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Points de vue - Page 135

  • Michel Maffesoli : la « faillite des élites » ou bien plutôt « les tribus contre le peuple » ?...

    Nous proposons ci-dessous une critique serrée de l'essai de Michel Maffesoli et d'Hélène Strohl, La faillite des élites (Lexio, 2019) que nous a adressée Pierre Le Vigan. Urbaniste, collaborateur des revues Eléments, Krisis et Perspectives libres, Pierre Le Vigan a notamment publié Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Métamorphoses de la ville - De Romulus à Le Corbusier (La Barque d'Or, 2017), Achever le nihilisme (Sigest, 2019) et dernièrement, Le Grand Empêchement (Perspectives libres, 2019).

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    Michel Maffesoli : La « faillite des élites » ou bien plutôt « les tribus contre le peuple » ?

    Politologue et sociologue, Michel Maffesoli décrypte depuis des décennies les mouvements profonds de notre société. Ses livres ne laissent pas indifférent. La violence totalitaire, L’ombre de Dionysos, La contemplation du monde, Le temps des tribus (1988), … tous ont marqué une étape et un approfondissement de ses thèmes. Ses constats n’échappent pas à la subjectivité dans laquelle est pris tout sociologue. Les conclusions qu’il en tire sont elles-mêmes tributaires de ses jugements de valeur. Son dernier livre, la faillite des élites, devrait une fois de plus faire l’objet de polémique. Il le mérite. Exploration de ses thèmes, et analyse critique.

    Le thème principal de Michel Maffesoli est, depuis des années, le déclin de la modernité. C’est ce thème qu’il reprend avec Hélène Strohl dans La faillite des élites, sous-titré La puissance de l’idéal communautaire (Cerf, 2019). Le thème, c’est l’agonie de la modernité. C’en est fini de la démocratie parlementaire, du républicanisme civique, des syndicats, qui « se contentent de défendre des privilèges on ne peut plus dépassés » – privilèges qui, en passant, me paraissent une goutte d’eau par rapport aux privilèges des hommes du Capital, mais qui retiennent, sans originalité excessive, l’attention de Michel Maffesoli.

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  • Greta Thunberg, prophétesse de l’apocalypse et icône des médias...

    Nous reproduisons ci-dessous un article cueilli sur le site de l'Observatoire du journalisme et consacré au traitement journalistique béatement laudatif réservé par les médias à la jeune Greta Thunberg, qui vient d'ailleurs d’être désignée personnalité de l’année par le magazine Time.

     

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    Greta Thunberg, prophétesse de l’apocalypse et icône des médias

    La jeune militante suédoise contre le réchauffement climatique est un véritable phénomène médiatique. Alors qu’en mai 2018, sa notoriété ne dépassait pas sa classe d’école à l’occasion d’un concours d’écriture sur le climat, la voilà propulsée au rang d’icône internationale de la défense de la planète. Si Greta Thunberg vient d’être désignée personnalité de l’année par le magazine Time, bien peu de médias soulignent la démarche affairiste de son entourage et ses engagements politiques.

    Une ascension express

    Le succès de Greta Thunberg au concours d’écriture sur le climat organisé en mai 2018 par le quotidien suédois Svenska Dagbladet a marqué le début de la popularité de la jeune militante écologiste. Tout juste âgée de 15 ans, elle mène alors plusieurs actions successives, qui ne feront que gagner en médiatisation, jusqu’à en faire une icône internationale de la lutte contre le réchauffement climatique.

    Piquet de « grève » devant le parlement suédois, participation à la marche « Rise for climate » à Bruxelles, grève scolaire internationale le vendredi, prise de parole en décembre 2018 à la COP 24 au sommet des Nations unies, discours devant les parlementaires anglais et français, croisière transatlantique sur le voilier Maliza II, action juridique auprès du comité des droits de l’enfant de l’ONU contre plusieurs pays, etc.

    On ne compte plus les actions largement médiatisées de la jeune autiste suédoise. L’immense majorité des médias lui apporte non seulement un soutien sans réserve mais également contribue à accroitre sa notoriété, au point d’en faire une des personnalités les plus connues de la planète.

    Des médias conquis

    Les articles consacrés à Greta Thunberg (G.T.) sont parfois de simples récits factuels, et plus souvent des éloges sans réserve de ses actions et déclarations.

    Alors que Le Point dresse dans un article le portrait de l’égérie de la lutte contre le réchauffement climatique, L’Info durable retrace l’itinéraire de « la militante qui a bousculé les dirigeants du monde entier ». Si jeune et déjà des souvenirs, Les Inrocks s’émeuvent de « l’émouvante photo souvenir de la première action de G.T. ».

    D’autres articles évoquent son rôle « planétaire » :

    Sciences et avenir titre un article sur la « lanceuse de grève contre le réchauffement climatique» en mentionnant sa parenté avec un prix Nobel de chimie. « Elle a de qui tenir » en conclut le journal sans toutefois s’appesantir sur le bagage scientifique de l’adolescente.

    Pour Paris Match, la jeune Suédoise « mène la croisade des lycéens pour sauver leur avenir et notre planète ». Rien de moins.

    Le Temps reprend l’avertissement de l’adolescente : « Pour durer, il faudra changer ». Dans le même registre, BFMTV relaie le souhait de G.T. que « la société a atteint un tournant sur la question du climat ».

    Son côté « messianique » est parfois mis en avant : Slate essaie d’analyser comment elle a « réussi à capter notre attention sur le climat ». Le Monde estime que G.T. « oblige les dirigeants à sortir d’un unanimisme de façade ».

