Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Points de vue - Page 216

  • Syrie : un martyre sans fin

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur son blog Bouger les lignes et consacré à la guerre de Syrie. Docteur en science politique et dirigeante d'une société de conseil, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et publie régulièrement ses analyses sur le site du Point.

     

    Damas_Ruines.jpg

    Un quartier de Damas en ruines

     

    Syrie : un martyre sans fin

    Le storytelling fait rage depuis 2011 en Syrie. Il brouille les sens et l'entendement. Les Bons et les Méchants sont là, devant nous, Blancs et Noirs, chacun dans leur boîte, crimes de guerre et atrocités contre « rebellitude » armée, sur les victimes de laquelle on s'attarde beaucoup moins, surtout à l'OSDH (Observatoire syrien des droits de l'homme, une ONG basée à Londres)… Le jusqu'au-boutisme des uns et des autres tend l'affrontement vers son paroxysme et semble rendre toute évolution politique pragmatique impossible. Chacun pense encore, du fond de son tunnel mental, pouvoir venir à bout de l'adversaire en faisant assaut de sauvagerie et de résilience. En menant une guerre d'usure de l'horreur et de l'absurdité. L'enchaînement cynique des provocations et des représailles paraît sans fin.

    Il est très difficile de continuer à raisonner politiquement devant un tel désastre humain, de ne pas s'abandonner à l'écœurement devant les images insoutenables. Difficile de ne pas juste s'insurger contre ce régime, et contre lui seul, qui résiste si brutalement à l'anéantissement, aux dépens d'une partie de son peuple, pour le sortir des griffes des islamistes ultra-radicaux que l'on nous présente inlassablement comme des rebelles démocrates. Alors, au risque de paraître insensible et précisément au nom de toutes ces victimes innocentes, il faut malgré tout renvoyer à l'enchaînement du drame et faire apparaître sous les gravats les inspirateurs sinistres d'une telle déconstruction humaine et nationale. Car les acteurs locaux de ce carnage planifié, que ce soit le régime syrien ou les innombrables mouvements islamistes qui ont fondu sur le pays depuis 2011, demeurent largement des marionnettes – actionnées avec une habileté fluctuante. Et il est devient chaque jour plus indécent de feindre de croire que ces poupées de chiffon enragées décideront seules du sort du conflit.

    Un cessez-le-feu mort-né

    La simili-trêve signée à Genève par messieurs Kerry et Lavrov le 9 septembre dernier a volé en éclats. Évidemment. L'administration Obama et les faucons « libéraux » qui l'environnent paraissent en effet de plus en plus tentés d'en finir avec Assad pour gonfler le bilan du président sortant. Quant à la Russie, elle n'a pas d'alternative à la sécurisation d'une « Syrie utile » la plus élargie possible, qui lui assure la part du lion d'un règlement politique ultime. Alors on joue à se faire peur, de plus en plus peur. Moscou accuse Washington d'avoir pavé la voie à une contre-offensive de l'organisation État islamique à Deir ez-Zor (est du pays) en bombardant les forces du régime, tuant plus de 80 militaires syriens. Washington accuse les forces syriennes et russes (incriminant tour à tour la chasse syrienne, puis les hélicoptères russes et enfin des Sukhoï Su-24 qui auraient frappé le convoi deux heures durant) d'avoir bombardé un convoi humanitaire aux portes d'Alep assiégée. Impossible de savoir ce qu'il en est réellement. On peut juste constater que les dommages sur les camions semblent avoir été causés par le feu et par des obus, sans grosse frappe directe ; se souvenir que les rebelles ont rejeté le cessez-le-feu depuis son entrée en vigueur officielle, manifesté contre l'acheminement d'aide humanitaire au profit des populations qu'ils retiennent sous leur contrôle à l'est de la ville, et avaient même accusé l'ONU de partialité. Quel intérêt les forces syriennes auraient-elles eu à attaquer, dans une atmosphère hautement inflammable, un convoi du Croissant rouge islamique avec lequel elles sont en bons termes et dont elles savaient qu'il ne transportait pas de contrebande ?

    Quoi qu'il en soit, le cessez-le-feu était de toute façon mort-né comme les précédents. Moscou ne pouvait réellement souhaiter la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne qui aurait cloué au sol l'aviation syrienne à l'orée de reconquêtes décisives. Surtout Washington, contrevenant aux termes de l'accord du 9 septembre, n'avait nullement l'intention de pousser ses alliés islamistes « rebelles » à se séparer des plus radicaux d'entre eux, le Front al-Nosra (Al-Qaïda) rebaptisé Fateh al-Sham. Logique d'ailleurs, puisqu'ils se servent depuis des années de ces groupuscules pour déstabiliser le régime. Enfin, les États-Unis auraient tout récemment déployé, sans le moindre accord ou consultation du régime de Damas, des forces spéciales et matériels divers dans sept bases militaires au nord-est de la Syrie (là où se trouvent des forces kurdes)... Une préparation dans la perspective d'une offensive générale sur Mossoul ou sur Raqqa, ou simplement dans celle d'un engagement plus décisif encore aux côtés des rebelles et des Kurdes contre les forces du régime syrien ? Bref, la pression monte, à Washington, pour un coup d'éclat, une salve de martialité sur les décombres d'un grand État laïque sciemment livré à une régression antédiluvienne, un fantasme punitif, une rapacité chronique. Tandis que la « coalition » se hâte lentement en Irak vers la reprise de Mossoul, mais doit encore gérer l'indocilité grandissante des Kurdes locaux jaloux de leur autonomie et de leur pétrole, et des milices chiites peu contrôlables qu'elle craint d'armer, on feint encore, en Syrie, de vouloir éradiquer Daech tout en laissant agir ses avatars islamistes les plus forcenés. Tout n'est que jeux d'ombres et de dupes.

    Une guerre d'intimidation

    Au-delà de cet imbroglio sanglant de plus en plus difficilement lisible, il est clair que le sort des Syriens et de leur splendide pays, partiellement réduit en cendres, est le cadet des soucis des protagonistes principaux qui se toisent et s'affrontent à ses dépens, et qui ont non seulement des intérêts divergents, mais des conceptions radicalement opposées de ce que peut et doit être son avenir.

    Les Américains voient en fait, dans les soi-disant « rebelles », des supplétifs commodes à un engagement au sol auquel ils se refusent. Des « terroristes » peut-être, mais surtout des islamistes sunnites anti Assad qui peuvent encore lui ravir le pouvoir et instaurer un équilibre local favorable à leurs intérêts face à l'Iran, et en lien avec la Turquie et l'Arabie saoudite qui demeurent des alliés de fond et de poids pour l'Amérique. À leurs yeux, le terrorisme n'est rien d'autre que l'arme d'un chantage politique s'exerçant contre Damas, mais visant aussi Moscou et Téhéran…

    Quant à la Russie, tout l'art de Vladimir Poutine consiste à s'engager suffisamment pour consolider son influence régionale et conserver sa base au Moyen-Orient, sans s'enliser ni devoir entrer dans une confrontation ouverte aérienne avec Washington dont il a de fortes chances de sortir humilié. Dans cette « guerre des perceptions », chaque capitale doit intimider, irriter, faire douter l'Autre, tout en contrôlant le cycle provocations-représailles pour éviter une « sortie de route » difficilement maîtrisable donc aucun ne souhaite encourir les conséquences. On frôle donc quotidiennement la catastrophe dans les airs, entre chasseurs des deux camps, tandis qu'au sol pullulent les missiles américains TOW livrés aux rebelles par les Saoudiens et les S-400 russes basés à Hmeimim… Depuis le chasseur russe abattu fin 2015 par la chasse turque (dûment renseignée sur le plan de vol des Sukhoï et probablement préparée à cette « mission »), et surtout depuis le bombardement russe, le 16 juin dernier, d'une base d'islamistes aux frontières jordaniennes, attaque jugée « hautement provocatrice » par Washington, la montée des tensions devient inquiétante. Et les pressions politiques à Washington pour en finir militairement avec Assad peuvent faire craindre une opération éclair US ouvrant sur une possible « montée aux extrêmes ». Pourrait-on alors tempérer les réactions d'un Kremlin acculé et humilié ? Moscou vient d'annoncer le déploiement prochain de son porte-avions amiral Kouznetzov au large de la Syrie. Une façon d'exprimer son exaspération croissante ? Sa détermination ? Ou de manifester une nouvelle « ligne rouge » ? L'issue de la bataille d'Alep sera géopolitiquement cruciale, au-delà même du martyre de sa population.

    Une tragédie où l'Occident tient le pire rôle

    La France, elle, parle de crimes de guerre (peut-être à raison) et, fort martialement, dit : « Ça suffit ! » À qui parle-t-elle ? Au régime ? Aux rebelles ? À Moscou ? Même en guise d'écho docile au discours américain, c'est un peu court. C'est d'un cynisme fou surtout, quand on songe à la politique de déstabilisation et de soutien aux islamistes soi-disant démocrates choisie par Paris dès le début de la crise syrienne, au nom de la nécessité d'en finir avec le régime honni et récalcitrant d'Assad. Mais, Dieu merci, notre influence sur le Grand jeu ne s'est exercée qu'à la marge. Même nos alliés américains nous ont lâchés en 2013, sur le point de lancer la curée, au prétexte de l'emploi d'armes chimiques par le régime qui n'a jamais été avéré. Mais les choses auraient, paraît-il, changé et nous serions désormais d'humeur plus lucide et pragmatique. La diplomatie française aurait enfin fait son aggiornamento et pris conscience de la réalité du monde, de certains faits, de son humiliante marginalisation sur la scène mondiale à force de mauvais calculs et de dogmatisme entêté, et en dépit de la valeur et de la compétence de ses armées dont l'excellence l'aurait trop longtemps dispensée d'une vision stratégique véritable. Cette mutation salutaire est encore loin de sauter aux yeux... Et le temps passe.

    Le plus tragique est peut-être que, nous (l'Occident) n'avons pas le beau rôle dans cette sombre affaire, mais le pire : celui de fossoyeurs naïfs d'États laïques complexes, certes répressifs et inégalitaires, mais aussi protecteurs d'une diversité religieuse et communautaire précieuse. Peut-être, en France, notre inhibition face à notre propre édifice régalien, notre engloutissement consenti dans le communautarisme, le renoncement à notre histoire et à notre avenir en tant que puissance structurée, inclusive et protectrice, n'y sont-ils pas pour rien.

