Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Points de vue - Page 102

  • Que faire lorsque l’État est défaillant ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Lionel Rondouin, cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré à la nécessité de surmonter la défaillance de l'Etat moderne en renouant avec l'idéal de l'Etat classique.  Normalien, enseignant en classe préparatoire, Lionel Rondouin est spécialiste des questions de sécurité économique et a travaillé dans l'industrie.

    Guillaume Tell 2.jpg

     

    Fondements philosophiques de l’autodéfense

    À Portet-sur-Garonne, près de Toulouse, le propriétaire d’un terrain vient de prendre des mesures radicales contre les « gens du voyage » qui occupent périodiquement un terrain qui lui appartient. À chaque fois que ces nomades occupent son terrain avec des dizaines de voitures et de caravanes, ledit propriétaire, un citoyen local (en l’espèce un sous-homme, selon la philosophie politique de Jacques Attali, qui tient les sédentaires enracinés pour des arriérés), se rend à la gendarmerie, où on lui explique qu’on n’y peut rien. Il s’adresse ensuite à la justice et entame une procédure coûteuse qui, au bout de plusieurs semaines, aboutit à une décision d’expulsion, laquelle ne prend effet qu’au bout de plusieurs autres semaines ; après quoi, il reste à la charge du propriétaire le nettoyage des lieux…

    Aux grands maux, les grands remèdes

    Le propriétaire a donc choisi d’inverser la logique des choses. Puisqu’on ne peut – paraît-il – empêcher les squatters d’entrer et de résider chez lui, il a fait en sorte de les empêcher d’en sortir. À la dernière intrusion, il a loué une pelleteuse et creusé un fossé entre le terrain et la route d’accès, puis une grue, grâce à laquelle il a déposé un bloc de béton de trois tonnes au milieu du chemin d’accès au terrain. En se serrant sur le bas-côté, les voitures peuvent passer, mais pas les caravanes qui restent bloquées sur le terrain.

    Maintenant, c’est au tour des nomades de se plaindre auprès de la gendarmerie, qui n’y peut rien, comme d’habitude, et renvoie les plaignants vers la justice, comme d’habitude. Ce qui ravit le propriétaire, qui leur dit juste : « Bon courage, chacun son tour ! » Cela me ravit, moi aussi, au passage, mais là n’est pas la question…

    Derrière cette anecdote, qui, de prime abord relève du jeu classique de la réponse du berger à la bergère sous une forme drolatique, se joue un problème de philosophie politique fondamental : la légitimité et le rôle de l’État. 

    Pourquoi l’État ?

    Notre philosophie politique, telle qu’acceptée par la doxa depuis les Lumières, repose sur la notion de pacte ou de contrat social, héritée de Hobbes et de Locke, deux philosophes anglais du XVIIe siècle. Dans le Léviathan, Hobbes réfute la théorie classique d’Aristote, puis de l’Église, comme quoi l’homme est par nature un animal social. Hobbes explique qu’à l’état de nature – c’est bien sûr une uchronie, un mythe non historique – l’homme est violent et égoïste et que la règle de la vie primitive était la guerre de tous contre tous. Lassés de cette anarchie meurtrière, les hommes, un jour, décidèrent de passer entre eux un contrat et d’inventer une entité nouvelle, l’État, en lui déléguant une part de leur liberté, en contrepartie du maintien d’un ordre social. Pour assurer son rôle, il fallait que l’État fût fort, redouté et équitable. C’est pourquoi Hobbes assigna à l’État le nom symbolique de Léviathan, un monstre biblique, cruel dragon des mers qui sortira des eaux pour ravager les cités pécheresses à la fin des temps.

    Cette jolie fable constructiviste (qui nie un ordre naturel des choses, à savoir le caractère essentiellement et originellement social de l’être humain, préexistant à toute projet prétendument rationnel d’organisation sociale) justifie le « monopole de la violence légitime » de l’État qui, par son statut et son action d’entité publique, au service de l’intérêt général, forte, redoutée et équitable, abolit la violence et la vengeance privées. Les forces de l’ordre et la Justice sont en l’espèce les bras armés de l’État dans l’exercice de sa mission de contrainte et de répression. Tout cela est bel et bon. Il faudra au passage expliquer à Christophe Barbier, à Alain Duhamel et aux syndicats de commissaires qu’éborgner les citoyens à coups de lanceurs de balles de défense ne relève que tangentiellement de l’exercice d’une violence légitime, mais on ne va pas s’appesantir. Pour être exercée par un pouvoir légal, la violence n’est pas pour autant légitime.

    L’impuissance de l’État

    Mais allons plus au fond des choses et revenons à notre propriétaire de Portet-sur-Garonne. Admettons, à des fins exploratoires, qu’il y ait un contrat entre l’État et les citoyens.

    S’il y a contrat, il y a échange de services entre eux ou de services contre une compensation financière, par consentement mutuel entre parties librement contractantes, et tout contrat prévoit les raisons et les modalités d’une rupture du contrat en cas de défaillance de l’une des parties. Un contrat, c’est fait pour se marier, mais cela prévoit les conditions du divorce…

    En l’occurrence, à Portet-sur-Garonne, on constate une défaillance de l’État. Il en va de même pour tous les citoyens et entreprises de tout ordre qui se font dévaliser, agresser, cambrioler, avec ou sans violence. L’État manque à ses obligations contractuelles de protection de la propriété ou du droit à la sécurité physique des biens et des personnes, qui restent des droits fondamentaux. Que ce soit par défaillance des forces de l’ordre ou de la Justice, qu’il s’agisse d’incurie, de manque de moyens (ah, le « manque de moyens », la ritournelle des débats télévisés… Le manque de moyens, c’est la balle en touche du syndicaliste…) ou de volonté politique, la faute de policiers incapables, de juges gauchistes ou de ministres de la Justice déviants, c’est là l’objet de débats médiatiques et politiques, mais cela n’a aucune conséquence sur le constat que nous faisons. Il n’y a pas en l’espèce de cas de force majeure à plaider pour exonérer l’État de ses obligations.