    Alors qu’elle était pressentie pour …le prix Nobel de la paix en cet automne 2019, nous informe le Parisien, distinction qu’elle n’aura finalement pas, La Dépêche nous apprend, comme d’autres titres, que GT a été élue personnalité de l’année par l’hebdomadaire américain Time en ce mois de décembre.

    Au-delà d’une adolescente militante, c’est donc une visionnaire que décrivent de nombreux médias. La jeune autiste post pubère entre en résonance avec une inquiétude largement partagée sur le réchauffement climatique. Alors qu’elle n’a aucun mandat de quiconque, de nombreux titres de presse soulignent que G.T. parle d’égal à égal avec des chefs de l’État et des parlementaires.

    Alors qu’elle ne peut se prévaloir d’aucune culture scientifique, elle devient le « médium » des chercheurs prédisant un réchauffement climatique aux effets considérables.

    Une popularité qui ne peut être contrariée

    De rares journalistes ont voulu en savoir plus sur la jeune suédoise. Le site d’information Reporterre, que l’on ne peut pas suspecter d’être opposé à la cause écologiste, a consacré un article assez fouillé en début d’année 2019 à la jeune Suédoise. Il en ressort que l’ascension fulgurante de la popularité de G.T. est tout sauf le fruit du hasard. « Tout a été finalement programmé pour transformer la jeune Suédoise en héroïne internationale ». L’article évoque notamment ses liens avec un think tank suédois qui fustige les « nationalismes » en Europe.

    Libération mentionne en mars 2019 le fait que « la militante écolo Greta Thunberg (a été) récupérée par un pro du greenwashing », cette technique de « verdissement » de pratiques strictement capitalistes.

    Les premières réserves sur la démarche de l’adolescente vont rapidement susciter un tir défensif de nombreux médias. L’extrême droite serait-elle en embuscade ? Plusieurs médias en sont certains.

    Le site d’analyse critique des médias Acrimed, que l’on a connu plus inspiré, estime que « les chiens de garde (lire les esprits critiques) sont lâchés ». 20 Minutes s’interroge : « Pourquoi G.T. suscite-t-elle tant d’hostilité ? ». L’Obs ne se pose pas de questions : G.T. « est critiquée parce qu’elle remet en cause l’ordre social dominant ». Le Monde n’est pas en reste dans la défense de l’adolescente : elle est « attaquée à tort sur le nucléaire ». Libération essaie de démonter les différents reproches qu’on lui fait « qui visent à relativiser le message qu’elle porte ». Sur le site Médiapart, on ne s’embarrasse pas de nuances : « les fascistes (sont) contre Greta Thunberg ». On ne critique pas impunément l’égérie de la lutte contre le réchauffement climatique.

    Un tableau « presque » parfait

    Si les liens de G.T. avec des entrepreneurs avisés commencent à être connus, son accusation outrancière aux Nations Unies à New York en septembre 2019 est un autre motif de polémique. Comme le relate The Guardian, le 24 septembre, elle lance au parterre d’adultes en face d’elle : « Comment avez-vous osé ? Vous avez volé mes rêves ». Son visage crispé par le ressentiment a été reproduit dans de rares articles. Pourtant, selon J. Isabelleo sur le Huffpost, il s’agit de « propos dignes de Martin Luther King ». Cette « soufflante » aux leaders mondiaux selon Le Figaro n’est pourtant pas le seul élément qui aurait pu être un motif de réserve vis-à-vis de la démarche de la jeune fille.

    Un bilan carbone déplorable

    Alors qu’elle critique l’énergie nucléaire faiblement émissive de CO2, la jeune militante se targue d’utiliser des moyens de transport « propres ». Plusieurs médias dont BFMTV ont souligné que son voyage vers les États-Unis à bord d’un voilier en septembre avait nécessité le déplacement en avion de plusieurs membres de l’équipage, ce qui a occasionné un bilan carbone très supérieur qu’aurait été celui du seul déplacement de la jeune suédoise en avion. Un détail de mise en scène sans doute.

    Greta Thunberg, icône des antifas ?

    Plus rares sont les médias à s’interroger sur ses affinités politiques. Un article paru dans Agoravox nous informe que G.T. arbore sur une photo dans un tweet qu’elle a publié, puis supprimé, en juillet 2019, un T shirt « antifa », à côté d’un membre d’un groupe de rock proche de cette mouvance.

    « Greta Thunberg. a donc sciemment fait la promotion des antifas, ces groupuscules d’extrême gauche qui n’hésitent pas à s’inviter à toutes sortes de manifestations pour y saccager des biens publics ».

    L’engagement politique de G.T. s’est encore exprimé récemment dans une tribune collective parue sur le site Project syndicate dans laquelle une explication pour le moins surprenante de la crise climatique est donnée :

    « C’est une crise des droits humains, de la justice et de la volonté politique. Les systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcaux l’ont créée et alimentée. Nous devons les démanteler. Nos dirigeants politiques ne peuvent plus fuir leurs responsabilités ».

    On ne peut s’empêcher de subodorer que certains journalistes commencent à être gênés aux entournures d’avoir donné une telle notoriété à l’adolescente… sauf ceux qui s’en réjouissent ou font sciemment chambre d’écho.

