Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Points de vue - Page 371

  • La trahison est un sport de combat...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à la conception médiocre de la politique qu'ont nos "élites" politiques du moment...

     

    hollande-sarkozy-sport.jpg

     

    La trahison est un sport de combat

    Dans un entretien accordé le vendredi 27 avril au quotidien sportif L’Equipe, Nicolas Sarkozy évoquait, à mots pratiquement découverts, que ses jours de président étaient comptés.

    Tant mieux.

    Cependant, le parallèle qu’il a tracé entre la politique et le sport vaut sans doute toutes les analyses sur la nature exacte des individus qui occupent les postes de commandes du pays. Car, comme le savaient nos anciens, les images dévoilent autant, et sans doute mieux, la réalité que tous les discours.

    Evoquant donc l’athlète américain Bob Beamon, recordman du monde du saut en longueur de 1986 à 1991, le locataire agité de l’Elysée a eu cette pensée profonde : "Je pense que les records sont faits pour être battus. Et donc, par conséquent, on ne peut pas être triste que quelqu'un d'autre prenne votre place parce que de toute manière, c'est la règle". "C'est la règle pour le sport, c'est la règle pour la politique, c'est la règle pour la vie, a-t-il ajouté : à un moment donné, chacun doit considérer qu'il a eu la chance de faire ce qu'il a à faire". Et il a conclu sa démonstration : "Alors, il faut gagner, Beamon avait gagné, Beamon a été remplacé. Je crois qu'il l'a accepté »

    Son concurrent lui a donné raison, avec fairplay : "C'est la loi de l'alternance. C'est un vieux principe que de reconnaître qu'une course peut être gagnée une fois et pas forcément la deuxième fois, et que ce n'est pas toujours le même qui porte les couleurs de la France ».

    Bref, il serait question de matchs. Récemment, l’actualité a été occupée par des clubs de football, à un très haut niveau, et par les victoires des uns, les défaites des autres, un entraîneur limogé, bref, par les péripéties naturelles autour d’un amusement de masse. La politique serait-elle de cet ordre ?

    Il est vrai que les luttes des temps passés se déroulaient de façon formidable : quand on ne se démolissait pas le portrait, on s’envoyait à l’ombre, ou bien, mieux, car cela nous rappelle les feux d’artifices des grands événements sportifs, des jeux olympiques, des championnats du monde, on érigeait des barricades, on fusillait, la mitraille et la guillotine donnaient aux soubresauts populaires ce petit frisson d’enthousiasme semblable à celui qui saisit la foule lorsqu’une action brillamment conduite aboutit à la pénétration vigoureuse du ballon dans la cage qu’un malheureux gardien n’avait pas réussi à préserver. Que l’on ne fût pas toujours gentlemen, cela se comprend : il était question d’enjeux foutrement sérieux : la survie physique, le niveau de vie, les libertés fondamentales, l’indépendance de la patrie, l’orgueil du citoyen. Cela méritait bien que l’on mourût ou que l’on tuât.

    L’évocation du sport n’est certes pas anodine. On sait que celui-ci prit son essor lorsque la guerre ne fut plus la préoccupation principale de l’aristocratie. La noblesse anglaise, désormais vouée à un ennui prestigieux, et délaissant les armes pour le commerce, fut la première à se donner à cette pratique de brute civilisée, le sport. On sentait encore, du reste, jusqu’à ce qu’à la fin ce monde des athlètes et des recordmen devînt un repaire de friqués dopés, ce souffle glorieux, ce flirt avec l’immortalité, qui rendait jadis le champ de bataille intéressant. Mais le sport, nonobstant le spectacle qui aliène et le fric qui pourrit, est maintenant, pour les cadres, les traders, les financiers, les managers et les jeunes loups aux dents qui rayent les parterres de bouges à fric, le surplus de dynamisme corporel, comme on disait que les droits de l’homme étaient le surcroît d’âme d’une bourgeoisie qui ne croyaient plus en Dieu. On y cherche le défoulement, la santé, la force, la niaque, la maîtrise, le fight spirit, la volonté de se faire mal et de faire mal aux autres. Au fond, pourquoi pas ? Si ce n’était pour Mammon … Tout ce qui reste de l’éthique guerrière demeure dans la performance économique. Et même le Hagakuré est invoqué, le comportement samouraï et le vide qui l’accompagne.

    A vrai dire, le vide sied bien à Sarko. Il y est comme dans son élément, lui qui pédale allègrement, entouré de barbouzes moulinant des gambettes comme des crapauds à cheval sur des boîtes d’allumettes, ou bien suant toute son arrogance dans des « joggings » immortalisés par une horde de caméras, maculant ainsi son maillot de corps tout neuf arborant le sidérant sigle, connu des ménagères de toutes génération, le prodigieux NYP, New York Police.

