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Points de vue - Page 127

  • Débattre avec les féministes ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une intervention de Julien Rochedy qui évoque la vision biaisée des féministes et la difficulté de débattre avec elles . Publiciste et essayiste, Julien Rochedy est une figure prometteuse de la mouvance conservatrice et identitaire. Il vient de publier un essai intitulé Nietzsche l'actuel.

     

     

                                             

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  • La grande désorientation à gauche...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre-André Taguieff cueilli sur Figaro Vox et consacré à la question du progrès comme source de division pour la gauche. Philosophe, politologue et historien des idées, Pierre-André Taguieff est directeur de recherche au CNRS et est l’auteur d'essais importants qui ont contribué à mettre à mal la pensée unique comme  La Force du préjugé - Essai sur le racisme et ses doubles (La découverte, 1988), Résister au bougisme (Mille et une Nuits, 2001), Les Contre-réactionnaires : le progressisme entre illusion et imposture (Denoël, 2007), Julien Freund, au cœur du politique (La Table ronde, 2008) ou , récemment, Du diable en politique - Réflexions sur l'antilepénisme ordinaire (CNRS, 2014).

     

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    Feux et failles du progrès, la grande désorientation à gauche

    Le progrès ne va plus de soi, et l’idée de progrès s’est obscurcie à force d’être invoquée par des enthousiastes et instrumentalisée par des démagogues. Désormais, la référence au progrès divise plutôt qu’elle ne rassemble. Si le mot magique «progrès» reste mobilisateur, c’est paradoxalement parce qu’il produit du conflit entre les thuriféraires et les dénonciateurs du «progressisme» comme religion séculière.

    En France, ces divisions et ces affrontements traversent autant la droite que la gauche, extrêmes compris. Mais c’est surtout dans l’espace occupé par une gauche résiduelle et fragmentée, avant tout en raison de l’irruption fracassante de l’écologie politique, que se mène une guerre sans merci autour du progrès. Les évaluations positives et négatives du progrès jouent un rôle décisif dans les reclassements et les redéfinitions des courants de gauche. «Le progrès» a cessé d’être un marqueur idéologique de gauche. Il est devenu le plus puissant diviseur de la gauche.

    Ce serait s’aveugler toutefois que de s’en tenir au moment présent, et de conclure hâtivement à la fin du culte du Progrès. Les nombreuses éclipses du Progrès, cette idole des Modernes, n’ont pas empêché son triomphal retour dans des contextes fort différents.

    Une notion floue mais indispensable

    Le progrès est une notion floue mais indispensable, comme bien d’autres notions philosophiques descendues dans l’arène politique. Elle constitue la pièce maîtresse de l’autoreprésentation des Modernes. Dans la pensée sociale ordinaire, un progrès, c’est une nouveauté souhaitable, une innovation ou un changement qui répond à une attente ou un désir. Disons une amélioration reconnue comme telle. Il n’y a pas de débat sur une telle définition descriptive. Les controverses commencent et se multiplient dès lors qu’on veut formuler une définition du progrès en général.

    Rappelons sommairement que pour les premiers théoriciens du progrès à l’époque des Lumières, le genre humain avançait irrésistiblement sur la route du progrès, c’est-à-dire d’une transformation générale vers le mieux. Le processus d’amélioration était supposé nécessaire, linéaire, continu, irréversible et illimité. Les humains étaient donc embarqués, qu’ils le veuillent ou non, en direction de la perfection dans toutes les sphères de la pensée, de l’action et de la création.

    Telle est la vision nécessitariste du progrès, cette forme modernisée du fatalisme, qui a été soumise à la critique des philosophes comme à celles des faits historiques - rappelons que les massacres industriels du XXe siècle ont réveillé nombre de progressistes assoupis et que la dévastation de l’environnement a exhibé l’envers répulsif du progrès.

    Dans les échanges polémiques, la question de savoir ce qu’est «véritablement» le progrès est centrale. Face à ceux qui pensent classiquement le progrès comme croissance et développement sans fin, disons les «progressistes» au sens fort du terme (et qui sont tous des productivistes), on trouve ceux qui considèrent que le «vrai» progrès est dans la décroissance, dans l’acceptation d’une certaine austérité, de sacrifices et de privations pour «sauver la planète».

    Contre les partisans de l’optimisme technicien qui pensent que tous les problèmes politiques et sociaux peuvent être résolus par la science et la technique, s’insurgent ceux qui soulignent non seulement que le pouvoir de la techno-science a des limites, mais aussi qu’il engendre des effets pervers, qui peuvent être des catastrophes. Sans parler de ceux qui pensent, à juste titre, que les humains se posent souvent des problèmes qu’ils ne peuvent résoudre, ni par la science, ni par la technique.

    On peut définir sommairement la modernité à la fois comme l’âge des progrès techniques et scientifique, qui sont mesurables, et comme l’âge des rêves d’amélioration de la condition humaine, dont les traductions politiques sont multiples. Toutes supposent le culte du changement en tant que mouvement bon en lui-même, célébré comme une promesse de bonheur ou de justice, de liberté ou de solidarité, d’amour fraternel ou de paix universelle.

