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Points de vue - Page 232

  • La laïcité : une idéologie au service du Grand Remplacement ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la question de la laïcité...

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    La laïcité : une idéologie désormais au service du Grand Remplacement

    La laïcité serait, selon l’oligarchie, la réponse « républicaine » à l’islamisme et un levier du fameux « vivre-ensemble ».

    Mais c’est une totale duperie, qui ne sert qu’à déconstruire toujours plus notre civilisation.

    La déesse Raison

     La laïcité est une invention des Lumières, reprise ensuite, en partie, par la Révolution française ; en partie seulement parce les républicains ne sont pas tous hostiles à la religion, loin de là : beaucoup sont d’ailleurs déistes, à commencer par Robespierre. Même si, au-delà de la lutte contre les ordres de la société d’Ancien Régime, pour les intellectuels des Lumières, la religion correspond à un stade dépassé et obscurantiste du développement humain, appelé à se voir remplacé par celui de la Raison et de la Science. On célèbre alors la déesse Raison dans des églises reconverties à cet effet, ce qui est quand même une légère contradiction…

    Cependant la laïcité telle qu’on l’invoque aujourd’hui est assez différente car reformulée à la sauce libérale/libertaire. Elle ne correspond plus vraiment, en outre, à la doctrine élaborée et mise en œuvre sous la Troisième République, avec notamment la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

    Une laïcité de combat

    La laïcité de la Troisième République était avant tout de nature politique, en effet : elle visait à réduire l’influence sociale de l’Eglise catholique, considérée comme hostile au nouveau régime. En particulier dans l’enseignement : les républicains de la Troisième République voyaient loin et se sont servis de la séparation de l’Eglise et de l’Etat pour briser l’enseignement catholique. Le formatage des futurs électeurs sera désormais accompli par l’enseignement public obligatoire et laïc et aussi par la conscription.

    Il s’agissait donc d’une laïcité de combat pour enraciner le républicanisme dans la France rurale d’alors – en arrachant la population à ses déterminants religieux, comme aurait pu dire Vincent Peillon, ancien ministre de l’Education nationale. Ce qui fut fait en partie et déboucha sur un relatif consensus patriotique.

    La laïcité contemporaine : une idéologie inconsistante

    L’idéologie laïque contemporaine est de nature différente car elle exprime avant tout un individualisme d’origine libérale/libertaire, qui repose sur l’idée paradoxale que la religion pourrait et devrait rester une affaire privée – en contradiction, pourtant, avec l’étymologie même du mot puisque religion vient d’un verbe latin signifiant « relier » : la religion par principe a donc au contraire toujours une dimension communautaire. Ce qui explique aussi que la religiosité soit aussi ancienne que la socialisation humaine.

    L’idée que la religion doive être reléguée dans l’espace privé est au surplus totalement marginale à l’échelle de l’histoire et de l’humanité incarnée. Seuls les adeptes de la doxa libérale/libertaire y croient, c’est-à-dire une partie extrêmement marginale et au surplus déclinante de l’humanité.

    L’utopie de la religion privée

    Affirmer qu’une croyance religieuse relève de la simple opinion personnelle aurait d’ailleurs fait hausser les épaules de nos ancêtres et ils auraient assimilé cette attitude à une forme d’athéisme. Comme cela ferait rire les Indiens, les Japonais, les Africains ou les musulmans : tous considèrent au contraire leur religion comme une composante de leur identité culturelle et sociale. D’ailleurs dans la civilisation européenne traditionnelle, la fonction souveraine recoupait bien une dimension à la fois temporelle et spirituelle : ce qui signifie que la religion avait nécessairement « droit de cité ».

    En d’autres termes, une société où la religion ne serait qu’une inclination personnelle, sans aucune dimension sociale, n’existe tout simplement pas. Mais cette utopie fait partie de la doxa libérale/libertaire et constitue par conséquent un dogme auquel on est prié de croire de nos jours.

    Le caractère inopérant de cette idéologie apparaît pourtant clairement aujourd’hui face à l’islam, religion qui repose sur l’observation de commandements de nature sociale et qui pour cette raison ne peut se cantonner à l’espace individuel. Ce qui explique d’ailleurs la grande fragilité des régimes « musulmans laïcs » dans l’histoire, car ils reposent sur des principes incompatibles. Tous finissent par être balayés par une pratique plus orthodoxe de l’islam, sauf à se transformer en dictatures militaires pour tenter de retarder le processus.

    Une idéologie trompeuse

    A quoi sert donc l’invocation de la « laïcité » de nos jours ? A tromper les Français.

