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Points de vue - Page 112

  • Le "privilège blanc" : généalogie d'un concept fallacieux...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une intervention de Julien Rochedy consacrée à la notion de "privilège blanc", qui fait florès au sein de la gauche politiquement correcte . Publiciste et essayiste, Julien Rochedy est une figure prometteuse de la mouvance conservatrice et identitaire.

     

                                          

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  • Au bon plaisir de l’immigration...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bousquet, cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré au joyeux confinement des banlieues de l'immigration, bien différent de celui réservé aux citoyens lambdas ! Attention la bouteille de vitriol est ouverte !

    Journaliste et essayiste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a notamment publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017) et Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2019). 

     

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    Biopolitique du coronavirus (13). Au bon plaisir de l’immigration : nique ta mère et rodéos sauvages

    Le confinement au faciès aura été la règle du gouvernement. Nous, citoyens de seconde classe, quand on voulait sortir, il nous fallait des autorisations, des attestations, des ausweis, des coups de tampon, des « Oui, Monsieur le gendarme, 135 euros, oui très bien… Que je ferme ma gueule, mais je la ferme, Monsieur l’agent. Je vous tends même mon cul. Oui, oui, oui, glissez-y le procès-verbal ! » Et de retour à la maison, il fallait se taper un autre gendarme, celui de Saint-Tropez, faute de pouvoir s’y rendre, héros colorisé de la France pompidolienne. Arrêtez d’emmerder les Français ! Ouais, ouais ! On n’a fait que ça un mois et demi durant.

    Il faut dire que les chaînes de télévision et Christophe Castaner ont sorti le grand jeu. Louis de Funès en antidépresseur national et une noria d’hélicoptères lancés dans des courses-poursuites haletantes pour traquer de redoutables vététistes isolés dans le massif vosgien ou débusquer de dangereux réfractaires randonnant en forêt de Fontainebleau. C’est la guerre, hein ! Emmanuel Macron l’a répété, pendant que les postes de télévision et les drones au-dessus des villes crachaient des « Restez chez vous ».

    Malheur aux contrevenants ! C’est à peine si la place Beauvau n’a pas dépêché un commando du RAID pour appréhender Madame Dugenou lorsqu’il est apparu que, distraite, elle avait griffonné son attestation de déplacement au crayon à papier, pas à l’encre indélébile. Non, c’est pas vrai !? Et Monsieur Duchmol ? Mis à l’amende pour avoir eu l’outrecuidance d’outrepasser de 500 mètres son périmètre de confinement pédestre. Et Madame Michu, qui, dans sa légèreté criminelle, a osé se procurer un bien non référencé dans la liste des produits de première nécessité, je veux parler du gâteau d’anniversaire qu’elle a acheté pour sa petite Michette. Verbalisée ! Comme Monsieur Tartempion, gonflé d’importance, réconforté de se savoir toujours un homme, au sens biblique du terme, interpellé pour l’achat d’un test de grossesse destiné à Madame Tartempion. Pas vital ! Non mais allô quoi ! Si la grossesse n’est pas vitale, qu’est-ce qui peut bien l’être ?

    Castaner, « con comme un âne »

    Résultat des courses : Castaner a pu triomphalement annoncer le 23 avril que 915 000 procès verbaux pour non-respect de confinement avaient été dressés. Ouah ! Depuis, on a dû allègrement dépasser le million. Belle moisson !

    Ah Christophe Castaner, premier policier de France, sous-Clemenceau de sous-préfecture, le « kéké de la République », comme l’ont appelé Pauline Théveniaud et Jérémy Marot dans leur livre. Kéké, en provençal : un « crâneur ». L’inusable matamore du répertoire de la commedia dell’arte, mais recyclé en gigolo de casino exhibant une barbe tondue à ras comme un green de golf, le caddy devenue cador, avec sa voix de bellâtre pendue dans les graves et ses intonations martiales de joueur de castagnettes qui donnent des étourdissements aux majorettes d’Ollioules, dans le Var, où il est né. Les témoignages des proches sont concordants – et accablants : le type est odieux, pleurnichard, hypernarcissique. Faux dur et vrai con (« comme un âne », dit même son frère aîné).

    L’Intifada en Vespa

    Du haut de ces qualités qui font de nos jours l’homme d’État, Castaner nous a expliqué que, depuis l’adoption en 2018 de la loi réprimant les rodéos sauvages à moto, plus de 39 000 interpellations avaient eu lieu. Tu parles. On n’a rien vu de tel durant le confinement, sinon une application à géométrie variable de la loi. En banlieue, c’était ville ouverte. Des matches de foot géants le matin, des rodéos sauvages l’après-midi, des cocktails Molotov et des méchouis de bagnoles le soir. Mais pas d’interpellations ! Ça non, jamais ! La police de Castaner les réservait à Madame Dugenou et à Monsieur Duchmol. Pas à Ziyad, Yanis, Mehdi, Mamadou, Diallo, Sissoko, Wesley et autres sympathiques Presnel. Pas de couvre-feu ici – c’eût été discriminatoire –, rien que des incendies de voiture. Pas de masques, encore moins de casques. Pas d’applaudissements non plus le soir en famille au balcon. Le tapage nocturne se faisait dans la rue, aux pieds des barres d’immeuble, entre l’appel de la prière et l’appel au jet de pierre. L’islam spaghetti, le halal motocross, l’Intifada en Vespa. Le rodéo spaghettiquement correct, quoi ! Ne soyons pas injuste : l’évangélisme gangsta rap faisait lui aussi ses prières de rue à moto.

    Bling-bling et vroum-vroum

    Faute de l’habituel trafic de drogue, en cale sèche, confinement des clients oblige, l’économie souterraine s’est repliée sur le vol des scooters, une activité moins lucrative mais autrement festive. Ce commerce a alimenté un feuilleton dans le feuilleton de la gestion gouvernementale du Covid : les rodéos sauvages, une coproduction police-justice-caïds. À chaque jour son épisode, comme dans Fast and furious, déjà huit navets au compteur, en attendant le suivant programmé l’an prochain. Une nouveauté néanmoins que les scénaristes de Fast and furious et de Taxi avaient négligée faute de budget : du « kéké » isolé, on est passé à la bande organisée de 30 à 40 individus sillonnant les ronds-points et les centres-villes, jusqu’aux autoroutes. Foin de code de la route et de distanciation sociale. Le but du jeu consistait à percuter des jeunes filles, à rouler sur des policiers, à renverser des mères de famille, à rendre fou le voisinage, à lyncher des pères de famille – et à tuer (trop souvent) ou à se tuer (pas assez souvent). Après quoi, il est toujours temps de parler de bavure policière.

    Tous ces gugusses à deux-roues rêvent d’un destin à la Tony Montana – du moins était-ce le cas de leurs aînés (ma génération) –, le grotesque balafré cubain, interprété par Al Pacino dans Scarface (1983). Le monde est à eux « et tout ce qu’il y a dedans ». Ils sont installés dans le brigandage mimétique comme d’autres sont installés dans le luxe ostentatoire. Ce sont des parvenus de l’espèce vautour dont les modes de vie relèvent du charognage, de la psychologie des foules et des bancs de sardines. Ils ne se révoltent pas, ils niquent. Ta race. Ta mère. Ta misère. En chœur.

    Motherfucking, ta race !

    Motherfucker, sisterfucker. Le motherfucking est universel. On en trouve trace en Chine ancienne, en Arabie, au Mexique, en Russie, en Afrique, en Europe. Insulter sa mère reste le meilleur moyen de gagner le paradis des voyous qui n’est jamais que l’enfer des honnêtes gens. Une pratique ancestrale dont la généalogie se perd dans la nuit des temps. Chez nous, l’injure « FDP » remonterait à Louis le Pieux, au IXe siècle, et aux premières naissances extraconjugales répertoriées dans les chroniques. En ce temps-là, on parlait de bâtardise, laquelle passera à l’état de juron. Mais tout cela n’est rien à côté de la littérature arabe et perse médiévale, trésor de scatologie, mais du moins alors était-ce des poètes qui injuriaient des rois et des rois qui molestaient des poètes.

    Aujourd’hui ce sont des analphabètes qui donnent le la. Raison pour laquelle notre « nique ta mère » labellisé par le rap canal historique sort plus prosaïquement des caves du Bronx, dans les années 1970, où les joutes verbales – qui peuvent s’appuyer, elles, sur une longue tradition populaire – étaient un des sports favoris des Noirs déclassés, le « Yo, mama » épigrammatique et ordurier. La culture du ghetto, popularisée par le hip-hop, est devenue mainstream. Rien de nouveau sous le soleil de la domination : le mâle dominant c’est celui qui, toutes époques confondues, sait vanner et tataner.