    C’est ce changement producteur de nouveautés supposées universellement désirables et chargé de réaliser les fins dernières qu’on rencontrait dans les théories classiques du progrès, chez Condorcet ou chez Saint-Simon. Ces fins ultimes dont l’accomplissement était supposé nécessaire dessinait les contours de l’insaisissable «monde meilleur» tant espéré, voire ceux, plus exaltants encore, d’une «humanité meilleure».

    Un nouveau pessimisme

    Lorsqu’on analyse les débats contemporains opposants les «progressistes» auto-déclarés à leurs adversaires, qu’ils nomment «conservateurs «ou «réactionnaires», on doit avoir à l’esprit la métamorphose contemporaine de la vision linéaire et nécessitariste, voire fataliste, du progrès comme évolution ou transformation inévitable, qui suffisait à remplir l’horizon d’attente des Occidentaux. Par l’effet de la diffusion croissante des croyances écologistes, cette vision longtemps dominante est en passe de changer de sens et de valeur: la marche fatale vers le mieux se renverse en marche fatale et finale vers le pire et l’anticipation enchanteresse devient anticipation anxiogène. Il y a là une grande inversion de sens et de valeur, qui bouleverse le champ des croyances politiques modernes.

    L’ébranlement de la foi dans le progrès annonce la fin de la modernité triomphante. Héritage de l’Aufklärung et du combat contre le mythe et la peur, l’esprit critique a fini par se retourner contre la foi dans le progrès, en la traitant comme une croyance relevant elle-même du mythe, réduit à un récit trompeur. Mais le mythe moderne du progrès nécessaire, ensemble d’illusions et de promesses intenables, est en outre dénoncé comme fondamentalement toxique.

    Porté par la magie de la prédication écologiste, l’anti-progressisme vertueux est devenu une vulgate, qui rend acceptables des perspectives catastrophistes inédites, lesquelles se traduisent soit par de nouvelles prophéties de fin du monde émises par les collapsologues, soit par des flambées d’utopisme révolutionnaire appelant à détruire la société marchande, voire l’Occident tout entier, supposé intrinsèquement coupable, accusé d’être la source de tous les malheurs du genre humain.

    Le vieux pessimisme historique et anthropologique a fait place à un pessimisme cosmologique, tandis que l’anticapitalisme gnostique s’est redéfini comme un anti-occidentalisme frénétique ou une hespérophobie radicale, incluant la haine de soi des Occidentaux hébétés par leur sentiment de culpabilité.

    On a de bonnes raisons de considérer que les écologistes, emportés par leurs récents succès électoraux et grisés par leurs projets d’une totale rupture avec l’ordre sociopolitique productiviste, occupent désormais le centre dynamique du camp anti-progrès. Mais la question n’est pas si simple. Tout dépend de ce qu’on entend par «progrès», mot plastique avec lequel il est facile de jouer, en l’employant soit comme repoussoir (chez les antimodernes et les écologistes radicaux), soit comme signe de ralliement (chez les partisans de l’optimisme historique, qui ne prennent plus la peine de le définir).

    À l’instar de la plupart des leaders politiques, qui pensent l’avenir à la lumière du progrès, le président Macron s’efforce de monopoliser les convictions et les passions dites «progressistes», en jetant dans l’enfer de la pensée réactionnaire ou conservatrice les positions de ses adversaires politiques, même lorsque ces derniers se réclament eux-mêmes du progrès. On plonge alors dans un océan de dialogues de sourds et d’arguments de mauvaise foi, chacun reprochant à l’autre de n’être pas vraiment ou pas suffisamment «progressiste».

    Quoi qu’il en soit, ces diatribes «progressistes» visant de présumés opposants au progrès présupposent que l’idée d’un «camp du progrès» est susceptible de rassembler la majorité des citoyens français. Or, désormais, l’étoile du Progrès est loin de jouer pour tous les citoyens le rôle de guide suprême pour la pensée et l’action. L’enthousiasme progressiste est en baisse, il paraît même être en voie d’extinction dans certains secteurs de la population.

    Cela dit, la référence positive au progrès ne se réduit pas chez le président Macron à une stratégie rhétorique, elle constitue un pilier de sa pensée philosophico-politique. Mais ce pilier s’avère fragile, ce dont il ne semble pas conscient. C’est pourquoi la grande tâche de ceux qui ne veulent pas en finir avec l’héritage des Lumières devrait être de repenser l’idée de progrès par-delà le progressisme, ce rejeton du culte productiviste et de la religion positiviste, qui postule l’existence d’une marche universelle et nécessaire vers le mieux.

    Cette vision nécessitariste du progrès oublie le hasard, la contingence et l’imprévu, elle néglige aussi le rôle de la volonté humaine. Elle est aujourd’hui fortement ébranlée. C’est pourquoi il paraît vain de l’ériger en méthode de salut en imaginant ainsi pouvoir déclencher de l’enthousiasme militant. Le résultat risque de se réduire à une profusion de discours incantatoires.