    Mon arrière-grand-mère ne fermait pas sa porte à clé

    Permettez-moi une anecdote personnelle pour illustrer mon propos sur la dégénérescence de la fonction régalienne. J’ai bien connu une de mes arrière-grands-mères, morte à 94 ans, en 1964. Cette personne, née sous Napoléon III, était de condition modeste, dans un milieu rural, mais elle a passé toute sa vie dans un luxe extraordinaire dont elle n’a jamais eu conscience et que seules nos générations peuvent comprendre aujourd’hui. Jamais de sa vie elle n’a fermé sa maison à clé, même la nuit, même quand elle s’absentait. Je ne sais même pas si elle avait une clé, on avait dû l’égarer sous la présidence d’Émile Loubet… Il est vrai qu’il n’y avait pas forcément grand-chose à voler, mais aussi l’État-Léviathan remplissait ses obligations contractuelles supposées et une deuxième condamnation pour vol, surtout avec violence, exposait le contrevenant à un séjour en Guyane, jusqu’en 1938. Oui, je sais, c’est réac mais, jeunes lecteurs, imaginez-vous quel sentiment de confort on ressent à ne pas avoir besoin d’antivol pour son vélo ? C’est un luxe dont on jouissait encore dans les années 70.

    Bien entendu, cette société connaissait des crimes et des délits, malgré la répression judiciaire et une grande efficacité de l’État dans l’exercice de ses fonctions régaliennes. Mais, à une époque où le téléphone était rare et le téléphone portable n’existait pas, et où donc le temps d’intervention des agents de la force publique était supérieur à celui d’aujourd’hui, la société, l’État et la Justice acceptaient le principe de l’auto-défense en l’absence de secours publics immédiats. C’était là faire preuve de sagesse et de logique. Seule était bannie l’auto-justice, la vengeance privée. On voit bien là la dégénérescence de l’État régalien (dans ses composantes exécutives, judiciaires et législatives).

    Les impôts en échange de la sécurité

    Pour revenir aux théories de Hobbes, elles recèlent une faiblesse potentiellement très dangereuse pour la légitimité, voire l’existence même de l’État. Elles supposent en effet que l’État est efficace, comme si c’était une vérité d’évidence, un fait de nature.

    Or, l’État contemporain est, de fait, globalement inefficace en termes de rapport entre les services rendus et les coûts (les fameux « prélèvements obligatoires », soit le pourcentage de la richesse produite par la société qui est prélevé par l’État). Une école de pensée états-unienne, les « anarcaps » ou « anarcho-capitalistes », en a développé une théorie qui ne manque pas de pertinence intellectuelle dans l’analyse.

    Rappelons que, dans une société non tyrannique, la liberté inclut parmi ses composantes essentielles le principe du consentement à l’impôt.

    Notre propriétaire de Portet-sur-Garonne, après cinq ou six chemins de croix auprès de la maréchaussée et de l’administration judiciaire, quel est son sentiment ? « Il est sympa, l’adjudant X ; il compatit vraiment à mes problèmes. Le juge est débordé, mais il a pris le temps de m’expliquer pourquoi c’était si long de régler l’affaire, à cause des lois. Ce n’est pas que les personnes soient désagréables. Le problème, c’est que ça ne fonctionne pas. Et après, il faut que je fasse enlever les poubelles et les saletés qu’ils ont laissées. Quand je pense à tout ce que je paye comme impôts… »

    Ensuite, le même loue, à ses frais, une pelleteuse, une grue et un bloc de béton de trois tonnes pour mettre en œuvre la seule méthode qui lui reste, selon lui, pour dissuader à l’avenir les squatters de s’installer chez lui. « Quand je pense à tout ce que je paye comme impôts ! La gendarmerie et la justice, ça ne sert à rien et ça coûte cher. Et après il faut dépenser de l’argent pour régler soi-même les problèmes… »

    Et là commence le chemin qui mène au refus du consentement à l’impôt, refus que les « anarcaps » justifient par la nécessité de recourir, aux frais du citoyen, aux prestations de sociétés privées pour rendre les services nécessaires au bon fonctionnement de la société. C’est la conséquence de la rupture du contrat social par l’État défaillant. D’une manière moins intellectualisée, le phénomène Gilets jaunes dénonce cette même rupture et se révolte contre une oppression fiscale injuste, inégalitaire et mal répartie entre les classes sociales et les territoires.

    L’inefficacité de l’État est hors de prix

    Les « anarcaps » ont-ils tort ? Non, dans la description qu’ils font du phénomène. Comparons, sur soixante ans, la qualité des services rendus par l’État et le montant des prélèvements obligatoires. Quand mon arrière-grand-mère est morte, le taux de prélèvement était de 36 % du PIB. Les villes et les campagnes étaient plus sûres ; la Sécurité sociale remboursait à 100 % ; les cathos mettaient sans problème leurs enfants au lycée public « sans Dieu » où ils recevaient un enseignement de très haute qualité (même de professeurs communistes ou SFIO) ; les trains arrivaient à l’heure et, dans les grandes villes aux activités commerciales et industrielles intenses, le facteur passait deux fois par jour déposer le courrier.

    Aujourd’hui, le montant des prélèvements obligatoires avoisine officiellement les 48 %. Tout augmente…

    En réalité, dans une perspective historique, ce dernier chiffre est faux comme une déclaration d’Olivier Véran. Il faudrait en effet y rajouter les dépenses qu’engagent aujourd’hui les entreprises et les particuliers pour pallier la défaillance de l’État et se garantir une qualité de services égale à celle dont ils jouissaient « gratuitement » il y a quelques décennies. On peut considérer ces dépenses comme des dépenses contraintes assimilables à un impôt transféré au privé. 

    Par exemple : le chiffre d’affaires de l’industrie de la sécurité privée, du fait de la défaillance de l’État régalien. Cette industrie n’existait pratiquement pas, parce qu’on n’en avait pas besoin ou, à tout le moins, pas à l’échelle actuelle, et sa croissance est aujourd’hui exponentielle. Vigiles aux portes des magasins et dans les usines ; industrie de la télé-surveillance des domiciles et des établissements (installations fixes, personnel de veille et d’intervention). On y rajoute l’augmentation du coût des assurances, etc…

    Par exemple : les dépenses de mutuelles médicales aux frais des entreprises et des salariés et retraités.

