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Points de vue - Page 125

  • Les errements de la repentance...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Maxime Tandonnet, cueilli sur son blog personnel et consacré aux dernières déclarations du président de la République à propos de la colonisation. Ancien haut-fonctionnaire, spécialiste des questions d'immigration, et désormais enseignant, Maxime Tandonnet a été conseiller à l'Elysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il a donné un témoignage lucide et éclairant de cette expérience dans Au cœur du volcan (Flammarion, 2014).

     

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    Les errements de la repentance

    « Le colonialisme a été une erreur profonde, une faute de la République ». Cette affirmation du chef de l’Etat est discutable à plus d’un titre. La République n’est pas la première ni la principale responsable du colonialisme français. Celui-ci a commencé sous la monarchie, au XVIe et au XVIIe siècle (Canada, Indes, Antilles, Floride, la Réunion). La conquête de l’Algérie a débuté sous Charles X et le Second Empire de Napoléon III lui a donné une forte impulsion. De même c’est le Second Empire, et non la République, qui a amorcé les grands courants de colonisation française de l’Afrique subsaharienne (Sénégal) et de l’Asie (Cambodge). La colonisation ne peut évidemment pas se limiter à la France: l’Espagne et le Portugal, en Amérique du Sud, le Portugal en Asie et en Afrique, le Royaume-Uni dans le monde entier, furent d’autres grandes puissances colonisatrices, pour ne parler que de l’Europe.

    En outre, la République est un mode d’organisation du gouvernement pas une politique. La colonisation a pris un nouvel essor considérable sous la IIIe République (Indochine, Afrique subsaharienne) du fait de choix idéologiques des « Opportunistes » dont Jules Ferry qui déclarait à la Chambre des députés, le 28 juillet 1885: « Je soutiens que les nations européennes s’acquittent avec largeur, avec grandeur et honnêteté, de leur devoir supérieur de civilisation! » Le colonialisme avait aussi ses opposants. « L’extrême gauche » le fustigeait à travers Clemenceau. La droite dite « réactionnaire » lui était parfois hostile à l’image de la prophétie d’Albert de Broglie, dénonçant, dans la politique coloniale: « une charge qui grève la nation, qu’elle ne peut porter longtemps, et qui, avant de lui échapper, peut avoir amené la ruine à la fois de la colonie et de la métropole » (Sénat 11 décembre 1884). Ce n’est donc pas la République qui a fait le colonialisme des années 1880-1014, mais un courant idéologique bien spécifique alors majoritaire: la gauche républicaine.

    La repentance française, au cœur de l’idéologie macroniste, repose largement sur un anachronisme. La colonisation s’est effectuée dans le contexte d’une Europe globalement dominatrice du XVIe au début du XXe siècle, qui se reconnaissait une mission civilisatrice, dans un large climat de consensus. Les Français comme les Britanniques, dans leur immense majorité, vouaient jusqu’aux années 1950 une admiration sans bornes à leur Empire, sur lequel « le soleil ne se couche jamais ». Les guerres coloniales et de décolonisation ont fait couler le sang. Mais les colons ont aussi construit des routes, des villes, des hôpitaux, des écoles – d’où la place de la francophonie ou de l’anglais et de l’espagnol dans le monde. Quelle signification il y a-t-il à porter un jugement, positif ou négatif, sur un épisode clé de l’histoire de l’humanité? Faire le bilan coûts/avantages d’un demi-millénaire de colonialisme, expression d’une domination européenne et pas seulement française, au regard des valeurs contemporaines et après la grande vague de la décolonisation qui a bouleversé les équilibres planétaires depuis les années 1950, n’a évidemment aucun sens.

    Lancer des polémiques tonitruantes et stériles fait partie d’un mode de gouvernement consistant à déclencher des tollés, à attiser les passions, pour faire oublier les déceptions et les malheurs du temps et aussi faire parler de soi tout en réactivant les divisions idéologiques du pays (gauche/droite). L’histoire est généralement l’otage toute trouvée de cette pratique. Parmi les responsabilités fondamentales du chef de l’Etat figurent traditionnellement celle de garant de l’unité et de la concorde nationale et celle de la défense du prestige de la nation qu’il préside. Il faudrait en ajouter une nouvelle, la plus essentielle de nos jours: celle de garant d’un patrimoine intellectuel, d’une intelligence collective.

    Maxime Tandonnet (Blog personnel de Maxime Tandonnet, 23 décembre 2019)

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  • De méprisables méprisants...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Michel Onfray, publiée sur son site personnel et consacrée au mépris de Macron et de ses sbires à l'encontre du peuple... Philosophe populaire, polémiste, tenant d'un socialisme libertaire, Michef Onfray a publié de nombreux ouvrages, dont dernièrement sa trilogie  Cosmos (Flammarion, 2015), Décadence (Flammarion, 2017) et Sagesse (Flammarion, 2019), ou encore Théorie de la dictature (Robert Laffont, 2019).

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    De méprisables méprisants

    Le ressentiment joue un rôle moteur dans l’Histoire. On mésestime l’importance que peut tenir dans la généalogie d’un révolutionnaire un moment biographique dans lequel eux ou leurs proches ont pu être humiliés, méprisés, rabaissés par une personne qui détenait le pouvoir de les mettre plus bas que terre du fait de sa position sociale. Qui humilie un jour se fait haïr toujours.