    Du Bronx à la nécropole royale du « 9-3 »

    Si les journalistes connaissaient les banlieues autrement qu’à travers les concerts de NTM ou les tweets de Booba, ils oublieraient leurs illusions pour n’en conserver qu’une musique lancinante qui leur serrerait le cœur comme le souvenir d’une défaite humiliante. Rien de plus édifiant qu’un séjour dans le « neuf-trois », terminus de toutes les migrations, tombe des rois de France et cimetière des mythes républicains. Notre Paris-Dakar à nous, même s’il n’emprunte pas les mêmes chemins que le rallye-raid.

    On n’y entre vraiment de plain-pied, Val-d’Oise inclus, que par les trains de la gare du Nord, en enfilant ces longs corridors sinistres que sont les voies ferrées de la région parisienne, couvertes d’inscriptions pariétales indéchiffrables et de graffitis agressifs comme des pitbulls déchaînés prêts à sauter à la gorge du voyageur. Saint-Denis, Stains, Aulnay-sous-Bois, Sarcelles, Montfermeil, La Courneuve, Épinay-sur-Seine, Garges-les-Gonesse, autant de stations d’un enfer fluorescent.

    Gare du Nord, villes du Sud

    Le tri sélectif se fait à la gare du Nord entre les voyageurs grandes lignes et les trains de banlieues. Deux populations, que tout sépare, se croisent, parmi quelques chiens policiers et des vagabonds qu’on finit par ne plus voir, avant-garde minable de conquérants pouilleux. La France d’ailleurs, celle des touristes anglais et des immigrés subsahariens. C’est bien le vivier de l’équipe de France de football. « Black-black-black », comme dirait Alain Finkielkraut. Il y a là des Maghrébins, des Turcs, des Afghans, autant dire le monde entier, mais globalement ce sont les Noirs qui dominent, derniers vestiges de notre empire colonial.

    S’enfoncer dans la banlieue, c’est s’éloigner des rêveries angéliques des bobos, du misérabilisme des sociologues de la ville, de la farce antiraciste vendue par les médias centraux. Pour comprendre l’écart qui sépare l’idéologie de la réalité, il suffit de sillonner une fois ces avenues Lénine, ces quartiers Paul-Vaillant Couturier, ces places Romain Rolland qui alternent leurs rangées de logements sociaux à l’alignement géométrique, délabrés ou rénovés, et leurs zones de non-droit, où l’on a transporté avec soi son Anatolie natale ou son Afrique, où l’on parle wolof, tamoul, arabe surtout, comme si les politiques d’arabisation avaient traversé la Méditerranée avec leurs locuteurs. Au rythme où vont les choses, l’arabe sera bientôt la deuxième langue de l’administration. En Seine-Saint-Denis, il l’est déjà dans les hôpitaux, où on travaille à la mise au point de logiciels d’accueil des patients dans la langue d’Abdelaziz Bouteflika. Si-si, mon bon sidi !

    L’alliance des traders et des dealers

    Tout marche par paire. La dialectique, que voulez-vous ! L’État de droit à Paris et les zones de non-droit dans les banlieues. Partout, le laissez-faire, le laissez-passer, le laissez-circuler, à l’Élysée comme à La Courneuve, où on se dispute deux monopoles : celui de la violence légitime et celui de la violence illégitime. Karl Marx a tout dit sur le sujet : l’alliance du lumpenprolétariat (le « prolétariat en haillons » en allemand) et de la haute banque – les voyous d’en bas et les voyous d’en haut, les dealers et les traders. Les uns font des rodéos sauvages, les autres, comme Jean-Jacques Bourdin, sont flashés à près de 190 km. Ibidem. Rien de tel que la photo bras dessus, bras dessous de Macron et d’un ex-braqueur torse nu à Saint-Martin, dans les Antilles, en 2018, pour illustrer cette alliance à front renversé. Et ne nous méprenons pas sur le sens du doigt d’honneur adressé par le voyou. Motherfucking : c’est à nous qu’il était destiné.

    « Europe Mad Max », selon les mots de Bernard Wicht, spécialiste des questions de sécurité. Elle n’est pour l’heure visible que dans ces enclaves de non-droit. On en dénombre à peu près 1 500 en France, soit quasiment 10 % de la population. Un tiers d’entre elles sont d’ores et déjà hors de contrôle, au dire de Michel Aubouin, ancien préfet. C’est le résultat du regroupement familial et de la guerre des ventres qu’il a enclenchée. Non pas un Blitzkrieg, mais une nouvelle guerre de Cent Ans, trois à quatre générations, le temps qu’il faudra pour grand-remplacer la population indigène.

    La charia de la caillera

    « Désormais, les frontières de l’État passent à l’intérieur des villes », avait prédit un ancien maire de Philadelphie, il y a un demi-siècle, après plusieurs nuits d’émeute raciale dans sa ville. Il suffit parfois de traverser la rue pour se retrouver au milieu de la Zone, parmi des zombies. Ils ont choisi de transformer leur monde en prison, où, derrière des barreaux invisibles, ils cultivent leur rage comme une plante vénéneuse dans un monde qui n’est plus régi que par des règles carcérales : la violence et la solidarité clanique propres au lumpenprolétariat. Or, il se trouve que cette voyoucratie s’est adossée à une force pluriséculaire, le Coran, pour inventer quelque chose de nouveau : l’islam d’Occident, qui est un islam de prison – la charia de la caillera. On s’aveugle cependant à ne voir dans ce phénomène que l’implantation d’une Dar al-Islam de plus, comme le voudraient les « néo-cons » qui ne rêvent que d’importer en France le conflit israélo-palestinien. Ce n’est pas seulement cela qui est en jeu, c’est aussi la constitution d’une terre de démons qui, en tant que telle, récuse les règles de l’islam (quand bien même ces règles ne sont pas les nôtres, ce sont des règles).

    L’ensauvagement, qu’on convoque à tort et à travers, appelle les mêmes réserves. N’oublions pas que le sauvage est beau, splendide, indomptable, il a sa propre existence, parallèle à celle du civilisé. L’ensauvagement n’est qu’une commodité langagière. De la même manière que nous parlons d’illettrisme, il faudrait plutôt parler d’un processus de déshumanisation ou, pour le dire crûment, de dédomestiquation. Regardez-les bien, ces jeunes gens, ils ressemblent à des meutes de chiens abandonnés, retournés à la lisière du sauvage et du civilisé, pareils aux chiens parias en Inde, à qui les Hindous appliquent leur propre système de castes. Il y a des chiens hors castes, des chiens intouchables, des chiens « tchândâla », comme eût pu dire l’auteur du Zarathoustra. On est d’ailleurs au cœur de la fabrique du ressentiment.

    Nietzsche, René Girard et Dostoïevski

    La sociologie n’est ici d’aucun secours. Mieux vaut lire les textes de Nietzsche sur le ressentiment, la grande passion des ratés. L’homme du ressentiment, c’est l’homme mal né, en proie à une haine intransitive, totale, hors de propos, même si elle est porteuse d’une vengeance séculaire dopée par les échecs répétés de l’islam et de la colonisation.

    La vraie souffrance, c’est la comparaison. De la comparaison, naît la haine – d’autant plus tenace que la source de la comparaison fait l’objet d’un intense désir d’imitation. Le ressentiment étant ainsi fait qu’il désire ce qu’il déteste et déteste ce qu’il désire. C’est autour de cet écheveau d’injonctions contradictoires que s’articule la rivalité mimétique telle que René Girard l’a théorisée. Mais, sauf erreur, René Girard, qui a très largement élaboré sa thèse à partir des livres de Dostoïevski, ne s’est pas intéressé à un des plus grands romans du Russe, et des moins lus, L’Adolescent (1875), peut-être le plus girardien des textes dostoïevskiens. C’est l’histoire d’un jeune homme prisonnier de ses doubles, bâtard au statut indéterminé et précaire, fils illégitime d’un seigneur et de sa servante. Son rêve ? Être aussi riche, aussi fameux, qu’un Rothschild. « Je suis un misérable adolescent et j’ignore parfois ce qui est bien et ce qui est mal. Si vous m’aviez montré la route un tant soit peu, j’aurais compris, et je me serais engagé aussitôt dans le droit chemin », confie-t-il à son père naturel.

    L’Adolescent de Dostoïevski, c’est l’adolescent sans repère, enfermé dans un tunnel sans fin, sans point de fuite. Il ira toujours plus loin dans la provocation, jusqu’à ce qu’il rencontre une issue, une limite. Or, il n’y a plus de limite, sinon la mort brutale. À force de désertion, à force de démission, à force de dénégation, les adultes se retrouvent face à des fils à l’abandon qui défient une autorité fuyante, quand elle n’est pas vacante. Orphelins malheureux et agressifs, livrés au groupe, à la bande, à la relation violente, fusionnelle ou narcissique, prisonniers du souterrain, pour parler comme Dostoïevski, prophète incomparable en ces matières.

