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Points de vue - Page 370

  • La Libye, de la « libération » à la somalisation...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Camille Galic, cueilli sur Polémia et consacré à la situation en Libye, où, comme prévu, l'anarchie s'installe...

     

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    La Libye, de la « libération » à la somalisation

    Alors que les turbulences se poursuivent en Egypte et en Tunisie, où l’asphyxie du tourisme et le départ des investisseurs provoquent un chômage sans précédent, le risque (prévisible) de sécession de la Cyrénaïque remet la Libye au premier plan, affolant chancelleries et rédactions.

    Le 8 mars était trompettée une excellente nouvelle : après « trente-trois ans » de total dévouement à un régime qu’il vient de découvrir « criminel », Abdo Hussameddine, vice-ministre syrien du Pétrole, choisissait de « rejoindre la révolution du peuple qui rejette l'injustice » et de reprendre ainsi « le droit chemin ». Cette miraculeuse conversion à la démocratie est aussi une inestimable prise de guerre pour les rebelles syriens réputés, par notre ministre Alain Juppé en particulier, incarner les droits de l’homme.

    Mais cette sensationnelle annonce faisait bientôt place à une autre, beaucoup moins réjouissante pour les zélateurs des « printemps arabes » : l’éventualité de la « dislocation de la Libye », avec la proclamation unilatérale de l'autonomie de l'Est libyen par des dignitaires locaux, chefs de tribu et commandants de milice réunis à Benghazi – deuxième ville du pays et berceau de l'insurrection qui a renversé Muammar Kadhafi – devant des milliers de personnes qui les ont follement applaudis. Moustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition (CNT) au pouvoir, répliquait aussitôt à cette « provocation » par la menace de « recourir à la force » pour mater les « séparatistes ». S’il réprime la rébellion de ces derniers avec la vigueur d’un Bachar al-Assad, quel dilemme pour Nicolas Sarkozy qui, le 1er septembre à l’Elysée, et au nom des « Amis de la Libye » (dont le Britannique David Cameron, l’onusien Ban-Ki-Moon et l’émir du Katar), remettait au même Abdeljalil 15 milliards de dollars pour la « reconstruction de la Libye nouvelle » ! Un mirage exalté par tous les médias.

    Un pays livré à des milices surarmées

    Du coup, c’est l’affolement dans les rédactions. « Libye : l’autonomie de l’Est fait craindre une partition du pays », titrait Le Parisien, « Menace d‘une nouvelle guerre civile », s’inquiétait Libération, « Libérée de Kadhafi, la Libye s’enfonce dans le chaos », constatait avec tristesse Le Nouvel Observateur ; l’AFP évoquait un « risque de somalisation » et Le Point lui-même, où sévit Bernard-Henri Lévy, héraut de la « croisade » contre Kadhafi et tombeur du raïs, admettait par la plume de son correspondant Armin Arefi l’extrême gravité de la situation : « Ce devait être le grand succès international du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Mais la Libye post-Kadhafi semble inexorablement basculer dans l'impasse. L'annonce de l'autonomie de la région de Cyrénaïque a fait l'effet d'une bombe. » Les conséquences en seront d’autant plus graves et plus sanglantes que, depuis la révolution, la Libye souffre d’un « fléau » : « l'abondance d'armes en libre circulation à travers le pays ». Ces armes, fournies notamment par les « officiers de liaison » français envoyés par Paris, avaient été « confiées aux rebelles organisés en milices pour se débarrasser de Muammar Kadhafi ». Las ! Les milices sont désormais « hors de contrôle » et, selon le diplomate français Patrick Haimzadeh cité par l’hebdomadaire de François Pinault, il n'est donc pas exclu que les autonomistes de Benghazi « aillent à l'affrontement avec le gouvernement central, en cas de refus », tant ils sont convaincus que « la révolution a été déviée » et qu’elle leur a été confisquée par Tripoli.

    Conclusion de Armin Arefi : « Si le candidat Nicolas Sarkozy peut se targuer d'avoir évité le bain de sang que promettait Muammar Kadhafi à Benghazi, il semble bien moins se soucier aujourd'hui du sort d'un pays miné par les intérêts personnels et les rivalités, tant régionales que tribales […] Nicolas Sarkozy s'attendait à une guerre pliée en une semaine, car il ne connaissait pas la société libyenne. Or on ne change pas une culture politique en quelques mois. Cette situation va durer au moins dix ans. »

    « Silence médiatique » malgré le tocsin

    Mais qu’importait, sans doute, aux yeux du président-candidat ! « Le temps où les caméras, appareils photo et plumes du monde entier informaient non-stop sur la Libye paraît bien loin. La Libye est retournée au silence médiatique. Les regards se sont tournés vers la révolution suivante, en Syrie », commentait de son côté Gaël Cogné sur France TV Info, grand service de « l’actu en continu » lancé en fanfare le 14 novembre dernier par le géant France Télévisions, avec l’ambition d’être « la première plateforme d'informations en temps réel du service public », alimentée par les multiples rédactions de la télévision d’Etat.