    Les intellectuels qui réfléchissent aux grandes causes des grands moments de l’Histoire veulent toujours leur trouver de grandes raisons : or c’en sont souvent de petites qui s’avèrent les plus explicatives… Platon invoque l’Idée, Kant évoque le Progrès, Hegel cherche le Concept, Marx convoque les Masses, Mao la Dialectique qui casse des briques, mais tous ceux connaissent la Révolution française autrement que par ouï-dire savent que la biographie de ses grands acteurs avant 1789 est la plupart du temps faite des ratages qui génèrent des humiliations qu’ils font un jour payer.

    Combien dans cette nation d’écrivains qu’était alors la France des Salons se sont rêvés auteurs, dramaturges ou philosophes qui, avant la prise de la Bastille, n’étaient que des écrivaillons sans éditeurs, des trousseurs de pièces de théâtre sans metteur en scène, des auteurs sans succès, voire, comme Robespierre qui se voulait Rousseau, un avocat sans relief doublé d’un poète de sous-préfecture courant après les prix littéraire de province… Marat voulut être aristocrate, puis scientifique, puis philosophe et ne fut qu’un auteur sans succès, un escroc et un voleur. Puis, un jour, la grande Histoire les sort de leurs petites histoires. Ils peuvent alors incendier et décréter la table rase. Taine a magnifiquement raconté cette puissance du ressentiment dans son histoire de la Révolution française.

    S’il existe encore dans le futur des gens capables d’écrire l’Histoire, ce dont je doute de plus en plus, le quinquennat d’Emmanuel Macron passera pour un mandat dans lequel le mépris du peuple n’aura jamais été porté à ce point d’incandescence par lui et les siens ! On ne peut être à ce point inconscient de la poudre partout répandue – sauf à vouloir créer les conditions d’une insurrection pour laquelle il revendiquerait alors le statut de sauveur de la démocratie, ce qui est une pensée d’adolescent par définition pas fini… Mais, hélas, l’article 16 de la Constitution le lui permettrait.

    L’une des dernières humiliations de sa bande est due à Gérald Darmanin. Dans Paris-Match, le ministre des comptes publics dit ceci de Macron : « Il manque sans doute autour de lui des personnes qui parlent à la France populaire, des gens qui boivent de la bière et mangent avec les doigts. Il manque sans doute un Borloo à Emmanuel Macron. » Cette saillie est proprement sidérante !

    Cette obscénité fit dire à l’inénarrable meuf pas dead, Sibeth N’Diaye, porte-parole du gouvernement (on a les représentants qu’on peut) : « J’aime beaucoup la bière. » Puis ceci : « Dans ma culture africaine on mange avec les doigts. Autrement dit: tout va bien, rien à signaler, rentrez vous coucher bonnes gens. La porteuse de la parole du chef de l’Etat a donc dans la foulée appelé son chauffeur qui, avec force gyrophare, afin de doubler les crétins prisonniers des bouchons, lui a permis de rentre chez elle, s’affaler sur son canapé, se décapsuler une Kronenbourg et manger sa soupe avec les doigts …

    Darmanin qui ne manque pas une occasion de faire savoir que sa mère était femme de ménage à la Banque de France, et il a raison d’en être fier, encore faudrait-il qu’elle fut elle aussi fière de ce que dit sa progéniture, perd tout le bénéfice d’une pareille référence, chaque fois qu’il la convoque, comme on le faisait à la Banque de France, pour s’en servir plutôt que de la servir elle et les siens – par exemple, dernièrement, pour expliquer aux Français qu’il estime moyens, très moyens, que sa retraite se trouverait considérablement augmentée grâce à la bonté de monsieur Macron, banquier de formation, ce qui, on en conviendra, est une profession qui prédispose à la bonté envers les plus faibles et les plus fragiles… Idem avec les assureurs qui ont un ami au sommet de l’Etat.

    Or, j’ai peine à imaginer que madame Darmanin mère boive de la bière et mange avec ses doigts parce qu’elle serait femme de ménage ! Quelle idée ce fils du peuple se fait-il du peuple ? Ma mère qui fit le même métier que la sienne n’a jamais bu de bière ni mangé à pleines mains – mon père non plus d’ailleurs qui était ouvrier agricole. Nous vivions à quatre dans une petite maison de dix sept mètres carrés sans salle de bain et on n’y a jamais pué ni dévoré la viande à pleine dents ni fait nos besoins sous l’escalier ! Monsieur Gérald Darmanin confond avec ses lointains ancêtres de la guerre du feu du temps que Nadine de Rothschild avait les mêmes ! Il qui ne m’étonnerait pas qu’il ait trop regardé Les Tuche et pas assez lu Proudhon…

    J’ajoute ne pas avoir compris non plus pourquoi cette référence à Jean-Louis Borloo ? Pour la bière ou pour le fait de manger avec ses doigts ? Ou pour les deux ?

