Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et dans lequel il analyse la communication de Macron et de son équipe dans la crise du Coronavirus. Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a récemment publié La Superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018).
La macronie face au Covid-19 : communication de crise ou crise de la communication ?...
On apprend [1] que la présidence de la République a modifié, une nouvelle fois, son pôle de communication. La porte-parole du gouvernement aurait fait de même. Mauvais présage car, en macronie, tout commence et finit par la communication. Pour le pouvoir, face au coronavirus, la communication de crise ne tournerait-elle pas à la crise de communication ?
Nous sommes en guerre… mais comme en 1940
Au début de la crise, le président de la République a choisi, comme à son habitude, une pose théâtrale : contre le virus « nous sommes en guerre », affirme-t-il au moins six fois de suite, dans son allocution du 16 mars 2020.
Le président, qui n’a pas fait son service militaire, aime jouer au chef de guerre ou se prendre pour Clemenceau.
Las, il est bien vite apparu que l’on faisait la guerre, mais plutôt comme en 1940 : sans stratégie bien claire ni surtout sans moyens adaptés.
On faisait la guerre à l’épidémie, mais sans contrôler les frontières, avec des hôpitaux publics et des services d’urgence en crise, sans stocks de masques suffisants ou sans respirateurs, et sans pouvoir procéder au dépistage du virus dans la population.
Ne restait donc dans les arsenaux que le confinement qui ne requérait que peu de moyens, sinon policiers.
Le choix du mensonge
Curieusement, le gouvernement a alors choisi de mentir aux Français alors même que sa responsabilité dans cette absence de moyens n’est pas exclusive, même si cela fait plus de deux ans et demi qu’il est aux affaires.
Il a d’abord menti en faisant croire que tout était sous contrôle, au temps d’Agnès Buzyn.
Puis, avec l’aide de ses fidèles médias mainstream, il a seriné que les masques ne servaient à rien [2] ou qu’il fallait les réserver aux personnels de santé, que les contrôles aux frontières ne servaient à rien, que les virus ne s’arrêtaient pas aux frontières, que le dépistage n’était pas utile, etc.
Mais, à l’âge d’Internet et des réseaux sociaux, il est de plus en plus difficile à un gouvernement de mentir durablement !
Bien vite, les témoignages du désastre sanitaire et logistique auquel étaient confrontés les personnels de santé sont apparus. Il suffisait aussi de se rendre dans une pharmacie pour voir une affichette qui résumait à elle seule la déroute française : « Pas de masques ni de gel hydroalcoolique ». Il suffisait enfin de regarder les médias pour voir qu’à l’étranger, manifestement, on pensait que les frontières, les masques et les tests étaient utiles.
Le contraste était donc visible et palpable entre le discours martial du pouvoir et la réalité des moyens qu’il pouvait mobiliser.
Il mentait donc pour la bonne cause : la sienne, en essayant de transformer un manque de moyens en vertu thérapeutique !
Volte-face
Voyant que le désastre logistique passait mal et que le fait d’applaudir à 20 heures les personnels de santé ne suffisait pas, on a ensuite fait volte-face pour communiquer sur… les commandes massives de masques ou de réanimateurs effectuées par les autorités.
Et on annonce maintenant que l’on va procéder à des tests massifs. Comme on a rétabli les contrôles aux frontières.
Mais alors, pourquoi ce qui était présenté comme inutile ou absurde hier, devient-il maintenant un axe fort de la communication de crise du pouvoir ?
Une telle volte-face donne surtout à penser que les décideurs n’ont pas de cap.
Les experts à la peine
Le gouvernement a choisi aussi de s’appuyer en permanence sur les analyses d’un conseil scientifique, pour justifier ses décisions.
Mais, comme il était à prévoir, cette posture allait déboucher sur une polémique entre experts sur les réseaux sociaux, démontrant à l’évidence que le corps médical dans son ensemble était loin de soutenir les choix gouvernementaux.
