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Points de vue - Page 372

  • Europe : fusion des Etats, fission des sociétés ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une réflexion sur les développements possibles de la crise européenne, produite par Bernard Wicht et cueillie sur Le Polémarque, le site de Laurent Schang.  Spécialiste des questions stratégiques, Bernard Wicht est l'auteur de L'OTAN attaque (Georg, 1999) et de Guerre et hégémonie (Georg, 2002). Il a aussi publié récemment un court essai intitulé Une nouvelle Guerre de Trente ans ? - Réflexions et hypothèses sur la guerre actuelle (Le Polémarque, 2010).

     

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    Europe : fusion des Etats, fission des sociétés ?

    À court terme, vers quelle Europe se dirige-t-on ?[1]

    La question est loin d'être académique. Effondrement de l'UE ou raidissement sous forme d'une fédéralisation forcée ? A priori les deux options sont envisageable dans le climat actuel, cependant la seconde hypothèse me semble la plus vraisemblable compte tenu de la dynamique générale qui s'est enclenchée avec la crise de l'euro.

    En effet, si l'on suit les explications de l'historien britannique Niall Ferguson, spécialiste de la monnaie, il est plus facile de sortir de l'UE que de l'euro[2]. Si le Traité de Lisbonne prévoit la possibilité pour un État de quitter l'Union, ce n'est pas le cas pour l'euro où aucun mécanisme n'est prévu en la matière ; un peu comme les conquistadores des Grandes Découvertes, l'UE a semble-t-il brûlé ses vaisseaux et rendu un retour en arrière quasi impossible. De plus, matériellement une sortie de l'euro signifierait pour les États fortement endettés que leurs actifs seraient libellés en (nouvelle) monnaie nationale (drachme, lire, pesetas, etc.) tandis que leurs passifs resteraient libellés en euro : donc banqueroute assurée pour ces pays. À cette première explication touchant la quasi-impossibilité de sortir de la monnaie unique tant institutionnellement que concrètement, Ferguson en ajoute une deuxième : une monnaie nécessite impérativement un système fiscal et budgétaire unifiés, c'est la condition fondamentale de son fonctionnement à moyen et long terme.

    À mon avis, ce sont ces deux éléments structurels qui imposent une fédéralisation forcée de l'UE : une monnaie et l’appareil fiscalo-budgétaire l’accompagnant. L'euro a créé ainsi une dynamique débordant largement la capacité de décision des gouvernements, sans parler des réactions des populations. Il y a là un « moteur » au sens macro-historique, qui dicte le développement des sociétés en fonction de la logique défi-réponse[3]. On l'a d'ailleurs déjà vu à l'œuvre avec les changements de gouvernement en Italie et en Grèce, changements intervenus non pas suite à une élection mais sous la pression des marchés financiers.

    Ouvrons brièvement ici une parenthèse pour rappeler les trois moyens dont dispose un État pour faire face au surendettement public : 1) l’inflation ; 2) la mise en faillite ; 3) la confiscation de la fortune privée. Dans le cas présent, les deux premiers sont exclus. Car la monnaie unique rend impossible toute politique inflationniste nationale. Il en va de même d’une mise en faillite autoproclamée (comme le fit l’Argentine il y a une dizaine d’années) ; la simple velléité de l’ancien Premier Ministre grec de soumettre à référendum le plan de renflouement proposé par le couple franco-allemand a conduit à sa démission immédiate. Ceci indique également que pour se mettre en faillite, un État doit pouvoir s’appuyer sur l’accord ou le consentement tacite d’une large majorité de sa classe politique et de la population ; l’exemple grec et dans une moindre mesure italien tendent à montrer que c’est loin d’être le cas en Europe pour l’instant. Il ne reste donc que la confiscation de la fortune privée. À cet égard, les pressions exercées sur les banques suisses en vue de taxer par tous les moyens l’épargne qui s’y trouve, conjuguées à la propagande visant à dénoncer les « profiteurs » qui chercheraient par ce biais à ne pas payer l’impôt, tout ceci témoigne que c’est bel et bien cette troisième voie – la confiscation de la fortune privée – qui est envisagée pour faire face au surendettement public.

    Revenons au moteur évoqué plus haut à propos du rôle de la monnaie unique. Si une telle dynamique est à l’œuvre, vers quelle Europe fédérale se dirige-t-on : un « gouvernement européen » à Bruxelles comme semble le dire les décisions du dernier Sommet européende décembre 2011 (pacte budgétaire[4]), ou bien une autre forme plus ad hoc. Là aussi, je vois plutôt la seconde possibilité. Les réunions à répétition du G20 à l'instigation principale de la France et de l'Allemagne, les rencontres entre chefs d'État et de gouvernement et les premiers mécanismes régulateurs créés en dehors du cadre de la Commission européenne, les invitations contraignantes adressées à ces occasions aux responsables des gouvernements concernés (Grèce, Italie, etc.), le leadership assumé en la matière par la France (en apparence) et par l'Allemagne (réellement), tout cela indique une voie probable, à savoir non pas un fédéralisme dans le cadre institutionnel bruxellois mais une formule plus empirique dans laquelle, sous couvert intergouvernemental (Sommets, conférences ministérielles, réunions restreintes, etc.), l'Allemagne laisserait la France jouer le rôle de « puissance invitante » (afin de lui permettre de sauver la face) mais déterminerait le contenu de l'agenda réel. Outre les réunions en cascade précitées, un autre argument plaide en faveur d'une telle évolution : l'Allemagne connaît déjà au niveau national un système fiscal pouvant préfigurer celui d'une Europe fédéralisée « par contrainte ». Car, d'ores et déjà dans l'Allemagne des 16 Länder, il n'y a qu'un seul système fiscal au niveau fédéral ; contrairement aux cantons suisses les Länder ne disposent pas de compétences fiscales propres, ils ne lèvent pas l'impôt eux-mêmes. L'argent est collecté de manière centrale par le Bund et redistribué ensuite aux Länder au prorata de leur taille et de leur population.

    Un tel système peut donc très bien s'adapter à un cas de fédéralisation forcée. Et en tenant ainsi les impôts, on peut ensuite dicter les priorités des politiques budgétaires nationales ; un peu comme le FMI et la Banque mondiale ont imposé, dans les années 90, des ajustements budgétaires aux États africains en contrepartie des prêts accordés. Au passage, on retrouve donc la préoccupation actuelle de plusieurs historiens d'une africanisation de l'Europe (Cosandey, Attali).