    Le même Darmanin fut parmi les plus violents à l’endroit des gilets-jaunes en les assimilant aux nazis – « C’est la peste brune qui a manifesté à Paris », a-t-il dit le 25 novembre 2018. A la même époque, Benjamin Griveaux faisait lui aussi des gilets-jaunes de méprisables « fumeurs de clopes qui roulent au diesel ». En plein mouvement des ronds-points, Darmanin fit également savoir qu’il pouvait comprendre cette colère, puisque, à l’en croire, la vie se montre difficile à Paris où, selon lui, la note moyenne des restaurants s’élève à 200 euros sans les vins – il ne doit pas aller beaucoup dans les restaurants fréquentés par les camarades de sa mère en même temps qu’il a totalement oublié le bistrot que tenait son père où d’aucuns parmi les plus pauvres déjeunaient parfois d’un œuf dur au comptoir. Qu’on se souvienne du magnifique poème de Prévert – un poète libertaire dont, hélas, on connaît plus le nom que l’oeuvre.

    En deux années de pouvoir Macron a accumulé le mépris ; il est vrai qu’avec l’arrogance, c’est probablement ce qu’il réussit le mieux : contre les femmes illettrées de l’usine Gad ; contre les fainéants ; contre les « gaulois réfractaires » ; contre « les gens qui ne sont rien » auxquels ils préfère ses précieux amis qui réussissent ; contre ceux qui touchent le « pognon de dingue » des minimas sociaux; contre les petits cons qui se plaignent qu’on leur supprime 5 euros d’APL et qui ne comprennent rien à ce qu’est l’Histoire ; contre les étudiants qui se plaignent de devoir travailler le soir pour payer leurs études car, lui, le fils d’un père médecin professeur de neurologie dans un CHU et d’une mère médecin conseil à la sécu, il sait ce qu’est « bosser dans un Mac Do » – pas sûr pourtant que ce soit la pauvreté qui l’ait éloigné de sa famille provinciale pour venir à Paris, la capitale des Rastignac ; contre ceux qui lui reprochent ses costumes et qui n’ont qu’à travailler pour s’acheter les mêmes ; contre ceux qui se plaignent tout le temps ; contre les mères de famille nombreuses qui sont d’autant plus prolifiques qu’elles sont moins cultivées – la chose fut dite en anglais devant la Fondation Gates, le propos était exactement : « Montrez-moi une femme, parfaitement éduquée, qui décide d’avoir sept, huit, neuf enfants » ; contre ceux qui croient que se faire construire une piscine dans une résidence que des générations de chefs de l’Etat prenaient telle quelle pose un problème ; contre ce collégien qui l’a appelé Manu à qui il a vertement conseillé de décrocher un diplôme puis de travailler avant de disposer d’un avis sur lui – un avis négatif bien sûr, positif, il en avait immédiatement le droit, sinon le devoir ; contre « la mafia » des bretons ; contre ce fainéant de jeune horticulteur qui ne trouve pas de travail et à qui il conseille de traverser la rue pour faire la plonge dans un restaurant; contre les manifestant qui « foutent le bordel » – Darmanin doit apprécier la virilité grossière du président de la République qui progresse ainsi sur la voie du bock de bière (servi dans une vaisselle de luxe coûteuse et flambant neuve) et des nourritures mangées à la main (même s’il s’agit de caviar) – c’est en effet, ne l’oublions pas, l’homme du en même temps…

    Cette manifestation du mépris se double chez lui d’un évident complexe de supériorité ! Macron n’est-il pas en effet porteur d’une pensée complexe que n’importe qui ne peut comprendre, il faut au moins comme lui, avoir échoué deux fois au concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure, n’être pas parvenu à devenir l’écrivain qu’il voulait être, ni même le philosophe qu’il crut pouvoir devenir,  afin de pouvoir saisir la subtilité de ses analyses, de comprendre la densité de ses réflexions, d’appréhender la hauteur de vue de ses théories… En dessous de bac+8, pas la peine d’essayer de le comprendre, les Bogdanov témoignent.

    Le 29 juin 2017, pour expliquer une contre-performance médiatique, donc politique, ou politique, donc médiatique, et ce lors d’un entretien avec des journalistes, il se justifie avec ce communiqué : « Les équipes d’Emmanuel Macron assurent que le président de la République n’a aucun problème avec la presse »… alors que la traditionnelle interview télévisée du 14 Juillet n’aura pas lieu. Raison invoquée, la « pensée complexe » du chef de l’Etat se prête mal « au jeu des questions réponses avec des journalistes ». Pas question d’avoir été mauvais, les autres sont trop nuls pour le comprendre. Sans rire, la chose fut dite, et personne ne lui a ri au nez ! Sûrement pas les journalistes qui ont mangé le vomi qu’il leur servait jusqu’à la dernière cuillerée…

    C’est ce même argument qui fait dire à l’Elysée que les millions de gens qui descendent dans la rue contre sa réforme des retraites ne peuvent être motivés que par une seule raison: ils ne comprennent pas sa pensée complexe…