    «Progrès»: le grand diviseur de la gauche

    Quant à la gauche telle qu’elle est devenue, on constate qu’elle s’est divisée dans les positions prises face à plusieurs questions qui, dépassant le cadre stato-national, ont émergé depuis la fin du XXe siècle. En premier lieu, le surgissement des questions liées à la pollution de la planète, au réchauffement climatique et à la destruction de la biodiversité. Tous les militants de gauche, écologistes compris, sont tiraillés entre les promesses des «techno-prophètes» raisonnables et les prêches catastrophistes des collapsologues.

    Face à la gauche qui reste attachée à la religion du Progrès, on trouve une nouvelle gauche, qu’on peut appeler préservatrice ou «conservationniste», qui récuse tous les dogmes du progressisme. À cet égard, elle peut être traitée de «réactionnaire».

    En second lieu, l’irruption de l’islamisme comme nouvel ennemi mondial, abordé sous ses deux dimensions: l’islam politique avec ses stratégies de conquête (Frères musulmans, salafistes) et le terrorisme jihadiste. Face à la menace islamiste, la gauche s’est fragmentée, pour faire surgir deux camps antagonistes: d’un côté, ceux pour qui le combat contre l’islamisme doit se mener avec intransigeance au nom des Lumières, donc d’une certaine conception du progrès ; de l’autre, ceux qui placent au premier rang la «lutte contre l’islamophobie» au nom de l’idéal antiraciste.

    Face à une gauche engagée dans une lutte sans complaisance contre l’obscurantisme islamiste, on trouve une gauche qui, postulant que les musulmans sont désormais les principales victimes du racisme et des discriminations, prétend incarner un «antiracisme politique» dont l’un des postulats est qu’il existe en France un «racisme d’État» - alors même que la République française se caractérise par son antiracisme d’État sans équivalent. Cette gauche «islamismophile», dénoncée par les musulmans dits «modérés» ou «progressistes», peut être légitimement perçue comme «réactionnaire».

    Son antiracisme proclamé, qui trahit l’idéal des Lumières, peut être vu comme un pseudo-antiracisme au service de causes douteuses, oscillant entre une politique des identités ethno-raciales et une banalisation des normes islamistes de comportement et de pensée. Ayant tendance à voir de l’islamophobie partout, cette gauche pseudo-antiraciste s’emploie à limiter le champ de la liberté d’expression. Elle alimente l’esprit de censure, en criminalisant l’ironie et la satire.

    En troisième lieu, l’apparition de mouvements protestataires anti-élites, dits populistes, à l’extérieur du champ politique organisé. La gauche s’est divisée face aux Gilets jaunes: certains ont vu dans cette mobilisation populaire informelle la promesse d’une régénération de la démocratie, donc l’expression d’un progrès politique possible, alors que d’autres n’y ont vu qu’une régression de la contestation politique vers des formes impolitiques de violence s’accompagnant d’antisémitisme et de complotisme. Ici encore, la gauche s’est brisée en deux camps: les populistes-souverainistes et les sociaux-démocrates-pluralistes.

    En quatrième lieu, la montée des préoccupations et l’exacerbation des affrontements idéologiques concernant les questions de bioéthique, notamment à propos des pratiques biomédicales et des technologies de la reproduction humaine, qu’il s’agisse de la procréation médicalement assistée (PMA), du diagnostic pré-implantatoire (DPI), de l’avortement sélectif ou «thérapeutique» (interruption médicale de grossesse, IMG), de la Gestation pour autrui (GPA) ou de la thérapie génique germinale. Ces pratiques et ces techniques sont dénoncées par certains pour leurs «dérives eugénistes» ou pour leur caractère immoral et célébrées par d’autres comme des instruments d’émancipation.

    À gauche, on trouve des «progressistes» jouant la carte de l’extension sans fin des droits subjectifs (qu’illustrent les exigences de diverses minorités actives, dont les néo-féministes «radicales»), mais aussi d’autres «progressistes» qui appellent à fixer des limites au pouvoir des humains sur eux-mêmes. Ce que les premiers appellent «progrès», les seconds l’appellent «barbarie». Ils n’ont pas la même conception de ce qu’on appelle «civilisation», autre terme devenu problématique.

    En cinquième lieu, le surgissement d’un néo-féminisme misandre, d’affrontement, un lesbiano-communautarisme engagé dans une guerre permanente contre les mâles traités en ennemis, mais aussi contre les féministes universalistes accusées d’être complices du système patriarcal. La haine des mâles, de préférence les «mâles blancs», va de pair avec la haine de la République censée être une expression politique du patriarcat. Ces féministes ennemies se réclament du «progrès», terme auquel elles donnent un sens différent.

