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Points de vue - Page 108

  • La 5G, un enjeu stratégique pour la France et l'Europe ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christopher Coonen, cueilli sur le site de Geopragma et consacré à la 5G comme enjeu stratégique pour la France et l'Europe. Secrétaire général de Geopragma, Christopher Coonen a exercé des fonctions de directions dans des sociétés de niveau international appartenant au secteur du numérique.

     

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    La 5G : il est urgent d’agir sur cet enjeu de souveraineté pour la France !

    La 5G – la cinquième génération des standards pour la téléphonie mobile – revêt un double enjeu de souveraineté pour la France : son déploiement dans l’Hexagone et notre capacité d’autonomie technologique et industrielle, afin de conquérir des parts de marché au niveau mondial face aux géants chinois et américains. Un enjeu tant économique qu’il est naturellement géopolitique, car les deux sujets ont toujours été intrinsèquement liés. 

    Avec la 5G, le débit de données sera 10 à 100 fois plus puissant qu’avec la 4G. Au-delà des calculs et des quantités de débit, il existe un calcul de pouvoir et d’influence qui devrait intéresser au plus haut point tous les dirigeants politiques, militaires, d’entreprises, et du renseignement. En effet, contrairement à la 4G, les données ne seront plus uniquement transportées d’un point A vers un point B, mais seront bien interactives dans tous les sens et depuis de multiples sources, rendant la gestion des villes connectées, l’utilisation de voitures autonomes ou encore de drones civils et militaires bien plus efficace et avec des réactions en contexte et en temps infiniment réel. C’en sera fini de la « latence technologique ».

    Les grandes manœuvres ont débuté pour l’attribution des licences et le déploiement de la 5G à l’échelle mondiale, ainsi que les appels d’offre organisés pour la construction de ce réseau révolutionnaire qui comprendra des « backbones » de fibre optique terriens et sous-marins, des routeurs et des réseaux du dernier kilomètre. Les entreprises qui les installeront auront à gérer leur part de réseau et les données y transitant. Or, face à ces enjeux de souveraineté colossaux comme d’ailleurs bien d’autres, l’Europe se retrouve de nouveau coincée entre les Etats-Unis et la Chine – et leurs acteurs publics et privés – dans un rôle de suiveur. 

    Dans ce combat mondial où la taille et les économies d’échelle sont primordiales, le risque pour la France réside dans le fait que nos acteurs européens Ericsson, Nokia et Alcatel – qui tous trois possèdent des parts de marché minoritaires aujourd’hui – soient complètement distancés par les trois mastodontes Cisco (US), ZTE et Huawei (Chine). Contre ce dernier, les Etats-Unis mènent une campagne de pressions notamment envers les opérateurs télécoms en Europe, ainsi qu’envers nos gouvernements pour sortir Huawei de cette « course aux armements » du XXIème siècle d’un nouveau genre. 

    Mais cette posture du gouvernement américain est imprégnée d’une hypocrisie sans vergogne. Dans cette affaire de capacités exponentielles dans le routage et le stockage de données, il existe aussi un angle « NSA » (National Security Agency), les « Grandes Oreilles » de notre grand allié qui sont allées jusqu’à épier les téléphones mobiles de chefs d’Etat « amis ». Enfin, pire pour l’Europe, elle est loin sur son propre territoire de reconstruire et même simplement de rénover son propre réseau avec les seuls acteurs nordiques et français. 

    Alors que les puissances mondiales et bien d’autres pays ont entamé le déploiement de la 5G (Chine, Etats-Unis, Corée du sud, etc.), la France est l’une des lanternes rouges de l’Europe. Un lancement commercial à grande échelle a déjà été réalisé en Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, Hongrie, Italie, au Royaume-Uni, et en Suisse. Nous avons pris beaucoup de retard : le gouvernement français ne lancera les enchères des fréquences que cette semaine ! ce qui induira un début de déploiement à la mi-2021 au plus tôt. 

    Un frein supplémentaire émerge dans notre pays au travers d’un débat ubuesque sur la décision du déploiement ou non dans l’Hexagone et en Outre-mer. Cette révolution technologique est prise en otage par toute une kyrielle d’ONG et d’élus écologistes qui argumentent que cette technologie est dangereuse pour la santé, alors même que les études de l’ANSES et de l’IGAS concluent que la 5G n’est pas plus nocive que la 4G. En fait, cette technologie va être motrice dans le combat contre les émissions de CO2 et le réchauffement climatique. Pour ne prendre qu’un exemple : la gestion des « villes intelligentes ». Grâce à sa mise en place dotée de capteurs, elle permettra de gérer le trafic sur la voirie, le chauffage urbain, l’illumination des municipalités ainsi que l’arrosage de leurs parcs et jardins de manière optimale. 

    Les enjeux de la 5G sont donc considérables. Et pourtant, l’un des champions européens, le finlandais Nokia, a annoncé le 22 juin dernier la suppression en France de 1 233 emplois dans sa filiale Alcatel-Lucent, soit un tiers de ses effectifs, dont 831 à Nozay (Essonne), qui regroupe des fonctions de support. Mais pire, le groupe prévoit de supprimer 402 postes à Lannion (Côtes d’Armor), soit la moitié des effectifs de ce site dédié à la Recherche et au Développement ! Comment être alors à la pointe de l’innovation ou simplement posséder une force de frappe, pour contrecarrer les géants américains et chinois ? L’avenir dans ce contexte est clair : les opérateurs téléphoniques français et européens n’auraient alors quasiment que le choix d’adopter la technologie de l’un de ces deux pays.

    Nokia avait pourtant pris toute une série d’engagements lors du rachat d’Alcatel-Lucent, promettant notamment de maintenir les effectifs au même niveau. Maintenir, cela veut dire potentiellement supprimer des postes dans une division, mais en créer dans une autre pour compenser.

    Bercy a demandé au groupe finlandais de revoir sa copie. Mais ne soyons pas naïfs ! Souvenons-nous des promesses faites par les acquéreurs étrangers lors des rachats des pépites françaises : Arcelor par Mittal, ou encore Alstom par GE, pour ne nommer qu’eux. Et du champ de ruines social qu’ils ont laissé derrière eux avec des fermetures de sites et des licenciements, pour ne pas parler de l’appauvrissement technologique. Nos gouvernements successifs s’étaient alors indignés et avaient demandé des rétropédalages, mais peine perdue. 

    Face à ce naufrage, il existe une solution de souveraineté industrielle retrouvée pour la France et l’Europe dans ce domaine stratégique. Surtout qu’une étude de la Commission européenne estime que le marché de la 5G se chiffrera à 113 milliards d’euros d’ici 2025, c’est-à-dire demain. Dans le contexte actuel, c’est donc un vide sidéral pour la France et l’Europe de part et d’autre face à ces opportunités commerciales majeures.

    Une première étape consisterait en un rachat français d’Alcatel-Lucent auprès du groupe Nokia, avec un mélange de Management Buy-Out (MBO) et d’une nationalisation temporaire orchestrés par la direction et l’Etat. Le MBO serait l’occasion d’offrir à la direction et potentiellement à tous les employés de mettre la main à la poche pour financer une portion du rachat. Notre gouvernement pourrait combler le solde du montant de l’opération avec des fonds de la Banque publique d’investissement et de la Caisse des dépôts, soit en forme de prêts ou de montée au capital de l’entreprise.

