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Points de vue - Page 229

  • La politique, à quoi bon ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Slobodan Despot, cueilli sur Arrêt sur info et tiré de sa lettre Antipresse. Une vision certes pessimiste du combat politique et du cirque électoral mais solidement argumentée...

     

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    La politique, à quoi bon ?

    L’automne et l’hiver 2016/2017 sont remplis d’échéances électorales, en particulier les élections présidentielles américaines et françaises. J’aimerais m’y intéresser, je le devrais par curiosité professionnelle, mais je n’y arrive pas. La revue de presse est un exercice qui me paraît de plus en plus oiseux. De la même manière, on m’invite à nombre de colloques, conférences, « assises » et concertations. Je décline les invitations de nature politique. Non par prudence ou calcul, mais par manque d’intérêt et par un sentiment aigu de perte de temps.

    Nous avons dépassé ce stade, le stade de la politique démocratique et parlementaire, de l’Etat de droit et de tout l’héritage de la modernité européenne. Nous sommes bien au-delà. Beaucoup le sentent, mais il faudra le répéter mille, cent mille, un million de fois pour ébranler la loyauté séculaire des Européens civilisés à l’égard d’institutions qui sont au mieux, désormais, des dents nécrosées. Nous avons laissé s’établir un « antisystème » comme l’a esquissé Lev Goumilev. Il est né de nos valeurs, nourri par notre prospérité, mais il les retourne contre elles-mêmes — tant les valeurs que la prospérité —, ne pouvant viser que l’entropie, le nivellement de tout.

    *

    Alexandre Zinoviev était cet autre Russe de génie qui décrivit l’essence du système totalitaire soviétique dans ses livres, en particulier dans Les hauteurs béantes. Cela lui valut de devoir s’exiler d’URSS en 1976 et d’atterrir en Europe de l’Ouest. En Allemagne plus précisément. A la différence de tant de dissidents pour qui le « monde libre » démocratique, anglo-saxon et libéral, représentait la terre promise, la fin de toute lutte et de toute réflexion, Zinoviev continua d’analyser sans complaisance son environnement et en tira une série d’essais dévastateurs. Dans l’un d’entre eux — est-ce dans La grande rupture ou L’Occidentisme  ? — il raconte comment il avait eu la surprise de ne jamais rencontrer, « chez nous », deux phénomènes qu’il était certain de devoir rencontrer.

    Le premier de ces phénomènes, c’était le capitalisme au sens classique. « Je n’ai pas rencontré de capitalistes, de capitaines d’industrie, de grands brasseurs d’affaires. Je n’ai vu que des patrons faisant tourner de l’argent qui n’était pas à eux : des employés des banques. » Pendant que nous pensions encore liberté d’entreprise, concurrence, marché, Zinoviev voyait déjà la financiarisation universelle jouant avec travail humain comme avec des jetons au casino.

    L’autre phénomène que Zinoviev chercha avec sa lampe-torche tel un Diogène moderne, c’était… la démocratie. Certes, il avait vu les rituels électoraux auxquels la population était convoquée périodiquement — et auxquels elle se rendait de moins en moins — pour élire des représentants qui s’empressaient d’oublier leurs promesses et d’agir contre les intérêts de leurs électeurs. Mais de démocratie au sens premier de pouvoir aux mains du peuple, point ! Publiques ou privées, les instances administratives et économiques de l’Occident reposaient toutes sur des structures de pouvoir strictement pyramidales aboutissant à l’autorité d’un petit nombre. Il eut même la malice de relever que dans les soviets d’entreprise de son URSS natale, au moins, la balayeuse pouvait prendre la parole contre le chef de clinique et même obtenir gain de cause si ses griefs étaient fondés. A plusieurs reprises, il prophétisa que le contrepouvoir des syndicats, à l’Ouest, n’était qu’une concession diplomatique extorquée par la pression de l’empire communiste. Concession qui serait retirée sitôt que l’ennemi idéologique aurait disparu. Dont acte. La condition des salariés n’a cessé, de fait, de se détériorer depuis la chute du Mur en 1989. Les syndicats sont devenus des « partenaires » du patronat et la gauche de pouvoir a trahi sa morale et ses électeurs d’une manière à peine concevable. On n’aura pas attendu Merci Patron ! pour constater cette régression des rapports sociaux qui fait ressembler de plus en plus nos sociétés « avancées », nos fiers Etats-Providence, à l’Angleterre de Dickens.

    A partir de telles observations, Zinoviev élabora sa théorie de la « Suprasociété globale ». A ses yeux, ce que nous appelons la « mondialisation » n’était que la substitution universelle des anciennes loyautés verticales par des loyautés horizontales. En d’autres termes, les élites ne faisaient plus allégeance au « terreau » qui les avait nourries, élues ou déléguées (famille, commune, région, communauté, nation…), mais uniquement à leurs pairs de même rang à l’échelon global. Bref, à leur caste. La dilution des frontières géographiques et politiques allait de pair avec un renforcement de la stratification sociale. Ainsi Zinoviev fut-il parmi les premiers à voir que le « gendarme planétaire », les USA, n’agissait nullement au nom des intérêts nationaux étasuniens, mais en tant que « bras armé » ou « zombie » au service d’une puissance occulte, c’est-à-dire non élue, non légitime, non déclarée. Une fois qu’elle aurait usé le molosse américain jusqu’à sa dernière canine, la Suprasociété pourrait tout aussi bien, me disait-il, se trouver d’autres chiens de garde.

