Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Points de vue - Page 126

  • Festivus Coronafestivus, Philippe Muray à mon balcon...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bousquet, cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré à l'idéologie du "care" et à son impératif de sollicitude. Journaliste et essayiste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a notamment publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017) et Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2019).

     

    Coronavirus_Applaudissements.jpg

     

    Biopolitique du coronavirus (8). Festivus Coronafestivus, Philippe Muray à mon balcon

    Tous les soirs un peu avant 20 heures, j’ai l’impression que Philippe Muray frappe à ma porte, un cigarillo coincé entre les dents, avec sa dégaine inimitable de misanthrope contrarié et de gourmand renfrogné. Il me glisse quelques mots, puis s’en retourne faire des ronds de fumée dans les nuages. Jusqu’au lendemain soir.

    – Hé Bousquet !

    – Quoi ?

    – Surtout, ne l’ouvre pas ! Ni ta fenêtre ni ta gueule ! Boucle-la et boucle-toi ! Chut ! À 20 heures, c’est leur minute de tintamarre, c’est ta minute de silence. Leur minute d’indécence, ta minute de jouissance. La décence te sera peut-être offerte en supplément. L’innocence, elle, est perdue depuis toujours, foi de Muray !

    Sacré bonhomme. « Cigars, whisky et no sport ! » La formule ne lui a pas réussi aussi bien qu’à Churchill, mais lui combattait un ténia bien plus téméraire : la métaconnerie – Homo festivus, pour ne pas le citer. Sans Muray, Homo festivus n’aurait été qu’un con de plus dans la longue histoire de la connerie. Il l’a accouché du néant dont il procède et où il retournera. Le mariage du Bien et du Rien, c’est lui. Les rebelles qui bêlent leur désir panurgique de Fêêête et de paillettes, c’est lui. Les « mutins de Panurge », ricanait-il. Le « nous » des gnous. Ils sont de retour. En masse. En messe même.

    Une machine à clics

    20 heures. L’heure fatidique. Celle à laquelle Panurge apparaît pontificalement à son balcon pour sa bénédiction quotidienne urbi et orbi, qu’il adresse aux soignants du monde entier. Spectacle extraordinaire. On a l’impression d’assister à la sortie troglodytique de tous les confinés du monde, arrachés des cavernes où ils végètent. Dans les rues désertes, les façades se couvrent d’émoticônes radieuses accrochées aux fenêtres, des rangées d’émoticônes, toute la gamme de sourires, des plus tartes aux plus cornichons. #OnApplaudit, #TousAlaFenêtre. Depuis qu’il a découvert les hashtags, Homo festivus est devenu une machine à clics. Serial cliqueur, c’est l’homme qui clique plus vite que son ombre. Cliquer donne un sens à sa vie. Des clics et des claques en somme.

    Mais cette fois-ci, c’est… comment dire… c’est juste…

    – Oui, c’est quoi au juste ? Dis-le nous s’il te plaît, Festivus ?

    – C’est juste mieux, c’est juste hé-naur-me, ouah, juste, comment dire, juste plus tout.

    Les seuls événements planétaires que Festivus connaissait jusqu’ici, c’étaient de vulgaires Coupes du monde, des Jeux olympiques truqués par le CIO et les hormones de croissance, des concerts plus arthritiques qu’électriques de papys rockers à bout de souffle qui affichent tous au moins 350 000 km au compteur, maintenant il y a des virus, des morts par milliers, des villes fantômes, des couvre-feux partout, la guerre invisible. La Terre retient son souffle. Il suffit d’un postillon, hein ! C’est l’effet postillon : un postillon à Wuhan peut déclencher une pandémie à Paris. Putain, même Nicolas Hulot ne l’avait pas prévu ! Cela vaut bien un tonnerre d’applaudissements tous les soirs.

    Comme Festivus festivus ne peut plus faire du patin à roulettes, il roule des patins à la terre entière. Love, love, kiss. Finie la Gay Pride, remisée la Techno Parade, en hibernation Nuit blanche, enterrée la Fête des voisins. Quant à la Fête de la musique, seul sur son canapé, non, non, c’est presque aussi sinistre qu’un concert de Julien Doré. Alors, à 20 heures, Festivus festivus remixe tout ça. Il tient sa fête, la Clapping Pride. Retiens ce nom. Il ne le lâchera pas de sitôt. Pride – sa fierté, celle emphatique du « señorito satisfecho », le petit homoncule bouffi de lui-même décrit par Ortega y Gasset, qui perçait déjà dans les ronronnements de plaisir de Joseph Prudhomme. Avec l’écriture inclusive, Monsieur Prudhomme a perdu son patronyme offensant – il est maintenant indifféremment la dame et le monsieur. Ce qui a survécu, c’est son contentement, celui de tous les pharisiens, les néo, les paléo, les trans, les hyperfestifs, qu’importe.

    Le carnaval des masques

    On n’a encore rien vu. Pour le moment, Festivus festivus ne sort qu’à sa fenêtre. Il attend le 11 mai pour enfiler son masque. Ce sera pour lui comme le grand retour du carnaval. Des masques pour tous. Tout le monde sera voilé, pas seulement les femmes. Enfin la parité, des masques unisexes, le voile hygiénique pour tous ! Il y en aura de toutes les couleurs, même arc-en-ciel. Le plus beau entre tous sera celui qu’Anne Hidalgo fera installer sur la façade de l’Hôtel de Ville : il sera immense. On ne sait pas encore s’il ressemblera à un préservatif XXL ou à un plug viral. Impossible de trancher à ce stade. Il y aura écrit en lettres géantes arc-en-ciel : « Couvrez-vous ! » Le citoyennisme d’Homo festivus s’en trouvera rasséréné. Quand il enfilera chaque matin son masque, il aura la sensation d’enfiler un préservatif. Plus déterminé que jamais, il luttera contre le Covid et contre le Sida. Il exultera. Arrière, les gestes barrières ! La distanciation spatiale ne renverra pas à cette philosophie moisie du repli sur soi qu’est la distanciation sociale. La trottinette ignore la distanciation. Elle lui permettra d’échapper à l’enfer programmé des transports en commun, mais pas à son amour du genre urbain. Il glissera de nouveau sur la chaussée, la street sera à lui. Il reprendra sa vie d’intermittent de la société du spectacle. Cet été, il ira à la mer, à Paris Plages, où il fera de la trottinette à voile et ses exercices de yoga. Il se dira que, oui, décidément, Bertrand Delanoë a quand même été un sacré visionnaire qui avait tout prévu, jusqu’au confinement estival des Parisiens, même si nul n’est prophète en sa ville. Et il l’applaudira.

    Clap, clap, clap

    Cette déferlante d’applaudissements avait pourtant bien commencé, en Italie, où se perpétue encore, entre un scandale de Silvio Berlusconi et une blague de Beppe Grillo, l’antique sociabilité populaire, où la communication s’établit d’une fenêtre à l’autre, d’un étage à l’autre, d’une corde à linge à l’autre, où tout circule jusqu’aux odeurs de cuisine, jusqu’aux airs d’opéra, où les mamma donnent des nouvelles du bambino comme s’il était déjà chef d’orchestre à l’opéra de Naples ou capitaine de la Squadra azzurra, tout en pestant contre l’indolence de leurs maris. Les palabres, les cris, les applaudissements, tout cela appartient en propre à la commensalité sudiste qui transforme le voisinage en théâtre de l’intimité. Et même à l’occasion en espace politique, au lieu d’être cet espace impolitique du consentement et du contentement, comme jadis au théâtre les balcons d’où fusaient les quolibets et les sifflets.

    Mais voilà, il faut désormais compter avec les réseaux sociaux, virus dans le virus, pandémie dans la pandémie, qui enjambent les fuseaux horaires et démultiplient la contagiosité des applaudissements. Savez-vous que la courbe d’intensité des applaudissements correspond à celle des virus ? Il y a quelques années des chercheurs suédois s’étaient amusés à les comparer, elles se confondent trait pour trait. Il y aurait une physiologie balzacienne de l’applaudissement à écrire. De quoi serait-elle l’expression ? D’une autocélébration collective ? D’un pic de narcissisme mesuré à l’applaudimètre ? Les applaudissements ont gagné leurs galons scientifiques, ils font partie de l’arsenal du management positif et de la panoplie de la psychologie elle aussi positive, quand bien même ils n’ont pas de vertu performative. On ne sache pas à ce jour qu’ils fabriquent des lits d’hôpital, des masques ou des tests.

    For me, formidable

    La génération selfie n’applaudit pas seulement pour féliciter, ce serait trop beau, mais pour s’encourager, se féliciter, s’autocongratuler. Ce qui la résume, c’est la bande-son de ce film publicitaire pour je ne sais quelle banque : « Vous êtes formidables, nous sommes formidables, tu es formidable », le tout rythmé par la chanson d’Aznavour « For me, formidable ». Comme si la vie requerrait désormais un tel niveau d’héroïsme qu’on ne saurait plus la concevoir autrement qu’à travers des superlatifs, des encouragements, des  applaudissements. Ils fonctionnent en boucle dans leur itération indéfinie. Les infirmières applaudissent les aides-soignantes qui applaudissent les brancardiers qui applaudissent les ambulanciers qui applaudissent les malades qui applaudissent les soignants. Et on recommence.