    Comment cette centralisation pourrait-elle se dérouler concrètement ? Les populations rempliraient-elles des déclarations fiscales « allemandes » qu'elles enverraient ensuite à Berlin ? Peu réaliste. En revanche, la formule du pot commun est utilisée de longue date dans l'UE pour différents programmes allant de la Politique agricole commune à la Recherche scientifique. Il est ainsi possible d'imaginer grosso modo un vaste pot commun rassemblant les finances des États européens en difficulté, pot commun géré par l'Allemagne (et sous présidence honorifique française) dictant la rigueur budgétaire nécessaire en contrepartie des plans de sauvetage octroyé à ces pays. À partir de là, la fédéralisation se réalise de fait, de manière pragmatique et empirique, sous la pression financière mais sans réforme institutionnelle de l'UE (que l'on sait voué à l'échec depuis les référendums sur le projet de constitution européenne) - l'UE se trouvant en corollaire vidé, également de fait, de sa substance (Ferguson providebit).

    Conséquences d'une telle évolution : 1) fusion étatique accrue et accélérée sous leadership monétaire et financier franco-ALLEMAND ; 2) manifestations, émeutes et révoltes se développant de manière endémique en réaction aux politiques d'austérité ; 3) militarisation exponentielle des polices nationales en réponse aux émeutes et révoltes ainsi que recours croissant aux sociétés de sécurité privée pour faire face à l'ensemble des besoins. Il faut en outre supposer que, d'une part, les mouvements de type Wikileaks et Indignés auront d'ici là suffisamment discrédité les classes politiques nationales et que, d'autre part, le spectre du chaos et de l'anarchie aura été suffisamment agité, pour permettre à cette fédéralisation de ne pas se heurter à un obstacle démocratique trop important !

    Il est intéressant de relever que les trois conséquences susmentionnées correspondent presque trait pour trait à celles de la Grande Dépression médiévale des XIVe et XVe siècles. Cette dépression intervient en effet avec la saturation de l'économie féodale et débouche sur un renforcement du pouvoir des classes dominantes, sur des révoltes urbaines (Ciompi à Florence, Jacques à Paris, etc.), ainsi que sur la militarisation accrue en raison des guerres endémiques et du recours à des mercenaires (les routiers)[5].

    Bernard WICHT (Le Polémarque, 21 février 2012)

    [1] À ce stade, il est important d’insister sur cette dimension du « court terme », le moyen et long termes pouvant déboucher sur des conséquences assez différentes comme j’ai tenté de l’esquisser dans mon petit opuscule intitulé Une nouvelle Guerre de Trente Ans ? Réflexion et hypothèse sur la crise actuelle, Nancy, Le Polémarque, 2011.

    [3]Il importe de rappeler que l’évolution fondamentale des sociétés découle rarement des décisions des gouvernements et des plans établis par eux, ni des réflexions des philosophes. La raison humaine (comprise au sens d’un comportement dicté par des principes et un raisonnement apparemment rationnels) ne joue donc pas grand rôle. La plupart du temps c’est la pure logique défi-réponse qui dicte cette évolution et la direction de celle-ci dépend des dynamiques à l’œuvre et non tant des « réponses humaines » que l’on tente d’apporter. Ces dynamiques découlent essentiellement de l’économie, de la démographie, voire de la construction du pouvoir (au sens de prédation et hégémonie). À titre d’exemple en ce sens, il est frappant de constater que les États-Unis voient leur évolution actuelle dictée non tant par l’analyse rationnelle des besoins du pays et de la population, mais bel et bien par une dynamique purement hégémonique craignant l’émergence d’un peer competitor : d’où les nouveaux programmes d’armement, la défense du dollar par déstabilisation de l’euro alors que, pendant ce temps, à l’intérieur la société se délite à grande vitesse (notamment : de nombreuses petites villes devant renoncer à tout service public, la drogue en provenance du Mexique gangrénant déjà une moitié des États de l’Union). Ce sont de telles dynamiques qui décident et non les protestations, les historiens du temps long de Toynbee à Braudel l’ont maintes fois souligné.

    [5]Guy BOIS, La grande dépression médiévale, XIVe – XVe siècles : le précédent d’une crise systémique, Paris, PUF, 2000 (Collection Actuel Marx Confrontation).

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  • Claude Allègre parmi les siens...

    Nous reproduisons ci-dessous un portrait au vitriol de Claude Allègre par Claude Bourrinet, publié sur Voxnr. A lire !...

     

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    Nicolas, Claude, François et les autres

    Stefan Zweig, avant son suicide, le 22 février 1942, écrivit une nouvelle, Le Joueur d’échec, publiée à titre posthume, qui met aux prises, autour d’un échiquier, deux êtres que tout oppose. Le premier, Monsieur B., un aristocrate, a pratiqué le jeu subtil dans une geôle de la Gestapo. Le second, Mirko Czentovic, champion du monde des échecs, comme Claude Allègre peut être lauréat du Nobel etc., est un individu frustre, ignorant, redoutable tacticien, exécutant efficace. L’un est pourvu de ce que Pascal nomme l’esprit de finesse, dont la lucidité aiguë peut entraîner la faiblesse et l’impuissance, l’autre de l’esprit de géométrie, dont l’engrenage mécanique garantit une victoire, celle du tracteur, image chère à notre ancien ministre de l’éducation « nationale ».

    Les saillies grotesques de l’homme Allègre, qui ressemblent par bien des côtés, dans l’ordre intellectuel, aux provocations gouailleuses d’un Coluche, avec la même productivité démagogique, auraient pu apparaître, à la fin des années 90, comme le cas pathologique d’un imposteur étrangement parvenu sur l’un des sommets de l’appareil d’Etat. Mais au fond, on le vit bien dans les commencements d’un XXIe siècle, concept néomaniaque cher à tous les modernistes fétichistes, que la vulgarité, la caricature imbécile et agressive, allaient devenir, même au faîte de l’Etat, un mode de gouvernement.