    En sixième lieu, le dynamisme idéologique des «politiques de l’identité», qu’elles prennent la forme douce du multiculturalisme (mieux nommé «multicommunautarisme») ou la forme dure du décolonialisme, laquelle implique de postuler l’existence d’un «racisme systémique» ou d’un «racisme d’État» dans les démocraties occidentales et de privilégier la dénonciation des discriminations censées dériver du fonctionnement même de la «société blanche». Face à cette nouvelle offre idéologico-politique qui, portée par une mode culturelle et légitimée par sa thématique «antiraciste», séduit une partie de la jeunesse, la gauche est fortement divisée.

    Au camp multiculturaliste-décolonial s’oppose le camp républicain-national, chaque camp ayant sa propre définition de l’antiracisme. Or, ces définitions sont mutuellement incompatibles et sources de conflictualité. La défense des minorités supposées discriminées dérive vers une tyrannie effective des minorités actives, incompatible avec le projet républicain d’une intégration des individus dans la communauté des citoyens sur des bases universalistes.

    Le conflit des antiracismes est aujourd’hui le miroir des conflits internes à la gauche. La gauche post-nationale accueille favorablement l’«antiracisme politique» des minorités extrémistes imitant le mouvement étatsunien Black Lives Matter, alors que la gauche nationale-républicaine y voit l’expression d’un «racialisme» militant, voire d’une forme déguisée de racisme anti-Blancs.

    Du Progrès aux progrès

    Les vieux débats sur les différents types de progrès ne sont nullement «dépassés», comme semblent le croire ou veulent le faire croire les «progressistes» déclarés. Il n’y a pas d’harmonie préétablie entre les progrès respectivement scientifiques, techniques, économiques, politiques et moraux. Et l’on ne voit pas poindre la possibilité d’une harmonie post-établie entre ces différents types de progrès.

    En outre, d’une façon générale, les progrès collectifs apparaissent beaucoup plus problématiques que les progrès individuels dans tel ou tel domaine, qui peuvent être mesurés. Peut-on par exemple parler d’un «progrès culturel» ou d’un «progrès intellectuel» du genre humain dans sa longue histoire? Et quels en seraient les critères non subjectifs? Ce n’est pas cependant une raison suffisante jeter aux orties la notion confuse de progrès, qui reste irremplaçable.

    Par exemple, la prise de conscience que tout ce qui est techniquement possible n’est pas désirable peut être considérée comme un progrès intellectuel et moral. Mais il faut reconnaître en même temps que certains progrès techniques ont eu et ont toujours d’heureuses conséquences sociales. Quant au progrès moral, quelle que soit la définition qu’on en donne, il n’a rien à voir avec le progrès technique, ni avec le progrès scientifique. Ici encore, les critères du progrès moral ne sont pas les mêmes lorsqu’on parle des entités collectives ou des personnes individuelles.

    Pour éviter de poser litaniquement de faux problèmes dus à l’équivocité du mot «progrès», il faut procéder à une analyse critique de cette notion floue pour en dissocier les composantes hétérogènes, dont on suppose abusivement qu’elles sont liées d’une façon vertueuse. Le conflit est déjà présent dans la notion: voilà ce qu’il faut avoir le courage de reconnaître. Ce qui a longtemps été l’opium des Modernes risque de devenir leur diable.

    Nous ne gagnerions rien à ce changement de statut symbolique d’un terme magique. Il est à espérer qu’on cessera un jour de traiter le Progrès comme une idole, que ce soit pour l’adorer, pour la maudire ou pour en diagnostiquer la disparition en cours. La grande tâche est de le repenser, après plus de trois siècles d’expérimentation historique.

    Pierre-André Taguieff (Figaro Vox, 2 septembre 2020)

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  • L'américanisation des élites...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'éditorial du 11 octobre 2020 de Guillaume Bigot sur Cnews, consacré à l'américanisation des élites. Docteur en sciences politiques, publiciste, Guillaume Bigot est l'auteur de plusieurs essais comme Sept scénarios de l'apocalypse (Flammarion, 2000), Le Zombie et le fanatique (Flammarion, 2002), Le Jour où la France tremblera (Ramsay, 2005) ou La trahison des chefs (Fayard, 2013).

     


                                           

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  • Les marches des empires sous haute tension...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alexis Feertchak, cueilli sur Geopragma et consacré à la multiplication des frictions entre puissances régionales au Levant . Alexis Feertchak est journaliste au Figaro et membre fondateur de Geopragma.

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    Les marches des empires sous haute tension

    Et de trois. Les drones turcs qui officiaient déjà en Syrie et en Libye survolent désormais le Haut-Karabakh, cette zone montagneuse où les Arméniens affrontent les Azéris soutenus par Ankara non seulement dans les airs, mais également au sol. Les supplétifs syriens à la solde de la Turquie, qui combattaient d’abord les Kurdes, ont migré vers la Tripolitaine libyenne puis aujourd’hui vers le Caucase, troisième front militaire pour le régime nationaliste de Recep Erdogan.