    C’est le « Valete et plaudite », le « Portez-vous bien et applaudissez » des spectacles de la Rome impériale. Pas un courriel sans qu’une assistante d’on ne sait trop quoi vous le ressorte, au latin près, en guise de formule de politesse. Serions-nous entrés dans la civilisation de l’applaudissement, l’applaudissement comme espéranto du confinement ? Étonnante prescience des génies : en 1786, Goethe écrivait à Charlotte von Stein, qu’il courtisait passionnément : « Notre monde qui devient un énorme hôpital, chacun de nous devenu l’infirmier de l’autre. » Goethe, c’était quand même autre chose que Jean d’Ormesson, hein !

    Le RER à 6 heures du soir

    Les soixante-huitards traçaient sur les murs leur programme, qui consistait pour l’essentiel à faire tomber les murs. « Bannissons les applaudissements, le spectacle est partout », proclamait un de leurs slogans. Lourde erreur d’appréciation. Il y a une loi théâtrale que les auteurs d’avant-garde du XXe siècle, d’Antonin Artaud au Living Theatre, ont voulu abolir, c’est la scène, la médiation de la scène, au prétexte que la scène serait partout, dans la salle, dans la rue. Mais si la scène est partout, elle n’est nulle part ; et si la scène n’est nulle part, c’est que l’obscène, son antonyme, est partout. C’était le risque.

    On ne sait pas trop où ce style « happy-clappy » a vu le jour, ni comment il s’est diffusé. Aux États-Unis sans nul doute. Peut-être dans les assemblées applaudissantes des évangéliques et autres pentecôtistes. Il y aurait alors comme une sorte de retournement facétieux de l’histoire. Ces rassemblements d’allumés du septième jour n’ont-ils pas été les foyers de diffusion du Covid-19 en France et en Corée du Sud ? La proximité s’y transforme tout de suite en promiscuité. Regardez des vidéos de culte qui circulent sur Internet, elles devraient toutes être cultes. Sociologiquement, ce n’est pas le métro à 6 heures du soir, comme disait Malraux, c’est le RER et les trains de banlieue. Quel que soit l’âge, on saute pour Jésus, on se trémousse pour Jésus, on s’étreint pour Jésus. C’est la rencontre de Walt Disney, du Sermon sur la montagne et des thérapies de groupe. La descente de l’Esprit Saint dans les corps convulsés donne lieu à des effusions de joie indescriptibles, à des scènes de pleurs diluviennes, à des tremblements parkinsoniens, même pas forcés, quand bien même tout ça donne l’impression de sortir d’une émission de Patrick Sabatier. Les pom-pom girls servent de modèles néosulpiciens pour des madones stylisées sur des vitraux en plexiglass dans le plus pur style de Las Vegas, assez éloigné de l’original on en conviendra. Au milieu, un pasteur en bermuda. On ne sait pas trop ce qu’il fait dans la vie courante : représentant en pâtes alimentaires ou gérant de fast-food ? Gérant de fast-food apparemment puisqu’au moment de célébrer l’eucharistie, il tend des pop-corn aux fidèles et dit : Ceci est mon corps. Puis du Coca-Cola : Ceci est mon sang. On comprend alors que la bataille culturelle n’est pas gagnée, sacré nom.

    Pourquoi des rites ?

    Une société sans rites collectifs les recrée spontanément, sauvagement, clownesquement, toujours sous un mode parodique ou infantile. Les marches blanches pour la pédophilie, les empilements de fleurs pour le décès des « people », les bougies pour les attentats, les câlins, les étreintes. Appelons ce processus la schtroumpfisation du monde qui donne lieu à une orgie planétaire de pelucherie et de nunucherie. On dessine des cœurs à gros traits de feutre fluo, on met des petits ronds sur les « i » de Lady Diana et de Michael Jackson, on scotche des photos du défunt, on multiplie les lieux de mémoire éphémères parce qu’on sait la mémoire de ce monde éphémère, soumise elle aussi à la dure loi de l’obsolescence programmée.

    L’effacement des rites funéraires marquerait-il le début de la fin ? Tout n’a-t-il pas commencé par là, quand nos lointains ancêtres ont parachevé le processus d’hominisation en créant les premiers rites de la mort ? C’est la découverte de leurs sépultures qui a fait dire aux anthropologues, aux prêtres et aux poètes : Ecce homo, voici l’homme.

    Quelle est la fonction des rites ? Prendre en charge les émotions collectives pour les inscrire dans un cadre qui fonctionne à l’instar de la catharsis théâtrale selon Aristote. Ces dispositifs, pour recourir à un langage caractéristique de la déconstruction, ont été institutionnellement et intentionnellement démantelés, étant perçus comme par trop archaïques, trop codifiés, trop asphyxiants, pas assez « authentiques ». Or sans eux, l’homme est nu face à l’énigme du destin. Que reste-t-il alors ? Norbert Elias expliquait le processus de civilisation par le travail des mœurs sur elles-mêmes, elles s’autoproduisent, s’épurant sans cesse, s’affinant, se complexifiant. Peut-être nous faudra-t-il envisager le processus de dé-civilisation en cours comme le travail des mœurs contre elles-mêmes.

    La sollicitude nous tue

    Comment comprendre tout ce pathos autour de la vulnérabilité et ce nouvel impératif de sollicitude, qui est au cœur de l’idéologie du « care » ? Il ne s’agit pas de nier la vulnérabilité et la sollicitude, mais de rappeler qu’elles n’ont jamais rien fondé de solide, de durable, de pérenne. « Il est possible de traverser une rivière sur une poutre mais pas sur un copeau », fait dire Dostoïevski à Stavroguine dans Les Démons. Sans cela, on s’y ensable, même ce démon princier et rimbaldien de Nicolaï Stavroguine. Oui, l’homme est vulnérable, mais il est loin de n’être que cela. La vulnérabilité en soi et pour soi n’appartient qu’à la petite enfance et à la grande vieillesse – pas à l’homme mûr, dans la force de l’âge. Dès lors quel besoin de l’élargir à l’ensemble du corps social, sauf à prendre le risque de lui briser les reins. La vulnérabilité ne peut fournir le cadre d’une philosophie générale de la vie. Il faut la laisser à Emmanuel Levinas, à Cynthia Fleury, à cet humanisme mou et caramélisé qu’on a panthéonisé. Leur philosophie, c’est du pathos à tartiner. Pas la nôtre. À moins bien sûr d’engager notre civilisation dans la voie sans issue d’une philosophie du burn-out et d’un burn-out philosophique, en tant que syndrome d’épuisement intellectuel et spirituel.

    Si on veut livrer à l’examen critique, clinique même, cette empathie universelle, ces remerciements humides, ces applaudissements incessants, ces pleurs, cette responsabilité pour autrui, il faut se tourner vers l’éthique de la sollicitude, le « care » donc. On aurait pu voir d’un bon œil l’apparition de cette éthique portée sur les fonts baptismaux par le féminisme américain parce qu’en instaurant des domaines réservés à chaque sexe, elle postule qu’il y a une essence masculine et une essence féminine. L’éthique de la sollicitude répondrait à un souci féminin légitime : introduire dans la philosophie morale une vision féminine très largement absente. Il s’en dégage que l’approche morale des femmes serait différente de celle des hommes, plus émotionnelle que rationnelle, plus empathique, plus sensible à la souffrance et aux enjeux de la vulnérabilité – en un mot, plus humaine. Elle procéderait d’une approche empirique plutôt que conceptuelle, concrète, pas abstraite, guidée par une éthique du soin. Pourquoi pas ! Mais cette philosophie ne saurait être qu’une condition nécessaire, loin, très loin d’être suffisante, à la production du social. Si jamais on devait la généraliser, elle ferait de nous les acteurs passifs de notre vie, potentiellement des victimes. Une telle vision des choses ne peut à elle seule organiser les comportements sociaux, seulement les pacifier – c’est déjà beaucoup –, pas les animer, les stimuler, les renforcer.

    Attention Babtou fragile !

    On est arrivé à un tel degré de confusion des sexes, de troubles dans l’identité, de mélange des genres, qu’on en est venu à oublier le cœur générique, peut-être même génétique, de l’altérité humaine : l’homme et la femme. Vue depuis Mars guerrier, Vénus ressemble à une exoplanète peuplée de créatures douces, délicates et vaguement extra-terrestres – les femmes – que les Martiens chérissent certes, mais à qui ils n’ont aucune envie de ressembler. On ne peut pas demander à ces derniers de faire des choses qui leur répugnent instinctivement. Un homme normalement et moralement constitué ne peut éprouver qu’une immense gêne face au torrent de sollicitude que la société victimaire, chrétienne, postchétienne, déverse sur lui. Elle ne lui est pas familière. La sollicitude d’un homme est toujours embarrassée, elle n’a pas chez lui l’élan spontané qu’elle peut avoir chez les femmes, elle est bridée, maladroite, branchée sur courant alternatif, entravée par des codes culturels si on veut, alors que l’élan est plus naturel chez les femmes. Nous, on effleure plus qu’on étreint, on désire plus qu’on aime et on aime plus qu’on aide. C’est ainsi.

