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Points de vue - Page 104

  • Télétravail, la rupture...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin,  cueilli sur son site personnel et consacré aux conséquences de la généralisation du télétravail provoquée par les les mesures sanitaires de lutte contre l"épidémie.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    Télétravail, la rupture

    Et si les conséquences politiques et sociales de la réponse au COVID19 comptaient à la fin bien plus que les effets directs et indirects de la maladie ?

    Télétravail, des heureux

    Et si la réponse au COVID19 avait accéléré la fin de la société salariale européenne, de sorte que c’est est fini du travail au bureau, des immeubles de bureaux, et de la vie au travail telle que la société du tertiaire l’a réalisée et vécue pendant un demi-siècle, partout en Europe, telle qu’est s’est généralisée au point que l’universalisation du salariat semblait écrite ?

    Cette société de conseil, sise à la Défense, réduit sa superficie de bureaux des deux tiers, économisant au passage plusieurs centaines de milliers d’euros de loyers, et adopte le principe du « deux tiers télétravail ou chez le client, un tiers au bureau ou chez le client ».

    Ce cadre dirigeant d’une banque voisine le reconnaît à mi-voix ; après un premier confinement (raté) à Paris, un second confinement (réussi) sur le bassin d’Arcachon, devenu virtuose dans l’art de manier téléconférences et webinaires, l’idée de revenir au bureau chaque jour de la semaine est devenue totalement improbable, et le travail à distance s’impose comme une évidence.

    Et ces investisseurs britanniques et luxembourgeois de faire leurs calculs ; mettre en télétravail la majeure partie des salariés employés des sociétés dans lesquels ils ont investi, économisé l’espace de bureau, les abonnements et les frais correspondants, peuvent augmenter les dividendes de moitié dans l’année !

    Ils ne font que tirer objectivement les conséquences financières d’un état de fait que bien peu semblent vouloir regarder en face ; les entreprises, et en fait leurs actionnaires, ont réussi ce dont ils rêvaient depuis longtemps, reporter le coût de l’outil de travail sur le salarié. Nous en revenons au travail à domicile, au travail à façon, au travail à la pièce !

    Le télétravail soulève de vraies questions pour notre société

    C’est entendu, le salarié pourra, ou devra, être en télétravail la majorité du temps — rappelons que dans une France dont les services représentent plus de 70 % de l’activité, c’est à peu près le tiers des salariés dont la nature du travail n’implique pas la présence physique sur le lieu de travail, chez le client, ou dans un lieu défini ; le déport des tâches vers le client final (par exemple dans la banque, qui rêve de fermer ses guichets et de déporter toutes les opérations sur le numérique) accélère l’évolution en ce sens.

    Qu’en est-il du télétravailleur ? Qu’il travaille depuis son appartement, sa résidence secondaire, ou un bureau qu’il a loué, c’est à lui d’assumer le coût de son lieu de travail, des abonnements d’électricité, de chauffage, d’Internet qui vont avec, et de son poste de travail (bien sûr, certaines entreprises prendront tout ou partie de ces coûts en charge. Seront-elles les plus nombreuses ?) Et, pour les entreprises qui n’ont pas de chèques déjeuner, et au titre de dispositions récentes du gouvernement, c’est à lui de supporter intégralement le coût de ses repas. Il est généralement estimé qu’un poste de travail acceptable occupe au moins 5 min 2 s à 6 min 2 s. Pour certains, le prix du m2 est négligeable ; à Paris, ou dans les autres métropoles, disposer d’un bureau individuel pour télétravailler est un luxe qui se paie, et quine pourra pas toujours se résumer à occuper un coin de la table de la cuisine, ou du salon !

    L’organisation concrète du télétravail dans la durée pose des questions à ce jour peu résolues. Celles bien sûr de la construction et de l’animation du collectif ; que devient l’équipe, le service, l’entreprise même, quand les contacts à distance se substituent à la proximité du lieu de travail commun ? Et que devient cette fabrique de l’intelligence collective et de l’intimité professionnelle qu’est la machine à café, ou le restaurant d’entreprise ? Celles de la gestion du temps de travail, de la disponibilité et de la présence au travail.

    Vers une réorganisation complète du lien salarial !

    Qui n’a des exemples des débordements auxquels les mails, les téléconférences, les messages « urgent » envoyés à des heures baroques, soumettent des salariés qui de fait, n’ont plus d’horaires — c’est-à-dire ne ferment plus jamais la porte du bureau ; ils n’ont plus de bureau ! Et qui n’anticipe une déstructuration des temps sociaux qui transforme tout ce que nous croyions savoir sur la séparation entre temps de travail et loisir, entre présence au bureau et temps amical ou familial, etc. ? Le plus grave est d’une tout autre portée ; elle touche le fonctionnement démocratique lui-même. Le contact direct, dans l’entreprise comme entre citoyens, permet de confronter les points de vue, d’opposer les opinions, de creuser les désaccords — pas la téléconférence. La fabrique de la bonne décision, comme celle du vote, suppose cette expression qui peut avoir lieu en face à face, mais que les figurines en damier sur l’écran de « zoom » ne permettent pas. Dans l’entreprise comme à un Parlement européen tenté par le « tout virtuel », il faut mesurer ce qui est perdu, et qui s’appelle construction collective de la décision et du choix.   

    Il est plus que vraisemblable que les entreprises saisissent l’occasion donnée par la réponse publique à la pandémie, le télétravail, pour pérenniser et généraliser une modalité de travail qui a pour elles d’immenses avantages, au moins à court terme — et d’abord, celle de diviser les prix de leurs loyers et de leurs fournitures. Et il est tout aussi vraisemblable que cette occasion débouche sur une remise en cause du salariat, comme lien de subordination, comme engagement réciproque dans le temps, et comme institution de socialisation. Quand tout le travail est effectué « à la maison », avec un contact épisodique avec le chef de service, le manager ou le directeur qui agissent en donneurs d’ordres et en maître d’œuvre, avec un contrôle qualité et des livrables prédéfinis, qui a dit que le mot de « salarié » avait encore un sens ? Que deviennent la subordination et le lien hiérarchique, sinon ceux d’un prestataire à son client ? et quelle est la différence en un salarié en télétravail permanent, et un contrat de service de longue durée ?

    Les expériences accumulées récemment, comme les expériences plus anciennes conduites dans des entreprises (EDF, etc.) et sous le contrôle de syndicats attentifs ont mis en avant l’ambigüité du télétravail, les risques de désocialisation qu’il peut entraîner, la difficulté à maintenir des rythmes de vie structurés, la difficulté plus grande encore à partager le savoir et à faire progresser la communauté de travail en mutualisant les retours d’expérience. La pression du court terme laisse peu de choix aux entreprises. C’est là que la politique sociale et conventionnelle devrait reprendre ses droits. Comme politique industrielle, comme politique des revenus, politique de l’emploi et politique du travail ne sont pas des gros mots.