    Si elle invente des néologismes selon les besoins de la démonstration — et parce qu’elle explore des réalités totalement nouvelles —, la sociologie de Zinoviev n’a rien d’abstrait. Pour comprendre la politique des « décideurs », explique-t-il, on peut toujours étudier leurs idées et leurs principes, scruter les attentes de leur base électorale, examiner leur programme à la loupe — et l’on n’aura pas avancé d’un pouce. Ce qu’il faut savoir avant tout, c’est avec qui ils dînent et qui peut entrer sans frapper dans leur cabinet. La description des cercles réels du pouvoir — famille, amant(e)s, amis, mécènes, « gourous » intellectuels, réseaux informels — permet de retracer des lignes de force qui n’ont aucun rapport avec les étendards politiques des élus. La Suprasociété globale apparaît ainsi comme un conglomérat de banquiers, de grands administrateurs, de nababs industriels, médiatiques et culturels, de diplomates, de hauts fonctionnaires internationaux, d’universitaires, de people, de technologues et d’élus. C’est un monde ductile où l’on évolue au gré des connaissances et des affinités et où les titres formels ne constituent qu’un « ticket d’entrée » ou une carte de visite. L’effondrement de tous les garde-fous institutionnels et coutumiers qui la bridaient tant soit peu la rend arrogante et de plus en plus visible. L’annihilation de la morale ordinaire et du sens commun favorise ce processus bien davantage que la décadence des institutions. Encore que ceci soit étroitement lié à cela. A l’heure qu’il est, cette suprasociété règne sans partage. Dans la « vertueuse » Suisse, plus de 9 conseillers nationaux (députés) sur 10 sont contrôlés par la Suprasociété via des conseils d’administration, faisant de la vie parlementaire une pure mascarade. Dans ce même pays, par ailleurs, une très sérieuse étude de l’université de Zurich a montré que l’économie mondiale était dominée par 147 sociétés seulement, mettant le contrôle effectif de l’humanité entre les mains d’un très petit groupe de gens qui ne représentent qu’eux-mêmes. Quel parti politique s’est emparé de ce thème capital ? Aucun.

    *

    Privés de repères, intimidés, censurés dans leurs convictions les plus spontanées, les peuples dans leur ensemble continuent pourtant de se fier au système, ne serait-ce que par réflexe, malgré les démentis, malgré la « contreculture » de l’internet, malgré l’ineptie et la corruption criantes des dirigeants. (Il est vrai qu’à un niveau local, en Suisse du moins, il a encore son utilité.) Ainsi, début juillet dernier, le recrutement cynique de l’apparatchik européen Barroso par Goldman-Sachs les a « indignés » un instant, les médias ont poussé quelques grognements, et puis tout a été oublié dès le premier attentat. Du reste, en se faisant salarier par les requins de Wall Street, l’ex-hippopotame de Bruxelles n’a fait qu’officialiser des liens qui jusqu’alors étaient tacites. Il a cessé, en somme, de bosser au noir.

    Ce scandale aurait pu servir de tremplin à une enquête d’ensemble sur la nature et l’étendue de tels liens. Des partis populistes, ici ou là, pourraient nommer et prendre pour cible la cause, c.à.d. cette caste autocratique, apatride et déchaînée, plutôt que de s’occuper des effets tels que l’islamisation, le « grand remplacement » ou l’insécurité. S’ils ne le font pas, c’est peut-être qu’à partir d’un certain rang leurs directions trempent (ou aimeraient tremper) dans la même piscine, ne serait-ce que d’un orteil. Signe que la cooptation de caste n’est pas qu’une « dérive » susceptible d’être corrigée, mais la force d’intégration historique du système occidental. Ce qui était cité (lois, vertus, constitutions) se transforme en ménage (management privé).

    On attend toujours, par ailleurs, les initiatives politiques, « citoyennes », voire académiques, en vue d’un audit général de l’enseignement universitaire et des médias de service public du point de vue, justement, du service qu’ils rendent à la communauté qui les entretient. Depuis des décennies, les facultés de sciences humaines sont le foyer principal des théories de la culpabilisation, de la haine de soi et de la « déconstruction » de toutes les valeurs qui avaient fait de l’Europe une civilisation puissante, ouverte, éclairée et tant soit peu équitable. Ni les stalino-maoïstes hier ni les islamistes aujourd’hui ne pourraient nous danser sur le ventre sans la complicité du mandarinat universitaire qui a fini par criminaliser toutes les tentatives de protection du même face à l’autre. Fût ce au nom de nos valeurs les plus généreuses et les plus incontestables.

    Ces institutions intouchables sont les génératrices de l’« enseignement de l’ignorance  », des programmes d’abrutissement qui fabriquent les nouveaux analphabètes qu’on sacrifie aux dieux de la Consommation. Par capillarité, elles « informent » également notre information en créant des générations de journalistes unidimensionnels, grégaires, politiquement alignés et d’une inconsistance morale qui fait la joie des lobbies et des potentats.