    Un homme ne peut pas se satisfaire de ce caramel mou, ou alors c’est un mongolien comme ce journaliste belge célébré par les médias centraux au lendemain des attentats de Bruxelles, en 2016, pour avoir écrit qu’il refusait de se « battre avec autre chose que des mots, des craies et des câlins ». Pauvre con, tu as bien mérité ton surnom de tarte à la crème et de Babtou fragile !

    Nous n’avons aucune envie d’être perçus comme des victimes. Rien de plus humiliant pour nous. Ce sont les formules d’Aristote sur la virilité, sobre pas tapageuse, dans l’Éthique à Nicomaque qui nous définissent le mieux, pas cette éthique dévoyée, envahissante, écœurante à la longue, de la sollicitude réservée, selon les mots mêmes du Stagirite, aux « femmelettes » et aux « hommes qui leur ressemblent ». Plus puissantes encore, ces lignes extraites de Balzac : « Le sentiment que l’homme supporte le plus difficilement est la pitié, surtout quand il la mérite. La haine est un tonique, elle fait vivre, elle inspire la vengeance ; mais la pitié tue, elle affaiblit encore notre faiblesse. C’est le mal devenu patelin, c’est le mépris dans la tendresse ou la tendresse dans l’offense. »

    Une hypersensibilité à la douleur

    Dans un chapitre essentiel des Huit péchés capitaux de notre civilisation (1973), le grand zoologiste et prix Nobel Konrad Lorenz pointait un danger mortel, parmi tous les périls qui nous menacent : la pharmacologie moderne. Pourquoi elle en particulier ; et pourquoi singulièrement aujourd’hui ? Parce qu’elle nous prive à un degré jusque-là inconnu de l’expérience de la douleur, phénomène sans précédent dans la longue durée de l’évolution. Celle-ci s’est accomplie à travers un double mouvement de plaisir et déplaisir. Par exemple, c’est la promesse d’une récompense (s’emparer d’une proie) qui poussait nos ancêtres chasseurs-cueilleurs à se livrer à de longues et harassantes traques, à se dépasser, à accepter des situations contraignantes qui éprouvaient leur capacité d’endurance et leur aptitude à souffrir. Jamais ils n’auraient consenti à ces sacrifices s’ils n’avaient débouché sur une récompense ou du moins sur sa promesse. Pour Lorentz, cette économie du plaisir et du déplaisir est la formule gagnante de l’évolution. Or, c’est cet équilibre que la société de consommation a brisé en asséchant les sources de déplaisir. Elle a développé en nous une hypersensibilité à la douleur, une aversion au risque, une intolérance à l’effort prolongé. Qu’est-ce qui endurcira les hommes s’ils ne sont plus disposés à rien sacrifier qui vienne troubler leur confort et la jouissance immédiate des biens à leur disposition ? L’humiliation ? Qui sait ?

    François Bousquet (Eléments, 4 mai 2020)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • La mobilité comme liberté de bouger ou l’autonomie comme vraie liberté ?...

    Nous reproduisons c-dessous un point de vue de Pierre Le Vigan, cueilli sur le site du Cercle Aristote et consacré à l'autonomie comme liberté supérieure. Urbaniste, collaborateur des revues Eléments, Krisis et Perspectives libres, Pierre Le Vigan a notamment publié Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Écrire contre la modernité (La Barque d'Or, 2012), Soudain la postmodernité (La Barque d'or, 2015) et dernièrement Achever le nihilisme (Sigest, 2019).

    Fête paysanne.jpg

    La mobilité comme liberté de bouger ou l’autonomie comme vraie liberté

    Nous sommes, en ce moment de confinement, privés de mobilité. Mais si la mobilité est une liberté, elle n’est pas toute la liberté. Il y a une liberté supérieure, qui implique de pouvoir être mobile, mais de pouvoir choisir aussi d’être immobile. Cette liberté supérieure, c’est l’autonomie. Et au-delà de la liberté de circuler, dont nous ne pouvons être durablement privés, la grande question qui se pose est celle de reconquérir une liberté comme autonomie, perdue depuis la révolution industrielle et les sociétés de masse.

    Dés le XIXe siècle, les inconvénients des sociétés de masse avaient été relevés par Tocqueville, puis par Nietzsche : instinct grégaire, perte du sens de l’initiative et de la responsabilité, Le paradoxe de la situation actuelle est que le confinement de masse fait suite à la mobilisation de masse. Le contraste est fort entre l’incitation à la mobilité, il y a encore deux mois (« Bougez-vous »), et l’assignation à résidence, à 1 km maximum de son domicile (« Restez chez vous »). Et pourtant, une question se pose : et si la logique était la même ? Sachant que ce sont en tout cas les mêmes qui nous reprochaient « de ne pas traverser la rue pour trouver un travail » qui nous demandent maintenant de ne pas traverser la rue, sauf pour des courses de première nécessité. Jusqu’à la mi-mars, la mobilité était louée, elle était au service de la mobilisation de toutes les énergies au service de l’économie. Nous devons maintenant nous croiser le moins possible, ce qui, dans sa forme extrême, donne l’injonction « Restez chez vous », la distanciation sociale étant rabattue sur l’enfermement chez soi. Nous nous apercevons alors que presque rien n’est possible sans déplacement. Et nous prenons la mesure de notre vulnérabilité. Dans la France périphérique, celle des campagnes, mais aussi celles des grandes banlieues, où les petits commerces ont disparus, il faut faire des km pour rejoindre le supermarché. Un peu partout, pour voir ses amis, et sa famille, il faudrait faire un trajet excédant les limites autorisées. La mobilité perdue fait partie de nos libertés. Mais en a-t-il toujours été ainsi ?

    A partir du moment où les hommes se sont sédentarisés, ils n’ont pu échapper à l’impôt, ni aux pouvoirs, royaux et féodaux. Mais une société de sédentaires est une société d’inégaux. Cela limite le pouvoir du souverain, car le souverain veut l’homogène, plus facile à contrôler, et rencontre l’hétérogène, plus insaisissable. Quant à l’ancrage de chacun dans sa terre, propriétaire ou aspirant à le devenir, il freine les possibilités de mobilisation par le souverain. Allez mobiliser des paysans en période de moisson ! Même Napoléon n’a pas trouvé à cela des solutions satisfaisantes. Le paysan n’aime pas être longtemps loin de chez lui. La terre donne une inertie. Et l’inertie limite le pouvoir. A partir du moment où le monde immobile de la terre s’est mis en mouvement, sous les coups de butoirs de la révolution industrielle, les choses ont changées. Première mobilité, l’exode rural a commencé quand le paysan n’a plus pu vivre de sa terre. Et avec l’industrie arriva la démocratie. Du moins le principe premier de toute démocratie : l’idée d’égalité des hommes qui les fait, à part égale, des citoyens. Chacun est alors légitime à participer à la vie politique, quelle que soit sa situation et sa position sociale.

    A partir de là, tout le monde peut désirer ce qu’a tout le monde. C’est même un moteur – la jalousie – dont le capitalisme a besoin. L’envie remplace le besoin (Franck Fischbach), l’envie étant plus flexible et plus souple que le besoin, et même que le simple désir, encore ancré dans le réel. Le besoin tend à se limiter désormais à un seul domaine, les rapports du capitalisme et de la terre, car le capitalisme a un besoin objectif d’un certain nombre de matières premières nécessaires à la production d’énergie, et se heurte à des limites objectives, la terre offrant des ressources non infiniment renouvelables.

    Mais, entre le capitalisme et les hommes, ce qui prédomine, ce sont désormais les valeurs mobilières (capitaux, placements…). La société industrielle devient à la fois de plus en plus mobile et de plus en plus marchande. Mais cette mobilité n’est plus le nomadisme des sociétés sans Etats étudiées par Pierre Clastres. Ce nomadisme connaissait des souverainetés éphémères, militaires, fragiles. La mobilité moderne est une mobilité sous contrôle. Elle l’est avec les permis de voyager que devaient porter sur eux les ouvriers du XIXe siècle (le « livret ouvrier »). Chacun est sous tutelle, et dépendant du système de l’argent : banques, crédit, assurances, centrales d’achat pour grandes surfaces, … .

    Dans ce système où chacun dépend d’une grande machine étatique et marchande lointaine, la liberté de mobilité n’est en rien une liberté comme autonomie. Cette liberté comme autonomie, c’est celle dont disposait le paysan dans une économie localisée, peu monétarisée. La liberté comme mobilité est en fait la liberté de devoir être mobile, de devoir être flexible, de devoir être adaptable, et interchangeable. C’est Spinoza interprété au premier degré : « La liberté, c’est l’intellection de la nécessité ».

    Confinés, nous voyons que l’on demande d’être encore plus flexible (le télétravail n’a plus d’heure et déborde sur toute la vie), de nous passer plus encore des services publics (réduits au minimum), de nous auto-contrôler plus encore (en nous délivrant à nous-mêmes des autorisations de sortie dérogatoire). La numérisation de tout le vivant et le traçage de tous à tout moment ont fait un grand pas, légitimés par la « santé », réduite au Covid-19, tandis que se multiplie les dégâts collatéraux (chômage, dépressions, violences, …) dus à la gestion de la crise sanitaire. A l’occasion du confinement, le gouvernement, faisant sortir notre pays de la démocratie parlementaire, multiplie les ordonnances, notamment sur le travail, et en profite pour affaiblir les protections sociales. Au même moment, les délais pour décider d’avorter sont encore allongés, après la suppression du délai de réflexion en 2015, et de la notification des droits de la femme enceinte, le ministre Olivier Véran s’étant inquiété, suite au confinement, de la baisse du nombre d’avortements : « Il y a une réduction inquiétante du recours à l’IVG », Public Sénat, 1er avril 2020, formulation pour le moins choquante, loin de l’esprit initial de la loi de Simone Veil. On voit par-là que le confinement n’empêche pas la marche du monde libéral de se poursuivre, et même de forcer l’allure. Toujours plus de mobilisation, toujours plus de « c’est mon choix », toujours plus d’individualisme.