    D’abord, il y a tromperie sur le contenu du mot « laïcité ». Car dorénavant la laïcité n’est plus la séparation de l’Eglise et de l’Etat, comme en 1905, mais serait au contraire l’encouragement donné par les collectivités publiques à l’exercice des « cultes » : en clair, l’encouragement à la construction de mosquées, même si on les baptise pour la circonstance sous l’euphémisme de « centre culturel », au motif qu’il faudrait traiter toutes « les religions » de la même façon.

    Cette évolution sémantique traduit le fait que l’Etat et les collectivités publiques ne cessent de céder devant la poussée de l’islam.

    Les laïcs, un peu gênés quand même, ont d’ailleurs inventé un nouveau concept pour ce faire : la « laïcité positive », comme la discrimination du même nom ! La laïcité positive est en effet censée solutionner la quadrature du cercle laïc vis-à-vis de l’islam : comment faire croire que l’on reste « laïc » tout en cautionnant les manifestations extérieures et donc sociales de l’islam ? That is the question !

    Désinformer les Français

    L’invocation du mot laïcité sert donc à désinformer les Français : elle vise à faire croire que l’oligarchie serait, face à l’islam, dans le même esprit que celui du petit père Combes vis-à-vis des catholiques.

    Alors que nous sommes exactement dans une situation inverse.

    Les laïcs de la Troisième République voulaient contrer l’influence de l’Eglise catholique. Les oligarques « laïcs » veulent au contraire engranger les avantages électoraux – et financiers via les pétromonarchies – de leur soutien ostensible à l’islam !

    Le mot laïcité est donc devenu typiquement novlangue de nos jours : car il désigne l’inverse désormais de ce que l’on rangeait habituellement sous ce terme.

    Face à l’islam l’oligarchie prend le contrepied de la laïcité

    L’invocation de la « laïcité » ne sert donc pas du tout à cantonner l’islam dans l’espace privé.

    Une véritable attitude « laïque » devrait pourtant consister à limiter les manifestations publiques de l’islam qui finissent par s’imposer aux non-musulmans, comme on a réglementé dans le passé, pour cette raison, les sonneries de cloches des églises. Mais cela est considéré par l’oligarchie, qui lorgne sur le vote musulman, comme de… l’islamophobie d’extrême droite !

    Elle devrait aussi consister à imposer aux musulmans le respect d’un concordat national, comme on l’a fait dans le passé pour le catholicisme ou le judaïsme. Mais en réalité on fait tout le contraire puisqu’on n’impose aux musulmans aucune contrepartie aux facilités qu’on leur accorde de façon croissante.

    La laïcité à géométrie variable

    L’invocation de la « laïcité » ne sert finalement qu’un seul objectif : combattre l’identité française en s’efforçant de gommer toujours

    plus ce qui reste des racines chrétiennes des Européens en général et des Français en particulier.

    Que font en effet nos « laïcs » aujourd’hui ? S’opposent-ils aux prières dans les rues, aux repas hallal dans la restauration collective, aux

    exigences des musulmans dans les hôpitaux ou au port du voile dans les lieux publics ? Pas du tout : ils font campagne contre… les crèches de Noël dans les mairies ! ou ils veulent supprimer les fêtes chrétiennes du calendrier (*), comme ils ont commencé de le faire avec le travail dominical ; ou ils ne chassent que l’islamophobie, réelle ou prétendue, en délaissant la christianophobie.

    En d’autres termes les « laïcs » newlook masquent leur impuissance et leur lâcheté face à l’islamisation derrière une mauvaise foi ostensible, présentée comme une « valeur républicaine » : pour une commune, aider à la construction d’une mosquée c’est laïc. Par contre, installer une crèche chrétienne dans une mairie n’est pas laïc.

    La laïcité est donc, comme désormais la justice, à géométrie variable dans notre pays : dure avec les autochtones, tolérante avec les autres. Il faut dire que ces autres savent faire respecter leurs convictions et leurs croyances, à la différence des autochtones !

    La « laïcité » vient ainsi en soutien du discours sur le « vivre-ensemble » : les autochtones sont priés, et eux seuls, de mettre en sourdine leurs traditions, leurs croyances, leurs fêtes ou leur façon de vivre. Pour vivre avec les autres, c’est-à-dire en réalité comme les autres.

    Une façon de préparer leur future soumission. Ou bien leur révolte.

     Michel Geoffroy (Polémia, 18 février 2016)

     

    (*) « Je suis pour la suppression intégrale de toutes les fêtes chrétiennes en France », Pierre Bergé le 26 septembre 2013.

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  • La gauche et l'extase migratoire...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alban Keetlebuters, doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), cueilli sur le site de Marianne et consacré au discours sans-frontiériste de la gauche...

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    Emmanuelle Cosse, nouvelle ministre du Logement

     

    La gauche et l'extase migratoire

    De l’affaire Léonarda à l’actuel chaos migratoire, le discours sans-frontiériste selon lequel « il faut accueillir tous les migrants », comme le déclarait Emmanuelle Cosse le 3 septembre 2015, ressurgit à intervalle régulier dans le débat public. Abolir les frontières, encore et toujours. À ses yeux, la France aurait dorénavant pour mission et pour devoir de subvenir aux besoins des « migrants » du monde entier. Vaste programme.