    Evoquant les cent cinquante tribus composant la société libyenne et agitées de violents antagonismes, Gaël Cogné écrit benoîtement que « ces divisions ne sont pas une surprise ».
    Eh bien si, c’en est une, et de taille pour le bon peuple, qui a financé de ses deniers durement gagnés une intervention militaire (au coût exorbitant en ces temps de crise : plus de 350 millions d’euros, estimait L’Express du 28/09/2011) mais dont on lui avait juré qu’elle procurerait un avenir radieux au peuple libyen et, à la France, un marché du siècle : « A ceux qui parlent d’argent, je fais remarquer que c'est aussi un investissement sur l'avenir », avait osé déclarer un mois plus tôt notre inénarrable ministre des Affaires étrangères au quotidien Le Parisien (du 27/8/2011). Un investissement bien compromis par les événements actuels.

    Pourtant, les mises en garde n’avaient pas manqué. Le fils du colonel Kadhafi, Seif Al-Islam, avait prédit dès les premiers temps de l'insurrection que les tensions entre tribus « pourraient causer des guerres civiles ». Une mise en garde avait été lancée d’emblée par Polémia qui, sur son site, avait multiplié les alertes (1) dans des articles où était clairement souligné le risque de « partition » du pays, à partir des travaux de Bernard Lugan. Dès le 13 mars 2011, le célèbre africaniste avait déploré qu’ « en écoutant BHL et non les spécialistes de la région, le président Sarkozy ait involontairement redonné vie au plan Bevin-Sforza rejeté par les Nations unies en 1949 ». Et Lugan d’expliquer : « Ce plan proposait la création de deux Etats, la Tripolitaine, qui dispose aujourd’hui de l’essentiel des réserves gazières, et la Cyrénaïque, qui produit l’essentiel du pétrole. Voilà donc la première étape de ce plan oublié désormais réalisée avec la reconnaissance par la France, suivie par l’UE, du gouvernement insurrectionnel de la Cyrénaïque… Deux Etats existent donc sur les ruines de la défunte Libye : la Cyrénaïque – provisoirement ? – aux mains des insurgés, et la Tripolitaine. C’est à partir de cette donnée qu’il convient d’analyser la situation, tout le reste n’étant une fois encore que stérile bavardage, vaine gesticulation et soumission à la dictature de l’émotionnel. »

    La fidélité de BHL… à Israël

    Mais qui avait écouté Lugan (2) parmi les innombrables « spécialistes » de France Télévisions et des autres médias qui nous affirment aujourd’hui assister « sans surprise » aux déchirements libyens ?

    Le seul qui ait eu alors droit à la parole était M. Lévy, promu par le chef de l’Etat véritable ministre en exercice des Affaires étrangères et de la Guerre (et même des Finances puisqu’il nous fit attribuer en juin dernier une première aide de 290 millions d'euros à ses protégés du Conseil national de transition) alors qu’on sait aujourd’hui qu’il n’agissait nullement au profit de la France. Au contraire. Dans l’affaire de Libye, « J'ai porté en étendard ma fidélité à mon nom et ma fidélité au sionisme et à Israël », devait-il proclamer fièrement le 20 novembre devant le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) qui tenait à Paris sa première convention nationale – voir le « Billet » de Polémia du 22/11/2011. Allez savoir pourquoi, cette brûlante profession de foi (et d’allégeance à un Etat étranger) fut occultée… comme l’avaient été les risques de notre interventionnisme en Libye, et les fruits amers qu’il ne manquerait pas de porter, en commençant par l’éclatement du pays prétendument libéré – avec la vague migratoire et la réaction islamiste que cela ne manquera pas de susciter. Ce n’est du reste pas un hasard si, sans doute informés des intentions des « séparatistes » de Benghazi, les barbus libyens, déjà très influents au sein du CNT, avaient créé le 3 mars le parti Justice et Construction présidé par Mohammed Sawane, représentant des Frères musulmans… et farouchement opposé à l'autonomie de la Cyrénaïque, qu'il considère selon Armin Arefi comme « une première étape avant la scission totale de la région ».

    Une dislocation organisée

    Mais la « dislocation géopolitique mondiale » ne fut-elle pas l’objectif de l'OTAN en Libye, comme le soulignait ici même Xavière Jardez le 9 août 2011 en commentant un rapport du Laboratoire européen d'anticipation politique (LEAP), think-tank monégasque dirigé par Franck Biancheri (3)? L’entreprise était alors menée par Washington, le Katar se chargeant d’une partie du financement et de la mise en scène médiatique, celle de la « libération » de Tripoli par exemple. Or, simple hasard, cet émirat pétrolier serait aujourd’hui très actif auprès des autonomistes de Benghazi.

    Evoquant la campagne de l’OTAN, X. Jardez écrivait : « On demanda à l’opinion publique d’approuver, non de penser. » Et voilà cette opinion frappée de stupéfaction quand elle apprend que le pays qu’on lui avait dit arraché à la tyrannie et à la barbarie risque de connaître l’épouvantable destin de la Somalie, livrée à des factions se livrant une guerre inexpiable et redevenue un repaire des pirates. Ce que furent, soit dit en passant, la côte des Syrtes et celle de la Cyrénaïque pendant des siècles.

    Camille Galic (Polémia, 9 mars 2012)

    Notes

    (1) Voir entre autres les articles sur Polémia

    (2) Une interview par Robert Ménard fut déprogrammée en catastrophe fin décembre dernier par la chaîne itélé car elle n’était pas « dans la ligne » – voir http://www.polemia.com/article.php?id=4408
    (3)
    Opérations militaires de l'OTAN en Libye : accélérateur d'une dislocation géopolitique mondiale ?