    Car cela ne surprendra personne que la référence sportive de notre french yankee soit un américain. Les athlètes français manqueraient-ils donc sur la liste ? Tout un programme.
    Que Hollande abonde dans le sens de ces propos en dit long sur la vision que notre élite politique, petites mains de l’oligarchie mondialiste, entretient en son sein. La politique n’est donc que ça, une sorte de jeu, et l’alternance consiste à se remplacer régulièrement. Et, in fine, rien ne change, hormis les heurs et malheurs (relatifs) de cette engeance qui change parfois de job, ou perd quelque subside, en espérant se rattraper plus tard. On sait comment se forge une carrière. A l’ENA, le choix du « camp » est affaire d’opportunité et de flair : quelles sont les chances d’obtenir une place intéressante à terme ? Les convictions ? Regardons attentivement l’origine, l’imprégnation culturelle et politique de tel ou tel, son itinéraire, ses bifurcations, ses accointances, voire ses mariages… On s’apercevra que les convictions ne concernent qu’une rhétorique obligée, un exercice oratoire, un rituel par lequel on s’oblige à passer, de moins en moins d’ailleurs. Mais pour le fond, on est d’accord : le marché, le cosmopolitisme, le métissage, la dérégulation de la société, l’oubli ou le rejet du patrimoine national, l’adoption de mœurs « libérées », qu’on tire aux forceps, le mépris pour le peuple d’en bas, ces racistes, ces « beaufs », ces ploucs, tous ces dogmes, ces comportements, ces connivences, ces collusions, ces complicités font un monde, le « Monde », comme on disait du temps de Proust, celui des gens biens, de ceux qui ont les moyens de regarder le pays de haut, de très haut.

    Alors, que l’on échange quelques balles, et que les uns perdent après avoir gagné, c’est aussi anodin que les destins de Roland Garros.

    En même temps, en prime, on a l’illusion. A vrai dire, là aussi, le truc ne marche plus très bien. A remplace B, avant que B ne prenne sa revanche. La tournante. Cela ne convainc plus grand monde, et la célèbre devise du Guépard, de Giuseppe de Lampedusa : « Il faut que tout bouge pour que tout reste identique », certes, peut servir à révéler le secret de la démocratie actuelle, ce jeu de dupes, mais devient néanmoins inopérant, car, en guise de déplacements, on a affaire à du surplace, les uns restant en fait dans la pièce jouée, une tragi-comédie à l’usage des enfants, comme dans ces opéras, le personnage qui fait mine d’abattre de la distance en sautillant sur une surface dérisoire.

    Aussi sont-ce toujours les mêmes têtes qui surgissent dans ce castelet risible qu’est la télévision.

    N’oublions donc jamais que nous sommes au théâtre, et qu’une « sortie » n’est jamais qu’une entrée provisoire dans la coulisse.

    Puisqu’il est question d’histrion, d’acteur, on peut bien revenir à notre Sarkozy. En commedia dell’arte, il existe un personnage hautement désopilant, dont l’origine remonte aux Romains, mais qui a été actualisé par la parodie vacharde qu’on faisait des soldats espagnols, qui ne le méritaient pas. Il s’agit du Capitan, du Matamore, du spadassin qui se vante de tous les exploits du monde, tout en n’en ayant pas les moyens. Ce capitaine est un Pantalon qui a perdu son pouvoir. Il rêvasse après sa maîtrise abolie, et croit encore impressionner par l’usage de logorrhées interminables et hyperboliques, se leurrant en substituant à la réalité le monde plus vaporeux de la parole. Tel est notre Nicolas.

    Les records ? Lesquels ? S’il s’agit de l’effondrement économique de la France, de la vassalisation de notre glorieux pays à une puissance étrangère, de la servilité de nombreuses fois réitérées à l’égard de la diplomatie américaine ou israélienne, des crimes cyniques commis au nom de mensonges bienpensants, que l’on a manipulés en direction des masses, s’il s’agit de promesses non tenues, et souvent retournées comme des gants, de l’écarbouillement consciencieux, programmé, méthodique de notre culture, de notre histoire, de notre langue, s’il s’agit de toutes les trahisons qui ont humilié le peuple français, et de cette régression sociale qui le transforme peu à peu, et même à vitesse de plus en plus précipitée, en agglomérat de pauvres hères réduits à la mendicité, à la misère et, peut-être, espérons-le, à la révolte, eh bien oui ! il est bien question de records !