    On apprend que le personnage a rejoint le QG de Nicolas Sarkozy, avec lequel il doit bien se trouver des accointances. Le plus pitoyable et le plus comique dans l’affaire, est que les journalistes collent au produit made in USA Allègre l’étiquette « socialiste ». Il est vrai que le système d’alternance gauche/droite demande encore que l’on croie aux apparences, comme les philosophes « éclairés », descendants des haruspices, appliquaient mécaniquement, selon les dires entendus de Voltaire, les gestes de la messe, tout en se clignant de l’œil, goguenards. Voilà encore un effet de la séduction présidentielle, dira-t-on. Il est vrai que plusieurs transfuges du parti socialiste, les uns mus par le ressentiment, d’autres par l’arrivisme, certains par des appétences sionistes et atlantistes, tous par un penchant avoué pour le libéralisme économique, ont rejoint les rangs de ce qu’on désigne comme la « droite ». Il est inutile de revenir sur ce qu’a été, durant les cinq dernières années, ce jeu de dupes, ce trompe-l’œil itératif, qui n’a fait qu’amuser la galerie médiatique, et contribuer à plonger le pays dans le désespoir.

    Le plus surprenant est que l’on accorde tant d’importance à des personnages aussi peu reluisants, dont la crédibilité, dans le domaine qui est le leur, est largement entamée. A ce titre, Allègre demeure comme un paradigme, un exemplaire de l’imposture récurrente, non seulement parce qu’il a mené une politique démagogique et dévastatrice au ministère de l’Education, avec le soutien et les conseil de cet autre Attila qu’est Philippe Merrieu, mais aussi, dans le domaine scientifique, il a enfilé comme des perles les bourdes, les erreurs, des ignorances qui auraient disqualifié n’importe quel lycéen. Qui ne se souvient pas de ses sorties bouffonnes, dénoncée par les spécialistes, sur la gravitation, sur la relativité, sur le réchauffement climatique, et, dernièrement, sur les OGM, qui seraient inoffensives pour l’environnement ? Celui qui conseillait jadis d’étudier au lycée les mémoires de Zinedine Zidane, et qui s’en prenait grossièrement aux professeurs, détenteurs du savoir, est sans doute le plus apte à lâcher des énormités. Mais ce triste sire, qui réside de façon quasi permanente aux USA, qui ne voit que par l’empirisme raboteur ango-saxon, qui présente en modèle l’enseignement dévasté du nouveau-monde, n’est-il pas finalement ce que l’on peut offrir de meilleur en guise de libéral estampillé ? Nous voyons chaque jour, parmi ces « économistes » qui hantent les plateaux de télévision, ce genre de spécimens aussi obtus que des reptiliens antédiluviens, auprès desquels un mammouth est une bête d’une subtilité sans pareille.
    La question essentielle serait de savoir pourquoi on passe si aisément de la « gauche » à la « droite ». Si l’on s’avisait d’enquêter sur l’hypothèse inversée d’une passe entre « droite » et « gauche », on serait bien prêt d’avouer qu’un tel effort est inutile. La « droite » en effet est d’accord avec la « gauche » sur presque tout ce qui touche les problèmes « sociétaux » et civilisationnels : elle est partisane, dans les faits, sinon explicitement, de l’immigration de masse, favorable au « métissage », ne hait point le mariage gay, l’euthanasie, même si elle y met parfois des airs de sainte Nitouche, électoralisme oblige, bafoue l’autorité des maîtres, des parents, crache sur notre Histoire nationale, quand elle ne la supprime pas, etc. Pourquoi un membre de la dite « droite » rejoindrait-il les troupes de la « gauche » si la « droite » n’est plus qu’une coquille creuse, ou, du moins, enveloppe les mêmes valeurs que celles de « gauche » ? S’il y est, à moins d’être sot comme un Orgon face à Tartuffe, il sait à quoi s’en tenir ! Il y a belle lurette que les valeurs de « droites » sont jugées désuètes, « ringardes » par une classe politique formatée par le même moule ! Mais, rétorquera-t-on, peut-être aurait-on, dans l’esprit sensible de quelque militant de l’MP, par aventure, des scrupules à voir le pays détruit par une politique libérale et mondialiste extrémiste, et voudrait-on, avec humilité, revenir à une politique équilibrée, dont l’Etat serait l’acteur volontariste, régalien, pour tout dire gaullien ? Pourquoi pas la « gauche », alors ? Seulement voilà : la « gauche » partage les mêmes convictions civilisationnelles que la « droite » en matière économique, sans parler des choix géopolitiques, sionistes et atlantistes, mondialistes et, in fine, comme un Strauss Kahn et un Attali ne cessaient de le marteler, le même projet de gouvernement planétaire, totalitaire, et dédaigneux des identités (hormis celles qui, provisoirement, peuvent servir à leur entreprise dévastatrice de nos racines).

    Les déclarations récentes de Hollande, dans le journal de « gauche » britannique, le Guardian, ne laissent guère de doute sur ce choix. Le candidat « socialiste » avance dans cet entretien qu’il ne faut pas prendre pour argent comptant ses déclarations belliqueuses contre la « finance », que la gauche, sous Mitterrand, avait déjà « réconcilié » le pays avec l’entreprise et la bourse, que les communistes sont cuits, bref, qu’il est un libéral pure souche. La preuve ? Il admire Tony Blair, dont on sait comment il continua la politique libérale de Margaret Thatcher, et comment il fut désigné par le sobriquet de « caniche de Bush », lui qui aligna son pays sur la politique agressive et colonisatrice des Américains en Irak, comment il mentit effrontément, fut accusé de crime de guerre etc. Beau modèle, en vérité ! Un peu comme ces responsables « socialistes » grecs, espagnols et belges, collaborateurs des fossoyeurs de leur propre pays, acteurs de plans de rigueur, dont Hollande, en Grèce, ne met pas en doute l’opportunité. Terra Nova, Groupe de réflexion qui l’influence, ne prend-il pas son inspiration dans le système politique et économique américain ? Les « primaires » ne sont-elles pas un plagiat grotesque des mœurs outre-atlantiques ? En souhaitant un retour de la Grande-Bretagne au « cœur » de l’Union européenne, Hollande n’avoue-t-il pas explicitement un choix libre-échangiste, mondialiste, à domination anglo-saxonne, dont la prépondérance écrasante de la langue anglaise est l’illustration, perspective que le général de Gaulle craignait, et qui fut ouverte, comme l’on sait, en 1973, par l’entrée du Royaume uni dans le Marché commun ? Après l’avoir longtemps caricaturé par idéalisme idéologique, la « gauche » n’a-t-elle pas balancé, comme la France, le peuple français dans la corbeille de l’Histoire ?

    Si Allègre possède une qualité, c’est celle de synthétiser, dans sa médiocrité de fourbe, dans son cynisme de Ganelon, dans sa vulgarité libérale, dans sa brutalité de politicard roublard et méprisant, les tendances lourdes de l’UMPS.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 20 février 2012)

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  • Une gifle qui ne passe pas !...