    Par exemple : la différence de chiffre d’affaires de l’école privée entre 1960 et aujourd’hui, où le choix de l’école privée n’est plus majoritairement une décision confessionnelle, mais la nécessité de protéger ses enfants de la « fabrique du crétin » (l’école publique) ; le chiffre d’affaires d’Acadomia et consorts ; etc…

    Si on réintègre tous les coûts de services privatisés du fait de la défaillance de l’État par rapport aux années 60, je ne crois pas me tromper en estimant à 60 % et non 48 %, chiffre officiel, le montant des prélèvements obligatoires tels qu’on les définissait alors, à services comparables rendus par l’État. Et là, on commence à trouver que ça fait cher… 

    Alors, les « anarcaps » ont-ils raison sur tout ?

    Non, leur conclusion, la nécessaire et souhaitable extinction de l’État, est erronée de bout en bout. Bon diagnostic, mauvaise thérapeutique… Il s’agit en effet pour nous de définir les conditions et les modalités de restauration d’un État capable et efficace, alors que les anarcaps « jettent le bébé avec l’eau du bain ».

    Les « anarcaps », en tant qu’ils sont anars, cultivent une vision « micro » de la société, basée sur la proximité, et croient effectivement que le groupe est régi par des systèmes de relations et d’échanges interpersonnels, de type libertaire, égalitaire et contractuel. Ils n’envisagent pas l’origine, la nature, la profondeur historique et les intérêts collectifs des grands groupes humains comme les peuples et les nations. En tant que capitalistes, ils réduisent la relation entre les individus et les groupes à l’échange intéressé et à la maximisation du profit, dans une approche matérialiste et court-termiste de la société où rien n’existe que le quantifiable dans l’instantané du temps. L’histoire n’entre pas dans les catégories mentales de l’« anarcap ». On peut rompre le contrat préexistant et tout privatiser.

    Là est la faille. Les sociétés ne sont pas des agrégats d’individus indifférenciés contractant librement et, si l’on peut souscrire au diagnostic d’un État contemporain tout aussi obèse qu’inefficace, l’État classique reste le seul instrument connu qui, convenablement mené, garantisse la sécurité et la pérennité des communautés humaines organiques. L’homme – zoon politikon, dit Aristote – est l’animal social et politique à la fois, social et socialisé parce que politique, inscrit dans une cité qui n’est ni un groupe auquel tel ou tel viendrait s’agréger sans contrainte, ni un simple marché où s’échangent des services.

    Alors que le monde contemporain (y compris aux États-Unis, pays des « anarcaps ») et les populations sont soumises à trois angoisses simultanées, à trois menaces perçues comme mortelles – sécuritaire, économique et identitaire, ou culturelle si vous préférez –, l’État reste la seule réponse connue. Lui seul peut préserver la frontière et l’identité, ainsi que les lieux de débat et de prises de décisions collectives qui engagent l’avenir de la communauté.

    En revanche, et l’on donnera raison à Hobbes sur ce point, l’État doit être fort, respecté parce que respectable, et équitable. Nous en sommes loin aujourd’hui. 

    La bonne nouvelle est économique. Les « anarcaps » auraient dû y réfléchir. C’est qu’un État efficace, minimal parce que centré sur le régalien, fort, respecté et équitable, revient beaucoup moins cher aux contribuables qu’un État incapable, obèse, faible, décrié et injuste.

    Lionel Rondouin (Site de la revue Éléments, 7 janvier 2021)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Quelle stratégie au Sahel...

    Après la mort de cinq soldats français, tués en opération au cours des derniers jours, nous reproduisons ci-dessous deux points de vue consacrés à la stratégie de la France au Sahel et au devenir d'une opération militaire débutée il y a près de huit ans, l'un de Renaud Girard, journaliste au Figaro, spécialiste des conflits armés, cueilli sur le site de Geopragma, et l'autre de Bernard Lugan, historien et africaniste, cueilli sur son blog.

     

    Barkhane 2020.jpg

     

    Repenser notre stratégie au Sahel

    Cela fait maintenant huit ans que l’armée française est déployée au Sahel. Dans la seule semaine chevauchant le jour du nouvel an 2021, cinq de ses soldats y ont trouvé la mort. Ils furent tués à l’est du Mali, par ces bombes artisanales cachées sous le sable des pistes, qu’on appelle IED (Improvised Explosive Devices) dans le jargon militaire, depuis les dernières interventions occidentales en Afghanistan et en Irak.

    Huit années, c’est déjà plus long que la guerre d’Algérie. Les résultats en matière de stabilisation régionale ne sont pas éblouissants, c’est le moins qu’on puisse dire. C’est un dossier où il vaut mieux éviter les y a qu’à et les faut qu’on, car personne ne possède de potion miracle pour garantir la réussite des interventions occidentales en terre d’islam. Il serait absurde de précipiter le départ des forces françaises, car elles sont aujourd’hui les seules à empêcher que le Mali, ancienne colonie de l’Afrique occidentale française, vaste comme deux fois et demi l’hexagone, se transforme en sanctuaire pour djihadistes internationalistes.

    Mais, au bout de huit ans sans résultat patent, ne convient-il pas de regarder la situation en face, afin de repenser notre stratégie ?

    Provoquée par l’intervention militaire franco-britannique du printemps 2011, la chute brutale du régime Kadhafi a aggravé une situation économique et sécuritaire déjà très précaire dans la région sahélienne. Les stocks d’armes de la Libye se sont retrouvées aux mains de milices incontrôlables professant l’islamisme, s’enrichissant du trafic de la drogue et des êtres humains, et profitant du sanctuaire du sud algérien.

    Au Mali, on peut se demander aujourd’hui s’il n’y a pas un lien entre l’arrivée dans le sud libyen de djihadistes syriens mercenaires de la Turquie et l’intensification des attaques par IED. Une chose est sûre : la région intéresse le président Erdogan, qui a proposé au Niger, il y a six mois, d’y installer une base militaire.

    Suite au sommet de Pau de janvier 2020, où les pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina, Niger, Tchad) ont manifesté leur souhait du renforcement de la présence française, 5000 soldats français sont aujourd’hui déployés dans la région, aidés de plus en plus efficacement par 5000 soldats sahéliens, incapables cependant aujourd’hui de prendre le relais. Le Mali dispose en outre des forces onusiennes de la Minusma, 13000 hommes, statiques, mais dont le rôle reste essentiel pour la stabilité d’un pays dépourvue de réelle administration. 