    « Les champignons d’une gigantesque et dégueulasse erreur »

    Il y a quelques années, le criminologue Xavier Raufer avait exhumé du Globo un entretien prodigieux donné par Marcola, le « leader suprême » du PCC, un des plus grands gangs du Brésil, véritable multinationale de la drogue, de son nom complet : le Premier commando de la capitale (Primeiro Comando da Capital). Marcola ? Une sorte de Lacenaire tropical mais pourvu du génie conjugué de Rimbaud et de Pasolini. Présentement, ce poète de la violence, parmi les plus grands assurément, purge une peine de 234 ans de prison à São Paulo. Au journaliste qui lui demandait s’il y avait une solution au problème de la violence, voici ce qu’il répondait :

    « Une solution ? Mais il n’y a pas de solution, mon frère ! L’idée même d’une solution est une erreur. Nous sommes des hommes-bombes. Nous sommes au centre même de l’insoluble. Vous vous imaginez situés entre le bien et le mal, avec au milieu l’unique frontière : la mort. Nous, nous sommes une nouvelle espèce, nous sommes des créatures différentes de vous. Pour vous, la mort c’est un drame chrétien qui se joue dans un lit ou lors d’une attaque cardiaque. Pour nous, la mort c’est le pain quotidien, c’est la fosse commune. Vous, les intellectuels, vous nous parlez de luttes de classes, de marginalité, d’héroïsme. Et puis nous arrivons, nous. Ha ! Ha ! Ha ! Je lis beaucoup. J’ai lu 3 000 livres et j’ai lu Dante depuis que je suis en prison. Mes soldats à moi sont d’étranges anomalies du développement tordu de ce pays. Il n’y a plus de prolétaires, de malheureux, d’exploités. Il y a, en train de se développer dehors, une chose étrange qui prospère dans la boue, qui s’éduque dans l’analphabétisme le plus absolu, qui se diplôme dans les prisons, comme un monstre “Alien” caché dans les recoins de la ville. Déjà a surgi un nouveau langage. C’est une autre langue. Celle de la post-misère. Oui, c’est ça : la post-misère engendre une nouvelle culture assassine, relayée par la technique, les satellites, les portables, Internet, les armes modernes. C’est la merde avec chips et mégabits. Mes partisans sont une mutation de l’espèce sociale. Ce sont les champignons d’une gigantesque et dégueulasse erreur.

    « Vous croyez que l’armée serait capable de lutter contre le Primeiro Comando da Capital (PCC) ? Je lis en ce moment De la guerre de Clausewitz. Il n’y a aucune perspective de succès contre nous. Pour en finir avec nous, il faudrait rien moins que larguer une bombe atomique sur les bidonvilles. Vous imaginez !

    « Vous devez faire l’autocritique de votre propre incompétence. Mais soyons francs, sérieusement : quelle est la morale de tout ça ? Nous sommes au milieu de l’insoluble. Seulement nous, nous en vivons et vous, vous êtes dans l’impasse. Reste la merde. Or nous, nous savons travailler dans la merde. Écoute-moi bien, mon frère : il n’y a pas de solution. Et tu sais pourquoi ? Parce que tu ne comprends rien à la dimension du problème. Comme l’a écrit le divin Dante : “Perdez toute espérance. Nous sommes tous en enfer !” »

    Sociologie de la misère, misère de la sociologie

    Quand elle ne voyage pas en classe affaires d’une capitale à l’autre, l’immigration est vouée à fabriquer du malheur social. Les racines sociologiques de ce malheur ne manquent pas : relégation sociale, pauvreté, etc. Elles ne suffisent cependant pas à justifier l’ampleur du désastre. Il y a des raisons plus inavouables. L’universalisme a échoué là où il devait échouer : la résistance des peuples. Il n’y a pas d’Homme majuscule, transposable d’un coin à l’autre du globe. Il n’y a que des Français, des Italiens, des Européens, des non-Européens. C’est le Savoyard Joseph de Maistre qui a raison contre le cosmopolitisme des Lumières. On a souvent comparé l’immigration à un phénomène de transfusion, pourquoi pas, mais encore faudrait-il que les donneurs soient compatibles.

    Il n’a échappé à personne qu’on ne s’attarde guère sur le coût comptable de l’immigration, un fantasme de l’extrême droite, n’est-ce pas ! Mais que dire alors des coûts cachés, à commencer par le plus important d’entre eux : le délitement du lien social ? Lisez la vaste enquête du professeur Robert Putnam, une personnalité au-dessus de tout soupçon au regard du politiquement correct, sommité d’Harvard à qui Obama n’a pas manqué de rendre hommage. Publiée sous le titre « E Pluribus Unum : Diversity and Community in the Twenty-First Century » (2007), forte d’un échantillon de 30 000 personnes, cette enquête révèle un tableau largement dépressionnaire sur les effets pervers de la diversité raciale. La cohésion sociale n’y résiste pas.

    La diversité raciale est antisociale

    Les travaux de Putnam gravitent autour de la notion de « capital social », envisagé dans une perspective individuelle et collective. Le capital social est une notion ancienne, à laquelle Pierre Bourdieu a donné une orientation univoque et grossière dans le sens d’un marxisme de sacristie. Loin des images pieuses de la sociologie bourdieusienne, Putnam définit le « capital social » comme l’ensemble des relations qui, au sein d’une société, relie les hommes entre eux sur la base d’une confiance réciproque et d’une adhésion à un ensemble de normes reconnues. Ce que le jargon journalistique appelle le « vivre ensemble » en résume assez bien l’état d’esprit.

    Or, que démontrent les travaux de Putnam ? Que la diversité raciale mine la confiance que les individus placent les uns dans les autres. Plus la diversité au sein d’une société est grande, moins règne la confiance, à telle enseigne qu’on peut affirmer sans se tromper que le niveau de confiance est inversement proportionnel à celui de diversité raciale. Non seulement la diversité sape la confiance entre les communautés, mais elle l’érode à l’intérieur desdites communautés. Bref, la diversité produit de l’anomie sociale, du chaos, de l’entropie. C’est une machine à séparer les hommes. Pas un domaine de la vie qui n’en soit affecté. On peut lui appliquer la théorie du ruissellement, mais ce qui circule ici, c’est l’amertume, la défiance, le ressentiment. On en vient à moins voter, à moins participer aux affaires publiques, à délaisser la vie associative, à oublier les œuvres de charité.

    L’enfer, c’est les autres

    Pour autant, Putnam exclut toute exacerbation des tensions raciales qui pourrait déboucher sur une guerre ethnique, la raison en étant que ce délitement du lien social est indifféremment inter-ethnique et intra-ethnique. Au final, la solidarité communautaire classique ne joue plus nulle part. Sur ce point, l’histoire contemporaine n’est pas avare de contre-exemples, mais qu’importe. Il y a plus d’un siècle et demi, le philosophe espagnol Donoso Cortès, dont Carl Schmitt faisait grand cas, décrivait ainsi la Babel moderne en cours d’édification : « une unité maudite, d’où ne sortira que l’unité de la confusion ». Le rêve d’abolir les frontières aboutit ainsi toujours à en créer de nouvelles. Celui d’abolir les races, à les exacerber. Celui de changer les hommes, à les anéantir. L’enfer est pavé de bonnes intentions, mais c’est l’enfer. Pas le paradis.

    François Bousquet (Eléments, 2 juin 2020)

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  • Sidération et soumission, effets secondaires du Covid-19...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et consacré à la passivité de la population face aux injonctions liberticides auxquelles elle a été soumise par le système... Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a récemment publié La Superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018).

     

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    Sidération et soumission, effets secondaires du Covid-19

    Le plus insupportable de l’épisode épidémique que nous venons de vivre ne tient pas aux mensonges du gouvernement. Les mensonges ne nous surprennent plus puisque la macronie elle-même, née d’un coup d’État médiatique et judiciaire en 2017, repose tout entière sur la duperie et la violence qui va toujours avec.
    L’insupportable ne tient pas non plus au déversement médiatique continu de la propagande catastrophiste depuis bientôt trois mois. Nous savons depuis longtemps que les médias mainstream ne nous informent pas, mais nous manipulent.
    Non, le plus insupportable tient au comportement soumis de nos concitoyens qui, durant cette période, ont tout accepté et tout abandonné. Parce qu’ils étaient morts de trouille.
    Soyons sûrs que l’oligarchie, qui prépare activement le monde d’après, aura retenu la leçon.

    La sidération nationale

    En 1938, une émission radiophonique reprenant le thème du livre de H. G. Wells, La Guerre des Mondes [1], provoque un début de panique aux États-Unis car nombre d’auditeurs croient que les Martiens ont vraiment débarqué… parce que des journalistes l’affirment.

    La peur de la « pandémie » véhiculée par tout le système institutionnel a repris cette logique de panique mais à la puissance mille : celle du pouvoir de sidération des médias audiovisuels modernes.