    Une adolescente manipulée

    Peu de médias donnent une grille de lecture différente du militantisme de G.T. Parmi ceux-ci, un journaliste du mensuel Causeur a tenté de l’interviewer. Ses travaux d’« approche » l’amènent à constater : « Je me suis trouvé face à une petite fille éteinte, sans passion, manipulée par des gens inquiétants, enfant sous terreur ». Une conviction qui est partagée par Laurent Alexandre dans un article du Figaro du 18 mars : « Greta Thunberg est instrumentalisée par des militants extrémistes ».

    On se trouve donc face à un faisceau d’indices concordants qui nous mènent loin de la seule lutte désintéressée et apolitique contre le réchauffement climatique. La journaliste Sophie Coignard affirmait lors d’un débat sur LCI le 12 décembre au sujet de l’action de G.T. que celle-ci a gagné en popularité grâce à un concours …de circonstances, en entrant en résonance avec une inquiétude de l’époque.

    Si G.T. a été là au bon moment, d’autres éléments nous amènent à constater que son ascension a été méthodiquement organisée par son entourage et complaisamment relayée par les médias de grand chemin. La notoriété qu’elle a acquise lui a donné une tribune à résonance mondiale qu’elle utilise désormais pour répandre dans les médias un discours apocalyptique et de plus en plus culpabilisant et flagellateur. Une posture qui finira peut-être tout simplement par la décrédibiliser, sauf si les médias dominants y veillent.

    Observatoire du journalisme (OJIM, 16 décembre 2019)

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  • L’entreprise, nouvel espace totalitaire du XXIe siècle ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Yves Le Gallou, cueilli sur Polémia et consacré à la montée d'un totalitarisme d'entreprise. Ancien haut-fonctionnaire, président de la Fondation Polémia, Jean-Yves Le Gallou a, notamment, publié La tyrannie médiatique (Via Romana, 2013),  Immigration : la catastrophe - Que faire ? (Via Romana, 2016) et Européen d'abord - Essai sur la préférence de civilisation (Via Romana, 2018). 

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    L’entreprise, nouvel espace totalitaire du XXIe siècle

    Dans la vision libérale des années 1970, l’entreprise était le lieu de la liberté et l’État celui de la bureaucratie et de la contrainte. Aujourd’hui, dans la société de marché qui est la nôtre, ce n’est plus l’État mais l’entreprise qui est au centre de tout. Une entreprise, notamment s’agissant des plus grandes, de plus en plus totalitaire.

    1– Sous le poids des règles de normalisation voulues par les lobbies et de la judiciarisation croissante, les entreprises ont multiplié les procédures internes. Limitant les marges de manœuvre des acteurs de terrain et créant une coupure entre ceux qui conçoivent des « process » depuis les ordinateurs des sièges sociaux et ceux qui les appliquent sans la moindre marge de manœuvre. Bref : une double irresponsabilisation.

    2– Dans le même temps, la grande entreprise cherche à prendre en charge une part de plus en plus importante de la vie de ses salariés. Salles de sport et conciergeries se multiplient pour rendre les salariés de plus en plus dépendants dans leur vie de tous les jours. Les GAFA vont plus loin dans l’ingérence dans la vie privée, en suggérant à leurs salariées de différer l’âge de leur maternité, y compris en congelant leurs ovocytes.

    3– Les directions du personnel, qui s’intéressaient à des personnes et pouvaient prendre en considération les particularités de chaque salarié, ont été remplacées par des « DRH », des directions des ressources humaines. Le vocable est parlant : il s’agit de substituer des procédures abstraites aux liens interpersonnels. C’est le temps de ce que Renaud Camus appelle l’industrie de la MHI, la matière humaine indifférenciée.

    4– L’entreprise a longtemps été le lieu de la neutralité politique. Son objet était de rémunérer ses actionnaires par le profit et ses employés par un salaire, sous la direction d’un management clairvoyant. Le tout dans le respect absolu des opinions des clients, des fournisseurs, des actionnaires et des collaborateurs. Ce n’est plus le cas.
    Les entreprises se dotent de « charte de valeurs ». A l’instar des fameuses « valeurs républicaines » promues par les médias et les hommes politiques. En fait, le mot « valeurs » est un mot valise, un mot de novlangue, pour signifier « conforme au politiquement correct ». C’est-à-dire pour le « développement durable », « la diversité », la « mixité » et l’interdit du réel.

    5– Or l’entreprise est le lieu qui façonne les esprits à travers la publicité et la communication : 2 % du produit intérieur, non pour faire de la réclame pour un produit, mais pour diffuser de la propagande publicitaire vantant des modes de vie et promouvant le Grand Remplacement, le métissage (couples mixtes avec homme noir ou arabe en position de domination d’une femme blanche) et la promotion de l’homosexualité (financement de chars à la gay pride et de TGV arc en ciel, par exemple).

    6– Le mécénat d’entreprise œuvre dans le même sens. Promotion de « l’AC », l’art contemporain « conceptuel », et des associations humanitaires de défense des causes les plus conformistes. Certaines grandes surfaces commerciales – comme Truffaut par exemple – incitent même leurs clients « à la générosité » en les incitant à arrondir leurs factures en versant des pouièmes à des associations préalablement (bien) sélectionnées. Une manière habile de faire sa com en faisant payer sa générosité aux autres…

    7– Les entreprises entendent aussi contrôler l’opinion de leurs clients : privant certains médias de leurs publicités (campagne des « sleeping giants » visant à assécher financièrement CNews, Valeurs Actuelles ou Boulevard Voltaire) ; fermant des cagnottes (Leetchi) et refusant d’ouvrir des comptes bancaires (à des partis politiques ou des candidats). 