    Malgré ces déploiements militaires, la perspective sécuritaire ne s’est guère améliorée au Mali, car les problèmes de fond n’y ont pas été réglés. C’est un pays artificiel, où les Touaregs du nord n’acceptent pas d’être gouvernés par les Noirs du sud, qui furent jadis leurs esclaves. Les idéologues islamistes ont su instrumentaliser à leur profit ces revendications anciennes. Aux exactions islamistes se sont ajoutées les luttes interethniques dans la boucle du Niger, notamment entre Peuls et Dogons, entre pasteurs et agriculteurs. L’armée malienne s’est montrée autant incapable de détruire les groupes djihadistes que de désarmer les milices d’autodéfense ethniques. On retrouve le même problème au nord du Burkina Faso.

    Les pays de l’UE apportent une aide au développement d’un milliard d’euros au Sahel, mais leurs hommes ne sont pas prêts à venir y mourir aux côtés des soldats français. La France parvient à tuer un certain nombre de chefs djihadistes plus ou moins médiatisés, sans parvenir à dissuader de nouvelles vocations. Dans la population, la perception de soldats étrangers en armes est forcément fluctuante : ils peuvent passer très rapidement du statut de protecteurs à celui d’occupants. Ils deviennent des boucs-émissaires s’ils se révèlent incapables de maintenir la paix civile, quand bien même son viol résulte de facteurs locaux totalement extérieurs à eux.

    La France a-t-elle vocation à redevenir le gendarme du Sahel, ce qu’elle fut de 1890 à 1960 ? Voici la question qu’il faut se poser avant de repenser notre stratégie. N’est-il pas temps de prévenir les Etats africains qu’il leur appartient de gérer leur sécurité et que l’armée française ne restera pas éternellement sur le terrain pour les protéger ? Un coup de main occasionnel, oui. Une protection parentale ad vitam aeternam, non ! Ce sont des configurations dynamiques qui conviennent à l’armée française sur le terrain africain. Pas des configurationsstatiques, car elles finissent fatalement par être perçues comme de l’administration coloniale.

    Au Sahel, il faut élaborer une stratégie de sortie progressive, reposant sur la montée en puissance des armées africaines, laquelle passe d’abord par de la formation, française mais aussi européenne. En Afrique, aide ton ami à se défendre. Mais si tu persistes à le faire à sa place, tu lui rendras à long terme le plus dangereux des services.

    Renaud Girard (Geopragma, 5 janvier 2021)

    Soleil noir.png

    Mali : allons-nous continuer encore longtemps à faire tuer nos soldats parce que les décideurs français ignorent ou refusent de prendre en compte les réalités ethno-politiques locales ?

    C’est très probablement en représailles de la mort de Bag Ag Moussa, un des principaux adjoints du chef touareg Iyad ag Ghali tué par Barkhane le 10 novembre 2020, que deux Hussards de Chamborant (2° de Hussards), ont perdu la vie le samedi 2 janvier, à quelques kilomètres de la base de Ménaka, quand leur VBL (véhicule blindé léger) a sauté sur une mine.

    A la différence de la mort de nos trois hommes du 1° Régiment de Chasseurs de Thierville survenue le lundi 28 décembre, au sud de Gao, l’explosion qui a provoqué celle des deux Hussards s’est produite plus au nord, dans une région qui était devenue « calme », les décideurs français semblant avoir enfin compris qu’ici, nous ne sommes pas face au même jihadisme que plus au sud. Comme je ne cesse de le dire depuis des années, et comme je le montre dans mon livre Les Guerres du Sahel des origines à nos jours, ici, le conflit n’est en effet pas à racine islamiste puisqu'il s’agit d’une fracture inscrite dans la nuit des temps, d’une résurgence ethno-historico-économico-politique touareg conjoncturellement abritée derrière le paravent islamiste.

    Pour bien comprendre la situation, il nous faut revenir en arrière, au mois de juin 2020 avec la mort de l’Algérien Abdelmalek Droukdal, le chef d’Al-Quaïda pour toute l’Afrique du Nord et pour la bande sahélienne, abattu par l’armée française sur renseignement algérien. Cette liquidation qui libérait le Touareg Iyad ag Ghali de toute sujétion à l’Arabe Abdelmalek Droukdal, s’inscrivait dans le cadre d’un conflit ouvert qui avait éclaté entre les deux branches du jihadisme régional. L’EIGS (Etat islamique dans le Grand Sahara), rattaché à Daech prône en effet la disparition des ethnies et des Etats et leur fusion dans le califat universel. Tout au contraire, le groupe d’Al-Qaïda, dirigé par Iyad ag Ghali « associé » aux services algériens privilégie l’ethnie touareg et ne demande pas la disparition du Mali.

    Le coup d’Etat qui s’est produit au Mali au mois d’août 2020, a ensuite permis de donner toute liberté à la négociation entre Bamako et la branche locale d’Aqmi, avec pour but de régler le conflit du nord Mali. Pour la France, l’opération était entièrement profitable car cela permettait de fermer le front du nord.


    Même si nous avons perdu ce « doigté » qui était une de nos spécialités à l’époque des « Affaires indigènes » et ensuite des emprises militaires permanentes, dans la durée, avec des unités dont c’était la culture, il allait donc être possible, avec un minimum d’intelligence tactique, et en jouant sur cette opposition entre jihadistes, de laisser se régler toute seule la question du nord Mali. Et cela, afin de commencer à nous désengager après avoir concentré tous nos moyens sur la région des « 3 frontières », donc sur l’EIGS, et également sur certains groupes peul jouant sur plusieurs tableaux à la fois [1].


    Or, le 10 novembre 2020, une insolite opération française menée près de Ménaka, donc en zone touareg, s’est soldée par la mort de Ba Ag Moussa, un des principaux adjoints de Iyad ag Ghali. Les Touareg ayant pris cette action comme une provocation, il était donc clair qu’ils allaient mener des représailles.

    Par devoir de réserve, je n’ai alors pas commenté cette opération sur mon blog, mais j’ai prévenu « qui de droit » que les Touareg allaient, d’une manière ou d’une autre, venger la mort de Ba Ag Moussa et qu’il allait falloir être vigilants dans la région de Ménaka. D’autant plus que, alors que, depuis plusieurs mois, les opérations françaises avaient évité la zone touareg, les derniers temps, elles y avaient repris. Comme si un changement de stratégie avait été décidé à Paris, un peu « à l’américaine », c’est-à-dire en « tapant » indistinctement tous les GAT (Groupes armées terroristes) péremptoirement qualifiés de « jihadistes », et peut-être pour pouvoir « aligner du bilan ». Une stratégie sans issue reposant sur une totale méconnaissance des réalités ethno-politiques locales, et dont nos soldats viennent de payer le prix sur le terrain.