    Caroline Galactéros (Bouger les lignes, 27 septembre 2016)

    Lien permanent Catégories : Dans le monde, Géopolitique, Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • "Vivre-ensemble" : quand l'Etat dépossède la nation...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte , cueilli sur le site Idiocratie et consacré à une réflexion profonde sur la crise de la représentation et l'autonomisation de l'Etat par rapport à la communauté nationale qu'il est sensé servir...

     

    vivre-ensemble.jpg

    Le vivre-ensemble aux abords de la station Stalingrad à Paris

     

    "Vivre-ensemble" : quand l'Etat dépossède la nation

    Comme François Hollande s'est toujours plus intéressé à l'état de l'opinion qu'à celui de la France, il affirmait sans rire, pendant l'été 2015 : « on voit bien qu'il y a des sujets qui s'installent, comme le terrorisme, la question de l'immigration, l'islam, etc ». Des sujets qui s'installent ! Derrière ces sujets se sont sans doute installées, préalablement, certaines réalités dont il est permis de penser qu'elles ont contribué au délitement des liens profonds de la nation et à l'inquiétude des Français. Les effets de ce délitement souterrain apparaissent désormais au grand jour, mais nos dirigeants se souciant fort peu d'en prendre l'exacte mesure, ils persistent dans les mêmes discours. Ainsi nous assène-t-on plus que jamais les prétendus mérites du fameux « vivre-ensemble ».

    En ces temps de novlangue triomphante, personne n'ignore le sens idéologique de cette expression, dont la neutralité première est passée à l'arrière-plan depuis belle lurette. Le « vivre-ensemble » renvoie ainsi à un type de rassemblement, censé être pacifique, d'individus et de groupes disparates, en lieu et place d'un mode de socialité reposant sur le partage d'une « chose commune ». De fait, c'est un slogan politique. On pourrait le croire emprunté à une publicité vantant la convivialité de surface ayant cours entre membres d'un vulgaire club de vacances, tant il est proche de l'imaginaire puéril contemporain. Toujours est-il qu'il a désormais du mal à convaincre. Il semblerait en effet que de plus en plus de gens ne veulent plus vivre ensemble. Ce que traduisent à leur manière les communautarismes en plein essor, mais aussi le rejet de ceux-ci exprimé dans les urnes, ou encore les tensions multiples au quotidien. Pour autant, envers et contre tout, nos élites ne cessent de promouvoir la coexistence de communautés hétérogènes, la grande juxtaposition blafarde. Les différents communautarismes ne sont d'ailleurs perçus par une partie de ces « élites » que sous la forme d'une velléité passagère, d'une simple étape. Dans l'esprit des Attali, manifestement inspirés par des horizons inconnus à l'homme ordinaire, c'est l'atomisation nécessairement pacifique du corps social qui doit ainsi l'emporter à terme sur toutes velléités contraires, celles-ci étant momentanément utiles cependant pour affaiblir le sentiment du partage d'une « chose commune ».

    Il est utile de le préciser, la notion de « chose commune », l'un des fondements du politique, n'est pas extensible à l'infini. N'en déplaise aux politiciens qui s'emparent parfois de l'expression dans le but étrange de justifier le mouvement vers l'universellement indifférencié, ce nivellement général dont les ravages s'étendent sous nos yeux. L'idée d'un ensemble humain indifférencié renvoie certes à un certain type de commun, de communauté, mais on peut se demander s’il s'agit là d'une communauté proprement humaine, c'est-à-dire dont les liens constitutifs sont d'une certaine qualité, ou si l’on n’est pas plutôt en présence d'un groupe d'individus dont les liens, à force d’être mécanisés, réifiés, relèvent en définitive d'un ordre infra-humain. Reconnaissons-le, loin de constituer un progrès, cette caricature du commun, son double parodique, nous ramène vers les temps les plus archaïques, vers cet état d'avant le devenir-homme tel que l'imaginait Vico au XVIIIe siècle : « l'infâme communauté des choses de l'âge bestial ». Pierre Manent, qui énonce cette citation dans « Les métamorphoses de la cité », prend soin d'ajouter : « quand tout était commun, rien n'était commun. » Le commun n'est possible que précédé par une activation du propre, du différencié, condition cruciale pour l'émergence, en chacun, des valeurs de l' « humanitas » selon les Anciens, autrement dit de l'humain parvenant à maturité. Il faut l'admettre en conséquence, le commun n'est possible que dans un cadre fini, doté de limites protégeant la naissance et l'essor de ce différencié.

     

    La diversité contre la variété

    Cela peut surprendre a priori, mais la marche actuelle vers l'indifférenciation générale est grandement servie par cette idée de diversité que martèlent à l'envi les tenants du « vivre-ensemble ». Pourtant, à l’examen, tout-à-fait cohérente s'avère la démarche des gens de Terra Nova, qui mettent en oeuvre, par leur rhétorique, une technique de fragmentation de la civilisation, un manuel de décomposition. Briser l'unité d'un ensemble vivant en ciblant la complexité de ses liens structurants. Puis, à partir des éléments épars et désormais perçus comme interchangeables, recréer d'autres liens, totalement artificiels. Car, il ne faut s'y tromper, ces déconstructeurs sont des constructivistes. C'est aussi le sens de l'incantation systématique de l' « autre » qui mène, au bout du compte, à la destruction de toute altérité et à la réorganisation implacable de tous sous une norme unique.

    Quasiment élevée au rang de dogme, cette idée de diversité constitue la contrefaçon d'une notion apparemment semblable mais qu'un abîme sépare, la « varietas », surgie dans le monde gréco-romain (poïkilia, en grec, déjà présente chez Homère). Utilisée surtout dans le domaine esthétique, parfois dans le domaine politique, cette dernière a constitué chez les Anciens l'une des toiles de fond cognitives sur laquelle a pu s'esquisser la notion de commun, qu'elle contient en germe. Sous le soleil antique, « varietas » et commun se répondent dans une féconde complémentarité. Ainsi, selon cette vision des choses qui doit beaucoup à l'observation du vivant, l'unité émane de la pluralité parce que la pluralité en question ne se conçoit elle-même qu'ordonnée de l'intérieur. Elle n'est pas chaotique mais intimement harmonique. La « varietas » recèle donc un ordre à la fois souple et ferme, riche et ouvert, mais non ouvert à tous les vents, comme c'est le cas avec la « diversité » propre au « vivre-ensemble ». Cet ordre intérieur, se situant à égale distance du chaos et de l'uniformité, échappe donc à ces deux fléaux, qui sont eux aussi complémentaires dans le système que nous subissons. A l'évidence, ce souci d'équilibre harmonique, pourtant au tréfonds de la psyché européenne, a fini par s'affaiblir au fil des siècles au profit de l'esprit de géométrie. La vigueur séculaire de la notion de commun en politique s’en est trouvée atteinte.

    De fait, le sentiment du commun dans la population diminue aujourd'hui à vue d'oeil, et comme l'esprit du « vivre-ensemble », censé le remplacer, suscite quelque résistance, le ciment réel de la société française consiste finalement en une situation passive de concorde générale. Par nature instable, ce simple état de non-conflictualité, de plus en plus relatif au demeurant, s'appuie surtout sur les intérêts à court terme des volontés individuelles, aveuglément réglées sur les multiples passions étroites qu'érigent en habitus les stimulations du système marchand. Constat désormais bien établi. Comment remédier alors au déséquilibre inhérent à un tel état de dissociété, avec sa dialectique entre concorde et discorde, la seconde venant sans cesse saper la part encore traditionnelle des bases de la première, c'est-à-dire les divers liens de solidarité fondés sur le temps long, un territoire donné et le consentement à une commune perception du monde ? Dès lors que l'on ne fait pas le choix de changer de paradigme en mettant l'accent sur ces liens sociaux véritables, il n'est d'autre voie que la fuite en avant idéologique.

    Solution d'une difficulté croissante pour les gouvernants, tant s'exacerbent sur le terrain le mouvement des atomes en concurrence et celui des groupes en voie de sécession culturelle. Acheter la paix civile par toutes sortes de concessions ne suffit plus. Il faut alors envisager les choses selon la perspective d'une véritable ingénierie sociale (et faire toute leur place aux idées de Terra Nova). De ce point de vue, la mise en oeuvre, sans cesse renouvelée, de la même idéologie, à chaque fois plus précise, constitue un choix moins absurde qu'il n'y paraît. Bien pesée et inscrite dans un projet cohérent de remodelage du corps social, telle se révèle à la longue cette injonction du « vivre-ensemble », lancée à une population qui la reçoit pourtant de moins en moins docilement, comprenant peut-être enfin qu'il s'agit là d'un commandement.

    Un commandement ? Au-delà de la surface rhétorique, c'est le rapport entre gouvernants et gouvernés, autrement dit la dialectique politique réellement existante aujourd'hui, qui sous-tend la politique du « vivre-ensemble ». Décidée au sommet pour maintenir artificiellement la concorde et imposée au pays sans énoncer clairement le choix radical dont elle procède, cette politique traduit avec force la dynamique de plus en plus unilatérale de l'Etat moderne. On sait que Tocqueville avait noté la nature « tutélaire » de ce dernier, et avec le temps, force est de constater la permanence de cette empreinte génétique. C’est là un point essentiel, qui fait néanmoins l'objet de malentendus. Il arrive en effet que le caractère unilatéral en question soit assimilé, à tort, avec la souveraineté et avec le principe vertical d'autorité assurant l'exercice des fonctions régaliennes. Sur les soubassements de cet unilatéralisme, quelques précisions s'imposent donc.

     

    Caractère hybride de l'Etat et unilatéralisme

    Il n'est évidemment pas question ici de définir ce qu'est l'Etat ni d'en tracer la généalogie, mais de clarifier quelques points élémentaires liés à notre sujet. Ainsi, on ne confondra pas la spécificité de l'Etat moderne avec les caractéristiques de la cité, cette dernière entendue dans notre propos au sens de forme politique traditionnelle (ou « Etat traditionnel ») et non, à la différence de Pierre Manent, au sens de forme politique historique (même si, par ailleurs, cette forme traditionnelle provient essentiellement de la « res publica » romaine). Distinction d'autant plus nécessaire que les deux structures sont étroitement imbriquées depuis des siècles et couramment prises l'une pour l'autre, bien que relevant de logiques différentes. Il faut en prendre acte, l'Etat en France a une nature hybride.