    Ensuite, une fois l’opération réalisée, un conglomérat européen fort pourrait être constitué avec l’autre prestataire du Vieux Continent : le suédois Ericsson. Une alliance stratégique et commerciale commune – sans forcément procéder à une fusion des bilans des deux groupes – pour concurrencer efficacement ZTE et Huawei, le coréen Samsung, et Cisco, et avoir une part importante dans la définition des standards. S’affrontent également sur cette question de normes gouvernements et acteurs privés, et ces derniers ont bien plus de chance d’innover rapidement et de se mettre en ordre de bataille avant que ne le fassent les bureaucraties d’Etat ou pire la bureaucratie communautaire avec telle ou telle « directive » ; notre regard peut s’arrêter sur l’impuissance et même l’inconscience des membres de l’Union européenne depuis vingt ans sur toutes sortes de questions liées à la technologie… En l’absence de standards et de supervision, tout est possible et hors de contrôle.

    Cette « fusion » pourrait être d’ailleurs un modèle pour d’autres domaines stratégiques dans lesquels le « Vieux Continent » peine à s’imposer : l’industrie, la santé, les services du Cloud, l’intelligence artificielle, etc.

    Il est donc urgent d’agir sur ce sujet primordial de souveraineté !

    Christopher Coonen (Geopragma, 28 septembre 2020)

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  • Quand l’État profond mène une diplomatie parallèle...

    Nous reproduisons ci-dessus un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur Geopragma et consacré à l'action de l'"État profond" en France. Cet article a été publié initialement dans le deuxième numéro de la revue Front populaire.

    Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

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    L’État profond mène une diplomatie parallèle

    Depuis des années, la diplomatie française a été désarmée par l’administration profonde du pays, qui musèle les gouvernants et tient les rênes de notre politique étrangère. Le programme de ces hauts fonctionnaires indéboulonnables est clair : s’aligner sur la diplomatie américaine, faire le jeu de l’Union européenne et enlever à la France tout ce qui lui reste de souveraineté.


    Qu’est-ce que l’État profond (deep state en anglais) ? À quoi, à qui sert-il  ? Ne s’agit-il pas du mythe entretenu d’une permanence régalienne transcendant les aléas politiques au profit de la solidité institutionnelle ? Ou plutôt de l’avatar fantasmé d’un complotisme rabougri ? S’il existe bel et bien, est-ce partout dans le monde ou juste en Occident ? Quel est son rapport à la démocratie, à la dictature, à la souveraineté, à la nation, au peuple ?

    L’expression est à la fois inquiétante et attirante, nimbée d’une aura mystérieuse d’influences et de nuisances. Dans son acception la plus commune, l’État profond renvoie au territoire secret des initiés du « vrai pouvoir », celui du temps long où une « vision » structurée et portant l’intérêt national supérieur d’une nation est mise en œuvre par-delà l’immédiateté des injonctions médiatiques, les intérêts politiques personnels ou corporatistes et les humeurs instables des peuples. L’État profond serait le sanctuaire immatériel et concret mais surtout résilient de l’essence du politique. Il la préserverait de la démagogie électoraliste et de l’air corrosif du temps ; un saint des saints pour la souveraineté populaire et nationale protégée par une armée des ombres vouée à défaire les maléfices du temps court et la tyrannie de la transparence. L’État profond serait en somme l’envers vertueux de l’État « officiel », porteur incorruptible de son « sens » au profit ultime du peuple et de la démocratie.

    L’État profond contre l’État

    C’est beau comme l’Antique…, mais c’est une légende. Ce fut peut-être (un peu) le cas de l’État profond des origines, né en Turquie sous le nom de derin devlet. Ce maillage secret reliant milieux économiques, caste militaire et appareil de renseignement constitua longtemps le bras armé de l’élite militaro-laïque post-ottomane vouée à la protection de l’État kémaliste contre une société turque restée profondément pieuse. Il s’agissait d’empêcher le basculement politique de la jeune démocratie turque dans un islamisme qui aurait hypothéqué sa modernisation. C’était il y a longtemps… Depuis son arrivée au gouvernement en 2003 et plus ouvertement grâce au « coup d’État manqué » de juillet 2016, Recep Tayipp Erdogan s’emploie à détruire ces réseaux laïcs protecteurs et à consolider l’emprise d’un islamisme politique assumé qui fait chanter l’Europe et l’OTAN en toute impunité. On peut donc casser le deep state, même quand il est utile. Mais il faut s’appeler Erdogan.

    L’État profond est-il dangereux pour la démocratie ? Oui. Mais la dérive ne prend pas sa source dans l’opposition entre l’« ouvert » et le « fermé », le transparent et l’opaque. Tout État a légitimement besoin de secrets pour persister dans l’être et contrer les attaques de toute nature qu’il subit en permanence. La dérive réside dans la fonction tenue par ces structures profondes, qui n’est pas protectrice mais prédatrice des intérêts nationaux. Aujourd’hui, en France ou aux États-Unis, pour ne prendre que ces exemples, les ramifications de l’État profond agissent non plus pour, mais contre l’État, contre la nation et pire encore, contre le peuple. Elles sont comme des bernard-l’ermite qui pénètrent une coquille inerte, l’investissent et se déplacent à loisir sans se montrer. Elles consolident en sous-main la privatisation progressive des appareils d’État au service d’autres agendas, personnels, corporatistes mais aussi étrangers.

    Prendre le contrôle de la politique étrangère et de la défense d’un État, le faire renoncer à définir et défendre sa souveraineté, ses intérêts et ses principes reste un must pour l’État profond. Cette captation se fait évidemment au nom de la raison, de la mesure et du progrès, et, pour détruire toute suspicion, toute critique et plus encore toute enquête sur ces « mafias institutionnelles » aux ramifications internationales, ses relais, notamment médiatiques, évoquent volontiers la théorie du complot. L’État profond n’existe pas. C’est une lubie complotiste. Circulez, il n’y a rien à voir !

    Pourtant, l’État profond est tout sauf un mythe. Pour le général américain Westley Clark – ancien commandant de la campagne de l’OTAN contre la Serbie en 1999, soudainement déniaisé en 2001 lorsqu’il découvrit un document du secrétaire d’État à la défense Donald Rumsfeld prévoyant la déstabilisation et la destruction de sept pays en cinq ans (Irak, Syrie, Liban, Libye, Somalie, Soudan et enfin Iran) – c’est un « supramonde » qui agit non pas pour, mais contre l’État officiel, en se servant de ses rouages humains et institutionnels par l’activation de « pions » placés au cœur des gouvernements, des bureaucraties, des institutions, des médias, du monde politique et des affaires, des appareils judiciaire, militaire et de renseignement. Le deep state, ce sont aussi parfois des liens plus inavouables entre milieux politiques ou d’affaires et organisations mafieuses (cf. l’assassinat du président Kennedy). Ces dernières choisissent des politiciens ordinaires ayant des « cadavres dans le placard » ou une ambition dévorante, les mettent sur orbite politique, font leur carrière, comme celle du sénateur John McCain, construite sur l’imposture de son supposé héroïsme au Vietnam, et « tiennent » ces marionnettes qui favoriseront toujours leurs intérêts et leurs « options » pour que jamais on ne découvre leurs turpitudes ou leurs mensonges.

