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Points de vue - Page 131

  • La crise du Coronavirus ou le grand retour du tragique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Maffesoli, cueilli sur Figaro vox et consacré à l'ébranlement que provoque dans notre société la pandémie de coronavirus. Penseur de la post-modernité, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019) ou, dernièrement, La faillite des élites (Lexio, 2019).

     

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    Michel Maffesoli: «La crise du Coronavirus ou le grand retour du tragique»

    Sans craindre les foudres d’une intelligentsia apeurée, on ne dira jamais assez que nous assistons à la décadence inéluctable de la modernité. Fin d’un monde se manifestant, au quotidien, dans une dégénérescence intellectuelle, politique, sociale dont les symptômes sont de plus en plus évidents.

    Dégénérescence de quoi, sinon du mythe progressiste? Corrélativement à l’idéologie du service public, ce progressisme s’employait à justifier la domination sur la nature, à négliger les lois primordiales de celle-ci et à construire une société selon les seuls principes d’un rationalisme abstrait dont l’aspect morbide apparaît de plus en plus évident. Les réformes dites «sociétales» (mariage pour tous, PMA-GPA, etc.) en étant les formes caricaturales.

    Le point nodal de l’idéologie progressiste, c’est l’ambition voire la prétention de tout résoudre, de tout améliorer afin d’aboutir à une société parfaite et à un homme potentiellement immortel.

    Qu’on le sache ou non, la dialectique: thèse, antithèse, synthèse est le mécanisme intellectuel dominant. Le concept hégélien de «dépassement» (Aufhebung), est le maître mot de la mythologie progressiste. C’est stricto sensu, une conception du monde «dramatique», c’est-à-dire reposant sur la capacité à trouver une solution, une résolution permettant d’accéder à la perfection à venir.

    Il est une formule de K. Marx qui résume bien une telle mythologie: «L’humanité ne se pose jamais que les problèmes qu’elle peut résoudre.» Ambition, prétention de tout maîtriser. Et que l’on veuille ou non le reconnaître, il existe, gauche et droite confondues, une véritable «marxisation» des esprits. L’élite moderne: politiques, journalistes et divers experts, est contaminée par cette prétention quelque peu paranoïaque. Dans un avenir, plus ou moins proche, l’on arrivera à réaliser une société parfaite!

    C’est bien cette conception dramatique, donc optimiste qui est en train de s’achever. Et, dans le balancement inexorable des histoires humaines, c’est le sentiment du tragique de la vie qui, à nouveau, tend à prévaloir. Le dramatique, je l’ai dit, est résolument optimiste. Le tragique est aporique, c’est-à-dire sans solution. La vie est ce qu’elle est.

    Plutôt que de vouloir dominer la nature, on s’accorde à elle. Selon l’adage populaire, «on ne commande bien la nature qu’en lui obéissant.» La mort, dès lors, n’est plus ce que l’on pourra dépasser. Mais ce avec quoi il convient de s’accorder.

    Voilà ce que rappelle, en majeur, la «crise sanitaire». La mort pandémique est le symbole de la fin de l’optimisme propre au progressisme moderne. On peut le considérer comme une expression du pressentiment, quelque peu spirituel, que la fin d’une civilisation peut être une délivrance et, en son sens fort, l’indice d’une renaissance. Indice, «index», ce qui pointe la continuité d’un vitalisme essentiel!

    La mort possible, menace vécue quotidiennement, réalité que l’on ne peut pas nier, que l’on ne peut plus dénier, la mort qu’inexorablement l’on est obligé de comptabiliser, cette mort, omniprésente, rappelle dans sa concrétude que c’est un ordre des choses qui est en train de s’achever.

    Ce qui est concret, je le rappelle: cum crescere, c’est ce qui «croît avec», avec un réel irréfragable. Et ce réel c’est la mort de cet «ordre des choses» ayant constitué le monde moderne!

    Mort de l’économicisme dominant, de cette prévalence de l’infrastructure économique cause et effet d’un matérialisme à courte vue.