    Et tout indique, des effets inouïs du numérique aux pratiques issues de la pandémie, qu’aucun gouvernement ne pourra longtemps laisser sans y répondre une situation qui conduit à la fois à l’éclatement du salariat comme nous l’avons connu, à une précarisation de l’emploi et des parcours professionnels sans précédent, à une « ubérisation générale » des emplois (nombre de professions dites « intellectuelles » se trouvant ravalées au rang de « petits boulots » précaires), et peut-être aussi à des libertés des offreurs de compétences et de services qui peuvent déboucher sur de nouvelles dynamiques et de nouvelles performances — hors de l’entreprise comme nous la connaissons, et de l’emploi comme nous l’avons connu.

    L’entreprise comme assembleuse de compétences externes, l’entreprise comme conceptrice et ordonnatrice de réseaux de prestataires travaillant à la demande ; le travail comme travail à façon, travail à la demande, le travail comme prestation de service, disponibilité, ou vente d’informations ; ni les entreprises seules, ni les salariés devenus autoentrepreneurs, seuls, n’ont la capacité d’organiser, structurer et sécuriser leurs relations, et d’organiser la nouvelle société qui remplace déjà la société salariale. Car l’État seul, et les institutions, et la négociation collective peuvent faire de cette transformation un progrès, et assurer que la facilité du télétravail et le mirage du travail chez soi débouchent bien, pour finir sur le meilleur travail et la meilleure activité.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 1er décembre 2020)

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  • Le général de Villiers, l’eau tiède réinventée...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Maxime Jacob, cueilli sur Polémia et consacré au général de Villiers, nouvelle diversion politique créée de toutes pièces par les médias, qui s'agite maintenant depuis plusieurs mois dans le paysage.

     

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    Le général de Villiers, l’eau tiède réinventée

    Le dernier livre du général Pierre de Villiers (L’Équilibre est un courage), ancien chef d’état-major des armées, commence par un retour sur le 5 décembre 2018. Une femme inquiète vient le voir. Nous sommes en plein mouvement des Gilets jaunes, son mari et son fils seront à Paris le samedi 8 décembre. L’un parmi les manifestants, l’autre parmi les CRS. Villiers souhaite la « réconciliation nationale » (p. 12) pour ne pas voir s’opposer pères et fils. Ce samedi 8 décembre, j’étais aussi, comme ce père de famille, sur les Champs-Élysées, peut-être face à son fils. J’avais, à mon bras, ma fiancée, Fiorina Lignier, qui le soir ne rentrera pas avec moi de Paris. Elle y restera seize jours, à l’hôpital, après avoir été éborgnée par un policier alors qu’elle manifestait pacifiquement. Contrairement à Pierre de Villiers qui souhaite la « réconciliation nationale », moi non. Il n’y aura pas de pardon pour ce gouvernement de l’anti-France qui a jeté ses forces de police sur les Français leur arrachant des yeux et des mains. L’ouvrage de Villiers, c’est, tout le long de ses 332 pages, de la mollesse, un vieux fond de morale chrétienne avec du pardon (qui se transforme en à-plat-ventrisme), sans oublier des propositions éculées depuis 40 ans.

    Le général de Villiers fait illusion à droite

    Certains voient en lui le nouveau général de Gaulle. Ceux qui pensent qu’il faudrait un militaire, un homme à poigne, pour redresser le pays, l’imaginent en sauveur de la patrie. Et il faut bien le reconnaître, ses constats peuvent être les bons sur de nombreux sujets. Il fait une démonstration juste, me semble-t-il, de ce qui oppose les Français des campagnes à ceux des villes, et à ceux des banlieues. Il annonce la révolution numérique et les grands chamboulements qui vont suivre en ce qui concerne l’emploi. Se plaint de la disparition des petits commerces et du tout Amazon. Pointe le niveau scolaire qui fléchit, la culture de la repentance, la baisse de la valeur des diplômes scolaires. Mais aussi les problèmes de délinquance, des dépenses publiques trop importantes, de l’insécurité, du chômage… Oui, Villiers soulève de vraies questions. Cependant, rien de nouveau, la chute du niveau scolaire ne date pas d’aujourd’hui, tout comme l’insupportable pression fiscale. Son inventaire à la Prévert des problèmes français, nous l’avons déjà tous lu. Mais il n’y a pas lieu de lui reprocher ces constats (même si on n’achète pas un livre pour relire ce qu’on a déjà lu dix fois) car, avant de proposer une solution, il faut d’abord décrire les problèmes.

    Le vide

    Il y a maintenant trois ans, quand Villiers avait sorti son premier livre intitulé Servir, je l’avais lu et même apprécié, je crois bien. J’avais parlé de cette lecture à un ami ; ce dernier, à la fin de la discussion, me dit : « Mais qu’est-ce qu’il propose ? » Eh bien, je dois dire que j’étais resté la bouche ouverte sans pouvoir lui répondre. Rien ne m’était resté à l’esprit. Trois ans ont passé, Villiers a sorti deux autres livres entre-temps et, maintenant que je lis son troisième ouvrage, le constat reste le même. Il n’y a pas de solution proposée aux problèmes qu’il décrit ou alors elles sont éculées depuis des décennies. Et c’est là ce qu’on doit reprocher au général de Villiers : il ne propose rien. Des phrases creuses à profusion. Sur l’école, par exemple : il faut « réformer notre système scolaire en lui donnant plus de flexibilité et de souplesse ». Vous y mettrez ce que vous voulez derrière. Sur le commerce et l’arrivée du géant Amazon, la digitalisation de l’économie : « il faut penser l’économie autrement ». Il propose aussi de « transformer la pensée complexe en ligne claire », et « face à la crise globale il faut se reconcentrer sur nos valeurs ». De la langue de bois en somme.

    Villiers : un intégriste républicain

    Finalement, ce brave général aurait pu se fondre parfaitement dans la gauche de la IIIe République. À plusieurs reprises, il vante la République et son universalisme. Pour lui, « l’armée est au service de la République » (p. 105) et non pas de la France. Face au problème des jeunes musulmans de banlieues sortis du système scolaire, tel un républicain du xixe siècle, il affirme que c’est à « la République » d’aller les chercher pour les intégrer dans le SNU (dispositif voulu par Macron d’un service militaire allégé) et en faire des Français. Toujours selon lui, les problèmes liés à l’immigration se résoudront par l’école et avec de l’autorité.

    Il faut « plonger aux racines des problèmes », écrit-il (P. 13), nous nous attendons donc à des solutions radicales, mais lui propose de l’eau tiède. Voyez en ce qui concerne les banlieues de l’immigration. À la page 204 on peut lire : « pacifier les banlieues nécessite des investissements », il faut « réinsérer les jeunes en difficulté » ; et il se désole que le président Macron ait abandonné le plan Borloo qui consistait à déverser 40 milliards d’euros pour sauver les banlieues de l’immigration. Il ajoute un peu plus loin : « la réconciliation entre les cités et la République » passe « par la destruction des tours » (p. 254). Le problème, ce ne serait donc pas les habitants de ces quartiers mais l’habitat. Il ose aussi parler de « reconquête républicaine de certains quartiers » (p. 247), avec des « cours de langue française et des activités culturelles », ou en y envoyant des diplômés des grandes écoles… Pour Villiers, la délinquance en banlieue est due à la pauvreté, au manque d’autorité et aux immeubles. Il faudrait donc, selon lui, encore plus de moyens financiers (et policiers) pour arriver à faire des habitants de Seine-Saint-Denis des Français. Qui peut encore croire à un tel discours ?