    Rappelons simplement que l'Etat moderne en tant que tel, fondé historiquement, entre autres notions juridiques, sur celle de « persona ficta » et adossé au principe de représentation politique, phagocyte le modèle de la cité. Ce dernier repose, quant à lui, sur le souci initial d'une « chose commune » et sur l'exigence de sa maîtrise par une communauté concrète (c'est-à-dire par une « gemeinschaft » et non par une « gesellschaft », selon les catégories de Tönnies). La cité naît même de l'exigence d'une telle maîtrise, comme l'indique Cicéron qui, dans une période troublée où le politique semblait privé de boussole, rappelait dans le « De republica » que « la cité est l'institution collective (con-stitutio) de la communauté (populus) ». C'est la communauté qui institue la cité et non l'inverse. Laissons de côté le fait qu'en pratique, la genèse de la cité et celle de la communauté qui en est l'assise sont des processus complexes qui interagissent. L'idée principale réside ici dans cette conscience vive, chez l'illustre sénateur, que la dynamique politique se déploie dans un sens précis, c'est-à-dire à partir des solides liens internes d'une communauté humaine donnée, avec son territoire, ses coutumes et ses représentations mentales collectives (toutes choses auxquelles renvoie la notion de « populus » dans le droit public romain) et que, dans les moments de crise institutionnelle, c'est sur cette base qu'il faut reprendre appui avant de procéder aux réformes nécessaires. Dans la cité, le rapport entre gouvernés et gouvernants est déterminé par la communauté politique qui, de ce fait, maîtrise ses choix. Sans que le régime soit nécessairement démocratique pour autant (de fait, il l'a peu été) et sans que fasse défaut la verticalité du principe d'autorité, bien au contraire.

    En ce qui le concerne, l'Etat moderne utilise, dès ses prémisses médiévales, des institutions héritées de la cité en les englobant dans une structure unilatérale qui les nie peu à peu, tant sa démarche est autre. Volonté d'imposer un ordre de l'extérieur, désir de symétrie forcée, cet unilatéralisme en mouvement se traduit lentement mais sûrement par un principe d'uniformité qui tourne le dos à la « varietas » traditionnelle. On le sait, le déroulement de ce processus historique n’a nullement été paisible. Les populations ont souvent résisté à ce qu'elles percevaient comme une atteinte à la chose commune, garantie alors par les principes coutumiers. D'où les appels incessants à la « reformatio » (littéralement, retour - de ce qui est devenu informe - à une forme). Depuis le XIVe siècle et la réaffirmation aristocratique des libertés normandes face aux audaces inédites de l'administration centrale, suivie des premières grandes révoltes populaires, nombre des secousses politiques de notre histoire ont été des réactions à ce phénomène, vivement ressenti à tous les échelons. Mais ce n'est que parvenu à un stade avancé de son évolution que l'Etat déploie toutes les conséquences de ce caractère unilatéral. Il faut d’ailleurs le noter, ce dernier n'a pas toujours été bien discerné, puisque, même après Hobbes, même après Hegel, observateurs conscients d'une telle évolution, nombreux sont les auteurs qui ont traité pertinemment des propriétés de l'Etat moderne sans avoir pris la mesure d'une telle singularité. Pour établir ce point avec un minimum de justesse, compte tenu de l'interpénétration des deux modèles d'Etat dans la réalité empirique, il est souhaitable d’user d'instruments d'analyse multiples et bien coordonnés. Retenons, à ce titre, l'intérêt du droit public romain, sur lequel nous reviendrons.

    En observant la structure politique globale de la nation à l’échelle du temps long, on constate donc que la dynamique unilatérale marque des points et l'emporte peu à peu sur la logique communautaire. Sous ce rapport, les fameux « légistes » médiévaux ont finalement gagné et, dans leur sillage, la Révolution et la centralisation napoléonienne ont constitué des jalons décisifs bien connus. A l'issue de ce long processus, il apparaît alors qu'un Etat moderne est ce que devient un Etat traditionnel qui ne s'appartient plus. De ce phénomène de dépossession, la situation actuelle est hélas riche en symptômes alarmants, parmi lesquels l'impuissance de l'Etat à maîtriser ses frontières et à garantir la sécurité intérieure de façon satisfaisante, autrement dit à assurer les premières de ses missions régaliennes. Le fait que cette impuissance se double par ailleurs d'un contrôle renforcé de la population, accentuant par là le hiatus entre l'institution étatique et la communauté nationale, est un indice significatif de la nature intrinsèque de cette étonnante dépossession des fonctions légitimes de l'Etat par l'Etat : une dépossession de volonté politique. Grave préjudice, s'il en est, dont il faut préciser qu'il s'est produit techniquement au niveau du mode de formation de la volonté commune nationale. Au terme d'un cycle séculaire, la nation s'est vu confisquer la maîtrise réelle des décisions qu'une communauté doit prendre pour persévérer dans son être. En matière de consentement, il ne lui reste plus, dès lors, que l'adhésion aux orientations décidées à l'extérieur de son être propre. Par ailleurs, l'effort constant déployé par le pouvoir et ses relais, pour formater l'esprit public en vue de cette adhésion, confirme l'unilatéralisme en cause. Il faut, d'une manière ou d'une autre, que le peuple consente aux choix d'en-haut et, un jour, rien n'empêchera peut-être que la mise en scène de cette adhésion puisse tenir lieu d'adhésion réelle.

     

    Vice du consentement politique

    Cette subversion du consentement qui aboutit aujourd'hui à l'impératif du « vivre-ensemble », sa phase la plus avancée, n'est donc possible, on le voit, que parce que la communauté nationale se trouve préalablement privée de la formation effective de sa volonté propre. Lorsqu'on parle de formation de volonté, on touche un point essentiel dont nous avons en partie perdu le sens. Aussi ne voyons-nous plus clairement que solliciter l'expression d'une volonté qui n'a pas pu se former vraiment, faute des conditions requises, relève d'un vice du consentement. Lequel est cause de nullité en droit privé. Les choses se présentent sous un jour spécifique en droit public, avec le procédé de la représentation. La formation de la volonté commune y est tenue pour acquise par le simple fait de son expression, réduite en l'occurrence à la désignation de représentants dont les décisions ne sont pas soumises à validation. Ce qui suscite depuis longtemps une interrogation devenue classique sur la nature réelle du débat démocratique. Devant la crise actuelle du concept de représentation, sans solution pour l'heure (la notion vague de démocratie participative étant plus un révélateur de cette crise qu'un début de solution), une partie de la doctrine parle d'un « blocage théorique ». Dans ce contexte, il est utile de prêter attention à la critique radicale de certains universitaires italiens spécialistes de droit romain, qui se livrent à une rigoureuse analyse des mécanismes en question.

    Les concepts du droit romain, produits d'une longue maturation qui a fait d'eux des outils « inactuels », au sens nietzschéen, s'avèrent en effet précieux. Ils permettent notamment de faire surgir l'alternative existant entre les grands types de processus décisionnels relatifs aux communautés, publiques ou privées, au-delà des modalités variant selon époques et contextes. Giovanni Lobrano oppose ainsi aux organisations humaines modernes régies par le principe de personnalité juridique (la « persona ficta » théorisée et mise en oeuvre à partir du XIIIe siècle, d'où est sortie la « persona artificialis » du Léviathan de Hobbes au XVIIe siècle) celles qui sont régies par le principe sociétaire, fondé quant à lui sur le très classique et très romain contrat de société (que l'on ne confondra évidemment pas avec l'idée moderne de contrat social). Il fait observer que le modèle sociétaire a le mérite d'être construit sur la nécessité d'une « communio » entre les membres de la « societas » concernée, c'est-à-dire sur des liens internes forts, conçus par analogie aux liens intrafamiliaux (mais sur un mode libre et volontaire permettant de constituer des consortiums gérant des biens, des organisations professionnelles, des sociétés commerciales). Ce modèle, étranger au contractualisme, s'enracine dans une réalité anthropologique, toute « relatio » tirant sa validité du « mos majorum » (les mœurs, l’éthique commune des ancêtres) et n’étant ainsi pas réduite au pur intérêt calculé des modernes. A l’opposé d’un tel enracinement surgit le principe de personne juridique, création artificielle de la loi.

    De cette différence cruciale, il résulte que, d'un modèle à l'autre, le rapport fondamental entre l'un et le multiple est quasiment inversé. Dans la communauté régie par le principe sociétaire, ce sont les liens internes, faits d'obligations réciproques, qui sont le ferment de l'unité rassemblant cette pluralité d'hommes et qui déterminent la formation de la volonté commune. Aussi les dirigeants issus de l'expression de cette volonté restent-ils subordonnés à cette dernière dans l'exercice de leur charge, tout en disposant de larges pouvoirs d'initiative et d'exécution. Quels que puissent être leur pouvoir et le prestige de leur titre, ils restent des délégués. L’administrateur d’une société privée, mais aussi le consul, l’empereur, le roi de France (bien que pris entre deux logiques) se considèrent comme des dépositaires. Au contraire, dans la communauté régie par le principe de personnalité juridique (ou fictive), l'unité de la pluralité d'hommes qui la constituent est assurée de l'extérieur. C'est la fonction de la « persona » comme structure englobante, avec ce qu'elle recèle d'irrémédiablement arbitraire et de malléable et qui, à son tour, détermine les conditions de formation de la volonté commune. Celle-ci peut alors se voir absorbée par le mécanisme de la représentation, issu d'une distorsion de la notion romaine de mandat, en l'occurrence d'une distorsion du lien entre mandant et mandataire. A cet égard, Lobrano montre, au moyen d'une analyse acérée, que représentation et personnalité fictive procèdent de la même matrice conceptuelle : ces principes ont été élaborés pour fonctionner ensemble. On constate que les dirigeants qui émanent de ce dispositif, véritable saut quantique par rapport à la conception ancienne en matière de gestion de toute affaire commune, bénéficient d'une autonomie inouïe, puisqu'en pratique, la volonté du représentant se substitue à celle du représenté (la communauté).