    Mort d’une conception purement individualiste de l’existence. Certes, les élites déphasées continuent à émettre des poncifs du type «compte tenu de l’individualisme contemporain», et autres sornettes de la même eau. Mais l’angoisse de la finitude, finitude dont on ne peut plus cacher la réalité, incite, tout au contraire, à rechercher l’entraide, le partage, l’échange, le bénévolat et autres valeurs du même acabit que le matérialisme moderne avait cru dépasser.

    Encore plus flagrant, la crise sanitaire signe la mort de la mondialisation, valeur dominante d’une élite obnubilée par un marché sans limites, sans frontières où, là encore, l’objet prévaut sur le sujet, le matériel sur le spirituel.

    Souvenons-nous de la judicieuse expression du philosophe Georg Simmel, rappelant que le bon équilibre de toute vie sociale est l’accord devant exister entre le «pont et la porte». Le pont nécessaire à la relation, et la porte relativisant cette relation afin d’accéder à une harmonie bénéfique pour tout un chacun.

    C’est ce que j’ai appelé «Écosophie», sagesse de la maison commune. En termes plus familiers, il s’agit de reconnaître que «le lieu fait lien». Toutes choses rappelant qu’à l’encontre du leitmotiv marxiste: «l’air de la ville rend libre», formule archétypale du déracinement, la glèbe natale retrouve une force et vigueur indéniables.

    Enracinement dynamique rappelant que, comme toute plante, la plante humaine a besoin de racines pour pouvoir croître, avec force, justesse et beauté! Ainsi face à la mort on ne peut plus présente, est rappelée la nécessité de la solidarité propre à un «idéal communautaire» que certains continuent à stigmatiser en le taxant, sottement, de communautarisme.

    La mort de la civilisation utilitariste où le lien social est à dominante mécanique, permet de repérer la réémergence d’une solidarité organique. Organicité que la pensée ésotérique nomme «synarchie». Ce qu’avait également bien analysé Georges Dumézil en rappelant l’interaction et l’équilibre existant, à certains moments, entre les «trois fonctions sociales».

    La fonction spirituelle, fondant le politique, le militaire, le juridique et aboutissant à la solidarité sociétale. Ainsi, au-delà d’une suradministration déconnectée du Réel, c’est bien un tel holisme que l’on voit resurgir de nos jours.

    Mais la prise en compte d’une telle synarchie organique nécessite que l’on sache le dire avec les mots étant le plus en pertinence avec le temps. Il est amusant, il vaudrait mieux dire désolant, de lire sous la plume de la plupart des observateurs sociaux que la situation est dramatique et quelques lignes plus loin parler de son aspect tragique. Ce qui montre bien que la formule de Platon est toujours d’actualité: «la perversion de la cité commence par la fraude des mots!»

    La conception «dramatique» est le propre d’une élite croyant trouver à tout une solution opportune. Le «tragique», bien au contraire, s’accorde à la mort. Il sait, d’un savoir incorporé, savoir propre à la sagesse populaire, vivre la mort de tous les jours.

    Voilà en quoi la crise sanitaire porteuse de mort individuelle est l’indice d’une crise civilisationnelle, celle de la mort d’un paradigme progressiste ayant fait son temps. Peut-être est-ce cela qui fait que le tragique ambiant, vécu au quotidien, est loin d’être morose, conscient qu’il est d’une résurrection en cours. Celle où dans l’être-ensemble, dans l’être- avec, dans le visible social, l’invisible spirituel occupera une place de choix.

    Michel Maffesoli (Figaro Vox, 23 mars 2020)

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  • Quand on accuse les gens de prendre le confinement à la légère il arrive qu'on soit lourd...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique de la France de Campagnol, par Christian Combaz, consacrée à la crise du coronavirus et aux mesures de confinement. Romancier et journaliste, Christian Combaz est notamment l'auteur de Gens de Campagnol (Flammarion, 2012), de Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos (Le retour aux sources, 2018) et de La France de Campagnol (La Nouvelle Librairie, 2020).