    Un universalisme dépassé

    Villiers décrit au début de son livre ce qu’est notre France divisée entre campagnes, villes et banlieues de l’immigration. Son diagnostic est le suivant : « La France manque de cohésion parce qu’elle manque de stratégie dans le temps long » (p. 66). Son universalisme le rend fou. La cohésion manque à notre patrie car cohabitent sur une même terre des Européens présents depuis des millénaires et des populations nombreuses venues d’ailleurs. Nous savons que nous ne sommes pas les mêmes. Il ne peut y avoir de « cohésion » entre eux et nous. Nous ne faisons que partager un même territoire.

    Pour Villiers, tous les hommes sont les mêmes. Il est parfaitement conforme à la pensée universaliste de la République. Il croit pouvoir assimiler l’immigration d’où qu’elle vienne : « il est possible de réunir des jeunes Français de tous milieux, de toutes confessions, de toutes origines » (p. 18), il faut seulement, selon lui, de la discipline et un « horizon commun ». Mais il ne s’arrête pas là, il ajoute que « la France est riche de sa diversité » (p. 21), que « la diversité [est] source de richesse » (p. 49), que les cent nationalités qui cohabitent aux Mureaux sont « une richesse », même s’il pointe les problèmes de communautarisme qui en découlent ; il faut bien accepter ceci pour bénéficier de « l’enrichissement multiculturel » (p. 100). À la page 64, il dit regretter le service national qui permettait « de réaliser un brassage des populations les plus diverses, constituant le creuset national ». Il faudrait, selon lui, donner une instruction militaire aux extra-Européens des banlieues de l’immigration et les mélanger avec des petits Français pour les assimiler. Brillante idée, n’est-ce pas ?

    Un négationniste de la réalité

    Villiers est un homme mou, sans courage idéologique. Ses propositions n’ont rien de révolutionnaire. Il reste un homme du système, celui qui a dû éviter de faire des vagues tout au long de sa carrière pour gravir les échelons.

    Prenons un autre exemple : quand il aborde la question de l’école, il pointe notamment la baisse du niveau scolaire et les professeurs qui se font agresser. Juste constat. Mais il ne dit pas que la baisse du niveau scolaire pourrait s’expliquer par l’importation massive de jeunes immigrés dont les parents ne parlent pas le français et au QI moyen inférieur à celui des Européens. En ce qui concerne les professeurs agressés, il ne dit pas qui les agresse, ni où ils sont agressés. Il déplore seulement qu’on envoie les jeunes professeurs dans les « classes difficiles », sans expliquer quelles sont les caractéristiques des élèves de ces classes. Villiers nie que le problème principal de l’école est le fait de l’immigration extra-européenne. En refusant de faire ce constat, il s’empêche de sauver l’école.

    C’est la même chose en ce qui concerne les prisons. Dans les paragraphes abordant ce sujet, il se soucie de la surpopulation carcérale. Sa solution pour y remédier ? Ne plus envoyer les courtes peines en prison et privilégier les peines alternatives. Il n’ose même pas demander l’expulsion des détenus étrangers qui encombrent nos prisons (un quart des détenus, tout de même). Villiers ne s’aventure pas non plus à décrire la population carcérale (composée en grande majorité d’étrangers ou d’extra-Européens), il se contente de parler de « jeunes délinquants ». Surtout pas de vague !

    Le général de Villiers croit voir des « moments de communion nationale », lors de la victoire de la Coupe du monde de football en 2018, lors de la mort de Johnny Hallyday, lors de l’incendie de la cathédrale de Paris ou lors des attentats. Or, il n’y a pas de « communion nationale » dans ces moments. L’équipe de France de football n’a (presque) rien de français, pourquoi se réjouir de cette victoire ? L’enterrement de Johnny, c’était la France des Gilets jaunes, la France des campagnes abandonnées par le pouvoir qui pleurait le chanteur et pas les habitants des banlieues de l’immigration ou les bobos mondialisés des métropoles. L’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris ce n’était pas non plus la concorde nationale. Ce fut la concorde des Français des villes et des campagnes attristés par la perte de leur patrimoine alors que dans le même temps des musulmans inondaient les réseaux sociaux de réactions moqueuses (avec le soutien de l’extrême gauche, l’UNEF en tête). Il en est de même après chaque attentat. Quand les Français se recueillent et pleurent les leurs, des musulmans qui vivent parmi nous se félicitent de l’attaque des locaux de Charlie, de la décapitation de Samuel Paty… car ces Français avaient « blasphémé ». Tout ceci, le général de Villiers ne le dit pas, il l’occulte même volontairement, tentant de nous faire croire que de grands événements peuvent rassembler les Français et les « Français » issus de l’immigration.

    Le général Rantanplan

    Si j’ai choisi d’intituler ce papier « Le général de Villiers, l’eau tiède réinventée », c’est parce qu’il conclut son ouvrage en recommandant de prendre garde au « risque de réinventer l’eau tiède » et il ajoute que « c’est l’heure du déconfinement mental » (P. 324). Ce brave général est resté confiné mentalement dans les années 80 où l’on pouvait encore croire à l’assimilation. Aujourd’hui, soyons lucides, ceci est illusoire. Il termine pourtant son ouvrage par cette phrase : « Pour rassembler il faut d’abord ressembler » (p. 331). Pour rassembler les Français nous devons d’abord faire en sorte qu’ils se ressemblent, pour ceci arrêtons de croire au mythe républicain éculé de l’assimilation. Le dernier Forum de la dissidence de Polémia l’a montré : il n’est plus question aujourd’hui d’assimilation, place à la remigration. Mais Villiers est l’homme qui croit qu’« il n’y a pas de peuple européen » et que « l’âme européenne est à chercher ailleurs » (p. 229) (alors que le fait que nous soyons tous issus du même peuple, il y a environ 5 000 ans est justement ce qui nous relie). Et qui dans le même temps prétend, en universaliste convaincu, que « la France à une vocation mondiale » (p. 113) et se félicite de notre équipe de football qui est composée quasi entièrement de Noirs. Pour Villiers, il n’y a pas de doute, l’équipe de France de football composée de Noirs, c’est la France, car ils aiment la France et portent ses couleurs. Il tient le même discours pour les militaires qu’il commandait. L’important est que ses hommes aimaient le pays. Ce raisonnement est de famille, rappelez-vous son frère Philippe de Villiers qui soutenait mordicus la Jeanne d’Arc noire en 2018.