    Pas plus en confinement qu’auparavant, l’économie n’est mise au service du bien commun. Le pouvoir de l’argent, et la jouissance malsaine de la transparence, de vouloir tout savoir sur tous, et de vouloir tout contrôler se sont réunis. Ils ont étendu leur emprise de la sphère économique à l’ensemble de la vie. Biopouvoir : le voilà. Si le confinement permettait à chacun de comprendre qu’il va nous falloir, collectivement, reprendre le pouvoir sur nos vies, il n’aura pas été totalement inutile.

    Pierre Le Vigan (Cercle Aristote, 1er mai 2020)

     

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Le feu qui couve sous le couvre-feu...

    Le confinement vire à la réclusion forcée. Rompons-la avec la rédaction d’Éléments. Retrouvez ses rédacteurs à l’occasion de leur rendez-vous hebdomadaire sur TV Libertés. François Bousquet et les « métiers de merde » à l’épreuve de la crise. Christophe A. Maxime et l’incroyable beauté de Paris sans âmes qui vivent. Nicolas Gauthier et les bons plans du confinement…

     

                                           

    Lien permanent Catégories : Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • La France doit engager la renégociation des traités européens !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à l'avenir de l'Union européenne et à la caducité des traités européens. Économiste de formation, vice-président de Géopragma et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

    Europe des nations.jpg

     

    La France doit engager la renégociation des traités européens : Pour une Europe des Nations

    Toutes les règles établies au moment de la préparation de l’euro ont été oubliées, tous les traités européens rompus, toutes les limites dépassées.

    Ces traités européens caducs

    C’est le cas du traité instituant la BCE. L’objectif unique de stabilité des prix est oublié. La BCE pratique la monétisation des dettes, se prépare à acheter des titres de toute nature (y compris des titres de titres ayant un rating de junk-bonds) et annonce qu’elle fera tout ce qu’il faut (selon Mario Draghi, repris par Christine Lagarde, le 30 avril encore, « whatever it takes ») pour sauver l’euro. Elle assume un rôle politique, s’engage dans le soutien du prix des actifs financiers, et se permet des opérations strictement interdites aux banques centrales des États membres, comme la monétisation des dettes publiques. Et la règle qui limitait l’aide de la BCE à des pays en difficulté en fonction de leur participation à son capital elle aussi a été suspendue.

    C’est le cas du Pacte de stabilité, plus connu sous le nom de « traité de Maastricht. La majorité des pays de l’Union ne respectera ni le critère de dette publique sur PIB, ni celui de déficit budgétaire, et celui d’inflation est oublié. Les colonnes du temple de la rigueur budgétaire et de la vertu des finances publiques devaient assurer la convergence des nations membres de l’union monétaire ; tous, tous Allemands, derrière l’euro-mark ! Chacun peut voir ce qu’il en est advenu !

    C’est le cas de dispositifs comme le Mécanisme Européen de Stabilité, dont les concours sont subordonnés à des conditions rigoureuses de rigueur budgétaire (appliquées par exemple à la Grèce). Après l’Eurogroup du 8 avril, il semble que ces conditions soient suspendues, sans que les Italiens et les Français d’un côté, les Néerlandais ou les Allemands de l’autre, aient le même avis à ce sujet (d’ailleurs l’Italie refuse à ce jour d’y avoir recours).

    C’est le cas du Pacte de stabilité et de croissance, de 1997, comme du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de la zone euro de 2013, qui le précise et le renforce, avec ses prescriptions budgétaires imposées en violation manifeste de la souveraineté des États.

    C’est aussi le cas de l’équilibre entre les institutions de l’Union européenne. Sous des prétextes divers, la Commission européenne a continué à s’insinuer dans les domaines réservés aux États, jusqu’à s’inventer une diplomatie, jusqu’à se prétendre gardienne de “valeurs” autoproclamées, jusqu’à financer des Fondations et des ONG ouvertement hostiles à la souveraineté des Nations.

    C’est enfin le cas de l’accord de libre-circulation, dit accord de Schengen, qui a considérablement facilité l’immigration illégale et le pillage des systèmes les plus favorables par les migrants. 16 pays participant à cet accord en ont suspendu les effets, fermant tout ou partie de leur frontière ; parmi eux, beaucoup des pays, comme l’Autriche ou la Hongrie, qui ont le plus efficacement contenu la pandémie. Et certains pays, comme l’Italie, n’ont pas jugé utile d’avertir l’Union européenne de leur décision de fermer leurs frontières ; d’ailleurs, à quoi bon ?

    Un aveuglement idéologique

    L’Union européenne refuse de voir l’évidence ; si le sol sur lequel est construit le Parlement européen de Bruxelles menace d’effondrement, le sol des traités et des institutions sur lequel l’Union affiche son arrogance s’est déjà effondré, miné par le coronavirus, et plus profondément, par la réalité nationale plus forte que tous les traités, les pactes et les injonctions étrangères. Plus rien de ce sur quoi la nouvelle Union européenne s’est construite depuis l’Acte Unique et le traité d’union monétaire ne tient debout. Inconsciente, ou provocatrice, l’Union n’en tient aucun compte, signe le 28 avril un accord de libre-échange avec le Mexique sans aucune garantie environnementale et sanitaire (voir le communiqué d’Interbev), appelle à garder les frontières ouvertes, et entend ouvrir les négociations de préadhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, sans tirer aucune conclusion de l’échec avéré des adhésions récentes, sans remettre en cause le principe “un État, un commissaire” — l’Albanie avec un commissaire européen, comme l’Allemagne ou la France ! Autrement dit, l’Union européenne continue de courir sur la vitesse acquise parce que tout arrêt la condamnerait sans recours.

    La lucidité commande d’en tirer toutes les conséquences. L’Union telle qu’elle a été subvertie dans les années 1980, telle qu’elle a été soumise à la globalisation marchande, n’est pas l’Union voulue par ses fondateurs. Et l’Union monétaire a été conclue à des conditions qui creusent un écart à terme insurmontable et insupportable entre pays du Nord et du Sud. Elle n’est pas durable en l’état.

    L’Europe soumise à l’union monétaire, l’Europe de Maastricht a vécu.

    Nous n’en conclurons pas qu’il faut ajouter de la crise à la crise, comme ceux qui voient dans l’effondrement économique actuel un bon prétexte pour sortir de l’euro, faire éclater l’Union, et abandonner tout espoir réel d’indépendance et de souveraineté, qui ne peuvent exister que si elles sont coordonnées et partagées.

    Un avenir pour l’Union ?

    Pourtant, les circonstances banalisent la sortie d’un pays de l’Union de la monnaie unique. Sortir de l’euro n’est plus l’épouvantail agité partout, depuis que la pandémie menace de ruiner l’épargne et l’entreprise.

    D’abord en raison du “Brexit”. L’Union n’est plus un club dont nul ne peut sortir. Ce qui s’est produit peut se reproduire, même si l’euro introduit une dépendance de niveau supérieur entre ses participants.

    Ensuite et surtout parce que les conséquences considérables de la pandémie sur les équilibres macro-économiques de la plupart des pays de la zone euro relativisent considérablement les effets d’une sortie de l’euro, qui peuvent sembler noyés dans le brouillard macroéconomique provoqué par la pandémie. Les prévisions apocalyptiques – – 3 % de croissance, 2 % de déficit public, etc. — associés à la sortie de l’euro semblent aujourd’hui anecdotiques par rapport aux impacts annoncés de la pandémie — jusqu’à 8 % ou 10 % de déficit public, -8 % de croissance, etc.

    Enfin, parce que plusieurs pays membres de l’Union considèrent que l’Union a fait preuve d’une indifférence coupable, voire d’une absence totale de solidarité à l’occasion de l’impact asymétrique de la pandémie. Les excuses publiques de Mme Van der Leyen veulent tout dire. Il leur manque seulement de reconnaître que les déficits des pays du Sud ont pour une part non négligeable leur contrepartie dans les excédents commerciaux de l’Allemagne et des pays du bloc mark. Face à la pandémie, comme face l’invasion migratoire, seuls, des Etats ont tenu, des Nations se sont levées, et l’Union a manqué, quand elle n’a pas trahi.

    L’expérience commande de reconnaître que l’union monétaire repose sur la croyance que les peuples des Nations membres vont peu à peu adopter les mêmes comportements en matière d’épargne, de discipline budgétaire, de tenue des déficits publics, etc. Cette croyance est démentie par les faits. Les identités nationales sont plus puissantes que tous les mécanismes de convergence forcée institués par l’Union européenne, que les traités et les engagements chiffrés.

    Voilà pourquoi il est urgent que la France prenne l’initiative d’une conversation entre chefs d’État, préparant un nouveau traité d’Union des Nations européennes, sur la base de la diversité et de la souveraineté des Nations, sur la base aussi d’une commune recherche de puissance et d’indépendance.