    Cela fait lourd, comme « autogoal », pour nos chers impôts ! Qui s’en soucie ? Qui enquête ? Personne. L’imposition d’une surveillance publique effective sur l’enseignement supérieur pourrait totalement changer le cours de notre suicide de civilisation. Encore faudrait-il comprendre comment ça marche et oser mettre le bâton dans la fourmilière. Encore faudrait-il que nos communautés aient gardé un reste de sentiment communautaire pour pouvoir agir de manière collective. Les partis et mouvements politiques demeurent leurs derniers points de rassemblement. Mais ils continuent de pousser leurs charrettes dans leurs bonnes vieilles ornières où le pouvoir réel ne circule plus. CQFD : si vous voulez agir sur la réalité de votre environnement, faites d’abord éclater les cadres politiques !

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    On dit que la flotte ottomane perdit la bataille de Lépante parce que ses navires dépassaient trop le niveau de la mer et faisaient des cibles faciles. Ce défaut de conception fatal était dû au fait que les grands turbans des pachas exigeaient de la hauteur sous barreaux. Les traditions civiques et politiques de l’Europe sont nos turbans. Nous ne les réviserons, si nous survivons, qu’après le naufrage de notre flotte, en tout cas pas avant. Dès lors, pourquoi s’agiter ?

    Slobodan Despot (Lettre Antipresse N° 38, 21.8.2016) © 2016 Association L’Antipresse

    PS. Quoi qu’on puisse penser de lui par ailleurs, Donald Trump est le seul prétendant à un poste politique éminent en Occident, ces dernières années, que la Suprasociété ne semble pas contrôler. Ses milliards l’ont mis à l’abri de cette « protection ». Cela, bien davantage que sa vulgarité naturelle et ses excès, explique le torrent de haine déversé contre lui par l’ensemble des médias occidentaux. Il est impossible qu’il accède à la charge suprême.

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  • Le visage d'Omrane...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Richard Millet, cueillie sur son site personnel, qui revient sur le battage médiatique provoqué par la diffusion d'une photo d'un enfant syrien de la ville d'Alep, victime d'un bombardement des forces aériennes russes ou gouvernementales.

    On notera, tout de même, que la photographie du jeune "Omrane", un peu trop parfaite pour être honnête, a suscité la curiosité de certains médias "grand public", qui n'ont pu que relever quelques faits particulièrement troublants se rapportant à la personnalité de son auteur...

     

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     Le visage d’Omrane

    « Le visage d’Omrane est capable d’arrêter le temps », lit-on dans Le Monde, qui ne recule pas devant l’enflure à propos de la banale photo d’un enfant aleppin couvert de poussière et de sang, et rescapé des « bombes » (anglicisme pour obus) larguées par le « régime » ou par des avions russes – les obus des « rebelles » n’atteignant jamais, on le sait, les enfants ni les femmes. Prenant la place du petit Aylan noyé sur une plage grecque, « Omrane » est donc (s’il existe réellement) le « vrai visage de la guerre » en Syrie, comme autrefois les mères en larmes des guerres du Liban, de Yougoslavie, du Kossovo et d’Algérie, d’Afghanistan…

                Rotation des images, rapide changement d'« icônes », comme dans l’économie publicitaire : « the show must go on », et Omrane est proposé au statut iconique dans une quête de symboles qui relève évidemment de la propagande et du voyeurisme, pendant naturel du narcissisme occidental. En réalité, Omrane est un « cliché », à tous les sens du mot, et il est donc obscène : pornographie de la presse stipendiée, qui choisit évidemment des enfants non chrétiens ; car la photographie est en vérité tout le contraire de l’icône, quoi qu’en disent le langage journalistique officiel et les « réseaux sociaux » : ce qui se joue, ici, c’est la vision païenne et marchande de l’image (un paganisme idéologique) contre la pureté de l’icône chrétienne. Nous n’avons pas besoin de ces images-là, nous autres chrétiens : nous savons ce qui meurt en chaque enfant, et l’amour de celui qui a pensé à nous avant que nous existions.

                Que les Américains s’en émeuvent, voilà bien le comble du cynisme, surtout quand on sait que le régime d’Obama ne combat pas réellement l’Etat islamique, qu’il ferme les yeux sur le nettoyage ethnique auquel se livrent parfois les Kurdes dans les zones qu’ils libèrent (selon une tradition inaugurée lors du génocide assyrien de 1915, parallèlement au génocide arménien), et qu’il surestime sciemment le nombre des victimes occasionnées par les frappes de la « coalition », laquelle ne sert qu’à faire oublier le crime politique que fut la guerre d’Irak. Peut-on d’ailleurs attendre autre chose d’un président à qui, à peine élu, on avait décerné le prix Nobel de la paix sur ses intentions et sur sa seule couleur de peau ? Quant aux manquements aux droits de l’homme à propos desquels l’organisation para-gouvernementale américaine Amnesty International rappelle que « des flots de sang » coulent des prisons du « régime » syrien, on nous permettra de rappeler la conduite des soldats yankees à Abou Ghraïb et à Guantanamo.

                Pendant ce temps, la France, qui se décompose à vue d’œil, comme on le voit en Corse et ailleurs, lutte contre l’islamisme en tentant d’interdire le « burkini » sur les plages, suscitant un de ces « débats » qui entendent prouver la « vitalité » du jeu démocratique – suscitant également la désapprobation d’associations immigrationnistes qui vont contester en justice cette décision, la presse stipendiée tentant, de son côté, d’intimider l’opinion, en assurant que nous sommes à ce propos la risée de l’étranger – en réalité des Anglo-saxons, notamment des Anglais et de tous ceux qui se sont déjà convertis au multiculturalisme d’Etat et se vautrent devant le capitalisme islamique.