    Le général de Villiers nous rappelle la phrase du ministre socialiste de l’Intérieur, Gérard Collomb, qui annonçait la guerre civile en France. Conscient de ce risque, lui croit en la réconciliation nationale. En faisant jouer au foot les jeunes de banlieue, avec un peu plus d’autorité et en « dialoguant » avec l’islam, nous nous épargnons ce risque. Eh bien, moi, je crois que cet homme est fou. Il a fait la guerre (enfin commandé) en Afrique, continent où des ethnies différentes doivent cohabiter au sein d’un même territoire. Il a vu qu’il n’y avait pas de paix possible, l’ethnie la plus nombreuse ou la plus puissante domine l’autre (sans oublier quelques massacres de temps à autre). Les rancœurs entre ces ethnies sont vieilles de plusieurs siècles, et pourtant le temps ne les a pas effacées. Après avoir vu tout cela, il se félicite qu’on mélange cent nationalités aux Mureaux en croyant que la paix est possible en France. En réalité, il choisit la soumission. Je suis de ceux qui pensent que, pour nous éviter la guerre en France, il faudra la séparation, sans cela nous courons à la catastrophe.

    Pour conclure, je me souviens d’une discussion sur Twitter entre un internaute et Renaud Camus. Camus dépeignait la France occupée comme un salon de thé avec un alligator au milieu qui dévorait de temps à autre le bras ou la jambe d’un convive. Et le premier qui parlait de l’alligator avait perdu. L’internaute (Peter Columns) ajoutait : trois courants d’idées émergent parmi les convives pour remédier au problème de cet alligator qui les dévore. Le premier pense qu’il faut plus d’aides sociales pour calmer l’alligator. Le deuxième estime qu’il faut plus d’autorité pour que l’alligator se plie aux règles. Enfin le troisième est constitué de ceux qui pensent que l’alligator n’a rien à faire dans un salon de thé et qu’il doit être renvoyé dans la jungle.

    Villiers est du deuxième courant d’idées (quoique tenté par le premier aussi). Il n’a rien compris au problème.

    Maxime Jacob (Polémia, 1er décembre 2020)

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  • "Absurdistan" ou stratégie du choc ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Yves Le Gallou, cueilli sur Polémia et consacré à la façon dont le gouvernement français utilise la peur, le mensonge et les techniques de dressage pour imposer une politique sanitaire autoritaire. Ancien haut-fonctionnaire, président de la Fondation Polémia, Jean-Yves Le Gallou a, notamment, publié La tyrannie médiatique (Via Romana, 2013),  Immigration : la catastrophe - Que faire ? (Via Romana, 2016), Européen d'abord - Essai sur la préférence de civilisation (Via Romana, 2018) et Manuel de lutte contre la diabolisation (La Nouvelle Librairie, 2020).

     

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    Macron et le Covid-19 : « absurdistan » ou stratégie du choc ?

    « Nous sommes en guerre. » C’est ainsi que Macron annonça le premier confinement en mars 2020. Et « la première victime d’une guerre, c’est la vérité » (Kipling). Depuis cette déclaration, les mensonges sont omniprésents !

    1- Communication alarmiste et atmosphère de peur

    La communication gouvernementale a été systématiquement alarmiste.

    Lors du premier confinement le directeur général de la santé égrenait chaque jour le nombre de morts attribués au Covid-19. Et depuis, Santé publique France et les médias privilégient systématiquement dans leur communication les informations les plus inquiétantes. Selon les circonstances, ils mettent en avant le nombre de contaminations, ou celui des hospitalisations, ou bien les accès en réanimation ou bien encore les décès. En choisissant toujours le chiffre le plus « parlant » : soit le chiffre brut, soit le taux de progression.
    Les moyennes mobiles sur 7 jours, beaucoup plus pertinentes, mais lissant les effets de pic si utiles pour effrayer les Français, sont rarement utilisées… Et, quand il y a des bonnes nouvelles, elles sont occultées par des annonces négatives à propos de telle ou telle région ou tel ou tel pays. C’est le monde en noir pour générer une atmosphère de peur.

    2- Des mensonges présidentiels

    Les Français ont aussi été exposés aux innombrables mensonges ministériels d’Agnès Buzyn, Sibeth Ndiaye et Olivier Véran. Le président Macron lui-même s’est appuyé sur deux mensonges pour imposer le reconfinement en octobre 2020 en affirmant : « Quel que soit ce que l’on fasse il y aura 9 000 personnes en réanimation le 15 novembre » : pourtant il y en eut moins de 5 000 ! Avant de brandir « si on ne fait rien » le chiffre effrayant de 400 000 morts, soit 6 000 morts par millions d’habitants alors qu’aucun pays – sauf la Belgique – n’a jusqu’ici atteint plus de 1 000 morts par habitant.

    3- Une Dictature sanitaire implacable

    Cet atmosphère effrayante a permis la mise place d’une dictature sanitaire implacable. L’arrêt quasi complet du pays pendant six semaines lors du premier confinement et la mise en place d’une répression d’État spectaculaire : côté plaisant, randonneurs traqués en hélicoptère ; côté tragique, visite aux parents mourants interdite et funérailles quasi impossibles. On pense à Créon refusant à Antigone de rendre les honneurs funèbres à son frère.

    Et même si le reconfinement de novembre est plus souple que celui d’avril, les Français n’en subissent pas moins une formidable régression de leurs libertés fondamentales : liberté de circulation, liberté de réunion, liberté de manifestation, liberté du commerce, liberté du culte (catholique), liberté de prescription et de conscience (pour les médecins). En attendant les prochaines mesures qui pourraient régenter la vie à l’intérieur du domicile et créer une obligation vaccinale (pour un vaccin en cours d’expérimentation…) !

    4- Des résultats médicaux pour le moins incertains

    Le 1er confinement avait pour objectif d’éviter la sur saturation des services d’urgence. Peut-être l’a-t-il permis, même s’il est difficile de savoir ce qui ce serait passé en absence de confinement. La courbe en cloche marquant la progression, puis la régression, du virus aurait-elle été différente ? A minima le doute reste permis.

    Pour le couvre-feu d’octobre et le reconfinement de novembre, les faits sont plus clairs : pour les chiffres des contaminations recensées et plus encore pour ceux mesurant la présence du virus dans les eaux d’égouts, le point d’inflexion des courbes est antérieur aux mesures gouvernementales.

    On ne peut exclure qu’avec un certain cynisme les communicants macroniens se soient dit : « Ces événements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs ». Bien sûr, les thuriféraires du gouvernement peuvent aussi faire valoir que les décisions prises ont pu empêcher que les courbes, après une pause, ne repartent à la hausse.

    5- Un bilan global peu convaincant

    Un benchmark de la situation dans différents pays est sévère pour la gouvernance française qui cumule :

    • mesures bureaucratiques et liberticides (l’ « absurdistan français » selon le grand journal allemand Die Zeit),
    • une forte régression économique,
    • un bilan en termes de morts plutôt élevé par rapport aux autre pays : 750 morts par million d’habitants (au 23 novembre) soit un ordre de grandeur comparable à ceux du Brésil et des Etats-Unis, pays accusés par les médias d’avoir très mal géré leur crise et supérieur à la Suède qui n’a jamais confiné…

    Ce qui permet de se poser la question : les libertés et l’économie des Français ont-ils été sacrifié pour rien ?