    Elisabeth Lévy, qui, avec Eric Naulleau, remplace Eric Zemmour pendant quelques jours dans sa chronique matinale sur RTL, nous livre un billet d'humeur consacré à l'affaire de la gifle administrée par un maire à un jeune qui l'avait insulté...

     


    "RTL Opinions" : "La gifle qui ne passe pas !" par rtl-fr

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  • La France serait-elle suicidaire ?...

    Nous reproduisons ci-dessous l'appel d'un collectif d'écrivains et de philosophes, publié dans Le Monde (9 février 2012), qui prend la défense des humanités et de la culture générale, forcément inutiles dans un monde dominé par l'idée de rentabilité...

     

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    En renonçant aux humanités classiques, la France renonce à son influence

    Est-ce que la France serait devenue suicidaire ? En quelques mois, plusieurs sentences sans appel sont tombées, sans qu'on sache vraiment qui est à la manoeuvre : suppression de la culture générale à l'entrée de Sciences Po ; invention, digne des Monty Python, d'un concours de recrutement de professeurs de lettres classiques sans latin ni grec ; disparition de l'enseignement de l'histoire-géographie pour les terminales scientifiques...

    Autant de tirs violents, sans semonce, contre la culture et contre la place qu'elle doit occuper dans les cerveaux de nos enfants et des adultes qu'ils seront un jour. Une place qu'on lui conteste aujourd'hui au nom du pragmatisme qu'impose la mondialisation. Mais quel pragmatisme, au moment où, partout dans le monde, de la Chine aux Etats-Unis, l'accent est mis sur la culture et la diversité de l'éducation, le fameux soft power ?

    En bannissant des écoles, petites ou grandes, les noms mêmes de Voltaire et de Stendhal, d'Aristote et de Cicéron, en cessant de transmettre le souvenir de civilisations qui ont inventé les mots « politique », « économie », mais aussi cette magnifique idée qu'est la citoyenneté, bref, en coupant nos enfants des meilleures sources du passé, ces « visionnaires » ne seraient-ils pas en train de compromettre notre avenir ?

    Le 31 janvier s'est tenu à Paris, sous l'égide du ministère de l'éducation nationale, un colloque intriguant : « Langues anciennes, mondes modernes. Refonder l'enseignement du latin et du grec ». C'est que l'engouement pour le latin et le grec est, malgré les apparences, toujours vivace, avec près de 500 000 élèves pratiquant une langue ancienne au collège ou au lycée. Le ministère de l'éducation nationale a d'ailleurs annoncé à cette occasion la création d'un prix Jacqueline de Romilly, récompensant un enseignant particulièrement novateur et méritant dans la transmission de la culture antique. Quelle intention louable !

    Mais quel paradoxe sur pattes, quand on considère l'entreprise de destruction systématique mise en oeuvre depuis plusieurs années par une classe politique à courte vue, de droite comme de gauche, contre des enseignements sacrifiés sur l'autel d'une modernité mal comprise. Le bûcher fume déjà. Les arguments sont connus. L'offensive contre les langues anciennes est symptomatique, et cette agressivité d'Etat rejoint les attaques de plus en plus fréquentes contre la culture dans son ensemble, considérée désormais comme trop discriminante par des bureaucrates virtuoses dans l'art de la démagogie et maquillés en partisans de l'égalité, alors qu'ils en sont les fossoyeurs.

    Grâce à cette culture qu'on appelait « humanités », la France a fourni au monde certaines des plus brillantes têtes pensantes du XXe siècle. Jacqueline de Romilly, Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, Lucien Jerphagnon, Paul Veyne sont pratiqués, cités, enseignés dans toutes les universités du globe.

    A l'heure du classement de Shanghaï et dans sa tentative appréciable de donner à la France une place de choix dans la compétition planétaire du savoir et de la recherche, la classe politique semble aveuglée par le primat accordé à des disciplines aux retombées économiques plus ou moins aléatoires.

    Le président de la République, pour qui les universités américaines constituent un modèle avoué, devrait méditer cette réalité implacable, visible pour qui fréquente les colloques internationaux ou séjourne durablement aux Etats-Unis. Que ce soient les prestigieuses universités de l'Ivy League (Harvard, Yale, Princeton...) ou celles plus modestes ou méconnues d'Iowa ou du Kansas, toutes possèdent leur département de langues anciennes.

    Comment l'expliquer ? Par cette simple raison qu'une nation puissante et ambitieuse ne s'interdit rien et surtout ne fait aucune discrimination entre les disciplines, qu'elles soient littéraires ou scientifiques. Ce fameux soft power, ou « puissance douce », consiste à user d'une influence parfois invisible, mais très efficace, sur l'idéologie, les modes de pensée et la politique culturelle internationale. Les Etats-Unis, en perte de vitesse sur le plan économique, en ont fait une arme redoutable, exploitant au mieux l'abandon par l'Europe de cet attachement à la culture.

    Pour Cicéron, « si tu ne sais pas d'où tu viens, tu seras toujours un enfant. » C'est-à-dire un être sans pouvoir, sans discernement, sans capacité à agir dans le monde ou à comprendre son fonctionnement.

    Voilà la pleine utilité des humanités, de l'histoire, de la littérature, de la culture générale, utilité à laquelle nous sommes attachés et que nous défendons, en femmes et hommes véritablement pragmatiques, soucieux du partage démocratique d'un savoir commun.

    Romain Brethes, Barbara Cassin, Charles Dantzig, Régis Debray, Florence Dupont, Adrien Goetz, Marc Fumaroli, Michel Onfray, Christophe Ono-dit-Biot, Jean d'Ormesson, Erik Orsenna, Daniel Rondeau, Jean-Marie Rouart, Philippe Sollers et Emmanuel Todd sont écrivains et philosophes

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  • La dette infinie...

    Nous reproduisons ci-dessous un article d'Alain de Benoist consacré à la crise de la dette et publié dans le numéro de février de la revue Le spectacle du monde. Ce numéro, actuellement en kiosque, comporte un dossier particulièrement riche sur la crise, que nous vous conseillons vivement de lire.

     

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    La dette infinie

    En 55 avant notre ère, Cicéron écrivait : « Le budget devrait être équilibré, les finances publiques devraient être comblées, la dette publique devrait être réduite, l’arrogance de l’administration devrait être abolie et contrôlée et l’aide aux pays étrangers devrait être diminuée de peur que Rome ne tombe en faillite. » Il y a longtemps que la classe politique ne lit plus Cicéron ! Depuis la fin des années 1970, la plupart des pays industrialisés sont entrés dans un régime de dette permanente, dont même les périodes de forte croissance économique n’ont pas permis de sortir.