    Suscitant la suspicion des uns et l’incompréhension des autres, l’immigration demeure l’un des principaux impensés de la gauche française. À l’ère de la « globalisation » et des « flux », la frontière est devenue pour beaucoup, et à tort, synonyme de conservatisme et de xénophobie. Esther Benbassa, sénatrice Europe Écologie Les Verts, n’avait-elle pas qualifiée de « rafle » la reconduite à la frontière de la jeune Léonarda ?

    Il faut réentendre ces mots prononcés par Régis Debray sur France Culture, peu après la parution de son Éloge des frontières (Gallimard, 2006), à contre-courant du discours caricatural qu’une partie de la gauche et des écologistes ne cesse de ressasser : « La frontière n’est pas du tout la fermeture angoissante. La frontière est une marque de modestie : je ne suis pas partout chez moi. La frontière est ambiguë, comme le sacré. On a autant de raisons de la redouter que de l’aimer. Là où il n’y a pas de frontière, il y a la guerre. Voyez le conflit israélo-palestinien. Qu’est-ce que c’est ? Une absence de frontière. On n’arrive pas à trouver la bonne frontière reconnue de part et d’autre. Il y a aujourd’hui en France un état d’esprit où, quand vous parlez frontière, on vous répond souverainisme, identité, “ethnicisme. La frontière est un tamis. Il est bon qu’elle soit une passoire, mais une passoire qui contrôle, qui régule. Sinon c’est le tohu-bohu, et le tohu-bohu c’est le rapport de forces, c’est la loi de la jungle. Dans la jungle il n’y a pas de frontières, c’est pourquoi il n’y a pas de droit ».

    Saturés d’images sensationnalistes, misérabilistes et culpabilisantes, les Français sont priés de prendre position entre l’axe du Bien et du Mal, l’ouverture ou la fermeture, le « parti de l’Autre » pour reprendre l’expression d’Alain Finkielkraut ou l’égoïsme national. Il ne manque plus que Stéphane Hessel pour inviter les citoyens à l’indignation collective : Indignez-vous ! Les réactions à la photographie obscène du petit Aylan Kurdi, que la police turque a retrouvé mort sur une plage, furent à cet égard très instructives. Comme si les Européens en général, et les Français en particulier, étaient responsables de la mort tragique de cet enfant.

    Comme le soulignait déjà Pascal Bruckner dans Le sanglot de l’homme blanc (Seuil, 1983), « chaque jour, chaque année voit s’allonger un peu plus la liste des pêchés imputés à une communauté sur qui pèse l’ancestral soupçon de souiller les sources de la vie. La méchanceté est une sorte de malédiction anthropologique attachée aux peuples des pays tempérés : l’Occident serait cruel et allergique aux autres comme l’asthmatique aux poils de chat. Quoi que nous fassions, la faute prospère à notre place, l’inexpiable nous tient. » Quiconque prétend s’interroger sur ce déferlement migratoire dégage aussitôt un parfum de pétainisme et se voit qualifié de xénophobe. La question interdite reste sans réponse : une société minée par le chômage de masse et l’accroissement des inégalités sociales, en proie à une crise de l’intégration sans précédent, cible principale du djihadisme en Europe, et dont l’ascension du parti d’extrême droite dans le champ démocratique est aussi fulgurante peut-elle – doit-elle – accueillir ces migrants ?

    D’autre part, sur les épaules de quelle partie de la population leur accueil va-t-il peser ? Seront-ils accueillis dans les villes ethniquement, socialement et culturellement à la fois homogènes et privilégiées ? Ou bien seront-ils à terme, comme dans le dernier film de Jacques Audiard, Dheepan, largués dans les quartiers les plus défavorisés, ces zones de non droit détruites par la misère, la délinquance, le trafic de drogue et l’intégrisme ? Va-t-on intégrer dignement ces nouvelles populations, ou va-t-on multiplier les « jungles » à l’instar de celles de Calais et du métro La Chapelle, dans le XVIIIème arrondissement de Paris ?

    Au lieu de jouer le jeu du Medef, les indignés de service et autres pleureuses professionnelles feraient mieux de s’interroger sur les racines politiques de ce désastre migratoire, en particulier sur la politique d’ingérence qu’ils soutiennent sans faillir depuis des années.

    Alban Ketelbuters (Marianne, 15 février 2016)
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  • Donald Trump et la politique étrangère...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de Caroline Galactéros, cueillie sur le site du Point et consacré aux positions de Donald Trump en politique étrangère. Des positions qui sont tout sauf absurdes et qui font trembler l'establishment de Washington et le lobby militaro-industriel. L'analyse de l'auteur rejoint par bien des points celle d'un observateur avisé comme Philippe Grasset sur son site De Defensa...