    Dans ce domaine, ce qui vaut en droit privé vaut aussi en droit public. Le passage du régime sociétaire au régime de la personnalité juridique-représentation bouleverse structure interne et mode de gestion, autant pour la communauté nationale que pour une simple entreprise. La nation a connu cette évolution complexe, prise dans la dynamique un Etat moderne (la « persona artificialis » et ses représentants) qui n'a désormais de cesse de liquider ce qui reste de l'ancestrale politique du bien commun : elle s'en trouve profondément affectée dans sa substance. En définitive, on doit tenir pour essentiel le phénomène suivant : les modes de formation de la volonté commune rétroagissent sur la nature des liens internes de la communauté. La réciproque est vraie, comme l'atteste le triste spectacle offert par la nation : son état de dissolution interne la rend toujours plus vulnérable et passive face aux politiques imposées, notamment celles qui travaillent au remodelage de la population et accentuent ainsi cette dissolution. Telle est la spirale infernale du « vivre-ensemble ». A ce titre, on s’aperçoit que ce processus aboutit finalement à l’inversion de l’ordonnancement que décrivait Cicéron. Ce n’est plus le peuple (la communauté politique) qui institue la cité, c’est l’Etat qui veut instituer le peuple, le recréer de toutes pièces.

    Pour tenter de sortir de cette spirale, accordons quelque attention aux mécanismes de dépossession en jeu. L'édifice national menace ruine. Il est temps de s'occuper des murs porteurs et de la manière dont ils sont agencés. Plaider pour une politique du bien commun et pour une souveraineté digne de ce nom, sans se soucier de leurs conditions profondes, c'est en rester au stade des voeux. Une voie plus conséquente consisterait à puiser des forces dans une volonté commune réellement formée, non subvertie, pour renforcer, dans le même mouvement, les liens de la communauté nationale et les prérogatives régaliennes. Il ne s'agit pas de miser sur les prétendues vertus de la démocratie directe mais de libérer le consentement par la mise en œuvre réelle du principe de subsidiarité. Un tel changement est envisageable à faible coût, l’objectif étant de « désétatiser le bien commun » pour mieux assurer ce bien commun. A la fois souple et ferme comme un muscle puissant, l' « Etat subsidiaire », pour employer l'expression de Chantal Delsol, est de nature à offrir un cadre approprié au modèle sociétaire et à la décision vigoureuse qu’il permet. Il apparaît bien ainsi comme la condition d'un « hard power » qui serait enfin à la hauteur des enjeux présents. Il n'y a pas de remède miracle, seulement des données cruciales à prendre en compte si l'on pense qu'un redressement est possible. Le cadre et la structure de la volonté commune, conditionnant la qualité de la décision, comptent au nombre de ces données. Aussi, convient-il d’en être conscient pour pouvoir opposer un jour, avec succès, aux tenants du « vivre-ensemble » les exigences toujours vives de l'être-ensemble, ce rapport existentiel d'une population avec son passé et son territoire.

    Des idiots (Idiocratie, 20 septembre 2016)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Traités de libre-échange : bienvenue dans le monde d'Orwell...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Michel Quatrepoint, cueilli sur Figaro Vox et consacré à ce que recouvre la négociation, toujours en cours, du Traité transatlantique entre l'Union européenne et les Etats-Unis...

     

    TAFTA 2.jpg

    Traités de libre-échange : bienvenue dans le monde d'Orwell

    Nous sommes en guerre! On pense, bien sûr, à Daech et au terrorisme islamiste. Mais il y a aussi une autre guerre, plus sournoise, plus vicieuse, puisqu'elle nous oppose à des amis, des alliés. Je veux parler de la guerre avec les États-Unis, de la guerre entre l'Europe et les États-Unis, de la guerre aussi entre le modèle culturel anglo-saxon, un modèle communautarisme, et notre modèle républicain, laïc. Cette guerre a un champ de bataille: le marché, l'économie. Avec un objectif pour les États-Unis, ou plutôt pour les multinationales, en très grande majorité anglo-saxonnes: assurer un nouvel ordre mondial, où le rôle des États est réduit à la portion congrue, où les citoyens sont cantonnés à un rôle de consommateurs, où la politique s'efface devant les impératifs du marché et d'un libre-échange total, absolu.

    Cette bataille, elle se joue aussi sur les traités commerciaux, à travers le TAFTA, le TPP pour le Pacifique, le TISA pour les données. Sans oublier le traité entre l'Europe et le Canada qui a servi en quelque sorte de matrice aux négociations transatlantiques sur le TAFTA. Cette offensive américaine se déroule comme à la parade. Dans un premier temps, les autorités judiciaires d'outre-Atlantique ont mis en place un arsenal juridique pour imposer peu à peu l'extraterritorialité du droit américain. C'est ainsi qu'on a vu se multiplier, depuis des années, les amendes colossales contre les groupes européens. Amendes pour avoir obtenu des contrats dans divers pays du Tiers Monde avec des commissions. On pense, bien sûr à Alstom. Amendes pour avoir financé des opérations commerciales avec des pays frappés d'embargo par les États-Unis. On pense, bien sûr, à BNP Paribas. Amendes pour avoir bidouillé, comme Volkswagen, les moteurs Diesel vendus sur le marché américain, etc. À chaque fois ce sont des montants considérables. Des milliards, voire des dizaines de milliards de dollars.

    Pis, ces menaces pèsent sur le système bancaire européen qui n'ose plus financer les investissements des entreprises, françaises et autres, dans des pays sensibles. Ainsi, les banques françaises sont très frileuses sur l'Iran, sur la Russie. Nos entreprises ratent des contrats. Pour le plus grand profit… des Américains. Bref, tout se passe comme si cette menace subliminale que fait peser la justice américaine et Washington sur les banques et entreprises européennes était destinée à les paralyser, à les tétaniser. Parallèlement, le capitalisme américain a déployé sur une très grande échelle une forme moderne de corruption: l'influence, le trafic d'influence. Plus besoin de verser des bakchichs, il suffit d'offrir aux dirigeants politiques, aux élites européennes de belles et rémunératrices fins de carrière, ou de faciliter l'accès de leurs progénitures aux cercles restreints du pouvoir des multinationales.

    Aujourd'hui, les masques tombent. C'est un ancien président de la Commission européenne dont on savait qu'il était très proche des Américains qui pantoufle chez Goldmann Sachs. On découvre qu'une ancienne commissaire à la concurrence avait pris systématiquement des décisions nuisibles aux intérêts industriels européens tout en étant administrateur d'un fonds off shore aux Bahamas. Cerise sur le gâteau: elle a intégré Bank of America et, au printemps dernier, le groupe américain… Uber. Un autre commissaire, négociateur et thuriféraire de l'accord TAFTA, a, lui, rejoint les conseils d'administration de CVC Partners, un fonds américain et Merit Capital. Bref, les Américains savent remercier ceux qui ont œuvré pour eux. Mais ceux qui rechignent à intégrer ce nouvel ordre mondial sont frappés. Volkswagen, mais aussi Deutsche Bank et maintenant Airbus que l'on menace de dizaines de milliards d'amende, parce que le groupe aurait bénéficié de subventions européennes. Mais comment Boeing s'est-il développé sinon avec l'argent du département de la Défense? Comment la Silicon Valley est-elle devenue ce qu'elle est sinon avec les subsides sous diverses formes de l'État américain? Comment les GAFAM et autres NATU (Netflix, Airbnb, Tesla et Uber) prospèrent-ils sinon en optimisant fiscalement aux États-Unis (les multinationales américaines ont exporté plus de 2 000 milliards de dollars dans les paradis fiscaux) et en ne payant pratiquement pas d'impôt en Europe? Et lorsque une commissaire européenne ose s'élever contre les avantages exorbitants accordés par l'Irlande à Apple, c'est le président Obama et 250 patrons américains qui volent au secours de la firme et somment l'Europe d'abandonner ses poursuites.

    Trop, c'est trop! Ou les Européens se couchent et nous allons collectivement basculer dans un monde où quelques monopoles régneront sur notre vie de tous les jours, géreront nos données… un monde digne de Big Brother. Ou l'Europe se réveille, refuse ces diktats, renvoie les accords TAFTA aux calendes grecques. On ne négocie pas dans une position de vassal. Voilà pourquoi la bataille du TAFTA est symbolique. Voilà pourquoi si nous voulons défendre nos valeurs, une certaine idée de la géopolitique, il faut dire non au TAFTA, relancer l'idée de la préférence communautaire, défendre nos banques et nos grandes entreprises. À condition, bien sûr, qu'elles veuillent être défendues et qu'elles n'aient pas déjà pactisé avec l'Oncle Sam… pour un plat de lentilles.

    Jean-Michel Quatrepoint (Figaro Vox, 23 septembre 2016)

    Lien permanent Catégories : Economie, Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • Les trois hégémonies et l’impuissance dramatique des Européens...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gérard Dussouy, cueilli sur Metamag et consacré aux hégémonies qui menacent l'Europe. Professeur émérite à l'Université de Bordeaux, Gérard Dussouy est l'auteur d'un essai intitulé Contre l'Europe de Bruxelles - Fonder un Etat européen (Tatamis, 2013).

    Europe souveraine.jpg

    Les trois hégémonies et l’impuissance dramatique des Européens

    Le monde postmoderne, celui d’après la modernité occidentale finissante, entérine l’achèvement du cycle de l’État-nation européen (forme politique canonique de la dite modernité) commencé avec les traités de Westphalie (1648). En effet, avec la globalisation, à l’œuvre depuis la fin des années 1980, il apparaît de plus en plus clairement que la planète est entrée dans un nouveau cycle politique, identifié par Robert Gilpin comme étant celui État-continent efficacement structuré, met en présence, aujourd’hui, trois types d’hégémonies (en fonction des facteurs dominants respectifs) : l’hégémonie occidentale/américaine, l’hégémonie chinoise et l’hégémonisme musulman.