    L’État profond américain

    Comme en bien d’autres domaines, l’Amérique offre l’archétype de l’État profond. Cela ne date pas d’hier. On se souvient que dans son discours d’adieu de janvier 1961, le président Eisenhower avait déjà mis en garde contre la puissance prédatrice du « complexe militaro-industriel » américain (CMI) et son infiltration dans les rouages de l’État. Le CMI est l’ancêtre du deep state. Mais depuis 2016, c’est le sort politique du président Donald Trump qui incarne magistralement la puissance et l’étendue des réseaux du deep state américain, contre le verdict des urnes ayant porté à la présidence un homme à la fortune faite, donc peu maniable par les faiseurs de rois néoconservateurs qui avaient décidé qu’Hillary Clinton servirait docilement leur agenda belliciste. Que l’on songe à l’ahurissante vindicte dont il fait l’objet depuis sa victoire, aux forces qui se sont conjuguées pour le diaboliser et l’empêcher d’agir, mais aussi pour intimider, décrédibiliser et provoquer le remplacement de tous les hommes qu’il avait choisis, par des boutefeux « neocons » (Bolton, Mattis, Pompeo, etc.) qui ont failli provoquer une guerre avec l’Iran et n’y ont pas renoncé. Sa présidence aura été sapée de bout en bout, depuis un « Russiagate » grand-guignolesque jusqu’au lancement spécieux d’une procédure d’impeachment. Tout cela pour lui faire courber l’échine.

    Quels que soient les défauts ou les limites du président Trump, l’État profond joue depuis quatre ans contre la volonté populaire et les intérêts supérieurs de la nation américaine. Triste victoire posthume pour le président Eisenhower que ce successeur dézingué du matin au soir à la face du monde et des ennemis de l’Amérique, accusé d’être stupide, fou et traître à sa patrie. Quant aux grands médias américains, fourvoyés avec jubilation dans cette indécente curée, ils se sont durablement décrédibilisés. In fine, que l’on aime ou pas les États-Unis, c’est la puissance de tête de l’Occident qui en aura pâti.

    Il faut dire qu’il avait lourdement péché en voulant se rapprocher de la Russie  ! Pragmatique, il avait compris que dans le nouveau duel USA-Chine, Moscou était une force de bascule qu’il fallait arracher aux griffes chinoises. Il voulait aussi en finir avec l’interventionnisme priapique du Pentagone et « ramener les boys » à la maison. Surtout, outrage impardonnable, dès avant son entrée en fonction, il avait mis en doute la véracité des briefings de renseignement qui lui étaient communiqués pour lui laver le cerveau. Bref, son programme était une provocation pour les néoconservateurs qui ont infiltré depuis vingt-cinq ans les partis démocrate et républicain. Un Président « imprévisible » répétait-on  ; incontrôlable surtout.

    Car l’une des caractéristiques de l’État profond est qu’il transcende les clivages partisans. Aux USA, ses figures sont aux commandes quelle que soit la couleur de l’administration. John Bolton, Dick Cheney, Paul Wolfowitz, Donald Rumsfeld, le vieux Zbigniew Brzezinski, le général Mattis et aujourd’hui Mike Pompeo – pour ne prendre que les têtes d’affiche –, en poste ou en backstage, sont à la manœuvre avec un agenda inchangé depuis la guerre froide  : contrer la Russie et son influence renaissante au Moyen-Orient et en Afrique, grignoter ses derniers alliés (Serbie, Monténégro, Biélorussie, Géorgie et naturellement l’Ukraine), soumettre l’Iran et ses affidés, aider Israël et soutenir la Turquie, puissance majeure du flanc sud de l’OTAN contre l’Europe. Une Europe qu’il ne s’agit pas de protéger mais d’affaiblir pour pérenniser l’emprise de l’OTAN comme structure centrale de la sécurité européenne, étendre sa zone géographique d’intervention légitime, vendre toujours plus d’armes aux vassaux européens de l’Alliance, renforcer les divisions entre la vieille et la jeune Europe, mais aussi entre la Contrôle et l’contrôle, pour prendre la place de Moscou comme premier fournisseur de gaz et de pétrole sur le Vieux Continent (cf. North Stream 2). Que l’administration soit républicaine ou démocrate, les objectifs et les moteurs de la puissance américaine ne bougent pas d’un iota  : déstabilisation des grands États laïcs du Moyen-Orient, mise en place d’hommes lige et de régimes aux ordres, salves de sanctions et « terrorisme extraterritorial » au nom de la lutte contre la corruption, dépeçage industriel et technologique des joyaux européens… L’Amérique vit depuis toujours de, pour et par la guerre et sur l’imposture d’une « nation indispensable » à la sécurité du monde. Elle doit donc en permanence déstabiliser pour justifier son intervention, puis reconstruire les champs de ruines méthodiquement entretenus. La paix ne l’intéresse pas. La démocratie non plus, sauf pour sa fonction instrumentale et « narrative ».

    L’État profond contrôle la diplomatie française

    Le cas français est lui aussi malheureusement éloquent. Car si Donald Trump a été depuis quatre ans le « prisonnier de la Maison Blanche », Emmanuel Macron est clairement celui de l’Élysée. Je ne veux pas accabler ici ses deux prédécesseurs qui ont enfermé notre diplomatie dans une impasse stratégique gravissime. Notre retour servile dans les structures militaires intégrées de l’OTAN, notre suivisme pavlovien sur les dossiers ukrainien, libyen, syrien, notre « diplomatie économique » qui nous a vendus aux monarchies du Golfe pour un plat de lentilles, tout cela est suicidaire et, à moins d’une rupture franche, presque irrattrapable. Cela n’a fait qu’accélérer la déstabilisation culturelle et sécuritaire de notre pays et son expulsion des affaires du monde.

    Quoi qu’il en soit, pas plus que Trump, notre Président actuel ne peut se rapprocher véritablement de Moscou et bousculer enfin les lignes de fracture anachroniques du monde. On ne le laisse(ra) pas faire. Trop d’argent, trop d’intérêts, trop de postes en jeu. Il peut bien aligner les déclarations, les discours, recevoir Vladimir Poutine à Brégançon, partir à Moscou… Tant qu’il n’osera pas couper la tête de l’hydre atlantiste et sortir la France de l’OTAN, toutes ses micro-initiatives tomberont dans le vide. Gone with the wind. La guerre froide n’a jamais cessé. Washington ordonne de traiter la Russie contemporaine comme l’URSS d’antan. La France n’a qu’à obéir. Notre diplomatie sans allonge ni portée, (des)servie par neuf ministres des Affaires étrangères en dix-huit ans, est menée depuis 2005 par des hommes ne faisant pas autorité dans leur domaine et n’en ayant pas non plus. Elle est menottée par ses servitudes et par un corpus de dogmes et de tabous qui diabolisent comme « rétrograde » et – injure suprême – comme « souverainiste » toute réflexion stratégique ou diplomatique singulière partant de l’évaluation de nos intérêts nationaux propres. Cette faiblesse diplomatique a considérablement affaibli l’exécutif et renforcé l’emprise du deep state sur la décision diplomatico-militaire. L’État profond français, en écho docile à son donneur d’ordres d’outre-Atlantique, a pour « objectif final recherché », selon la terminologie militaire, le maintien de l’inertie de notre politique étrangère et la poursuite de guerres sanglantes et inutiles. Les conflits actuels sont les manifestations les plus éclatantes de cette embolie diplomatique qui nous met, bien plus que l’OTAN à vrai dire, en état de « mort cérébrale » stratégique.