    Claude Bourrinet (Voxnr, 27 avril 2012)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • BHL, le FN et la dent d'or...

    Nous reproduisons ci-dessous  un point de vue de Frédéric Rouvillois, cueilli sur Causeur et consacré à la polémique autour du vote en faveur de Marine Le Pen.Professeur de droit public à l’université Paris-Descartes, Frédéric Rouvillois est l'auteur de plusieurs ouvrages d'histoire des idées comme Histoire de la politesse (2006), Histoire du snobisme (2008),  tous deux diponibles en format de poche dans la collection Champs Flammarion, ou L’invention du progrès (CNRS éditions, 2010) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (Flammarion, 2011).

    Levy-Bernard-Henri-BHL.jpg

    BHL, le FN et la dent d'or

    Autrefois, quand il était philosophe, Bernard-Henri Lévy eut sans doute l’occasion de plancher sur l’un des textes les plus célèbres de Fontenelle, « La dent d’or ». L’histoire est aussi délectable que le style : « En 1593, le bruit courut que, les dents étant tombées à un enfant de Silésie âgé de sept ans, il lui en était venue une d’or à la place d’une de ses grosses dents. Horstius, professeur en médecine dans l’université de Helmstad, écrivit en 1595 l’histoire de cette dent, et prétendit (…) qu’elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant, pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs. (…) En la même année, afin que cette dent d’or ne manquât pas d’historiens, Rullandus en écrit encore l’histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d’or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique. Un autre grand homme, nommé Libavius, ramasse tout ce qui avait été dit de la dent, et y ajoute son sentiment particulier. Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu’il fût vrai que la dent était d’or. Quand un orfèvre l’eut examinée, il se trouva que c’était une feuille d’or appliquée à la dent, avec beaucoup d’adresse ». Moralité : « Assurons-nous bien du fait, avant que de nous inquiéter de la cause ». « Ainsi, nous éviterons le ridicule d’avoir trouvé la cause de ce qui n’est point. »

    Mais il y a belle lurette que M. Bernard-Henri Lévy fait autre chose que de la philosophie, et assez longtemps, sans doute, qu’il a oublié la salutaire leçon de Fontenelle. C’est en tout cas ce que semble confirmer un entretien qu’il vient d’accorder au site Atlantico : notre penseur officiel y raconte avoir découvert une dent d’or de fort belle taille –un parti « crypto-fasciste » nommé Front National -, avant d’en disséquer doctement les causes terrifiantes (pourquoi 18 % des Français ont-ils voté pour la bête immonde ?) et les épouvantables conséquences (les mêmes que dans l’Allemagne de 1933, la disparition de la démocratie). Le problème, une fois de plus, c’est que la dent n’est pas en or, et qu’il est donc assez « ridicule » de se demander pourquoi les Français ont voté pour un parti fasciste, dès lors que ledit parti n’est pas fasciste. Billevesées que tout cela, rétorquaient les « savants aux noms en us » épinglés par Fontenelle : la dent est bien en or ! En or, vous dis-je ! Et Bernard-Henri Lévy se montre aussi péremptoire à propos du fascisme qu’il prête au Front National.

    Ce qui indique, incontestablement, que la dent est en or, et le Front National, fasciste, c’est qu’ils en ont l’air, pardi. La dent, parce qu’elle brille au fond de la bouche, et le FN, « par sa rhétorique. Par ce ton de haine et de violence qui l’habite et qui ressort à la moindre occasion. Il l’est par la tonalité très « factieuse », par exemple, des attaques de Marine Le Pen contre le Président de la République. » « Je pense que c’est un Parti subtilement, mais profondément, anti-républicain »…
    Pour les mécréants, les Saint Thomas, à qui cette preuve indubitable ne suffirait point, BHL en avance une autre : les « gens » qui « gravitent autour du Front National ». Et de donner un exemple, « un seul (…). Il y en aurait tant d’autres – mais je ne vous en citerai qu’un », celui d’un « responsable régional du Front National dans le Pas-de-Calais » qui a « animé, semble-t-il », un site Internet sur lequel on trouve « une apologie de l’eugénisme, de la collaboration et de l’hitlérisme ». En l’occurrence, la précaution liminaire s’avère bienvenue : car ce « responsable », étudiant en philosophie âgé de 21 ans, n’animait pas le site en question – mais eut effectivement le mauvais goût de renvoyer, de sa page Facebook, sur les photos (très) coquines qui occupaient l’essentiel du site en question. Dès que la chose s’ébruita, le jeune gandin fut suspendu du parti par la commission de discipline, et privé à l’instant des (modestes) responsabilités qu’il exerçait au niveau local1. Procédure d’éviction manifestement plus rapide que celle qui, selon ces mêmes critères, aurait dû sanctionner Hortefeux dans l’histoire des Auvergnats.
    Comparaison n’est pas raison, dira-t-on : ce qui est certain, c’est que des brebis galeuses, il y en a partout, et ce qui importe, c’est la célérité avec laquelle on les écarte du troupeau. Mais notre ex-philosophe rétorquera sans doute que cela ne démontre qu’une chose : que le fascisme entend rester caché, et que sa rapidité à réagir dans cette affaire n’est qu’une preuve supplémentaire de ses mauvaises intentions.