    Le signal donné par les Touareg étant donc clair, aux autorités françaises d’en tirer maintenant les leçons. Veulent-elles oui ou non ré-ouvrir à Barkhane un deuxième front au nord ?

    En ce jour de tristesse, j’ai une pensée particulière pour le sergent Yvonne Huynh, avec lequel, à la veille de son deuxième séjour au Mali, j’avais longuement échangé sur les causes profondes du conflit, et je tiens, à travers ce communiqué, à faire part de mes sincères condoléances aux « Frères bruns », ses camarades de Chamborant hussards.

    Bernard Lugan (Blog de Bernard Lugan, 3 janvier 2021)

    Note :

    [1] L’on pourra à ce sujet se reporter à mon communiqué en date du 24 octobre 2020 intitulé « Mali : le changement de paradigme s’impose ».

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Joe Biden : le retour de la guerre ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Lhomme, cueilli sur Métainfos et consacré à la victoire de Joe Biden et à ses conséquences pour l'Europe.

    Biden-Harris.jpg

    Joe Biden : le retour de la guerre ?

    Les journalopes françaises sont en pleine période d’euphorie depuis la victoire de Biden et il est impossible pour un Français qui se limiterait à ce qui reste de la presse hexagonale moribonde de se faire une idée juste de ce qui s’est passé aux Etats-Unis. Il faut chercher avec la plus grande objectivité possible ailleurs et on mesure alors stupéfait la rapidité avec laquelle les commentateurs se sont félicités de la défaite de Trump. Il y a forcément anguille sous roche. 

    Tout d’abord la fraude du côté démocrate est manifeste.

    Les images abondent de bulletins détournés, de sacs postaux remplacés, de comptage rapide. La fraude incombe au vote par correspondance justifié par la pandémie covid et dont certains en France hument déjà l’intérêt pour voler une fois de plus le choix des français en 2022. La fraude américaine fut proprement gigantesque et elle indique déjà le niveau d’honnêteté et la capacité au mensonge dont seront capables les démocrates qui prendront le pouvoir en janvier.

    Dans les westerns hollywoodiens, on attaquait le train postal, aujourd’hui, c’est le vote postal qu’on falsifie dans les wagons.

    Sans doute pour les raisons déjà évoquées, la réaction molle face à la sédition de Chop dont nous avons parlé, Trump a perdu mais de toute évidence avec un écart moindre que celui annoncé, avec un très faible écart de voix qui le rend – et c’est une situation que les Etats-Unis n’ont pas connu depuis longtemps – le leader incontesté et tonitruant d’une opposition intérieure qui a ses nombreux partisans et de plus en plus d’ailleurs, fait surprenant, dans la dite diversité (noir, latino) excédé par l’extrémisme suicidaire des Black Lives Matter.   

    Nous voudrions donc revenir ici sur un point capital que dans leur aveuglement partisan aucun éditorialiste n’a relevé. Donald Trump fut le premier président américain à ne pas avoir déclaré une guerre. Pour la première fois depuis bien longtemps, les Etats-Unis, état voyou et criminel sur bien des aspects, ne sont pas rentrés en guerre sur une quelconque partie du monde. C’est proprement du jamais vu. Le prix Nobel Barack Obama s’était lui illustré comme le président qui avait le plus bombardé et lâché de bombes durant tout son mandat. Trump n’a déclaré la guerre à personne : il a au contraire ramené nombre de boys à la maison. Nous n’osons imaginer ce qu’aurait été une présidence Hillary Clinton mais ce fait indéniable, indiscutable, passe partout aux oubliettes, ne risque-t-il pas cependant de nous revenir comme un boomerang, cette fois teinté d’explosifs avec la Présidence Biden.

    Il reste certes beaucoup à faire, surtout dans le domaine des opérations américaines à l’étranger, où des nations sont perdues et réduites au chaos avec toutes les conséquences sur les destins collectifs des peuples que cela entraîne, mais la situation actuelle, à la fin du mandat de Trump est bien meilleure qu’à la fin du mandat d’Obama. Les attentes sont de nouveau grandes maintenant avec l’arrivée de Joe Biden, mais je ne suis pas sûr que cela suscitera un avenir brillant.

    Déjà, on connaît l’inflexion : « l’Amérique comme guide du monde », titre de son programme de politique étrangère. Les préoccupations de ce programme restent les obsessions démocrates : la Russie, l’Iran et la Chine, vers laquelle Obama avait déjà infléchi toute la stratégie offensive et de défense des intérêts américains.

    Soyons clair : le siège de la Russie, comme celui que l’Entente a exercé contre l’Allemagne au siècle dernier, se résoudra forcément dans une série de guerres de faible intensité ou par une folie toujours possible en une confrontation radicale sur l’espace européen. Or nous savons déjà que matériellement (les coupures dans les budgets de la défense, véritables castrations des armées nationales) et psychologiquement, les Européens, prenons le cas des Français par exemple, seront incapables de faire face à un conflit qui durerait plus d’une semaine et qui leur causerait des sacrifices de sang et de leurs propres biens.

    Nonobstant, et certaines déclarations de nos plus hauts gradés récemment le confirment, le monde s’approche d’une montée de tension qui risque de ne pas être soutenable avec l’arrivée de Biden à la présidence des États-Unis, s’il revenait aux mêmes politiques agressives d’Obama et d’Hillary Clinton. La Chine s’y est déjà longuement préparé et a remporté cet été un atout décisif avec les alliances nouées dans le sud-est asiatique (nous y reviendrons).

    Les options de tir sont multiples et variés: le Cachemire, le Ladakh, la mer de Chine, le Caucase, la Biélorussie, la Crimée, la Syrie, un incident aéronaval en Baltique ou en Arctique, la Libye, des bouleversements dans une Arabie saoudite impliquée dans des différends successoraux, la mer Égée gréco-turque… Les occasions ne manquent pas, même une future balkanisation de l’Espagne ou du Royaume-Uni ne doivent pas être écartées. La capacité d’une puissance mineure à provoquer un second Sarajevo et à conduire le monde dans un conflit aux conséquences plus graves n’est plus seulement une hypothèse de travail dans certaines officines stratégiques mais Trump ne l’aurait pas permis.