    La seule condition qui puisse rendre pertinent le maintien de l’euro, rallier les opinions qui doutent et permettre de dépasser les spécificités nationales légitimes est le projet d’une Europe puissance, de l’Atlantique à l’Oural, capable d’améliorer la sécurité et l’indépendance des Nations européennes, notamment par la tenue des frontières extérieures, le contrôle des migrations, l’autonomie industrielle, financière et de Défense. Cette Europe puissance serait l’Europe des Nations telles que le traité de l’Élysée, signé par le Général de Gaulle et le chancelier Adenauer, en avait jeté les bases (22 janvier 1963).

    C’est le moment français !

    Il appartient à la France de restaurer l’Union européenne, la seule qui serve l’Europe, celle des Nations d’Europe — des Nations européennes libres. Cosignataire du Traité de Rome, initiatrice du Traité de l’Élysée, seul membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, la France doit prendre l’initiative d’une refondation de l’Union sur la base d’un accord réaliste et durable des Nations européennes. Elle est seule à pouvoir le faire, ce qui lui donne le devoir de le faire.

    La France doit prendre l’initiative que son engagement dans la fondation de l’Union européenne, son autorité internationale, l’autonomie de sa Défense, lui permettent de prendre, et elle seule.

    La France invite les chefs d’État et de gouvernement des États membres à prendre acte de l’effondrement des traités et des accords qui ont présidé à la naissance de la monnaie unique et à la construction d’une Europe ouverte au libre-échange, aux mouvements de populations, à la globalisation.

    La France appelle les pays européens à refonder leur union dans un projet de puissance et d’indépendance de l’Europe, sur la base de leur souveraineté nationale et de frontières extérieures tenues.

    La France appelle les dirigeants des Nations signataires du traité de Rome à une conférence de refondation de l’Europe, à Paris, en juillet prochain.

    Cette conférence aura pour but d’élaborer les principes fondateurs d’une nouvelle Union, principes qui seront ensuite proposés à tous les États membres de l’Union, sur la base de la souveraineté des Nations et de la puissance de l’Europe, dans le but d’assurer l’intégrité de leurs territoires, de protéger les modes de vie et la liberté de leurs citoyens, leur identité et leur diversité, de garantir la défense efficace de leurs frontières extérieures et leur indépendance par rapport à toute puissance extérieure, de gérer dans l’intérêt commun leur monnaie commune en vue du progrès social, de l’équilibre des échanges et de la stabilité des prix.

    Cette conférence prendra acte de la rupture des traités fondateurs de l’Union monétaire. Elle engagera la redéfinition du mandat de la BCE, les conditions de négociation des traités commerciaux et de Défense, les modalités de tenue des frontières, de contrôle des mouvements de personnes, de capitaux, de produits et de services, de données et d’informations. Elle travaillera à construire les nouveaux équilibres institutionnels au sein de l’Union, et notamment les rôles respectifs de la Commission européenne, secrétariat permanent du Conseil de l’Europe, et du Parlement européen, représentant des Nations auprès du Conseil.

    En cas de refus des Nations invitées à participer à cette conférence, ou d’échec des négociations engagées pour la refondation de l’Union de l’Europe avec tous les États membres, la France devra en tirer toutes les conséquences que comportent la défense de son territoire, l’indépendance nationale, et le principe de souveraineté du peuple français.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 3 mai 2020)

    Lien permanent Catégories : En Europe, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Gilets jaunes et blouses blanches : des «métiers de merde» ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bousquet, cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré à la remise en lumière, provoquée par la crise sanitaire, des métiers essentiels à la survie de la société. Journaliste et essayiste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a notamment publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017) et Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2019).

    Travailleurs.jpg

    Biopolitique du coronavirus (7). Gilets jaunes et blouses blanches : des «métiers de merde» ?

    Est-ce que je fais un « bullshit job », un boulot à la con, ou pas ? That is the question. De ce point de vue, le confinement a agi un peu comme un sérum de vérité : si je suis confiné, si je télétravaille, ne serait-ce pas parce que j’exerce un de ces boulots à la con ? Aïe, aïe, aïe ! Cette question a été posée pour la première fois par David Graeber dans un article qui a défrayé la chronique altermondialiste en 2013, avant de devenir cinq ans plus tard un livre à succès, passionnant et foutraque, au ton joyeusement persifleur, Bullshit jobs (2018). Lisez-le. Le coronavirus lui a donné une actualité nouvelle et brûlante (merci à Dominique Méda de nous avoir récemment rappelé son existence).

    David Graeber ressemble à son livre : il est aussi anarchiste que son bouquin est anarchique. Méthodologiquement parlant, il a même un côté professeur Didier Raoult. Ses sources sont parfois fantaisistes, il glane ses exemples au fil des discussions sur les réseaux sociaux. Bref, il est contre les échantillons représentatifs là où il n’y a pas de raison de les convoquer. C’est ce qui rend ses intuitions si stimulantes. Même s’il ne l’avouera pas, le slogan d’Occupy Wall Street : « Nous sommes les 99 % », c’est lui. Il faut dire qu’il les connaît bien, ces 1 % restants puisque dans son domaine d’élection, l’enseignement de l’anthropologie à la London School of Economics, l’une des écoles les plus sélectes au monde, il appartient à cette élite, académique en l’occurrence, et que partout ailleurs son gauchisme débraillé lui confère le capital culturel légitime pour faire l’intéressant sur les ondes de la BBC et de Radio France. À part cela, c’est un type très attachant.

    Nomenclature des jobs à la con

    Marx distinguait deux classes sociales antagonistes, Graeber s’en tient à deux types de boulots qui recoupent sur un mode désopilant la vieille rivalité marxiste : les « bullshit jobs », les boulots à la con, qui n’apportent rien à la communauté, mais rapportent beaucoup d’argent à ceux qui les exercent ; et les « shit jobs », les métiers de merde, qui apportent beaucoup à la communauté, mais qui ne rapportent rien à ceux qui les exercent.

    À dire vrai, Graeber est surtout intarissable sur les « bullshit jobs », peut-être parce que, comme activiste d’extrême gauche, il n’a jamais eu accès qu’à des gars qui en faisaient partie. Mais je l’ai dit, c’est un garçon sympathique et drôle. De toutes les catégories de jobs à la con qu’il recense, ma préférée demeure « cocheur de cases », qui rappelle ce chef-d’œuvre absolu de critique sociale (et métaphysique) qu’est « Le journal d’un fou » de Nicolas Gogol dans ses Nouvelles pétersbourgeoises, avec son petit fonctionnaire qui taille des crayons et consigne dans son journal une folie grandissante de plus en plus inaccessible.

    À part ça, Graeber passe en revue tout ce que les « bullshit jobs » comptent d’analystes financiers, d’agents immobiliers, de personnel administratif (il y a autant de « bullshit jobs » dans le privé que le public, mais ce dernier a déjà donné lieu à une littérature surabondante, inutile de s’y attarder), d’avocats d’affaires, de forçats du télémarketing qui vous appellent depuis Madagascar, de responsables des ressources humaines, de vendeurs de joujoux connectés débiles, d’organisateurs de séminaire, d’utilisateurs de Power Point, de coiffeurs pour chien, d’animateurs de réunion et, last but not least, tous ces types qui pondent des rapports d’activité aussi volumétriques que des piles de containers métalliques, le « reporting », comme disent les néomongoliens quand ils sont en mode « corporate » – la maladie verbomotrice du capitalisme terminal.

    La soviétisation du néolibéralisme

    C’est ce qui pousse Graeber à comparer le néolibéralisme à la bureaucratie soviétique, deux armées de parasites en miroir. En régime capitaliste avancé, le travail inutile gagne du terrain partout. Ainsi selon Graeber, jusqu’à la moitié du travail utile – les métiers socialement utiles donc – est perdue en travail inutile (rédaction de rapports chronophage, perte de temps en réunions interminables et autres stages de formation superflus, etc.).

    Mais le problème est plus vaste. Songez au temps fou gâché à remplir des formulaires, à renseigner des demandes d’inscription numériques, à noter des identifiants qu’on perd et des mots de passe qu’on ne retrouve pas. Ou encore à télécharger des séries addictives au lieu de bosser, à se gratter le nez au lieu de réfléchir à ce qu’on fera à Macron après le déconfinement ou à faire défiler des applications sur son smartphone pour écrire des informations aussi capitales que : « Tu as bien fermé la porte du frigo ? » ou « Qu’est-ce qu’elle est cruche, Cindy ! Non, mais allô quoi ! »

    Où sont passés les analystes financiers ?

    En résumé, le néocapitalisme est un mélange de productivisme et de parasitisme. Comment est-ce possible ? Il suffit de lire les travaux d’Ivan Illich sur la contreproductivité. Passé un certain stade, tout gain se transforme en perte. Les cercles vertueux dégénèrent en cercles vicieux. C’est vrai plus encore des institutions en situation de monopole, sans autre prédateur qu’elles-mêmes, ce qu’est le système capitaliste, qui multiplient les activités inutiles chargées d’encadrer d’autres activités qui finissent par devenir à leur tour inutiles. Si inutiles qu’elles pourraient disparaître sans que personne ne s’en aperçoive. La preuve par le Covid-19. Qui a remarqué la disparition des promoteurs immobiliers et des analystes financiers ?

