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Points de vue - Page 227

  • Une « uberisation » de la politique migratoire ?

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dominique Baettig, cueilli sur Les Observateurs et consacré à l'aubaine que représente l'afflux de migrants pour les promoteurs de l'économie dérégulée et «uberisée». Dominique Baettig est médecin et ancien conseiller national suisse...

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    « Uberisation » de la politique migratoire ?

    Les experts économiques du social- libéralisme moderne préconisent le développement de modèles comme l’application Uber et incitent à créer plus de start-ups à croissance rapide. Ce modèle réclame « plus d’éducation, plus d’immigration, plus de formation de capital, plus d’espace créatif, plus d’espace autorisé par la régulation à être dérégulé afin que les start-ups puissent effectivement s’épanouir en leur sein comme option de croissance économique » (M. Schmidt, Discours devant le DC Tech Incubator 1776, cité par le Monde diplomatique, mars 2016). Le succès du modèle Uber réside surtout dans sa capacité à échapper à la réglementation locale et nationale appliquée à l’industrie des taxis. Dans la même veine, Airbnb autorise prestataires et clients à ignorer les lois de l’hôtellerie conventionnelle, comme Amazon permet à la plupart de ses consommateurs de se soustraire aux taxes sur la valeur ajoutée. Tout ceci permet de favoriser la création d’un stock de travailleurs précaires ou à temps partiel qui sont là pour boucher « les trous » des tâches que ne peuvent pas accomplir les ordinateurs et les machines. Les employés mettent à disposition  leur véhicule privé, leur appartement et acceptent une certaine précarité, renonçant à une couverture assécurologique  (la retraite, les arrêts médicaux sont privatisés et donc laissés à la charge du travailleur) en exerçant un emploi à temps partiel et sur demande. Il est immédiatement évident que ce type d’application va aspirer un grand nombre de migrants qui accepteront sans rechigner ses conditions de travail, de toute manière bien meilleures que celles de l’enfer qu’ils ont quitté.

    Les besoins de l’économie privée transnationale

    On voit progressivement apparaître, derrière les motivations pseudo humanitaires et les reportages larmoyants, l’utilisation perverse de cette abondante main-d’œuvre qui s’impose et qu’on ne saurait humainement refuser. L’importation de cette main-d’œuvre est assurée par toute une chaîne d’entreprises privées, de l’économie mondialisée qui contourne le contrôle étatique et syndical. Les passeurs qui procurent des documents falsifiés, pratiquent des tarifs de transport très élevés, font payer des surplus et suppléments à la tête du client (gilets de sauvetage, transport en taxi) et mettent à disposition des canots pneumatiques gonflables chinois de qualité médiocre, à usage unique en quelque sorte. Le canot pneumatique qui rend l’âme à proximité de la plage grecque fait partie d’un scénario irrésistible qui impose l’accueil de même que la présence attendrissante d’enfants en bas âge. Les volontaires des O.N.G. et autres militants transgresseurs idéologiques de frontières assurent la maintenance en cours de route et  la transition auprès des autorités qui jouent le jeu (à mauvaise fortune bon cœur !) puisque la destination finale sera bien sûre l’Allemagne ou l’Angleterre. Il serait intéressant de savoir si les gilets de sauvetage et autres canots pneumatiques percés et récupérés par des volontaires ne sont pas recyclés en Chine pour participer à la chaîne permanente du transport de migrants économiques. Les états traversés, comme la Grèce et les pays des Balkans assument l’accueil et la sécurité sachant qu’il est transitoire et que le problème est déplacé plus loin. Les frais sont donc à la charge de l’État et de ses contribuables. Finalement c’est le pays choisi ou désigné comme lieu d’accueil (merci bonne Mère Merkel !) qui se voit contraint de trouver un hébergement, un hôtel, des familles d’accueil. Nous avons effectivement là un modèle de croissance imposée moralement et massive de migration qui contourne les préoccupations écologiques des gens, met en péril niveau de vie et filet social construit patiemment, impose de nouveaux consommateurs, charge les assurances sociales et crée une masse de futurs travailleurs précaires qui contribueront largement à une sous-enchère salariale.