    Troisième élément de preuve, pour les sceptiques les plus indécrottables : le fond du discours. Fasciste, « il l’est aussi par ses thèmes, son substrat idéologique », par « la diabolisation de l’IVG » et « le désir de revenir à la peine de mort », « le soutien à Kadhafi et aux dictatures arabes » ou « la haine des homosexuels ». Quant au caractère objectivement fasciste d’une hostilité (d’ailleurs très mesurée) à l’IVG, du refus de l’Europe fédérale, ou de la volonté de soumettre à référendum la question de la peine de mort, l’observateur reste un peu dubitatif. Cela prouverait surtout la relativité de la notion de fascisme, puisque ces positions étaient très précisément celles que défendaient jadis des fascistes aussi notoires que le général De Gaulle, Michel Debré ou Georges Pompidou : en bref, on devrait en conclure qu’une idée n’est pas fasciste, mais qu’elle le devient. Tout dépendrait du contexte et de l’époque : un constat qui ouvre à la philosophie politique des perspectives insoupçonnées. Pour le reste, quels sont les points qui, dans le projet présidentiel de Mme Le Pen, paraissent suspects de fascisme ? La laïcité ? Le recours aux mécanismes de la démocratie directe ? Le plaidoyer contre les élites ? Non ? L’immigration, alors ? En 1983, un fasciste sans le savoir écrivait que « l’immigration clandestine est considérable et insuffisamment combattue. Notre pays n’a plus les moyens de se montrer totalement ouvert en la matière. Il faut accentuer la lutte contre l’immigration clandestine et délictueuse par le renforcement de l’arsenal réglementaire répressif, la police des étrangers et le contrôle aux frontières », « encourager le retour au pays » et « effectuer le remplacement des immigrés, dans les postes libérés, par des chômeurs et des demandeurs d’emploi ». Ce fasciste inconnu s’appelait Alain Juppé2.

    Qu’ajouter, en somme, après cette démonstration définitive ? Que ce vieux farceur de Fontenelle avait raison de se gausser des faux savants. Pour constater que la dent n’était pas en or, et s’épargner bien des dissertations oiseuses, il suffisait de gratter un peu. Même chose pour le caractère fasciste du Front National. Que le parti de Mme Le Pen puisse être qualifié de populiste, très bien ; qu’il puisse même être considéré comme « extrémiste », pourquoi pas, même si ce genre de concept doit être manipulé avec la plus extrême prudence. En revanche, il est aussi fasciste, ou néofasciste, ou crypto fasciste, ou totalitaire, que la dent de Fontenelle était en or massif.

    Ce que cela signifie sur un plan politique ? Que la droite modérée reste libre de refuser toute alliance avec le Front National, parce qu’elle la jugerait contre-productive, ou inopportune, ou impraticable en raison des divergences qui l’opposent à ce parti sur certaines questions fondamentales, comme la construction européenne ou les orientations monétaires. Mais qu’elle doit cesser de le faire au nom de la mythologie inconsistante, et presque ridicule, dont BHL vient de s’autoproclamer une fois de plus le chantre et le héraut. Bref, qu’elle doit sortir enfin du piège où François Mitterrand l’a fait tomber au milieu des années 80. Ou, pour reprendre une image au dernier opus d’Elisabeth Lévy, qu’il lui faut dire adieu à la politique de l’autisme.

    Frédéric Rouvillois (Causeur, 30 avril 2012)

    1. Bruno Renoul – nordeclair.fr, 20 avril 2012

    2. Alain Juppé, La Double rupture, Club 89, Economica, 1983, p. 86

    Lien permanent Catégories : Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • La domination de l'empire global...

    Vous pouvez regarder ci-dessous une présentation par Alain Joxe de son dernier livre, Les guerres de l'empire global (La Découverte, 2012), dans le cadre d'une émission mise en ligne sur Xerfi canal, la chaîne de la réflexion économique.