    Voilà pourquoi les éléments de langage ont été donnés en haut lieu aux godillots de La République en marche afin de faire savoir que la France paralysée, tout cela procède d’un malentendu et de rien d’autre: les manifestants ne le saisissent pas car, s’ils étaient intelligents, ils comprendraient tout de suite le génie et la portée  de son « système universel (sic) » – au Tibet on y est en effet très sensible, au Groenland également, et je ne vous parle pas du Qatar… De sorte que, au lieu de perdre bêtement de l’argent à manifester contre lui, ce qui, en plus, constitue une offense à sa personne, les manifestants auraient dû bien plutôt se rendre en cortège à l’Elysée, du moins à la grille du coq, c’était adéquat, afin de remercier le Conducator de ses bienfaits ! On lui aurait dit, comme au temps béni de Mao, qu’il était « le phare de  la pensée mondiale » – BHL, Finkielkraut, Sollers, Kristeva, Gérard Miller, Badiou, July, Kouchner, Karmitz faisaient alors partie du chœur, on aurait pu leur demander des conseils avisés…

    S’il fallait résumer tout cela en une seule phrase, le Petit Timonier dirait : « Ils sont trop cons, ils ne me méritent pas »… Mais on ne peut jouer cette seule carte très longtemps ! Arrive un jour où la table se trouve renversée par les gens humiliés – avant de plus terribles futurs.

    Michel Onfray (MichelOnfray.com, 21 décembre 2019)

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  • "Whitewashing" et "blackwashing"...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gabriel Robin, cueilli sur le site de L'Incorrect et consacré à l'introduction d'acteurs de couleur dans des films ou des séries où ils n'auraient logiquement pas leur place...

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    Marguerite d'Anjou, femme d'Henri VI, jouée par l'actrice d'origine nigérienne Sophie Okonedo dans la série de la BBC, The Hollow Crown

     

    Whitewashing et blackwashing

    Le whitewashing ? Derrière ce néologisme anglais barbare se cache une expression politique venue du militantisme diversitaire américain. Dans une tribune publiée sur Challenges, Laure Croiset appelait à en finir avec cette vieille pratique hollywoodienne qu’elle définissait comme le fait de « faire jouer par des acteurs blancs des personnages de couleur ».

    À y regarder de plus près, on constate pourtant que ce phénomène qui suscite l’hystérie des social justice warriors américains ne fonctionne que dans un sens. Des groupes sont d’ailleurs très actifs en la matière. Ainsi de racebending.comqui surveille les studios américains et leur adresse des courriers appelant à la vigilance et à l’instauration de quotas dans leurs films. Netflix a notamment été la cible des amateurs de mangas après avoir occidentalisé le casting de l’adaptation live du manga Death Note, censé se dérouler au Japon.

    Il n’y avait pourtant ici rien de particulièrement choquant, l’histoire étant intégralement transportée aux Etats-Unis. L’œuvre originelle n’était donc pas trahie, puisqu’il s’agissait d’une transposition. Cela se produit d’ailleurs couramment à Hollywood sans que des cris d’orfraie ne soient poussées. Bienvenue chez les Chtis a été par exemple adapté dans le monde entier, de même que Les Infiltrés de Scorsese sont une adaptation dans le milieu irlandais de Boston de l’Infernal Affairs hongkongais narrant l’infiltration d’une triade par un policier.

    L’indignation marche à sens unique. L’appropriation culturelle ne peut être que celle de l’Occident copieur, voleur et manipulateur. Essayons pourtant, dans un contexte délirant et quasi psychiatrique, de distinguer les cas-types et de faire preuve d’honnêteté intellectuelle. Le premier cas est celui des films historiques et des grands mythes appartenant à des ensembles ethnoculturels bien déterminés. Pour ces cas, il n’y a pas de doute possible. Il serait totalement absurde et infondé de prendre des figurants Taïwanais pour un film sur la Guerre de Cent Ans ou bien encore des Italiens pour jouer des villageois dans un film sur le shogunat Tokugawa.
    C’est du bon sens. De la même façon, adapter un conte traditionnel africain ou la mythologie grecque sans les contextualiser fera courir le risque de l’anachronisme et de la perte de sens des récits en question. Des histoires bien réelles et de grands mythes sont pourtant régulièrement décontextualisés et truffés d’anachronismes sans que personne n’y trouve rien à redire : les légendes arthuriennes, l’Iliade (qui compte des personnages africains bien réels, tels que l’Ethiopien Memnon), Jules César et même des vikings dans certaines productions de la BBC.

    Le deuxième cas de figure est celui du conte universel. La belle et la bête ou les Fables de La Fontaine ont ainsi existé sous diverses latitudes et à différentes époques. Ces histoires peuvent faire l’objet de films avec des référents culturels variés sans que la cohérence et la pertinence de leur portée universelle ne soient mises à mal. Enfin, dernier cas, qui nous intéresse ici : les univers fantaisistes se déroulant dans un passé fictif. Ils sont de deux sortes : parodiques et ancrés dans un contexte réaliste. Le film Princess Bride, Kaamelott ou les aventures des Monty Python sont des parodies. Tout est permis dans ce cas.
    En revanche, l’univers du Sorceleur créé Andrzej Sapkowski ne rentre pas dans ces critères. Il est clairement inscrit dans la Pologne médiévale, comme cela est indiqué dans les romans et comme les jeux-vidéos le montraient. Pourquoi alors l’adaptation par Netflix montre-t-elle des acteurs de tous les horizons, au mépris de l’histoire ? Dès le premier épisode, les habitants d’une petite ville semblent avoir été choisis pour représenter un village Potemkine pensé par une sociologue à cheveux bleus de l’université Evergreen. Pas une ethnie ne manque : Asiatiques, Indiens, Africains ou encore Orientaux…

    C’est aussi absurde qu’artificiel. La volonté de la production d’injecter grossièrement des acteurs issus de la diversité pour coller aux standards Netflix saute aux yeux. Il s’agit de propagande grossière. On me rétorquera que The Witcher est un univers de fiction. Soit. Tout comme le Wakanda de Black Panther créé dans les années 1970 par un auteur de comic américain ou les contes de Kirikou… Ce qui choquerait dans ces cas ne dérange personne dans l’autre. Du reste, les aventures de Black Panther se déroule à notre époque. Le Wakanda doit avoir une politique migratoire sacrément efficace ! Les campagnes fictives polono-ukrainiennes de The Witcher ont plus d’immigration que les campagnes polono-ukrainiennes contemporaines ?