    Privatisation de la croissance économique ?

    La politique migratoire échappe à la gestion des Etats, contourne la loi et les règles pour des raisons humanitaires mais se profile aussi au service des nouveaux esclavagistes que peuvent être les start-ups innovantes et ses besoins de travailleurs précaires. Le processus de migration est donc privatisé jusqu’à la passation finale à l’Etat social : une nouvelle variation du thème privatisation des bénéfices et transfert des charges à l’Etat. Et pour détourner l’opinion publique de la prise de conscience de cette dérégulation imposée, on nous amuse avec des initiatives interdisant le voile à l’école ou le port de la burka dans l’espace public, préoccupations anecdotiques et marginales. Ne pas se tromper de cible

    Le problème ici n’est pas l’Islam en tant que tel mais la dérégulation massive, imposée par des émotions dramatisées, de l’économie et des mesures protectrices des salariés, de l’agriculture, des petites et moyennes entreprises. La recherche de nouvelles forces de travail à bon marché s’est perfectionnée depuis le temps de l’esclavage et fait largement usage aujourd’hui d’Internet qui met les gens directement en connexion dans le monde entier, de la propagande en boucle à la Hollywood et des besoins des start-ups, sans oublier au passage le travail au noir, les ateliers clandestins contrôlés par la mafia, l’alimentation du réservoir pour la prostitution adulte et enfantine. La solution ne sera pas émotionnelle ou épidermique : elle sera politique, protectionniste avec le respect et le rétablissement de la Loi, le  rétablissement de la souveraineté nationale, de la démocratie directe et le contrôle national des frontières.

    Dominique Baettig (Les Observateurs, 14 mars 2016)

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  • Nom des nouvelles régions : le choix du déracinement...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique mordante d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 15 mars 2016 et consacrée au choix des noms des nouvelles régions engendrées par la réforme territoriale...

     


    Réforme territoriale : "Le nouveau nom des... par rtl-fr

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  • Entrepreneuriat et justice sociale...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Eman, cueilli sur son blog A moy que chaut ! et consacré à la question de l'entrepreneuriat comme maillon essentiel d'une économie organique et localiste...

     

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    Entrepreneuriat et justice sociale

    « Il y a une lutte des classes, évidemment, mais c'est ma classe, la classe des riches qui mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner. »

    Warren Buffet

     

    Contrairement à ce que se plaisent à répéter les libéraux de tous poils qui constituent la quasi-intégralité de la classe politique contemporaine ( des libéraux-conservateurs (sic) aux post-socialistes gouvernementaux en passant par les libéraux-gaullistes et autres libéraux centristes), la « lutte des classes » n’est aucunement une notion périmée, un concept anachronique tout juste bon à ranger au musée des vieilles idéologies rancies d’avant la merveilleuse « fin de l’histoire ». Dans le contexte de crise globale que nous connaissons, elle est au contraire d’une totale actualité et d’une absolue acuité. Elle a simplement assez largement changé de forme. Elle se joue en effet aujourd’hui à front double, et son curseur interne s’est passablement déplacé. La lutte des classes de 2016 n’est donc évidemment pas la réplique fidèle et exacte de celle du 19e siècle, de Thiers et des maîtres des forges face au socialisme français proudhonien et aux marxisme révolutionnaire, mais elle n’en reste pas moins une réalité centrale et connaît même une intensité des plus importantes aujourd’hui, au moment où, en France, le Medef et ses domestiques gouvernementaux montent à l’assaut du Code du Travail et où, à l’échelle globale, une poignée de milliardaires accaparent une part toujours plus importante des biens et richesses de la planète.

    Double front donc, car aujourd’hui, le travailleur doit faire face à deux ennemis presque aussi redoutables l’un que l’autre (même si le premier est instrumentalisé et cornaqué par le second) :

    1) Le lumpen-prolétariat d’importation étrangère dans le but de casser les modèles sociaux avancés et de faire pression à la baisse sur les salaires et les revendications sociales tout en brisant l’homogénéité minimale nécessaire à la « décence commune ».