     

                                        

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  • Édouard Limonov, la rock star du national-bolchevisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un hommage de François Bousquet publié sur le site de la revue Éléments à la suite de la mort de l'écrivain et combattant politique russe Edouard Limonov.

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    Édouard Limonov, la rock star du national-bolchevisme

    « Tout le monde ne peut chanter,
    Il n’est pas donné à chacun
    De tomber comme une pomme aux pieds des autres.
    C’est ici la suprême confession d’un voyou. »

    Ces vers sont de Sergueï Essenine, un poète aussi immense que sa patrie – cosaque, paysanne, mais aussi soviétique. Oh que non, tout le monde ne peut pas chanter. Chanter, c’est ce qu’Édouard Limonov faisait le mieux, les femmes et la guerre. Ses femmes, qu’il épousait, indécrottable romantique, mais d’un romantisme noir (cinq mariages – et un enterrement désormais), sortaient d’un tableau de la Fronde ou d’une planche de Corto Maltese, entourées d’odeurs de canon et de venin envoûtant. Quant à la guerre, il en chérissait la violence sans aucune restriction. Chante, déesse, la colère d’Édouard !

    Curieux destin que le sien. Il est resté jeune jusqu’au bout, mort à soixante-dix-sept ans dans la fleur de l’âge. Même vieux, il demeurait tel qu’il était au sortir de l’adolescence. Il possédait le pouvoir miraculeux de ne pas vieillir, par la seule grâce de la génétique et de la poétique. Jusqu’à ses derniers jours, il a ainsi conservé cette inaltérable jeunesse, Rimbaud des steppes aux semelles de vent, la peau légèrement ridulée et l’énergie fiévreuse des survivants chevillée au corps. Survivant, il l’était depuis ce jour de 2016 où un chirurgien avait extirpé de son cerveau en feu un caillot de sang gros comme un poing. Il a raconté tout cela dans Et ses démons (2018). « J’ai été pratiquement dans l’autre monde. » Oui, il venait d’un autre monde, univers de vieillards brejnéviens, d’idéaux fanés et de maréchaux séniles et congestionnés dont il fut l’enfant terrible, doublement dissident : de la gérontocratie soviétique et du Grand hospice occidental (1993).

    Rouge et brun

    Caïd dans la banlieue de Kharkov, ville russe d’Ukraine, où il a grandi, animateur de l’underground moscovite (le « souterrain » dostoïevskien) sous Brejnev, héros bukowskien à New York, cosaque à Saint-Germain-des-Prés, où il a connu son heure de gloire dans les années 80, précédé d’une réputation sulfureuse, avec dans ses bagages un livre tapageur et scandaleux, Le poète russe préfère les grands nègres (1979), où il retraçait sa vie de clochard new-yorkais, après s’être fait expulser d’URSS. En quelques mois, le Paris branché adopta celui qui se présentait comme le premier punk d’Union soviétique, le « Johnny Rotten de la littérature », du nom du chanteur déjanté des Sex Pistols. On le regardait à l’instar d’un animal de cirque, comme si on entrait sous un chapiteau pour admirer une bête sauvage ramenée d’une expédition lointaine, un reliquat de barbarie exotique, à califourchon sur une bouteille de vodka et une kalachnikov, qui signait ses livres avec le tranchant d’un tesson de bouteille, dans une langue crue, explosive, directe, aussi directe qu’une série de jabs qui vous envoient au tapis, à des années-lumière de la Russie folklorique et de ses airs de balalaïka. De son vrai nom, il s’appelait Édouard Savenko. Pourquoi Limonov ? Parce que c’est la contraction de limon en anglais, le citron, et de limonka, la grenade en langue verte russe. Il dégoupillait ses phrases comme des grenades et appellera le journal de son parti Limonka.