    6- Mortalité, natalité, morbidités… un bilan encore difficile à établir

    En fin d’année 2020, de l’ordre de 60 000 à 70 000 décès (10 % des morts de l’année) seront attribués au Covid-19. Un chiffre qui sera supérieur à la surmortalité de 2020 sur 2019 ou 2018 (compte-tenu du fait qu’une partie des décès attribués au Covid-19 auraient eu lieu pour une autre cause en absence du Covid-19). Une surmortalité qui selon l’INSEE (en octobre 2020) avait diminué l’espérance de vie des Français de 0,1 an pour les femmes et de 0,2 ans pour les hommes : une chute modeste qui s’explique par le fait que le Covid-19 est très rarement mortel en dehors des populations âgées et à comorbidités.

    Le Covid-19 – et surtout les mesures sanitaires prises pour le combattre – auront d’autres conséquences sur la mortalité, la morbidité, la natalité dans les années qui viennent.

    Sur la mortalité de 2021, trois effets sont possibles :

    • une sous mortalité par effet rattrapage (l’excès de décès de 2020 étant en partie compensé),
    • une poursuite de la surmortalité COVID en cas de nouvel épisode de contagion,
    • et une surmortalité due aux traitements différés de cancers ou autres pathologies.

    Sur la natalité de 2021, deux effet sont possibles :

    • une augmentation des grossesses non désirées pendant le confinement (argument évoqué par les « progressistes » pour justifier l’allongement des délais d’avortement),
    • un décalage des projets de maternités et une baisse des naissances voulues compte-tenu de la crise économique, des incertitudes sur l’avenir et de l’ambiance délétère.
      Difficile aujourd’hui de savoir ce qu’il en est même si les CAF disposent déjà des déclarations de grossesse. Mais l’omerta statistique en France est un sport politiquement correct…

    Sur les morbidités : l’oisiveté, le confinement, l’augmentation du temps passé devant les écrans risquent d’avoir des conséquences sur l’obésité, les maladies cardio-vasculaires et neurologiques. Sans parler des problèmes cognitifs des jeunes enfants.

    7- Absurdistan et dadaïsme sanitaire…

    Il n’y a pas la moindre preuve de l’efficacité de la politique gouvernementale contre le Covid-19. En tout cas, pas la moindre preuve d’une meilleure efficacité en comparaison des autres pays.

    En revanche, il y des présomptions fortes de nuisances en termes de santé publique durable et de natalité.

    Et il y a des certitudes sur des conséquences économiques et budgétaires catastrophiques.

    Le tout dans un contexte de répression des libertés qui rappelle les années de guerre et les pratiques des États totalitaires.

    Ce qui qui conduit à se poser une question légitime : pourquoi ? Comment expliquer le dadaïsme sanitaire de Macron/Castex ? Par peur des médias et des juges ? Par bêtise de la bureaucratie sanitaire ? Par soumission aux appétits de Big pharma ? Difficile de répondre.

    … ou stratégie du choc ?

    Reste qu’il est frappant de constater que les mesures prises ménagent les plus puissants et promeuvent le monde de plus en plus virtuel des robots. Le confinement a été une formidable aubaine :

    • pour les GAFA et pour Amazon (des commandes passées à des robots et livrées par des esclaves) ;
    • pour les grandes – et très grandes – surfaces commerciales ;
    • pour les médias audio visuels qui ont amélioré leurs audiences et leurs capacités de propagande ;
    • pour les grands de la malbouffe (Mac Donald, Burger King, Colombus, Subway) qui attendent les faillites pour racheter à bas prix les meilleurs emplacements commerciaux (les « corners »).

    Une aubaine pour les grands mais une grosse catastrophe pour les petits :

    • commerces enracinés dans la proximité mais discriminés à mort ;
    • associations conviviales locales privées d’activités, culturelles, sportives, de randonnées, de loisirs ;
    • livres et libraires frappés d’interdits ;
    • bars et restaurants, porteurs d’un savoir-vivre à la française, mais sacrifiés sur l’autel de la dictature sanitaire.

    Tout se passe comme si Macron utilisait la stratégie du choc pour achever de normaliser la société française et de l’assujettir toujours davantage aux oligarques de la superclasse mondiale. Bien sûr ils n’ont pas créé le Coronavirus. Mais ils se servent admirablement de la peur qu’il a suscitée (ou qu’ils ont suscitée en son nom) pour faire avancer leurs intérêts. En domestiquant une population à qui on fait oublier qu’il y a plus important que la santé et le prolongement de la vie : la vraie vie, la vie honorable et digne, tout simplement !

    Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 24 novembre 2020)

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  • La République des juges...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Richard Dessens, cueilli sur EuroLibertés et consacré à la question du pouvoir de la magistrature. Docteur en droit et professeur en classes préparatoires, Richard Dessens a notamment publié La démocratie travestie par les mots (L'Æncre, 2010), Henri Rochefort ou la véritable liberté de la presse (Dualpha, 2017) et La démocratie interdite (Dualpha, 2018).

     

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    La République des juges

    Contrairement au vocabulaire courant, la Justice n’est pas un « pouvoir » au même titre que les pouvoirs législatif et exécutif. Et cela ne l’a jamais été sauf dans les théories de séparation stricte des pouvoirs chez les philosophes du XVIIIe siècle, Montesquieu en tête. La Révolution elle-même n’institue pas un « pouvoir » judiciaire autonome, en limitant, au contraire, les juges à un rôle de strict applicateur de la loi (« les juges sont la bouche de la loi ») leur en interdisant toute latitude interprétative. Le Tribunal de Cassation devait en référer au Corps législatif en cas d’obscurité de la loi et donc ne pouvait en aucun cas faire œuvre de jurisprudence et de source du droit.

    La Constitution de 1958 attend son Titre VIII avant d’évoquer, après le pouvoir exécutif, puis le pouvoir législatif dans un ordre d’ailleurs significatif quant au véritable détenteur du pouvoir, une simple « autorité » judiciaire. On parle aussi d’ « institution » judiciaire, même si l’indépendance de la Justice (tout au moins des juges du siège) est rappelée régulièrement dans les textes.

    « Autorité indépendante » oui, « pouvoir », non. Ce n’est pas du tout la même chose. Et c’est bien l’objet d’une lutte lente et obstinée de la Justice depuis deux siècles, d’acquérir une position de « pouvoir » comparable à celui du législatif ou de l’exécutif. Surtout depuis la création en 1958 de la future École Nationale de la Magistrature.

    Mais un premier problème limite cette velléité récurrente : la loi est élaborée par le pouvoir législatif (même si en réalité c’est l’exécutif et l’Union européenne qui sont à l’origine de 95 % des lois, remettant en cause sur le fond la réalité de l’existence d’un pouvoir législatif souverain !).

    Or, la Justice est bien tenue d’en respecter les règles et d’en suivre les revirements au gré des nouvelles lois de nouvelles majorités théoriques. C’est bien pourquoi, les juges ont arraché peu à peu une compétence jurisprudentielle, née d’une autorité d’interprétation des lois et de leur faculté d’en combler les lacunes d’autre part. C’est une Justice envieuse de tels pouvoirs des juges anglais ou américains qui, contrairement aux principes du droit français, s’est investie de ces nouvelles attributions. Cette « américanisation » de notre justice lui a permis de faire un pas vers la création d’un pouvoir, au-delà de sa seule « autorité ». Les mots ont leur importance.