    La dette mesurée est celle des administrations publiques, qu’on appelle « dette souveraine » ou « dette publique ». La dette publique « au sens de Maastricht », mesurée en valeur nominale (et non en valeur de marché), se définit comme le total des engagements financiers des Etats contractés sous forme d’emprunts résultant de l’accumulation, au fil des années, d’une différence négative entre leurs rentrées et leurs dépenses ou leurs charges. Elle concerne trois secteurs : les administrations centrales, c’est-à-dire l’Etat proprement dit, les administrations locales (collectivités territoriales, organismes publics, etc.) et les régimes de Sécurité centrale.

    Le traité de Maastricht (1992) avait adopté comme principes que le déficit des Etats membres de l’Union européenne ne devait pas dépasser 3 % du produit intérieur brut (PIB) et que leur dette publique devait rester inférieure à 60 % du PIB. Ces objectifs n’ont pas été atteints. Globalement, la dette publique dans la zone euro a augmenté de 26,7 % depuis 2007. Elle représente aujourd’hui 80 % du PIB global de la zone. Mais il ne s’agit là que d’une moyenne. En 2011, huit pays de l’Union européenne affichaient une dette supérieure à 80 % de leur PIB : la Hongrie et le Royaume-Uni (80,1 %), l’Allemagne (83 %), la France (85 %), le Portugal (92 %), la Belgique (97%), l’Italie (120 %) et la Grèce (160 %). Les Américains ne se portent pas mieux : à l’heure actuelle, toute dépense publique faite aux Etats-Unis est financée à hauteur de 42 % par l’emprunt !

    En France, la dette publique ne représentait en 1980 que 20,7 % du PIB, soit l’équivalent de 92,2 milliards d’euros. En 2007, lorsque Nicolas Sarkozy a été élu à la tête de l’Etat, elle avait déjà atteint 64,2 % du PIB (1211 milliards d’euros). Elle s’élève maintenant à 85,3 % (1688 milliards d’euros), soit 30 % d’augmentation en quatre ans. Le rapport 2011 de la Cour des comptes laisse prévoir qu’elle pourrait atteindre 100 % du PIB en 2016. L’essentiel de la dette est porté par les administrations centrales : 1297 milliards d’euros sur 1646 milliards en 2011 (les collectivités locales n’étant endettées qu’à hauteur de 156 milliards, la Sécurité sociale à hauteur de 191 milliards). Quant au déficit des finances publiques, qui s’est établi en 2011 à 98,5 milliards d’euros, il continue à s’accroître au rythme de 3200 euros à la seconde !

    Le service de la dette représente le paiement annuel des emprunts souscrits arrivés à échéance. La charge de la dette représente le paiement des seuls intérêts, soit en France près de 50 milliards d’euros par an, ce qui correspond à 20 % du budget de l’Etat, à 89 % de l’impôt sur le revenu, ou encore à 140 % de l’impôt sur les sociétés. Le remboursement du capital de la dette s’élevant à environ 80 milliards d’euros, le service total de la dette représente aujourd’hui pour l’Etat 118 milliards d’euros, soit l’équivalent de la totalité de ses ressources fiscales directes. Quant au paiement des seuls intérêts, il est en passe de devenir le premier poste budgétaire de l’Etat, avant l’Education nationale, la Défense ou la sécurité. 

    Mais à qui doit-on tout cet argent ? Essentiellement aux marchés financiers, à des établissements bancaires, à des compagnies d’assurances, à des fonds de pension et à certaines sociétés de crédit. Ce sont eux qui « achètent » des titres de dette française, qu’il s’agisse des obligations assimilables du Trésor (OAT), les plus importantes en volume, qui sont des produits à long terme, des bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN), d’une durée de deux à cinq ans, ou des bons du Trésor à taux fixes et à intérêts précomptés (BTF), à très court terme. De fait, c’est aujourd’hui à travers la gestion des dettes des Etats que les marchés financiers sont structurés et organisés. Les établissements financiers échangent ensuite la dette qu’ils ont « achetée » sous des formes multiples, comme les produits dérivés, ce qui leur permet de spéculer à leur tour sur les marchés. 

    Le pays industrialisé le plus endetté est le Japon, avec une dette excédant 195 % de son PIB, mais l’essentiel de cette dette est détenu par les Japonais euxmêmes, ce qui met le Japon relativement à l’abri des aléas de la conjoncture internationale. Ce n’est pas le cas de la France, où 68 % de la dette négociable de l’Etat est entre les mains d’investisseurs « non résidents », c’est-à-dire étrangers. Quels sont les pays qui en possèdent le plus ? Il est impossible de le savoir avec certitude, car la loi interdit de divulguer cette information.

    Comment en est-on arrivé là ? Les causes sont évidemment multiples : déficits budgétaires à répétition (la France est en déficit depuis près de quarante ans), incapacité de la plupart des Etats à maîtriser leurs dépenses publiques, réformes fiscales et baisses d’impôts démagogiques (si la fiscalité n’avait pas changé depuis 1999, la dette française serait aujourd’hui d’environ 20 points de PIB de moins), désindustrialisation en partie due aux délocalisations rendues possibles par la mondialisation (dans l’ensemble des pays membres de l’OCDE, quelque 17 millions d’emplois industriels ont été détruits en l’espace de seulement deux ans), dérégulation, privatisations, etc.

    L’une des causes immédiates de la hausse de la dette réside dans les plans de sauvetage de la finance décidés par les Etats en 2008 et 2009. Pour renflouer les banques et les compagnies d’assurances, les Etats ont dû emprunter à leur tour sur les marchés, ce qui a accru leur dette dans des proportions énormes. Des sommes astronomiques (800 milliards de dollars aux Etats-Unis, 117 milliards de livres en Grande-Bretagne) ont été dépensées pour empêcher les banques de sombrer, ce qui a grevé d’autant les finances publiques. Au total, les quatre principales banques centrales (Réserve fédérale américaine, Banque centrale européenne, Banque du Japon et Banque d’Angleterre) ont injecté 5000 milliards de dollars dans l’économie mondiale entre 2008 et 2010. C’est le plus grand transfert de richesses de l’histoire du secteur public vers le secteur privé ! Un transfert qui a permis aux banques sauvées par les Etats de se retrouver créancières de leurs sauveurs…

    Le crédit, dans le même temps, n’a cessé de se généraliser. La possibilité offerte aux ménages d’emprunter pour couvrir leurs dépenses courantes ou acquérir un logement a été l’innovation financière majeure du capitalisme d’après-guerre. En s’endettant massivement, les ménages ont incontestablement contribué, entre 1948 et 1973, à la prospérité de l’époque des Trente Glorieuses, l’endettement permettant à la machine à consommer de continuer à tourner. Et le crédit s’est encore développé lorsque les monnaies, devenues fiduciaires, ont définitivement cessé d’être convertibles en or.