    Rapidement, Jean-Edern le Magnifique le repéra. C’était une créature selon son goût. Il engloutissait des quantités phénoménales d’alcool, en portant des toasts à l’Armée rouge et à la Sainte Russie, tout en célébrant l’esthétique fasciste. Ce qui jetait un froid dans les dîners en ville, mais pas dans le cerveau en ébullition de Jean-Edern Hallier. À eux deux, il furent un peu les Bonnie and Clyde de la polémique. Limonov signait des papiers dans L’Idiot international et Le Choc du mois qui réconciliaient la gauche réactionnaire et la droite révolutionnaire. Rien ne résume mieux cette ligne transversale que l’article qu’Alain de Benoist signa en 1991 dans le journal de Jean-Edern. Il était intitulé « Barrès et Jaurès ». Tous ceux qui aspiraient à ce que le clivage droite-gauche disparaisse pouvaient s’y reconnaître. Un an plus tard, en 1992, le vote sur le traité de Maastricht leur donnerait l’occasion d’exprimer dans les urnes leur sécession. Didier Daeninckx, une fouine alors en vogue, polardeux insipide entre deux courriers de délation, dénonça un complot rouge-brun, quelque chose comme le retour du pacte germano-soviétique prêt à enfoncer les lignes Maginot de l’antiracisme. On était en 1993, mais « Didier dénonce » nous télétransportait en 1933 – le complot russe en supplément. Or, en fait de complot, il n’y avait que des écrivains et des intellos qui rêvaient de refaire le Conseil national de la Résistance (CNR).

    Le pavillon noir de la piraterie

    Dans la bande, un seul était authentiquement rouge-brun – Limonov. D’ailleurs, la première grande affaire qu’il mena, aussitôt de retour en Russie, après un passage éclair et pyrotechnique dans les Balkans, où il défendit les Serbes de Bosnie fusil d’assaut à la main, fut de lancer en 1993 avec Alexandre Douguine, le barde de l’eurasisme, le Parti national-bolchevique, dissous par Poutine en 2007, qui tenait plus du phalanstère paramilitaire que de l’organisation de masse. En rouge et brun, certes, mais sous le pavillon noir de la piraterie. De quoi faire perdre le nord à l’antifascisme des rédacteurs de l’AFP, notre agence Tass à nous, qui crurent déceler en lui un « écrivain ultra-nationaliste d’extrême gauche » (sic).

    Ceux qui l’avaient connu « dans la dèche » durant ses années de vagabondage à l’étranger ne pouvaient certes pas imaginer une pareille reconversion. Pourtant, le guérillero perçait déjà sous le junkie illuminé, enfant du nihilisme soviétique et de ce « No future » punk passé en contrebande dans l’URSS poststalinienne. De Woodstock à Vladivostok, la voie était toute tracée. « Donnez-moi un million de dollars et j’achèterai des armes et je susciterai un soulèvement dans n’importe quel pays », annonçait-il dans son Journal d’un raté (1983).

    Un punk homérique

    Le plus curieux, c’est que le punk, chez lui, cohabitait avec un héros digne d’une « vie » de Plutarque, jouant Sparte contre Athènes, aussi fascinant que fascisant. Il y avait quelque chose d’homérique dans son hooliganisme. Une conception héroïque de l’existence. Ce fut l’Homère de l’underground, plus proche de Terminator que d’Achille, qui produisait sur vous une impression étrange tant il était pâle et chétif, rétracté dans une sorte de nanocorps que des lunettes à double foyer rétrécissaient un peu plus – sans rien retirer de sa prodigieuse énergie. Dans la somme qu’il lui a consacrée en 2011, Emmanuel Carrère en a fait un mélange de « Barry Lyndon soviétique » et de « Jack London russe », tant il y avait d’ingénuité dans son cynisme et de poésie dans sa violence. Pougatchev, Mandrin, Robin des bois devaient approcher cette combinaison nitroglycérinée. Comme disait de Pougatchev, le héros de la grande jacquerie contre Catherine II au XVIIIe siècle, Sergueï Essenine, toujours lui, grand frère de tous les François Villon russes, « Gloire à cet homme ! […] Le peuple l’aime, lui, sa bravade, son toupet. » La plus belle définition du chef populiste !