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  • Vers une Europe héroïque et secrète...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de l'essayiste espagnol Javier R. Portella, publié dans la revue Éléments et consacré au livre de Dominique Venner publié à l'Automne 2011, Le Choc de l'Histoire. Javier R. Portella vient de publier un essai  aux éditions David Reinharc intitulé Les esclaves heureux de la liberté.

     

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    Avec Dominique Venner vers une Europe héroïque et secrète

    L’imprévu est de retour, et quel choc pour nos contemporains ! Au cœur de ce basculement historique, Dominique Venner exhume la tradition européenne de la mare folkloriste, niaise et guindée où les réactionnaires l’ont enfoncée pour en faire la condition d’une renaissance. Un essai revigorant.

    Le Choc de l’histoire… Voilà un livre bien choquant par les temps qui courent. Il fait sauter en mille morceaux l’ultime verrou de la modernité : le rejet de l’ancrage historique des Européens qui, devenus des atomes épars, crachent sur leurs ancêtres, oublient leurs descendants et essayent de masquer leur propre mort. Car aussi épars que soient les atomes, ils n’en restent pas moins attachés au temps et à la tradition historique. A une tradition… « non traditionaliste », appelons-là ainsi. Car qu’est ce que finalement la tradition sinon le cœur, déployé dans le temps d’une civilisation : l’ensemble, autrement dit, des spécificités qui, se survivent dans notre inconscient et « constituent, écrit Dominique Venner, (…) notre façon unique d’être (…) devant la vie, la mort, l’amour, l’histoire, le destin ».

    Ainsi faut-il comprendre la tradition. Non pas pour revenir au « bon temps », mais pour que les temps présents deviennent aussi « bons » et beaux, aussi grands et vrais qu’ils pourraient être.

    Grand pourfendeur de la déchéance européenne, Dominique Venner ne tombe pas dans les jérémiades, mais garde une vitalité clairvoyante qui lui fait déceler au cœur de nos misères la possibilité de l’histoire.

    Quel espoir ? Celui qui nous dit que le feu sacré ayant allumé le cœur de l’Europe, aujourd’hui « en état de dormition », finira un jour par être rallumé. Il le sera sous des modalités qui nous sont tout à fait inconnues. Aussi inconnues que les modalités nouvelles l’ont toujours été avant qu’elles ne viennent changer le cours de l’histoire, cette déesse, n’en déplaise aux sieurs Hegel et Marx, qui avance montée sur le char de l’imprévisible et de l’inattendu. Reste la grande question de Lénine : Que faire ? Que faire pour que nos idéaux, toujours restés à l’état théorique, prennent corps un jour dans le réel ? Que faire pour que ce jour, le jour du Grand Soir arrive ?

    Prendre le pouvoir ? N’y songeons plus. Evitons le rêve funeste ? Ou plutôt : gardons le rêve là où se tiennent les rêves et les mythes par lesquels les hommes se dressent debout : telle est la réponse de Venner.

    Où se tiennent les rêves et les mythes fondateurs ? Enfoncés dans le cœur des hommes et incarnés dans la religion et l’art. C’est là qu’ils doivent se tenir, non dans la sphère du politique, poursuit Venner, en s’appuyant sur notre histoire récente, de 1918 à 1945. Telle aura été la grande monstruosité moderne, celle qui débute avec la Révolution française : prétendre porter le souffle d’un sacré dès lors dénaturé dans le domaine du politique, transformer celui-ci en « religion », incarner les grands rêves et idéaux, purs, parfaits et absolus. C’est là plus qu’une erreur, un fourvoiement. « Quand les foules européennes se sont données au rêve communiste ou au rêve fasciste, elles éprouvaient une attente que les religions classique de leur époque ne pouvaient plus étancher. » Car, écrit Venner, « la politique appartient à un ordre qui (…) est celui du pouvoir et de l’action en vue du pouvoir. Elle est le domaine de l’ambition, de la ruse et luttes sans pitié, très rarement celui de l’honneur et de la loyauté. Le cynisme, la fourberie et la dissimulation sont ses règles ». Il en découle qu’ « une religion politique aussi vigoureuse soit-elle, est implicitement condamnée par sa finalité dont l’essence est éphémère et soumise au verdict des résultats ».

    Faut-il en conclure qu’il ne nous reste qu’à rentrer dans notre coquille, qu’à nous enfermer dans une tour d’ivoire ? Nullement ! L’action des hommes dans la cité est non seulement indispensable : elle doit être fortement revigorée. Regagnant l’espace public qui est le sien, la politique doit quitter l’espace privé où l’Etat libéral ce Grand Moloch marchand et prestataires de services, l’a fait tomber.

    Mais comment y parvenir lorsqu’on constate que la sphère politique ne peut ni ne doit être le lieu du salut, de la morale, de la régénération des hommes ?

    Tout simplement en cessant de croire au salut en tant que tel. Il faut certes combattre les grands malheurs qui nous frappent et on a là du pain sur la planche ! Mais avoir aussi la sagesse d’accepter que malheur, opacité et imperfection persistent, inhérents à la nature des hommes et du monde.