    Dans une inversion tragique, c’est le conformisme de pensée qui signe l’influence de l’État profond au cœur de l’appareil d’État français, confortée par la lente infiltration des utopies mondialistes, antinationales et ultralibérales qui ont favorisé une porosité mentale et culturelle au « narratif » atlantiste. Ses « agents » sont parfois corrompus mais le plus souvent convaincus. Leur esprit de renoncement est porté par un climat intellectuel et politique avachi. Notre diplomatie est sclérosée, tétanisée, impotente et surtout fataliste. La conjuration secrète des néoconservateurs pro-américains veille depuis l’intérieur du Quai d’Orsay, du ministère des Armées et de celui des Finances, à ce que la politique étrangère française ne s’autonomise pas. Son agenda clair irrigue des couches de responsables administratifs, diplomatiques, militaires, économiques, culturels et médiatiques et oriente véritablement l’action gouvernementale et administrative, engluant littéralement toute ambition de penser et d’agir autrement. Le pouvoir politique, quant à lui, tout entier dédié à des préoccupations électoralistes, ne veut ni ne sait plus décider. Il écoute les « experts » et pratique fébrilement le principe de précaution et l’ouverture de parapluie.

    Les objectifs de l’État profond

    Quel est cet agenda ? C’est tout simple : l’obéissance aux oukases américains. Dans tous les domaines. L’aboulie de la France sur la scène du monde, portée par une vision du monde myope et un entêtement dans des impasses diplomatiques manifestes. C’est l’agenda du Maître, celui d’une sujétion mentale, normative, économique et bien sûr stratégique, celui de l’affaiblissement nécessaire de l’Europe qui ne doit à aucun prix grandir et s’affranchir de sa tutelle de grande handicapée stratégique et rester confite dans un atlantisme paralysant. C’est celui de la fin des États et des peuples européens qui doivent devenir des territoires traversés de flux de populations les plus décérébrées et interchangeables possible, sommées d’oublier leur histoire, de dépenser leur argent, de se laisser dominer gentiment en se croyant ainsi pacifiques et modernes. Vaste programme ! Cet agenda, qui ne date pas d’hier, a présidé à la naissance même de l’Europe communautaire puis à son élargissement précipité et inconditionnel. Les politiques français, mis à part quelques kamikazes marginalisés, sont ses otages stockholmisés.

    Pourtant, on a cru voir le bout du tunnel. C’était il y aura bientôt un an, à la conférence des ambassadeurs, le 27 août 2019. Quelques phrases « en clair » du président de la République ont fait croire à une prise de conscience salutaire. Enfin s’annonçait le grand nettoyage des écuries d’Augias, depuis la haute administration jusque dans les couloirs de certains grands groupes nationaux qui abritent des hommes à l’influence « si profonde » qu’ils n’en finissent jamais de mourir et se recasent de cabinets en postes de conseillers « spéciaux » ou « stratégiques » pour poursuivre leur œuvre de sape. Le Président tança une assistance médusée, lui disant qu’« il savait qui ils étaient et qu’il refusait que l’on décide à sa place ». Mais dès le lendemain, il nommait à la Direction des affaires politiques du Quai d’Orsay l’une des figures les plus éminentes du néo-conservatisme français, qui allait faire la paire avec son « collègue » du Département des affaires de sécurité et de désarmement du ministère, et avec tant d’autres. Il avait dû « donner des gages », me dit-on. Ce n’était pas important, cela n’entraverait pas le vent de réforme qui soufflait enfin. Las  ! Le Quai d’Orsay est sous contrôle de l’État profond et le « pouvoir », s’il ne veut pas désobéir et enfin décider, n’est que l’otage consentant d’un système d’hommes – comme on parle de système d’armes – qui tous voient la France comme un dominion et convergent dans une foi qui fait leur(s) affaire(s). Contre l’État et la démocratie. Contre les intérêts de la France et des Français. Ces rouages d’un agenda qui n’est pas celui de l’intérêt national ni général semblent indéboulonnables. On ne les vire jamais, on ne les écarte pas. On n’ose pas. On en a peur. Le jeu des réseaux, des intérêts et des carrières fait le reste. Il faut ruser, ne surtout pas prendre le risque de les démasquer. Alors on les déplace, on les recase dans des instituts de réflexion prestigieux ; on les promeut même, dans une sorte de schizophrénie régalienne. L’État renonce de lui-même à son autorité. Il se ligote en croyant contrôler le système dont il est l’otage. Il n’a plus de colonne vertébrale, il est métastasé par un rhizome hostile dont les éléments n’ont d’ailleurs pas conscience de travailler pour l’étranger. Ils sont parfois même tenus pour de grands serviteurs de l’État. Pourtant, ce sont des vers dans le fruit, des termites aux allures de vers luisants qui lentement mais sûrement, avec la sérénité des grandes machines sûres de leur impunité collective, dénaturent, grignotent, détruisent la conscience même de notre souveraineté. On les fabrique au cœur même de notre propre haute administration d’État, à Sciences Po, à l’ENA. Là, les derniers professeurs qui se risquent à parler d’intérêt national en cours d’administration européenne voient s’écarquiller des paires d’yeux incrédules et des cerveaux lobotomisés pour lesquels cette notion n’a plus aucun sens, ni pertinence à l’heure d’un fédéralisme européen trop longtemps entravé par des peuples ignorants qui ont eu l’audace de voter contre Maastricht ou Nice ! Le fédéralisme pour notre nation-croupion  : voilà ce qui doit enfin advenir ! La perte du sens de l’État par de nouvelles générations de hauts fonctionnaires essentiellement préoccupés de monter rapidement en grade, qui ne croient plus en leur mission fait le reste. La « Secte », ainsi qu’on la surnomme, est un réseau de correspondants pas tous honorables qui convergent pour faire prendre, empêcher ou faire se poursuivre certaines orientations et décisions. Ils partagent une conviction  : il faut mener la France pour son propre bien sur le chemin du renoncement à elle-même. La France n’est plus rien. Dont acte. Elle ne peut plus penser et encore moins agir seule. Elle est petite, faible, atrophiée sans son ancrage européen. Maastricht, Rome 2, Lisbonne : voilà les protections, les armes véritables de la survie  ! La souveraineté n’est qu’une lubie, un péché d’orgueil !