    En Libye, en Syrie, dans les îles de la mer Égée, en Azerbaïdjan, et à l’avenir en Bosnie, en Albanie ou dans les quartiers très turcs de l’Allemagne, les drapeaux de Erdogan, le nouveau «sultan» se déploient, qui convertit la Turquie en un possible empire régional. Or, sans le soutien américain, quel pouvoir réel a-t-il face à une intervention russe ? 

    Qu’annonce en fait Biden ? « Tandis que “le président Trump a diminué, affaibli et abandonné alliés et partenaires, et abdiqué du leadership américain, comme président j’accomplirai immédiatement des actes pour renouveler les alliances des États-Unis, et faire en sorte que l’Amérique, encore une fois, conduise le monde”

    Comme “le monde ne s’organise pas tout seul”, souligne Biden, les États-Unis doivent de nouveau “jouer le rôle de guide dans l’écriture des règles« , comme ils l’ont fait pendant 70 ans sous les présidents aussi bien démocrates que républicains, jusqu’à ce que Trump n’arrive.

    Ce n’est pas un programme qui sent réellement le pacifisme ! Reste alors ce qui doit nous importer le plus : l’avenir de l’Europe.  

    Donald Trump, – décidément un grand président – avait donné indirectement la plus grande impulsion à la Défense européenne depuis la naissance de l’Union avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier en 1951. En étant farouchement isolationniste, avec des manifestations constantes de désaffection envers les pays européens, il est vrai pas exempt de quelques débordements –mais il vaut mieux avoir du style qu’être aussi terne que Macron ! – Trump a permis un réveil européen sur les questions de défense, il a servi à mettre la peur dans le corps des dirigeants européens qui, du coup ces dernières années, coïncidant avec sa présidence, ont mené un énorme effort dans la construction d’une nécessaire Défense européenne, avec le Fonds européen de Défense, au sein de la Coopération structurée permanente. Il s’agit là d’une réalisation européenne majeure parmi d’autres également significatives et nous la devons à Trump. Le problème est qu’avec une lecture superficielle de l’ « Amérique comme guide et gendarme du monde », pilier de l’OTAN qui depuis la fin du Pacte de Varsovie aurait  dû être dissout, avec surtout les Atlantistes qui noyautent la classe politique française et européenne, cela peut amener de nombreux partenaires européens à penser qu’avec Biden et la protection américaine de nouveau assurée, il ne vaut plus la peine de poursuivre la construction de la Défense européenne.

    C’est la position de l’esclave et cela nous laisse nu au milieu d’un monde en ébullition, alors qu’aucune des menaces n’a disparu, alors qu’au contraire, les menaces se réactivent en douceur, lentement mais sûrement (voir le retour des euro-missiles nucléaires sur le sol européen).

    Mais au final qu’elle le sache, l’Union européenne se retrouvera seule avec ses démons et sur un terrain de bataille pour lequel, elle n’est pas préparée.

    Michel Lhomme (Métainfos, 3 janvier 2021)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Ni réactionnaire ni progressiste mais archéofuturiste !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une vidéo d'Ego Non qui présente le concept novateur d'archéofuturisme développé par Guillaume Faye dans son essai L'archéofuturisme (L'Æncre, 1998).

     

                                                   

    Lien permanent Catégories : Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • A propos du "privilège blanc"...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bernard Lugan, cueilli sur son blog et consacré à la question du "privilège blanc"...  Historien et africaniste, auteur de nombreux ouvrages, comme  Osons dire la vérité à l'Afrique (Rocher, 2015), Heia Safari ! - Général von Lettow-Vorbeck (L'Afrique réelle, 2017), Atlas historique de l'Afrique (Rocher, 2018) et  Esclavage, l'histoire à l'endroit (L'Afrique réelle, 2020), mais aussi deux romans avec Arnaud de Lagrange, dont Les volontaires du Roi (Balland, 2020), Bernard Lugan vient de publier un récit satirique intitulé Le Banquet des Soudards (La Nouvelle Librairie, 2020).

    Elisabeth Moreno.jpg

    Certains seraient-ils à ce point masochistes qu’ils ne viendraient en France que pour s’y faire discriminer… ?

    « Selon que vous naissiez homme blanc ou femme noire en Afrique ou en France, vous savez que vous avez plus de chance » vient de déclarer sur LCI, Madame Elisabeth Moreno, native de la République du Cap-Vert, et présentement ministre français en charge de « l’Egalité entre les femmes et les hommes ». A quand un ministère de l’Egalité entre les petits et les grands, les gros et les maigres, les blonds et les roux ?

    Madame le ministre en charge de « l’Egalité entre les femmes et les hommes », vient donc de faire un constat qui avait jusque-là échappé à l’esprit humain. A savoir que la population qui a créé un pays depuis des siècles ou même des millénaires, celle des indigènes, des primo-occupants, de ceux qui, par définition, sont de « souche », est naturellement davantage chez elle que les pérégrins. Un « privilège » universel qui est « jaune » au Japon ou en Chine, « noir » en Afrique et arabe en Arabie… 

    Question incidente à Madame le ministre français en charge de « l’Egalité entre les femmes et les hommes »: au Cap-Vert, et plus généralement en Afrique, y-a-t-il beaucoup de présentateurs blancs, d’hommes politiques blancs et pourquoi pas de femmes blanches ministres en charge de « l’Egalité entre les femmes et les hommes »?