     

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    La politique étrangère vue par Donald Trump

    Vue d'Europe, notamment de Paris, la victoire éventuelle du tonitruant Donald Trump à la primaire républicaine en vue de la présidentielle américaine est présentée comme une catastrophe. Rustique, emporté, machiste assumé, briseur des tabous de la political correctness si prisée des élites sur les deux rives de l'Atlantique, il passe pour un éléphant dans un magasin de porcelaine qui fracasserait sans réfléchir les potiches-mantras d'une Amérique « gendarme du monde » répandant par le feu, le sang et le dollar la démocratie et surtout le marché sur la partie encore arriérée de notre planète. Le milliardaire-outsider a ligué contre lui « l'establishment » démocrate mais aussi républicain, notamment les néoconservateurs qui, derrière leurs concurrents Ted Cruz ou Marc Rubio, ne décolèrent pas de le voir surfer sur le désaveu de l'électorat pour les politiciens-patriciens, aussi démagogues mais plus déconnectés encore de la réalité américaine. C'est un animal politique qui détruit les codes de pensée et de parole et les understatements calibrés de la compétition présidentielle. Il parle à l'Amérique profonde, la choque et la rafraîchit tout à la fois.

    Nul ne peut encore dire s'il va l'emporter ou s'effondrer. Sa nette victoire dans le New Hampshire doit lui donner des ailes. Malgré la camarilla médiatique lancée contre lui, un fait notable doit retenir l'attention : Trump a une vision des relations internationales tout à fait originale et, osons le dire, novatrice. En ce domaine, son abandon pourrait être une mauvaise nouvelle pour la paix du monde. Car il se démarque sensiblement de l'interventionnisme propre à tous les autres candidats, à l'exception de Bernie Sanders. Ceux-ci, ignorant les fiascos stratégiques irakien, afghan ou libyen, persistent à voir dans l'aventurisme militaire et l'entretien d'un savant chaos – notamment moyen-oriental – des martingales pour restaurer la puissance et l'influence américaines en chute libre depuis 2003. Chacun d'eux propose un alliage d'impérialisme classique dont seules les proportions de soft et de hard power diffèrent.

    Donald, lui, s'insurge contre cette dispendieuse et contre-productive tendance américaine à se mêler de tout. Il se soucie comme d'une guigne du « regime change » et de la « responsabilité de protéger ». Il ne croit pas dans l'expansion souhaitable des droits de l'homme qu'il assimile à « un prêchi-prêcha » dangereux et ruineux. C'est un homme d'affaires, qui aime le statu quo et trouve aux régimes autoritaires des vertus, notamment en matière de lutte contre l'islamisme. Il recherche des marchandages globaux et équilibrés avec des interlocuteurs à poigne qui peuvent partager son langage, celui du pur intérêt national. La multipolarité du monde est pour lui une évidence. Il faut s'en accommoder et baser les relations internationales sur des convergences d'intérêt pragmatiques. Ce realpoliticien ne voit dans le messianisme américain qu'une « danseuse » hors de prix trop sujette aux entorses. Son mercantilisme profond rime avec un protectionnisme et un isolationnisme mesurés, l'intervention américaine ne pouvant se concevoir que contre gains sonnants et trébuchants ou réciprocité protectrice.

    Vision contre-intuitive

    Dans l'atmosphère actuelle où le moralisme entêté sert de cache-misère au cynisme producteur d'ultra-violence et au chaos sécuritaire, cette vision du monde paraît contre-intuitive. Aussi passe-t-il pour un populiste naïf et va-t-en-guerre, alors qu'il a mieux compris que d'autres les conditions d'un apaisement de la conflictualité mondiale, et l'ordre des priorités souhaitable pour un Occident en déroute : acceptation de la multipolarité du monde, lucidité, réciprocité, recherche de compromis équilibrés, non-ingérence dans les affaires des États, respect de la légalité internationale. On peut trouver quelques inconséquences ou naïvetés dans cette profession de foi décoiffante. Par exemple, la posture de Barack Obama lui semble infiniment trop conciliante envers l'Iran, mais aussi envers le Japon, les Philippines, le Mexique ou même l'Europe, qui « profiteraient » indûment de la protection américaine sans bourse délier. C'est évidemment un peu court et même partiellement faux.