    Les deux grandes hégémonies concurrentes

    Dans la définition de l’hégémonie que retient Gilpin, la puissance étatique qui en est à l’origine est un agrégat cumulatif dans lequel le facteur économique voit sa contribution augmenter irrésistiblement (notamment au travers de ses groupes transnationaux). A partir de lui, elle étend son influence dans le monde entier et elle s’ingénie à créer des institutions internationales grâce auxquelles la force du plus fort, c’est-à-dire la sienne, se transforme en droit (Cf. le FMI, l’OMC, et une kyrielle d’institutions régionales relais).

    C’est ainsi que depuis 1945, et plus encore depuis l’effacement de l’Union soviétique, l’État-continent US, sûr de sa suprématie militaire, a imposé ses normes tant en ce qui concerne l’organisation et les règles de l’agir économique, qu’en ce qu’il en va de la vie sociale et des changements sociétaux. Mais depuis quelques décennies, cette hégémonie occidentale, qui recouvre toute l’Europe, jusqu’aux portes de la Russie, doit compter avec la prétention à l’hégémonie d’un autre État-continent, la Chine. De fait, celle-ci inonde le monde de toutes ses productions, jusqu’à saturer tous les marchés, se répand dans tous les continents (et ce n’est pas qu’une image quand on considère la géographie des diasporas chinoises), de l’Asie à l’Europe, et de l’Amérique à l’Afrique (où elle met la main sur tout ce qu’elle peut), joue un rôle de plus en plus important dans les institutions internationales, accumule les devises et entend accueillir bientôt le nouveau marché de l’or ! Dans la mesure où on ne sait pas encore de quel côté la balance va pencher, on est bien dans une phase de « transition hégémonique » qui se joue, de part et d’autre du Pacifique, nouveau centre de l’arène mondiale, entre les États-Unis et la Chine. Les Européens, eux, sont au balcon ! Mais ils sont également les jouets de la compétition en cours. Ils subissent, sans réagir, les offensives commerciales et patrimoniales chinoises, et les étouffantes et très intéressées attentions d’une puissance américaine sur la défensive.

    Á ces deux acteurs hégémoniques, tout compte fait classiques parce qu’ils mobilisent en priorité les moyens économiques et les ressources militaires, bien qu’ils soient les premiers dans l’histoire, et la Chine autrement plus que les Etats-Unis, à s’appuyer sur un potentiel démographique considérable, s’agrège maintenant l’aspiration à l’hégémonie de l’Islam.

    L’hégémonisme musulman

    L’hégémonisme musulman repose sur l’expansionnisme démographique et le prosélytisme religieux avant tout, et sur la puissance financière de manière auxiliaire. Néanmoins, il n’a pas de puissance chef de file, de centre directeur et émetteur de la dimension des deux autres. Il est polycentrique et démotique. La croissance démographique élevée de la plupart des pays musulmans conforte la religion du Livre dans un rôle international inattendu par son ampleur pour un phénomène culturel. Elle alimente des flux migratoires qui ne cessent de renforcer les diasporas installées, assez récemment, à la périphérie des espaces d’origine de l’Islam, comme en Europe où son influence augmente. Tant et si bien que la conjonction de la dynamique démographique et de l’irréductibilité religieuse des nouveaux habitants (démontrée tous les jours dans les actes civils) disloque et transforme les sociétés européennes investies. Et cela avec d’autant plus de résultats que les systèmes juridiques européens en place, et les valeurs qui les sous-tendent, sont dépassés et contre-productifs (puisqu’ils permettent à l’Islam d’imposer ses croyances) dans un contexte nouveau qui est celui d’une quasi guerre culturelle. Cette transformation est de type démotique, parce qu’elle agit par imprégnation à l’occasion d’une substitution progressive des populations immigrées à des populations autochtones qui vieillissent et qui sont frappées par la crise de la dénatalité. Elle est la conséquence du nombre qui stimule la résistance aux valeurs et aux traditions des pays d’accueil.

    Enfin, ce processus spontané d’islamisation, au moins partielle, de l’Europe, présente une dimension stratégique parce qu’il est aussi encouragé par plusieurs États musulmans, au potentiel politico-militaire généralement limité, sauf la Turquie, mais qui disposent de ressources financières impressionnantes qui autorisent des acquisitions patrimoniales considérables et des soutiens généreux aux acteurs musulmans en mission.

    La voie de salut de l’État européen

    Toujours sous l’emprise d’une vision occidentalo-universaliste du monde qui se retourne contre eux, et sous la tutelle politique et stratégique des États-Unis, mais en même temps déstabilisés, au plan économique et donc social, par les offensives multiples et répétées de la Chine, les Européens sont confrontés aux vagues migratoires venues du sud et porteuses d’une croyance religieuse le plus souvent intolérante et parfois totalitaire.

    Incapables de répondre à ce triple défi hégémonique tant qu’ils ne seront pas politiquement unis, parce que leurs États respectifs sont devenus trop faibles, ils sont directement affectés dans leurs conditions de vie, dans leurs coutumes et leurs rapports au monde, dans leurs identités. Le drame est que sans être parvenus à se débarrasser de l’hégémonie américaine, les Européens subissent déjà les deux autres, et que leur situation va empirer.
    Leur seule réponse appropriée à un tel contexte est celle de l’Etat européen parce qu’il est l’unique outil politique de combat adapté aux immenses épreuves que, tous azimuts, les Européens commencent, tout juste, à entrevoir. En effet, l’Etat supranational est le seul en mesure de réunir les ressources humaines, matérielles et immatérielles, de disposer de budgets conséquents, et de fixer des stratégies à long terme, choses indispensables pour éviter le pire.

    Dans ce but, les Européens actifs, et conscients de ce qui vient, doivent s’emparer de l’Union européenne et la transformer dans l’optique qui précède. La dispersion et le repli national seraient mortels. Les Anglais regrettent déjà, sans l’avouer, leur référendum (qui, il faut le souligner, parce que cela est d’importance pour la suite, ne comporte aucune obligation constitutionnelle). On peut parier qu’ils feront tout pour que le Brexit ne soit pas effectif, même s’il devait être officialisé. Les solutions de raccroc ne manquent pas.

    En tout état de cause, il est clair qu’il ne faut pas fuir l’Europe, parce qu’elle est la voie de salut. Il faut comprendre que si un État est fondé sur des éléments physiques (territoire, population et organisation bureaucratique), il est aussi, et c’est essentiel, l’idée que l’on s’en fait. C’est donc aux Européens eux-mêmes de faire de l’Union (qui, telle qu’elle est, sert de prétexte à tous ceux qui rejettent l’Europe sous quelque forme que ce soit) l’État qui leur convient, qui les défend, qui porte leurs aspirations.

    Les raisons d’y croire

    Pour y parvenir, deux types d’acteurs existent et qui sont compatibles parce qu’ils peuvent converger dans leurs actions : les États existant et les mouvements citoyens. En effet, parmi les États, certains peuvent, ou pourraient compter bientôt, des gouvernants qui ont pris acte de toutes les dérives de l’Union européenne, de toutes ses orientations politiques nocives pour les peuples européens, de l’insignifiance ou de l’indifférence à la cause européenne de ceux qui la dirigent, et qui ont décidé de changer le cours des choses.

    Ces États, bien qu’ils puissent être de dimension moyenne, pourraient alors se constituer en bloc, au sein de l’Union, pour arrêter les politiques actuelles et en exiger d’autres conformes aux intérêts des Européens (les États du groupe dit de Višegrad se concertent, ces derniers temps, pour essayer de poser les bases d’une armée européenne), aussi bien qu’ils pourraient obtenir des réformes profondes en faveur de la représentation des peuples et de leur participation au processus de décision communautaire. Agissant ainsi, ces États seraient en mesure d’en entraîner d’autres, et des plus puissants, par le biais des opinions publiques.

    Cela n’est pas là qu’une hypothèse d’école, quand on pense à ce qui pourrait se passer en Europe centrale et de l’est si des États comme la Hongrie, l’Autriche et quelques autres, conscients de l’impasse que représente le repli national, s’entendaient pour changer, de l’intérieur, l’Union européenne. Il n’est peut-être pas anodin qu’à la suite de son premier échec, le candidat nationaliste à l’élection présidentielle autrichienne, Norbert Hofer, ait déclaré qu’il entendait améliorer et changer l’Union européenne, et surtout ne pas la quitter (« Ich möchte eine bessere EU und keine Austrittswelle »), sauf en cas d’une adhésion imposée de la Turquie. La prise de conscience qu’il existe un intérêt européen susceptible de transcender les égoïsmes nationaux et de trouver des règlements aux vieux différents, territoriaux ou autres, semble se dessiner, et elle devrait se confirmer compte tenu de la montée certaine du stress extérieur (invasions continues à travers les Balkans et l’Italie) et de l’imminence de la crise financière.

    L’action de ces États rédempteurs, ceux à l’origine du renouveau européen, s’avèrera d’autant plus efficace qu’elle entrera en phase avec les mouvements citoyens qui commencent à émerger, ici et là, en Europe, et à constituer des fronts communs sur des résistances et des revendications variées. A partir de ceux-ci, pourra se former une opinion publique européenne, avec en son sein, la conviction selon laquelle, plus que jamais, l’Europe est le destin commun de tous ses peuples originaires, et l’État européen l’instrument de leur survie et de leur liberté. Au plan pratique, cela pourrait conduire des forces politiques à s’organiser à l’échelon supranational avec l’objectif, parmi d’autres, de faire en sorte qu’un jour le Parlement européen porte, enfin, et si l’on peut rêver dès 2019, la voix de la souveraineté populaire.

    Á ce compte là, tout n’est pas perdu !

    Gérard Dussouy (Metamag, 12 septembre 2016)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • Trump : clown ou révolutionnaire ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Guillaume Faye, cueilli sur son blog J'ai tout compris et consacré à Donald Trump et à sa candidature à l'éléction présidentielle américaine...

     

    Trump 2.jpg

    Donald Trump : un clown ou un révolutionnaire ?

    Anti-immigration, pro-Poutine, très hostile à l’islamisation, durement critique envers l’Otan, protectionniste, partisan des valeurs traditionnelles, contre l’establishment, Trump a tout pour plaire en France à une frange grandissante de l’opinion populaire, qualifiée d’ ”extrême droite” par l’idéologie officielle mais qui gagne tous les jours du terrain. Il a tout pour déplaire, évidemment, à l’oligarchie bien pensante et politiquement correcte qui le traite de ”populiste”, ce terme qui diabolise ceux qui se réclament de l’avis de leur peuple, c’est-à-dire de la vraie démocratie. Et puis, son look et sa faconde populaire déplaisent fortement aux intelligentsias et aux classes politiques d’Amérique du Nord et d’Europe.