    2) Les financiers internationaux et le patronat « hors-sol », dirigeants de multinationales sans autres attaches que le rendement pur et l’accumulation du Capital, actionnaires sans foi ni loi, obsédés par leur intérêt pécuniaire le plus étroit, oligarques sans devoir, se plaçant au-dessus des lois qu’ils édictent puis manipulent.

    Changement de curseur également puisque, aujourd’hui, une bonne part du patronat et de la bourgeoisie se retrouvent du même côté de la barricade (ou en tout cas devraient se trouver…) que les ouvriers et les employés, partageant d’indéniables intérêts communs et faisant face aux mêmes ennemis (dérégulation, concurrence sauvage, dumping social, abus de situations de monopole…). Il est ainsi évident que les artisans, tout comme les patrons de TPE ou PME/PMI, partagent beaucoup plus de préoccupations et d’aspirations, de difficultés aussi, avec leurs employés, leurs ouvriers, mais aussi les travailleurs précaires ou les chômeurs de leur ville, de leur région, qu’avec des PDG du CAC 40 ou des traders internationaux pour qui ils ne sont que des variables d’ajustement au sein de vastes plans de rémunération des actionnaires.

    La lutte des classes, ce n’est donc plus « le patron contre l’ouvrier » mais le « travailleur contre le parasite (du haut comme du bas) », le « créateur contre l’usurier », « l’artisan contre le banquier », « l’entrepreneur contre l’actionnaire », « le paysan contre Monsanto »… Ce sont les classes laborieuses, du prolétariat jusqu’à la moyenne bourgeoisie, classes sédentaires et enracinées, contre les nomades de l’hyper-classe mondialisée et le lumpen-prolétariat apatride.

    C’est pourquoi, s’il est impératif de combattre l’hyper-finance et ses chiens de garde du Medef, s’il est vital de réduire les inégalités à une proportion décente, justifiée et acceptable par chacun, il serait vain, et même mortifère, de sombrer dans un « ouvriérisme » angélique ou une « chasse au riche » (qu’il faudrait déjà définir…) dans le cadre d’une vision des rapports sociaux et économiques pour le coup totalement désuète et improductive, une vision sclérosée et impuissante dans laquelle finissent de s’enterrer des syndicats de prébendiers et de professionnels de la connivence.

    Ainsi, s’il est urgent et indispensable de taxer les transactions financières internationales, de plafonner les primes et rémunérations indécentes et autres « parachutes dorés » de certains hauts-dirigeants, de criminaliser les « patrons-voyous » (délocalisation sauvage, emploi de main d’œuvre clandestine…) et de mettre en place une politique d’augmentation salariale, il l’est tout autant de totalement refonder le RSI, d’alléger la fiscalité des PME/PMI ainsi que les arcanes administratives entravant la création d’entreprise, de revaloriser la figure de l’entrepreneur comme maillon fondamental de la communauté, d’assurer un protectionnisme économique européen et la défense de nos savoir-faire, de nos labels, de nos techniques et de nos patrimoines. Bref, il convient de promouvoir une économie organique et localiste, axée sur la proximité et l’implication de tous ses acteurs, la participation et la juste rémunération de chacun, sous le contrôle d’un Etat fort, garant et arbitre, mais laissant s’appliquer la plus complète subsidiarité et le respect de l’initiative privée tant qu’elle ne contrevient pas à l’intérêt général. Viendra alors, peut-être, le temps de la paix des classes.

    Xavier Eman (A moy que chault, 10 mars 2016)

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  • Le gouvernement des juges contre le peuple...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 8 mars 2016 et consacrée à la mise en place progressive, sous couvert du renforcement de l'état de droit, d'un gouvernement des juges...

     


    "Le Conseil constitutionnel, c'est le coup d... par rtl-fr

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  • L’appartenance ethnique, au fondement des sociétés...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Cédric Bellanger, cueilli sur Polémia et consacré à la question taboue de l'appartenance ethnique...