    On en arrive ainsi, de job foireux en boulot oiseux, à un tiers de personnes, aux États-Unis, au Royaume-Uni et sûrement en France, qui pensent que leur boulot n’a pas plus de sens qu’il n’a d’utilité sociale. Cela a même donné lieu à un nouveau syndrome : le « brown-out », littéralement la baisse de courant ou chute de tension. Une sorte de neurasthénie molle et ouateuse, sensation plus houllebecquienne que kafkaïenne, qui s’incarne ou se désincarne dans la figure du déprimé déprimant.

    Les nouveaux galériens

    Voilà pour les « bullshit jobs », venons-en aux « shit jobs », les métiers de merde, socialement dévalorisés, mais indiscutablement utiles. Si jamais ils venaient à disparaître, la société s’effondrerait sur elle-même. Sans eux, pas de pain, pas de soins dentaires, pas de pâtes alphabet pour les enfants, pas d’enlèvement des poubelles. Ceux qui les exercent sont les soutiers de la société de consommation et les galériens de la société de service : ils en assurent le « back office », selon les termes de Denis Maillard dans Une colère française (2019). On admettra volontiers qu’aucun d’entre eux ne peut bosser en télétravail.

    Macron les a gazés, éborgnés, matraqués, poursuivis. Sans pitié. Aujourd’hui, il les félicite. Subitement, les zéros sont devenus des héros, les derniers de cordée des premiers de tranchée et les Gilets jaunes sont passés sans transition des gardes à vue aux nuits de garde. Ça ne les a pas beaucoup changés, me direz-vous. Le gouvernement qui n’a jamais été avare en LBD et grenades lacrymogène (la notion de stock stratégique trouve ici tout son sens) n’a pas cru bon de leur fournir des masques !

    Jérôme Fourquet et Chloé Morin ont comparé la sociologie des professions jugées de première nécessité, sinon vitales, en période de pandémie, et celle des Gilets jaunes : le moins qu’on puisse est qu’elles présentent nombre de points communs. On y trouve pêle-mêle des caissières, des chauffeurs routiers, des aides-soignantes, des livreurs, des facteurs, des éboueurs, des magasiniers, les fameux « caristes ». C’est un prolétariat sans gloire et sans mythe mobilisateur. La maison du peuple, c’est désormais l’entrepôt. Chez les hommes, l’entrepôt a désavantageusement remplacé l’usine. Chez les femmes, c’est l’aide à la personne – et elle n’a pas avantageusement remplacé le personnel des maisons bourgeoises d’antan.

    L’inégalité devant le risque

    Une des thèses centrales d’Ulrich Beck, l’auteur de La Société du risque (1986), livre central pour comprendre notre temps, c’est que, à l’heure de la globalisation, les risques sont de plus en plus indiscriminés, singulièrement dans les sociétés dominées par ce qu’il appelle la « subpolitique technologique » : plus le risque se mondialise, plus il est socialement indifférencié – bref il se « démocratise ». Ainsi les particules fines ou le réchauffement ne font-elles pas le tri entre le cadre supérieur et l’ouvrier. C’est vrai. Mais il faut néanmoins des décontamineurs à Fukushima ou à Tchernobyl, et, sauf erreur, ce ne sont pas des militantes d’Osez le féminisme qui sont les premières à se porter volontaires. Pas plus que ce ne sont des suffragettes ou des cadres supérieurs qui achètent des pavillons pourris avec vue sur la centrale de Flamanville ou de Fessenheim en espérant faire une plus-value immobilière avant leur cancer de la thyroïde. Aussi convient-il de nuancer cette sociorépartition du risque et son exposition, hier aux coups de grisou, aujourd’hui aux virus ou autres.

    Cette inégalité devant la mort s’observe plus chez les hommes. Les ouvriers vivent six ans de moins que les cadres (pas les ouvrières), chiffre jusqu’ici incompressible. Une réserve, mais de taille, dans ce tableau aussi implacable qu’une tragédie grecque : l’inégalité par temps de guerre. Si de tout temps c’est l’infanterie qui a été l’arme la plus exposée, la plus sacrifiée, celle où on dénombre le plus de morts, il est faux d’imaginer que cette saignée n’affecte que le prolétariat troupier. Aujourd’hui, les médecins sont en première ligne, les pharmaciens aussi, sans parler des élus locaux, des commerçants-artisans et dans une moindre mesure des enseignants. Et pour mémoire, ce furent les officiers inférieurs, en 1914-1918, qui subirent les plus lourdes pertes. Pour un fantassin sur quatre massacré dans les tranchées, un officier d’infanterie sur trois, dont son lot de saint-cyriens certes, mais aussi de profs – depuis le normalien jusqu’à l’instit (au statut autrement supérieur qu’aujourd’hui), la profession proportionnellement la plus touchée.

    Compter les sous ou compter les morts

    Le gouvernement français n’est pas pressé de donner le bilan des personnels de santé infectés par le Covid-19. En Italie, on sait qu’il y a déjà eu une centaine de médecins décédés. En France ? Circulez, y’a rien à voir. Il serait pourtant très simple de réunir les données des agences régionales de santé. Mais Macron en a peur, Olivier Véran ne sait pas qu’elles existent et Jérôme Solomon s’embrouille tout le temps dans ses tables de multiplication. Ces Messieurs savent pourtant compter, mais les sous, pas les morts (le prémonitoire « Vous comptez les sous, on comptera les morts ! » scandé à l’automne dernier par des blouses blanches en grève).

    Alors bien sûr, on ne va pas ajouter sa voix au concert de louanges quotidiennes douteuses adressées aux soignants – trop attendues et trop entendues pour être crues sur parole. Mais une fois de plus on vérifie que la société abrite des trésors de dévouement en dépit du laminage constant de la philosophie utilitariste qui postule la recherche de l’intérêt individuel, seule unité de mesure des peines et des plaisirs. Cette philosophie, qui au cœur du néolibéralisme, ne résiste pas un instant à l’analyse. Son contraire non plus du reste. Nous sommes ainsi faits que nous recherchons le gain et la sympathie, nous nous débattant en permanence entre la sociabilité naturelle de notre espèce et un quant à soi non moins naturel, la recherche de l’intérêt et le désintéressement, la confiance et la défiance, l’ami et l’ennemi. Ni ange ni bête, comme dit Pascal, qui, pourtant en bon janséniste, voyait le mal partout.

    Rendons grâce au virus. Il a rappelé à une certaine médecine dorée et dévoyée ses missions hippocratiques essentielles, qu’elle avait eu parfois tendance à négliger. Un peu comme dans le sketch que les Inconnus avaient consacré aux hôpitaux publics, avec un chef de service aussi crâneur que branleur qui arrive en retard, traverse négligemment les couloirs, visite en dilettante les malades, avant de s’éclipser prématurément en confiant à son assistant : « Bon, je file, j’ai un cours. »

    – À la Sorbonne ?

    – Non, à Roland-Garros !

    De toute évidence, on n’en est plus là.

    L’hôpital ne se fout plus de la charité

    Sans le coronavirus, l’hôpital public français était programmé pour finir à l’institut médico-légal. Vingt ans qu’on le démolit, lit après lit, bâtiment après bâtiment, service d’urgence après maternité. Vingt ans de coupes budgétaires avec pour conséquence une centaine de milliers de lits perdus. En dix ans, près de 12 milliards d’économie (tout cumulé). Dès avant 2008, on a choisi de sauver « nos » banques, pas notre hôpital. Pour un banquier sauvé, combien de lits sacrifiés ? Ici comme ailleurs, le service de la dette est devenu une servitude insupportable. Avec la tarification à l’activité, qui a généralisé l’abattage médical et son illusoire culture du résultat, on a instauré un hôpital d’entreprise mis au régime forcé du management automobile, suivant la logique du « lean management » (to lean, « dégraisser, mincir »). L’administration hospitalière cherche partout des gains de productivité.

    Enfin pas partout ni pour tout le monde : ce régime décharné ne vaut que pour le patient français, pas pour l’immigré clandestin. Car étonnamment, les syndicats qui braillent à raison leur mécontentement ne pointent jamais le coût délirant de l’AME, l’Aide médicale de l’État, près d’1 milliard par an, pour des pseudo-migrants qui viennent faire soigner gratuitement – tant qu’à faire – de lourdes et très coûteuses pathologies. Savez-vous que la Sécurité sociale engage en moyenne chaque année plus de dépenses de soin pour un « sans-papiers », qui n’a jamais cotisé, que pour un Français, qui a cotisé toute sa vie ?

    Ni bonnes ni nonnes

    L’hôpital, c’est aujourd’hui trente infirmiers agressés chaque jour, une douzaine d’infirmiers depuis 2016 suicidés sur leur lieu de travail, des patients de moins en moins patients, 30 % d’infirmiers qui abandonnent leur métier dans les cinq ans qui suivent l’obtention du diplôme d’infirmier et plus des deux tiers des effectifs qui travaillent en horaires décalés. Eh bien, nonobstant cela, nonobstant ce gâchis, nonobstant ces cadences infernales, l’hôpital a tenu, singulièrement les femmes surreprésentées. Ni bonnes ni nonnes, hurlaient hystériquement les féministes dans les convulsions de 1968. Oui-da, Mesdames ! Mais enfin, il n’y a rien de déshonorant à servir les malades. Il suffit de relire un des plus grands témoignages sur que soigner veut dire pour s’en assurer, je veux parler du prodigieux Un Souvenir de Solferino (1862) du futur fondateur de la Croix rouge, Henry Dunant. À lire et à relire. Avec les vieilles chroniques par temps de peste où les plus beaux témoignages, les plus déchirants, à tous les coups, sont ceux adressés aux religieuses – vos ancêtres. On naît femme, on ne le devient pas.