    Un homme neuf, un mystère américain

    Il brouille les pistes, par sa rupture complète avec la bienséance idéologique. Et pourtant il a 70 ans. C’est autre chose que le jeune Macron en France, qui n’est qu’un simulacre de rupture et de nouveauté. Homme neuf en politique, non professionnel, producteur et animateur d’émissions télévisées, promoteur immobilier milliardaire et donc indépendant d’un establishment de plus en plus détesté par la white middle class, Donald Trump est shocking pour le puritanisme politique bien pensant américain…et européen. Trump rejoint la tradition américaine de l’isolationnisme, qui a été abandonné au XXe siècle au profit de l’impérialisme – ce terme n’ayant aucun caractère péjoratif – sur le modèle français et britannique du XIXe siècle.

    Quelques gaffes et saillies au cours de ses discours de campagne du mois d’août 2016, exagérées et démultipliées par les médias américains et européens, l’ont sévèrement fait baisser dans les sondages. Alors qu’en août 2016, l’avance de Hillary Clinton se creusait à cause de déclarations très polémiques de Trump, amplifiées par les médias américains et européens partiaux, les présentant comme des signes de maladie mentale, cette avance a fondu début septembre et ils sont de nouveau au coude à coude. C’est sans doute à cause du discours de Phoenix, très dur sur l’immigration, qui a plu aux classes moyennes blanches.

    Les Blancs soutiennent Trump à 55% et Clinton à 34%, les minorités (Chicanos et Noirs) votent pour Clinton à 71% et pour Trump à 18%. Malheureusement, les jeunes préfèrent Clinton à Trump : 54% contre 29%. (Sondage de CNN, pas forcément crédible). Trump a eu raison de dire que les médias et les journalistes sont partiaux à son égard. Comme en France, la majorité des grands médias sont hostiles à tout ce qui est ”populiste”. Mais les ”indépendants”, plus nombreux que les partisans des deux grands partis, basculent en faveur de Trump (49% contre 29%). Ennuyeux, les Blancs diplômés d’université se rallient à Hillary Clinton : 49% contre 36% à Trump. On a donc la même configuration qu’en Europe : la bourgeoisie des grandes agglomérations vote plutôt à gauche et le vote de droite est principalement le fait des classes moyennes blanches modestes, rurales ou des petites villes périphériques. Bourgeoisie de gauche, prolétariat de droite.

    En août 2016, Trump, à la grande joie de l’oligarchie française bien-pensante, s’effondre dans les sondages d’intentions de vote avec 6% de moins que Hillary Clinton. On pronostique la défaite de Trump avec la même assurance qu’on pronostiquait la défaite du Brexit. Antoine Colonna écrit  (Valeurs actuelles, 1–7/09/2016) : « Pourquoi la surprise a–t–elle été si grande le matin du 24 juin à Londres ? Tout simplement parce que c’est l’électeur britannique profond, le petit Blanc déclassé, qui a voté, sur une analyse plus instinctive que rationnelle. Si ce scénario se reproduit du fait d’un phénomène aussi profond aux États–Unis, avec la démesure de ce pays, alors le matin des résultats de la présidentielle pourrait être dur pour ceux qui avaient des pronostics raisonnables… » Et puis, en septembre, Trump remonte dans les sondages…

    La diabolisation de Trump

    Jamais une campagne électorale américaine n’aura été si riche en insultes entre les candidats, ce qui prouve, outre-Atlantique comme en Europe, un durcissement des tensions et des enjeux idéologiques, signe avant–coureur de crises et d’affrontements majeurs. La candidate démocrate a traité son rival de « raciste, sexiste et islamophobe ». (1) Même en France, aucun socialiste n’oserait prononcer de tel propos contre des candidats FN.

    Les malaises de Hillary Clinton et les soupçons sur sa mauvaise santé peuvent compromettre son élection. De même ces insultes qu’elle a proférée à l’égard de son rival et, plus grave, envers son électorat (les électeurs de Trump sont des « gens déplorables, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes, et j’en passe », propos proféré au cours d’un gala de charité à New–York le 9 septembre) la disqualifient dans une partie de l’opinion.

    Reagan, en 1980,  était traité par les esprits forts parisiens et washingtoniens de « cow-boy incompétent ». Il aura pourtant été un des présidents américains les plus performants. Les dirigeants européens, ainsi que Hillary Clinton, insistent sur l’inculture de Trump en politique étrangère et s’interrogent sur sa santé mentale, voulant le faire passer pour un demi fou. Sa sympathie envers Vladimir Poutine –  dix fois plus diabolisé que ne l’étaient les anciens dirigeants de l’URSS – scandalise et inquiète. Les dirigeants européens, en particulier britanniques, allemands et polonais – ces derniers ouvertement russophobes–, enfreignent la réserve diplomatique pour s’en prendre à Trump et s’immiscer dans la campagne présidentielle américaine.

    Il apparaît souvent et est décrit par une partie des médias américains comme un gaffeur frustre, vulgaire et ridicule, misogyne, voire raciste. Une fraction des cadres du Parti républicain a même essayé de le remplacer par un autre, bien qu’il ait été désigné par la convention !

    Le côté délirant du personnage n’est qu’une apparence. Car ce promoteur immobilier milliardaire n’a rien d’un « timbré », selon le terme employé par Robert De Niro. Les critiques polémiques contre Trump par l’establishment (notamment le New–York Times et le Washington Post) et l’équipe Clinton portent sur son incapacité à gouverner, son incompétence, son immaturité. CQFD

    Le problème mexicain

    Avec sa visite stupéfiante au président mexicain Enrique Pena Nieto, début septembre 2016, invité au palais présidentiel de Los Pinos, Donald Trump a donné l’impression de céder, de se renier, afin de promouvoir l’image d’un modéré, responsable et diplomate. Après avoir traité les Mexicains d’envahisseurs, de voleurs, de violeurs, après avoir promis d’en expulser la majorité et de construire un mur frontalier de 3.200 km, « un grand mur, haut, puissant, impénétrable, magnifique », équipé de senseurs souterrains anti-tunnels et de miradors, facturé de force au Mexique, il a paru s’excuser et oublier ses propos.

    Schizophrène à deux visages ? Pendant sa visite au Mexique, il ne fit aucune allusion à son programme d’expulsions massives parmi les 25 millions de Mexicains résidant aux États–Unis. Pour les démocrates de l’équipe Clinton, c’est un dégonflé, qui, devant le président Nieto, a opéré une reculade en exprimant officiellement son  « énorme affection pour les Mexicains –Américains ».

    Mais quelques heures après avoir quitté Mexico, il change son fusil d’épaule et prononce à Phénix dans l’Arizona un discours anti-immigration plus remonté que jamais où il dévoile son arsenal répressif contre les clandestins. Serait-ce un personnage versatile, peut-être aussi un faux dur peu courageux, une ”grande gueule” faible en actes ? Ce qui laisserait supposer, tout comme Sarkozy en France, s’il est élu, qu’il édulcorera son programme ou ne le réalisera pas. On n’est sûr de rien avec Donald Trump.

    Immigration : un remède de cheval

    Le candidat républicain prône la « déportation » (2) des 11 millions de clandestins estimés, en majorité Mexicains, le durcissement sans précédent des procédures d’octroi de visas, un renforcement considérable des moyens et prérogatives des garde– frontières, le refus de tout visa pour les ressortissants de tout pays jugé à risques, avec des « certifications idéologiques sévères » pour l’obtention de visas (il vise l’islam radical), une sélection des migrants « qui correspondent à nos intérêts nationaux », en fonction de leurs mérites, talents et aptitudes et surtout leur « capacité à subvenir à leurs besoins ». Ce qui implique : pas de réfugiés ni de demandeurs d’asile, pas d’allocations ni d’aides de l’État pour les nouveaux résidents.

    Dans ce programme également : aucune prestation sociale, aide au logement, ni tickets alimentaires pour les étrangers en situation irrégulière ; renforcement considérable de l’arsenal policier et législatif pour débarrasser le pays des délinquants étrangers, présentés par Trump comme la cause principale de la criminalité, du fait de « la politique de frontières ouvertes d’Obama et de Clinton ». Et Trump a de nouveau insisté dans son discours–programme de Phoenix sur la construction du mur frontalier contre les clandestins venant du Mexique ou d’Amérique latine : « le Mexique va payer à 100%. Ils ne le savent pas encore, mais ils vont le payer». Ce discours très dur de Phoenix sur l’immigration a autant choqué les ”minorités raciales” et la bourgeoisie urbaine de gauche que ravi les ”petits Blancs”. Trump fait là un choix électoral et politique racial, peut-être pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, en prenant un risque énorme.

    En effet il a choisi de perdre définitivement le vote des minorités ethniques qui représentent tout de même un tiers de l’électorat. Il lui faut donc impérativement mobiliser massivement chez les Américains blancs. Ce qui n’est pas évident. 

    Le candidat des Blancs

    Jared Taylor, directeur de la société de pensée (think tank) American Renaissance et du magazine en ligne éponyme en forte progression outre–Atlantique, a expliqué au Figaro (14/09/ 2016) : « Beaucoup de Blancs n’osent rien dire alors qu’ils voient leur pays leur glisser entre les mains. Donald Trump pourrait être notre dernière chance d’arrêter l’immigration illégale, qui transforme les États–Unis en un pays du tiers–monde ». Steve Bannon, le directeur de campagne de Trump, anime un site grand public Breitbart News (31 millions de visiteurs uniques) qui défend un « nationalisme blanc », selon lequel l’immigration et le multiculturalisme menacent l’identité américaine. Le rédacteur en chef, Alex Marlow, explique : « nous sommes ouvertement populistes, nationalistes et anti-politiquement corrects ». Trump a aussi le soutien de Richard Spencer, qui préside le National Policy Institute qui se consacre à promouvoir « l’héritage, l’identité et l’avenir des Américains d’origine européenne ». Jared Taylor estime néanmoins (dans Le Figaro cité) que « Trump n’a pas sérieusement réfléchi à la question raciale ».