    Limonov était plus futuriste que populiste. On ne peut s’empêcher d’admirer son énergie intacte et son narcissisme enfantin, celui d’un homme confiant dans sa destinée héroïque, vivant dans l’attente d’un cataclysme géopolitique, auquel il se préparait depuis l’adolescence en s’astreignant à une discipline spartiate. Darwinien, nietzschéen et vitaliste, il pouvait réciter, à la croisée des années 2000-2010, devant des Parisiens ébahis, des chapitres entiers de L’Agression du biologiste prix Nobel Konrad Lorenz.

    Avec Anna Politkovskaïa et Garry Kasparov

    Même si la littérature n’était pour lui que la continuation de la guerre par d’autres moyens, il aurait préféré rater ses livres et réussir ses coups de force à la Malaparte. C’est l’inverse qui se produisit. Il rêvait de prendre le Kremlin, le Kremlin va tout lui prendre, le jetant en prison sous l’inculpation de trafic d’armes et de tentative de coup d’État au Kazakhstan, à la frontière duquel, dans les montagnes de l’Altaï, il avait installé un camp retranché de 1998 à 2001 avec ses militants du Parti national-bolchevik, les « natsbols ». Arrêté en 2001 par une centaine d’hommes du FSB (ex-KGB), qu’il comparait à l’Okhrana, la police politique de Nicolas II, il sera condamné à quatre ans de prison, avant d’être relâché au bout de deux ans et demi. Il s’est alors mis à jouer au démocrate, peinant cependant à cacher qu’il était plus intéressé par les bruits de botte et l’odeur de la poudre que par les droits de l’homme. Il finira d’ailleurs par avouer qu’il voulait, lui et ses troupes natsbols, arracher au Kazakhstan les régions russophones « kazakhizées » de force par Noursoultan Nazarbaïev. C’est pour cela qu’on l’a autant aimé. Son dernier engouement fut pour les Gilets jaunes. Il a du reste eu tout juste le temps de préfacer avant sa mort un magnifique album qui leur est consacré, Gilets jaunes. Une année d’insurrection et de révolte dans Paris (éditions Yellowpshere).

    La dissidence était sa patrie intérieure. Sous Brejnev comme sous Poutine, peut-être même plus encore sous Poutine ! Les années 2010 le virent ainsi codiriger le mouvement Stratégie 31, qui manifeste tous les 31 du mois et évoque l’article 31 de la Constitution russe garantissant le droit de manifester. Il est ainsi devenu l’une des vedettes de l’opposition à Poutine. La télévision lui a même consacré un téléfilm, évidemment à charge, La chasse au fantôme. La journaliste Anna Politkovskaïa le défendait. À la fin des années 2000, on apercevait sa silhouette dans la coalition de l’ex-champion d’échecs Garry Kasparov, Drougaïa Rossia, L’Autre Russie, aujourd’hui disparu, qui avait les faveurs des Occidentaux et rassemblait les opposants à Poutine. Ce qui ne laisse pas de surprendre, tant le nouveau tsar du Kremlin a accompli plus que n’en pouvait espérer l’auteur du « Manifeste du nationalisme russe ». Sa devise, devenue celle du Parti national-bolchevique, résume à elle seule son combat politique : « La Russie est tout, le reste n’est rien ! » On ne saurait être plus clair. En réalité, Limonov était contre, tout contre, Poutine, qui lui a volé son rêve : la restauration de la puissance russe.

    Mad Max made in USSR

    La jeune et tonitruante littérature russe sort de sa cuisse. N’avions-nous pas consacré, sous la plume de Pascal Eysseric, un papier sur le renouveau des lettres russes, titré « Les bâtards de Joseph Staline et d’Édouard Limonov » ? Combien de ces jeunes auteurs ont d’abord été des « natsbols » ? Une bonne école, de balistique et de stylistique. Des gens comme Zakhar Prilepine n’en viennent-ils pas, quand bien même ils se sont rapprochés du Kremlin ? Tout comme les premiers volontaires russes dans le Donbass, en 2014, que Moscou se fera un plaisir d’expulser. Alexandre Soljenitsyne, qui ne l’aimait guère, l’a un jour traité de « petit insecte qui écrit de la pornographie ». En vérité, tout séparait les deux hommes. L’auteur de L’Archipel du Goulag était un homme de l’âge classique ; celui de La sentinelle assassinée, un personnage post-apocalyptique – Mad Max made in USSR. Mais tous deux appartiennent à la galaxie russe, plus particulièrement à la constellation dostoïevskienne, celle qui confronte la Russie des « saints » et celle des « possédés ». On n’ose dire « Paix à son âme ! » tant elle fut toujours en guerre.