    Retrouver notre souveraineté

    Ainsi, tandis que l’État profond américain assume totalement sa volonté de puissance, l’État profond français y a renoncé et se place servilement sous la coupe de son « grand allié ». Les réseaux d’influence américains en France et en Europe sont puissants et anciens. Ils infiltrent depuis des décennies les bureaucraties permanentes militaires, diplomatiques, du monde du renseignement mais aussi économiques, financières, culturelles. Ils ciblent des individus, grâce au Young Leaders Program, à la French American Fondation, au réseau Open Society de George Soros et à bien d’autres. Ils les attirent par des think tanks, des médias, des programmes de coopération universitaire, scientifique et naturellement militaire. Les cibles de ce soft power sont fidélisées avec des commandes d’articles, des études, des conférences, des voyages, des invitations prestigieuses (et juteuses) à enseigner à l’étranger, ou de coups de pouce à des carrières. Les visages de cette opacité sont bien installés, de bon conseil et ont de l’expérience. Ils « font autorité » depuis si longtemps dans l’art de discourir sur le monde, bénéficient d’une présomption de légitimité et rabâchent avec aplomb de prétendues évidences. Leurs rejetons universitaires, « intellectuels », experts, éditorialistes et commentateurs sont eux aussi « des gens sérieux » ayant pignon sur rue, aux pedigrees impeccables ; de vraies « stars » connues par leurs seuls acronymes… On les aide depuis des lustres à construire des parcours qui sont autant d’occasions d’œuvrer à l’indicible agenda qui les anime. L’État profond français est donc tout sauf refoulé. Quand il se sent menacé ou découvert, il se défoule même sur le terreau d’un recul du régalien et d’une crise de l’autorité que rien ne semble pouvoir arrêter. Il chasse en meute et lance des anathèmes en rafale sur les réseaux sociaux contre les quelques personnalités ou simples individus qui osent rappeler que la France n’est pas morte, que le cadavre bouge encore et qu’il faut juste vouloir réagir.

    Mais il est grand temps de dire l’indicible. Ces gens œuvrent à l’abaissement national assumé comme une fatalité. Rien de tragique en somme : juste la sortie de la France de la scène du monde ! Regrettable mais irrattrapable. À admettre et transformer en une chance de se porter vers une autre dimension : la fin des nations, des peuples et des États, le nec plus ultra de la postmodernité politique ! On n’est pas à un paradoxe cynique près chez les fakirs de cette eau-là. Plus c’est gros, plus ça passe.

    Que faire ? Contre un virus aussi malin et métastasique, il faut une thérapeutique de choc. Il faut cartographier, identifier, désigner et détruire méthodiquement. Neutraliser la capacité de nuisance d’hommes et de femmes dont l’intime conviction et/ou l’intérêt de carrière ou économique leur commandent de ne surtout pas réfléchir à l’intérêt de la France et des Français. Pratiquer un name and shame cathartique, et sortir manu militari tous ces individus d’un système qu’ils ont obstrué, au point que la France est à la dérive et la proie d’un mépris à travers le monde insupportable à tous ceux qui croient encore en ce que nous pouvons être. Il faut qu’existe la certitude de sanctions personnelles lourdes pour quiconque ne mettrait pas en pratique la nouvelle politique étrangère cohérente et ambitieuse indispensable pour notre pays.

    Et aussi, expurger de nos cœurs cet esprit de soumission que nous soufflent ces hérauts maléfiques au nom d’un réalisme dévoyé. Pour cela, l’impulsion doit être donnée par la tête de l’État. Il faut donc un chef de l’État incorruptible qui croit à la grandeur de la France, à sa singularité et à la nécessité impérieuse de son indépendance. Un homme qui cesse de bavarder et agisse. Un homme qui ose enfin désobéir et user de son autorité – en l’espèce de son pouvoir de nomination et de limogeage – pour décapiter la gorgone atlantiste qui depuis des décennies paralyse les membres et la tête de notre structure régalienne, détruit la confiance, l’esprit de responsabilité et finalement l’espoir, chez les élites comme chez le peuple. Cela suppose de réhabiliter trois notions cardinales diabolisées : la souveraineté, la puissance et l’influence, au lieu d’y renoncer au prétexte que cette ambition serait hors de notre portée. Nous en avons tous les atouts. Il suffit de le vouloir et de nous doter du kit de survie nationale : courage, cervelle et cœur. Mieux que le masque ! À fournir d’urgence à nos dirigeants.

    Si la France était une femme, sans doute comprendrait-on plus instinctivement que l’on ne peut l’aimer sans la respecter, comme une soumise, une enchaînée, un pot de fleurs, un trophée tristement pendu au mur. La France est un être de lumière, libre, indépendant, moderne car souveraine. La souveraineté c’est la vie, et c’est moderne en diable.

    Caroline Galactéros (Géopragma, 25 septembre 2020)

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  • La Nature est dans le divin, le divin est dans la Nature...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une vidéo consacrée aux rapports entre nature et divin, diffusée à l'occasion du VIIe colloque de l'Institut Iliade le 19 septembre 2020 à Paris, dont le thème était « La nature comme socle, pour une écologie à l'endroit ».

    Cette vidéo a été réalisée par des auditeurs de l'Institut.

     

                                             

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  • Le Frexit : une impasse politique et civilisationnelle...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la fausse solution du Frexit, agitée dans les milieux souverainistes. Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018) et tout dernièrement La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020).

     

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    Le Frexit : une impasse politique et civilisationnelle

    Les partisans d’une sortie de la France de l’Union européenne (d’un Frexit sur le modèle du Brexit britannique) ont raison de souligner les défauts et les limites de l’Europe de Bruxelles. Notamment parce que ce « machin », selon l’expression méprisante du général de Gaulle, n’est plus adapté au monde dans lequel nous sommes entrés. D’autant que cette Union est de moins unie et qu’elle se veut de moins en moins européenne.
    Cependant les partisans d’un Frexit font fausse route. Avant tout parce qu’ils prétendent nous faire entrer à reculons dans le XXIe siècle multipolaire. Et pour le dire autrement, en poursuivant une fin utopique, ils contribuent à renforcer le mal européiste dont ils prétendent nous guérir.

    L’Union européenne n’est pas la seule responsable du déclin français

    D’abord, en rendant l’Union européenne responsable de tous nos maux, les partisans d’un Frexit égarent ceux qui les écoutent sur les causes réelles de notre déclin catastrophique et, paradoxalement, ils finissent par exempter l’oligarchie française de toute responsabilité dans ce désastre.

    Il est en effet trompeur de faire de l’Union européenne la source unique ni même principale du déclin français.

    Car ce n’est pas l’Union européenne qui est responsable de l’effondrement de l’enseignement public dans notre pays. Ce n’est pas Erasmus qui a conduit à la folie du bac pour tous !

    Ce n’est pas l’Union européenne qui a fait de la France le premier pays de l’OCDE pour le poids des impôts.

    Ce n’est pas l’Union européenne qui explique que nos gouvernants aient été incapables de présenter un budget en équilibre depuis 1974 ou de réformer le mille-feuille administratif français.

    Ce n’est pas l’Union européenne qui fait que la France soit en 2017 le premier pays européen pour le nombre d’homicides rapportés à la population. Ce n’est pas l’Union européenne qui est à l’origine de 1 100 actes antichrétiens recensés en 2019 et de l’ensauvagement de notre pays.

    Ce n’est pas l’Union européenne qui a vidé les prisons en 2020 mais la ministre de la Justice, Mme Belloubet.

    Ce n’est pas l’Union européenne qui a mis en place le regroupement familial des immigrants, c’est Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac qui l’ont imposé à la demande du patronat. Lequel Valéry Giscard d’Estaing reconnaît aujourd’hui que ce fut « sa plus grande erreur » !

    Ce n’est pas l’Union européenne qui a provoqué la crise des migrants de 2015. C’est la France, la Grande Bretagne et les États-Unis qui ont déstabilisé la Libye et la Syrie, provoquant des flots de réfugiés partout. Et c’est Mme Merkel qui a décidé, seule, d’accueillir un million de réfugiés et migrants, ce qui a provoqué un gigantesque appel d’air à destination de l’Europe.