     

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    L’appartenance ethnique, au fondement des sociétés

    Chaque société a ses tabous, surtout quand elle ne prétend pas en avoir. L’Occident hypermoderne a fort logiquement prohibé l’évocation de la question ethnique, qui est le démenti de son paradigme central, le triptyque rationalisme-individualisme-universalisme.

    Pourtant, la vigueur, osons dire l’hystérie, qui anime les gardiens dudit tabou indique la fébrilité des Occidentaux face à une réalité qu’aucune formule magique, qu’aucun volontarisme ne parviennent à éradiquer.

    Au fond, les simulacres de débats sur les questions dites de société comme la laïcité ou la délinquance ne sont que de longues et pénibles périphrases qui n’évoquent, tout le monde le sait, que la question ethnique, mais sans jamais prononcer le mot honni. L’admettre, même tacitement, c’est déjà reconnaître la nature et, partant, l’origine du problème.

    Intellectuels, experts, spécialistes ou publicistes tournent autour du pot, effleurent la question et au dernier moment se ravisent, y compris les plus lucides. De temps à autres, un téméraire ou un naïf propose une connexion, une causalité, qui peuvent prendre le nom d’islam ou d’immigration, pour se voir rétorquer les mots magiques : « amalgame », «stigmatisation». C’est ainsi que se prolongent indéfiniment les palabres républicaines.

    Les tabous, s’ils ont souvent leur utilité et leur raison d’être, voient parfois leurs fondements tellement sapés par la marche du Monde qu’ils deviennent un facteur de blocage potentiellement mortifère. Cette tendance à s’accrocher à des tabous obsolètes, à laquelle aucune civilisation ne peut prétendre se soustraire, s’explique aisément par la nécessité qu’ont les sociétés à élaborer un récit cohérent de leur devenir.

    Chaque société se pense en effet dans un champ relativement clos. La formulation d’une vision du monde, si complexe soit-elle, implique nécessairement la négation d’une portion de réel – ainsi, le marxisme a pu nier l’autonomie du religieux ou du culturel, vus comme simples reflets d’un ordre socio-économique. Le monde est trop complexe pour être embrassé totalement ; aussi, lorsque nous le pensons, nous trions, rejetons puis nions l’existence des éléments entrant en contradiction avec nos représentations. Bref, penser le monde, c’est, par le biais d’une narration linéaire et souvent unidimensionnelle, évacuer une part plus ou moins importante de ses composantes pour le rendre intelligible et par conséquent vivable.

    Indépassable limite de l’intelligence humaine !

    En cela, l’hyper-modernité occidentale ne déroge pas au schéma d’ensemble.

    Son moteur – le couple rationalisation/individualisation – suppose la négation de ce qui l’entrave : pas tant l’existence de groupes (la société au sens de Tönnies est avant tout perçue comme une association libre d’individus indépendants) que la survivance de communautés organiques, non choisies, qui s’imposent à l’individu car elles le précèdent, le déterminent et le perpétuent.

    L’individu-maillon communautaire n’a pas sa place dans la grande mythologie hyper-moderne, qui porte aux nues l’individu émancipé de tous les déterminismes, à l’identité rhizome, dont l’horizon ne peut être qu’universel. Or, à l’épreuve des vicissitudes de l’histoire, la résilience de telles communautés, essentiellement définies sur des critères ethniques, nous paraît incontestable : des éléments structurels l’expliquent.

    1/ L’ethnie, dans son principe comme dans sa réalité, ne se choisit pas et donc ne se défait pas.
    On peut adhérer à un système de croyances ou de représentations, puis s’en détacher. Il peut alors ne rester aucune trace de cette adhésion ; l’individu ne s’en trouve pas ontologiquement affecté, et l’adhésion audit système de représentations n’aura été qu’un moment, achevé et non structurant, dans l’existence longitudinale de l’individu. Au contraire, l’identité ethnique, qui est factuellement un lien de filiation, peut être défaite en pensée mais pas effacée irrémédiablement. Un individu peut bien nier radicalement son identité ethnique, la potentialité d’un retour à celle-ci demeure toujours possible. Aucun cliquet ne rend impensable sa résurgence.