                La lutte contre la « radicalisation » (mot qui permet d’éviter celui d’islamisme) est également à l’œuvre à Calais, où une « initiative solidaire », composée de « cuisinières mais aussi de comédiennes et de communicantes passionnées de gastronomie », a affrété un « food truck » pour « nourrir, créer du lien et favoriser l’insertion des réfugiés à travers des repas et des ateliers de cuisine » propres à mélanger « les cultures et les origines », déclare la très boboïque initiatrice de ce projet, qui ajoute que « la cuisine est un vecteur de lien social fort, tourné vers la vie et la communauté. C’est aussi un moteur d’insertion puisque la restauration en France représente plus de 20.000 emplois, dont 34.000 restent à pourvoir en cuisine : autant de chances pour ces réfugiés de se constituer un avenir ici ». Etrange discours dans un pays qui compte des millions de chômeurs qui pour beaucoup préfèrent, il est vrai, vivre des ressources du non-travail… Quant aux repas servis, ils sont bien sûr nutritivement corrects, et proposent une « assiette gourmande, vivante, variée, végétarienne, parce que c’est plus consensuel mais aussi plus éthique, moins cher et plus facile à stocker ».

                Contre ce grotesque catéchisme, qui fera hurler de rire les réfugiés et leurs maîtres de l’Etat islamique, on peut aussi bien suggérer d’envoyer non plus un « food truck » mais un « book truck », chargé des moins pires romans de la « rentrée littéraire », s’il s’en trouve, leurs auteurs les accompagnant pour des ateliers de lecture et d’écriture avec des « migrants » devenus des « icônes » et Calais « the place to be » pour se rendre favorables les jurys littéraires de l’automne : nul doute que les migrants, en voyant arriver cette nef des fous, renonceront à passer en Angleterre et retourneront dans leur pays d’origine.

    Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 21 août 2016)

    PS

    Je voudrais profiter de cette chronique pour remercier tous ceux qui m’envoient des messages de soutien : écrire comme je le fais suppose, ils l’ont compris, une forme de solitude quelquefois difficile, mais qui ne me fera pas démordre de la ligne que je me suis fixée : lutter en témoignant contre la grande inversion contemporaine.

     

     

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  • Pokemon m'a tuer...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Xavier Eman, cueillie sur son blog A moy que chault ! et consacré au dernier outil en date dédié à l'infantilisation des masses...

     

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    Pokemon m'a tuer...

    On croit avoir tout vu, tout entendu, tout déploré… mais on se trompe. Chaque jour, ou presque, l’époque parvient encore à nous sortir de son chapeau mité un nouvel objet de surprise et d’affliction. Son réservoir d’inepties et d’absurdités désolantes semble sans fond et sa capacité à se renouveler dans l’aberrant et le grotesque ne lasse pas d’impressionner. Dernier exemple en date, la mode hystérique des « Pokemons go » qui s’est répandue sur la planète presque aussi rapidement qu’une épidémie de grippe espagnole. Heureusement, cette nouvelle maladie, contrairement à sa grande soeur de 1918, ne tuera aucun homme puisqu’elle ne touche que les ectoplasmes qui les ont remplacés depuis maintenant de nombreuses années. Mais voyons, « Pokemons go » n’est qu’un jeu, c’est juste marrant et il n’y a vraiment pas de quoi se prendre la tête ! Faut-il être un sinistre grincheux et un affreux pisse-froid pour s’offusquer d’une si sympathique facétie ! Et quand bien même l’intérêt ludique de cette pratique nous échapperait, il suffit de s’en détourner en un haussement d’épaules ! Oui bien sûr, on pourrait – et sans doute devrait-on…- se borner à continuer de construire les murs de sa cabane hors du monde et rechercher dans la fréquentation des muses, de la luxure et des alcools les échappatoires nécessaires à la survie intellectuelle, mais lorsque l’on conserve, malgré tout, une once de respect et d’intérêt – ne serait-ce qu’au nom de ce qu’ils ont pu être…- pour ces hominidés qui occupent la même terre que vous et dont les obligations du monde rendent la fréquentation, même infime, obligatoire, on ne peut assister à leur avilissement croissant uniquement dans le silence et le fatalisme. Voir des individus, dont certains ont dépassé depuis deux ou trois décennies l’âge mongoloïde de l’adolescence, répondre avec une telle gourmande servilité aux moindres stimuli d’une quelconque multinationale du divertissement et s’adonner, avec un enthousiasme frisant la transe collective, à des pratiques qui seraient déjà à peine tolérables dans une cour de récréation d’école primaire, est un spectacle qui mène l’estomac même le plus accroché au bord des lèvres.. Soumission, infantilisation, abêtissement… tout y est… Sans même parler du degré d’intrusion dans la vie privée que représente ce nouveau gadget qui nécessite l’accès à l’historique de recherche Google et aux courriels… Il est vrai qu’étant donné ce qui la compose , leur « vie privée », ils peuvent en effet bien la dégueuler sur la voie publique, ça ne va pas éclabousser grand monde… Le plus troublant – terrifiant en vérité – est le fait que nombre de ces zombies hilares sont des parents, des travailleurs, des responsables, des étudiants… preuve que tous ces mots ont perdu tout sens et toute signification, du moins, en tout cas, qu’ils n’ont plus du tout le même contenu ni la même portée que jadis, quand nos grands-parents et nos arrières grands-parents les incarnaient. On a tué l’âge adulte et la maturité à grands coups de consoles de jeux, de psycho-pédagogisme, de Fast and Furious et de Transformers, d’Harry Potter, de Game of Thrones, de twitts et de facebook, de selfies et de Pokémons .. Il ne reste plus qu’à attendre le jour où, considérant qu’il est plus pratique et plus sympa de se chier dessus que de se déplacer aux toilettes, les post-ados définitifs de l’Occident triomphant remettront des couche-culottes pour s’en aller faire des pâtés de sable virtuels sur les grandes plages du cyber-divertissement sponsorisé par Nintendo et la CIA réunis en un même généreux et merveilleux holding…

    Xavier Eman (A moy que chault ! , 18 août 2016)

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  • Le « film préféré des Français »...