    La peur panique provoque la plupart du temps la sidération : un affaiblissement du jugement rationnel, accompagné de stupeur. La peur peut aussi provoquer une réaction vitale positive – ce qu’on nomme l’énergie du désespoir – mais cela ne s’est pas produit chez nous. La peur n’a produit qu’une soumission abyssale à l’autorité.

    Pour la première fois depuis la fin des grands totalitarismes du xxe siècle, l’épidémie de coronavirus a en effet conduit le gouvernement à placer en résidence surveillée l’ensemble de la population, sans que celle-ci ne se rebelle. Fâcheux précédent !

    La trouille

    Aux États-Unis, dans de nombreux États, la population a manifesté contre le confinement au nom de ses droits constitutionnels et de sa survie économique. En Allemagne, on a manifesté aussi contre le confinement. En Belgique, les soignants ont exprimé leur mécontentement contre le gouvernement. En France, rien, sinon une colossale trouille collective.

    La sidération médiatique a réussi à tuer le sens commun, pour le plus grand profit du pouvoir.

    Les Français ont ainsi été privés de masques de protection lorsque l’épidémie se développait : ils n’ont pourtant pas protesté, puisque, au contraire, ils ont applaudi les « soignants » qui soignaient… ce qui est quand même leur vocation. On a ainsi réussi à transformer la gabegie gouvernementale en célébration des soignants !

    Et aujourd’hui que l’épidémie recule, on impose le port du masque ! Mais les Français se plient à cette nouvelle contrainte avec un égal entrain. On met même des masques aux enfants.

    Les bonnes âmes cathodiques expliquent qu’il s’agirait d’un comportement civique, destiné à protéger les autres. Belle hypocrisie car il s’agit avant tout de protéger ceux qui ont le trouillomètre à zéro.

    La France orwellienne

    La docilité de la population aux injonctions contradictoires des experts en blouse blanche et des ministres a quelque chose d’orwellien. Comme sa docilité face à l’accumulation des mesures liberticides a aussi quelque chose d’effrayant.

    Le gouvernement français a en effet imposé un nouvel état d’urgence (déjà prolongé !) et multiplié les mesures liberticides : interdiction des manifestations, obligation de justifier son déplacement ou son lieu de domicile, réduction des garanties de procédure judiciaire, nouvelle réduction du nombre de jurys populaires, application StopCovid, usage de drones de surveillance [2], loi de censure des réseaux sociaux, instauration d’une discrimination géographique entre Français. Pendant que l’Éducation nationale demande aux maîtres, dans une fiche pédagogique [3], de signaler les propos « manifestement inacceptables » tenus par les élèves vis-à-vis de la façon dont le gouvernement a géré l’épidémie.

    Pendant que l’écologisme punitif repart de plus belle sous prétexte d’encourager l’usage du vélocipède. Et que la Commission européenne engage le processus d’adhésion de l’Albanie et préconise de nouvelles régularisations d’immigrants clandestins.

    Soumission

    Que le pouvoir politique substitue de plus en plus ouvertement le contrôle social, la techno-surveillance et la répression à l’exercice de la démocratie ne semble pas concerner nos concitoyens. Pas plus qu’ils ne semblent préoccupés par l’assombrissement continu de l’horizon économique de notre pays, du fait d’un confinement qui n’en finit pas et qu’ils plébiscitent.

    Nos concitoyens vivent déjà sur une autre planète : la planète cathodique qui attend avec terreur, après le dérèglement climatique, la deuxième – et pourquoi pas la troisième – vague du coronavirus. Celle où il faudra toujours faire la queue devant les magasins – du moins ceux qui n’auront pas fermé – en respectant les gestes barrières et en se lavant rituellement les mains au gel hydroalcoolique, enfin disponible.

    En 2020, la France roule à vélo, accepte sagement la place qu’on lui assigne sur la plage et regarde Michel Cymes à la télévision.

    Emmanuel Macron a raison. La France ne manque pas de masques : les Français en portent désormais un en permanence devant leurs yeux.

    Michel Geoffroy (Polémia, 30 mai 2020)

    Notes :

    [1] Publié en 1898…
    [2] Dont le Conseil d’État vient de souligner l’absence de base légale.
    [3] Aujourd’hui rectifiée devant les protestations syndicales.

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  • Sortir du rang...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros cueilli sur Geopragma et consacré aux conséquences géopolitiques de la crise. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Sortir du rang

    Lucidité, humilité, solidarité, coopération, empathie, inventivité : une pandémie comme celle qu’affronte le monde entier depuis quelques mois aurait pu et dû être, par l’ampleur de la vulnérabilité humaine qu’elle révèle, l’occasion pour les hommes ‒ notamment les politiques occidentaux qui aiment tant la grandiloquence humanitariste ‒ de se montrer enfin concrètement grands et généreux au-delà de leurs postures moralisantes cyniques, jamais suivies d’effet.

    Après la phase d’urgence sanitaire et d’improvisation plus ou moins heureuse, la récession économique et sociale généralisée qui attend la planète est en effet le socle idéal d’un rapprochement des intelligences, pour une fois affectées au bien commun et à l’amélioration d’une gouvernance mondiale en miettes. Elle aurait même pu mettre sur pause les innombrables affrontements armés mais aussi économiques et financiers (pensons aux arsenaux de sanctions manifestement contreproductives). Bref la Covid-19 est un kairos inespéré pour l’avènement du réalisme éthique dans les relations internationales. Certains y croient ou le disent, avec sincérité ou hypocrisie. Dans un cas comme dans l’autre, c’est rafraîchissant… mais parfaitement improbable. 

    Il n’est que de voir le rejet, à deux reprises, par les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne (donc la France) mais aussi le Japon, la Corée du Sud ou le Canada, du projet russe de résolution proposant un moratoire sur les sanctions pour les pays affectés par le coronavirus. Dans un assourdissant silence médiatique et une indifférence générale, les uns et les autres de ces pays, en chœur ou en canon, ont jugé cette proposition motivée par un pur opportunisme et une volonté d’instrumentalisation russe de la pandémie… On se demande comment il est encore possible, après la masse d’avanies américaines lancées au front de la servile Europe, que celle-ci n’ait toujours pas compris que son larbinisme aggravé ne lui rapportait rien et qu’elle devait enfin apprendre à réfléchir et à agir par elle-même, comme une grande, sans toujours attendre les ordres de Washington qui la méprise et se sert d’elle.

    Rappelons que ce projet était non seulement appuyé par Pékin, mais aussi par le groupe des 77 (les anciens « non alignés ») et par rien moins que le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, dont l’audace lui coûtera peut-être bientôt son poste ou certains de ses budgets. Tous ces États, toutes ces personnalités parlent dans le désert, ou plutôt dans la jungle redevenue épaisse d’un multilatéralisme dévasté et d’une brutalisation croissante des rapports interétatiques.

    Les ratés du Regime change par le sang ou par les « révoltes populaires » en Europe comme au Levant ont tant crispé l’Empire en déclin, tant fait le jeu du soft power chinois et d’un relèvement imprévu de la puissance et de l’influence russes ‒ en dépit de tombereaux de sanctions qui ne parviennent pas davantage à décapiter un régime iranien récalcitrant ‒ que l’Amérique ne croit plus avoir d’autre choix que de « se défendre » comme elle l’a toujours fait : en attaquant. Elle s’y emploie en construisant plus que jamais l’ennemi pour justifier les coalitions, en battant le rappel de ses alliés-vassaux, en les forçant à prendre parti par le chantage et l’intimidation et en détruisant méthodiquement, sans plus prendre aucun gant, tous les mécanismes de dialogue ou d’entente multilatéraux qui contraignaient encore les volontés de puissance des uns et des autres. C’est évidemment vrai en matière stratégique (accords Start, FNI, JCPOA, traité ABM), climatique (accord de Paris), commerciale (TPP), Culturelle (Unesco) et désormais aussi sanitaire, avec le retrait de la participation financière américaine à l’OMS, en pleine pandémie. C’est délirant, c’est stupide, c’est indigent humainement, tactiquement et stratégiquement. C’est exactement l’inverse de ce qu’il faudrait faire, car, la nature ayant horreur du vide, Pékin réinvestit sans résistance tous les espaces d’influence délaissés par Washington. Mais les États-Unis croient que, de cette façon, le monde redeviendra unipolaire, que leur infaillibilité et leur invulnérabilité s’imposeront de nouveau à tous les autres acteurs. 

    Dans le cadre de cette approche ouvertement belliciste des rapports interétatiques, Washington suit deux grands axes.

    Le premier est une vieille parade qui a fait ses preuves : la diversion. Il faut donc trouver un coupable. Pékin est responsable du désastre sanitaire américain ! La Chine n’a pas créé la Covid-19, mais elle en a sciemment retardé l’annonce au monde pour nuire à la Grande Amérique, qui, si elle avait su plus tôt ce qui se passait, aurait naturellement pris la mesure de l’événement et les bonnes dispositions pour en prémunir sa population. Et nous, gentils petits serviteurs européens de l’infaillibilité américaine, au lieu d’élever enfin le débat, de libérer le monde de sa médiocrité complotiste, nous appuyons cette bronca débilitante, nous appelons au jugement de Pékin qui devra rendre des comptes. Il est vrai que la vision punitive du monde fait gagner tant d’argent… La guerre tue (de préférence les autres), mais elle paie bien.