    2/ L’ethnie est également prégnante car elle résiste aux mutations idéologiques. Elle n’obéit pas, contrairement aux religions et idéologies, à un régime de vérité : une foi ou une théorie peuvent tomber en déshérence, pas une filiation qui contient en elle toute sa vérité. Ainsi, elle survit au temps court de l’histoire, aux idéologies, aux utopies : soixante-dix ans de communisme n’ont pas éteint l’âme russe, et en soixante ans, c’est la Chine qui a absorbé le maoïsme – le retour à Confucius ou à l’orthodoxie (qui est un christianisme national à forte valeur identitaire) en témoignent.
    Presque immobile du point de vue des sociétés historiques, l’appartenance ethnique est le seul ferment identitaire qui ne peut s’épuiser tant que le peuple vit biologiquement.

    3/ C’est que l’ethnie correspond à un ensemble complet de référents qui intègre le corps et l’esprit : loin de se limiter à une noosphère éthérée, elle se lit sur la peau, sur le visage, dans l’ADN – autant de traces indélébiles qui, à défaut d’être structurantes en elles-mêmes (le sait-on vraiment ? peu importe) peuvent toujours être réactivées comme un signe incontestable et fixe (à notre échelle temporelle) d’appartenance. On observe la puissance de ce référent visuel qu’est le phénotype dans la tendance à l’ethnogenèse des minorités noires issues de l’esclavage dans le Nouveau Monde, coupées de leurs racines culturelles (langues, religions, systèmes de parenté…) mais qui re-forment un groupe ethnique (et pas seulement racial) par une appropriation détournée des codes sociaux majoritaires. D’où leur propension à se tourner vers une religion tout aussi minoritaire, comme l’illustre le succès des Églises évangéliques – voire d’un l’islam racialisé – chez les populations noires d’Amérique et des Antilles. Ici, la race (disons, le phénotype) va de pair avec l’ethnicisation, processus auquel le religieux semble soumis (car sur le fond, rien ne justifie, d’un point de vue théologique, l’existence de communautés religieuses « noires »).

    4/ Aussi, l’appartenance ethnique conserve sa primauté car elle repose sur des liens de sociabilité plus solides que les autres, ayant pour cadre la famille (rappelons que l’appartenance ethnique est avant tout un fait de filiation). Les liens familiaux – parenté large ou étroite – ont comme force de ne pas relever d’un choix. On ne change pas de famille comme de parti. La famille est en outre une structure au fonctionnement relativement consensuel, dont l’organisation tend à atténuer la conflictualité inhérente aux relations sociales, ce qui la rend plus solide et durable. Bref, tant que la famille, sous des formes variées, reste la cellule de base de l’existence d’un peuple, l’identité ethnique n’est pas irrévocablement menacée, et peut toujours ressurgir.

    5/ Enfin, on devine un trait commun aux quatre points évoqués, qui les explique, les résume et leur donne toute leur perspective : l’appartenance ethnique est prégnante, incroyablement résiliente, car elle se situe dans le domaine de l’immanence. Elle ne se définit pas donc ne se contredit pas ; en deçà et au-delà de l’intellectualité, elle ne peut être réfutée sur la base d’arguments rationnels. Les origines des peuples se dérobent à la connaissance scientifique ; il est donc parfaitement vain d’en railler le caractère mythique. Cette absence de définition notionnelle et empirique précise explique la grande plasticité du fait ethnique, qui lui permet de se fondre dans un moule et d’en changer quand celui-ci est brisé : un sentiment ethnique peut se loger dans une idée (nationale, religieuse, politique) jusqu’à paraître dominé par celle-ci, mais presque toujours il lui survivra. La succession des rhétoriques anti-impérialistes des anciennes colonies, tour à tour nationaliste, socialiste ou religieuse, l’illustre de façon implacable.