    François Bousquet (Éléments, 28 avril 2020)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Qui payera la crise ? Les classes populaires ou la finance mondiale ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Thibault Isabel cueilli sur le site de L'Inactuelle et consacré aux conséquences économiques et sociales de la crise. Docteur ès lettres, rédacteur en chef pendant plusieurs années de la revue Krisis, Thibault Isabel a publié plusieurs essais ou recueils d'articles comme Le champ des possibles (La Méduse, 2005), La fin de siècle du cinéma américain (La Méduse, 2006) , Le paradoxe de la civilisation (La Méduse, 2010), Pierre-Joseph Proudhon, l'anarchie sans le désordre (Autrement, 2017) et dernièrement Manuel de sagesse païenne (Le Passeur, 2020).

     

    Crise_Coronavirus_Dette.jpg

    Thibault Isabel: “ Qui payera la crise? Les classes populaires ou la finance mondiale ? ”

    Le choc causé à l’économie mon­diale par la pandémie de Covid-19 a été à la fois plus rapide et plus grave que la crise finan­cière de 2008 ou même que la Grande Dépression de 1929. Au cours de ces deux épisodes, les mar­chés bour­siers se sont effon­drés d’au moins 50%, les mar­chés du crédit ont été paralysés avec des failli­tes en cascade, les taux de chô­mage ont franchi la barre de 10% et le PIB s’est contracté à un taux annua­lisé de 10% ou plus. Ce processus s’est étalé sur une durée de trois ans environ. En mars 2020, il n’a fallu que trois semaines pour laisser présager un bilan tout aussi désastreux.

    La crise du système.

    Ce serait mal analyser la situation de penser que cette crise est la conséquence exclusive de la pandémie de coronavirus. La pandémie n’a été qu’un élément déclencheur, venu enrayer la machine déjà bien grippée du système économique mondial. De nombreux experts nous alertaient depuis longtemps contre les risques d’éclatement des bulles financières, et les aberrations des marchés sont devenues patentes lorsqu’après une survalorisation délirante des actifs en janvier, ils ont été pris d’un mouvement de panique inouï face à l’annonce des premières mesures de confinement, ne connaissant un timide regain qu’à l’annonce de nouvelles interventions publiques, comme si le secteur privé attendait désormais tout des États pour le sauver.

    Le contexte est d’autant plus dramatique qu’au coût intrinsèque de la crise économique et financière va s’ajouter le coût de gestion de la crise sanitaire. Relancer une économie planétaire mise à l’arrêt pendant des mois représentera un effort titanesque, tandis que la plupart des États sont déjà lourdement endettés par la crise de 2008, qui n’a toujours pas été digérée par les comptes publics (alors que les marchés financiers engrangeaient à nouveau des bénéfices mirobolants depuis déjà plusieurs années). Selon les estimations actuelles, l’endettement des grands États occidentaux sera accru de l’ordre de 25% dans les trois prochaines années.

    Réformer la finance mondiale.

    Plusieurs observations en découlent.

    1/ Il ne saurait être question de relancer les économies nationales après la crise sans réformer radicalement le système, qui a largement démontré ses méfaits en accroissant les inégalités sociales d’une manière exponentielle et en témoignant d’une fragilité coupable qui pénalise l’économie réelle, les petites et moyennes entreprises, ainsi que les épargnes familiales.

    2/ Dans le contexte d’une mondialisation galopante, l’interconnexion des économies est devenue trop forte, ce qui rend incontrôlables les crises de toute nature – qu’elles soient sanitaires, financières, etc.

    3/ La perte de notre souveraineté industrielle, consentie au nom du libre-marché international, n’a pas apporté les opportunités économiques promises aux plus modestes et nous a affaiblis pour résister aux cataclysmes, comme en témoigne notre incapacité présente à produire des médicaments, des masques, des respirateurs en nombre suffisant.

    4/ Le système économique autorise des profits privés gargantuesques pour les grandes fortunes planétaires, mais, lorsque la situation se dégrade, il sollicite l’intervention publique des États, donc les contribuables, pour payer les erreurs du passé.

    5/ Tout cela amène aussi une considération d’ordre plus philosophique : la course à la consommation et au productivisme se conjugue avec la spéculation pour déboucher sur un mode de vie que chacun s’accorde de plus en plus volontiers à trouver dangereux et contre-productif, puisque le miroir aux alouettes de la « croissance » et des « bons chiffres de l’économie » ne sert que les classes fortunées, tandis que les classes populaires voient leurs conditions d’existence se dégrader à vue d’œil (baisse du pouvoir d’achat pour les produits de première nécessité, précarisation du travail, isolement de la France périphérique, etc.).

    Nous devrons oublier les vieilles recettes.

    Il va bien falloir rebâtir, et nous ne pourrons le faire à l’identique. De toute façon, les vieilles solutions ne fonctionneront plus, au vu des faibles marges de manœuvre qui nous restent. Emmanuel Macron lui-même avait déclaré le 16 mars : « Nous gagnerons, mais cette période nous aura beaucoup appris. Beaucoup de certitudes, de convictions seront balayées, seront remises en cause ». Dominique Strauss-Kahn faisait lui aussi son mea culpa, le 7 avril, dans les colonnes de Slate, en affirmant que les opposants de longue date à la mondialisation, jusqu’alors considérés comme « idéalistes », « doctrinaires » ou « pessimistes », avaient en fait « partiellement raison », car « il est fort probable que la crise conduise à des formes de relocalisation de la production, régionale sinon nationale ».

    L’aveu d’échec est courageux, mais on peut tout de même se demander s’il faut faire confiance à ceux qui nous ont conduit dans le mur pour nous indiquer désormais le bon chemin. En tout état de cause, les partisans du vieux monde vont surtout s’efforcer de sauver les meubles face à la faillite évidente du système qu’ils ont instauré.

    La pandémie nous donne une occasion unique d’envisager un réaménagement profond de notre tissu économique et social. Plus encore, elle nous l’impose. Il n’y aura pas de sortie confortable, et nous n’éviterons le pire qu’en préparant dès maintenant le changement de cap, en vue de réorienter l’épargne des ménages vers des dépenses permettant de construire une économie utile et soutenable. Reste à savoir comment et, surtout, qui va régler la facture.

    Qui va financer le plan de relance de l’économie ?

    C’est là que le bât blesse, en effet. Les belles déclarations d’intention des mondialistes néolibéraux de gauche comme de droite auront bientôt pour but de faire avaler des pilules très amères aux citoyens, à qui on demandera de se serrer la ceinture pour « réformer ».

    La crise que nous traversons constitue à la fois un choc de demande (les ménages consomment moins) et un choc d’offre (les entreprises produisent moins). Pour y faire face, les mesures mises en place par le gouvernement français sont essentiellement keynésiennes. Il s’agit donc d’investir des fonds publics pour soutenir la consommation et maintenir la production à flot. Ces mesures sont peu ou prou partagées par l’ensemble des pays européens et cautionnées par un relâchement des contraintes budgétaires du traité de Maastricht.

    Mais les politiques keynésiennes, sous couvert d’enracinement historique à gauche, contribuent en fait trop souvent à transformer la dette privée en dette publique, c’est-à-dire en dette des citoyens. Il n’est pas surprenant de ce point de vue que Nicolas Sarkozy, pourtant estampillé à droite, y ait eu massivement recours lors de la crise de 2008. Voilà où nous en sommes : les marchés s’engouffrent dans la spéculation et, en cas de fiasco généralisé, attendent benoîtement que les États payent la note en transférant la dette privée des secteurs financiers vers le secteur public pour éviter la faillite du système. Lors de l’éclatement de la crise des subprimes, les autorités en place n’ont pu empêcher la banqueroute générale qu’en endettant massivement leurs pays, après quoi les gouvernements ont dû appliquer les uns après les autres des mesures sévères d’austérité, pendant que la spéculation reprenait à plein régime.

    Soutenir les classes populaires et moyennes.

    Il est évident que l’État se doit aujourd’hui d’organiser un plan de relance ; mais, s’il le fait avec les méthodes habituelles de l’establishment, ces mesures se solderont en dernière instance soit par la diminution drastique des services publics (c’est-à-dire par la réduction des dépenses), soit par le renforcement des impôts (c’est-à-dire par l’augmentation des recettes), soit par l’inflation (dans l’hypothèse notamment où l’on ferait tourner la planche à billets pour limiter le coût de la dette). Aucun de ces scénarios n’est souhaitable. Si l’on décide de limiter les dépenses de l’État, ce sont les classes populaires qui en feront prioritairement les frais, puisqu’ils sont les principaux bénéficiaires de la dépense publique ; et, si l’on recourt à l’impôt ou à l’inflation, ce sont plutôt les classes moyennes qui paieront la facture, puisqu’elles assument l’essentiel de l’effort fiscal et s’appuient sur leur épargne familiale pour éviter la paupérisation – or, l’épargne des Français serait très fortement rognée par une politique inflationniste.

