Gilbert Collard, cueilli sur Nations Presse.Info et consacré à l'affligeante opération de com' organisée sur TF1 par la journaliste (?) Claire Chazal au profit de son bon ami DSK...
DSK Mea culpa TV
En France, on disait que tout finit par des chansons, même si c’était « le ça ira » ! Aujourd’hui, tout finit par des émissions de télévision, même si, un jour, çà n’ira plus du tout. Et voilà, comme au bon temps d’Anne Saint Clair, Claire Chazal, claire aussi, qui reçoit DSK au confessionnal cathodique, le seul vrai tribunal de notre temps temps. Il fallait bien que cette affaire de cul triste finisse par…une émission… Peu importe que la présentatrice soit une amie de l’épouse et que le rédacteur en chef la connaisse bien du temps impérial de sept sur sept… Les prises d’intérêts amicales n’ont pas d’intérêt pour les média, qui ne se privent pourtant pas de faire la leçon de morale.
Et voilà la valse des sondages sans lesquels il n’est pas de rigueur apparente : 53 % des français souhaitent que DSK quitte la politique et 22 % qu’il annonce sa candidature ; 22 % ! On rêve. La presque majorité des français semble se foutre (excusez) de ce qui s’est passé dans la chambre des humiliations. Une belle explication à la télé est le tour est joué, la « réconciliation avec la France commence », comme dit un communiquant de DSK. Et Nafissatou aura-t-elle un droit de réponse ? Sera-t-elle l’invitée du salon où l’on cause d’elle, de sa vie, de son honneur ? Cette unilatéralité est intolérable ! Elle révèle le pouvoir absolu de sélection arbitraire de certains média sur les gens, les images, les paroles, les angles ; ici on invite DSK, pas la plaignante, là, on choisit les ahuris de service pour les interviewer, on traque les crânes rasés, quitte même à les tondre pour les exhiber, on guette le doigt dans le nez, l’instant de sieste, le lapsus, la grimace, la pose ridicule rentable. Jusqu’où ira-t-on dans la caricature médiatique qui réduit l’homme à une fraction de seconde immortalisée par des marchands de méchanceté. Ils se sont regardés ? Ils se sont vus, ces railleurs rémunérés au mois pour se payer la gueule de l’autre ?
Mais, dimanche soir, tout était propre, précis comme l’écriture d’un scénario dit par deux acteurs rodés, robotisés dans les questions et les réponses, du petit cinéma télévisuel. On a eu le DSK vêtu de noir, en deuil de son destin, contrit, repentant, repenti, auteur d’une « faute morale dont on ne peut pas être fier », comme si l’on pouvait être, un jour, fier « d’une faute morale » ? Un DSK qui a confessé « une légèreté qu’il a perdu pour toujours. » Légèreté ? Quel mot léger pour une si lourde histoire. Un DSK qui s’accrochait au rapport du procureur qui n’a pas osé affronter un jury par crainte d’un échec. Ce qui n’est pas un non-lieu. Un DSK aux ambitions inhibées mais qui demeurent voraces. J’ai pensé, tout au long de l’interview, à la femme noire, immigrée, abandonnée, pauvre, traitée de menteuse, qui, quelle que soit la vérité que j’ignore toujours, n’était pas dans cette chambre pour son plaisir. A coup sûr ! Et puis, miracle, soudain, on passe de la chambre au coffre-fort monétaire, et là, l’homme redevient le technicien froid, capable de sauver la finance internationale. Il reprend sa place perdue à cause d’une intrigante illettrée qui en voulait à son fric. Je ne sais ce qu’en penseront les français, les sondages nous le dicteront, mais j’ai ressenti cette émission comme une chose indécente, vulgaire, où l’envie de pardon n’agissait pas. Je peux me tromper. Ce serait alors ma sensibilité qui me tromperait. En tout cas un mot aurait passionné un psychanalyste, un seul mot, lâché en fraude de l’inconscient dans une phrase, « en sus de dizaine de mensonges » En sus ! Sur l’écran noir de la vérité comment s’orthographie ce mot ?
Gilbert Collard (Nations Presse.infos, 19 septembre 2011)
Nous reproduisons ci-dessous un article du géopolitologue Aymeric Chauprade, publié dans Valeurs actuelles et consacré à la "victoire" en Libye...