    Alors que La grande vadrouille, l'un des plus grands succès du cinéma français, est ressorti en salles cet été, nous reproduisons ci-dessous l'excellent article que Paul Fortune consacre à ce film sur son blog...

    Paul Fortune a récemment publié un excellent récit intitulé Poids lourd, dont nous ne pouvons, à nouveau, que vous recommander la lecture.

     

     

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    Le « film préféré des Français »

    On nous ressort la Grande Vadrouille, plus grand succès cinématographique de tous  les temps en France – du moins c’était le cas jusqu’à l’inexplicable succès de l’inepte pantalonnade des « Ch’tis ». La Grande Vadrouille est, paraît-il, le film préféré des Français. Pour une fois, je veux bien le croire, cette préférence n’ayant rien à voir avec les fameuses « personnalités préférées des Français » qui sont surtout les divers préférés des médias qu’on essaye de nous imposer à toute force dans des buts évidents de grossière propagande multiculturaliste. Cependant, les Français dont il s’agit sont probablement tous nés avant 1970, parce qu’il faut bien regarder les choses en face : la Grande Vadrouille commence à prendre un méchant coup de vieux.

    Certes, tous ceux qui ont pu voir les maintes et maintes rediffusions télévisées du film dans les années 80 lorsqu’ils étaient enfants en conservent un bon souvenir, car c’était une comédie plaisante tenue par l’extraordinaire Louis de Funès, mais je ne suis pas sûr que le film fasse autant d’effet si on le revoit aujourd’hui une fois qu’on a atteint l’âge adulte. En fait, la Grande Vadrouille en dit bien plus long qu’on ne le soupçonne sur la mentalité des Français. Le film en lui-même est une réussite comique portée par le génie de Louis de Funès, dont le duo avec Bourvil – dont j’ai toujours détesté le personnage de demi-débile – fonctionne à merveille. Mais sur le fond, ce film donne une image des Français à laquelle il est peu agréable de s’identifier : deux clowns lâches et râleurs arrivent, par leur ingéniosité, à faire tourner les Allemands en bourriques.

    En réalité, il y a deux publics de la Grande Vadrouille. Le premier, c’est celui des gens qui avaient connu la guerre et l’occupation, et à qui le film disait que finalement, tout ça n’était pas si grave et que s’ils n’avaient pas toujours eu un comportement héroïque, les Français avaient quand même été suffisamment malins pour mettre des bâtons dans les roues des Allemands, lesquels n’étaient après tout que des imbéciles raides et disciplinés. Bref, le film faisait l’unanimité parce qu’il allégeait singulièrement le fardeau de la collaboration et de la lâcheté de pas mal de Français. On préférait se voir en crétins retords plutôt qu’en lâches collaborateurs, la position du héros étant par trop improbable. Les Français aimaient se voir en cons sympathiques, peut-être parce que c’est que la plupart d’entre eux auraient voulu être, sentant bien que le côté sympathique avait probablement parfois fait défaut. Il y aurait long à dire cependant sur un peuple qui se reconnaît aussi bien dans un tel duo de losers.

    Le second public est celui de ceux qui n’ont pas connu la guerre et qui voient surtout une bonne comédie. Ceux-là sont souvent des gamins qui pourtant ne peuvent s’identifier au peu héroïque duo, et dont certain ne manqueront pas de remarquer que les Allemands, même s’ils passent pour des cons, ont quand même les uniformes les plus stylés. La puissance comique de Louis de Funès fait toujours mouche, mais j’ai des doutes quand au personnage malsain dans lequel Bourvil se complaît et sur lequel il a fait une partie de sa carrière, et je crois avoir déjà dit ailleurs combien il me mettait mal à l’aise.

    Le vrai film sur la période, sorte de matrice en négatif sortie dix ans avant, c’est La Traversée de Paris, de Claude Autan-Lara. On y trouve déjà de Funès et Bourvil, mais qui ne se complaisent pas dans leurs rôles tardifs de bouffons. De Funès est un lâche colérique et pingre, Bourvil un trouillard magouilleur peu viril dont la hantise est d’être fait cocu. Le film est emmené par Jean Gabin, sorte d’anarchiste de droite au charisme envahissant qui professe un cynisme déplaisant qui empêche qu’on le trouve vraiment sympathique. La vraie France de l’occupation est là : on y trouve des pleutres occupés de petites affaires égoïstes, dérangés dans leur médiocre survie par un provocateur nanti. Personne n’est épargné dans ce tableau dérangeant d’un Paris dans lequel les Allemands perdent toute bonhomie pour devenir une menace bien réelle qui parcourt la nuit et terrifie au moindre bruit. Film scandaleux dans lequel retentit la fameuse réplique « salauds de pauvres » aux accents céliniens, La Traversée de Paris est toujours mal passée : elle tendait aux Français d’après-guerre un miroir un peu trop net.