    Monter les classes populaires et les classes moyennes les unes contre les autres a été la stratégie du parti maastrichtien pendant des décennies : on voulait ainsi faire oublier que les seuls à ne jamais payer les crises, dans la durée, sont ceux qui les provoquent en profitant des déséquilibres du système, à savoir les acteurs du monde de la finance et les très grandes entreprises. Souvenons-nous que l’inflation galopante des années 1930, après la crise de 1929, a été pour beaucoup dans la ruine des classes moyennes en Europe, notamment en Allemagne, et que cette situation traumatisante a conduit aux calamités politiques que l’on connaît : fascisme, rivalités entre nations et Seconde Guerre mondiale. L’unité du pays ne pourra donc être obtenue que si les classes populaires et les classes moyennes sont-elles mêmes solidaires face à l’épreuve, et comprennent qu’elles ont un adversaire commun : le système bicéphale des marchés dérégulés et des monstres de la mondialisation, qui risquent de devenir tout puissant après la crise, quand nombre de TPE/PME et de commerces auront dû fermer leurs portes. C’est alors Amazon qui raflera la mise ; et c’est cela qu’il faut empêcher.

    Le principe « pollueur-payeur » en économie.

    Pour y parvenir, néanmoins, on ne pourra se contenter de quelques rustines sur un navire qui prend l’eau de toute part. Il va falloir restructurer la coque de fond en comble. De même qu’en matière d’écologie, on applique le principe « pollueur-payeur », il faudra faire payer ceux qui ont provoqué les déséquilibres du système néolibéral mondialisé. Cela veut dire notamment : taxer les transactions financières et les revenus du capital, mettre en place un impôt universel pour lutter contre l’expatriation fiscale, taxer l’automatisation du travail, augmenter le montant de la taxe Gafam sur les services numériques ou encore taxer les grandes entreprises pour les coûts écologiques induits par leurs activités, non seulement pour renflouer les caisses de l’État, mais aussi pour réorienter le système de production et de consommation dans un sens conforme à l’équité et au bien commun. Au lieu de soigner simplement les symptômes, il est temps de s’en prendre aux vraies racines du mal.

    L’autre question à poser est celle de la dette, qui va exploser. Une politique d’endettement public s’avère inévitable dans l’immédiat, mais intenable à plus longue échéance. Plus les États s’endetteront, plus les taux d’intérêt de la dette s’envoleront, plus les acteurs économiques perdront confiance en l’avenir et limiteront leurs dépenses et leurs investissements. Les mesures de relance ne peuvent être que conjoncturelles : l’austérité va revenir très rapidement sur le devant de la scène, obligeant les gouvernements européens à fermer les cordons de la bourse.

    La meilleure option consistera donc à mutualiser la dette des États européens, afin de réduire les taux d’intérêt. Mais les tensions apparues dès mars autour des Eurobonds révèlent des désaccords profonds entre les pays du sud (France, Italie, Espagne), qui y étaient dès l’abord favorables, et les pays du nord (Allemagne, Pays-Bas), qui refusaient d’en entendre parler. Ces derniers profitent en effet de la différence des taux d’intérêt entre nations. Le méca­nisme d’exploi­ta­tion des pays les plus pau­vres par les Allemands et les Néerlandais se trouve au fon­de­ment de la poli­ti­que d’aus­té­rité bud­gé­taire, dont les bases ont été mises en place avec le « grand marché unique », à la fin des années 1980. L’Allemagne profite en outre de la politique monétaire européenne pour favoriser ses exportations et les Pays-Bas doivent leur prospérité à leur politique de paradis fiscal. En l’état actuel des choses, par conséquent, l’ordre maastrichtien met les pays européens sous tutelle de l’Allemagne et de ses alliés privilégiés.

    Le point de vue de la France profonde.

    Certes, il est inévitable de recourir provisoirement à la dette publique afin de financer le plan de relance, dès lors qu’il n’existe pas de remède miracle ni d’argent gratuit. Mais il faudra surtout se saisir de cette occasion pour engager une réforme du système à l’issue de laquelle le choc social de la mondialisation sera mieux amorti. La révolte des Gilets jaunes et de la France périphérique, très largement soutenue par l’opinion, a montré que le pays ne voulait plus des recettes politiques appliquées depuis des décennies par tous les partis qui se sont partagé le pouvoir. La France profonde, sans laquelle on ne pourra rien rebâtir, ne veut plus d’une politique néolibérale qui accorde toujours plus de souplesse aux grandes entreprises multinationales ; et elle ne veut plus davantage d’une simple politique d’assistanat à court terme, qui conduit à l’endettement de l’État sans empêcher le démantèlement de nos services publics fondamentaux.

    La France profonde souhaite qu’on laisse à chacun d’entre nous la possibilité de travailler dignement, dans des conditions décentes, pour un salaire honorable. C’était d’ailleurs très clairement le message porté sur les ronds-points, à l’hiver 2018-2019. Ni la droite ni la gauche de ces trente dernières années n’ont pris cette demande au sérieux. Et pour cause : rompre avec la logique de l’hypertrophie des marchés – dont on ne peut que colmater péniblement les failles avec l’hypertrophie sans fin des aides sociales – imposerait en même temps de réformer radicalement le système économique qui nous est imposé depuis les accords de Maastricht.

    Autrement dit, la réhabilitation de notre tissu économique de proximité n’est possible qu’à travers une prise de distance avec l’Union européenne, pour établir une coopération stratégique continentale à géométrie variable. C’est par ce moyen, et par ce moyen seulement, qu’il sera envisageable de renouer avec une politique protectionniste de plein emploi. Cette prise de distance rendra le recours à des systèmes de mutualisation des dettes beaucoup plus aisé – à défaut il est vrai de pouvoir compter sur le soutien de l’économie allemande –, mais elle marquera plus encore la fin des dogmes néolibéraux qui paralysent toute refonte de notre économie.

    Reconquérir notre indépendance politique et économique.

    La sortie de pandémie ne sera en effet salutaire que si nous profitons de l’immense chantier en cours pour apporter les réformes indispensables à une reprise en main souveraine de nos capacités industrielles et de notre système financier. Parmi les mesures les plus pressantes, le gouvernement devra bien sûr panser les plaies ouvertes par la crise, en nationalisant certaines entreprises industrielles pour relocaliser la production de nombreux secteurs. Il sera sans doute nécessaire aussi de nationaliser les banques en difficulté, sans oublier plus tard de séparer les banques de dépôt et les banques d’affaire, pour éviter le gonflement de nouvelles bulles spéculatives et protéger davantage les épargnes. Au vu des efforts admirables fournis par les personnels soignants, il deviendra enfin indispensable de réhabiliter l’hôpital public, tout comme il deviendra indispensable de réhabiliter les services publics de proximité et les transports, laissés trop longtemps à l’abandon.

    À plus long terme, le nerf de la guerre économique, pour financer les réformes, sera de taxer ceux qui tirent le plus grand profit du système tout en payant le moins d’impôts : les grands groupes multinationaux. Sinon, quoi qu’on fasse, quelles que soient les méthodes qu’on appliquera, ce sont toujours d’abord les classes populaires ou les classes moyennes qui en feront les frais. Or, il est impossible de lutter contre des entreprises en situation de quasi-monopole qui peuvent à tout instant délocaliser l’essentiel de leur production, et qui choisissent qui plus est de payer leurs impôts aux Pays-Bas ou en Irlande plutôt que sur les territoires où elles vendent leurs produits.

    La seule arme des États est de recourir aux circuits courts et au protectionnisme. Non pas un protectionnisme nationaliste agressif visant à écraser les pays rivaux, comme le pratiquent allègrement les États-Unis et la Chine, mais un protectionnisme concerté avec d’éventuels alliés européens. Plus ce protectionnisme global trouvera de soutien chez nos partenaires, plus il sera efficace face aux assauts économiques extérieurs, permettant aussi des collaborations fructueuses pour de grands projets communs. Paradoxalement, cette politique pourrait même donner un nouveau souffle à une certaine idée de l’Europe, en marge des institutions en place.

    L’objectif ultime consistera à dégager l’économie locale de la concurrence exercée par les grandes entreprises internationales. Le capitalisme mondialisé a pris une forme si tentaculaire qu’il en vient à broyer les idéaux de liberté qui lui avaient initialement servi de légitimation : au fond, qui peut croire désormais au mythe du self-made man, parti de rien, qui parvient à gravir les échelons de la réussite jusqu’à gagner très correctement sa vie ? Pour chacun d’entre nous, au contraire, il est devenu extraordinairement difficile de s’arracher à sa condition d’origine, précisément parce que les richesses sont de plus en plus concentrées entre les mains d’une infime minorité de grandes fortunes et que le système de marché est devenu une vaste structure technocratique, dont nous finissons par être les séides, et auxquelles les politiques n’osent même plus s’opposer. Espérons qu’avec la sortie de crise sanitaire nous sortirons également de la crise démocratico-économique du monde néolibéral. Cela ne tient en définitive qu’à nous.

    Thibault Isabel (L'Inactuelle, 29 avril 2020)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!