    Xerfi Canal Alain Joxe La domination de l’empire... par GroupeXerfi

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Drieu La Rochelle et François Brigneau...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Dominique Venner, cueilli sur son site et consacrée à la publication de Drieu La Rochelle dans La Pléiade et à la mort de l'écrivain et polémiste François Brigneau.

     

    Brigneau - Drieu-La-Rochelle.png

    Drieu la Rochelle et François Brigneau

    La publication ces jours-ci des Romans, récits et nouvelles de Pierre Drieu la Rochelle dans la Pléiade (Gallimard) revêt une signification de plus longue portée que les péripéties politiques du moment.  Le grand suicidé de 1945 a bénéficié du temps qui passe, de la médiocrité de ses imitateurs, de son prestige de dandy romantique, sans compter l’amitié de Malraux, son exécuteur testamentaire. Pourtant que n’avait-on entendu quand fut publié en 1992 son Journal 1939-1945 par Gallimard ! « Les mémoires d’un dandy hitlérien » selon Bernard Le Saulx (le bien nommé) dans L’Événement du Jeudi du 23 avril 1992). « Cette lecture donne la nausée » écrivait BHL dans Le Point du 9 mai 1992. « L’ultra-fasciste se fera clouer aux portes de la grange où l’Histoire exhibe ses petits nuisibles », prophétisait sans crainte du ridicule Bertrand Poirot-Delpech, de l’Académie français, dans Le Monde du 8 mai 1992. « Détestable discours », ronchonnait le même jour François Bott, souvent mieux inspiré. « Un journal d’infamie » pour Jean-Paul Enthoven, Le Nouvel Observateur du 30 avril 1992. « Un pauvre type, sinon un triste con », renchérissait délicatement Angelo Rinardi, dans L’Express du 14 mai, 1992. Renaud Matignon n’avait pas fait tellement mieux que les autres dans Le Figaro littéraire. Les chacals hurlaient à l’unisson.

    Je pensais à ce florilège de basses invectives en lisant dans un journal du soir les commentaires contrastés annonçant deux morts presque simultanées. Dans le numéro du jeudi 12 avril 2012, large photo à l’appui, le journal « de référence » titrait en première page : « La mort de Raymond Aubrac. Un grand résistant disparait à 97 ans. » L’information se poursuivait sur toute la p. 27 (consacrée aux Disparitions). Elle rendait un hommage appuyé à l’ancien agent communiste, membre de l’Union juive française pour la Paix (UJFP), dont le rôle, ainsi que celui de sa femme, Lucie Aubrac (1), reste très discuté et même suspect dans la ténébreuse affaire de Caluire (arrestation de Jean Moulin, le 21 juin 1943). Cela n’a pas empêché de célébrer ces deux personnages équivoques à l’égal de saints. Une société se juge à ses héros.

    Dans la même édition du même quotidien, en haut de la p. 4 (consacrée aux Présidentielles 2012), une information était titrée : « Mort de François Brigneau, ancien milicien et cofondateur du FN ». Quel rapport avec les élections présidentielles ? François Brigneau avait rompu avec le FN depuis 1999. À la différence d’Aubrac qui, dans sa vie publique, ne fut qu’un agent actif et parfois occulte du communisme entre Caluire, Paris, Marseille, Prague et Hanoï, François Brigneau fut surtout un grand journaliste et un écrivain talentueux. Au nom de quoi son existence devrait-elle être réduite exclusivement à des engagements politiques momentanés ? C’est pourtant ce qui était retenu de nouveau dans le même journal du 18 avril, sur quatre colonnes cette fois, titrées « Figure de l’extrême droite français ». Suivait un article rédigé dans le style chaussettes à clous des fiches de police. Le journaliste de service s’était borné à recopier longuement ce que vomissent les officines de délation.

    Né à Concarneau le 30 avril 1919, Emmanuel Allot est devenu François Brigneau en littérature. Il a écrit aussi sous le nom de Julien Guernec, de Coco-Bel-Oeil ou de Mathilde Cruz (pour d’hilarantes chroniques de télévision). L’écrivain était issu d’une famille de la gauche républicaine, fils d’un instituteur socialiste, dont il partageait les idées. Après la défaite de 1940, comme tant d’autres hommes de gauche, il évolua vers le maréchalisme, puis la collaboration franco-allemande. Engagé par bravade dans la Milice après le débarquement de Normandie (8 juin 1944) alors que les « carottes étaient cuites », il n’eut aucune action, échappa miraculeusement aux exécutions sommaires de l’Épuration sauvage. Il fut bouclé à Fresnes pour une grosse année sur la foi d’un dossier vide. Ce qu’il vécut alors à proximité du couloir de la mort, près de l’écrivain et poète Robert Brasillach, fusillé le 6 février 1945, devait le marquer à jamais (2). Il n’avait guère plus de vingt ans.