    8– Une étape supplémentaire vient d’être franchie avec la mise en place d’une censure privée par les GAFA. Une censure n’offrant ni la garantie d’un débat contradictoire, ni celle de quelconques recours. Une formidable régression de la liberté d’expression.

    9- Dans la foulée, les entreprises mettent en place de véritables interdits professionnels débouchant sur des licenciements pour motifs politiques (Romain Espino chassé du crédit agricole après une action identitaire de défense des frontières) ou des motifs encore plus futiles (David Doucet chassé des Inrocks pour un vieux canular téléphonique). Désormais, la police des tweets est partout et d’innocents messages Facebook peuvent servir de charges à des Fouquier-Tinville du business.

    10– Le tout en se soumettant à la dictature de petites minorités agissantes qui font régner leurs lois par la terreur.

    La réponse est pourtant simple : ne pas céder aux campagnes d’intimidation. Dire non. Et contre-attaquer en combattant les entreprises totalitaires.

    Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 15 décembre 2019)

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  • Misères françaises...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré aux misères qui accablent la France. Économiste de formation, vice-président de Géopragma et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    Misères françaises

    Misère identitaire, d’abord, quand il est interdit d’être fier de la France, fier de son histoire, fier de la puissance et de la grandeur de la France – qu’en reste-t-il quand le nucléaire est bradé, que l’armement est sous occupation allemande, et que l’étranger fait la loi en France même ?

    Misère morale également, quand tout ce qui était bon et bien, tout ce qui faisait d’eux un père ou une mère de famille, un élu local, un croyant, est tourné en dérision, quand l’honnêteté et le travail bien fait deviennent le propre des imbéciles et que les escrocs de la finance s’affichent en modèles ?

    Quels juristes dénoncent la pratique importée des États-Unis du « efficient breach of contracts », qui signifie que chacun peut renier sa parole et déchirer un contrat, s’il y trouve intérêt ? Misère morale plus encore quand l’inversion des valeurs devient la règle, et quand défendre son territoire et exiger de parler français dans son entreprise ou chez le boulanger du coin devient coupable, quand dénoncer le pillage des aides sociales et la fraude massive à la Sécurité Sociale est interdit (voir le sort malheureux de la commission d’enquête parlementaire récente), quand c’est le voleur qui a raison devant le tribunal si sa victime ou le policier ont osé se défendre ?

    Misère territoriale aussi, quand les villages perdent le nom des Saints qui ont veillé sur eux depuis des siècles, quand des régions qui ont fait l’histoire de France se voient confondues dans d’impossibles fusions copiées des Länder allemands, quand le Maire de Paris déclare que ses voisins s’appellent Londres ou San Francisco, et surtout pas Lozère ou Finistère.

    Misère sécuritaire tout aussi bien, quand les statistiques grossièrement faussées du Ministère de l’Intérieur (lire sur Atlantico Xavier Raufer) échouent à cacher la montée des vols aggravés et des agressions, quand le mélange de banditisme et d’islamisme radical ferme des territoires entiers à l’ordre républicain et s’attaque à ces symboles honnis de la France que sont écoles et centres de culture, quand les Français oubliés de la « diagonale du vide » voient leurs impôts manquer pour garder le bureau de Poste ou la gendarmerie, mais nourrir les flots d’aides qui achètent la paix civile dans le « 93 » en payant ceux qui chantent et dansent leur haine de la France et des Français — curieusement, même les guets-apens contre des policiers ou des pompiers s’y concluent par « il n’a été procédé à aucune interpellation » ?

    Misère sécuritaire encore plus quand un gouvernement affiche sa volonté de faire payer tout ce qui demeure, qui tient et qui dure, en concentrant l’impôt sur la propriété immobilière et foncière (l’IFI qui a remplacé l’ISF), en fragilisant la propriété par l’atteinte au statut des notaires, en laissant l’escroquerie des éoliennes violer les paysages français. Et le pire est à venir ; en travaillant à séparer la propriété de la terre de celle du bâti, sous prétexte de faciliter l’accès à la propriété, le gouvernement réalise la prophétie de Marx ; « le capitalisme finira par enlever la propriété de la terre à ceux qui y vivent » pour que la terre accaparée par la finance et les fonds d’investissement fasse de tous les Français des migrants comme les autres, des hommes de nulle part et de rien, remplaçant la pauvreté digne du village par la misère muette des métropoles.

    Sauvagerie morale et écologique, culturelle et territoriale tout aussi bien. Sauvagerie de l’alliance entre des élites hors sol et les migrants à disposition, sans salaires, sans syndicats, sans contraintes. Sauvagerie des métropoles et de leurs bataillons d’employés de service livrés aux conditions indignes des transports, de l’habitat, de l’incivilité. Sauvagerie d’un pouvoir qui ne tient plus compte du vote, passe outre les referendums et sacrifie la volonté nationale au gouvernement des indicateurs et des gérants de fonds, pour en finir avec toute expression de la liberté politique et de la démocratie. Sauvagerie surtout d’élites autoproclamées qui se considèrent au-dessus de la France, de la République, et des citoyens, et qui se pensent et se vivent déjà autres, sortis de la condition humaine, hors sexe, hors âge, hors terre. Il leur suffit d’avoir un chauffeur.