    On a calculé que 90% des électeurs de Trump seront blancs, mais dans la population américaine le poids électoral des Blancs est passé de 89% en 1976 à 70% aujourd’hui. Rappelons que les Blancs qui représentaient 90% de la population en 1950 ne sont plus que 62,6%. À ce rythme, si rien ne change, ils seront minoritaires (moins de 50%) en 2045. Le problème pour Trump est donc de mobiliser au maximum cette majorité électorale blanche déclinante numériquement.

    Pour Trump, l’Europe est l’exemple à ne pas suivre.

    André Bercoff, qui a rencontré Donald Trump, explique qu’ « il ne reconnaît plus la France » (il veut parler de l’immigration invasive incontrôlée). Il se demande d’ailleurs comment cela a été possible. Au fond, il n’aime pas les perdants et ceux qui se laissent tirer dessus sans même se défendre ». (Valeurs actuelles, 8–14/09/2016). Trump a affirmé que la France se laissait envahir, notamment par son ancienne colonie, l’Algérie.

    Il a aussi déclaré : « la France n’est plus la France », par allusion à l’immigration et à l’islamisation. Constat avec lequel de plus en plus d’électeurs français sont d’accord au grand effroi des classes politique, journalistique, cultureuse et intellocrate, qui ne voient pas en quoi l’invasion et l’islamisation posent problème.

    « Certains quartiers de Londres et de Paris sont à ce point radicalisés (islamisme et criminalité agressive des immigrés) que les policiers, craignant pour leur vie, n’osent plus y pénétrer » a lancé Trump dans une interview. Cette assertion a suscité l’indignation d’Anne Hidalgo, maire de Paris, et de Boris Johnson, ancien maire de Londres (remplacé par un musulman pakistanais naturalisé) et chef du Foreign Office, qui a cru humoristique de répliquer que la seule raison pour laquelle il fuyait certains quartiers de New-York était « le risque réel de rencontrer Donald Trump ». Blague stupide. Car non seulement Trump a raison mais il est en dessous de la réalité. Des pans entiers du territoire français, banlieues et villes, sont dans cette situation où la police ne pénètre plus que pour les cas gravissimes et en force, où les services publics ne sont plus assurés, où l’islamisation (salafiste) est totale et intolérante, où la criminalité et le trafic de drogues prospèrent, où les derniers Français de souche sont victimes d’agressions et de persécutions racistes… Et ce, dans l’impunité la plus totale.

    « On peut être vraiment effrayé de ce que le monde pourrait devenir si Trump devenait vraiment président » a déclaré Frank–Walter Steinmeier, le chef de la diplomatie allemande. Ah bon ? Ça pourrait être pire que la catastrophe qu’a déclenchée l’irresponsable chancelière Merkel en ouvrant ses frontières à plus d’un million de migrants envahisseurs ? « Les propos mal informés de Donald Trump sont d’une absurdité totale » a dit Boris Johnson, ministre britannique des Affaires étrangères, ancien maire de Londres. Mais Nigel Farage, ancien président de l’Ukip (Parti indépendantiste du Royaume –Uni), nationaliste et l’un des artisans du Brexit, est venu soutenir Trump, ”The Donald”. Steinmeier et Johnson, ministres des Affaires étrangères d’Allemagne et de Grande Bretagne auront l’air malins, si Trump est élu président des Etats-Unis, après l’avoir ainsi injurié. Mais s’il ont agi ainsi c’est qu’ils devaient être persuadés que le candidat répulicain ne franchirait jamais le seuil de la Maison Blanche.

    Politique étrangère de Trump : la grande rupture

    Si Trump était élu et s’il mettait en œuvre son programme, ce serait un séisme international, car les Etats-Unis renoueraient avec l’isolationnisme des origines, abandonné au cours de la Première mondiale, qui a vu la défaite de l’Allemagne en partie grâce à l’intervention américaine en Europe.   

    En effet, dans le programme de Trump, il y a deux points absolument énormes, qui sont en telle rupture complète avec toute la politique étrangère américaine qu’on se demande s’il pourrait les mettre en œuvre face au Congrès, à la CIA, au Pentagone ou s’il ne finirait pas assassiné !

    Car enfin, les deux axes qu’il propose, le lâchage de l’Otan (qualifié d’ « obsolète ») et une alliance avec la Russie de Poutine, signeraient un abandon radical de tous les fondamentaux de la politique internationale américaine.

    En réalité le programme de Trump, qui est le symbole et le produit d’un bouleversement, d’un durcissement de l’opinion des classes moyennes blanches, renoue avec l’isolationnisme des mouvements nationalistes des années 30 – qui a été balayé par Roosevelt. Un de ses slogans, « L’Amérique d’abord ! » ressemble singulièrement au nom du mouvement America First de l’aviateur Charles Lindberg, soutenu par Joseph Kennedy (ambassadeur à Londres et père de JFK), Henry Ford et Walt Disney. Ce lobby isolationniste ne voulait pas que les États–Unis participent à un éventuel conflit en Europe contre l’Allemagne. Roosevelt en a décidé autrement après l’attaque du Japon, allié de l’Allemagne, à Pearl Harbor, mais aussi, auparavant en aidant la Grande Bretagne par des fournitures, brisant la neutralité américaine.

    Trump entend aussi, en cessant de financer la protection des membres européens de l’Otan qui ne veulent pas faire d’efforts de défense, restaurer la puissance de l’armée des États–Unis qui, selon lui, n’a jamais été aussi faible et de format aussi réduit. D’autre part, il entend écraser l’État islamique Dae’ch par une intervention brutale, en coopération avec les Russes : ce qu’a demandé Poutine et ce qu’a toujours refusé Washington.

    Il ne cesse de faire des allusions à la politique de main tendue qu’il mettra en œuvre envers la Russie et à sa sympathie pour Poutine (« Poutine regarde Hillary et il se marre »), ce qui va à l’encontre de tous les codes de l’establishement, qui est russophobe et diabolise le président russe, alors que les milieux patriotes et isolationnistes sont plutôt russophiles et admirent Poutine.

    Des options stratégiques ”gaullistes” qui bouleversent les dogmes

    « Si on a des armes nucléaires, pourquoi ne pourrait-on pas s’en servir ? » Tout le monde a été choqué par ces propos supposés ”irresponsables” de Trump, surtout en France. S’il est élu, il risque, dit-on, de déclencher une guerre nucléaire en s’amusant à frapper n’importe quel pays jugé menaçant. En réalité la remarque de Trump est très sensée et réfléchie. Il bouleverse la théorie de la dissuasion et du non-emploi de l’arme atomique héritée de la guerre froide et d’un monde bipolaire Occident–URSS. Aujourd’hui dans un monde multipolaire aux menaces plurielles, une riposte nucléaire au cours d’une guerre classique ou bien une frappe préventive sont parfaitement envisageables. C’est la doctrine des généraux israéliens et celle de Poutine qui avait clairement menacé de frappes nucléaires tactiques quiconque empêcherait la Russie de récupérer la Crimée.

    Du fait de ses opinions critiques envers l’Otan et positives envers la Russie, Trump est accusé de fragiliser les grands principes qui régissent la sécurité européenne depuis la fin du communisme. Il est accusé par l’establishment américain de trahison, en fait. Mais il a raison : ces grands principes reposent sur l’irresponsabilité de l’Europe qui néglige ses budgets de défense et s’en remet à l’Otan, c’est-à-dire aux USA. Dans une interview au New York Times, le candidat républicain a créé le scandale : une intervention américaine pour aider un pays membre de l’Otan, en l’occurrence les pays Baltes, s’il était attaqué par la Russie, n’irait pas de soi… Position typiquement isolationniste et remise en cause explosive de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord. C’est la première fois depuis 1949 qu’un prétendant à la Maison Blanche s’en prend aux fondements de l’Otan. (3)

    Trump signifie aux Européens : débrouillez-vous, faites un effort de défense, cessez de nous la faire payer. Mais ce choix isolationniste est aussi un renoncement à dominer l’Europe par le concours de l’Otan, une sortie de l’impérialisme. Ce qui horrifie Hillary Clinton. En fait, Donald Trump campe sur une position gaullienne, voire gaulliste ! Il incite les Européens à se créer une défense commune indépendante de l’Amérique ! La menace de ne pas utiliser l’article 5 du traité, obligeant à une riposte collective en cas d’agression d’un membre de l’Otan, ferait que, si Trump était élu, les Européens seraient amenés à créer une défense européenne commune, probablement autour de la France qui possède les forces armées les plus puissantes – plus exactement les moins faibles – d’Europe.

    Angela Merkel, atlantiste convaincue, offusquée, perd pied ; les Britanniques, viscéralement attachés à l’Otan, sont furieux : Trump élu, ils seraient orphelins d’un pays qui joue le rôle d’un père après avoir été leur fils. Les Pays de l’Est qui craignent une attaque de la Russie, sont extrêmement inquiets (crainte invraisemblable créée de toutes pièces par la propagande, alors que la seule menace est celle de l’invasion musulmane non militaire). Un grand quotidien polonais a titré : « Trump met en danger l’Otan ». Ce n’est pas qu’il la met en danger, c’est que, de manière révolutionnaire, il veut s’en débarrasser parce qu’elle ne correspond plus, selon lui, aux intérêts des États-Unis. Après avoir affirmé que l’Europe de l’Est n’était qu’un vaste « désordre » (« a mess ») il a, contredisant la doctrine occidentale sur le conflit ukrainien, affirmé que la Crimée ”annexée” était bel et bien russe, sous entendant que Poutine avait raison…

    Certains considèrent que ces propos ”révisionnistes” encouragent Poutine et amèneront de nouvelles tensions entre la Russie et l’Ukraine. En tous cas, si Donald Trump était élu et tenait parole, en s’alliant avec la Russie sur la question ukrainienne et d’Europe de l’Est et sur la question de la guerre au Moyen–Orient, cela constituerait un bouleversement géostratégique mondial.

    On parle de la légèreté géopolitique de Trump, alors que c’est l’inverse : sa stratégie ne provient nullement de l’improvisation d’un incompétent solitaire mais d’un courant de pensée néo-isolationniste et patriote américain, dynamique, qui est l’ennemi absolu des néo–conservateurs, soutiens et conseils d’Hillary Clinton comme jadis du catastrophique et belliciste G.W.Bush.