    Plus tard, dans un livre de souvenirs, Mon après-guerre (Éditions du Clan, 1976), il a narré avec talent son expérience cruelle de l’Épuration et ses difficiles débuts professionnels. Parmi d’innombrables aventures, ses futurs grands reportages au Katanga ou en Algérie, il révèle aussi pudiquement sa rencontre avec la femme de sa vie, mère de ses cinq enfants, la délicieuse Sabine, nièce de Georges Suarez, le premier écrivain fusillé à la Libération. Cela créait des liens… Plus tard, leur petite maison de Saint-Cloud fut à moitié démolie par un attentat de gens qui leur voulait du bien.

    Avec une gouaille ironique qui fait son charme, Mon après-guerre retrace les tribulations du jeune journaliste aussi doué que réprouvé, devant qui les portes se fermaient en raison de son passé. Il eut quand même la chance d’être accueilli par Antoine Blondin, devenu son ami, par Pierre Boutang, Roger Nimier, Jacques Perret et d’anciens camelots du roi, une famille politique qui n’était pourtant pas la sienne. Il en a gardé un souvenir ému qui va plus loin qu’on ne le croit.

    Au lendemain de la guerre, rappelle Brigneau, « comme les autres formations politiques françaises, l’A.F. a explosé. Des camelots, il y en a eu partout, de 1940 à 1945 : à Londres, à Alger, dans les Maquis, déportés dans les camps allemands, à Vichy, dans la Milice, dans la L.V.F., et même dans la Waffen, emprisonnés par milliers dans les prisons de la Liberté, ou enfouis dans les charniers de la Résistance. Certains sont morts qui portaient l’uniforme américain et d’autres le casque allemand. Seule une petite minorité d’initiés et d’intellectuels s’est tenue, pendant quatre ans, en équilibre instable sur la ligne de crête pour la simple raison qu’il est difficile de garder la balance égale entre ceux qui vous tuent et ceux qui vous protègent. Dans le désordre, les puissants remous de la guerre et de la guerre civile, dans l’affrontement général des hommes et des idées, des passions, des intérêts et des races, l’A.F. a perdu son unité politique. Mais elle a gardé son unité sentimentale et les haines communes qui soudent plus encore que les amours partagées. Dans l’Europe des vaincus, ajoute Brigneau, c’est la seule Eglise qui soit encore debout, une Eglise bombardée, sans évêque ni pape, une Eglise où les fidèles ne suivent plus les mêmes rites et n’ont plus les mêmes prières, mais une Eglise tout de même, fraternelle, chaude, vivante, vibrante de musique et de ferveur. »

    Superbe tableau ! Je crois que jamais rien n’a été écrit en peu de mots de plus profond et sans doute de plus vrai sur la vieille A.F. de ce temps-là, ce qui voudrait pour d’autres communautés fidèles. Et celui qui traçait ces lignes, il faut le souligner, n’avait jamais été maurrassien : « Je suis trop européen et pas assez romain », précisait Brigneau. Cela donne du prix à son témoignage. Ce qu’il dit ce cette « Eglise bombardée, sans évêque ni pape… mais une Eglise tout de même, fraternelle, chaude, vivante, vibrante de musique et de ferveur », suggère en moi comme une image de ce que j’ai appelé « le corps mystique » de ceux qui entrent en politique comme on entre en religion (Le Choc de l’Histoire) par opposition à ceux qu’attirent les ambitions de la politique, avec leurs contraintes cyniques ou sordides, souvent très éloignées de l’idéal.

    Revenons à François Brigneau. Il fut l’un des plus grands journalistes et pamphlétaires de sa génération contribuant par sa faconde pamphlétaire au succès de l’hebdomadaire Minute de la grande époque, qui tirait chaque semaine à 250 000 exemplaire sur la direction de Jean-François Devay. La richissime Mme Sinclair, épouse DSK, en sait quelques chose qui fit férocement condamner Brigneau pour une saillie assez peu méchante, dont elle aurait pu rire si l’humour et non la haine l’avait habitée.