    Ce n’est pas l’Union européenne qui a fait vendre la branche énergie d’Alstom à General Electric, c’est le gouvernement français.

    Ce n’est pas l’Union européenne qui détruit la liberté d’expression dans notre pays. Ce n’est pas la commission européenne qui a fait voter la loi Avia ou la PMA pour tous.

    Un discours trompeur

    Il est donc trompeur de faire croire qu’un Frexit effacerait tous ces désastres, dont l’oligarchie française est en réalité la principale responsable.

    En outre, on ne saurait oublier que tout ce que les partisans du Frexit reprochent à l’Union européenne a été accepté au Conseil européen par les ministres français successifs ou voté par les élus français au Parlement européen, y compris par ceux qui, chez nous, se prétendent « de droite » alors qu’ils votent comme un seul homme les propositions de la gauche européenne au sein du PPE.

    François Asselineau, le président de l’UPR, a critiqué à juste titre le plan de relance européen de 750 milliards d’euros, annoncé à grand fracas, en soulignant que le gouvernement français avait tout lâché dans cet accord alors que les autres pays (comme l’Autriche, l’Italie ou les Pays-Bas) avaient su, eux, défendre leurs intérêts nationaux. Mais ce type de critique contredit pourtant son discours du Frexit : car si l’Union européenne était le carcan qu’il prétend, comment se fait-il que certaines nations seraient capables de s’en servir à leur profit et pas nous ?

    Cela ne montre-t-il pas plutôt que l’Union européenne n’est un carcan que pour ceux qui n’ont ni le courage ni la volonté – tel M. Macron – de défendre leurs intérêts nationaux ?

    Un souverainisme inconséquent

    En second lieu les partisans du Frexit nous égarent car, s’ils mettent l’accent sur la souveraineté – c’est leur fonds de commerce politique –, la plupart du temps ils sont beaucoup moins prolixes quant aux périls qui pèsent sur notre identité et notamment sur les conséquences de l’immigration de peuplement et les moyens d’y remédier.

    Lors de la campagne présidentielle de 2017, François Asselineau proposait d’organiser un référendum sur l’immigration, sans expliciter dans quel but. C’était un peu court.

    Florian Philippot, de son côté, pour Les Patriotes, affirmait dans un communiqué que « la crise politique autour de la question des migrants ne pose en réalité qu’une seule question : celle de l’Union européenne », comme si tout était soluble dans les questions institutionnelles.

    Or un souverainiste qui ne se préoccupe pas d’identité est un souverainiste inconséquent.

    Car, comme le rappelait Alexandre Soljenitsyne, un peuple peut perdre sa liberté et sa souveraineté. Mais s’il préserve son identité, il reste vivant et pourra un jour recouvrer sa liberté. Si en revanche il perd son identité, il disparaîtra complètement.

    La souveraineté sans l’identité est une tromperie. Une république islamique en France serait-elle donc acceptable, sous prétexte qu’elle serait « souveraine » en quittant l’Union européenne ?

    Les souverainistes citent souvent le général de Gaulle mais ils oublient que celui-ci avait aussi mis en garde contre l’islamisation de la France et la société multiethnique.

    Une souveraineté factice

    Ce souverainisme néglige aussi complètement le fait que notre nation devient de plus en plus une coquille vide, notamment du fait du déracinement culturel, du chaos migratoire et de son effondrement économique et social.

    Nous avons d’ailleurs sous nos yeux le contre-exemple éloquent de ce que les frexiteurs préconisent, avec la Grande-Bretagne : elle serait donc souveraine puisqu’elle quitte l’Union européenne ?

    Mais quelle étrange « souveraineté », qui admet des tribunaux islamiques sur son sol et des policiers ou des militaires qui portent le turban ou le voile. Qui fait que Londres soit devenue la capitale européenne des attaques au couteau. Qui fait que, lors de la dernière fête de l’Achoura, des milliers de chiites défilaient dans les rues de Londres avec leurs femmes voilées de noir, brandissant des drapeaux et scandant des chants musulmans. Et qui fait que l’Écosse menace de se séparer d’un royaume de moins en moins uni.

    En réalité, la Grande Bretagne est aussi souveraine que… le Liban, car elle devient une société multiethnique, multiculturelle et donc de plus en plus multiconflictuelle. À l’évidence, le Brexit ne résoudra pas tout !

    L’illusion de la France seule

    Enfin, un Frexit nous ferait entrer de la plus mauvaise façon possible dans le xxie siècle multipolaire, en nous isolant au moment même où notre civilisation, qui est menacée de toutes parts, doit faire bloc et retrouver la puissance de survivre. Or il n’y a pas de puissance sans unité.

    Il est de bon ton, chez certains souverainistes, de récuser le choc des civilisations, sous prétexte que cette expression provient de Samuel Huntington, un essayiste conservateur américain.

    C’est oublier qu’on ne décide pas d’être un ennemi, comme le rappelait le professeur Julien Freund : c’est l’autre qui vous désigne comme tel, que vous le vouliez ou non ! Et il ne suffit pas de proclamer « Vous n’aurez pas ma haine » pour échapper à l’affrontement.

    Les partisans d’un Frexit oublient – ou feignent d’oublier – que, dans le monde polycentrique dans lequel nous sommes entrés, même la surpuissance américaine ne parvient plus à s’imposer. Et ils prétendent que ceux qui n’arrivent même plus à rétablir la loi et l’ordre chez eux seraient en mesure de s’imposer seuls face à la Chine, face à l’Inde, face au géant démographique africain ou face à l’aventurisme américain ? Ou face aux grandes entreprises mondialisées désormais plus riches et plus puissantes que bien des États ?

    D’ailleurs, on voit ce que donnent déjà les initiatives de la France seule face à la Turquie : pas grand-chose !

    Au xxie siècle, seuls auront la parole les grands espaces de puissance : les plus grands peuples, les grandes nations, les armées et les économies les plus fortes, les grandes civilisations sûres d’elles-mêmes. Et non pas les faibles, les petits, les divisés, les régionalismes folkloriques ou les repentants perpétuels.

    Il n’y a pas de fédéralisme européen

    Les souverainistes s’égarent d’ailleurs quand ils dénoncent le « fédéralisme européen » que les européistes voudraient, paraît-il, instaurer.

    Parce que, précisément, Jean Monnet et ses émules ne concevaient la communauté européenne que comme une étape transitoire vers une gouvernance mondiale – évidemment nord-américaine. Pour cette raison, les européistes ne veulent en aucun cas que l’Union européenne soit un État doté des attributs de la puissance et de la souveraineté.

    C’est bien pourquoi l’Union européenne n’est ni une fédération, ni une confédération, mais une simple organisation internationale sui generis sans puissance politique réelle, même si elle s’est dotée de la personnalité juridique par le traité de Lisbonne[1].

    « Le plus grand danger pour l’Europe, ce serait un patriotisme européen », aurait affirmé Jean Monnet : mais serait-ce vraiment un danger pour l’Europe ou pour… l’hégémonisme américain ?

    Le mythe de la francophonie

    Les partisans du Frexit prétendent que, en sortant de l’Union européenne, la France ne s’isolerait pas car elle pourrait s’appuyer sur la francophonie et sur son outre-mer.