    Le second axe de « défense », lui aussi toujours maintenu en état opérationnel mais réactivé avec plus d’énergie encore, consiste à renforcer la tutelle stratégique sur l’Europe, comme on prétend protéger une vieille cousine sénile alors qu’on la déleste progressivement de tous ses biens. L’OTAN est l’instrument de cette captation ‒ un outil majeur pour la construction, la désignation et le harcèlement de « l’Autre ennemi », dans un processus classique de projection victimaire que le docteur Freud aurait adoré décortiquer. L’ennemi, c’est évidemment toujours la Russie, comme si le Pacte de Varsovie tonnait à nos portes (alors que la majorité de ses membres ont été récupérés par l’Alliance, mais on n’est pas à une contradiction près) ; comme si Moscou allait envahir la Pologne et les pays baltes, comme si Vladimir Poutine voulait l’éclatement de l’UE plus sûrement encore que Washington ou Pékin ! Alors, face à cette puissance maléfique qu’un arsenal de sanctions inédit n’arrive toujours pas à faire vaciller d’un iota et qui gère sérieusement la pandémie, on n’hésite plus à franchir un cap gravissime. On relance le harcèlement pour exciter la bête : l’ours. En effet, si les manœuvres de l’OTAN « Defender 2020 », prévues en Europe orientale en avril et mai, ont été reportées pour qu’elles puissent être menées en toute sécurité sur le plan sanitaire, ce report ne change rien à leur nature ni au franchissement d’un seuil dramatique. Le projet des États-Unis est désormais d’entraîner leurs alliés continentaux dans ces folies bellicistes et de leur faire cautionner l’emploi éventuel, sur le champ de bataille européen, de munitions nucléaires tactiques tout récemment mises en service dans les armées américaines. 

    Si d’aucuns ont osé croire un instant que plus rien ne serait jamais comme avant, voilà de quoi les détromper. Ce ne sera pas comme avant. Ce sera pire. Et la Covid-19 n’est en l’espèce qu’un retardateur pour le franchissement d’un seuil qui paraît inéluctable dans l’état actuel d’apathie intellectuelle et morale et de servilité des affidés otaniens de Washington.

    Comment la France peut-elle cautionner une telle folie qui contrevient radicalement à sa propre doctrine de dissuasion et portera un coup fatal à son prétendu dialogue stratégique avec la Russie ? Mystère et boule de gomme. C’est un reniement politique, stratégique et éthique incompréhensible, au moment même où Paris devrait sortir du rang et proposer un rapprochement stratégique à Moscou, initiant enfin une projection européenne vers le cœur de l’Eurasie. Si la France était capable d’une telle audace, elle serait bientôt rejointe par d’autres États européens dont les yeux se décilleraient, et offrirait à l’Europe le plus beau des présents : l’impulsion salutaire qui, seule, peut désormais lui permettre de survivre stratégiquement et économiquement entre Chine et Amérique. Évidemment, pour cela, Il faudrait enfin du courage et de la vision. Manifestement, nos stratèges en chambre, toujours affectés d’un autre virus tout aussi dévastateur que le corona, le double syndrome de Stockholm et de Pavlov, préfèrent continuer à voir le monde en noir et blanc et à se tapir sous l’aile immaculée d’un allié qui les rabaisse plus que jamais. 

    Caroline Galactéros (Geopragma, 26 mai 2020)

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  • L’Empire du Bien contre-attaque contre Michel Onfray et son Front Populaire...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'Observatoire du journalisme consacré aux violentes attaques dont Michel Onfray a fait l'objet dans la presse du système (Le Monde, Libération,...) à la suite de son annonce du lancement d'une revue intitulée Front populaire...

     

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    L’Empire du Bien contre-attaque contre Michel Onfray et son Front Populaire

    Dans son édition datée du mardi 19 mai 2020, Le Monde a de nouveau lancé ses fidèles guerriers de la lutte contre les néo-réacs à l’assaut. Depuis le pamphlet de Daniel Lindenberg, Le rappel à l’ordre, enquête sur les nouveaux réactionnaires, paru en 2002, réédité depuis, et la longue campagne de presse à la une qui s’en était suivie, amalgamant des personnalités dont il fut alors remarqué qu’elles n’avaient pourtant rien en commun dans le domaine de la pensée, le marronnier est régulièrement de retour. Et Le Monde n’est en ce domaine jamais à la traîne. Ce mauvais essai s’inscrivant dans la lignée de la période Plenel où Le Monde traquait du « rouge-brun ».

    Onfray de blanc devient noir

    Ce mardi 19 mai 2020, ce sont donc les fidèles limiers Lucie Soullier et Abel Mestre « spécialistes » es extrême-droite (voir le portrait d’Abel Mestre), mais ne définissant jamais ce qu’ils entendent par-là, qui attaquent et ont donc trouvé un nouveau réactionnaire, Michel Onfray, pourtant longtemps égérie d’une partie de la gauche, laquelle avait même pensé un temps à lui pour les présidentielles de 2007, ayant à l’époque table ouverte dans tous les médias du système, médias qu’il critique avec virulence maintenant, chacun étant libre d’évoluer au long d’une vie intellectuelle. Michel Onfray était pourtant, moins depuis qu’il trouve l’islam dangereux, dogmatique, violent, en passe de peut-être imposer sa loi, un gendre idéal autrefois : penseur devenu philosophe, travailleur acharné, certains disaient polygraphe excessif, critique d’une éducation nationale déjà assez moribonde pour qu’il la quitte afin de fonder une université populaire, combattant de l’antiracisme sous toutes ses formes, attentif à ne pas débattre avec les méchants de l’autre rive, ou supposés tels. Ce qui fut évident quand une réponse à son Traité d’athéologie fut publiée en forme d’Anti-traité d’athéologie, du fait des nombreuses utilisations faites par le philosophe d’extraits tronqués de la Bible afin de démontrer ses thèses. Un peu trop de virulence des deux côtés, sans aucun doute, c’était l’époque. Reste que Michel Onfray était partout, et même au téléphone pour commenter n’importe quel fait d’actualité à n’importe quel moment de la journée.

    Les médias officiels n’aiment plus Michel Onfray

    C’est donc terminé, toute la presse officielle et convenue, celle qui sert la soupe au mondialisme, lui tombe dessus, à commencer par Le Monde. Mais Libération et consorts suivent, la « Lettre politique » du bientôt retraité Joffrin étant par exemple consacrée à Michel Onfray le mercredi 20 mai 2020. En son entier. Qu’un philosophe aussi adulé, durant aussi longtemps, ayant bénéficié d’une émission annuelle d’un mois sur France Culture durant des années, invité partout, vienne rejoindre, pensent-t-ils, la cohorte de ceux que l’on qualifiera dans ces milieux d’hommes « de droite » ou « d’extrême-droite », les sociaux-libéraux ont du mal à faire la différence, comme Dantec autrefois, Houellebecq et tant d’autres, ainsi que des confrères auxquels ils dénient évidemment la qualité d’organes de presse, comme Éléments, Valeurs Actuelles, Présent ou L’Incorrect par exemple, choque l’entendement de Soulier et Mestre. Pour Le Monde, ce qui est acceptable c’est de penser comme Le Monde.

    Et c’est à cela que servent Lucie Soullier et Abel Mestre, dans la plus pure tradition des anciens « commissaires du peuple » ou du tribunal révolutionnaire de 1793 : traquer tous les suspects.

    De quoi ? Du crime suprême : être simplement suspect.

    L’objet du délit ? Front Populaire

    Michel Onfray lance sa revue trimestrielle Front Populaire en juin. Ce sera aussi une plateforme d’échange d’idées entre personnes qui ne pensent pas en gros toutes dans le même sens (Le Monde n’aime pas trop cela) et peut-être l’embryon d’un soutien à une candidature souverainiste, au sens de rendre la souveraineté au peuple dans le cadre d’une nation conçue comme un ensemble de provinces et de communes. Michel Onfray est en partie proudhonien, mais Soullier et Mestre ne savent pas qui est Proudhon. Dans l’esprit des surveillants général du retour de la « bête immonde », toujours prête à surgir et à mordre, comme en 1933 (une année du début du 20e siècle dont le centenaire approche à pas rapides), Michel Onfray a outrepassé le droit de la pensée autorisée, selon eux, en devenant souverainiste — mais il affirme l’avoir toujours été, ayant « voté contre Maastricht en 2012 » ainsi qu’il le rappelait sur Sud Radio dimanche 17 mai 2020 — c’est-à-dire en basculant à l’extrême-droite, toujours selon le logiciel qui se veut être de la pensée au Monde.