    Cette irruption permanente du faux travaille à raconter le monde tel qu’on voudrait qu’il soit et non tel qu’il est. Le but est que la fiction imprègne progressivement et sournoisement la réalité. Game of thrones avait un casting présentant des acteurs de divers horizons ethniques. Ce n’était pas choquant parce que l’histoire le permettait, présentant de grands ports marchands où se croisent des voyageurs du monde entier et des tribus inspirées des Mongols, des villes d’apparence orientales ou encore des Îles avec des populations africaines. Dans The Witcher, c’est simplement la volonté de Netflix de complaire à une minorité agissante et bruyante qui aura guidé le choix du casting et non la cohérence de l’œuvre. Emprunter cette voie appauvrira progressivement l’art, la culture et le cinéma.

    Gabriel Robin (L'Incorrect, 21 décembre 2019)

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  • Que faisons-nous encore au Sahel ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bernard Lugan, cueilli sur son blog et consacré à l'opération menée par l'armée française au Sahel. Historien et africaniste, Bernard Lugan a publié de nombreux ouvrages, dont  Osons dire la vérité à l'Afrique (Rocher, 2015), Histoire de l'Afrique du Nord (Rocher, 2016), Algérie - L'histoire à l'endroit (L'Afrique réelle, 2017), Heia Safari ! - Général von Lettow-Vorbeck (L'Afrique réelle, 2017), Atlas historique de l'Afrique (Rocher, 2018) et Les guerres du Sahel (L'Afrique réelle, 2019).

     

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    Que faisons-nous encore au Sahel où le changement de paradigme s’impose désormais ?

    Un sondage édifiant vient d’être publié au Mali : 82% des Maliens ont une opinion défavorable de la France, 77% pensent qu’elle n’y défend militairement que ses intérêts, 62,1% considèrent que Barkhane doit quitter immédiatement le Mali et 73% estiment que la France est complice des jihadistes…

    Ce sondage confirme l’ampleur du sentiment anti Français largement affirmé le 10 février 2019 à Bamako, quand, devant plusieurs dizaines de milliers de partisans, l’imam wahhabite Mahmoud Dicko déclara : « Pourquoi c’est la France qui dicte sa loi ici ? Cette France qui nous a colonisés et continue toujours de nous coloniser et de dicter tout ce que nous devons faire. Que la France mette fin à son ingérence dans notre pays ».

    Ce rejet de la France se retrouve également au Niger et au Burkina Faso où des manifestations quasi quotidiennes demandent le départ de l’armée française.

    Au moment où la France engage la fleur de sa jeunesse pour les défendre, les populations concernées demandent donc le retrait de Barkhane... En même temps, des dizaines de milliers de déserteurs maliens vivent en France où ils bénéficient des largesses « néocoloniales » d’un pays devenu masochiste…

    Dans ces conditions, puisque notre présence n’y est pas désirée, et qu’elle y est même rejetée, que faisons-nous encore au Sahel ? Allons-nous continuer à y exposer la vie de nos soldats alors que la région totalise moins de 0,25% du commerce extérieur de la France, que les 2900 tonnes d’uranium du Niger ne pèsent rien dans une production mondiale de 63 000 tonnes, et que l’or du Burkina Faso et du Mali est extrait par des sociétés canadiennes, australiennes et turques ?

    Les Maliens, les Nigériens et les Burkinabé ne veulent donc plus de la France ? Dont acte ! Les 10 milliards d’euros que nous leur donnons annuellement en cadeau gracieux, et en pure perte, vont donc pouvoir être mis au service des Français. Notamment dans les hôpitaux où 660 médecins menacent de démissionner si l’Etat ne renfloue pas les caisses, alors que moins de 3 milliards permettraient d’y régler définitivement tous les problèmes…

    Ceci étant, puisque, au Sahel, nous évoluons désormais en milieu hostile, pourquoi ne pas profiter de l’opportunité offerte par l’ingratitude de ses populations pour enfin changer de paradigme ?

    Jusque-là, portant avec constance, et même abnégation, le « fardeau de l’Homme blanc », nous y avons combattu pour empêcher le chaos régional. Aujourd’hui, une question iconoclaste doit être posée : et si nous partions en laissant se développer le chaos?