    Le président de l’UPR affirme même que les Français auraient à ses yeux plus de points communs avec les Maghrébins et les Africains francophones qu’avec les Européens du Nord. Mais c’est quand même difficile à croire quand on entend, chez nous, les rappeurs vouloir niquer la France ou pendre les Blancs, les islamistes nous traiter de mécréants et les indigénistes accuser notre pays de tous les crimes.

    Cessons de prendre nos désirs pour des réalités : la francophonie n’est qu’un nain géopolitique. Car elle ne correspond qu’à un ensemble hétéroclite de pays, pas à un espace de puissance.

    Qu’y a-t-il de commun sur le plan géopolitique entre le Sénégal, le Canada – qui se targue d’ailleurs de devenir un État postnational ! – ou le Viet Nam ?

    En réalité, la francophonie se compose avant tout de pays africains et cela de plus en plus, compte tenu de l’évolution démographique. C’est-à-dire de pays où le dynamisme économique et social est le plus faible, où l’instabilité politique et religieuse est la plus grande, et où l’innovation scientifique et technologique stagne désespérément.

    Car la francophonie, c’est aussi le Liban, les Comores, Haïti ou le Mali : des pays certes sympathiques mais rongés par le chaos et la guerre civile. Ce ne sont pas eux qui nous permettront de peser dans le monde, c’est nous qui devons déjà les aider à survivre !

    La francophonie n’est pas à négliger bien entendu mais elle ne nous dispensera pas de l’effort de la puissance européenne.

    Et puis, les souverainistes oublient qu’au xxie siècle l’universalisme de grand-papa, c’est terminé. Notamment parce que les pays occidentaux n’ont plus les moyens d’imposer leur idéologie aux autres civilisations.

    L’histoire ne repasse pas les plats

    On ne peut donc pas sérieusement nous vendre au xxie siècle, avec le Frexit, un mauvais remake du mythe de la France seule avec son empire ! C’était déjà une mortelle illusion dans les années trente : cela le serait encore plus aujourd’hui.

    « L’histoire ne repasse pas les plats » ! Il serait temps de le comprendre.

    Pour cette raison, au xxie siècle, le seul souverainisme qui vaille est le souverainisme européen et non pas le souverainisme nostalgique qui veut nous faire croire qu’on pourrait, par la magie d’un Frexit, remonter le temps et retrouver le monde de 1960 où nous pourrions « acheter bientôt notre baguette avec des francs », comme le promettait Florian Philippot en 2017.

    Une pensée circulaire sans influence politique réelle

    Les partisans du Frexit ont élaboré un système de pensée circulaire, qui les empêche malheureusement de voir le monde dans lequel nous sommes entrés : tout le mal vient de l’Union européenne ou de l’euro, tout le bien résultera donc d’un Frexit. Hors de cette grille de lecture, point de salut ! Une posture d’autant plus confortable qu’elle reste sans prise sur le monde réel.

    Si l’on en croit Philippe de Villiers[2], au soir de l’adoption du référendum sur le traité de Maastricht, il aurait entendu Charles Pasqua et Philippe Seguin, qui prônaient un vote négatif, s’exclamer cyniquement : « Nous l’avons échappé belle » ; car nos deux compères « souverainistes » n’avaient manifestement aucune idée de ce qu’ils feraient en cas de rejet du traité qu’ils critiquaient d’abondance !

    Ce souverainisme du rejet de tout projet européen est en effet devenu avant tout un discours, mais sans prise sur la réalité car il reste politiquement marginal. Un faible score que la censure médiatique ne saurait entièrement expliquer.

    Comme l’a montré l’élection présidentielle de 2017, le Frexit fait en effet avant tout figure de repoussoir politique – en particulier parce qu’une sortie de l’euro inquiète une grande partie de la population –, pour le plus grand profit des candidats du Système et, bien sûr aussi, des européistes.

    L’heure de la grande politique

    La menace d’un Frexit peut, à l’extrême rigueur, être utilisée comme un levier par la France pour faire évoluer le projet européen, mais il ne saurait constituer une fin en soi.

    Il ne faut pas en effet abandonner le projet européen. Il faut au contraire le refonder pour que l’union des nations européennes, indispensable à toute puissance, soit mise au service de la préservation de notre identité de civilisation. Au lieu de la déconstruire comme aujourd’hui.

    Certes il ne sera pas facile de refonder un nouveau projet européen. Mais qui a dit que la grande politique devrait être facile ? La grande politique ne consiste-t-elle pas non à faire ce qui est possible mais à rendre possible ce qui est souhaitable ?

    Il est vrai qu’aujourd’hui nos élites manquent de tout : d’idées, de courage, de vertu et de foi. C’est pourquoi, pour elles, rien n’est jamais possible. Elles ne s’attaquent qu’à ce qui est facile : taper sur les Gilets jaunes ou verbaliser les Français qui ne portent pas de masque. Ou bien débattre à l’infini sur les mots, pour n’agir sur rien.

    Mais ce n’est pas une raison pour s’enfermer, en proposant un Frexit, dans une impasse politique et civilisationnelle.

    Michel Geoffroy (Polémia, 25 septembre 2020)

     

    Notes :

    [1] Article 47.

    [2] In Villiers (Philippe de), Le Moment est venu de dire ce que j’ai vu, Albin Michel, 2015.

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  • Le nouveau parapluie atomique iranien...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros cueilli sur Geopragma et consacré au traité militaro-commercial en cours de négociation entre l'Iran et la Chine. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

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    Le nouveau parapluie atomique iranien

    L’été fut chaud, prodigue en incendies dévastateurs de nos forêts, mais aussi en foyers savamment entretenus pour de futurs brasiers.

    L’officialisation tonitruante, le 15 septembre à la Maison Blanche, de l’alliance tactique conclue par Israël avec les Emirats arabes unis (EAU) et Bahreïn pourrait bien, le Gotha mondial n’étant pas à une indécence près, valoir à Donald Trump un Nobel de la Paix… Mais ce n’est pas le plus important. Car cet accord n’est pas un accord de paix. Il traduit la consolidation d’axes d’hostilité et de concurrence économico-militaro-idéologiques. Il s’inscrit dans un contexte hautement inflammable conjuguant l’affaiblissement aggravé de l’Europe sous les coups de boutoir turcs impunis en Méditerranée orientale, la poursuite des opérations en Syrie et en Libye, la déstabilisation du Liban et le chantage américain exercé sur Paris pour que la France boive le calice de la servitude jusqu’à la lie, et laisse tomber le pays du Cèdre en déniant au Hezbollah son rôle d’interlocuteur incontournable (que cela nous plaise ou non) dans l’équilibre politique libanais. Une façon efficace de nous décrédibiliser définitivement au Levant et de nous condamner à ne plus y servir à rien. Car, si le Hezbollah reste le rempart des communautés chrétiennes locales face à une emprise sunnite croissante, il est surtout, aux yeux de Washington, le prolongement de la capacité de nuisance Iranienne dans toute la région. Il s’agit donc de tarir son influence locale et régionale en s’attaquant aux avoirs économiques de certains leaders économiques du Hezbollah, et de démontrer que le Liban est un « Etat failli ».