    Voilà probablement la forme la plus actuelle de sauvagerie à l’œuvre, la sauvagerie de ceux qui considèrent depuis leur ministère ou leur tour de verre et d’acier que tous les autres sont des sauvages, la sauvagerie de l’individu globalisé contre l’indigène de chez lui. Elle appelle en retour une haine anthropologique, la haine de ceux d’ici, d’une terre et des leurs, contre ceux qui prétendent échapper à la condition humaine, à la nature et à la Nation. Cette haine est nouvelle. Elle s’est entendue dans les rues de Paris, de Carhaix, de Rodez ou de Caen. Elle rejoue la scène originelle des sociétés humaines, quand ceux qui n’étaient pas des hommes, ceux qui n’avaient pas droit de faire partie de la société, étaient éliminés comme boucs-émissaires. Cette violence fondatrice assurait la paix, la concorde et la solidarité entre ceux qui savaient dire « nous » et regarder l’avenir ensemble. Ferons-nous l’économie de cette forge où se trempe l’unité d’un peuple ?

    La sauvagerie globale de l’individualisme libéral à ses derniers soubresauts appelle le collectif, l’Etat et la République à reprendre la main. Elle explique la réaction de ceux qui ne font que répondre à la sauvagerie qu’ils subissent chaque jour. Elle indique que les vrais fronts où se jouent la souveraineté, l’unité et la sécurité nationales, ne sont pas extérieurs, ils sont intérieurs. Elle appelle l’État, la justice, et cette sécurité morale et nationale qui est la condition d’une société apaisée.

    Le destin de la France se joue dans la réponse qui sera apportée à la sauvagerie d’un système qui emploie le chaos pour survivre. Et celles et ceux qui ont chaque jour à préserver de l’ordre et de la Nation ce qui peut l’être, celles et ceux qui sont confrontés à la vente au plus offrant des entreprises et des terres françaises, à la destruction de l’État au nom des intérêts privés, doivent réfléchir à qui sont leurs vrais ennemis, à ce et ceux qu’ils ont pour mission de défendre, et à ce qu’a signifié dans l’histoire collaboration.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 2 décembre 2019)

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  • Quand la désindustrialisation tue...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Nicolas Goetzmann à Figaro Vox et consacré au recul de l'espérance de vie des Américains. Nicolas Goetzmann est économiste.

     

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    Aux États-Unis, la désindustrialisation tue

    FIGAROVOX.- Une étude publiée par le Journal of the American Medical Association a révélé l’augmentation des taux de mortalité des 25-64 ans dans toutes les catégories de la population américaine, pour la première fois dans l’histoire du pays. Pourtant, les États-Unis ont le niveau de dépenses de santé par habitant le plus élevé du monde: n’est-ce pas paradoxal?

    Nicolas GOETZMANN.- Entre 1959 et 2014, l’espérance de vie aux États-Unis est passée de 69.9 à 78.9 ans. Mais depuis lors, on assiste à un recul - pour trois années consécutives - pour en arriver à une espérance de vie de 78.6 ans en 2017. La nouvelle «donne» révélée par cette étude est que la classe d’âge qui est la plus frappée par cette hausse de la mortalité sont les 25-34 soit de +29 % entre 2010 et 2017. Les causes de ces décès ont d’ores et déjà été analysées en 2015 et ont été regroupées sous l’intitulé de «morts par désespoir» par le Prix Nobel d’économie Angus Deaton et l’économiste Anne Case (qui publieront un ouvrage en mars 2020 sur ce sujet): crise des opioïdes, maladies liées à alcool, suicides.

    On peut effectivement se poser la question du système de santé américain, qui représente près de 18 % du PIB du pays, contre 11.5 % pour un pays comme la France. Ce système américain est le plus inégalitaire au monde, c’est un élément qui permet de comprendre ce paradoxe. On peut donc y voir une cause, mais d’autres facteurs sont en jeu.

    Le fait principal est que l’on observe cette hausse de la mortalité dans des zones assez précises des États-Unis, la vallée de l’Ohio notamment. Un tiers des décès qui sont ici analysés ont eu lieu dans seulement quelques États qui sont également connus pour avoir été les principales victimes de la désindustrialisation ces dernières années, notamment suite au phénomène du «China Shock» mis en avant par les économistes David Autor, David Dorn et Gordon Hanson.

    Entre la fin des années 60 et la fin de l’année 2000, le nombre d’emplois manufacturiers est resté stable aux États-Unis, soit environ 17 millions d’emplois. Mais entre 2000 et 2009, la chute a été vertigineuse, pour atteindre 11.5 millions d’emplois, soit une chute de plus de 30 % en moins de 10 ans: c’est le «choc chinois», c’est-à-dire les conséquences sur les emplois manufacturiers de l’entrée de la Chine dans l’OMC en décembre 2001. Ici encore, ce phénomène s’est concentré sur quelques États bien particuliers, dont l’Ohio.

     

    On peut donc voir une cause liée au système de santé, mais aussi une cause plus profonde liée au désespoir engendré par la désindustrialisation. On doit tout de même ajouter les scandales liés aux opioïdes, qui ont notamment abouti à la mise en faillite du groupe pharmaceutique Purdue pharma (Oxycontin), et la mise en cause de la Chine par Donald Trump sur la question du fentanyl (fabriqué dans des laboratoires en Chine et envoyé aux consommateurs américains). C’est un phénomène qui a épargné les pays européens pour le moment, mais dont les proportions sont importantes. Comme l’indiquait le site Vox.com, sur la seule année 2016, le nombre de décès par overdose a été supérieur à celui engendré par les 10 années de guerre du Vietnam.