    Trump : la grande peur des bien–pensants

    En Europe, la grande peur du système et de l’oligarchie, droite et gauche confondues : que l’élection du ”populiste” Donald Trump n’entraîne une ”droitisation” très forte des opinions et des suffrages ; surtout avec la ”crise des migrants”, euphémisme pour invasion migratoire musulmane. Nos élites médiatiques et surtout politiques sont plus préoccupées et effrayées des succès des ”populistes” que de l’invasion migratoire elle-même. C’est normal, elles l’organisent et la provoquent, comme on l’a vu avec la chancelière Merkel – qui agit sur ordre. Une victoire de Trump à la tête de la première puissance mondiale serait une calamité, car un encouragement fort à ces partis ”populistes”.

    Si Trump était élu, et, respectant ses engagements, construisait son Mur le long de la frontière mexicaine, procédait à des expulsions massives de clandestins, limitait la présence d’un islam hostile en refusant les visas aux musulmans, il donnerait des idées aux ”populistes ”européens, en Hongrie et ailleurs : il renforcerait encore le Front national en France et AfD en Allemagne.   

    Voilà pourquoi les oligarchies européennes ont une grande peur de Trump. Les gouvernements européens, surtout allemands et polonais, ainsi que l’opaque administration de l’UE dirigée par le non moins opaque M. Junker, s’emploient à aider secrètement Hillary Clinton par tous les moyens, financiers et médiatiques, pour qu’elle soit élue.

    Un programme économique de rupture

    Les options économiques de Trump sont, elles aussi, en rupture sévère avec la politique américaine actuelle. Dans un de ses discours, il déclare : « Quand vous pensez que l’Amérique en est à 15 trillions de dollars de dettes et que personne ne fait rien sauf la léguer aux Chinois, il y a de quoi enrager. Le gouvernement n’a pas à taxer la classe moyenne pour exempter les copains du président. Les enseignants, les infirmières, les policiers, les pompiers n’ont pas à effacer avec leurs salaires et leurs économies les traders de Wall Street et les grosses entreprises qui délocalisent et fuient dans les paradis fiscaux ». Le candidat républicain s’attaque donc au mercantilisme américain comme au libre-échangisme international – sans tomber pour autant dans un modèle économique socialo-étatiste étouffant comme dans la France socialiste actuelle. Ce bouleversement est tout à fait étonnant dans le contexte américain.

    Hillary Clinton, le vrai danger

    Hillary Clinton serait une catastrophe, G.W. Bush en pire. Paradoxalement, elle représente l’impérialisme américain dans ce qu’il a de plus obtus et destructeur, mais aussi un danger pour l’Amérique historique puisqu’elle ne fera rien contre l’immigration clandestine et accentuera les discriminations positives (affirmative actions) ethniques. 

    Trump n’est donc nullement un clown irresponsable, incompétent et dangereux. Celle qui est dangereuse, c’est Hillary Clinton, qui mêle les positions les plus décadentistes et gauchistes sur le plan sociétal et les plus irresponsables en matière de politique extérieure. Elle s’inscrit en effet dans la droite ligne de l’impérialisme belliciste des néo-conservateurs qui sont à l’origine de l’agression contre la Serbie en 1999 et contre l’Irak en 2003, cause directe du chaos actuel et de Daech. Si elle est élue, elle risque de provoquer dangereusement Moscou. C’est elle, la fanatique, pas Trump. Fausse patriote américaine mais vraie cosmopolite, tout comme M. Hollande est un faux patriote français, Mme Clinton a pour ennemie l’Amérique historique profonde et ses racines. Elle ressemble comme deux gouttes d’eau aux socialistes français et à Mme Merkel. Si elle est élue, l’immigration, légale et illégale, explosera.   

    Trump au contraire, bien qu’il veuille renforcer la puissance américaine, n’est pas un impérialiste. Il est un néo-isolationniste qui veut relativiser l’Otan, mettre les Européens en face de leurs responsabilités de défense. Il a entrevu que l’ennemi principal n’était pas la Russie mais l’islam, et qu’il fallait un partenariat avec Moscou, que l’immigration incontrôlée est mortelle à terme pour les États–Unis et l’Europe. Tout son programme est en rupture complète avec la doxa, l’idéologie dominante des deux côtés de l’Atlantique.

    Bref, Donald Trump n’est pas un clown mais un révolutionnaire approximatif. Il rebat les cartes. C’est mieux que rien. Jared Taylor et Richard Spencer, bien qu’un peu distants et sceptiques sur le personnage, ont raison de le soutenir. Il faut souhaiter qu’il soit élu à la Maison Blanche. Si Mme Clinton occupait le bureau ovale après son mari, tous les maux dont nous souffrons s’aggraveraient. Donald Trump est l’espoir d’une renaissance américaine qui pourra entrainer une renaissance européenne.

    Guillaume Faye (J'ai tout compris, 15 septembre 2016)

     

    1- Si elle le traite d’islamophobe, c’est donc qu’elle est islamophile. Les proches des victimes d’attentats islamiques aux États–Unis depuis 2001 apprécieront.

    2- Malhonnêtement, les médias français ont repris le terme américain « deportation », qui signifie ”expulsion” en français en le traduisant par le français ”déportation” qui n’a pas le même sens et a une connotation liée à la Seconde guerre mondiale. Tout cela pour nazifier Trump, on l’a bien compris.

    3- En réalité, l’ ”outil Otan” n’a servi qu’une seule fois, en 1999, pour bombarder la Serbie, au prix d’une double illégalité : pas de mandat de l’Onu et guerre d’agression violant la charte de l’Otan purement défensive. L’armée de l’air française et l’USAF, principaux intervenants, n’ont pas joué un rôle très reluisant.

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Déradicalisation : faits et foutaises...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du criminologue  Xavier Raufer, cueilli sur Atlantico et consacré à la "déradicalisation"...

     

    Déradicalisation.jpg

    Déradicalisation : faits et foutaises

    Ô combien violent, le double choc de Charlie-Hebdo et de l'Hyper-cacher assomme le gouvernement. Dès qu'il émerge, il réalise qu'il doit riposter sur le seul front qui l'obnubile et le hante, celui des médias. Montrer qu'on agit ! Et positivement encore pour le peuple de gauche ! Du préventif ! Enrayer des départs de jeunes pour le Jihad... Bombes humaines à désamorcer. Vite ! Des psychologues et travailleurs sociaux voulant et sachant faire ça - bien sûr, devant les caméras.

    L'opération s'amorce, les fonds affluent - sans réflexion préalable, sous le fouet de l'urgence. Or deux préalables réflexions s'imposaient. D'ordre criminologique, elles eussent fourni à ce versant préventif de l'antiterrorisme le cadre réfléchi et raisonné dans lequel - modestement - du positif pouvait s'espérer.

    Ces réflexions, les voici :

    - Aujourd'hui, nul au monde ne sait changer ce qu'il y a d'enraciné dans l'esprit, dans la conscience humaine. Les pires dictatures, les plus affreux goulags y ont échoué. La "Révolution culturelle" chinoise achevée - trente à cinquante millions de morts, pire génocide de l'histoire humaine - les Chinois reprennent illico leurs millénaires coutumes. Le tsunami maoïste a coulé sur les Han comme l'eau sur les plumes d'un canard. Au plan individuel, se transformer soi-même est déjà ardu - cesser de fumer, faire un régime, dur. Alors, tenter une telle aventure collective dans la France de 2015, avec M. Hollande comme carotte et Mme Taubira dans le rôle du bâton, euh...

    - Ce qu'on appelle "déradicalisation" n'est qu'une variante de la réinsertion des malfaiteurs dans la société, entreprise confiée en France au travail social qui, pour aller vite, n'arrive à rien. Pour un détenu voulant sincèrement apprendre le grec ou devenir plombier-zingueur, 99 sont prêts à tout pour sortir de taule un jour plus tôt - ou bêtement, s'ennuyer moins. Ici, un proverbe résume tout "Passée la fête, adieu le saint". En prison - chacun le sait sauf sans doute nos ministres - on dit oui à tout - et on trie après.

    Ces réflexions préliminaires auraient dû intéresser le gouvernement - mais non. Il faut communiquer, vite. Le Vingt Heures n'attend pas. Quitte à bidonner et gaspiller.

    Les mois passent. A l'été 2016 la vérité émerge. D'abord chez les surveillants de prison, directement concernés. Le porte-parole de leur syndicat majoritaire dénonce "Des programmes qui n'ont ni queue ni tête... Ce mot de déradicalisation qui ne veut rien dire... Des massages, des cours d'escrime". Vous avez bien lu : on pense amadouer de potentiels égorgeurs de prêtres et massacreurs d'enfants ; en faire de doux agneaux, par le chant, les ateliers-photos... Des balades en catamaran ! Aux frais du contribuable, bien sûr.

    Sur le terrain, des caricatures d'arnaques, vite décelables par le plus myope des inspecteurs, le plus énamouré de Mme Taubira : de simples vitrines médiatiques, poussées et financées par l'usuel préfet-minorité-visible, juste là pour la photo... Chiffres bidonnés et activités fictives... Le ministre de l'Intérieur venu manger un couscous (bien sûr...) devant les caméras (on s'en doutait...) ; gestion obscure et employés non payés... Des familles de "radicalisés" promenées sans résultat... Une animatrice (issue-de-la-diversité) aux titres fictifs et qualifications-bidon...

    Combien de jeunes islamistes ont-ils ainsi été "désamorcés" - peut-être aucun car pour commencer, on ne sait rien d'eux - s'agissait-il de fanatiques égorgeurs en puissance, ou du cousin Ernest voulant s'initier au catamaran ou à la poterie ?

    Nulle évaluation bien sûr. Plus de huit millions d'euros sans doute gaspillés sans comptabilité. On sait vaguement que quelque 1 800 individus ont fréquenté de telles structures. Quelle vigilante association, quels "Décryptage" ou "Décodeur" exigera de voir ces 1 800 dossiers, étudiera leurs suivis... Constatera les résultats... Evaluera le coût de l'affaire ? Prenons le pari : aucun. Bienvenue au royaume des ombres, versant médiatique. 

    Xavier Raufer (Atlantico, 13 septembre 2016)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!