    François Bousquet (Éléments, 19 mars 2020)

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  • La leçon du coronavirus...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une intervention de Julien Rochedy consacrée à la crise du coronavirus. Publiciste et essayiste, Julien Rochedy est une figure prometteuse de la mouvance conservatrice révolutionnaire.

     

                                         

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  • La crise du coronavirus, le fruit des défaillances de la France d’en haut...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Maxime Tandonnet, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la faillite des élites, brutalement mise en lumière par la crise du coronavirus. Ancien haut-fonctionnaire, spécialiste des questions d'immigration, et désormais enseignant, Maxime Tandonnet a été conseiller à l'Elysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il a donné un témoignage lucide et éclairant de cette expérience dans Au cœur du volcan (Flammarion, 2014).

     

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    Coronavirus: « La crise qui nous frappe est aussi le fruit des défaillances de la France d’en haut »

    Cette crise du coronavirus confirme une fois de plus le fossé qui sépare les élites médiatiques et dirigeantes de la majorité silencieuse et du pays profond. Le discours dominant, celui de la France dite d’en haut, proféré sur les grands médias radio-télévision, ne lésine pas sur la culpabilisation de la population. Que n’a-t-on pas entendu depuis quelques jours? «Les gens sont irresponsables, indisciplinés, inconscients, idiots.» À l’appui de ces propos, les journaux télévisés ont montré, dimanche 15 mars, des centaines de personnes avec leurs enfants rassemblées dans les parcs ou au bord de la Seine. Les mêmes médias ont accablé les foules de Parisiens à la gare, en quête d’un train gagnant la province… Et depuis peu, les queues devant les magasins ou les pharmacies et les achats massifs de personnes craignant la pénurie.

    Signes irréfutables de la panique populaire ou d’un manque de solidarité? De fait, les images accusatrices ne préjugent en rien du sentiment profond du pays. D’ailleurs, dès lors que l’état de guerre a été annoncé par les plus hautes autorités de la nation, comment reprocher à des mères et pères de famille de vouloir quitter Paris avec leur famille et de faire des provisions de vivres et de médicaments? Ne s’agit-il pas de réflexes naturels en temps de guerre? Certes, les réseaux sociaux fourmillent de petites vidéos montrant des scènes scandaleuses, comme des bagarres devant des commerces. Ces comportements caricaturaux ne doivent évidemment pas préjuger de l’état d’esprit général d’une nation.

    De fait, jusqu’à jeudi 12 mars, le discours dominant, de la part des médecins et scientifiques s’exprimant sur les médias ainsi que des autorités du pays, était plutôt à la dédramatisation. Il était question, malgré la tragédie italienne, d’une sorte de grippe sans danger pour les personnes bien portantes et de confiance a priori dans le système de soin français supposé capable de faire face à une situation de crise. Certaines personnalités s’étaient même affichées publiquement dans la foule s’offrant ainsi en exemples de sang-froid. La prise de conscience de la gravité de la situation et le changement de ton sont intervenus entre le 12 et le 15 mars.

    Peut-on reprocher à la population, ou à une partie d’entre elle de s’être trop longtemps fiée à ce message optimiste? D’avoir continué de s’entasser dans les transports en commun, rassurée par la parole scientifique et officielle? D’être sortie dans les parcs, demeurés ouverts et autorisés, pour profiter d’une belle journée printanière? La mode est aussi à fustiger les 45% de Français qui se sont rendus aux urnes dimanche et auraient ainsi fait preuve d’inconscience plutôt que de sens civique. Si l’abstention des personnes fragiles est évidemment compréhensible, il est incongru de montrer du doigt les électeurs qui ont accompli leur devoir de citoyen dès lors que le scrutin était ouvert et les conditions de sécurité annoncées comme draconiennes.