    Cette évolution souligne donc l’importance grandissante des décès liés à la consommation de drogue ou d’alcool, voire le suicide. Signe d’un malaise profond dans la société américaine?

    L’économiste Anne Case le résumait très bien lors d’une interview donnée au Financial Times: «Il y a quelque chose de pourri qui se passait avant même l’introduction de l’Oxycontin (…) les gens veulent nourrir la bête du désespoir. Ils peuvent le faire avec des médicaments, avec de l’alcool, avec de la nourriture»

    Il y a évidemment un malaise profond, et l’élection de Trump est un symptôme de ce même phénomène. Ici encore, plusieurs études ont montré les liens entre les zones affectées par les morts par désespoir, le «china shock», et le vote en faveur de Donald Trump. Mais il serait juste d’indiquer que ces zones étaient déjà fragilisées par le passage des années 80 et 90, qui ont été le point de départ de politiques économiques moins favorables aux salariés en comparaison de celles des 30 glorieuses. Ces zones étaient déjà fragilisées au moment du choc, et celui-ci a achevé le mouvement de façon brutale. Et les effets sociaux ne s’arrêtent pas là. Parce qu’il faut également prendre en compte d’autres paramètres ; la baisse du taux de mariage des jeunes adultes dans les zones qui ont été les plus affectées par la désindustrialisation, le niveau d’éducation, ou encore la baisse de la mobilité. L’ensemble de ces phénomènes ont été montrés au public par la littérature américaine depuis de nombreuses années, et l’image de cette Amérique pauvre n’est aujourd’hui plus une nouveauté. Lors d’une interview, Angus Deaton avait indiqué qu’il pouvait être «pire d’être pauvre dans le delta du Mississipi qu’au Bengladesh», pour souligner l’absurdité de la situation, et l’importance de la déstructuration à laquelle la société américaine fait face aujourd’hui.

    Peut-on mesurer les risques de voir une telle situation se produire en Europe?

    On peut observer un grand paradoxe entre une Europe privée de croissance depuis 10 ans, et dont le taux de chômage est encore de 7.5 %, et les États-Unis qui ont un taux de chômage au plus bas depuis 1969 (3.6 %), et une croissance qui continue de progresser à un rythme soutenu. Et pourtant, le malaise décrit n’a pas touché l’Europe de la même manière. À une exception, qui est le Royaume Uni - qui subit également une hausse de son taux de mortalité chez certaines populations - alors que le taux de chômage est également à un plus bas historique.

    Nous avons d’un côté des pays qui parviennent à connaître une croissance forte, et à se placer dans une dynamique favorable, mais dont le niveau d’inégalités engendre une désespérance très forte d’une partie de la population, pour en arriver à une hausse de la mortalité. De l’autre, nous avons des pays européens qui continuent de s’affaisser d’un point de vue économique général mais dont la population résiste, relativement à ce qui est vécu aux États-Unis. Cette différence peut s’expliquer par la différence des modèles économiques.

    Les pays anglo-saxons ont connu une période de «libéralisme économique classique» dont la conséquence a été un affaiblissement de l’État providence, mais qui ont su, au moins en partie, préserver une politique macroéconomique dynamique, notamment grâce à l’action des banques centrales. Le résultat est que le pays, dans son ensemble, continue d’avancer et conserve son rang au niveau mondial. Mais une partie importante de la population est laissée de côté. En Europe, si nous avons encore des structures d’État-providence suffisamment puissantes, notamment en France, la politique macroéconomique a été catastrophique depuis 10 ans. Les pays perdent leur rang de façon rapide (l’Union européenne représentait 30 % du PIB mondial en 2008, contre 21 % aujourd’hui), la population en souffre également, mais est encore protégée par des transferts sociaux, en comparaison des cas anglo-saxons.

    Or, c’est tout le débat actuel sur le renouvellement du capitalisme qui est ici questionné. La période post-1945 s’était déjà caractérisée par la naissance d’un capitalisme nouveau, fondé sur les deux piliers que sont la recherche du plein-emploi (par le biais des Banques centrales) et l’État-providence. Il s’agissait alors d’une réaction au libéralisme des années 20 qui se combinait avec une protection accrue des populations en période de guerre froide. Lors du virage des années 80, les pays anglo-saxons ont remis en cause l’État-providence alors que les Européens ont abandonné la recherche du plein-emploi. Ce phénomène s’est accentué lors de la chute de l’URSS en 1991.

    Mais aucun des deux systèmes n’est viable, c’est ce que nous voyons aujourd’hui. Les deux piliers sont nécessaires, la macroéconomie et l’État-providence. L’Europe doit faire un effort certain pour le premier, les pays anglo-saxons pour le second. Si les pays occidentaux veulent pouvoir connaître une période de croissance, de retour de leur puissance, tout en entraînant l’ensemble de la population dans cette dynamique, il s’agit encore de la solution la plus aboutie.

    Nicolas Goetzmann, propos recueillis par Paul Sugy (Figaro Vox, 27 novembre 2019)

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  • Vincenot, l’authentique affabulateur...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Marie Leroy, cueilli sur le site de la revue Rébellion et consacré à Henri Vincenot, l'auteur du Pape des escargots et de La Billebaude.