Les faux calculs de l'ingérence
Une nouvelle fois, l’incantation à la religion des droits de l’homme a fait pleuvoir les bombes de l’Otan. Comme toutes les guerres de l’“Empire” auxquelles la France apporte son tribut, l’intervention en Libye a été menée au nom du devoir humanitaire de protection des populations civiles. Tous les ingrédients classiques de la guerre d’ingérence rêvée par Kouchner et ses amis furent au rendez-vous ... : les donneurs de leçons indignés (hier Glucksmann, aujourd’hui BHL), le conte pour “enfants de la télé” qui fait fi de toute réalité géopolitique (“un peuple entier dressé contre son dictateur”, alors qu’il s’agit d’une guerre civile Cyrénaïque contre Tripolitaine), l’absence d’esprit critique de la presse occidentale face à la propagande de l’Otan (diffusion de fausses scènes de liesse à Tripoli tournées au Qatar alors que les rebelles ne sont pas encore dans la capitale ; chronique de la cruauté du Guide), la contradiction permanente avec les principes affichés (quid de la chasse aux Noirs pratiquée par les rebelles et plus largement de l’épuration massive en cours contre les tribus restées fidèles à Kadhafi ?).
Et la realpolitik dans tout cela ? Si, en effet, le masque de l’hypocrisie servait un but géopolitique tangible, nous pourrions parler de realpolitik et accepter celle-ci au nom de l’intérieur supérieur du pays. Mais, pour au moins trois raisons géopolitiques fondamentales, l’ingérence en Libye (comme le furent celles en Yougoslavie, en Afghanistan et en Côte d’Ivoire) est l’ennemie des intérêts géopolitiques français.
La première raison est que l’opposition que nous soulevons n’est plus celle d’un tiers-monde impuissant. Le monde est devenu multipolaire ; les pays émergents n’ont qu’une envie, arracher à l’Occident ce masque humanitaire qui dissimule sa politique de terreur contre la souveraineté des peuples. Russes, Chinois, Indiens, Brésiliens, Sud-Africains : ces gens n’ont aucune illusion quant au but réel de guerres que leurs médias qualifient de néocoloniales et prédatrices (pétrole, gaz). En s’alignant sur les États-Unis, la France détruit son capital principal en politique étrangère : sa position d’équilibre, qui était respectée et demandée. Le monde change aussi chez nous, en Europe. Avec un double “non” (Irak, Libye), l’Allemagne s’est écartée de la géopolitique états-unienne comme elle rompra demain avec le capitalisme financier anglo-saxon. C’est elle qui demain ajoutera à son prestige industriel international une position d’équilibre qu’elle nous aura ravie.
La deuxième raison est que la chute de Kadhafi aggrave le chaos dans le Sahel. Le pillage des dépôts de l’armée libyenne dès le début de la guerre civile (comme en Irak en 2003), augmenté de nos parachutages d’armes et de munitions, transforme de fait le territoire libyen en une poudrière. Les tribus sont surarmées, à l’image des Touaregs pro-Kadhafi repliés vers leurs bases arrière nigériennes et maliennes et qui préparent déjà la revanche. Le Tchad ne sera pas épargné. Les trafics en tout genre (drogue, cigarettes, immigration), jusque-là endigués par les régimes autoritaires de Kadhafi et Ben Ali, vont exploser. Quant à nos “amis” rebelles, ce sont presque tous des islamistes radicaux ; les plus aguerris (les chefs) ont gagné leurs “lettres de noblesse” dans le djihad irakien… contre l’armée américaine (ce qui ne veut pas dire contre la CIA). L’assassinat, en juillet dernier, du ministre de l’Intérieur de Kadhafi rallié aux rebelles de l’Est ne s’explique que par la vengeance des islamistes contre leur ancien tortionnaire.
En favorisant l’effondrement des régimes autoritaires qui formaient le dernier écran protecteur de l’Europe face à la misère africaine, nous avons libéré des énergies qui vont travailler au service de trois buts : davantage d’immigration vers l’Europe, davantage de trafics, davantage d’islamistes.
Enfin, il existe une troisième raison pour laquelle un éventuel calcul stratégique français était par avance voué à l’échec. L’État libyen était déjà faible sous Kadhafi (lorsque les esprits seront apaisés, il faudra un jour mieux comprendre la nature du rapport entre le Guide de la révolution et son peuple), mais désormais et pour plusieurs années, il faudra parier sur l’absence quasi totale d’État libyen. Malheureusement, les Français, à la différence des Britanniques, n’excellent guère dans la manœuvre politico-économique (obtention des marchés) lorsqu’ils ne disposent pas de partenaire étatique clairement identifié. Les clés des marchés libyens se trouveront sans doute davantage au cœur des tribus que dans l’exécutif officiel. Si le président et son entourage voient dans les chefs rebelles auxquels ils ont déroulé le tapis rouge à l’Élysée l’incarnation de l’État libyen de demain, la désillusion risque d’être forte. Car il se pourrait bien que, cette fois, les Américains ne fassent pas l’erreur qu’ils ont faite en Irak en détruisant l’État baasiste et qu’ils cherchent au contraire à s’appuyer sur les anciens de Kadhafi plutôt que sur cette étrange “variété modérée de djihadistes démocrates” (!) dont l’entourage de Sarkozy nous vante les mérites.
Aymeric Chauprade, géopolitologue (Valeurs actuelles, 15 septembre 2011)