    Nous naviguons dans un État aux valeurs qui se sont chamboulées peu à peu. Le législatif, premier pouvoir, est peu à peu largement supplanté par le pouvoir exécutif et des injonctions européennes. Le pouvoir exécutif s’est trouvé encore renforcé par l’adoption du quinquennat qui donne une majorité automatique et servile dans la foulée de l’élection du Président, véritable centre de tous les pouvoirs.

    À l’inverse, dans ces conditions, la Justice s’est instituée, souvent par idéologie politique d’ailleurs, comme un « contre-pouvoir » faute d’être un « pouvoir ». Si le principe de séparation des pouvoirs a pour origine une possibilité d’empiétements d’un pouvoir sur un autre, il n’en reste pas grand-chose pour ce qui concerne législatif et exécutif, étroitement mêlés par le jeu des institutions et de la pratique, comme ils l’étaient d’ailleurs sous la Révolution.

    Mais pour ce qui est de la Justice, ce sont justement les possibilités d’empiétements sur les pouvoirs législatif et surtout exécutif qui sont devenus l’arme des juges pour affirmer un contre-pouvoir qu’ils voudraient transformer en véritable pouvoir.

    Le poids que la Justice fait de plus en plus peser sur le pouvoir exécutif et, indirectement, sur la liberté de choix du peuple à travers l’élection censée être le pouvoir suprême, lui attribue une puissance exorbitante, à l’abri de la formule qui affirme solennellement que les juges rendent la justice « au nom du peuple français »… sans être pour autant élus par le peuple. Formule commode et justifiant leur contre-pouvoir paralysant.

    C’est ainsi que la nouvelle offensive des juges, portés par une idéologie politique claire, pour acquérir un véritable « pouvoir », est en train d’être victorieuse, après qu’ils ont arraché d’autres prérogatives par ailleurs qui les amenaient vers le même but.

    Il est intéressant de noter que la Presse mène le même combat dans un temps identique. Érigée en « quatrième pouvoir » par Burke (alors que le troisième n’existe déjà pas comme on l’a vu), qui rejoignait ainsi le combat des juges pour leur propre pouvoir, la Presse n’a cessé de grignoter des libertés de plus en plus étendues jusqu’à, en effet, devenir un véritable pouvoir autoproclamé et sans lien avec la « souveraineté » (qu’en reste-t-il d’ailleurs ?) populaire. Les récents spectacles qu’a fournis la presse télévisée américaine vis-à-vis de Donald Trump en apportent l’éclatante démonstration si c’était encore nécessaire.

    Or, la Presse puise sa « légitimité » dans l’article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

    Or, la Presse oublie toujours la fin de cet article : « sauf à répondre de l’abus de cette liberté ». Qui oserait aujourd’hui alléguer les abus d’une presse toute puissante et surtout monolithique pour la remettre à sa juste place ? Pas les juges car Justice et grande Presse, alliés objectifs, se soutiennent mutuellement au nom d’un combat commun vers la conquête de « pouvoirs » qu’ils convoitent pour les mêmes raisons – souvent politiques – depuis longtemps.

    Et le peuple dans tout ça ? Quand se décidera-t-il à reprendre sa souveraineté et à l’imposer aux élites en mal de nouveaux pouvoirs ?

    Richard Dessens (Eurolibertés, 23 novembre 2020)

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  • Ré-apprendre à montrer les dents...

    Nous reproduisons ci-dessus un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur Geopragma et consacré à l'absence de vision de notre politique étrangère.

    Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    A la recherche du temps perdu

    La logique du temps court, a-stratégique par essence, et plus encore l’incapacité manifeste ou le refus de nos gouvernants de la contrer en adoptant enfin une démarche stratégique donc anticipative, plongent l’Europe et bien sûr notre pays dans une cécité dramatique pour le futur de notre positionnement sur la carte du monde. 

    Tandis qu’à Paris, on se passionne pour les péripéties comico-tragiques de l’élection américaine (alors même que la politique étrangère de notre « Grand allié » ne changera qu’à la marge avec la nouvelle Administration), tandis que devient flagrante notre marginalisation de nombre de négociations et médiations internationales (Caucase du sud, Syrie, Liban, Libye, Yémen), bref, tandis que la France disparaît diplomatiquement par excès de suivisme et inconséquence, incapable de penser par elle-même le monde tel qu’il est, d’autres exploitent magistralement ce flottement prolongé. Et il est à craindre qu’il ne suffise pas pour rétablir notre rang et préserver nos intérêts, d’exposer une prétendue « doctrine en matière internationale » sur le site d’un réseau social ami, dans une conversation courtoise sur l’air du temps, en brodant avec talent sur des lieux communs (il faut coopérer, s’entendre, être plus libres, etc…) et des inflexions souhaitables de la marche du monde. Une « doctrine » de chien d’aveugle, réduite à une promenade au hasard dans le grand désordre mondial, et qui fantasme le positionnement de la France – étoile polaire définitive en termes de « valeurs » universelles (sans même voir que plus personne ne supporte nos leçons) – autour d’enjeux n’ayant quasiment rien à voir avec le concret de l’affrontement stratégique actuel et futur. Discourir sur la biodiversité, le changement climatique, la transformation numérique et la lutte contre les inégalités (sic), est certes important. Mais ce n’est pas le climat qui va nous rendre notre puissance enfuie et notre influence en miettes ! Qui peut le croire ?! 

    C’est surtout une diversion ahurissante par rapport à l’impératif de projeter son regard sur le planisphère, de définir ce que l’on veut y faire, région par région, pays par pays, d’en déduire des priorités, des lignes d’efforts thématiques et d’y affecter des moyens et des hommes. Cela rappelle de manière angoissante la réduction de notre politique étrangère à de l’action humanitaire depuis 2007 (avec B. Kouchner comme ministre) puis à de la « diplomatie économique » sous Laurent Fabius. Résultat : les désastres de nos interventions en Libye et en Syrie, un suivisme stratégique suicidaire, une décrédibilisation de la parole et de la signature françaises sans précédent. Il semble bien que la nouvelle martingale soit désormais « la diplomatie environnementale », mantra d’une action diplomatique dénaturée et d’une France en perdition stratégique. Au nom du réalisme bien sûr, alors que c’est au contraire notre irréalisme abyssal et notre dogmatisme moralisateur indécrottable qui nous privent de tout ressort en la matière. On est piégés comme des rats dans un universalisme béat et on refuse d’admettre le changement de paradigme international et la marginalisation patente de l’Occident, lui-même à la peine et divisé. 

    Pendant ce temps, B. Netanyahu se rend en Arabie Saoudite (ce qui n’est pas du tout une bonne nouvelle pour l’Iran), la France fait la leçon au Liban et s’étonne d’être rabrouée puis marginalisée là encore, la Russie et la Turquie s’entendent dans le Caucase du sud et renvoient le Groupe de Minsk à ses stériles palabres, Moscou s’installe au Soudan, l’Allemagne s’affirme en chouchou européen de Washington et se tait face aux provocations de la Turquie…à moins qu’elle ne redécouvre son atavique et inquiétante inclinaison pour l’Ottoman, etc.