    «Toute société qui souffre a besoin de boucs émissaires à qui imputer son mal» écrit en 1983 Raoul Girardet, dans Mythes et mythologie politiques, à l’image de ces grandes épidémies de jadis qui donnaient lieu à d’effroyables chasses aux sorcières. La majorité silencieuse, anonyme, la «vile multitude», comme disait Thiers en 1850, serait-elle aujourd’hui le nouveau coupable idéal? Mais surtout, le pays dans son ensemble doit-il devenir le bouc émissaire des défaillances de la France dite «d’en haut», les élites médiatiques, scientifiques, dirigeantes, à anticiper et prévenir une catastrophe qui s’est déclenchée en Chine à la fin de l’année 2019?

    Relisons L’étrange défaite de Marc Bloch, qui n’a pas vieilli d’une ride. «Quoi que l’on pense des causes profondes du désastre, la cause directe fut l’incapacité du commandement [qui] n’a pas su ou pas voulu comprendre le rythme, accordé aux vibrations accélérées, d’une ère nouvelle. [L’ennemi croyait] à l’action et à l’imprévu. Nous avions donné notre foi à l’immobilité et au déjà fait.» Pour l’auteur de ce chef-d’œuvre, la débâcle de 1940 fut avant tout le produit du déclin intellectuel des élites dirigeantes, de l’affaiblissement de la culture générale, historique et littéraire, qui permet de disposer du recul nécessaire face aux évènements en cours et par là même, d’en lire le mécanisme, de les interpréter et d’anticiper au mieux face à l’imprévisible: «Le passé a beau ne pas commander le présent tout entier, sans lui, le présent demeure inintelligible. Pis encore peut-être: se privant délibérément, d’un champ de vision et de comparaison assez large, notre pédagogie historique ne réussit plus à donner, aux esprits qu’elle prétend former, le sens du différent ni celui du changement.» Bien entendu, la crise actuelle, par sa nature et son ampleur, ne peut être comparée avec la débâcle de juin 1940. Les deux ont cependant un point commun: à la base, une faillite intellectuelle.

    Maxime Tandonnet (Figaro Vox, 18 mars 2020)

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  • Lutte contre la contamination du coronavirus : florilège des annonces médiatisées...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'Observatoire du journalisme consacré aux annonces cacophoniques du gouvernement à propos de l'épidémie de coronavirus...

     

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    Lutte contre la contamination du coronavirus : florilège des annonces médiatisées

    Depuis le début de la propagation du coronavirus, les membres du gouvernement multiplient dans une certaine cacophonie les déclarations et les mesures visant à endiguer la pandémie. Il nous a paru utile de rapprocher certaines d’entre elles. C’est surtout dans les réseaux sociaux que nous avons trouvé de l’impertinence et de l’esprit critique vis-à-vis de la gestion de la crise, que nous vous laissons le soin de qualifier. Situation au 16 mars 2020.

    Un risque de propagation « très faible »

    À partir du 22 janvier 2020, l’épidémie du coronavirus commence à se développer en Chine et connait un pic le 7 février. L’épidémie se propage rapidement en Europe.

    Le rédacteur en chef de L’Incorrect nous rappelle le 14 mars les propos tenus le 24 janvier par la Ministre de la santé, Agnès Buzyn : « Le risque d’importation depuis Wuhan est quasi nul. Le risque de propagation du Coronavirus dans la population est très faible ». Heureusement, la radio d’État France Info est là pour prendre la défense de la Ministre le 9 mars : « C’est vrai, mais le contexte de l’époque est bien différent ». Le 16 février, alors que la contamination se propage en France, la Ministre de la santé annonce sa démission, pour se présenter aux élections municipales à Paris.

    Des masques envoyés en Chine

    Le 19 février, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères annonce dans un communiqué de presse largement médiatisé l’envoi de 17 tonnes de fret médical en solidarité avec la Chine à destination des structures hospitalières de Wuhan et de la province du Hubei : combinaisons, masques, gants, etc.