    Il faut, autrement dit, envisager la politique, non pas comme le lieu donneur de sens à la vie, mais comme le lieu où se déploie la puissance, le pouvoir, l’imperium qui tient ensemble la vie d’un peuple. Or, puisque dès qu’il entend les mots puissance et pouvoir, l’homme libéral se met à trembler comme une feuille, il faut lui préciser que ce pouvoir loin d’être synonyme de domination doit l’être de liberté. Mais il ne s’agit pas de la liberté vide et nihiliste avec laquelle le libéralisme nous écrase (seuls les objets et l’argent la remplissent). Il s’agit d’une liberté vivante, créatrice, débordante de sens et de contenu. Il s’agit d’une liberté acheminée, comme le voulait le philosophe espagnol Georges Santayana, vers la réalisation d’un grand projet où l’esprit, loin d’être écrasé, vienne à régner en maître.

    Mais quel projet, quel mythe (quel mythème disait Giorgo Locchi), quel grand souffle collectif peut animer le monde dès lors que la politique en est incapable et que la religion a disparu de l’espace public ? Serait-ce peut-être l’art ? Laissons la question ouverte : c’est l’une de celles que ce livre, comme tout grand livre, ne pose pas ouvertement, mais suggère implicitement.

    Posons une autre question. Qui et comment veillera à ce que les « hommes de pouvoir » comme les appelle Venner, ne s’écartent pas de la mission qui leur incombe. Il ne s’agit pas seulement de les contrôler, mais d’insuffler les grandes idées porteuses d’une nouvelle conception du monde. Qui pourrait assumer une telle mission. Seule une nouvelle aristocratie, une aristocratie de l’esprit et non du sang (une aristocratie secrète selon Venner, vouée à devenir publique), serait à même d’entreprendre une telle tâche, jadis impartie à l’aristocratie du sang, censée incarner et défendre les plus hautes valeurs. Un rôle un peu analogue a été joué, au sein de l’Eglise, par ce que Venner appelle son « corps mystique », opposé de façon dialectique aux « hommes de pouvoir ». Composé par « une partie du clergé, les ordres monastiques, certaines congrégations et nombre de théologiens, le « corps mystique » n’a pas cessé d’exercer, écrit-il, une sorte de surveillance conflictuelle sur les hommes de pouvoir au sein de l’Eglise ». C’est pourquoi, conclut Venner, « il n’est pas interdit d’imaginer qu’à l’avenir, dans de nouvelles configurations historiques, un genre nouveau de « corps mystique », militant, se dotant d’institutions durables, ne se dessine en marge de la sphère proprement politique, afin d’être la structure formatrice d’une nouvelle classe dirigeante fondée sur une ferme conscience identitaire et sur l’acceptation volontaire de devoirs plus grands ».

    S’il est évidemment exclu d’en revenir aux institutions sociales et politiques de la Grèce, il nous faut, par contre, nous imprégner du message qu’Homère nous transmet, à savoir « cette contamination d’héroïsme et de beauté » écrit Venner, qui découle d’une vision du monde où le sacré, un sacré immanent, voilà la question, est présent partout. Un sacré où ce sont les dieux, autant dire : « les mystères de la vie », qui nous apportent la seule réponse vaillante à notre angoisse : « Si les  dieux nous ont fait un dur destin, c’est afin que nous soyons plus tard chantés par les hommes à venir » (Iliade, VI, 357-358).

    Javier R. Portella (Eléments n°142, janvier - mars 2012)

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  • Ce n'est pas une crise, c'est un renversement !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur le site de l'AGEFI et consacré à la chute des illusions du libre-échange. Hervé Juvin est l'auteur d'un essai essentiel intitulé Le renversement du monde (Gallimard, 2010).

     

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    Ce n'est pas une crise, c'est un renversement !