    Derrière cette tragédie humaine et économique, c’est donc bien évidemment l’Iran qui est la cible ultime de Washington et de Tel-Aviv, et c’est avant tout le JCPOA (Accord sur le nucléaire iranien) qui a été le catalyseur de la conclusion de l’accord du 15 septembre. Le Liban, comme la Syrie, la Lybie, l’Irak ou le Yémen, ne sont que des espaces de manœuvre pour atteindre « l’effet final recherché » par les stratèges étatsuniens : affaiblir politiquement et financièrement le régime des Mollahs, pour le désolidariser de la population, couper les ressorts de la résilience patriotique, déstabiliser l’équilibre interne entre courants réformateur et conservateur, pousser le régime à la radicalisation puis à la faute. Et avoir enfin un prétexte pour frapper. Les salves de sanctions, les manœuvres au sein du Conseil de sécurité, les déclarations menaçantes du secrétaire d’Etat américain Pompeo et son intimidation ouverte de tous ceux, entreprises et pouvoirs européens, qui oseraient encore « travailler ou commercer avec l’Iran » ne laissent aucun doute sur sa détermination à poursuivre la diabolisation tous azimuts de la République islamique pour la pousser à la faute. Au point d’avoir fait du sanguinaire prince héritier saoudien MBS un parangon de démocratie et de modernité dans un assourdissant silence occidental et notamment français. Nous sommes dans une telle schizophrénie stratégique et diplomatique que l’on n’est plus même capables de réfléchir, moins encore de réagir. C’est l’histoire de la paille et de la poutre. Seul le Qatar, et Moscou avec prudence, semblent encore se ranger du côté de Téhéran sur qui pleuvent les sanctions unilatérales américaines (le 17 septembre contre 47 individus et entités iraniens pour détruire la capacité de nuisance cyber du régime) et désormais onusiennes, après la tragique activation le 20 septembre du mécanisme retors de « Snap Back » (piège destiné à en finir avec ce multilatéralisme récalcitrant et à neutraliser les droits de véto russe et chinois notamment sur la question de l’embargo sur les livraisons d’armes à Téhéran) qui vient de permettre la réimposition automatique de toutes les sanctions multilatérales contre l’Iran. La Russie grogne, la France, l’Allemagne et la Grande Bretagne se désolent. Mais il est trop tard. Notre impuissance consentie et finalement notre indifférence sont manifestes. Vive donc l’unilatéralisme brutal !

    Mais il y a un os dans ce brouet insipide qui sent le soufre et la poudre : l’Iran n’est pas, n’est plus seul. Il y a certes l’axe tactique d’Astana, qui le lie à Moscou et Ankara en Syrie et a empêché depuis 2015 le démembrement du pays et à son abandon aux milices islamistes sous label Daech ou Al Qaeda avec notre complaisante et suicidaire bénédiction. En Libye, le jeu est plus complexe et l’alignement aléatoire. Washington y laisse bon gré mal gré agir Ankara contre l’Egypte, la Grèce, Chypre et même contre certains intérêts israéliens dans le gazoduc East-Med, car la Turquie joue ici utilement contre l’influence russe et gêne la convergence du « format d’Astana ». Mais, si Erdogan fait merveille en tant que nouveau proxy américain en Syrie et contre l’Allemagne grâce au chantage migratoire – qui fragilise la chancelière Merkel et fait espérer aux néocons qu’elle renoncera à l’achèvement de Nord Stream 2 – Washington ne parvient pas à contrôler tout à fait les ambitions néo-ottomanes de cet éminent membre de l’Otan qu’on laisse sans états d’âme menacer Paris en haute mer ou Berlin, mais qui s’appuie aussi sur la munificence qatarie pour s’opposer à Ryad et à la bascule actuelle des EAU et de Bahreïn sous contrôle américano-saoudo-israélien.

    Las ! L’Iran a désormais un nouvel « ami » officiel, un protecteur discret mais redoutable, infiniment plus gênant pour Washington que Moscou : Pékin ! La Chine en effet, engagée dans un jeu planétaire de consolidation de ses zones d’influence, de captation de nouvelles clientèles et de marchés, mais aussi de sécurisation de ses approvisionnements notamment énergétiques, vient de pousser un pion cardinal en volant au secours de la République islamique au moment où celle-ci se préparait à essuyer un désaveu au Conseil de sécurité de l’ONU de la part des Européens. Car le multilatéralisme est en miettes, la loi de la jungle plus implacable que jamais et le nombre de grands animaux type « mâles dominants » augmente dangereusement…

    Pékin a donc saisi l’occasion de la curée américaine sur Téhéran pour lancer une contre-offensive redoutable à la manœuvre américaine, plus puissante qu’un droit de véto…. en offrant à Téhéran (l’accord en cours de négociations a opportunément « fuité » en juillet ) 400 milliards de dollars d’aide et d’investissements (infrastructures, télécommunications et transports) assortis de la présence de militaires chinois sur le territoire iranien pour encadrer les projets financés par Pékin, contre une fourniture de pétrole à prix réduit pour les 25 prochaines années… et un droit de préemption sur les opportunités liées aux projets pétroliers iraniens. Cet accord, véritable « Game changer », n’a quasiment pas fait l’objet d’analyse ni de commentaire…

    Ses implications sont pourtant cardinales : à partir de maintenant, toute provocation militaire américaine orchestrée pour plonger le régime iranien dans une riposte qui lui serait fatale reviendra à défier directement Pékin… En attaquant Téhéran, Washington attaquera désormais Pékin et son fournisseur de pétrole pour 25 ans à prix doux. Pékin qui se paie d’ailleurs aussi le luxe de mener parallèlement des recherches avec Ryad pour l’exploitation d’uranium dans le sous-sol saoudien…. Manifeste intrusion sur les plates-bandes américaines et prolégomènes d’un équilibre stratégique renouvelé.

    Ainsi, il est en train de se passer quelque chose de très important au plan du rapport de force planétaire et des jeux d’alliances. Les grandes manœuvres vont bien au-delà du seul Moyen-Orient qui comme le reste du globe, est réduit au statut de terrain de jeu pour le pugilat cardinal qui oppose désormais, dans une « guerre hors limites » assumée, Washington à Pékin.

    Dans ce contexte, notre incapacité à désobéir et surtout à définir enfin les lignes simples d’une politique étrangère indépendante et cohérente, nous coupe les ailes, sape notre crédibilité résiduelle et nous rend parfaitement incapables de protéger les « cibles » américaines qui ne sont pourtant pas les nôtres et ne servent en rien nos intérêts nationaux, qu’ils soient économiques ou stratégiques. Il faut sortir, et très vite, de cet aveuglement.

    Caroline Galactéros (Geopragma, 21 septembre 2020)

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  • La nature, inspiratrice du génie artistique européen...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une vidéo diffusée à l'occasion du VIIe colloque de l'Institut Iliade le 19 septembre 2020 à Paris, dont le thème était « La nature comme socle, pour une écologie à l'endroit ».

     

    la nature comme socle, pour une écologie à l’endroit
    la nature comme socle, pour une écologie à l’endroit
    la nature comme socle, pour une écologie à l’endroit

                                           

    " « La Nature est un temple… » nous enseigne Baudelaire. Depuis la nuit des temps, cette Nature, belle et sauvage, inspire le génie européen dans tous les domaines. À travers cette vidéo, l’Institut Iliade souhaite montrer plus précisément la place et l’influence de la forêt, berceau de l’homme et symbole omniprésent de l’imaginaire européen, sur notre architecture. Lieu de l’expérience du sacré par excellence, la forêt est le modèle qui assure une continuité entre les temples païens et les édifices chrétiens. "

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