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    Vincenot, l’authentique affabulateur

    Né en 1912, bourguignon et fier de l’être, Henri Vincenot se fit connaitre sur le tard – en mars 1977 – par le biais de la célèbre émission télévisée Apostrophes, présentée par Bernard Pivot. Si elle fut hautement méritée, et comme le souligna sa fille Claudine Vincenot dans la biographie qu’elle lui consacra, cette mise en lumière l’enferma dans un rôle bien particulier : celui du vieux papi que l’on rêve tous d’avoir. Cependant, Vincenot fut tellement plus que ça… Au fil des lectures de ses romans et de ses autres écrits, se profilèrent une vision du monde et une façon de vivre à défendre ainsi qu’une critique particulièrement caustique des méfaits de la modernité.

    Les années de colère

    Vincenot commençât à écrire très tôt. Dès le collège, il amusa ses petits camarades en faisant circuler – dans le dos du maitre – des petits papiers racontant une histoire, inventée au fur et à mesure des journées. Les quelques privilégiés en redemandèrent ! Mais son talent de raconteur se coupla déjà à un vrai talent d’auteur. A tel point que l’une de ses dissertations racontant ses vacances scolaires – largement romancées – en Bretagne fut plébiscitée par le maitre et publiée dans le bulletin du collège.

    Vincenot développa d’autres talents et l’on peut désormais reconnaitre qu’il excella dans toutes les disciplines artistiques où il s’essaya. Contraste saisissant avec son incapacité réelle à « produire » de l’argent, à avancer dans sa « carrière » d’ingénieur au chemin de fer, le rêve de ses parents.

    En grandissant, confronté au monde moderne, Vincenot utilisa ses talents pour dénoncer ce qu’il perçut comme des injustices ou comme des absurdités. La trilogie publiée et connue sous le nom «  les années de colère », comprenant les yeux en face des trous, a rebrousse-poil et je fus un saint – dont la lecture est hautement recommandée – témoigne de cette partie de sa vie. Elle ne représente évidemment pas l’intégralité de son vécu, car avec l’âge, Henri Vincenot s’apaisât. Néanmoins, elle marque l’un des aspects primordiaux de sa vision du monde et de son œuvre.

    Vincenot ne fut ni technophobe ni réactionnaire. Comme son père et son grand-père, il fit sa carrière dans les chemins de fer et témoigna en bon enfant du rail d’une vraie passion pour les locomotives. Devenu journaliste pour le magazine la vie du rail, il s’impliqua assidûment dans la rédaction et la mise en page de ses articles. Il voyagea partout en France pour couvrir avancées et évènements qui animèrent la vie des cheminots. Cette expérience lui donna l’inspiration pour son futur personnage du Professeur Lorgnon et montra au final que sa critique de la modernité ne s’inscrivit jamais dans une nostalgie vaine mais bien plutôt au sein d’une analyse lucide du monde qui fût le sien.

    Pour s’être pris la réalité du monde du travail en pleine face, Vincenot se révéla défenseur acharné d’un travail « qui a du sens ». Peintre, sculpteur, auteur, journaliste, reporter, cheminot… Il eut dans le travail et dans l’effort plusieurs vies. Et lorsqu’il put enfin faire ce qu’il voulait vraiment, et ce notamment grâce au soutien indéfectible de sa femme et unique amour de sa vie, il se révéla très prolifique. Mais sa vision du travail s’ancra toujours dans la réalité, dans la vraie vie. Sans qu’il le dise, Vincenot se voulut défenseur des fameuses 3 x 8 : 8 heures de travail physique, 8 heures de travail intellectuel, 8 heures de repos. Cette vie simple, des honnêtes travailleurs, fut également celle des moines bénédictins lors de la période de la chute de l’empire romain, afin notamment de se préserver de la décadence ambiante…

    Un fier gaulois

    Une comparaison pas si farfelue pour ce celte patenté, très attaché à la fois aux racines chrétiennes et païennes de la France. Fier Gaulois, se voulant descendant de la tribu des éduens, et dont la filiation celte est indéniable, il se révéla dans ses œuvres défenseur de l’homme portant la soutane. Son rapport à l’Eglise en tant qu’entité et doctrine fut néanmoins ambigu. Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, Vincenot se posa comme un homme pétri de contradictions. En somme, il se voulut païen lorsque les grenouilles de bénitier –telles ses grands-mères durant sa jeunesse- le saoulèrent avec la doctrine religieuse et un puritanisme souvent mal placé et catholique quand ses congénères le bassinèrent avec la laïcité, le Progrès et la modernité. Et ce genre de paradoxe, c’est typiquement français !

    A contrario, Jésus fût son gars sûr, son modèle. Les valeurs prônées par Jésus Christ, son message et sa vie : l’amour, le pardon, le partage, une certaine forme d’ascétisme et enfin une quête de la perfection de soi : voilà bien des choses qui définirent la vie d’Henri Vincenot. En effet, il ne fonctionna ni à la recherche de l’argent, ni à celle de la notoriété ni même encore par ambition. Certes, sans jamais jouer les faux modestes, il se montra fier de lui et de ses livres. Mais ses aspirations révélèrent surtout une quête d’un idéal, une quête dont on revient progressivement avec la sagesse de l’âge et de l’expérience.

    Ainsi, un jour où son fils – adulte – lui raconta les misères que lui faisaient vivre ses supérieurs hiérarchiques, Vincenot lui expliqua en bon amoureux de la liberté que l’homme n’est au final qu’un salopard et que pour vivre heureux, il faut se débrouiller pour sortir de l’autorité des gens qui nous cherchent des poux… Ainsi, Vincenot se voulut plus anarchiste de droite que vieux grincheux régionaliste ! Amoureux de la liberté, il se révéla dans la vie méfiant à l’encontre de tout ce qui pouvait brider sa créativité et son bonheur.