    La dette est un contrat entre deux entités portant sur un échange échelonné dans le temps. Le crédit se définit comme le pouvoir d’acheter en échange d’une promesse de payer. Le système ne fonctionne évidemment que si cette promesse est tenue.

    La crise actuelle, on le sait, a commencé aux Etats-Unis à l’été 2007, avec l’affaire des subprimes. Les ménages américains, incapables d’épargner, ont été systématiquement incités à s’endetter en hypothéquant leur logement. Comme le recours à l’emprunt n’était pour eux qu’un moyen de maintenir artificiellement leur niveau de vie en dépit d’une baisse de leurs revenus, les faillites n’ont pas tardé à se multiplier. Les banques et les compagnies d’assurances ont été à leur tour menacées, ce qui a conduit les Etats à emprunter massivement pour les renflouer. C’est ainsi que la crise du surendettement privé s’est muée en crise du surendettement public.

    La notion de dette est aujourd’hui fortement associée au mécanisme de création monétaire. L’ouverture de crédits par les banques privées est une création de monnaie scripturale, purement comptable, c’est-à-dire virtuelle, résultant d’un simple jeu d’écritures. Par la création monétaire, les banques créent ex nihilo un « pouvoir d’acheter » qu’elles transmettent à leurs clients emprunteurs. Cette monnaie représente aujourd’hui plus de 90 % de la masse monétaire. Son rôle est amplifié par l’effet multiplicateur du crédit permis par le système des réserves fractionnaires, qui permet aux banques de prêter plusieurs fois le montant de leurs fonds propres.

    Une grande partie des dettes publiques se trouve donc aujourd’hui dans les comptes des banques, qui n’ont cessé d’en acheter en se refinançant auprès de la Banque centrale européenne (BCE) à un prix quasi nul. En d’autres termes, les banques ont prêté aux Etats, à un taux d’intérêt variable, des sommes qu’elles ont elles-mêmes empruntées pour presque rien. Mais pourquoi les Etats ne peuvent-ils pas se procurer eux-mêmes les sommes en question auprès de la Banque centrale ? Tout simplement parce que cela leur est interdit !

    La date clé est celle du 3 janvier 1973, date à laquelle le gouvernement français, sur proposition de Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des Finances, a fait adopter une loi de réforme des statuts de la Banque de France disposant que « le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France » (art. 25), ce qui signifiait qu’il était désormais interdit à la Banque de France d’accorder des prêts – par définition non grevés d’intérêt – à l’Etat, celui-ci étant dès lors obligé d’emprunter sur les marchés financiers aux taux d’intérêt que ceux-ci jugent adéquats. Cette disposition a été ensuite généralisée dans toute l’Europe, avant d’être reprise dans le traité de Maastricht (art. 104), puis dans le traité de Lisbonne (art. 123), qui fait interdiction à la Banque centrale européenne de prêter aux Etats, ceux-ci se retrouvant dans l’obligation d’emprunter auprès de marchés ou d’établissements privés moyennant de forts taux d’intérêts. Les banques privées, elles, peuvent continuer d’emprunter à la BCE à un taux dérisoire (moins de 1%) pour prêter aux Etats à un taux variant entre 3,5 et 7 %.

    La loi de 1973 marque le moment où la Banque de France a abandonné son rôle de service public et dépossédé l’Etat de sa souveraineté monétaire. A l’origine, cette loi s’appuyait sur le fait que les prêts sans intérêts accordés par les banques centrales aux Etats favorisaient l’inflation. Ce n’était pas faux, mais on est passé d’un excès à l’autre. Au lieu de conserver le même système tout en mettant en place une procédure permettant de limiter l’inflation, on a purement et simplement décrété que les banques centrales ne pourraient plus prêter aux Etats – mais pourraient le faire aux banques à un taux d’intérêt ridiculement bas. On a ainsi transféré aux banques le privilège majeur des Etats, qui était le privilège de battre la monnaie, et donné au secteur privé le monopole de la création monétaire.

    Dès 1999, Maurice Allais, Prix Nobel d’économie, écrivait : « Dans son essence, la création monétaire ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique, je n’hésite pas à le dire, à la création de monnaie par des faux-monnayeurs. Concrètement, elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents. » (La crise mondiale d’aujourd’hui).

    Tout récemment encore, Mario Draghi, nouveau président de la BCE, a décidé d’accorder aux banques des prêts en euros à un taux de 1% sur trois ans, sans aucune limitation de montant. Le taux Euribor, c’està- dire le taux auquel les banques se prêtent de l’argent entre elles, étant de 1,9 %, les institutions financières de la zone euro ont ainsi accédé à des financements deux fois moins coûteux. Sans surprise, 523 banques européennes ont immédiatement souscrit au premier volet de cette offre, daté du 21 décembre 2011, pour un montant de 489 milliards d’euros – qu’elles vont maintenant pouvoir prêter aux Etats au taux qu’elles voudront !

    C’est ici qu’interviennent les agences de notation, dont le rôle est désormais bien connu (lire page 29). Plus un pays est bien noté, plus il a loisir d’emprunter à des taux réduits (de 1 à 4% en fonction de la durée de l’emprunt contracté). A l’inverse, un pays mal noté doit faire face à un relèvement des taux d’intérêt censé compenser le risque plus élevé que prennent les établissements et les marchés en lui prêtant de l’argent.

    Les agences sont-elles infaillibles ? Nullement, car il leur est impossible d’évaluer en toute objectivité un avenir par nature indéterminé. En décembre 2010, l’agence de notation Standard & Poor’s soulignait ainsi que « la France est notée AAA, soit la note la plus haute, avec une perspective stable, ce qui signifie qu’on ne voit pas cette note bouger dans les deux prochaines années ». Treize mois plus tard, la France perdait son « triple A ». Plus grave : les avis des agences de notation peuvent être comparés à des thermomètres qui, non contents d’enregistrer la température, la feraient automatiquement s’élever lorsqu’ils constatent qu’elle est mauvaise. Il suffit en effet qu’un pays soit « dégradé » pour que ses emprunts deviennent plus coûteux et que par conséquent sa situation s’aggrave.