    Les arguments, pour « démontrer » le devenir en gros « fascisant » de Michel Onfray, méritent que l’on s’y arrête un peu. Michel Onfray est devenu un délinquant de la pensée car :

    Le titre et l’accroche :

    " Avec sa nouvelle revue « Front Populaire », Michel Onfray séduit les milieux d’extrême droite

    La revue, qui doit être lancée en juin, entend réunir les « souverainistes de droite et de gauche ». Parmi ses premiers soutiens, l’on compte de nombreuses figures de la droite de la droite. "

    Une manière de dire les choses, directement issue du centralisme démocratique pratiqué dans les anciens partis communistes staliniens, maoïstes et polpotistes : ce n’est pas à la pensée du philosophe que s’en prennent les journalistes mais au philosophe en tant que d’autres personnes, mal-pensantes dans leur esprit, s’intéressent à la revue mise en oeuvre par Michel Onfray, laquelle atteint plus de 17 500 « contributeurs » à l’heure où nous écrivons. Il est important d’insister sur ce mot, « contributeurs ».

    Un contributeur financier (abonné) n’est pas un auteur

    La revue Front Populaire se crée sur la base du financement participatif, dont le fonctionnement ne saurait être ignoré de journalistes. En finançant, les « contributeurs » prennent en réalité un abonnement par avance, selon plusieurs formules (un an, deux ans, à vie, papier plus numérique, uniquement numérique).

    Il ne s’agit donc pas de « contributeurs » appelés à écrire dans la revue, et cela les journalistes le savent très bien (cela ferait tout de même du monde, plus de 17 000 personnes pour écrire), mais bien d’abonnés.

    La confusion de Lucie Soullier et Abel Mestre apparaît à plusieurs reprises dans l’article et elle est volontaire. À quoi sert-elle ? À indiquer, comme des preuves qui seraient irréfutables du basculement à la droite de la droite de Michel Onfray, que des « personnalités d’extrême-droite » sont parmi les « contributeurs » (en réalité, abonnés). Sauf que la manière de présenter les choses est fausse : les journalistes ne parlent pas d’abonnés mais de contributeurs, au sens où ces personnalités qui seraient pour Le Monde une réincarnation du Mal absolu, auraient vocation à contribuer, au sens d’écrire, dans la revue.

    Nous avons contacté certaines personnalités citées dans l’article. Qu’avons-nous appris ? Que Soullier et Mestre les ont contactées pour leur demander si elles étaient bien au rang des « contributeurs ». Abonnés, donc. Ce que confirment les personnes en question.

    Subtile malhonnêteté à peine atténuée par ce fait : l’article cite Alain de Benoist et celui-ci précise qu’il est abonné et non pas auteur. Mais cette citation n’est pas plus hasardeuse, le nom d’Alain de Benoist sert de repoussoir absolu depuis 40 ans dans les médias français.

    « Débattre du souverainisme en 2020 avec Jean-Pierre Chevènement et Philippe de Villiers. L’affiche poussiéreuse pourrait presque faire sourire. » Ce sont les premiers mots de l’article.
    Vient ensuite l’accusation de « récupération », à propos du professeur Raoult, médecin dont les deux journalistes paraissent ignorer les compétences.

    Onfray et ses lunettes

    Puis, celle de faire commerce de sa petite entreprise : « Une « voix alternative », devenue sa marque de fabrique depuis quelques années. Front Populaire n’est ainsi qu’une déclinaison de plus de la galaxie Onfray. Son logo arbore d’ailleurs les petites lunettes de l’enseignant, comme le site personnel regroupant l’ensemble de ses productions. Son associé, le producteur de télévision Stéphane Simon (qui a travaillé notamment pour Thierry Ardisson) a quant à lui une expérience dans les « médias engagés » : c’est lui qui produit la webtélé RéacnRoll où s’illustrent les figures de la réacosphère Élisabeth Lévy, Ivan Rioufol, Barbara Lefebvre et Régis de Castelnau. Ces deux derniers seront également « auteurs » au sein de Front Populaire, dont la ligne éditoriale séduit à l’extrême droite. »

    La question des lunettes de Michel Onfray paraît hautement importante dans l’entre-soi parisien : Laurent Joffrin en parle aussi dans sa Lettre de Libération du 20 mai. Avec le même mépris ?

    Cependant, ces derniers aspects ne sont que le hors d’œuvre : le gros du menu vient de la « séduction » exercée sur l’extrême droite par Michel Onfray, sa vie, son œuvre, son Front Populaire.

    7 « contributeurs » sur 17500

    Arguments ? Des noms : Alain de Benoist, dont il est répété une fois encore qu’il fut (il y a plus de 50 ans…) l’un des fondateurs de la « nouvelle droite », deux mots qui servent d’épouvantail aux moineaux de la gauche libérale-libertaire depuis 1980, « Patrick Lusinchi, l’un des dirigeants d’Éléments, la revue de ce courant ; l’identitaire breton Yann Vallerie (à qui M. Onfray a accordé un entretien pour le site Breizh-Info) ; Claude Chollet, patron d’un observatoire (d’extrême droite) des médias ; Robert et Emmanuelle Ménard, respectivement maire de Béziers et députée, chantres de « l’union des droites », ou encore Philippe Vardon, ancien du Bloc identitaire, désormais membre du bureau national du Rassemblement national (RN) » et Thibault Isabel.

    Huit individus donc, abonnés de la revue.

    Seul le dernier est au nombre des contributeurs appelés à écrire, la liste est aussi sur le site mais… Le Monde ne juge pas utile de l’évoquer en détail. Notons que l’observatoire des médias indiqué, dont Claude Chollet est le patron, est l’OJIM que vous êtes en train de lire. 7 individus sur… bientôt 17 500.

    Si Front Populaire séduit l’extrême-droite, appellation qui mériterait débat pour chaque personne citée, soit Soullier et Mestre ont mal fait leur travail en lisant la liste des contributeurs publiée sur le site de Front Populaire et ils ont raté des noms, soit quelques abonnés à votre revue fait de vous, pour Le Monde, un danger politique de haute amplitude.

    Il est vrai qu’il y a aussi Marine Le Pen qui ne sera pas « contributrice » mais a fait « un tweet pour féliciter l’entreprise », comme nombre d’autres Français qui trouvent qu’un espace de débats est toujours bienvenu dans une démocratie. Sauf Le Monde, qui n’a pas envoyé de tweet de félicitations à notre connaissance.

    L’Humanité à la rescousse

    Cet ancrage à l’extrême-droite de Michel Onfray et sa « haine des universitaires » auraient été dénoncés en 2015 par une tribune de chercheurs et intellectuels, certains du CNRS, parue dans… L’Humanité. Soullier et Mestre ne paraissent pas s’apercevoir de l’étrangeté de cet argument et de cette référence, pour le coup ultra-politisée et militante.

    Ensuite ? Michel Onfray a une position qui ne va pas sur un sujet qui fâche : « c’est sur l’islam que le courroux de Michel Onfray se focalise depuis plusieurs années, jusqu’à affirmer, le 18 mai, dans une interview à Causeur, que l’islam serait donc la religion la « plus à craindre » et à voir dans Soumission, de Michel Houellebecq (Flammarion, 2015), une prophétie. En 2015, juste après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, il s’interrogeait déjà en ces termes sur France 2 : « La question qu’on devrait pouvoir poser sans être assimilé à Marine Le Pen, c’est : est-ce qu’il y a une différence de nature entre un musulman pacifique et un terroriste ou une différence de degré ? ». Des positions qui, selon ses adversaires, signent son passage à la droite de la droite. « Michel Onfray, qui vient soi-disant de la gauche pure, est devenu l’idiot utile d’une pensée réactionnaire qui a pour point de jonction une obsession anti-islam », juge ainsi Alexis Corbière, député La France insoumise, qui ferraille avec l’enseignant depuis plusieurs années. »

    Questionner l’islam en France, c’est pour les médias officiels devenir d’extrême droite ?

    Par ailleurs, Lucie Soullier est partie à la recherche d’un autre argument, presque fétichiste tant le sujet revient sous sa plume : « Ce qui n’empêche pas les autres d’être à l’affût, comme certains proches de Marion Maréchal ex-Le Pen ne résistant pas à voir là une énième plate-forme pour (re)lancer leur favorite. » Etonnant, ce refus répétitif de refuser à Marion Maréchal son nom.

    Qui sont les « proches » ? Ils ne sont pas indiqués. Et pour cause, contacts pris avec les proches en question, personne n’a confirmé être « à l’affût » d’un homme qui serait devenu une sorte de gibier si l’on en croit le vocabulaire de l’article.

    1791 ou 1793 ?