    Par-delà les thématiques a perduré l’expression du particularisme ethnique de groupes qui ne veulent ni ne peuvent être dissous.

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    Au final, si nous arrivons à la conclusion que l’appartenance ethnique prime sur les autres, et qu’elle contribue au maintien des solidarités organiques en dépit du processus d’atomisation sociale qui caractérise l’hypermodernité, c’est qu’elle définit un nous cohérent et un eux bien délimité. L’existence d’une frontière entre les deux entités est une nécessité anthropologique absolue ; pour reprendre la métaphore de Régis Debray, cette frontière, qui peut être visible ou invisible, est aux sociétés ce que la peau est au corps : une protection, un filtre et une interface.

    L’hypermodernité prétend se passer de cette frontière et de son contenu comme éléments structurant la vie sociale ; un monde d’individus faisant société, harmonieusement, par des choix rationnels libres et consentis en est la finalité. Le spectacle du monde laisse perplexe quant à la réalisation de ce dessein.

    Cédric Bellanger (Polémia, 28 février 2016)

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  • Quand on sonne les cloches à Richard Millet...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Brighelli, cueilli sur son blog Bonnet d'âne et consacré au dernier épisode en date de la chasse à l'homme lancée par la bien-pensance contre l'écrivain Richard Millet...

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    Quand on sonne les cloches à Richard Millet, ce n’est pas l’angélus !

    De Richard Millet, je ne sais pas grand-chose. Nous fîmes une émission ensemble chez Ardisson en 2005, je venais de sortir la Fabrique du crétin, et lui le Goût des femmes laides — un joli roman fort bien écrit sur un sujet somme toute assez peu labouré, sinon par Brassens dans une chanson moins connue que d’autres.
    Puis il a disparu de mon radar jusqu’en 2012. Cette année-là, il publiait Langue fantôme, un pamphlet sur l’état assez peu littéraire de la langue littéraire actuellement en usage en France, suivi d’un (très court) Eloge d’Anders Breivik, éloge paradoxal qui lui servait de prétexte à fustiger cette Europe ouverte à toutes les migrations. Et non, comme ont voulu le croire tous ceux qui ne l’avaient pas lu, à célébrer le tueur norvégien.
    Emoi dans Boboland ! Annie Ernaux se fendit aussitôt dans le Monde d’une tribune-pétition, co-signée par une foule d’écrivains connus (Le Clézio, dont Millet cultive une sainte horreur depuis vilaine lurette) et inconnus (tous les autres) réclamant la tête de l’imprécateur de ce vivre-ensemble que la rue de Grenelle, à la même époque, érigeait opportunément en totem de l’Education. Millet, qui vivait essentiellement d’un poste de lecteur chez Gallimard (à qui il a tout de même permis d’obtenir le Goncourt au moins en deux occasions, pour les Bienveillantes et pour l’Art français de la guerre) se trouva fragilisé, marginalisé, et confiné dans une léproserie. En attendant le prochain faux-pas qui permettrait de lui coller douze balles dans la peau et la tête dans la lunette de la Veuve.
    Du coup, je m’étais intéressé aux écrits polémiques de ce garçon un peu trop chrétien pour moi, qui se la joue « hanté pénultième » selon le joli mot d’un critique, mais qui dit des choses justes sur l’état actuel de la littérature française (pas très loin de ce qu’avaient asséné en leur temps Pierre Jourde dans la Littérature sans estomac et Jourde & Naulleau dans leur Précis de littérature du XXIème siècle) et l’apocalypse molle dans laquelle on engloutit la langue, littéraire ou non — dans une déconstruction dont j’ai moi-même analysé la chronologie, les intentions et les effets dans Voltaire ou le jihad.
    Sur ce, Millet, briguant manifestement la palme du martyre, a accumulé aux éditions Pierre-Guillaume de Roux ou Fata Morgana les petits essais assassins. Evidemment, la Bien-pensance Unique ne l’avait pas lâché, et il ne l’a pas lâchée. Ainsi, quand notre homme, dans un article publié dans la Revue littéraire et intitulé « Pourquoi la littérature française est nulle », a récemment tiré à vue le dernier livre de Maylis de Kerangal (qui ça ?), ex-signataire de la pétition Ernaud — une dame très bien du tout-Paris qui compte —, le petit peuple des écrivains en cour a supplié Antoine Gallimard de se débarrasser enfin du trublion… Tous (BHL en tête, qui ne s’en serait douté ?) ou presque tous — Sollers par exemple a intelligemment continué à dialoguer avec Millet, expliquant que « Richard Millet a eu un tort, celui de mêler à ses considérations sur la littérature des idées politiques, et des idées politiquement incorrectes. Elles ont permis à l’opinion, surtout l’opinion militante, se voulant extrêmement engagée, de l’accuser, avec des mots injurieux, d’être révisionniste et d’avoir écrit une immondice ; allant jusqu’à s’en prendre aux éditions Gallimard en s’exclamant : « Comment avez-vous pu publier une chose pareille ?! » Cette immédiateté de la réaction inquisitoriale, et je dirais même stalinienne, m’amène à dire que désormais, n’importe quelle interprétation peut avoir lieu sur des motifs « politiques » – je mets des guillemets – où on accuse d’emblée l’autre de racisme, d’ antisémitisme, etc., et je trouve que ça commence à bien faire. Pas vraiment parce que ça m’indigne « personne ne ment davantage qu’un homme indigné », a dit Nietzsche – mais parce qu’il y a une volonté d’éviter le débat de fond, c’est-à-dire ce que Richard Millet voit comme un désenchantement, un effondrement, une dévastation de la littérature, et sur quoi je suis en partie d’accord.»Pour avoir écrit ces lignes, il sera beaucoup pardonné à Sollers.
    Comme nous l’avons vu avec Kamel Daoud, la pétition-indignée-fatwa est l’actuel substitut du couteau de boucher dans le Nouveau Totalitarisme de l’Impensée-Unique. Antoine Gallimard, qui a un côté anarchiste bourgeois, avait longtemps fait le gros dos devant les hurlements des pintades. Mais bon, Mme de Kerangal est un auteur-maison, il y avait comme une déloyauté à pointer sa vacuité tout en travaillant pour la rue Sébastien-Bottin — désormais rue Gaston Gallimard…
    Aux dernières nouvelles, rapportées par Jérôme Béglé dans le Point, Millet prend la porte. Pas content, le bougre.