    Tout cela ne serait que du cinéma si on ne pouvait y lire le défaitisme contemporain. Il semble que la France ne se soit jamais complètement remise moralement de la défaite et de l’occupation. Il est un peu triste que les Français n’aiment rien tant que de se voir en loosers sympathiques, que ce soit devant La Grande Vadrouille ou face aux postiers alcooliques d’un navet réalisé par un comique de seconde zone.

    La Grande Vadrouille reste un bon film avec des moments comiques inoubliables, et en ces temps d’incertitudes identitaires, je ne doute pas que sa franchouillardise bonhomme fasse salle comble. Cependant, c’est plutôt de l’esprit du Gabin de La Traversée de Paris dont nous avons besoin aujourd’hui que de la crétinerie inoffensive et pathétique de Bourvil.

    Paul Fortune (Blog de Paul Fortune, 17 août 2016)

     
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  • L'exemple corse...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et consacré à la réaction des Corses aux provocations communautaristes musulmanes. En Corse, la résistance identitaire est en marche...

     

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    En Corse c’est la population qui a désormais l’initiative contre les racailles et les islamistes

    Ici les racailles font la loi

    Ici, sur le continent, les racailles et les casseurs font la loi, notamment dans les banlieues prétendument sensibles, zones de non-droit où les forces de l’ordre n’osent quasiment plus intervenir, obéissant aux consignes d’une hiérarchie tétanisée à l’idée du retour des émeutes de 2005. Alors pas de vagues !

    Patrick Kanner, le ministre de la Ville, a courageusement affirmé qu’il y avait « aujourd’hui, on le sait, une centaine de quartiers en France qui présentent des similitudes potentielles avec ce qui s’est passé à Molenbeek » (1).

    Oui, « on le sait », mais on… le tolère. Mieux encore : on finance une apparence de paix urbaine en payant les caïds pour qu’ils calment les jeunes : cela s’appelle la politique de la Ville, sorte de contribution dhimmie payée par le contribuable sefran ou babtou pour que les jeunes n’aient pas « la haine ».

    Mais cela marche de moins en moins et, à la première interpellation qui tourne mal, ce sera l’émeute ; et bien sûr, aussi, l’enquête immédiatement diligentée pour vérifier si, des fois, la police ne serait pas coupable de violences injustifiées, comme aux Etats-Unis. Cela se passe toujours ainsi sur le continent, pour le plus grand profit des racailles.

    La culture de l’excuse

    Car ici les racailles sont toujours des victimes qui font pleurer les bobos et le Syndicat de la magistrature : des victimes du chômage, du racisme ou des « provocations » policières. Sur le continent on en tient pour la culture de l’excuse dès lors que ce n’est pas un Français de souche qui commet un délit ou un crime. D’ailleurs, le racisme antifrançais ou la christianophobie, la justice ne connaît pas.

    Sur le continent la population se tait et rase les murs. Car si d’aventure elle s’exprimait, alors la répression « antiraciste » s’abattrait sur elle. Les ligues de vertu bien pensantes, également financées par le contribuable, sont là pour y veiller.

    Et la classe politicienne, qui ne cesse de courir après le vote communautariste, emboîte le pas : lorsqu’une violence, un crime ou un attentat sont commis, leur première réaction consiste à proclamer « Pas d’amalgame » ! C’est ce qu’Alain Juppé appelle « garder son sang-froid » (2). En clair : la fermer et se soumettre.

     L’impunité c’est fini

    Dans l’Ile de Beauté, où, à la différence du continent, on veille à préserver son identité et sa famille, les choses se passent désormais différemment, comme on le voit depuis quelques mois. En Corse, on ne tolère plus, par exemple, que les « jeunes » caillassent ou agressent les pompiers en toute impunité, comme on l’a vu à Ajaccio en décembre 2015.

    Le journal Le Monde titrait alors « Ajaccio sous le choc après les manifestations xénophobes » (3), jouant ainsi son rôle de pleureuse attitrée défendant les malheureux jeunes. Et le préfet, incapable de protéger les pompiers, d’en appeler évidemment à la « sérénité ». Bref, le bla-bla habituel.

    Mais ce rideau de fumée politico-médiatique sur fond d’impuissance gouvernementale ne produit plus en Corse les mêmes effets soporifiques que sur le continent.

    En Corse, le message d’Ajaccio était clair : l’impunité pour les racailles c’est fini. On ne va pas continuer à se laisser faire.

    En Corse on désigne les choses par leur nom

    La réaction aux événements qui se sont produits récemment à Sisco est également significative.

    Car pour la première fois dans notre pays les autorités de la collectivité de Corse n’ont pas hésité à désigner les choses par leur nom : « Ce sont des comportements provocateurs et des actes violents de la part de personnes étrangères à la commune qui sont à l’origine des faits… assortis d’une revendication explicitement communautariste voire religieuse. Ces faits ont inéluctablement entraîné une intense émotion et une réaction forte de la part de la population de Sisco » (4).

    Cette déclaration, qui non seulement désigne les responsables des affrontements mais exprime aussi sa compréhension de la réaction populaire, tranche avec le pathos bisounours et padamalgam que les élus nous assènent habituellement sur le continent après chaque fait similaire.