    À gauche ? On serait froid. Un nom est cité pour preuve, celui d’Alexis Corbière. Ce dernier est réputé pour être un anti Onfray depuis des années. Il lui reproche de préférer 1791 à 1793. Il est vrai que Onfray a peu de goût pour la guillotine de Robespierre. Sur le même sujet suivent des « arguments d’autorité », ceux qui sont tout sauf de la pensée : ce que fait Michel Onfray est mal, pour la gauche comme pour le souverainisme. Pourquoi ? Parce que ce sont deux historiens, spécialistes, universitaires, qui le disent. Et cela suffit pour le prouver.

    Finalement ? L’initiative Front Populaire de Michel Onfray est évidemment une initiative d’un intellectuel de gauche, mais d’une gauche qui refuse la gauche de type LFI autant que la gauche qu’il nomme libérale-sociale. Il affirme un girondisme, une volonté de localisme qui peut plaire à des personnes d’autres horizons politiques. Reste que l’article de Lucie Soullier et d’Abel Mestre n’est pas un article journalistique mais un tissu d’approximations et de manipulations visant à salir l’image de l’homme tout en donnant une vision négative de son initiative. S’en rendent-ils seulement compte ou bien sont-ils à ce point formatés que c’en est impossible ? Difficile à dire. Un peu des deux peut-être et une dose de malhonnêteté en même temps que de mépris de toute initiative qui pourrait devenir populaire. Le Monde, Paris, les universitaires… Et le peuple ? Une partie s’abonne à Front Populaire, et bien que n’étant pas des amis de Michel Onfray, l’auteur de ces lignes a fait de même.

    Observatoire du journalisme (OJIM, 23 mai 2020)

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  • Globésité, l’autre pandémie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bousquet, cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré à la rencontre de deux pandémies, celle du coronavirus avec celle de l'obésité. Journaliste et essayiste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a notamment publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017) et Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2019).

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    Biopolitique du coronavirus (11). Globésité, l’autre pandémie

    Les mauvaises langues disent que Dieu inventa les États-Unis pour se venger des Anglais. Le premier jour, il créa le Coca-Cola, le deuxième les triples hamburgers, le troisième les chicken nuggets, le quatrième les pop-corns, le cinquième les ice creams et le sixième les muffins au chocolat. Le septième jour, il vit que cela n’allait pas du tout et se retira dans un Ehpad pour un long sommeil digestif réparateur. L’Adam puritain d’outre-Atlantique se consola en se goinfrant toujours plus et en parcourant son nouveau domaine, les grands espaces américains assimilés à un nouvel Éden, mais taille XXL. C’est là que, flanqué de sa Daisy – une Ève castratrice à l’accent strident, mélange de mastication de chewing-gum, de gémissement sexuel et d’aboiement martial –, il découvrit la recette du fruit défendu : le mariage du sucré et du salé, qu’il cultiva dans des monocultures transgéniques à perte de vue. Le fruit défendu, le seul, le vrai, l’arbre de la connaissance ! Il mordit dedans à pleines dents. Genèse de l’obèse.

    Ce fruit défendu était lisse, brillant et parfaitement calibré, un peu comme la pomme empoisonnée que croque Blanche-Neige. Un vrai cocktail toxique, génétiquement modifié et bourré d’additifs chimiques. À homme artificiel, nourriture artificielle. La siliconisation de l’alimentation, nouveau chapitre de la diététique, commençait. L’obésité en sortit – la « globésité », stade ultime de la mondialisation : Homo adipus, dérivation monstrueuse de l’ancestrale souche européenne déchue.

    Au pays du « Bigness »

    Génie de l’Amérique, première nation à avoir expérimenté cette banalité de l’abondance. D’où la démocratisation de la grosseur. Georges Bernanos faisait observer que l’on reconnaît une civilisation au type d’homme qu’elle a formé – ou déformé. Il ne pensait pas spécialement au pays de Mickey. Il s’est pourtant produit là-bas quelque chose qui s’apparente à une mutation anthropologique.

    L’Amérique est depuis longtemps le pays des super-héros et des mutants, dimension centrale de sa psyché, passée sous silence par Tocqueville dans sa célèbre analyse De la démocratie en Amérique. Les hormones d’excroissance depuis le début. Ce qui s’y joue, ce n’est pas tant une expérience politique qu’une expérimentation génétique. Ou comment faire à partir des pèlerins du Mayflower (1620) des surhommes capables d’aller sur la Lune. Le problème aujourd’hui, c’est que les super-héros ne s’appellent plus Neil Armstrong ou Batman, mais Fat Man (« homme obèse ») et Maxi-Girl, en adéquation avec la dynamique du libéralisme sauvage, tant ils reflètent dans leur redondance démultipliée le mythe américain du gigantisme. Les gourous du marketing appellent cela le « Bigness ».

    Mort de satiété

    Objectif gavage. Chez les Romains, au temps de la décadence, on s’empiffrait à pleine bouche dans des orgies de chère, mais c’était dans la haute société. Comme disait Sénèque, « les Romains mangent pour vomir et vomissent pour manger ». La démocratie alimentaire nous a changé tout ça. L’orgie de masse est devenue la norme, elle a choisi son lieu d’élection : les fast-foods et la grande distribution. Supers, hypers et autres gigas ont tout homogénéisé. Aujourd’hui, c’est là que Pétrone situerait son Satyricon et Marco Ferreri sa Grande bouffe (1973) dans laquelle Mastroianni, Noiret et Picolli se livrent à un suicide gastronomique. Ferreri voulait mettre en scène la gloutonnerie de la société de consommation naissante. Mais il filmait encore une crise de foie chez un traiteur de luxe. Les hard-discounts l’ont mise à la portée de tous les ventres.

    L’obésité réclame un moraliste. Il faudrait un Gibbon pour lui consacrer une Histoire de la décadence culinaire et de la chute de l’Empire gastronomique d’Occident. Car il y a tout de même une folie sans précédent dans ce phénomène. Ce n’est pas seulement une pandémie, selon la classification de l’Organisation mondiale de la santé, c’est une sorte de couronnement sucré et dérisoire de la longue histoire de l’évolution. Tout ça pour ça ! On a eu faim pendant des dizaines de milliers d’années. La lignée de notre cousin, l’Homme de Néandertal, qui maîtrisait pourtant la chaîne du froid, s’est même éteinte. Changement de régime et de perspective : désormais l’obésité sera plus meurtrière que les famines ; désormais les sept péchés capitaux, gourmandise incluse, seront les vertus du capital.

    Obésité morbide, les « 38-tonnes » de l’adiposité

    L’obésité nous fascine comme les femmes à barbe ou les corps à double tronc qu’on exhibait jadis dans les foires. Jusqu’à 500 kg, et plus parfois, chez les obèses extrêmes. À partir de 200 kg, on ne peut plus sortir de chez soi qu’au moyen d’une grue, après avoir percé le toit. À ce stade, l’obésité est dite morbide – mort du bide, diraient les lacaniens dont les jeux de mots n’ont jamais été très heureux. Les membres boudinés et les corps flasques ne sont plus parcourus que par le mouvement ondulatoire et sismique de la gélatine emprisonnée dans les bourrelets sous-cutanés. C’est l’histoire d’Elephant man à l’époque de sa reproductibilité technique, diététique et finalement diabétique.

    Nulle raillerie ici. Les obèses sont les victimes – plus malheureuses que consentantes (on va le voir) – de notre modèle de consommation. Comment leur en vouloir ? Ils ne font que reproduire notre boulimie pathologique. Consommer, consommer, jusqu’à en crever. Ainsi l’exige un monde saturé d’addictions et de toxicodépendances, aux drogues comme aux aliments. La marchandise a tout conquis, jusqu’aux corps qu’elle a métamorphosés. Les obèses ne sont que la version alimentaire de cette folie collective, miroir à peine déformé de ce que nous sommes devenus. L’accumulation de graisses n’étant que la traduction physiologique du processus d’accumulation du capital. Un pur phénomène de concentration, non plus de liquidités, mais de « lipidités ». Une bulle de plus. Qui éclatera. Telle est la signature du néolibéralisme.

    La forme de l’absence de forme

    L’obésité comme parabole de notre temps, qui se serait en quelque sorte cristallisé, métabolisé, devrait-on dire, dans ces corps hypertrophiés. Personne n’en a parlé avec autant d’exactitude et de prescience que Jean Baudrillard, dès 1983, dans Les stratégies fatales, qui décrivaient notre futur déjà advenu outre-Atlantique : la « difformité par excès de conformité » des volumes obèses, « leur oubli total de la séduction », eux qui « affichent quelque chose du système, de son inflation à vide ». Baudrillard rend inutile la lecture de science-fiction : on y est déjà. Son œuvre, c’est la bande-son de notre apocalypse virale, sa voix off suprêmement intelligente, à l’écriture blanche, déroulant le rapport d’autopsie de la société de consommation.