    De fait, le bougre avait le rire  volontiers carnassier pour se moquer de ceux qu’il n’aimait pas. Tout en collaborant à la « grande presse » des années 1950-1960, France-Dimanche, Paris-Presse, L’Aurore et d’autres, il écrivait des romans noirs que n’aurait pas renié Michel Audiard. Ils lui valurent le Grand prix de la littérature policière en 1954 pour La Beauté qui meurt. Il s’offrit même le plaisir de provoquer une émeute de papier dans l’édition d’extrême gauche un an avant sa mort, quand les Editions Baleine rééditèrent en 2010 son Paul Monopol (1949) sous le titre rénové Faut toutes les buter. Un certain Didier Daeninckx (surnommé Didier Dénonce par Patrick Besson) en avala son encrier, ne voulant pas cohabiter avec un « écrivain fasciste », dont ce fut l’ultime pied de nez avant de tirer sa révérence.

    Dans un monde littéraire devenu terne, nombriliste et compassé, François Brigneau a longtemps fait passer l’esprit vif d’un anarchisme de droite qui se fait rare. Cela lui restera. Il a été inhumé au cimetière de Saint-Cloud en présence de quelques amis et sans service religieux. Tout comme sa femme Sabine, l’écrivain qui aimait bien le courage de Mgr Lefèvre, était resté pour sa part un fidèle mécréant.

    Dominique Venner (Le site de Dominique Venner, 24 avril 2012)

     

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Le vrai vote révolutionnaire ?...

    Nous reproduisons ci-dessous, en ce jour de la Fête du Travail, une analyse très lucide de Françoise Fressoz, éditorialiste politique du quotidien Le Monde.

    Le Pen - Mélenchon.jpg

    La guerre des deux Fronts

    Une des façons de prendre la mesure du bouleversement politique qui s’est produit dimanche, au soir du premier tour de l’élection présidentielle est de se souvenir des ambitions de Jean-Luc Mélenchon .

    Après avoir ressuscité les communistes et attiré vers lui une bonne partie de l’extrême gauche, le leader du Front de gauche avait clairement désigné l’adversaire : il voulait vaincre Marine Le Pen dont il dénonçait "l’odieuse présence" et qu’il qualifiait de "semi-démente".

    Son but était de se placer devant elle au premier tour et même largement devant. Et c’est elle qui a emporté la bataille en obtenant 17,9 % des suffrages soit 6,3 millions de voix alors qu’il n’en a capitalisés que 11,1 % soit 3,9 millions.

    La campagne de Jean-Luc Mélenchon visait les perdants de la mondialisation. Le candidat  promettait de rompre avec l’Europe libérale mais refusait toute stigmatisation de l’étranger. Son projet était d’abord social : la réforme fiscale, le smic à 1 700 euros, la fin de l’emploi précaire, l’accès au logement pour tous, la restauration des services publics…

    Ses troupes agitaient les drapeaux rouges comme aux grandes heures du communisme. La révolution, c’était lui ! Et bien non. Dans l’électorat populaire, Jean-Luc Mélenchon arrive très loin derrière Marine Le Pen.

    Il ne recueille que 12 % du vote ouvrier alors qu’elle en attire 29 %. Chez les employés, il fait dix points de moins qu’elle  (12 % contre 22 %) et ne la rattrape que dans les professions intermédiaires où il prend un léger avantage (15 % contre 12 %).

    La conclusion est dérangeante. Pour l’électorat populaire, ce n’est pas le vote Mélenchon qui est révolutionnaire mais le vote Le Pen, autrement dit l’extrême droite et non plus l’extrême gauche.

    Quelques chercheurs comme Alain Mergier ou François Miquet-Marty avaient vu monter le phénomène ; ils ont réalisé ces derniers mois des entretiens dans un électorat particulièrement fragilisé par la crise économique.

    Ils avaient vu se nouer de façon inextricable la question sociale et la question identitaire, la peur de la mondialisation et le rejet de l’islam, la contestation de l’euro et la préférence nationale.

    Ils avaient noté à quel point Marine Le Pen adaptait son discours pour devenir non seulement la candidate du rejet mais aussi celle du recours .

    Il n’a pas fallu beaucoup de jours pour mesurer les bouleversements politiques que cela entraîne. Nicolas Sarkozy a comme perdu la boussole. Il court derrière le Front national et rompt les digues, sous les yeux d’une partie de la droite horrifiée et pourtant silencieuse.

    Il se noie, laissant sur les épaules de François Hollande le poids d’une alternative républicaine qui a peu de moyens pour réussir mais  aucun droit à l’erreur.

    Françoise Fressoz (Le Monde, 27 avril 2012)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 2 commentaires Pin it!
  • Prendre de l'altitude !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue éclairant de Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, consacré au choix offert aux Français pour le deuxième tour de l'élection présidentielle qui se déroulera dimanche 6 mai 2012...

     

    Château cathare.jpg

    Le 6 mai je prendrai de l'altitude !