    Dans les mêmes régions, la Russie pèse également de tout son poids, quoique plus discrètement qu’Ankara. En Syrie très officiellement pour soutenir coûte que coûte le gouvernement de Damas. En Libye, où elle appuie sans le dire le régime du maréchal Haftar, sis en Cyrénaïque. Moscou est également une alliée historique de l’Arménie, quoi qu’elle maintienne aussi des relations de bon voisinage avec l’Azerbaïdjan, ancienne république d’URSS. Nous saurons certainement dans les prochains jours quelle attitude le plus grand pays orthodoxe adoptera dans le conflit du Haut-Karabakh. Une chose est sûre, la Russie et la Turquie ont montré en Syrie et en Libye qu’elles savaient s’entendre, nouant une étrange relation mêlant compétition et coopération, ce que le management nomme parfois “coopétition”. Pour la Syrie en tout cas, une autre grande puissance régionale est de la partie : l’Iran. La République islamique a su depuis longtemps maintenir des relations relativement cordiales avec la Turquie, tout en projetant ses ambitions géopolitiques le long de l’« arc chiite », avec, dans le cas syrien, l’appui russe, là aussi mêlé de rivalité.

    Trois puissances régionales (dans le cas de Moscou également mondiale, vestige atomique de la Guerre froide) ; trois anciens empires. Ils se jaugent, rivalisent tout le temps, s’affrontent parfois, rarement directement, coopèrent souvent. Les points de friction qui deviennent objets de négociation se cristallisent naturellement dans leurs “marches”, le mot prenant ici un sens géopolitique. Les marches sont situées aux confins des empires et servent le plus souvent de zone tampon. Elles sont métissées et mélangées, ethniquement et religieusement. Leur identité est multiple, selon que l’on appartient à telle ou telle communauté, l’ensemble formant une mosaïque insaisissable. Pour un Européen de l’ouest, habitué à l’Etat-nation et à des frontières qui délimitent distinctement un dedans et un dehors, la notion de marche apparaît mystérieuse. Elles sont pourtant une réalité historique, souvent tragique, que l’on ne peut écarter d’un revers de la main. L’Arménie est un cas intéressant : elle est pour le coup un Etat-nation, mais est en même temps une marche aux confins des trois empires turc, russe et iranien. L’enclave arménienne du Haut-Karabakh en est la manifestation la plus criante.

    Ces marches sont aujourd’hui sous haute tension au Levant. Les Etats-Unis se retirant progressivement du Moyen-Orient, les trois anciens empires se repositionnent derechef pour définir ensemble, mais au mieux de leurs intérêts, de nouveaux équilibres régionaux. Depuis 2015, la Russie tente de jouer les arbitres musclés, mais ouverts aux négociations. L’Iran, lui, joue un jeu plus solitaire pour consolider l’axe qui le mène à la Méditerranée. Quant à la Turquie, elle apparaît aujourd’hui comme l’acteur le plus véhément et le plus offensif de cette triade.

    Les actions géopolitiques de ces trois vieux empires sont le signe de la nouvelle multipolarité de notre monde. Des puissances moyennes déroulent leur propre agenda sur les ruines d’un monde bipolaire qui a vécu. L’Asie n’est pas en reste. Aux confins de la Chine, du Pakistan et de l’Inde, la tension militaire est à son comble dans la région disputée du Cachemire, autre mosaïque de populations au sang mêlé, où les armes résonnent de plus en plus, depuis des mois. Sans parler d’une autre marche chinoise, le Xinjiang, peuplé de Ouïghours contre lesquels Pékin exerce une emprise de plus en plus puissante.

    Etonnant paradoxe : en Europe, on ne cesse de vanter la diversité, les mosaïques, les mélanges, le métissage, mais le discours dominant ne sait comment penser ces “marches” géopolitiques, symboles d’une histoire longue et tragique qui n’entre pas dans les cases trop binaires du “droit-de-l’hommisme” ou du “néo-conservatisme”. Le vieux continent, du reste, n’échappe pas à ce phénomène des marches sous tension. Que l’on pense à l’Ukraine et, aujourd’hui, à la Biélorussie. Le schéma de pensée que l’on calque sur ces deux pays est de deux ordres. D’un côté, le logiciel de la Guerre froide : il faudrait absolument que l’Ukraine devenue pro-européenne entrât dans l’OTAN pour endiguer la Russie. En 2014, certains intellectuels et politiques, qui, comme Cassandre n’ont pas été écoutés, ont senti le danger immense de jouer sur cette corde sensible qui ne ferait qu’augmenter la douleur des Ukrainiens. “Ukraine”, en russe, signifie justement “marche”. Le nom même d’Ukraine aurait dû nous mettre en garde : jouer ce pays contre la Russie était incroyablement dangereux. L’histoire de ces cinq dernières années n’a fait qu’augmenter le syndrome d’encerclement russe. La seule solution sage aurait consisté à faire du rapprochement – heureux ! – de l’Ukraine avec l’Europe un pont vers la Russie. Encore aurait-il fallu, pour cela, que l’Europe eusse été indépendante des Etats-Unis, qui se refusent d’en finir avec la Guerre froide. En l’occurrence, le maintien d’une logique bipolaire dans les relations Est/Ouest attisent la tension qui existe dans les anciennes marches de l’empire russe. L’autre lecture dangereuse est celle de l’opposition démocratie contre dictature. Car si la Biélorussie est bien une dictature et que l’on ne peut que souhaiter qu’elle ne le soit plus à l’avenir, elle n’est pas qu’un régime politique, mais aussi un pays complexe, composite, indissociablement lié à la Russie par son histoire. Heureusement, jusqu’à présent, les Européens ont fait preuve de davantage de prudence qu’en Ukraine. L’avenir dira ce qu’il adviendra du régime dictatorial de Loukachenko. Mais une chose est sûre : la Biélorussie ne devra jamais servir de bouclier contre la Russie. Transformer une marche en un mur est un risque que l’on ne peut se permettre de prendre.