    Qu’on me comprenne bien.
    Comme Pierre Jourde qui a écrit sur le sujet des choses sensibles et définitives, je suis très loin de co-signer toutes les déclarations de Millet. Mais qu’un quarteron de littérateurs s’arroge le droit de demander sa tête me révulse. Que le trio infernal Louis / Lagasnerie / Eribon pense avoir le droit de dire qui doit vivre (les homos de gauche ?) et qui doit mourir (les hétéros de droite ?) me paraît symptomatique d’une époque qui faute de savoir se colleter au réel s’en remet encore une fois à l’idéologie : c’est vrai en littérature, en Education et en Economie, sans parler des Affaires étrangères. La question n’est même pas de savoir si Millet a raison de dénoncer comme il le fait l’emprise de l’Islam et le métissage — il y a dix mille manières de le dire. Le problème est qu’on lui interdise de parler — quoi qu’il dise. Qu’on lui interdise de vivre — quoi qu’il fasse. Que les petits marquis de la Gauche (je reviendrai quelque jour sur ce que le Point, il y a peu, appelait finement « la gauche Finkielkraut ») profitent bien des micro-particules de pouvoir qu’ils pensent aujourd’hui posséder. Le retour de bâton pourrait être terrible, et je ne lèverai pas le petit doigt pour leur épargner la géhenne — comme dirait Millet qui pense Bible en main, Belzébuth m’en préserve !

    Jean-Paul Brighelli (Bonnet d'âne, 4 mars 2016)

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