Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du criminologue Xavier Raufer, cueilli sur Atlantico et consacré à la "déradicalisation"...
Déradicalisation : faits et foutaises
Ô combien violent, le double choc de Charlie-Hebdo et de l'Hyper-cacher assomme le gouvernement. Dès qu'il émerge, il réalise qu'il doit riposter sur le seul front qui l'obnubile et le hante, celui des médias. Montrer qu'on agit ! Et positivement encore pour le peuple de gauche ! Du préventif ! Enrayer des départs de jeunes pour le Jihad... Bombes humaines à désamorcer. Vite ! Des psychologues et travailleurs sociaux voulant et sachant faire ça - bien sûr, devant les caméras.
L'opération s'amorce, les fonds affluent - sans réflexion préalable, sous le fouet de l'urgence. Or deux préalables réflexions s'imposaient. D'ordre criminologique, elles eussent fourni à ce versant préventif de l'antiterrorisme le cadre réfléchi et raisonné dans lequel - modestement - du positif pouvait s'espérer.
Ces réflexions, les voici :
- Aujourd'hui, nul au monde ne sait changer ce qu'il y a d'enraciné dans l'esprit, dans la conscience humaine. Les pires dictatures, les plus affreux goulags y ont échoué. La "Révolution culturelle" chinoise achevée - trente à cinquante millions de morts, pire génocide de l'histoire humaine - les Chinois reprennent illico leurs millénaires coutumes. Le tsunami maoïste a coulé sur les Han comme l'eau sur les plumes d'un canard. Au plan individuel, se transformer soi-même est déjà ardu - cesser de fumer, faire un régime, dur. Alors, tenter une telle aventure collective dans la France de 2015, avec M. Hollande comme carotte et Mme Taubira dans le rôle du bâton, euh...
- Ce qu'on appelle "déradicalisation" n'est qu'une variante de la réinsertion des malfaiteurs dans la société, entreprise confiée en France au travail social qui, pour aller vite, n'arrive à rien. Pour un détenu voulant sincèrement apprendre le grec ou devenir plombier-zingueur, 99 sont prêts à tout pour sortir de taule un jour plus tôt - ou bêtement, s'ennuyer moins. Ici, un proverbe résume tout "Passée la fête, adieu le saint". En prison - chacun le sait sauf sans doute nos ministres - on dit oui à tout - et on trie après.
Ces réflexions préliminaires auraient dû intéresser le gouvernement - mais non. Il faut communiquer, vite. Le Vingt Heures n'attend pas. Quitte à bidonner et gaspiller.
Les mois passent. A l'été 2016 la vérité émerge. D'abord chez les surveillants de prison, directement concernés. Le porte-parole de leur syndicat majoritaire dénonce "Des programmes qui n'ont ni queue ni tête... Ce mot de déradicalisation qui ne veut rien dire... Des massages, des cours d'escrime". Vous avez bien lu : on pense amadouer de potentiels égorgeurs de prêtres et massacreurs d'enfants ; en faire de doux agneaux, par le chant, les ateliers-photos... Des balades en catamaran ! Aux frais du contribuable, bien sûr.
Sur le terrain, des caricatures d'arnaques, vite décelables par le plus myope des inspecteurs, le plus énamouré de Mme Taubira : de simples vitrines médiatiques, poussées et financées par l'usuel préfet-minorité-visible, juste là pour la photo... Chiffres bidonnés et activités fictives... Le ministre de l'Intérieur venu manger un couscous (bien sûr...) devant les caméras (on s'en doutait...) ; gestion obscure et employés non payés... Des familles de "radicalisés" promenées sans résultat... Une animatrice (issue-de-la-diversité) aux titres fictifs et qualifications-bidon...
Combien de jeunes islamistes ont-ils ainsi été "désamorcés" - peut-être aucun car pour commencer, on ne sait rien d'eux - s'agissait-il de fanatiques égorgeurs en puissance, ou du cousin Ernest voulant s'initier au catamaran ou à la poterie ?
Nulle évaluation bien sûr. Plus de huit millions d'euros sans doute gaspillés sans comptabilité. On sait vaguement que quelque 1 800 individus ont fréquenté de telles structures. Quelle vigilante association, quels "Décryptage" ou "Décodeur" exigera de voir ces 1 800 dossiers, étudiera leurs suivis... Constatera les résultats... Evaluera le coût de l'affaire ? Prenons le pari : aucun. Bienvenue au royaume des ombres, versant médiatique.
Xavier Raufer (Atlantico, 13 septembre 2016)