    Cette leçon devra aussi servir pour l’avenir, alors que le couple formé par les Etats-Unis et la Chine fait peser sur le monde le risque d’une nouvelle bipolarité à l’échelle internationale, laquelle ne sera pas forcément contradictoire avec une multipolarité à des échelles plus régionales. Samuel Huntington a trop souvent été mal lu : le concepteur américain du “choc des civilisations” n’était pas partisan de l’ingérence militaire, bien au contraire d’une forme d’isolationnisme assez particulière. Selon lui, les Etats-Unis ne devaient pas intervenir partout mais s’appuyer sur les grandes puissances régionales pour trouver un équilibre global qui soit le moins mauvais possible. Un projet qui, malheureusement, n’a pas été suivi. Il devrait pourtant l’être, me semble-t-il. Aujourd’hui, pour le bien des Arméniens comme des Azéris, et plus globalement pour le bien de toutes les minorités du Moyen-Orient qui vivent dans les “marches” des vieux empires, l’Europe devrait encourager vivement mais fermement la formation d’un nouvel équilibre, le moins précaire possible, entre la Russie, la Turquie et l’Iran. Mais il nous faudra pour cela abandonner notre vieille Guerre froide avec la Russie, en finir avec nos rêves d’une Turquie européenne qui existerait à notre image et arrêter de voir l’Iran comme un pays dont l’histoire aurait commencé en 1979. Bref, assumer un monde multiple, divers et fragile, à l’image de ses marches qui souffrent dans leur chair.

    Alexis Feertchak (Geopragma, 5 octobre 2020)

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  • Séparatisme, le mot qui ne veut rien dire...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre Boisguilbert, cueilli sur Polémia et consacré au discours du président de la République sur le séparatisme, prononcé au Mureaux le 2 octobre.

     

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    Séparatisme, le mot qui ne veut rien dire

    Le 2 octobre, le président Macron a dévoilé son plan contre le séparatisme. Le séparatisme, ce serait l’islamisme. Mais, alors, pourquoi ne pas le dire ? Pourquoi pas une loi contre l’islamisme ? Tout simplement par peur d’être taxé d’islamophobie, enfant adultérin du racisme.

    On va donc une fois de plus noyer le poisson. On va faire de l’amalgame, le pas d’amalgame est à géométrie variable. On parlera peut-être de séparatisme corse mais certainement pas du kanak, pourtant d’actualité. On va surtout fustiger celui de prétendus suprématistes blancs car, en France, certains rêveraient d’un « Orania » comme en Afrique du Sud. C’est bien sûr ridicule. L’islamisme, qu’il ne faut jamais confondre avec les gentils islamiques, des musulmans sans problèmes, eux, serait donc un séparatisme parmi d’autres. Mais l’islamisme est-il un séparatisme ? Cela se discute. Certes, les islamistes sont séparatistes car ils veulent vivre hors la république en appliquant les lois de la charia. Mais ce n’est pas un aboutissement comme le serait l’indépendance de la Bretagne. Ce n’est qu’une étape. L’islam ne veut pas se séparer du monde, il veut le dominer et imposer par là même la vraie foi aux mécréants. Le but final n’est donc pas le séparatisme mais la domination du pays et la soumission de sa population aux lois islamiques ou islamistes — on ne sait plus bien, sauf qu’au final c’est la même chose.

    L’islam ne veut pas faire sécession mais dominer

    Ainsi le séparatisme basque est une revendication d’indépendance. Pour le moment, la Seine-Saint-Denis ne veut pas se séparer territorialement de la république. La séparation de l’église et de l’état- pilier de notre laïcité- n’a jamais été un séparatisme. Les catholiques réfractaires et persécutés n’ont jamais voulu créer un Etat ni refuser les lois de la république, pas plus que les juifs et les protestants.

    Il y a eu des tentatives séparatistes cependant pendant les guerres de religion dont on se souvient vaguement, avec le siège de La Rochelle par Richelieu. Mais il faut bien voir que le rétablissement du pouvoir royal partout dans le royaume contre le séparatisme huguenot a été la conséquence d’une suite de massacres. C’était la guerre civile et religieuse Les huguenots se réunissent à La Rochelle le 25 décembre 1620. Lors de cette assemblée générale, la décision a été prise de résister par la force à la menace royale et d’établir un « État dans l’État ». La République protestante fut partagée en huit cercles ayant chacun son conseil provincial, ses finances, son armée et son chef militaire, sous la direction du duc de Rohan. Macron n’envisage pas pour le moment de campagnes militaires contre les territoires perdus de la république.