    La quête de la Femme

    Sa Quête fut celle « de la solitude, de la pureté et de l’ascétisme » 1 . Enfin, sa Quête, ce fut enfin celle de la jeune Femme, jeune Femme que l’on doit mériter. Tel un preux chevalier des temps modernes, le jeune homme doit se montrer à la hauteur de la gente dame. L’œuvre de Vincenot étant beaucoup romancée, il importe de noter qu’a contrario, cet aspect de son travail est pour le coup totalement autobiographique. Souvent affabulateur, magnifiant les évènements de sa propre vie, Vincenot est dans son roman l’œuvre de chair totalement dans le vrai. Se déroulant en majeure partie dans la belle région de Bretagne, ce roman sonne si juste et si grand. En vérité, aucun livre n’a jamais aussi bien défendu et mis sur un piédestal la fidélité et la virginité que l’œuvre de chair.

    ll y a chez lui à la fois la défense d’une grande chasteté, un immense respect de l’œuvre de chair, de l’acte sexuel, et une profonde truculence de la vie. Dans sa vision des choses, il doit y avoir fidélité avant la rencontre. La jeune femme devient dans l’œuvre de chair une projection de son désir d’amour mêlé au récit d’une vieille conteuse bretonne, celui d’un chevalier qui est à la poursuite de la femme de ses rêves sans jamais réussir à la rattraper. Si son amour pour la Bretagne ne semble pas aussi profond que celui qu’il a pour sa chère Bourgogne, il apparait néanmoins comme authentique. C’est aussi le cas lorsque l’action prend place dans les plaines de l’Atlas.

    Un authentique identitaire

    Vincenot fut donc un authentique identitaire. Il se voulut ardent défenseur de la diversité culturelle, anti-impérialiste et critique de la colonisation, le tout non sans humour. Son amour pour sa Bourgogne natale ne se fit jamais contre les autres cultures. Il connut pendant sa jeunesse l’attrait pour la ville, en particulier pour Dijon. Et déchanta très vite. Plus tard, il dut partir vivre à Paris avec sa petite tribu, pour soigner l’un de ses fils, gravement malade. Le moins que l’on puisse dire est que ses années parisiennes ne firent que conforter ce qu’il ressentait pour la vie citadine et les méfaits qu’elle engendre. C’est ainsi que le véritable projet de sa vie ne fut finalement pas d’ordre artistique. Il s’agit de la construction de la peurrie (prononcé pourri), un petit hameau découvert par hasard pendant une battue au sanglier avec le grand-père… Cela lui prit des années, et engagea au final toute la famille, jusqu’aux arrières petits enfants, mais Vincenot réussit à se construire un véritable havre de paix au sein de sa Bourgogne natale. Il y est d’ailleurs enterré, sous une croix celtique, tout comme sa femme.

    Bourguignon enraciné, il verrait sûrement d’un œil avisé et curieux le phénomène actuel d’exode urbain. Qu’il soit volontaire ou non, ce retour à la terre que connaissent actuellement les jeunes générations est le bon chemin. En tout cas, si on en croit les écrits de Vincenot, et tant qu’il se fait sérieusement et en partenariat avec les locaux.

    Dans ses écrits, Vincenot montra à quel point la vie moderne créée plus de problèmes qu’elle n’en solutionne. Ainsi, la femme moderne prend cher avec lui. Mais loin d’être misogyne, il ne la blâme pas, mais la plaint. La Femme avec un grand F est a contrario encensée par Vincenot, tant qu’elle ne se corrompt pas, tant qu’elle ne nie pas sa féminité. Les rapports entre hommes et femmes ne sont pas hiérarchiques mais chacun est à sa place, pour le bonheur de tous et le règne de l’ordre. On retrouve cet anarchisme de droite qui lui colle décidément à la peau. Sa vision de la Femme agacera sûrement les féministes d’aujourd’hui, et il est certain qu’elle lui causerait aujourd’hui bien des soucis mais en vérité sa vision des choses semble plus saine et conforme à l’épanouissement de la Femme.

    Les chemins de la vie

    Défenseur de la Tradition, pourfendeur de la modernité, précurseur de l’écologie, anarchiste de droite… Voici quelques étiquettes que l’on pourrait coller à cet écrivain hors norme. Au final, ce qui marque le plus dans ses écrits lorsqu’on y cherche une vision politique, c’est la capacité dont fait preuve Vincenot à décrire l’absurdité de la modernité : l’aliénation de la Femme, l’école publique, les grands magasins, le malthusianisme, le tout-travail, le productivisme, l’exode rural, le marché de l’art, l’immigration de masse… Tout y est ! De surcroit, il le fait avec humour et sans jamais se révéler passéiste, technophobe ou aigri. C’est pourquoi un militant, en particulier un militant recherchant une critique globale des méfaits du monde moderne doit lire Henri Vincenot. Par ses personnages sympathiques et présentés comme hors du temps, tels que la Gazette ou Marc’harit, il nous montre qu’un autre monde est possible. Il remet au goût du jour l’importance de la lenteur dans la vie quotidienne, de billebauder (partir à l’aventure) et promeut de travailler sérieusement mais de vivre en dilettante : « Vivez en dilettante, faites les choses en aimant ce que vous faites ».

    Marie Leroy (Rébellion, 21 novembre 2019)

     

    Note :

    1 : Voir Henri Vincenot, La vie toute crue de Claudine Vincenot, éditions Anne Carrière, page 66

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