    Notre départ provoquerait certes une période d’anarchie, mais, à son terme, les contentieux régionaux mis entre parenthèse par la colonisation et aggravés par la démocratie auront été « purgés ». Pourrait ainsi naître l’indispensable réorganisation politique et territoriale qui, seule, pourrait régler la crise régionale en profondeur. Ce que refusent de faire les rentiers de l’indépendance, ces sédentaires qui ne sont au pouvoir que parce qu’ils sont électoralement plus nombreux que les nomades. Et cela parce que leurs femmes ont été plus fécondes que celles des pasteurs, lesquelles eurent la sagesse d’aligner leur développement démographique sur les possibilités offertes par le milieu. Ces mêmes sédentaires qui demandent aujourd’hui le départ de Barkhane, ne voyant pas que le nouvel ordre régional qui suivra ne se fera pas en leur faveur car les Touareg, les Maures et les Peul auront en effet vite fait de les remettre sous leur coupe… comme avant qu’ils en aient été libérés par l’ « odieuse » colonisation…

    Au lieu de continuer à chercher dans les jihadistes un « ennemi de confort », regardons plutôt la réalité en face.

    Au Sahel, nous ne sommes pas dans l’Indochine de 1953, avec la descente de divisions entières du Vietminh vers Hanoï. Ici, nous avons face à nous quelques centaines de combattants qui se meuvent dans un vivier de quelques milliers de trafiquants abritant leur « négoce » derrière l’étendard du Prophète. La frontière entre jihadistes « authentiques » et jihadistes « opportunistes » est donc plus que floue. Quant aux alliances de circonstance nouées entre les groupes, elles sont cloisonnées par d’énormes fossés ethno-raciaux empêchant l’engerbage.

    Placées à la confluence de l’islamisme, de la contrebande, des rivalités ethniques et des luttes pour le contrôle des ressources, Barkhane percute régulièrement les constantes et les dynamiques locales, bloquant ainsi toute possibilité de recomposition politique et territoriale.

    Notre départ permettrait donc la reprise de ce vaste mouvement des Maures, des Touareg et des Peul bloqué hier par la colonisation. Comme je ne cesse de le dire et de l’écrire depuis des années, et comme je l’explique dans mon livre Les Guerres du Sahel des origines à nos jours, les nomades guerriers touareg, maures ou peul, n’accepteront jamais que l’ethno-mathématique électorale les soumette au bon vouloir des agriculteurs sédentaires que leurs ancêtres razziaient. Or, depuis les indépendances, l’introduction de la démocratie a fait qu’étant électoralement les plus nombreux, les sédentaires sudistes ont voulu prendre une revanche historique.

    Seul notre départ et l’abandon de notre protection militaire leur fera - certes tragiquement -, comprendre qu’ils ne sont pas de taille à vouloir dicter leur loi à ceux qui, avant la colonisation libératrice, réduisaient leurs aïeux en esclavage.

    Ces problématiques régionales millénaires étant à la source des problèmes actuels, tout règlement de la crise sahélienne passe donc par leur prise en compte et non par leur négation.

    Une telle politique devrait impérativement passer par le recentrage de notre ligne de défense sur la Méditerranée. D’où un renforcement de nos capacités maritimes, ce qui ne devrait pas poser de problèmes financiers puisque les 10 milliards d’euros que nous donnons annuellement aux pays du Sahel représentent le coût de trois porte-avions.

    Cette politique serait ancrée sur un nouveau paradigme impliquant l’établissement de partenariats avec les pays de l’Afrique du Nord qui seraient les premiers à subir les vagues migratoires venues du sud. Dans ces conditions, la priorité serait de vider l’abcès libyen en aidant les forces du général Haftar à prendre le contrôle du pays.

    Bernard Lugan (Blog de Bernard Lugan, 15 décembre 2019)

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  • Michel Maffesoli : la « faillite des élites » ou bien plutôt « les tribus contre le peuple » ?...

    Nous proposons ci-dessous une critique serrée de l'essai de Michel Maffesoli et d'Hélène Strohl, La faillite des élites (Lexio, 2019) que nous a adressée Pierre Le Vigan. Urbaniste, collaborateur des revues Eléments, Krisis et Perspectives libres, Pierre Le Vigan a notamment publié Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Métamorphoses de la ville - De Romulus à Le Corbusier (La Barque d'Or, 2017), Achever le nihilisme (Sigest, 2019) et dernièrement, Le Grand Empêchement (Perspectives libres, 2019).

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    Michel Maffesoli : La « faillite des élites » ou bien plutôt « les tribus contre le peuple » ?

    Politologue et sociologue, Michel Maffesoli décrypte depuis des décennies les mouvements profonds de notre société. Ses livres ne laissent pas indifférent. La violence totalitaire, L’ombre de Dionysos, La contemplation du monde, Le temps des tribus (1988), … tous ont marqué une étape et un approfondissement de ses thèmes. Ses constats n’échappent pas à la subjectivité dans laquelle est pris tout sociologue. Les conclusions qu’il en tire sont elles-mêmes tributaires de ses jugements de valeur. Son dernier livre, la faillite des élites, devrait une fois de plus faire l’objet de polémique. Il le mérite. Exploration de ses thèmes, et analyse critique.