    Bref, les rapports de force se structurent à grande vitesse sans nous et même à nos dépens. Mais on n’en parle pas. Non par honte ou rage d’avoir été naïfs, dupes ou incapables de créativité diplomatique. Non. Juste parce qu’on a déjà renoncé à compter et que cela ne doit juste pas se voir. Et, tels certains responsables administratifs furieux de recevoir des informations démontant leurs partis pris, on les passe à la déchiqueteuse ! On les fait disparaître purement et simplement du champ du réel politique et médiatique. On ne veut surtout pas savoir que nous ne comptons plus ! Encore moins que les Français s’en aperçoivent. 

    Ainsi, la signature le 15 novembre, à l’initiative de Pékin, du RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership) par quinze pays d’Asie constitue une bascule stratégique colossale et inquiétante dont ni les médias ni les politiques français ne pipent mot. Voilà le plus grand accord de libre-échange du monde (30 % de la population mondiale et 30 % du PIB mondial) conclu entre la Chine et les dix membres de l’ASEAN (Brunei, la Birmanie, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam), auxquels s’ajoutent quatre autres puissantes économies de la région : le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Cette nouvelle zone commerciale se superpose en partie au TPP (Trans-Pacific Partnership) conclu en 2018 entre le Mexique, le Chili, le Pérou et sept pays déjà membres du RCEP : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Brunei, le Japon, la Malaisie, Singapour et le Vietnam. Ainsi se révèle et s’impose soudainement une contre manœuvre offensive magistrale de Pékin face à Washington (les Etats-Unis s’étaient follement retirés du projet TPP en 2017). Mais chut ! Où est l’UE là-dedans ? Nulle part ! Même l’accord commercial conclu en juin 2019 entre l’Union européenne et le Mercosur doit encore être ratifié par ses 27 parlements… Le Moyen-Orient et l’Afrique eux sont clairement vus comme des territoires ouverts à toutes les prédations de ce mastodonte commercial en formation. Seule la Grande Bretagne, libérée de l’UE grâce au Brexit, en profitera car elle vient habilement de sa rapprocher du Japon signataire du RCEP et du TPP…

    Pendant ce temps, la France plonge dans une diplomatie décidément calamiteuse qui l’isole et la déconsidère partout. Elle vient d’abandonner le Franc CFA pour complaire au discours débilitant sur la repentance et les affres de la Françafrique. On expie. On ne sait pas quoi à vrai dire. Mais on s’y soumet et on laisse la place à Pékin, Washington, Moscou et même Ankara. Il ne sert à rien de geindre sur l’entrisme de ceux-là en Afrique quand on leur pave ainsi la voie. Il faudrait vraiment arrêter avec « le sanglot de l’homme blanc ». Il faut refondre notre diplomatie et aussi d’ailleurs nombre de nos diplomates au parcours brillant mais incapables de sortir d’un prêt-à-penser pavlovien (anti russe, anti iranien, anti syrien, anti turc même !) qui nous paralyse et nous expulse du jeu. Il faut enfin apprendre à répondre à l’offense ou à la provocation, et à ne pas juste se coucher dès que l’on aboie ou que l’on n’apprécie pas nos avancées souvent maladroites mais aussi parfois outrageuses. Tendre l’autre joue a ses limites. Mais évidemment pour être pris au sérieux, il ne faut pas toujours « calmer le jeu ». Il montrer les dents avec des « munitions », donc une vision et une volonté.

    Caroline Galactéros (Geopragma, 23 novembre 2020)

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  • Présidentielle américaine : un saut qualitatif dans la guerre médiatique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Didier Beauregard, cueilli sur Polémia et consacré au coup de force du système médiatique dans l'élection présidentielle américaine.

     

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    Présidentielle américaine : un saut qualitatif dans la guerre médiatique

    Si le coup de force médiatico-judiciaire a réussi en 2016 en France à faire triompher la candidature d’Emmanuel Macron au détriment de François Fillon, il est clair, cependant, que la victoire électorale de Biden, même si elle est in fine entérinée par l’appareil judiciaire, a montré les limites du progressisme conquérant de par sa dépendance totale à l’outil médiatique. Celui-là depuis des années ne cesse de perdre sa puissance de conviction et, comme un triangle inversé, ne repose plus que sur sa pointe : celle forgée par des minorités activistes dont la force de frappe dépend du contrôle qu’elles exercent sur l’univers médiatique. Ce dernier, au fil des dernières décennies, s’est imposé comme le lieu quasi unique où le pouvoir, sous toutes ses formes, fonde sa légitimité et discrédite ce qui le conteste.

    Le réel et sa représentation

    Le jeu de la représentation politique via l’élection, qui porte le principe démocratique, a été subverti par la mise en scène des représentations médiatiques qui créent une surréalité plus puissante que la réalité elle-même par un processus de conditionnement mimétique des esprits. Cette tension entre la réalité et ses représentations est le fil conducteur du conflit idéologique moderne*. Cette confrontation incessante entre réalité et représentation est un espace instable où se joue un virulent travaille de retraitement du réel qui s’affirme comme le principal enjeu du pouvoir, c’est-à-dire de la domination des masses.

    L’actuelle séquence des élections américaines illustre au plus haut point cette réalité. Elle représente même un saut qualitatif décisif, où l’univers médiatique, massivement mobilisé, prend en charge l’élection d’un nouveau président, et le désigne comme vainqueur avant même la fin du cycle électoral. La réalité construite par les médias, celle d’un peuple en liesse qui se libère d’un bouffon tyrannique, doit s’imposer comme la réalité définitive, en dehors et au-delà du contexte réel de l’élection. Elle doit triompher comme une réalité qui ne peut plus être déconstruite une fois perçue comme un réel indestructible. Triomphe définitif de la représentation sur le réel qu’elle façonne, enfin, à son image et impose à la conscience collective.

    Et pourtant, à l’encontre du matraquage médiatique, Trump a montré une incroyable capacité de résistance. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le président sortant, par rapport à 2016, gagne des points dans quasiment tous les segments de la société ; tout particulièrement auprès des hommes noirs (de 13 à 17%) et des hommes hispaniques qui lui donnent un très bon score de 35%, contre 32% en 2016. Chez les femmes noires qui représentent le segment le plus hostile à sa personne, sa performance, cantonnée à un très faible niveau, a tout de même doublé passant de 2 à 4%. Paradoxalement, la seule catégorie où son résultat a baissé est celle des hommes blancs, à 57% contre 62% en 2016, à comparer à une légère progression de 2 points à 54% pour les femmes blanches.