    Le 6 mai le spectacle présidentiel prendra fin.

    Enfin ! Après six mois de simulacre démocratique, de tyrannie médiatique et de scénarisation théâtrale.

    Avec son vrai-faux duel annoncé à l’avance, en forme de prophétie auto-réalisatrice, par les vrais maîtres : les médias et les agences de communication.

    Avec la promotion d’un histrion révolutionnaire de carton-pâte et son vrai-faux suspense autour du « troisième homme ». Un vrai-faux suspense permettant de protéger les deux grands duellistes du Système. Et surtout d’empêcher une femme de devenir le deuxième homme !

    Avec des médias accordant les deux tiers de leur temps de parole, jusque fin mars, à deux candidats et à deux seuls, au nom de… « l’équité » ; avant de réduire à presque rien les émissions politiques, pendant la campagne officielle, pour contourner la règle d’égalité.

    Avec des « petits candidats » volés de leur campagne et scandaleusement traités par les grands seigneurs des médias au mépris aussi extravagant que leurs salaires.

    Avec les deux favoris trahissant leurs promesses électorales… avant même l’élection : avec François Hollande annonçant une accélération du retrait des troupes françaises d’Afghanistan et envoyant immédiatement un émissaire à Obama pour apaiser ses inquiétudes ; ou le même Hollande dénonçant la finance à Paris avant d’aller rassurer la City à Londres ; avec Nicolas Sarkozy fustigeant urbi et orbi le halal avant d’expliquer en catimini aux autorités musulmanes et juives qu’il s’opposerait à tout étiquetage de l’abattage rituel !

    De qui se moque-t-on ? De l’électeur pardi !

    L’électeur n’est pas là pour choisir le président de la République. Il a simplement pour rôle d’apporter une légitimité démocratique à un candidat jugé acceptable par la superclasse mondiale pour représenter ses intérêts en France.

    Il y avait de vrais choix au premier tour. Il n’y en a plus au second tour.

    Nicolas Sarkozy et François Hollande sont d’accord sur l’essentiel : sur les règles bureaucratiques de l’Europe de Bruxelles, sur la soumission des lois françaises aux juges des Cours européennes de Strasbourg et de Luxembourg, sur l’intégration militaire à l’OTAN, sur l’acceptation des règles du libre-échangisme mondial voulu par l’OMC, sur l’abandon de la souveraineté monétaire à la Banque centrale européenne. Sur tout cela, Hollande ou Sarkozy, quelle marge de manœuvre ? A part les coups de gueule de l’un et les postures de l’autre, quelle différence ?

    En politique intérieure, Sarkozy et Hollande sont aussi interchangeables aux yeux des grands lobbies financiers ou communautaires : lors de son dîner annuel, tenu en présence des 1000 plus grands oligarques français, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a fait de Sarkozy son invité d’honneur… tout en se préparant à accueillir Hollande l’année prochaine. Où serait le changement ? La présidente du MEDEF a, elle, fait un pas de deux : au final, Hollande lui paraît aussi patrono-compatible que Sarkozy. Et le lobby homosexualiste s’est vu promettre le mariage gay par Hollande dès 2013, pendant que Sarkozy lui demandait simplement d’être un peu plus patient… bref, d’attendre 2014. Quant à l’enseignement de la théorie du genre à l’école, rien à craindre de Hollande : Sarkozy l’a déjà mis en œuvre !

    On me dit aussi que Hollande voudrait donner le droit de vote (aux élections locales) aux étrangers. Mais, sans l’intervention du Raid, le tueur islamiste Mohamed Merah aurait déjà pu voter à l’élection présidentielle puisqu’il était « français » : non par la culture, non par la civilisation, non par le sentiment, mais par les lois acceptées ou votées par Sarkozy !

    Des docteurs de la foi et des adeptes du « vote utile » nous disent qu’il faudrait choisir le « mal » pour éviter le « pire » ! Cela, la « majorité silencieuse » le fait docilement depuis trente ans, avec le succès que l’on sait ! Et le mal devient le pire. Car si le mieux est l’ennemi du bien, le mal est l’ami du pire.

    Le 6 mai prochain, « faire son devoir électoral » reviendrait donc pour moi à cautionner une tromperie.

    En m’abstenant, je refuse d’apporter la légitimité de mon vote à des candidats dont les priorités réelles sont nuisibles aux intérêts du peuple français, à sa substance, à son identité et à sa dignité.

    C’est pourquoi, dimanche 6 mai, je prendrai de l’altitude et j’irai méditer sur les cimes.

    Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 25 avril 2012)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!