    Le mot « crise » désigne la transition d'un état ordonné à un autre. Rien de plus impropre et plus vain pour désigner la situation dans laquelle nous nous trouvons. J'ai choisi le mot de « renversement » pour désigner une situation dans laquelle nous devons réviser nos certitudes les mieux ancrées, nos préjugés les mieux partagés. Nous avons tant célébré le développement des autres, fruit de la mondialisation béate, que nous n'avons pas vu le sous-développement qui gagnait nos territoires et nos quartiers. Partout, le scénario qui se met en place est à l'inverse de celui décrit à grands sons de trompe dans les années 90. Partout, les illusions du libre-échange apparaissent pour ce qu'elles sont, une duperie à l'usage des naïfs, et partout, la concurrence des acteurs privés sur les libres marchés ne masque plus les affrontements de puissance qui dictent leurs prix et leurs conditions aux marchés. Qui a dit que l'argent suffirait à tout ? Renversement des croyances et des repères pour les gérants, pour les assureurs et pour les investisseurs de long terme. Renversement aussi pour l'épargnant, qui redécouvre le risque, qui réapprend la géographie, et qui va bientôt redécouvrir l'histoire ; le ressentiment, la vengeance, la passion vont entrer dans le vocabulaire de ceux qui avaient cru les exclure en postulant que les hommes sont partout les mêmes, que les arbres montent jusqu'au ciel, et que le monde est plat. Il est facile de se faire peur, encore plus facile de céder à la confusion des images et des mots. L'ambiguïté de la situation vient de la complexité des choses, et du voile que les agrégats économiques et les approximations géopolitiques posent sur les faits. A la source de tant d'erreurs et de tellement de confusion, l'idée que l'économie est une science, qu'elle possède un pouvoir prédictif, et qu'il existe des lois de l'économie contre lesquelles la volonté et la passion des hommes ne peut rien. Le paradoxe est saisissant ; toutes les sciences exactes ont renoncé, depuis Einstein et Heisenberg, à prétendre dire le réel, pour se résigner à faire comme si ; seule l'économie prétend oublier qu'elle fut économie politique pour enfermer le monde dans des tableaux, des statistiques et des projections mathématiques. Misère d'une science qui n'a aucun des moyens d'accès à la vérité, mais qui prétend produire le vrai à partir de l'utile !Une grande partie des alertes, des peurs et de la défiance provient de l'invasion des indicateurs économiques, et plus particulièrement financiers, dans nos sociétés et dans nos vies. Tout se passe comme si une majeure partie de l'Europe avait abdiqué son autonomie pour confier son destin aux indicateurs économiques, et pour faire des marchés financiers un nouveau souverain, anonyme, invisible, irresponsable, mais partout présent. Qu'est-ce d'autre que la règle de Maastricht, qu'est-ce d'autre que la dépendance passée à l'égard des agences de notation et des analystes crédit, voire de telle ou telle banque américaine ? Sous l'influence de la finance anglo-américaine, et d'une idéologie imposée par le bavardage des économistes labellisés conformes, une démission collective a eu lieu. Si l'Europe ne protège de rien, si l'Union européenne a sacrifié aux dogmes de l'économie ses sociétés, sa liberté et sa singularité, si la Commission a été le moyen du renoncement de l'Europe à elle-même, nos voisins, proches ou lointains, n'ont pas fait de même. De même que les Etats-Unis n'ont jamais abandonné au marché quoi que ce soit de leurs intérêts stratégiques, de même l'Allemagne a continué à se donner sa loi, à faire passer sa société et son unité interne avant les règles du marché. Ce n'est pas seulement affaire de cogestion ou de fédéralisme. C'est d'abord affaire de primauté de l'intérêt national et local. L'impossibilité avérée de procéder à une offre publique d'achat agressive en Allemagne - quels que soient les intérêts des actionnaires vendeurs -, la primauté de la négociation sur les salaires et les revenus financiers, pour déterminer le partage de la valeur, la participation des salariés à la conduite des entreprises, et la négociation permanente de leur adhésion à la stratégie et à la conduite des affaires font la spécificité d'une société qui ne se réduit pas à son économie, qui se donne sa loi et qui n'a pas cédé son autonomie interne pour le plat de lentilles de la valorisation de marché. Le futur gouvernement de la France, comme l'ensemble de l'Europe, devrait étudier plus attentivement l'école de l'ordoliberalismus allemand. Cette école, féconde au milieu du siècle dernier, entend assurer la concurrence par l'autorité des institutions garantes du jeu équitable et non faussé du marché, elle développe une approche du marché comme moyen de la société. Nul doute que les Français, inquiets d'une dépossession qui ne dit pas son nom, ont beaucoup à apprendre de l'école des choix institutionnels et de la socialisation du marché.

    Hervé Juvin (L'AGEFI, 23 février 2012)

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  • Le nietzschéen progressiste est mal barré !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Frédéric Schifter, cueilli sur Causeur et consacré aux tentatives de récupération de Nietzsche par la gauche progressiste...

     

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    Le nietzschéen progressiste est mal barré

    Il est temps de procéder au nettoyage sémantique des termes de ressentiment et de nihilisme utilisés à tort et à travers par les béotiens qui se piquent de nietzschéisme. C’est principalement dans La généalogie de la morale (1887) que Nietzsche développe la notion de ressentiment et explicite celle de nihilisme. Il y explique que le ressentiment ressortit à une pathologie ethnique. Il est une passion mortelle pour les grandes civilisations fondées sur la conquête et l’esclavage, passion qui infecte le monde depuis l’Antiquité. C’est la haine que vouèrent à leurs maîtres successifs les Juifs dominés, humiliés, persécutés. Comme cette haine manquait de la vitalité physique qui l’aurait mue en une saine violence, elle s’exprima sous la forme sublimée d’une morale subversive.

    Faute de devenir un peuple de guerriers, les Juifs, par lâcheté et par ruse, se firent prêtres. C’est ainsi que le plus vil instinct de revanche devint la plus sophistiquée des spiritualités, la culpabilisation l’arme la plus redoutable. Les forts et les nobles qui autocélébraient en toute innocence leur brutalité, leur cruauté, leur égoïsme de caste dominante, eurent à affronter, venant de leurs esclaves, des discours venimeux leur reprochant de servir le Mal et, par là, d’être, en raison même de leur supériorité sociale, humainement inférieurs aux faibles, aux difformes, aux pauvres, aux minables en qui s’incarne le Bien. Ces maîtres sans autres états d’âmes moraux que leurs désirs d’affirmer leur volonté de puissance et qui, pour cela même, se pensaient Bons, Beaux et Grands, finirent par se sentir coupables et par épouser les valeurs qu’ils méprisaient allégrement : la compassion, le souci de l’égalité, le renoncement à la violence. Ils se laissèrent enjuiver — et/ou christianiser, le christianisme étant pour Nietzsche la forme la plus toxique du judaïsme.