Cette attitude donnait aussi le sentiment que nos gouvernants ne gouvernaient plus vraiment mais abandonnaient les choix aux experts.
Pire, l’ancienne ministre de la santé, s’est mise à affirmer publiquement que le gouvernement n’avait pas pris suffisamment au sérieux ses avertissements quant à l’ampleur de la crise. Et que, par conséquent, la guerre avait été déclarée avec retard.
La question de la chloroquine a constitué un autre désastre de la communication gouvernementale puisque la polémique publique opposant le conseil scientifique, le gouvernement et ses médias aux travaux et affirmations du professeur Raoult a donné le sentiment que les décideurs tergiversaient dans l’adoption d’un remède contre le virus, pour des raisons incompréhensibles ou peu avouables.
Et, une nouvelle fois, on a diabolisé une option, pour ensuite commencer de s’y rallier à moitié !
Tragediante ! Commediante !
Le gouvernement a enfin choisi, avec l’aide des médias mainstream, toujours avides de catastrophisme bon pour l’audience, de tenir un discours de dramatisation, affirmant chaque jour que demain serait pire.
« Les 15 prochains jours seront encore plus difficiles que les 15 jours écoulés », affirme ainsi le Premier ministre, le 28 mars 2020. En écho à Emmanuel Macron pour qui « la vague est là […]. Nous allons affronter une crise financière sans précédent, une crise de l’économie réelle. Nous ne sommes pas au bout de ce que cette épidémie va nous faire vivre […]. C’est une guerre. Elle va durer [3] ».
Un discours qui a évidemment permis aussi de faire passer dans l’opinion groggy un « état d’urgence sanitaire » ouvrant la voie au gouvernement par ordonnances et au renforcement de mesures liberticides.
Mais un discours qui donne aussi le sentiment que l’on se borne à suivre l’évolution naturelle de l’épidémie et de ses conséquences, sans les maîtriser. Car ce discours comporte en lui-même ses propres limites lorsqu’on joue au chef de guerre : si vous affirmez « savoir » que demain sera pire, on finit fatalement par vous demander : que faites-vous donc pour empêcher ce scénario ? Et si vous n’y parvenez pas, à quoi donc servez-vous ?
Union nationale ? Non, défiance nationale
Cette communication calamiteuse a ancré nos concitoyens dans une forte défiance à l’égard des annonces gouvernementales dans la gestion de la crise.
L’union nationale invoquée par Emmanuel Macron a cédé progressivement la place à une nouvelle défiance nationale à l’encontre de son action et de celle du gouvernement. Après la crise des Gilets jaunes et la réforme des retraites, cela commence à faire beaucoup.
Un sondage montre ainsi que 69 % des personnes interrogées estiment que le gouvernement n’est « pas clair » face à la pandémie de Covid-19 et 70 % qu’il « ne dit pas la vérité aux Français ». 75 % considèrent qu’il n’a pas pris les bonnes décisions au bon moment et la même proportion pense qu’il « ne fait pas ce qu’il faut pour bien équiper les hôpitaux et les soignants face à l’épidémie ». De plus, 75 % des interrogés disent ne pas être « rassurés » par un gouvernement qui, pour 79 % d’entre eux, ne « sait pas où il va [4] ».
« Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va », écrivait Sénèque.
Avec le coronavirus, la macronie vient une nouvelle fois de l’illustrer.
Michel Geoffroy (Polémia, 10 avril 2020)
Notes :
[1] Le Monde.fr du 31 mars 2020.
[2] Sibeth Ndiaye a même expliqué que bien se servir d’un masque était compliqué, ce qui sous-entendait que les Français ne sauraient pas le faire.
[3] Interview au JDD du 22 mars 2020.
[4] Enquête d’opinion menée les 24 et 25 mars 2020 par Odoxa et Dentsu Consulting pour Le Figaro et France Info.