    En Corse on n’a pas peur de désigner l’ennemi : donc on sait encore faire de la vraie politique et on sait encore faire la guerre – alors que sur le continent, déjà en voie de Soumission, on a la trouille de le faire.

    En Corse le pathos bisounours et padamalgam ne marche plus

    Le ministre de l’Intérieur a, bien sûr, comme d’habitude, « condamné les violences », posture officielle et cynique consistant à mettre sur le même plan agresseurs et victimes. On est habitué ici à ce type de fausse symétrie, mais en Corse cela ne marche plus.

    La presse bien pensante cite ainsi avec effroi des déclarations comme celles-ci : « Les agresseurs habitent ici. On veut montrer à leurs frères, à leurs amis et à tous ceux qui les connaissent que nous ne tolérerons jamais ce genre d’actes sur notre terre ! » ; ou bien encore « Agresser un seul Corse, c’est comme agresser toute la Corse. Depuis plusieurs mois, François Hollande nous répète que nous sommes en guerre. Et dans une guerre, quand on est attaqué, il faut répondre. Et pas seulement en allumant des bougies… » (5).

    Face à l’islamisme la dissidence a l’initiative en Corse

    En Corse ce sont désormais les dissidents hors Système qui ont l’initiative face à l’islamisme et aux racailles : c’est-à-dire les indépendantistes et la réaction spontanée de la population.

    Car, en Corse, la réaction populaire l’emporte sur celle des autorités, dépassées parce qu’enfermées, comme en métropole, dans la doxa politiquement correcte.

    Comme l’a montré le FNLC dans sa déclaration diffusée dans Corse Matin le 27 juillet dernier, c’est la dissidence qui incarne désormais la grande politique car elle tient un langage de vérité qui rencontre un large écho dans la population.

    Le FNLC dénonce ainsi une « radicalisation croissante dans le sud de la Corse » correspondant à la volonté des salafistes de « mettre en place chez nous la politique de Daesh ». Les indépendantistes préviennent aussi (6) que toute attaque contre les Corses fera l’objet « d’une réponse déterminée sans état d’âme ». Ils réclament aussi que les musulmans qui vivent en Corse prennent position clairement contre l’islamisme. Enfin, ils affirment qu’ « il faudra que la France cesse sa propension à intervenir militairement et vouloir donner des leçons de démocratie à la terre entière si elle veut éviter que les conflits qu’elle sème à travers le monde ne reviennent comme un boomerang sur son sol ».

    On n’est pas forcé d’approuver en tout le FNLC ni le vocabulaire « anticolonialiste » propre à cette organisation, mais, en quelques mots, tout est dit.

    Où sont les hommes ?

    En Corse on sait manifestement que ce n’est pas en se soumettant à la violence ou en commémorant ses victimes, comme ne cesse de nous le dire l’oligarchie, qu’on retrouve sa liberté et sa dignité, mais en lui opposant la force, qui seule garantit le droit.

    Mais où sont donc passés les derniers hommes ? En Corse manifestement.

    Michel Geoffroy (Polémia, 16 août 2016)

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  • Mais pourquoi nous attaquent-ils donc ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site huyghe.fr, qui vient prolonger son texte sur la géopolitique de l'Etat islamique et expliquer les raisons de l'hostilité dont cette entité politico-religieuse fait preuve à notre égard...

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    Pourquoi les jihadistes disent nous haïr

    Pourquoi nous attaquent-ils ? Cette question ressurgit à chaque attentat et suscite en général des réponses types plus ou moins cumulables :
     
    1- ils ne savent pas ce qu'ils font, ce sont des déséquilibrés mauvais musulmans (comme le tueur de Nice : il avait fait une dépression en 2004, était bisexuel et buvait..) donc pas de rapport avec la religion ou alors ces gens prennent le djihadisme comme alibi, donc, ne faisons pas d'amalgame ou de surinterprétation. C'est la théorie de l'erreur. Mais pourquoi tant d'erreurs qui ne se produisent pas chez les athées ou les bouddhistes de notre pays ?
     
    2- ils détestent nos valeurs. C'est la version de G.W. Bush : ce sont des "freedom haters", des gens qui détestent la liberté. Variante de François Hollande répétée à chaque cérémonie funèbre, donc souvent : ils agissent parce qu'ils détestent la République et ses valeurs. Cette théorie du ressentiment n'est pas totalement fausse, en ce sens qu'ils haïssent effectivement nos principes démocratiques et notre liberté de mœurs et de croyance, mais ils ne le font pas par pure méchanceté : il le font au nom d'autres valeurs positives et d'une autre légitimité que le pouvoir du peuple ou le droit de l'individu.
     
    3- variante stratégique de la thèse du ressentiment : ils cherchent à déclencher une guerre de religion ou une guerre civile en France. Ils veulent dresser les communautés les unes contre les autres, brisant ainsi notre très enviable vivre-ensemble. Sauf que pour eux le djihad a commencé il y a quelques siècles et que c'est un combat planétaire, métaphysique et apocalyptique entre les croyants et tous les autres, mécréants ou hypocrites, pas une histoire d'affrontement entre bandes de banlieue et milices cathos (d'ailleurs inexistantes) à la Houellebecq.
     