    Résumons. Les Etats en déficit doivent emprunter de l’argent à des taux d’intérêt fixés par leurs créanciers en fonction de leur plus ou moins bonne santé financière supposée. Ces intérêts doivent aussi être remboursés. Etant en déficit, et n’ayant donc pas les moyens de rembourser leur dette ni leurs intérêts, les Etats font de nouveaux emprunts, d’abord pour faire fonctionner leur pays, ensuite pour rembourser le montant du prêt précédent, enfin pour rembourser les intérêts de ce dernier, ce qui a pour effet d’augmenter encore leur dette et d’alourdir encore leurs intérêts. Et comme leur situation s’aggrave, les taux d’intérêt qu’on leur impose augmentent eux aussi. Résultat : plus ils remboursent, plus ils empruntent et plus ils doivent payer. La dette est ainsi placée en situation de croissance exponentielle pour la simple raison que tout argent mis en circulation l’est par des prêts bancaires et que l’emprunteur doit toujours rembourser plus que le montant perçu. Spirale infernale.

    Comment en sortir ? La solution qu’ont choisie les Etats pour assainir la situation consiste à ponctionner les retraites, les allocations familiales ou les salaires des fonctionnaires, à réduire les programmes sociaux, à diminuer le nombre des fonctionnaires, à vendre ou à privatiser tout ce qui peut l’être (ce qui réduit d’autant leur patrimoine), à instaurer partout la rigueur et l’austérité. Le problème est que ces mêmes Etats veulent en même temps « relancer la croissance ». Or, les programmes d’austérité entraînent mécaniquement une aggravation du chômage et une détérioration du pouvoir d’achat, donc de la demande, ce qui ne peut que freiner la croissance et diminuer encore la solvabilité des Etats. Sous l’effet de l’austérité, l’économie ne peut plus être tirée par la consommation, qui est inéluctablement appelée à se contracter. Les classes moyennes et les classes populaires sont alors les premières à payer l’impéritie de la classe dominante. Lorsque l’austérité atteint un niveau jamais vu en temps de paix, les conséquences politiques et sociales menacent de déboucher sur le chaos.

    La mise en oeuvre de programmes d’austérité revient à « organiser la récession en Europe, avec pour résultat que les pays ne sortiront jamais du surendettement », déclarait récemment Hubert Védrine, interrogé par le quotidien québécois le Devoir. Avant d’appeler à « dompter les marchés » plutôt qu’à les rassurer, « car ces marchés ne sont pas un rassemblement de vieilles personnes inquiètes, mais un marécage de crocodiles ».

    Y a-t-il une autre façon de faire ? Une solution, au moins à court terme, serait que la BCE accepte de « monétiser la dette », c’est-à-dire de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort. Mais la BCE s’y refuse, l’Allemagne aussi et la Commission européenne également. Que faire alors ? Renationaliser l’économie et mettre fin à l’indépendance des banques centrales ? C’est ce que le gouvernement hongrois vient de faire, avec comme conséquence de s’exposer à une plainte pour « violation du droit communautaire » déposée par la Commission européenne. Effacer la dette ? Ce serait possible si tous les pays endettés l’exigeaient en même temps (la France, d’un trait de plume, a effacé en juin 2011 la totalité de la dette du Togo). Mais personne ne veut s’y résoudre.

    Alors ? Alors, faute de remettre en question les fondements du système actuel, chacun scie consciencieusement la branche sur laquelle il est assis. Les politiques se plaignent de dépendre des marchés financiers et des agences de notation, mais ils ont fait tout ce qu’il fallait pour se placer sous leur contrôle. Ils ont dérégulé les marchés pendant des décennies, ils ont libéralisé le crédit, ils ont toléré les délocalisations, ils ont permis aux banques de dépôt et aux banques d’investissement de fusionner leurs activités, ils ont interdit aux banques centrales d’aider financièrement les Etats, ils ont laissé la contrainte actionnariale se développer au-delà du raisonnable, ils ont donné aux agences de notation le pouvoir (qu’elles n’avaient pas auparavant) de noter les Etats, alors même qu’ils s’endettaient eux-mêmes durablement. Ils recueillent aujourd’hui les fruits de leur aveuglement.

    On appelle « usure » l’intérêt d’un montant abusif attribué à un prêt. Mais l’usure est aussi le procédé qui permet d’emprisonner l’emprunteur dans une dette qu’il ne peut plus rembourser, et à s’emparer des biens qui lui appartiennent et qu’il a accepté de donner en garantie. C’est très exactement ce que nous voyons se passer actuellement à l’échelle planétaire. Ce que Keynes appelait un « régime de créanciers » correspond à la définition moderne de l’usure. Les procédés usuraires se retrouvent dans la manière dont les marchés financiers et les banques peuvent faire main basse sur les actifs réels des Etats endettés, en s’emparant de leurs avoirs au titre des intérêts d’une dette dont le principal constitue une montagne d’argent virtuel qui ne pourra jamais être remboursée.

    Comme conséquence de la crise, l’Europe du Sud se retrouve aujourd’hui gouvernée par des technocrates et des banquiers formés chez Goldman Sachs ou Lehman Brothers. « Etre gouverné par l’argent organisé est aussi dangereux que de l’être par le crime organisé », disait Roosevelt.

    Il n’y aura pas de rétablissement spontané du système. Aucun pays n’a aujourd’hui les moyens d’arrêter la hausse de sa dette en pourcentage de son PIB, aucun n’a les moyens de rembourser le principal de sa dette. C’est la raison pour laquelle la crise de la dette est beaucoup plus grave que la crise de l’euro, qui ne joue, par rapport à elle, qu’un rôle de circonstance aggravante. La preuve en est que les pays industrialisés qui n’appartiennent pas à la zone euro sont tout aussi endettés que les autres, sinon plus. L’Europe s’oriente vers la récession, les Etats-Unis et le Royaume-Uni vers la dépression. En dépit de toutes les manoeuvres de retardement, une explosion généralisée semble inéluctable d’ici deux ans.

    Alain de Benoist (Le spectacle du monde, février 2012)

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  • Une sensibilité à fleur de peau...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur le site de Polémia et consacré à la très grande "susceptibilité" des représentants autoproclamés des minorités...