    La politique américaine de bases militaires permanentes dans les zones d'influence déterminées en Asie et en Europe, initiée après la Seconde Guerre mondiale, reste moins dispendieuse que des corps expéditionnaires projetés à grands frais au coup par coup. Surtout, elle a rapporté gros en termes de puissance et d'influence économique et culturelle. Elle correspond aussi à une emprise stratégique et militaire. La conditionnalité de ce « parapluie sécuritaire » américain ne se mesure pas qu'en argent, même si les achats d'armements en sont une contrepartie majeure – comme viennent encore de le démontrer les Polonais en annonçant l'achat probable d'hélicoptères de combat Black Hawk et AW 149 au détriment des Caracal d'Airbus –, et il faut se souvenir que le Japon financera près des deux tiers de la guerre du Golfe de 1990. Le marchandage réside surtout dans la limitation de la souveraineté de facto admise par ces affidés qui ont accepté un contrôle géopolitique étroit de Washington. L'Otan est le véhicule institutionnel et opérationnel de cette dépendance consentie qui a tué dans l'œuf le projet d'une « Europe-puissance », celui d'une défense européenne autonome, y compris au plan industriel, et ruiné jusqu'à la simple ébauche d'un rapprochement politique et stratégique avec la Russie, puisque les anciens satellites de Moscou ont tous été « accueillis » dans l'Otan et dans l'UE.

    Pour Trump, ce sur-engagement des États-Unis dans le monde ne les a pas vraiment servis. L'ingratitude de leurs alliés, le déclenchement d'hostilités ouvertes entre civilisations concurrentes doivent conduire Washington à « réduire la voilure » de cet impérialisme à contre-emploi. On peut parier que le complexe militaro-industriel fera tout pour qu'il échoue...

    Donald Trump porte donc des lunettes neuves pour voir le monde tel qu'il est et ne va pas. C'est ce qu'on lui reproche. À ses yeux, mieux vaut les régimes autoritaires que le chaos, et une diplomatie fondée, non sur la confiance ou l'amitié feinte, mais sur le respect et des convergences équilibrées d'intérêts bien compris. Comme en affaires, il faut se parler, beaucoup, souvent, pour bien se comprendre et nouer des partenariats vigilants mutuellement fructueux. Et en matière de négociations, rien de tel que des personnalités fortes plutôt que des leaders fuyants et ondoyants. Trump ne voit pas l'autorité ni le charisme comme des handicaps, mais comme des vertus pour guider et composer. La Russie est à ses yeux un État puissant, tenu par un pouvoir autoritaire légitime qu'il faut arrêter d'ostraciser et aider plutôt à « faire le job » en Syrie et en Irak contre Daech et les autres islamistes, soutenus et armés par l'Amérique à contre-emploi, car ils sont tous hors de contrôle.

    Dans sa conception très darwinienne de la puissance, les empires vont et viennent. Ils doivent impérativement s'adapter pour survivre. La définition claire du périmètre (restreint) de « l'intérêt national », la réciprocité comme base cardinale d'échange, la négociation musclée comme mode d'action sont les pierres angulaires de cette pensée plus stratégique que tactique, délibérément affranchie de toute idéologie et a-dogmatique. Elle puise ses racines au XIXe siècle, dans le mercantilisme d'un Robert Taft, sénateur opposé au libre-échangisme de Truman, à la politique de containment de l'Union soviétique et à la création de l'OTAN, jugée over-reactive, et aussi chez Charles Lindbergh qui a dirigé le courant isolationniste America First Movement.

    Une pensée inconfortable

    Notre turbulent candidat considère que la Chine, dont la politique monétaire déstabilise à dessein l'Amérique, est l'ennemi véritable. Il faut cesser d'encourager sa démocratisation, car on lui facilite la vie… De là à effectuer, comme il le propose, un repli stratégique de l'Asie, à rebours du shift towards Asia amorcé sous George Bush junior et consolidé sensiblement sous Obama, il y a certes une marge d'appréciation… Là encore, cette conception « trumpienne » est partiellement naïve : les encouragements occidentaux à l'ouverture de la société et du régime chinois visent à déstabiliser ce dernier, non à l'aider. Tout l'enjeu pour le pouvoir de Pékin est de maîtriser la tension grandissante entre, d'une part, les impératifs d'une modernisation économique et sociale, du développement de son marché intérieur, de la gestion des aspirations populaires et de l'ouverture au monde et, d'autre part, le maintien d'un contrôle politique étroit de cette population immense.

    Peut-on pour autant accuser d'irréalisme un homme qui reconnaît sans ambages que « l'Irak a été un désastre et (que) Daech est né de ce désastre » ? On ne peut en tout cas lui dénier un solide pragmatisme et une certaine créativité conceptuelle, certes intellectuellement inconfortable comparée au discours d'une Hillary Clinton incapable de penser out of the box, qui voit encore en l'Amérique « la Nation indispensable » à qui revient naturellement le devoir d'imposer la vision d'un monde divisé entre good et bad guys et tenante de l'hégémonie libérale d'une pax americana dont tant d'États ne veulent plus. Si Hillary Clinton arrivait au pouvoir, on peut parier qu'elle conforterait une ligne impérialiste, donc interventionniste classique, camouflée sous les traditionnels oripeaux moralisateurs qui ont pourtant laissé le roi nu depuis septembre 2001.