    4-  dernière version inoxydable : c'est une affaire de frustration, de sentiment d'injustice et de désir inassouvi, c'est psycho-sociologique. La religion n'est qu'un prétexte dans cette affaire ; elle dissimule une révolte contre un monde insupportable donc notre responsabilité. C'est la thèse. "Vous n’avez rien fait contre le terrorisme" puisque ses causes sont ailleurs Ainsi, pour Geoffroy de Lagasnerie et Édouard Louis dans une tribune qui a fait du bruit : "Car rien n’a été entrepris contre les causes de la violence politique et sociale, contre les structures qui l’engendrent, contre les conditions de vie qui font naître chez un individu le désir de destruction... aucun des moyens dont dispose l’Etat, dont vous disposez pour créer un monde plus juste, plus sûr et pour arracher les individus à la logique de la haine, n’ont été utilisés - et l’on pourrait même dire que c’est, dans ce registre, plutôt l’inverse que vous avez fait, et qu’on a plutôt assisté, ces derniers mois, au triomphe de la régression sociale." Ou, mieux encore, la vision de Badiou pour sui il s'agit de crimes de nihilistes fascistes avides de jouissances brutales, d'occidentaux "inversés"... Donc, les acteurs sont inconscients (seul l'intellectuel distinguant les vraies causes structurelles) rien à voir avec ce qu'ils croient ou leurs ambitions proclamées, etc., etc. Les objectifs affichés et les principes de légitimité proclamés ne feraient que dissimuler des motifs réactifs et primaires. Mais sommes nous certains que le jour où nous aurons établi la société parfaite d'égalité, de sécurité, de liberté et de solidarité, ses ennemis cesseront de la combattre au nom de la transcendance ?

    Bref nous avons peine à croire que les causes soient à rechercher partout sauf dans la religion et la géopolitique, ce qui serait curieux pour des gens qui se réclament a) du djihad b) d'un califat. Et qui, notamment dans leurs cassettes testaments, ne cessent de nous dire qu'ils vont nous punir parce que nous bombardons le califat et tuons des femmes et des enfants musulmans.

    Et si nous allions leur demander ? Car, après tout, ces gens écrivent, et essaient de nous faire comprendre des choses tantôt par des prêches, tantôt par des attentats.

    Pour mémoire, ben Laden s'était expliqué très clairement dans une fatwa de 1998.
    "Premièrement depuis plus de sept ans les États Unis occupent la terre d'islam dans sa partie la plus sainte... Deuxièmement, malgré la grande dévastation infligée au peuple irakien par l'alliance des croisés sioniste et malgré le nombre élevé de tués qui a atteint plus d'un million... malgré tout cela, les Américains sont de nouveau en train de répéter ces massacres horribles, car ils ne sont pas satisfaits du blocus. prolongé imposé après une guerre féroce et dévastatrice.... Troisièmement, si les objectifs des Américains derrière ces guerre sont religieux et économiques, ils servent aussi les intérêts de l'État juif en détournant l'attention de son occupation de Jérusalem et du meurtre de musulmans.".(23 février 1998). Donc : retrait des Américains d'Arabie saoudite, fin de l'embargo sur l'Irak et fin soutien à Israël. Simple et compréhensible.

    Maintenant, pourquoi l'État islamique nous haït-il et nous combat-il ? Allons voir ce qu'ils disent dans le dernier numéro de leur revue anglophone Dabiq. En résumé :
    1 - parce que vous êtes incroyants et que vous rejetez l’unité d’Allah
    2 - parce que vos sociétés libérales sécularisées autorisent ce qu’interdit Allah, vous séparez l’État de la religion et êtes permissifs, incroyance et débauche
    3 - en particulier, pour les athées, nous vous haïssons et vous attaquons parce que vous refusez de croire en l’existence du créateur, en dépit de la splendeur de l’Univers
    4 - vous commettez des crimes contre l’Islam et attaques contre notre religion en vous moquant du Prophète, en brûlant des Corans, etc.
    5 - Vous commettez des crimes contre les musulmans avec vos drones et vos avions. Vous tuez des femmes et des enfants
    6 - Vous envahissez nos terres et nous allons vous repousser. Le djihad reste une obligation individuelle pour chaque musulman

    Et Dabiq de préciser : « Il n’est pas moins important de comprendre que nous vous combattons pas simplement pour vous punir ou vous dissuader, mais pour vous apporter la vraie liberté dans cette vie et le salut dans l’autre, la liberté de ne pas être enchaînés à vos vices et à vos désirs autant que la libération de votre clergé et de vos législateurs et pour vous apporter le salut en adorant votre Créateur seul et en suivant son messager » (le lecteur a bien compris la différence avec la stratégie d'al Qaïda.

    Donc ils nous combattent et pour ce que nous sommes (impies) et pour ce que nous faisons (la guerre, les bombardements, les invasions) et surtout pour ce qu'ils peuvent nous faire -sauver nos âmes-. En gagnant au passage pour eux le salut éternel, la gloire du martyre, la conquête du monde et la satisfaction de punir "les ennemis d'Allah".
    Et l'on s'étonne de la séduction du djihad !
     
    François-Bernard Huyghe (huyghe.fr, 8 août 2016)


    Nota : pour la petite histoire, le dernier numéro de Dabiq est un "Spécial antichrétien" avec longues considérations sur le Christ, certes prophète, mais qui n'est pas mort en croix ou sur le concile de Nicée (dogme de la Trinité), d'où il résulte qu'un authentique disciple de Jésus, s'il est cohérent, se convertira et fera le djihad.
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