    « Tout ce qui sur terre a été entrepris contre les “nobles”, les ”puissants”, les ”maîtres”, le ”pouvoir”, n’entre pas en ligne de compte, si on le compare à ce que les Juifs ont fait : les Juifs, ce peuple sacerdotal qui a fini par ne pouvoir trouver satisfaction contre ses ennemis et ses dominateurs que par une radicale transmutation de toutes les valeurs, c’est-à-dire par un acte de vindicte essentiellement spirituel. Seul un peuple de prêtres pouvait agir ainsi, ce peuple qui vengeait d’une façon sacerdotale sa haine rentrée. Ce sont les Juifs, qui, avec une formidable logique, ont osé le renversement de l’aristocratique équation des valeurs (bon, noble, puissant, beau, heureux, aimé de Dieu.) Ils ont maintenu ce renversement avec l’acharnement d’une haine sans borne (la haine de l’impuissance) et ils ont affirmé : ”Les misérables seuls sont les bons ; les pauvres, les impuissants, les petits seuls sont les bons ; ceux qui souffrent, les nécessiteux, les malades, les difformes sont aussi les seuls pieux, les seuls bénis de Dieu; c’est à eux seuls qu’appartiendra la béatitude — par contre, vous autres, vous qui êtes nobles et puissants, vous êtes de toute éternité les mauvais, les cruels, les avides, les insatiables, les impies, et, éternellement, vous demeurerez aussi les réprouvés, les maudits, les damnés !”»[GM, I, 7].
    « On sait qui a recueilli l’héritage de cette dépréciation judaïque […] », poursuit Nietzsche, désignant par là la philosophie des Lumières et la Révolution française, les mouvements démocratiques, égalitaristes, socialistes, anarchistes. Je rappelle au passage que le sous-titre de la Généalogie de la morale est Écrit polémique.

    Or, c’est « […] à propos de l’initiative monstrueuse et néfaste au-delà de toute expression que les Juifs ont prise par cette déclaration de guerre radicale entre toutes », que Nietzsche forge sa notion de nihilisme. Nihiliste, pour Nietzsche, est toute forme de pensée charitable, solidaire, éprise de justice et d’égalité, féministe, compassionnelle, en un mot humaniste qui, par ressentiment, ou au nom du Bien — c’est la même chose —, nie et condamne la volonté de puissance telle que, précisément, la concevaient et l’exerçaient joyeusement et sans remords les « fauves », les « prédateurs », les « brutes blondes », bref, les races appelées à commander et fonder des civilisations.

    Telle est la conception du ressentiment et du nihilisme selon Nietzsche et il n’en a jamais eu une autre — ce fut même son thème obsessionnel. En faire un penseur de la démocratie, un intellectuel de gauche avant l’heure, relève purement et simplement de la confusion mentale ou de l’escroquerie — l’une n’empêchant pas l’autre.

    Frédéric Schiffter (Causeur, 4 mars 2012)

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  • « The Artist ! » : la nouvelle superproduction électorale...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à l'artiste comique qui anime nos soirées électorales...

     

     

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    « The Artist ! » : la nouvelle superproduction électorale

    Il faut lui reconnaître un talent certain. Il sait y faire avec le public et les caméras. Il sait jouer les nominés, dans son costume sombre et élégant, sous les flashs et les projecteurs de la scène médiatique. Car, malgré sa petite taille, Nicolas est un excellent acteur.

    Un excellent acteur

    Déjà avant 2007 il avait très bien réussi dans le rôle de M. Sécurité, celui qui voulait nettoyer les banlieues au kärcher. Un bon western, dans le genre Justicier dans la ville avec Charles Bronson, qui l’avait mis en valeur auprès des spectateurs âgés, qui ne vivaient pas en banlieue justement.

    En 2007, ensuite, sa performance fut inespérée : il réussit à faire croire à une partie de la droite qu’il était son candidat et qu’il allait rompre avec l’immobilisme chiraquien : pensez donc, il avait employé le mot « identité nationale » !
    Mais il faut reconnaître aussi que les acteurs concurrents n’étaient pas à la hauteur et que la pauvre Ségolène, qui s’empêtrait dans le nombre de sous-marins nucléaires, faisait piètre figure face à l’homme de « la rupture ». Il fut donc nominé en 2007.
    Il joua ensuite pendant 5 ans l’hyper-président à l’Elysée. Ce fut son premier contre-emploi : il continuait de jouer les aspirants jeunes-premiers alors qu’il était dans le rôle du patriarche. On le voyait partout, à la différence des résultats. Ce fut un bide et il commença de lasser le public, qui se mit à rêver à de nouveaux visages.

    Mais voilà que, loin de se retirer, Nicolas candidate en 2012 pour de nouveaux oscars.

    Quel comédien !

    Pour ce faire Nicolas a renouvelé sa garde-robe et son look.
    Ainsi il a redécouvert le peuple français à l’issue de son premier mandat. Le faubourg Saint-Honoré fut son chemin de Damas, en quelque sorte.
    On le voit aujourd’hui faire les sorties d’usine et se promener dans les rues, pour parler avec les passants. Quel charmeur !

    Finis la « discrimination positive » et son souhait d’une « France d’après » où l’expression Français de souche aurait « disparu ». Non : ce qui l’intéresse, c’est la France de maintenant, et plus exactement celle qui va voter le mois prochain.
    Il aime tant le peuple qu’il lui promet beaucoup de référendums sur tous les sujets. Tiens ! Il propose même un référendum sur les chômeurs. C’est vrai que personne n’y avait pensé !