    Mais sur cette ambigüité du séparatisme, sur la grosse subtilité sémantique, le président joue gros. L’opinion ne l’attend pas sur un assaut contre un « camp des saints fictifs » mais contre le danger d’islamisation du pays par un mouvement religieux et politique. Le projet de loi contre les séparatismes, qui doit être présenté cet automne et adopté début 2021, constituera à la fois le premier et le dernier test grandeur nature en matière de régalien pour l’exécutif. « Le texte a vocation à faire le lien entre l’insécurité liée au terrorisme et l’insécurité du quotidien. Ne pas répondre à cette demande sociale qui s’exprime, ce serait une erreur politique», esquisse un conseiller de l’exécutif cité par Le Figaro. La République indivisible n’admet aucune aventure séparatiste”, a déclaré Emmanuel Macron. La criminalité au quotidien n’est pas un séparatisme. Macron n’a donc aucune chance de s’en tirer. Il a choisi un mauvais mot, faute d’oser utiliser le bon. Le vrai séparatisme c’est celui entre le peuple français et ses dirigeants traitres à notre identité historique.

    Pierre Boisguilbert (Polémia, 03 octobre 2020)

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  • La 5G, un enjeu stratégique pour la France et l'Europe ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christopher Coonen, cueilli sur le site de Geopragma et consacré à la 5G comme enjeu stratégique pour la France et l'Europe. Secrétaire général de Geopragma, Christopher Coonen a exercé des fonctions de directions dans des sociétés de niveau international appartenant au secteur du numérique.

     

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    La 5G : il est urgent d’agir sur cet enjeu de souveraineté pour la France !

    La 5G – la cinquième génération des standards pour la téléphonie mobile – revêt un double enjeu de souveraineté pour la France : son déploiement dans l’Hexagone et notre capacité d’autonomie technologique et industrielle, afin de conquérir des parts de marché au niveau mondial face aux géants chinois et américains. Un enjeu tant économique qu’il est naturellement géopolitique, car les deux sujets ont toujours été intrinsèquement liés. 

    Avec la 5G, le débit de données sera 10 à 100 fois plus puissant qu’avec la 4G. Au-delà des calculs et des quantités de débit, il existe un calcul de pouvoir et d’influence qui devrait intéresser au plus haut point tous les dirigeants politiques, militaires, d’entreprises, et du renseignement. En effet, contrairement à la 4G, les données ne seront plus uniquement transportées d’un point A vers un point B, mais seront bien interactives dans tous les sens et depuis de multiples sources, rendant la gestion des villes connectées, l’utilisation de voitures autonomes ou encore de drones civils et militaires bien plus efficace et avec des réactions en contexte et en temps infiniment réel. C’en sera fini de la « latence technologique ».

    Les grandes manœuvres ont débuté pour l’attribution des licences et le déploiement de la 5G à l’échelle mondiale, ainsi que les appels d’offre organisés pour la construction de ce réseau révolutionnaire qui comprendra des « backbones » de fibre optique terriens et sous-marins, des routeurs et des réseaux du dernier kilomètre. Les entreprises qui les installeront auront à gérer leur part de réseau et les données y transitant. Or, face à ces enjeux de souveraineté colossaux comme d’ailleurs bien d’autres, l’Europe se retrouve de nouveau coincée entre les Etats-Unis et la Chine – et leurs acteurs publics et privés – dans un rôle de suiveur. 

    Dans ce combat mondial où la taille et les économies d’échelle sont primordiales, le risque pour la France réside dans le fait que nos acteurs européens Ericsson, Nokia et Alcatel – qui tous trois possèdent des parts de marché minoritaires aujourd’hui – soient complètement distancés par les trois mastodontes Cisco (US), ZTE et Huawei (Chine). Contre ce dernier, les Etats-Unis mènent une campagne de pressions notamment envers les opérateurs télécoms en Europe, ainsi qu’envers nos gouvernements pour sortir Huawei de cette « course aux armements » du XXIème siècle d’un nouveau genre. 

    Mais cette posture du gouvernement américain est imprégnée d’une hypocrisie sans vergogne. Dans cette affaire de capacités exponentielles dans le routage et le stockage de données, il existe aussi un angle « NSA » (National Security Agency), les « Grandes Oreilles » de notre grand allié qui sont allées jusqu’à épier les téléphones mobiles de chefs d’Etat « amis ». Enfin, pire pour l’Europe, elle est loin sur son propre territoire de reconstruire et même simplement de rénover son propre réseau avec les seuls acteurs nordiques et français. 

    Alors que les puissances mondiales et bien d’autres pays ont entamé le déploiement de la 5G (Chine, Etats-Unis, Corée du sud, etc.), la France est l’une des lanternes rouges de l’Europe. Un lancement commercial à grande échelle a déjà été réalisé en Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, Hongrie, Italie, au Royaume-Uni, et en Suisse. Nous avons pris beaucoup de retard : le gouvernement français ne lancera les enchères des fréquences que cette semaine ! ce qui induira un début de déploiement à la mi-2021 au plus tôt. 