    Et l’art contemporain ? Il s’est lui aussi reconnu dans l’obésité, laquelle présente en outre l’avantage de faire pendant à son minimalisme anorexique (l’autre tentation de l’époque). De l’un à l’autre, c’est la même disparition du corps, la même prolifération des signes, la même abolition de l’anatomie. De l’un à l’autre, c’est le même choix de l’informe, du difforme et du conforme : les trois niveaux qui définissent la façon dont notre âge se représente son rapport à la Forme : la forme de l’absence de forme. Regardez les baudruches bouffies et grimées de Niki de Saint Phalle, les sculptures pondérales de Botero et ses toiles aérophagiques débordant du cadre, les Balloon Dogs métallisés de Jeff Koons. Les châteaux de l’art contemporain, ses installations, ses œuvres cylindriques, sont des structures obésiformes et gonflables. Pschitt !

    La splendeur perdue du ventre

    Rien à voir avec les anatomies massives d’autrefois dont la prodigalité promettait de conjurer disettes et famines. Ronds, pleins de bonhomie, les gros avançaient triomphants. C’était le progrès. Il durera jusqu’aux Scènes de la vie parisienne de Balzac, jusque dans la physionomie de Dumas père, de Daudet fils, de Henri Béraud. Pour moi, enfant, c’était la gloire de mon père. Et que dire des ogres de contes pour enfants ? Ah, ces bons ogres. Notre dernier spécimen, c’est Depardieu, qui a hérité de l’appétit d’Obélix, du coup de fourchette de Pantagruel et du tube digestif de Gargantua. Splendeur du ventre. Depardieu nous vient tout droit de l’âge d’or de l’opulence, au temps du « glouton médiéval », des scènes villageoises de Brueghel, de la sanguinité tonitruante de Falstaff, la chopine à la bouche, la saucisse à la main, qui paradait dans les tavernes anglaises.

    À travers tous ces personnages, on célébrait la munificence des gros et les festins de la table. Les derniers feux de ce monde brilleront avec Rabelais. Après, ce ne sera plus qu’un lent effondrement des graisses, comme dans La Chute des damnés de Rubens. Georges Vigarello a retracé les grandes étapes de cette déchéance dans Les métamorphoses du gras (2010). C’est à la Renaissance que l’horizon culturel des gros s’est assombri. On va leur reprocher leur indolence. L’embonpoint commence à être flétri. Et si la tradition populaire continue de rattacher les corps généreux à la bonne santé, les médecins, en revanche, contraignent déjà leurs riches patients à la « diète maigre ». Dès le Grand Siècle, les coquettes et les précieuses s’adonnent aux régimes et autres pratiques de compression du bassin : corsets, ceintures et toute la gamme des outils de torture. Si le prestige social des gros demeure, on associe de plus en plus souvent leurs formes à une critique des nantis. Le ventre des bourgeois résistera un temps, pas celui de leurs épouses, qui fondra comme neige au soleil, du moins sur les couvertures des magazines.

    La suite de l’histoire est connue : l’anorexie comme modèle esthétique et l’obésité comme réalité sociale. Les riches sont devenus maigres et les pauvres énormes. Daumier y perdrait son coup de crayon. Depuis, on oscille entre les régimes minceurs des « people » et les menus super size du peuple, la diététique et les lipides, Laurel bourgeois et Hardy plébéien.

    La Terre en surcharge pondérale

    La Terre, de sphérique, est devenue obèse. L’obésité a presque triplé depuis 1975. Deux milliards d’adultes en surpoids, plus de 650 millions obèses. En 40 ans, les cas d’obésité chez l’enfant et l’adolescent ont été multipliés par dix. En 2030, on comptera 250 millions d’enfants obèses. Deux adultes sur cinq sont déjà obèses aux États-Unis. Le Mexique est en passe de dépasser son voisin depuis l’adoption de l’Accord de libre-échange nord-américain en 1993.

    L’obésité demeure le meilleur article d’exportation états-unien, le seul qui pèse dans sa balance des paiements. Serait-elle l’avenir de l’homme ? Qui a vu WALL-E des studios Pixar, produit par Walt Disney, n’en doute pas. C’est un petit bijou d’animation, qui certes en fait un peu trop dans l’écologiquement correct, ce qui ne gâche pourtant rien à sa réussite. On y voit une population américaine uniformément obèse, peinant à se déplacer autrement qu’en chaise roulante. Début du XXIIe siècle, la Terre est devenue inhabitable et l’humanité pachydermique, nos lointains descendants se sont réfugiés dans l’espace où ils vivent sous la coupe d’un consortium économique, Buy’n’Large, parodie transparente de Walmart, la plus importante chaîne de grande distribution au monde, accessoirement premier employeur états-unien.

    Pandemia chez les ploucs

    L’obésité trouve un début d’explication dans la sédentarisation des modes de vie, l’inaction assistée et la suralimentation. Oublions la génétique, elle ne compte pas pour grand chose, sauf à croire que le gène de l’obésité a été parachuté au Texas il y a cinquante ans, un peu comme la bouteille de Coca-Cola au Botswana dans Les Dieux sont tombés sur la tête (1980). Les États-Unis ont fait coïncider l’urbanisation verticale (le monde des affaires) et l’urbanisation horizontale (la méga-banlieue pavillonnaire), autrement dit : les ascenseurs et les voitures. Monde dans lequel il n’est plus nécessaire de se déplacer à pied. Les trottoirs ont d’ailleurs disparu dans quantité d’endroits. Comme les fruits et légumes. Comme les magasins d’alimentation.

    Il y a outre-Atlantique – et ailleurs – une géographie de l’obésité, du moins si l’on s’en tient à la carte des « déserts alimentaires » que publie le gouvernement américain. Elle englobe les familles à bas revenus, sans véhicule, ni magasins alimentaires accessibles dans un rayon de deux kilomètres. Parler de « déserts alimentaires » a de quoi surprendre : on est en Amérique, que diable, pas au Darfour. C’est bien le problème. Des millions d’enfants vivent dans ces zones, se nourrissant exclusivement de chips, de sucreries et de sodas. Le tout acheté… dans des stations-service. Résultat : c’est chez les enfants que l’obésité morbide fait le plus de ravage. Ça promet. Le scénario est couru d’avance : du grignotage au triple pontage.

    Une overdose de sucre

    « Nous pourrions bien nous apercevoir un jour que les aliments en conserve sont des armes bien plus meurtrières que les mitrailleuses », disait George Orwell dans Le Quai de Wigan. Il ne croyait pas si bien dire. Le  néolibéralisme a fait le choix de sacrifier les populations, non pas en les exterminant comme Staline ou Mao, mais en les gavant d’aliments ultratransformés à la qualité nutritionnelle quasi nulle et à la densité calorique exponentielle – sauf… sauf que ce sont des « calories vides », caractéristiques de la « junk food », la malbouffe.

    En 1976, un jeune chercheur, Anthony Sclafani, a ajouté une poignée de Fruit Loops, une céréale bien dégueulasse mais fortement sucrée, dans la cage d’un rat de laboratoire. Le rongeur s’est jeté dessus à la vitesse de Speedy Gonzales sans s’assurer s’il y avait danger ou non. Sclafani venait de découvrir par inadvertance les processus d’addiction agro-industriels. Il renouvela l’expérience avec toutes sortes de cochonneries trafiquées, glucosées et parfumées. À chaque fois, les rats fonçaient imprudemment, à rebours de la prudence inscrite dans leur comportement évolutif. En quelques semaines, ils s’installaient dans l’obésité. Les rats, aujourd’hui, c’est nous.

    Manger tue !

    Quelque temps plus tôt, à la croisée des années 60 et 70, une révolution silencieuse s’est produite. L’épidémie d’accidents cardiaques – la grande faucheuse des Trente Glorieuses, avec les accidents de la route – a poussé nutritionnistes, médecins, politiques à délaisser les régimes carnés riches en graisse animale, pour privilégier les glucides, céréales, féculents, pommes de terre, etc. Sans le savoir, on venait de passer des métamorphoses du gras, l’antique régime de la grosseur, aux métamorphoses du sucré, le nouveau régime de l’obésité. Les industriels ne se firent pas prier. Le sucre est bon marché, addictif et ne crée pas de sentiment de satiété puisqu’il annihile le signal de saturation que nous envoie le cerveau. Les géants de l’agrobusiness tenaient là une promesse de croissance infinie – jusqu’à l’AVC systémique. Conclusion en forme d’occlusion : l’obésité n’est que le résultat d’un modèle de développement devenu fou, privatisé au bénéfice d’une oligarchie. D’ailleurs il ne s’agit pas de pointer du doigt les obèses, mais d’observer dans leur corps martyrisé les stigmates du capitalisme terminal. Obésité de la population, boulimie des marchés financiers, hypertension boursière, bulle immobilière. C’est tout un système menacé d’infarctus, de perforations intestinales, d’apocalypse diabétique de type 2. Désormais, oui, manger tue !

    François Bousquet (Éléments, 24 mai 2020)

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