    Le thème principal de Michel Maffesoli est, depuis des années, le déclin de la modernité. C’est ce thème qu’il reprend avec Hélène Strohl dans La faillite des élites, sous-titré La puissance de l’idéal communautaire (Cerf, 2019). Le thème, c’est l’agonie de la modernité. C’en est fini de la démocratie parlementaire, du républicanisme civique, des syndicats, qui « se contentent de défendre des privilèges on ne peut plus dépassés » – privilèges qui, en passant, me paraissent une goutte d’eau par rapport aux privilèges des hommes du Capital, mais qui retiennent, sans originalité excessive, l’attention de Michel Maffesoli.

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  • Greta Thunberg, prophétesse de l’apocalypse et icône des médias...

    Nous reproduisons ci-dessous un article cueilli sur le site de l'Observatoire du journalisme et consacré au traitement journalistique béatement laudatif réservé par les médias à la jeune Greta Thunberg, qui vient d'ailleurs d’être désignée personnalité de l’année par le magazine Time.

     

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    Greta Thunberg, prophétesse de l’apocalypse et icône des médias

    La jeune militante suédoise contre le réchauffement climatique est un véritable phénomène médiatique. Alors qu’en mai 2018, sa notoriété ne dépassait pas sa classe d’école à l’occasion d’un concours d’écriture sur le climat, la voilà propulsée au rang d’icône internationale de la défense de la planète. Si Greta Thunberg vient d’être désignée personnalité de l’année par le magazine Time, bien peu de médias soulignent la démarche affairiste de son entourage et ses engagements politiques.

    Une ascension express

    Le succès de Greta Thunberg au concours d’écriture sur le climat organisé en mai 2018 par le quotidien suédois Svenska Dagbladet a marqué le début de la popularité de la jeune militante écologiste. Tout juste âgée de 15 ans, elle mène alors plusieurs actions successives, qui ne feront que gagner en médiatisation, jusqu’à en faire une icône internationale de la lutte contre le réchauffement climatique.

    Piquet de « grève » devant le parlement suédois, participation à la marche « Rise for climate » à Bruxelles, grève scolaire internationale le vendredi, prise de parole en décembre 2018 à la COP 24 au sommet des Nations unies, discours devant les parlementaires anglais et français, croisière transatlantique sur le voilier Maliza II, action juridique auprès du comité des droits de l’enfant de l’ONU contre plusieurs pays, etc.

    On ne compte plus les actions largement médiatisées de la jeune autiste suédoise. L’immense majorité des médias lui apporte non seulement un soutien sans réserve mais également contribue à accroitre sa notoriété, au point d’en faire une des personnalités les plus connues de la planète.

    Des médias conquis

    Les articles consacrés à Greta Thunberg (G.T.) sont parfois de simples récits factuels, et plus souvent des éloges sans réserve de ses actions et déclarations.

    Alors que Le Point dresse dans un article le portrait de l’égérie de la lutte contre le réchauffement climatique, L’Info durable retrace l’itinéraire de « la militante qui a bousculé les dirigeants du monde entier ». Si jeune et déjà des souvenirs, Les Inrocks s’émeuvent de « l’émouvante photo souvenir de la première action de G.T. ».

    D’autres articles évoquent son rôle « planétaire » :

    Sciences et avenir titre un article sur la « lanceuse de grève contre le réchauffement climatique» en mentionnant sa parenté avec un prix Nobel de chimie. « Elle a de qui tenir » en conclut le journal sans toutefois s’appesantir sur le bagage scientifique de l’adolescente.

    Pour Paris Match, la jeune Suédoise « mène la croisade des lycéens pour sauver leur avenir et notre planète ». Rien de moins.

    Le Temps reprend l’avertissement de l’adolescente : « Pour durer, il faudra changer ». Dans le même registre, BFMTV relaie le souhait de G.T. que « la société a atteint un tournant sur la question du climat ».

    Son côté « messianique » est parfois mis en avant : Slate essaie d’analyser comment elle a « réussi à capter notre attention sur le climat ». Le Monde estime que G.T. « oblige les dirigeants à sortir d’un unanimisme de façade ».

    Alors qu’elle était pressentie pour …le prix Nobel de la paix en cet automne 2019, nous informe le Parisien, distinction qu’elle n’aura finalement pas, La Dépêche nous apprend, comme d’autres titres, que GT a été élue personnalité de l’année par l’hebdomadaire américain Time en ce mois de décembre.

    Au-delà d’une adolescente militante, c’est donc une visionnaire que décrivent de nombreux médias. La jeune autiste post pubère entre en résonance avec une inquiétude largement partagée sur le réchauffement climatique. Alors qu’elle n’a aucun mandat de quiconque, de nombreux titres de presse soulignent que G.T. parle d’égal à égal avec des chefs de l’État et des parlementaires.

    Alors qu’elle ne peut se prévaloir d’aucune culture scientifique, elle devient le « médium » des chercheurs prédisant un réchauffement climatique aux effets considérables.

    Une popularité qui ne peut être contrariée

    De rares journalistes ont voulu en savoir plus sur la jeune suédoise. Le site d’information Reporterre, que l’on ne peut pas suspecter d’être opposé à la cause écologiste, a consacré un article assez fouillé en début d’année 2019 à la jeune Suédoise. Il en ressort que l’ascension fulgurante de la popularité de G.T. est tout sauf le fruit du hasard. « Tout a été finalement programmé pour transformer la jeune Suédoise en héroïne internationale ». L’article évoque notamment ses liens avec un think tank suédois qui fustige les « nationalismes » en Europe.