    Plutôt que ces incessantes et arrogantes jérémiades quasi quotidiennement assénées par certains néo-Français semblant être à ce point masochistes qu’ils paraissent n’être venus en France que pour s’y faire « discriminer », ne serait-il pas plus juste et honnête de leur part de dire :

    « D'être venu vivre chez vous m’a privilégié car j’ai pu avoir accès à un statut que je n’aurais pas eu chez moi. J’ai en effet pu profiter des infrastructures nées du labeur et des sacrifices de vos générations passées. Celles de ces paysans blancs qui ont défriché et bonifié votre terre, celles de ces mineurs de fond blancs qui mouraient de maladie avant 40 ans, celles de ces centaines de milliers d’ouvrier blancs qui ouvrirent vos routes, vos canaux et vos voies de chemin de fer à la pioche, celles de ces millions d’hommes blancs morts pour défendre la terre de leurs ancêtres, et dont les descendants ont aujourd'hui pour dernier « privilège » celui de devoir payer des impôts pour financer la CMU et pour loger, nourrir, éduquer, soigner, habiller, un nombre indéterminé de « citoyens du monde » venus, tels des coucous, profiter de nids qu’ils n’ont pas bâtis.... »
    Mais il y a aussi un « privilège noir ». C’est celui de pouvoir cracher sur un footballeur blanc sans que cela provoque de réel émoi… Imaginons l’inverse !!! Ou de pouvoir, comme Madame Afsa Aksar, vice-présidente de l’UNEF dire :

    - « On devrait gazer tout (sic) les blancs (resic) cette sous race.
    - « Tout ce que j’ai à dire c’est les blancs (sic) arrêtez de vous reproduire ».
    - « Non à la mixité avec les blancs (sic)»
    - « Je suis une extrémiste anti-blanc »
    - « Le monde serait bien mieux sans les blancs (sic) » etc.,

    Ou encore, comme Madame le député Obono qui a légitimé la formule « Nique la France », et à laquelle l’on pourrait légitimement poser la question de savoir ce qui arriverait à un Blanc qui, au Gabon, son pays de naissance, s’aventurerait à dire « Nique le Gabon »…

    Là est le vrai « privilège ». Celui d’être au-dessus des lois, de ne pas être « inquiété » pour de tels propos par les ligues « antiracistes » subventionnées par les impôts des « privilégiés » blancs, ni poursuivi par certains juges dont la principale activité semble être de guetter le moindre « dérapage » verbal des hommes et des femmes blancs, et de « droite », afin de pouvoir les traîner devant les tribunaux… Celui aussi, d’être recruté, non plus au mérite, mais selon ces discriminants quotas « raciaux » non officiels, et qui écartent de bons candidats malheureusement nés leucodermes, au profit de médiocres impétrants ayant eu la chance, eux, de naître mélanodermes en France…

    Mais tout cela aura une fin le jour où se lèvera un chef qui, tel Cicéron devant le Sénat romain, osera dire aux arrogants forts de notre faiblesse et parce que nous sommes à genoux : « Quo usque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? (Jusques à quand, enfin, Catilina, abuseras-tu de notre patience ? ) ». 
    L’église pourra alors être remise au centre du village…

    Bernard Lugan (Blog de Bernard Lugan, 27 décembre 2020)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Le moment postlibéral...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jure Georges Vujic, cueilli sur Polémia dans lequel il évoque la mise en place d'un ordre postlibéral dont il esquisse les contours . Avocat franco-croate, directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, Jure Georges Vujic est l'auteur de plusieurs essais, dont Un ailleurs européen (Avatar, 2011) et  Nous n'attendrons plus les barbares - Culture et résistance au XXIème siècle (Kontre Kulture, 2015).

     

    Covid_Game changer.png

    Le moment post libéral

    Après la chute du mur de Berlin, alors que le paradigme de la « fin de l’histoire » de Fukuyama et le triomphe du modèle de la démocratie libérale de marché au niveau planétaire prévalaient, la technocratisation des élites dirigeantes mondialistes et leur séparation du peuple ont remis en question la légitimité démocratique d’un tel mode de gouvernement oligarchique.

    La pandémie de Covid-19 en tant que crise sanitaire mondiale est un indicateur de la crise actuelle du modèle politique, économique et social du libéralisme, soulevant ainsi la question de l’efficacité et de la responsabilité du modèle dominant de gouvernance libérale, en particulier en temps de crise. L’un de ces problèmes découle directement des pénuries, c’est-à-dire des pénuries successives dans divers secteurs clés de l’économie et de la santé publique, causées par l’absence de production nationale autosuffisante, qui révèle l’état de dépendance économique et sanitaire. La pandémie a révélé le cœur de la crise contemporaine du libéralisme postmoderne, à savoir la crise de l’hybris, de la démesure de la croissance, de la consommation et du progrès, et du déséquilibre dans la production nationale. Il n’est donc pas étonnant que de sérieuses options idéologiques et politiques alternatives conservatrices, souverainistes et populistes soient proposées comme correctif aux dynamiques néo-libérales destructrices, parce qu’elles satisfont le besoin de trouver un nouvel équilibre : le besoin de modération dans l’innovation, la production et la consommation, et la stabilité dans l’échange. C’est pourquoi, certains ont d’ores et déjà vu dans la crise globale du Covid-19 la fin de la « mondialisation heureuse ». Même si certains parlent de défaite du néo-libéralisme, en louant le retour de l’État-providence, de l’État-nation souverain, d’autres appellent à un retour aux sources du libéralisme classique. Il semblerait que la vague postlibérale soit loin d’annoncer une rupture radicale avec le modèle libéral dominant, dans la mesure où notre imaginaire individuel et collectif reste bien ancré dans la conception économiciste de la vie moderne conditionnant la pensée, les réflexes et les modes de vie.

    Tout comme le postmoderne, le terme postlibéral même reste contradictoire car il est difficile de dépasser ce qui a vocation au renouvellement permanent, tout comme la modernité libérale. Le « post-isme » libéral serait alors une notion « fourre-tout », fédératrice de diverses familles de pensée, évoluant comme un caméléon sous diverses formes en fonction de l’époque. Tout comme il existe une nébuleuse postmoderne, il y a une nébuleuse postlibérale qui, loin de s’inscrire dans une structure, une hiérarchie, s’inscrit dans un univers horizontal, fluide, « liquide » et hétérogène… D’autre part, alors que la « raison d’être », le sens du libéralisme se situait dans la reproduction économiciste de l’ordre politiquement social spontané, en réponse à l’absolutisme de l’État, le postlibéralisme fonde sa légitimité, son «éthos » sur la gestion exceptionnaliste du désordre du chaos. En effet, le libéralisme a toujours fait bon ménage avec des mesures répressives d’exception lorsque l’ordre libéral était menacé, alors que la religion des droits de l’homme ne l’a pas empêché de s’accommoder des pires régimes totalitaires, de sorte que l’on peut à juste titre parler de régime de liberté liberticide.