    Et puis, quelle conversion de la part de celui qui, sous la forme du pacte de Lisbonne, a imposé aux Français un traité qu’ils avaient pourtant refusé d’approuver par référendum ! Saint Nicolas se fait l’apôtre du référendum ! Quel comédien !

    Un acteur qui nous aime

    C’est que Nicolas a une qualité essentielle pour un acteur : il sait s’adapter à son rôle, à son public comme aux circonstances. On appelle cela « pragmatisme » en novlangue. En français on dirait plus trivialement que c’est un bon baratineur. Il sait nous dire tout et son contraire, avec sa belle voix : car il nous aime tant, nous autres les Français, qu’on voit bien qu’il cherche avant tout à nous faire plaisir. En tout cas, le temps de la campagne électorale.

    Il n’est pas du tout le président des riches. Il regrette, bien sûr, son dîner de victoire au Fouquet’s. Car il se soucie de la France qui souffre. C’est pourquoi il nous promet une « France forte ». Il veut aussi sauver notre modèle social : nos économies, notre sécurité sociale et nos retraites. Et, bien sûr, aussi, l’avenir de nos enfants. Ce n’est plus un candidat c’est un saint-bernard : il ne lui manque plus que le petit tonneau de rhum autour du cou.

    On finirait par oublier qu’il est au pouvoir depuis des années et que, si la France est faible, c’est sans doute aussi à cause de lui. Quel talent !
    Mais en campagne, Nicolas est dans son élément : il saisit le micro et ne le lâche plus. Le ministère de la parole, c’est son truc : il excelle dans le rôle de « crooner ».

    De très bons partenaires

    Il faut dire que dans cette superproduction électorale permanente, il a toujours eu d’excellents partenaires. Il dispose aussi des meilleurs producteurs d’effets spéciaux médiatiques.

    Des vedettes internationales comme Mme Angela ou Mister Obama lui donnent très bien la réplique : on finirait par croire qu’ils ont fréquenté la même école d’art dramatique !
    On voit sur tous les écrans le couple Angela et Nicolas déjouer tous les périls pour sauver en permanence l’euro menacé par les terribles Grecs. Mieux qu’Indiana Jones !

    Et puis il a aussi de très bons partenaires français.
    Comme Claude Guéant, par exemple, qui a succédé à Brice Hortefeux dans le rôle du méchant ténébreux : il dit plein de vilaines paroles pour complaire aux électeurs du Front national et exciter la gauche. Ou comme Nathalie, son porte-parole de campagne qui, elle, dit plein de mal de ces mêmes électeurs pour s’attirer les bonnes grâces des centristes ; elle est très bien aussi dans son rôle de la jeune ingénue qui ne connaît pas le prix du ticket de métro, la pauvre. Pas mal aussi, ce François Fillon, un excellent acteur du cinéma muet.

    Mais où est donc le public ?

    Pourtant cette année, le public semble bouder ce remake de 2007. Un remake où François a pris la place de Ségolène : c’est en effet nettement moins drôle que la première fois, même si Mélanchon fait quelques apparitions communistes burlesques.

    Dans cette nouvelle version du film électoral, la gauche fait, certes, des efforts pathétiques pour donner la réplique à Nicolas : pas un jour où elle n’annonce un nouvel impôt ou de nouvelles dépenses publiques ! Mais le scénario, pesant, est mal emmené et les spectateurs somnolent.

    Malgré la débauche publicitaire, dans les entrées, l’artiste Nicolas ne fait toujours pas recette.

    Les spectateurs français s’ennuient : ils espéraient Les Visiteurs III ou bien encore Bienvenue chez les Ch’tis II : on leur sert un pesant Titanic II, sur fond de crise.

    Ils connaissent d’avance la fin du film et en particulier qui va payer au bout. Cela ne les fait pas rire du tout et beaucoup, n’en doutons pas, partiront dès l’entracte.

    Michel Geoffroy (Polémia, 2 mars 2012)

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  • Bonne nouvelle pour la multipolarité !

    Vous pouvez lire ci-dessous un excellent point de vue du géopoliticien Aymeric Chauprade, cueilli sur Realpolitik.tv et consacré à la réélection de Vladimir Poutine à la tête de la Russie.

     

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    Bonne nouvelle pour la multipolarité

    Le dimanche 4 mars 2012 restera sans doute comme une date historique. Vladimir Poutine revient en effet à la présidence de la Russie. J’avais déjà pu écrire que 1999 avait été un tournant dans l’histoire de la géopolitique contemporaine parce que son arrivée au pouvoir avait mis fin à la tentative unipolaire américaine. Nous pouvons affirmer aujourd’hui que Poutine va consolider le monde multipolaire qui se dessine et achever sa mise en déroute de l’oligarchie américaine et de son État profond dont l’action occulte et agressive (à l’œuvre en ce moment en Syrie) ne cesse de miner, chaque jour un peu plus, les possibilités de paix dans le monde.