    Une chance pour l'Europe

    Le plus intéressant dans cette « doctrine Trump » tient finalement en deux points, sur lesquels les Européens pourraient utilement méditer :

    - une inclination forte pour un désengagement américain de l'Otan en Europe, qui ouvrirait une fenêtre inespérée pour relancer la politique européenne de défense et de sécurité, et pousser l'UE à se penser de nouveau comme un acteur de l'histoire, alliée, mais non alignée systématiquement sur les desiderata de Washington.

    - dans le prolongement du projet gaullien d'une Europe européenne « de l'Atlantique à l'Oural », François Mitterrand avait échafaudé, dans la foulée de la réunification allemande qu'il n'avait pas vu venir, le projet d'une véritable Confédération européenne, sans l'Amérique, qui englobait la Russie autour d'une Pax Europa, "afin que l'Europe reprenne sa vraie place dans le monde après son autodestruction des deux dernières guerres mondiales ». Mikhail Gorbatchev y avait trouvé l'écho à son propre projet de « Maison commune », convergence scellée, le 29 octobre 1990, par le Traité franco-soviétique d'entente et de coopération. C'était sans compter sur la doctrine Baker. Dès décembre 1989, les Américains feront pression sur les Allemands afin qu'ils encouragent l'approfondissement de la CSCE (Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, future OSCE) dont les USA font partie... À partir du début de l'année 1991, Washington finance larga manu les pays d'Europe centrale et orientale et les monte contre le projet de Confédération européenne, au prétexte qu'il viserait à les exclure de la CEE (future UE). L'élargissement parallèle de l'Otan et de la CEE (présenté comme son pendant « naturel ») aux anciennes républiques-satellites ensevelira méthodiquement l'ambitieuse perspective franco-russe qui réunifiait enfin les deux parties du continent européen... et lui aurait conféré un poids stratégique considérable.

    Une autre lecture du Choc des civilisations

    Last but not least, Donald Trump serait-il le premier à bien lire Samuel Huntington et son Clash of Civilizations paru en 1996, mais déjà ébauché dans Foreign Affairs dès 1993 ? La lecture hâtive de l'ouvrage du politologue américain a conduit à une interprétation partiale et dangereuse de sa pensée. Pour Huntington en effet, nous sommes bien passés d'un monde bipolaire - basé sur l'opposition entre le monde occidental démocratique et « plus riche », et le monde communiste « plus pauvre » - à un monde multipolaire. Mais c'est à tort que l'on voie dans sa théorie l'origine de la politique néoconservatrice de Georges W. Bush et de sa guerre contre « l'axe du Mal ».

    En réalité, l'analyse de Georges W. Bush (ou plutôt de son entourage) recouvre pour partie seulement les postulats de Huntington sur l'existence de différentes civilisations et sur les difficultés de coexistence entre elles. Le néo-conservatisme interventionniste développé à partir de la première guerre du Golfe (1990) va à l'inverse des conséquences stratégiques que Samule Huntington tire de son constat anthropologique initial très clivant (notamment à l'endroit du monde musulman). Il condamne en effet fermement l'interventionnisme, le Regime change et le Nation building, y voyant des utopies dangereuses qui ne feront qu'exacerber la violence entre les différentes civilisations. Visionnaire, il encourage une forme d'isolationnisme pour les USA qui ne doivent plus être dans un rapport de force pure avec les autres États, mais inventer un nouveau rapport de négociation avec les États champions et hérauts des différentes civilisations afin d'organiser au mieux leur coexistence. Ce message de paix et de bon sens ne vous rappelle-t-il pas quelqu'un ?

    Entourage

    S'il n'a pas (encore) d'équipe constituée en matière de politique étrangère, Donald Trump s'appuie sur les conseils de son chef de campagne, Sam Clovis, ancien colonel de l'US Air Force et sur le général Michael Flynn, ancien patron de la Defense Intelligence Agency (Agence américaine du renseignement militaire). Le général Flynn est connu pour sa critique explosive, à partir de son départ de la DIA en 2014, de la décision américaine de ne pas stopper l'émergence de l'État islamique en Irak et au Levant, mais au contraire de soutenir la formation de groupes djihadistes naissants comme forces d'opposition en Syrie (salafistes, Frères musulmans et Al-Qaïda en Irak notamment). Une nébuleuse connue aujourd'hui sous le nom… de Daech.

    Trump n'est donc pas si désinformé ou ignorant qu'on le dit. Il devrait désormais songer à s'adjoindre aussi les services de Henry Kissinger, le vieux maître du réalisme stratégique, qui semble redécouvrir avec une ferveur salutaire les vertus d'un partenariat stratégique équilibré avec Moscou au bénéfice du monde entier.