    Libération mentionne en mars 2019 le fait que « la militante écolo Greta Thunberg (a été) récupérée par un pro du greenwashing », cette technique de « verdissement » de pratiques strictement capitalistes.

    Les premières réserves sur la démarche de l’adolescente vont rapidement susciter un tir défensif de nombreux médias. L’extrême droite serait-elle en embuscade ? Plusieurs médias en sont certains.

    Le site d’analyse critique des médias Acrimed, que l’on a connu plus inspiré, estime que « les chiens de garde (lire les esprits critiques) sont lâchés ». 20 Minutes s’interroge : « Pourquoi G.T. suscite-t-elle tant d’hostilité ? ». L’Obs ne se pose pas de questions : G.T. « est critiquée parce qu’elle remet en cause l’ordre social dominant ». Le Monde n’est pas en reste dans la défense de l’adolescente : elle est « attaquée à tort sur le nucléaire ». Libération essaie de démonter les différents reproches qu’on lui fait « qui visent à relativiser le message qu’elle porte ». Sur le site Médiapart, on ne s’embarrasse pas de nuances : « les fascistes (sont) contre Greta Thunberg ». On ne critique pas impunément l’égérie de la lutte contre le réchauffement climatique.

    Un tableau « presque » parfait

    Si les liens de G.T. avec des entrepreneurs avisés commencent à être connus, son accusation outrancière aux Nations Unies à New York en septembre 2019 est un autre motif de polémique. Comme le relate The Guardian, le 24 septembre, elle lance au parterre d’adultes en face d’elle : « Comment avez-vous osé ? Vous avez volé mes rêves ». Son visage crispé par le ressentiment a été reproduit dans de rares articles. Pourtant, selon J. Isabelleo sur le Huffpost, il s’agit de « propos dignes de Martin Luther King ». Cette « soufflante » aux leaders mondiaux selon Le Figaro n’est pourtant pas le seul élément qui aurait pu être un motif de réserve vis-à-vis de la démarche de la jeune fille.

    Un bilan carbone déplorable

    Alors qu’elle critique l’énergie nucléaire faiblement émissive de CO2, la jeune militante se targue d’utiliser des moyens de transport « propres ». Plusieurs médias dont BFMTV ont souligné que son voyage vers les États-Unis à bord d’un voilier en septembre avait nécessité le déplacement en avion de plusieurs membres de l’équipage, ce qui a occasionné un bilan carbone très supérieur qu’aurait été celui du seul déplacement de la jeune suédoise en avion. Un détail de mise en scène sans doute.

    Greta Thunberg, icône des antifas ?

    Plus rares sont les médias à s’interroger sur ses affinités politiques. Un article paru dans Agoravox nous informe que G.T. arbore sur une photo dans un tweet qu’elle a publié, puis supprimé, en juillet 2019, un T shirt « antifa », à côté d’un membre d’un groupe de rock proche de cette mouvance.

    « Greta Thunberg. a donc sciemment fait la promotion des antifas, ces groupuscules d’extrême gauche qui n’hésitent pas à s’inviter à toutes sortes de manifestations pour y saccager des biens publics ».

    L’engagement politique de G.T. s’est encore exprimé récemment dans une tribune collective parue sur le site Project syndicate dans laquelle une explication pour le moins surprenante de la crise climatique est donnée :

    « C’est une crise des droits humains, de la justice et de la volonté politique. Les systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcaux l’ont créée et alimentée. Nous devons les démanteler. Nos dirigeants politiques ne peuvent plus fuir leurs responsabilités ».

    On ne peut s’empêcher de subodorer que certains journalistes commencent à être gênés aux entournures d’avoir donné une telle notoriété à l’adolescente… sauf ceux qui s’en réjouissent ou font sciemment chambre d’écho.

    Une adolescente manipulée

    Peu de médias donnent une grille de lecture différente du militantisme de G.T. Parmi ceux-ci, un journaliste du mensuel Causeur a tenté de l’interviewer. Ses travaux d’« approche » l’amènent à constater : « Je me suis trouvé face à une petite fille éteinte, sans passion, manipulée par des gens inquiétants, enfant sous terreur ». Une conviction qui est partagée par Laurent Alexandre dans un article du Figaro du 18 mars : « Greta Thunberg est instrumentalisée par des militants extrémistes ».

    On se trouve donc face à un faisceau d’indices concordants qui nous mènent loin de la seule lutte désintéressée et apolitique contre le réchauffement climatique. La journaliste Sophie Coignard affirmait lors d’un débat sur LCI le 12 décembre au sujet de l’action de G.T. que celle-ci a gagné en popularité grâce à un concours …de circonstances, en entrant en résonance avec une inquiétude de l’époque.

    Si G.T. a été là au bon moment, d’autres éléments nous amènent à constater que son ascension a été méthodiquement organisée par son entourage et complaisamment relayée par les médias de grand chemin. La notoriété qu’elle a acquise lui a donné une tribune à résonance mondiale qu’elle utilise désormais pour répandre dans les médias un discours apocalyptique et de plus en plus culpabilisant et flagellateur. Une posture qui finira peut-être tout simplement par la décrédibiliser, sauf si les médias dominants y veillent.

    Observatoire du journalisme (OJIM, 16 décembre 2019)

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