    Un frein supplémentaire émerge dans notre pays au travers d’un débat ubuesque sur la décision du déploiement ou non dans l’Hexagone et en Outre-mer. Cette révolution technologique est prise en otage par toute une kyrielle d’ONG et d’élus écologistes qui argumentent que cette technologie est dangereuse pour la santé, alors même que les études de l’ANSES et de l’IGAS concluent que la 5G n’est pas plus nocive que la 4G. En fait, cette technologie va être motrice dans le combat contre les émissions de CO2 et le réchauffement climatique. Pour ne prendre qu’un exemple : la gestion des « villes intelligentes ». Grâce à sa mise en place dotée de capteurs, elle permettra de gérer le trafic sur la voirie, le chauffage urbain, l’illumination des municipalités ainsi que l’arrosage de leurs parcs et jardins de manière optimale. 

    Les enjeux de la 5G sont donc considérables. Et pourtant, l’un des champions européens, le finlandais Nokia, a annoncé le 22 juin dernier la suppression en France de 1 233 emplois dans sa filiale Alcatel-Lucent, soit un tiers de ses effectifs, dont 831 à Nozay (Essonne), qui regroupe des fonctions de support. Mais pire, le groupe prévoit de supprimer 402 postes à Lannion (Côtes d’Armor), soit la moitié des effectifs de ce site dédié à la Recherche et au Développement ! Comment être alors à la pointe de l’innovation ou simplement posséder une force de frappe, pour contrecarrer les géants américains et chinois ? L’avenir dans ce contexte est clair : les opérateurs téléphoniques français et européens n’auraient alors quasiment que le choix d’adopter la technologie de l’un de ces deux pays.

    Nokia avait pourtant pris toute une série d’engagements lors du rachat d’Alcatel-Lucent, promettant notamment de maintenir les effectifs au même niveau. Maintenir, cela veut dire potentiellement supprimer des postes dans une division, mais en créer dans une autre pour compenser.

    Bercy a demandé au groupe finlandais de revoir sa copie. Mais ne soyons pas naïfs ! Souvenons-nous des promesses faites par les acquéreurs étrangers lors des rachats des pépites françaises : Arcelor par Mittal, ou encore Alstom par GE, pour ne nommer qu’eux. Et du champ de ruines social qu’ils ont laissé derrière eux avec des fermetures de sites et des licenciements, pour ne pas parler de l’appauvrissement technologique. Nos gouvernements successifs s’étaient alors indignés et avaient demandé des rétropédalages, mais peine perdue. 

    Face à ce naufrage, il existe une solution de souveraineté industrielle retrouvée pour la France et l’Europe dans ce domaine stratégique. Surtout qu’une étude de la Commission européenne estime que le marché de la 5G se chiffrera à 113 milliards d’euros d’ici 2025, c’est-à-dire demain. Dans le contexte actuel, c’est donc un vide sidéral pour la France et l’Europe de part et d’autre face à ces opportunités commerciales majeures.

    Une première étape consisterait en un rachat français d’Alcatel-Lucent auprès du groupe Nokia, avec un mélange de Management Buy-Out (MBO) et d’une nationalisation temporaire orchestrés par la direction et l’Etat. Le MBO serait l’occasion d’offrir à la direction et potentiellement à tous les employés de mettre la main à la poche pour financer une portion du rachat. Notre gouvernement pourrait combler le solde du montant de l’opération avec des fonds de la Banque publique d’investissement et de la Caisse des dépôts, soit en forme de prêts ou de montée au capital de l’entreprise.

    Ensuite, une fois l’opération réalisée, un conglomérat européen fort pourrait être constitué avec l’autre prestataire du Vieux Continent : le suédois Ericsson. Une alliance stratégique et commerciale commune – sans forcément procéder à une fusion des bilans des deux groupes – pour concurrencer efficacement ZTE et Huawei, le coréen Samsung, et Cisco, et avoir une part importante dans la définition des standards. S’affrontent également sur cette question de normes gouvernements et acteurs privés, et ces derniers ont bien plus de chance d’innover rapidement et de se mettre en ordre de bataille avant que ne le fassent les bureaucraties d’Etat ou pire la bureaucratie communautaire avec telle ou telle « directive » ; notre regard peut s’arrêter sur l’impuissance et même l’inconscience des membres de l’Union européenne depuis vingt ans sur toutes sortes de questions liées à la technologie… En l’absence de standards et de supervision, tout est possible et hors de contrôle.

    Cette « fusion » pourrait être d’ailleurs un modèle pour d’autres domaines stratégiques dans lesquels le « Vieux Continent » peine à s’imposer : l’industrie, la santé, les services du Cloud, l’intelligence artificielle, etc.

    Il est donc urgent d’agir sur ce sujet primordial de souveraineté !

    Christopher Coonen (Geopragma, 28 septembre 2020)

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