    Caroline Galactéros (Le Point, 11 février 2016)

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  • Hervé Juvin et la crise des migrants...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous le point de vue très clair d'Hervé Juvin sur la crise des migrants, exprimé à l'occasion de son passage le 25 janvier 2016 sur la chaîne Public Sénat et cueilli par Fdesouche.

    Économiste de formation, Hervé Juvin a publié plusieurs essais particulièrement marquants ces dernières années comme Le renversement du monde (Gallimard, 2010), La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013) ou Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé (Pierre-Guillaume de Roux, 2015).

     

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  • "Nos agriculteurs n'ont même pas l'élégance de mourir en silence"...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 11 février 2016 et consacrée à la crise agricole...

     


    "Nos agriculteurs n'ont même pas l'élégance de... par rtl-fr

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  • Jihadisme et rien-à-voirisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site Huyghe.fr et consacré à la cécité volontaire dont font preuve les hommes du système face à l'islamisme. Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information et directeur de recherches à l'IRIS, François Bernard Huyghe vient de publier La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015).

     

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    Jihadisme et rien-à-voirisme

    "Rien à voir", "Pas d'amalgame", ces deux slogans sont devenus l'alpha et l'omega du discours officiel sur le jihadisme. On présuppose que les motivations de tueurs de janvier et novembre comme de tous leurs imitateurs obéissent à un besoin inavoué sans rapport avec le message du véritable islam. Du coup on voit des laïcs militants comme le ministre de l'intérieur qui nous expliquent en quoi consiste l' interprétation orthodoxe du Livre sacré et fassent l'exégèse.

    La religion "en soi" serait indemne de toute potentialité mortifère et d'ailleurs une pure affaire de vie privée comme le décide la laïcité républicaine ? Les jihadiste ne pourraient donc croire que le texte impose de tuer que sous l'effet d'une stupidité exceptionnelle (ils n'y comprennent rien et se laissent dicter des interprétations délirantes que par des manipulateurs qui profitent de leur solitude, de leur ressentiment, de leurs désirs inavoués, du manque d'autorité du père, ou de n'importe quelle explication qui exclue la religion). D'autres préféreront pimenter d'explications plus sociologisantes : la stigmatisation, la frustration, l'exclusion sociale qu'auraient subi ces malheureux. Les premiers ont tendance à préconiser de soigner les jihadistes, les seconds de créer un monde parfait, sans chômage ni pulsion identitaire, par exemple, où les causes structurelles du jihadisme disparaîtraient en même temps que toutes les aliénations.

    D'où une exception méthodologique surprenante : il est recommandé en sciences sociales de faire un lien entre la religion des gens et leur vote, leur sexualité ou leur pratique du capitalisme, mais pas avec la violence politique. Inversement, il est permis de mettre en rapport ladite violence jihadiste avec des pulsions sexuelles, de la solitude, du ressentiment social, des positions de classe, un imaginaire médiatique, les inégalités induites par la modernisation, mais il est tabou de soutenir qu'une des expériences anthropologiques les plus anciennes de l'humanité -se relier à des textes sacrés, mais aussi de se relier à une communauté de frères partageant le même code spirituel - puisse avoir aucun impact sérieux sur une guerre qui se dit sainte. Bref un mur conceptuel sépare religion "vraie" et politique.

    Le paradoxe n'est pas moins étonnant vu du côté adverse : les jihadistes passent leur vie à dire que ce qu'ils font résulte de l'impératif coranique et uniquement de cela, ils répètent la liste de leurs griefs historiques contre l'Occident, ils redisent que leur vision du monde ne laisse pas la moindre place pour une politique séparée de la religion, sinon comme crime. Et nous, nous leur disons que tout ce qu'ils racontent est faux, pire que c'est de l'islamophobie stigmatisante que de croire au moindre "rapport". Bref qu'ils sont débiles.
    - C'est ce que Pierre Birnbaum appelle avec drôlerie "rien-à-voirisme", et dont il fait la critique (de l'intérieur) dans sa version de gauche : être incapable de voir dans le religieux autre chose que le déguisement d'intérêts matériels (ceux des possédants qui imposent l'ordre religieux, ceux des dominés qui puisent dans leur foi une énergie révolutionnaire) mais dans tous les cas, n'y voir que des fariboles qui ne peuvent être crus que par des niais. La critique de Birnbaum est excellente et invite à renoncer à cette tradition de réduction du religieux à tout sauf le religieux' Si les acteurs agissent souvent pour des motifs qu'ils ne discernent pas eux-mêmes, ceux auxquels ils disent se soumettre ne peuvent pas être rangés dans boîte opium du peuple ou illusion idéologique sans rapport avec le débat.
    - Quant au pasdamalgamisme, il introduit une dimension stratégique : il s'agirait de faire la sourde oreille à tout ce que disent les jihadistes pour éviter de donner raison à ceux qui les écoutent pour de mauvais motifs. Puisque les islamophobes esentialisent la religion, en font une cause magique et font semblent de croire que les tueurs savent pourquoi ils tuent et que leur loi décide de leurs actes, ce doit être tout le contraire.