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    La « sensibilité » à fleur de peau des professionnels de la représentation des minorités

    Ceux qui prétendent représenter ou incarner les « minorités visibles » ont une curieuse caractéristique : leur extrême sensibilité à tout. Une sensibilité à fleur de peau, dirait-on en bon français.

    La « terre de souffrance » d’un député martiniquais

    M. Guéant vient d’en faire l’expérience.

    Il a suffit qu’il déclare, on ne sait pas trop pourquoi d’ailleurs, que « Pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas » pour que le député de la Martinique M. Letchimy non seulement se sente visé, mais en outre l’invective violemment. Et M. Letchimy d’ajouter : « Moi, Martiniquais, fils d’une terre de souffrance, je ne peux accepter ces propos ».

    Par contre, lui ne se gêne pas pour mettre en accusation à cette occasion « la France obscure qui cultive la nostalgie de l’époque de l’esclavage et de la colonisation » (Le Figaro.fr du 8 février 2012). On ne sait pas bien qui incarne aujourd’hui dans notre pays la nostalgie de l’esclavage. Mais M. Letchimy a tellement souffert en Martinique – pensez donc : il est député apparenté socialiste ! – qu’on lui pardonne, le pauvre.

    Black ou blonde ? Deux poids , deux mesures

    Le magazine Elle a déclenché il y a quelque temps l’ire des ligues de vertu communautaires pour un article sur l’évolution des pratiques vestimentaires des femmes de couleur (on dit « blacks » en novlangue). L’article paru le 13 janvier 2012 avait pour titre « Black fashion power » (sic) et, ironie du sort, se voulait positif. Mais voici l’auteur soumis à un torrent d’injures, accusé de racisme et prié de s’excuser sur-le-champ, alors que ce magazine est si politiquement correct ! On ne sait d’ailleurs plus trop ce qui était reproché à cet article : de parler trop ou pas assez de la « black fashion » ?

    Evidemment les blagues répétées sur les blondes ne posent aucun problème à ces censeurs. Ce ne sont jamais, bien sûr, des clichés « racistes » ni des « stéréotypes dégradants »

    Jean-Paul Guerlain comparaît devant le Tribunal correctionnel de Paris pour « injures raciales » parce qu’il a déclaré, lors d’une interview le 15 octobre 2010, qu’il s’était mis à « travailler comme un nègre », même s’il ne savait pas si les nègres avaient « toujours tellement travaillé ». Malgré ses excuses publiques, les associations communautaires et « antiracistes » appellent alors au boycott des produits Guerlain et traînent l’intéressé en justice.

    Dans le pays des chansonniers, un simple mot vous envoie au tribunal si par malchance il s’adresse à ces personnes si sensibles, comme les banlieues du même nom. Un geste aussi, bien évidemment.

    Un jeune Chti sensible ?

    M. Maurice Boisard, maire de Cousolre dans le Nord, comparaît devant le Tribunal correctionnel d’Avesnes parce qu’il a giflé un « jeune » qui l’avait traité de « bâtard ». Cette gifle était un « geste instinctif », d’après le maire. On apprend que ce jeune, si sensible qu’il a aussitôt saisi la justice, aurait aussi déclaré à l’intention du maire « Fils de pute, je vais niquer ta mère, je vais te tuer », paroles qui sont sans doute du pur chti (Le Monde 5 février 2012). Mais ne croyez pas qu’elles constituent un outrage contre un dépositaire de l’autorité publique ni des menaces de mort. Non c’est le maire que l’on poursuit. Ah ! Si au moins il avait giflé un Belge !

    M. Ahmed Zobir, aurait eu aussi un geste « instinctif et animal » (Le Parisien du 9 février 2012) quand il a poussé sur la voie du RER, à La Défense le 10 avril 2009, Renaud qui a failli y perdre la vie : ce dernier a en tout cas perdu une jambe. M. Zobir explique à l’audience que Renaud aurait été « hautain » à son égard. Qu’on se rassure : les expertises conduites sur ce SDF si sensible au regard d’autrui semblent conclure à « l’abolition de son discernement » suite à « un déplacement d’émotion, de rancœur et de dépit » à l’égard de ces cadres qui travaillent à La Défense.

    C’est fou comme nous sommes de plus en plus entourés de personnes « sensibles » ! Et c’est inquiétant que ceux qui constituent une telle « chance pour la France » soient si sensibles à tout.

    Français de souche : voir l’identité d’autrui c’est stigmatiser, ne pas la voir c’est mépriser…

    Car résumons la complexité du problème auquel nous sommes confrontés, nous les Français de souche.

    Ces personnes sensibles souhaitent que l’on reconnaisse leur identité, mais il ne faut pas trop le faire, au risque de tomber dans le « stéréotype » ou le « cliché ». Car elles revendiquent de ne pas s’y réduire. Elles sont sensibles au fait qu’on les désigne ou, au contraire, qu’on ne les désigne pas. A vous de trouver quand il faut et quand il ne faut pas. That is the question !

    Certains revendiquent leur « négritude », mais c’est un privilège réservé aux intéressés eux-mêmes. Ils revendiquent leur identité ou d’autres leur religion mais ils ne supportent pas qu’on le leur fasse remarquer si on est français de souche. Du moins, ceux qui font profession de représenter ces personnes si sensibles ne le supportent pas. Même si eux ne se gênent pas pour nous désigner tels que nous sommes ou nous caricaturer.

    En d’autres termes leur identité doit être visible pour eux et invisible pour nous.

    Cela commence à compliquer les relations humaines et à beaucoup remplir les prétoires !… C’est pour cette raison que les sociétés multiethniques deviennent rapidement des sociétés multiconflictuelles. Un regard ou un mot de trop et c’est le drame : il se règle à coups de couteaux, ou d’avocats si on est plus policé.

    Nous, les Français de souche, nous savons en tout cas que nous sommes différents : nous avons la peau nettement plus dure. Cela fait tellement longtemps qu’on nous traite de tous les noms d’oiseaux : calotins, racistes, xénophobes, rétrogrades, ringards, passéistes, esclavagistes, colonialistes, tortionnaires, fascistes, céfrans – et j’en passe – que nous avons perdu notre sensibilité. Cela fait si longtemps qu’on nous accuse de tous les crimes possibles, que nous sommes déjà au-delà du bien et du mal.

    Nous sommes certainement d’une civilisation plus robuste, dirait M. Guéant !

    Michel Geoffroy (Polémia, 10 février 2012)

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