    Le parti pris médiatique, dans ce contexte de tension extrême, ne fait même plus vraiment l’effort de dissimuler ses engagements, tant l’hostilité au camp Trump est manifeste. Outre la litanie du vocabulaire dépréciatif pour décrire le candidat républicain, la mise en scène médiatique est systématiquement orientée. Le plus frappant, classiquement, est le déséquilibre au niveau des intervenants extérieurs ; quasi exclusivement anti-Trump. Le corps enseignant de Science Po est largement mobilisé à cet usage. Il doit bien pourtant exister, quelque part, quelques personnalités académiques favorables à l’actuel président. Mais pour le public français, le savoir et la raison sont forcément les ennemis du Trumpisme. Hasard ou nécessité, les représentants du parti républicain sur les plateaux télé s’expriment souvent dans un français très approximatif, quand les représentants démocrates maîtrisent parfaitement la langue de Molière !

    le langage corporel en dit tout aussi long, avec des sourires moqueurs et complices, ou des mines agacées, entre gens de bonne compagnie, quand on parle du rustre de la Maison Blanche, tandis que le ton devient grave et emphatique quand on évoque ses adversaires : « Sleepy Joe » devient un vieux sage poli par les ans et bonifié par les épreuves (il comprend si bien les gens qui souffrent, lui qui a tant souffert) et Kamala Harris, issue d’une lignée de grande bourgeoisie, devient une icône cool de la diversité bienheureuse, si proche des autres. Enfin, les commentaires des journalistes sont directement normatifs, ne prenant même plus la peine d’être formulés de manière interrogative : dès l’annonce des recours judiciaires contre les fraudes lancées par la Maison-Blanche, la question était tranchée ; le dossier est vide, Trump ne possède aucune preuve sérieuse. Comme si la constitution d’un dossier aussi complexe pouvait se construire en quelques heures ! Le commentaire, même absurde, est répété à l’infini et aucun propos contraire est sollicité.

    Réseaux sociaux vs médias mainstream : une guerre asymétrique

    Ce principe de non-contradiction est désormais la norme médiatique. On vient de le voir à l’œuvre avec la séquence du film hold-up sur la crise sanitaire. Face au succès foudroyant du documentaire, la machine médiatique s’est mise en branle avec une puissance de feu écrasante. Les commentateurs, sans exception, ont utilisé le vocabulaire codé de la doxa médiatique, sur le mode « fake news » et « complotisme ». Mais surtout, dans ce genre de procès d’exécration médiatique, la parole de l’accusé n’est jamais présentée au public*. On peut toujours rêver d’une confrontation en directe entre les auteurs du documentaire dénonciateur et ceux qui les accusent de mensonge et manipulation : face à face, arguments contre arguments, preuves contre preuves, c’est la seule méthode qui permet, sur la distance, d’évaluer la pertinence et l’honnêteté des thèses qui s’affrontent. Les principes de confrontation libre et contradictoire qui fonde le fonctionnement de la Justice, doivent également s’imposer dans l’espace médiatique qui pratique la chasse en meute, sans opposant.

    Des leçons à tirer

    De cet état de fait quelques leçons capitales peuvent être tirées qu’illustrent parfaitement l’exemple des élections américaines :

    Un basculement politique majeur s’avère quasi impossible dans la sphère occidentale tant que l’appareil médiatique dominant soutient inconditionnellement le système en place.

    La force grandissante des réseaux sociaux et de l’internet dans l’espace public ne permet pas, à ce stade, de contrecarrer la puissance d’influence des médias dominants. Deux raisons principales expliquent cette situation. Les médias alternatifs n’ont aucune cohérence idéologique et de reconnaissance qualitative qui les distinguent les uns des autres. Ils n’ont donc pas acquis de valeur légitimante auprès d’une large proportion du public, notamment les seniors qui n’ont pas nécessairement intégré la culture du net. Ils sont donc vulnérables face aux attaques déligimantes du système qui a su imposer l’accusation disqualifiante de complotisme dans les consciences collectives. Mais, surtout, l’information en ligne est consommée de façon éparpillée et individualiste, et ne provoque pas le même effet de masse que l’action concertée des médias mainstream, capable de toucher dans le même espace/ temps des foules considérables. On a pu voir les effets radicaux de cet affrontement asymétrique avec la contre-offensive massive lancée par le système médiatique contre le documentaire hold-up. La multiplication du même point de vue entre les différents médias produit un effet de sidération collectif qui annihile l’esprit critique. La puissance mimétique de l’unanimité devient irrésistible. Dans le jeu de la guerre médiatique, l’information dissidente sur internet joue un rôle similaire à celui de la guérilla dans les conflits armés. Elle inquiète et affaiblit l’ennemi, mais elle ne peut porter le coup décisif à l’adversaire.

    Fake news et occultation

    En conséquence, s’il est vain d’attendre un souci éthique de l’objectivité ou de la neutralité de l’univers médiatique institutionnel, ou une reconnaissance par le système de la valeur d’une info alternative sur le net, il ne faut cependant jamais renoncer à exercer une critique systémique sur l’espace médiatique dans le cadre exploitable du débat public. Toute occasion doit être saisie pour en souligner les partis pris et les méthodes de manipulation. La première d’entre elle, plus que la fausse information, la fameuse « fake news » disqualifiante, est la simple occultation de l’information qui dérange la vérité officielle. Comme le système a crée un délit de fake news, il faut aussi créer un délit d’occultation. Pour marketer ce nouveau concept par un anglicisme incontournable, on pourrait le qualifier de « fake reality ».

    Le système médiatique doit être mis sous la pression constante de courants d’opinion puissants qui prennent le public à témoin de ses dysfonctionnements. Tous les canaux d’expression possible doivent être utilisés à cette fin. Le combat pour une juste parité des points de vue dans le cadre des débats contradictoires doit s’imposer comme une exigence première. Il ne devrait plus être possible, pour exemple, d’assister à des débats sur les Etats-Unis ou la Russie, avec des participants qui expriment quais systématiquement des positions anti-Trump ou anti-Poutine.

    Dans l’affrontement idéologique contemporain le combat pour la légitimité médiatique est le plus décisif et donc le plus virulent. Trump est le premier dirigeant occidental a avoir assumé un conflit frontal avec l’univers médiatique. Cela lui a couté cher en termes d’image et peut lui valoir la perte de sa réélection ; ce qui n’est pas, en dépit de l’unanimisme des commentateurs, encore acté. Toutefois, sur la durée, les médias ne sortent pas indemnes de ce bras de fer. Leur image ne cesse de se dégrader aux yeux d’un public de plus en plus critique et ils sont poussés à radicaliser leurs engagements pour défendre leurs positions idéologiques. Cette dynamique les contraint à dévoiler leurs partis pris et les expose d’autant. Chacun a pu constater que la vague bleu annoncée était une illusion médiatique et que le dénigrement obsessionnel du personnage Trump, s’il avait radicalisé ses ennemis et probablement influencé les indécis, n’avait nullement entamé l’engagement de ses partisans. En conditionnant l’opinion mondiale à l’idée d’une défaite irréversible de Trump, les médias, alors que la bataille judiciaire n’était pas encore vraiment engagée, ont pris un risque majeur, qui entrainerait un effet dévastateur pour eux, si les tribunaux renversaient la sentence médiatique. L’apparente victoire des médias sur « l’ogre » de la Maison Blanche restera peut-être dans la mémoire collective comme un point de basculement dans l’histoire tumultueuse de la manipulation des foules.

    Didier Beauregard (Polémia, 20 novembre 2020)

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