    L'alibi du déni s'ajoute ainsi à la pratique de la pseudo déconstruction pour suggérer un traitement psychologico-économico-pédago-médiatico n'importe quoi pour éviter de s'interroger sur les motivations explicites des jihadistes pour les remplacer par d'implicites fournies par des experts en sciences humaines. et des spécialistes de la sécurité.
    On notera que, suivant ce raisonnement, les pires des islamophobes seraient les jihadistes qui passent leur temps à affirmer que cela a à voir avec la religion (à vrai dire, ils passent leur temps à dire que tout a à voir avec la religion) et qui désirent ardemment être "amalgamés" avec leurs frères de l'Oumma.

    Mais au fait, si nous demandions leur avis aux jihadistes eux-mêmes ? Or voici que Dar al Islam, la revue en ligne de Daesh publie un dossier spécial "attentats sur la voie prophétique" (un jeu de mots presque digne de Libé) avec photo de la tour Eiffel. On y traite de la légitimité islamique des attentats de Paris (ceux passés et sans doute ceux à venir, car il y a pas mal d'effet d'annonce). Notamment lorsque la revue précise "les seules questions pertinentes concernent les prochaines cibles et dates", se moque l'incapacité de nos services de renseignement et les rodomontades de nos politiques. Ou lorsqu'elle désigne, sous une photo de manifestation du Front National, ces "idôlatres" comme une "cible de choix".

    Dar al Islam est clair : "C'est toujours la même rengaine. À chaque fois qu'une attaque a lieu contre les mécréants que ce soit au cœur de leur terre ou dans les pays des musulmans, on voit apparaître une flopée de responsables religieux, de politiques, d'analystes spécialisés et autres qui nous expliquent que "ces attentats n'ont rien à voir avec l'islam".

    Non sans contradictions remarquent les jihadistes, puisque d'une part, on demande aux musulmans "qui n'ont aucun rapport" de condamner cette barbarie tandis que les "soi-disant représentants de la communauté musulmane de France." martèlent que leur religion qui n'a rien à voir avec ces crimes et d'en préconiser une version occidentalo-compatible. Et le rédacteur de ricaner sur ces mécréants qui donnent aux vrais croyants (eux, les salafistes qui sont restés fidèles aux pieux ancêtres) Ils se vantent au contraire de la rigueur doctrinale de leur propre argumentaire, du consensus des savant. Et les pages se succèdent où l'on réclame un "débat universitaire" qui leur permettra de prouver leur légitimité de leur position avec forces références coranique' des éclaircissement sur la méthodologie, la hiérarchie des textes, le modes de preuve etc.

    On prend ces gens au sérieux quand ils tuent, on devrait aussi les prendre au sérieux quand ils écrivent.

    Par quelle aberration, en lisant ces textes, et les multiples témoignages qui montrent que les tueurs de Janvier ou de novembre se souciaient de qui il était légitime de tuer (en fait qui était "coupable") ou de leur conformité de leurs actes à la Loi, en arrive-t-on à conclure que toute cela est un bruit vain ? Qu'ils n'en croient pas un mot "en réalité" et qu'ils sont agis de façon par des mécanismes ou des appétits qui échappent totalement à leur conscience.

    Bien entendu, nous ne soutenons pas que nos actes ont uniquement les motivations que nous leur prêtons et que nos pulsions ou déterminants sociaux ne jouent pas. Il est totalement légitime en sciences sociales de chercher du non-dit, mais il est absurde de se boucher les oreilles à ce qui se dit. Donc de faire représentations , de ce en quoi en croit, le seul élément non pertinent. Il n'est pas indifférent que l'on choisisse le matérialisme historique ou la religion cao-daiste. Le choix de soumette à une loi peut dissimuler de la sublimation ou de la haine de soi, n'empêche qu'elle guide la praxis. Le dénier c'est s'imposer le handicap de rendre l'adversaire imprévisible et irrationnel, alors qu'il est tout le contraire. C'est le convaincre que c'est nous qui sommes dans le déni, l'hypocrisie et l'idéologie (aliénation qui, pour eux se confond avec le sécularisme). Prendre un air supérieur et suggérer au jihadiste de s'allonger sur le canapé du psy ou d'aller chez l'assistante sociale, pour renoncer à ces billevesées qui lui encombrent l'esprit, il se pourrait bien que ce soit cela la véritable islamophobie.

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 7 février 2016)

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