    Dès la mi-février, la pénurie de masques en France, en particulier pour les professionnels de santé (FFP2), est manifeste. Ils s’en inquiètent selon Sciences et avenir le 7 mars.

    Le 4 mars, des médecins généralistes annoncent qu’ils vont attaquer l’État devant le tribunal administratif de Paris pour obtenir des masques selon Egora.fr, un site d’informations médicales.

    Le même jour, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndaye déclare en direct de l’Élysée : « Cela me semble peu probable que la France atteigne jamais le stade 3 ».

    Le 14 mars, les autorités sanitaires françaises annoncent que le pays passe en stade 3.

    Le 5 mars, l’émission sur France 2 Envoyé spécial consacre un reportage à l’épidémie de coronavirus, en particulier à Creil, où est morte en France la première personne en raison de cette maladie. On y apprend que ce sont des militaires de la base militaire de Creil qui ont participé au rapatriement de français basés à Wuhan, en Chine.

    Surtout ne pas renoncer aux terrasses, aux salles de concert et aux fêtes de soir

    Le 11 mars, le Président de la République s’exprime sur Twitter :

    « Nous ne renoncerons à rien. Surtout pas à rire, à chanter, à penser, à aimer. Surtout pas aux terrasses, aux salles de concert, aux fêtes de soir d’été. Surtout pas à la liberté. Surtout pas à notre esprit de résistance qui fait la République si grande, la France si forte ».

    Le 14 mars, le Premier ministre annonce la fermeture à compter du 15 mars de nombreux lieux publics : restaurants, bars, cinéma, discothèques, etc.
    Il estime qu’ « il n'y a à ce jour pas suffisamment de prise de conscience par les Françaises et les Français de l'importance de leur rôle face au virus. C'est urgent, c'est maintenant qu'il faut changer de comportement ».

    Les frontières « ne servent à rien »

    France 24 rappelle le 14 mars que le Président de la République n’a - au cours de son allocution télévisée du 12 mars - pas annoncé la fermeture des frontières nationales. La chaine mentionne la défense de cette décision par le ministre de la santé : « Un virus n’a pas de frontières. Il circule en Italie, en Espagne, en Allemagne mais aussi dans des pays qui ont déjà des frontières, comme la Suisse. (…). Scientifiquement cela n’a pas d’ intérêt ».

    Alors que les frontières de la France avec ses voisins européens ne sont toujours pas contrôlées au 15 mars, on apprend par plusieurs médias dont Libération que de nombreux pays ont déjà annoncé un strict contrôle de leurs frontières nationales : Pologne, Autriche, Italie, Danemark, Russie, Pologne, Norvège, Lituanie, Slovénie, etc.

    Les écoles restent ouvertes ou fermées ?

    Dans la journée du 12 mars, le Ministre de l’Éducation exclut sur BFMTV la fermeture totale des écoles, qui ne serait pas une stratégie adaptée et préconise la fermeture dans des zones « ciblées ».

    Le 12 mars, à 20 heures, lors d’une allocation télévisée, le Président de la République annonce la fermeture pour une durée illimitée de toutes les écoles, crèches et universités.

    Le 10 mars, plusieurs médecins généralistes annoncent qu’il ont décidé de porter plainte contre l’État, nous apprend France info. Deux d’entre eux dénoncent sur France 3 le manque de moyens financiers et humains et estiment que l’épidémie est prise à la légère.

    Alors que le journal Les Échos tente le 14 mars de dresser la liste des pays où les français ne peuvent plus ou difficilement voyager, l’animateur et créateur du site Les Crises, revient le 12 mars sur la chaine RT France sur les mesures, « dramatiquement insuffisantes » prises par la France (…). La France est le pire élève de la planète ».

    D’ici à ce que le Président de la République accuse une nouvelle fois des organes de presse étrangers de répandre des « contre-vérités infamantes » comme en 2017… il n’y a qu’un pas que nous n’osons franchir.

    Observatoire du journalisme (OJIM, 16 mars 2020)

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