    Qu’est-ce qui nous permet d’affirmer cela ? La simple observation du déchaînement médiatique contre Poutine, que chacun d’entre nous aura pu observer, ces derniers mois, en Europe comme aux États-Unis. Manque de chance pour nos habituels aboyeurs de leçons démocratiques (qui ne sont en fait que les bons petits soldats de l’oligarchie occidentale), le peuple russe soutient massivement Poutine. Et ce ne sont pas les quelques irrégularités de fonctionnement du scrutin, statistiquement inévitables dans un pays aussi vaste que la Russie, et certainement moins graves que l’étrange comédie des bulletins de vote à trous lors de l’élection de Bush ou que l’obstruction en France à une candidature pesant autour de 20 %, qui pourront amoindrir l’incontestable légitimité de Poutine.

    Vladimir Poutine, candidat plébiscité par les Russes, que, dans des temps anciens on aurait sans doute appelé Vladimir le Bien élu, est sans conteste aujourd’hui, dans l’hémisphère nord, le chef d’État le plus légitime qui soit. Cela ne peut que redonner espoir à ceux qui doutent du politique. Remettre son pays sur le chemin de la puissance et obtenir du même coup le soutien massif de son peuple, oui ça reste possible !

    Logiquement il y a quelqu’un qui devrait être content ce soir, c’est Alain Soral. Quelqu’un qui a tout compris des forces profondes de l’histoire, celles que ne veut pas voir notre bon « bourgeois occidental » (Molière avait raison avec son bourgeois gentilhomme) aveuglé qu’il est par les chiffrons rouges agités devant ses yeux par la « grande presse ». Donc écoutez-le et lisez-le. Nous n’utilisons pas forcément les mêmes mots (et tant mieux), mais nos pensées sont en convergence.

    Ce soir du 4 mars 2012 en tout cas, la dissidence internationale a marqué un point. Un point sans doute décisif pour l’avenir. Unissons nos forces, car au-delà de la cause des peuples souverains qui résistent à l’Empire, n’oublions pas qu’in fine, c’est la question de la liberté individuelle qui est en cause. L’Empire, machine à crétiniser les hommes en les gâtant en citoyen-consommateur, avance en effet tout à la fois vers « 1984 » et le « Meilleur des mondes ». Face à lui, les États qui nous sont aujourd’hui présentés comme des dictatures implacables (Syrie, Iran…) ne sont jamais que les premiers réfractaires à ce Big Brother mondial lequel masque de moins en moins ses desseins. A ceux qui en douteraient, confrontés aux images de l’incontestable brutalité de la guerre en Libye, puis en Syrie, je rappellerais qu’ils ne voient qu’une face de l’histoire. Sur l’autre, les projecteurs des médias occidentaux ne s’allument jamais. Cette autre face, je n’ai pas grand mérite, je l’ai prise en pleine poire en 1996, dans le Sud du Liban, devant les cadavres calcinés d’une bonne centaines de femmes et d’enfants libanais qui avaient cru qu’un abri de l’ONU restait un endroit sacré auquel jamais une armée ne s’attaquerait. Ils ne pouvaient pas savoir, les pauvres, ce que j’ai compris devant leurs corps en bouillie : l’histoire est dite par les vainqueurs et le droit ne s’applique qu’aux vaincus. Si vous êtes dans le club qui s’est autorisé à avoir l’arme atomique, vous pouvez écraser un pays, au nom d’une légalité que vous avez décrétée, tout pays qui prétend entrer dans le club sans votre autorisation. Si vous êtes pro-américain vous êtes forcément une démocratie, et si vous ne l’êtes pas, ce n’est pas grave ! Si vous êtes une démocratie mais que vous n’êtes pas pro-américain, c’est grave et vous ne pouvez donc pas… être une démocratie..

    Donc je veux bien que l’on soit horrifié par les bombardements sur Homs qui doivent être terribles pour les civils piégés. Mais alors, il faut avoir le courage de regarder en face le résultat des bombes de l’OTAN sur la Serbie, sur l’Irak, sur la Libye, sur l’Afghanistan ; le résultat des bombes d’Israël sur Gaza ou le Sud du Liban. Car enfin, ces corps-là, ces enfants-là, ces femmes-là, on ne vous les montre jamais ! Comme on ne vous parle pas des reporters de guerre qui sont morts sous des bombes occidentales dans les prétendues guerres humanitaires de l’ère post-soviétique.

    Peut-être que l’intelligence consiste aussi à être capable d’imaginer (un peu de bon sens devrait suffire, pas besoin de longues études) ce que les télévisions occidentales ne vous montrent jamais…

    En résumé :

    1. L’Occident de l’ingérence humanitaire a davantage massacré dans toutes les agressions qu’il a menées depuis 1990 que les régimes qu’il combattait.
    2. Il y a, au moins, autant de trucages et de verrouillages dans les élections dites démocratiques des pays occidentaux (surtout en France et aux États-Unis, car je ne parle pas de la Suisse, seule authentique démocratie d’Europe) qu’il y en a dans cette Russie présentée sans cesse comme une éternelle autocratie.

    Conclusion : Qu’on cesse de nous prendre pour des cons parce qu’il reste, en France, quelques penseurs qui ne sont pas « à la gamelle » et qui continuent à réfléchir. Quand j’étais gosse, dans mon école publique (je n’ai été que dans des écoles publiques) on m’apprenait que l’école ça sert à former l’esprit critique. Je n’ai retenu que cela.

    Aymeric Chauprade (Realpolitik.tv, 5 mars 2012)

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