    Le libéralisme, une anthropologie politique pathogène

    L’émergence du postlibéralisme pose en effet la question paradoxale du succès du libéralisme, mais aussi de son dépassement nécessaire. En ce sens, Patrick J. Deneen, professeur à l’université Notre-Dame aux États-Unis, dans son livre Why Liberalism Failed constate ce paradoxe : « Le libéralisme a échoué précisément parce qu’il a réussi. » Deneen soutient que la défaite du libéralisme est le produit de ses contradictions internes qui créent constamment des pathologies sociales, lesquelles menacent non seulement le libéralisme en soi mais la stabilité politique et sociale en général. Depuis les débuts de la théorie du libéralisme de Francis Bacon, Thomas Hobbes, à John Locke, Deneen estime que les prémisses originelles du libéralisme se fondent sur une « fausse » anthropologie philosophique, qui repose sur deux piliers : le volontarisme et l’individualisme. Il n’est pas étonnant que le postlibéralisme contemporain cherche à promouvoir et à articuler une nouvelle anthropologie anthropocène biopolitique sous la forme d’une vision transhumaniste de la condition humaine, qui est le résultat socio-pathologique direct de la première anthropologie classique, protolibérale progressiste et anthropocentrique, ainsi qu’une expression de la conception évolutionniste du monde. Bien sûr, le libéralisme a aussi ses courants alternatifs et dissidents sous forme de libertarisme ou de paléo-libéralisme, qui prônent la réhabilitation du libéralisme classique en réponse aux excès des expériences déviantes du néo-libéralisme. Dans Les Métamorphoses de la lutte des classes, le philosophe français Michel Clouscard montre combien le libéralisme, en tant que discours légitimateur de la dynamique du marché capitaliste, sait s’adapter et se transformer en fonction de la nouvelle anthropologie culturelle et politique du moment. L’individualisme et la permissivité, loin de remettre en cause radicalement les fondements de la société bourgeoise, ont en fait permis la réalisation de nouveaux marchés pour une nouvelle forme de capitalisme de divertissement et de « séduction ». De plus, David Harvey dans sa Brève histoire du néo-libéralisme place le phénomène du néo-libéralisme dans un large éventail historique, du règne de Reagan aux États-Unis, Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, à la Chine de Deng et au Chili de Pinochet, soulignant la grande adaptabilité reproductive de ce phénomène politique et économique. On retrouve ses transformations dans le modèle néo-libéral du Mexique dans les années 80, de la Russie dans les années 90 et même en Suède en tant que modèle néo-libéral à part. Le sociologue Michel Freitag estime que le libéralisme a détruit le système symbolique de la société et la possibilité d’une coexistence harmonieuse parce que toute relation humaine, comme la société, est basée sur un système de codes symboliques. Selon lui, dans la société de la Grèce antique, nous trouvons la conception la plus riche de la liberté politique, qui combine les principes d’aidos (solidarité) et de diké (justice) qui font défaut dans les sociétés libérales atomisées et hyperindividualistes. Le néo-libéralisme contemporain est une négation du politique en tant que res publica, une lutte pour le bien commun, tandis que sa dynamique darwiniste de marché détruit la capacité d’action collective et la création d’une coexistence réfléchie et raisonnable.

    Nouvelle règle anthropocène globale

    Néanmoins, le postlibéralisme, qui implique qu’à ce jour la société et la politique ont été dominées par des paradigmes spécifiquement libéraux (ou déjà néo-libéraux), tels que la démocratie, le libre marché, le mondialisme et l’individualisme culturel, ne signifie pas que nous avons dépassé aujourd’hui cette matrice politico-sociale libérale. Cette notion suggérerait que nous avons laissé le vieux monde dominé par le libéralisme dans toutes ses composantes de gauche social-démocrate ou de droite libérale et que nous entrons dans un monde où de nouveaux paradigmes illibéraux ou antilibéraux domineront l’espace public. Cependant, en tant que produit des transformations constantes du libéralisme tout au long de l’histoire, le postlibéralisme est actuellement un phénomène politique historique hybride, en émergence, qui, selon certains analystes, aurait rompu avec le libéralisme classique (protolibéralisme) et le néo-libéralisme. Comme ses prédécesseurs, le postlibéralisme reposerait sur ses propres postulats, ses « régimes de vérité », et de pouvoir. Selon Michel Foucault, il s’agirait donc de la « loi », c’est le nomos de la biopolitique, c’est-à-dire un mode de gouvernance qui repose sur sa propre rationalité, sa pratique, sa technologie et sa norme postpolitiques propres. De la théorie libérale, le postlibéralisme retient le mythe du progrès, le discours et le « comportement social », et, de la théorie économique néo-libérale, il accepte l’idée qu’un marché qui produit empiriquement une concurrence et des prix harmonieux n’est pas naturel mais résulterait d’une construction sociale fragile. Le postlibéralisme, à travers la radicalisation des mécanismes de gestion de la vie humaine, redéfinit l’expérience humaine, en profondeur voire ontologiquement, en combinant le « sujet libéral égoïste » et « l’entrepreneur néo-libéral du libre-échange » avec le modèle bio-humain. Contrairement au libéralisme et au néo-libéralisme classiques, le postlibéralisme réduit la différence entre l’individu et la collectivité par ce que l’on peut appeler le gouvernement de domination thérapeutique des corps individuels dans le sillage de la nouvelle biopolitique globale. En effet, les mesures biopolitiques qui ont été conçues en réponse à la propagation du virus du Covid-19, ont configuré une nouvelle forme de gouvernance appliquée au niveau planétaire, en s’appuyant sur les technologies de gouvernance numérique pour faire appliquer la règle anthropocène. Bien que n’étant pas le résultat de consultations entre États souverains, la gestion de crise pandémique mondiale implique la mise en œuvre de systèmes d’évaluation des risques en temps réel basés sur les mathématiques et l’informatique, qui incluent des mesures de contrôle de la population et l’imposition de mesures sécuritaires et de restrictions sanitaires (dites de distanciation sociale, utilisation de drones détecteurs de présence, géolocalisation). Ainsi, aujourd’hui, la plupart des démocraties libérales occidentales appliquent des mesures biopolitiques en réponse à la propagation des virus, qui dessinent les contours de la règle globale du biopouvoir. Giorgio Agamben parle de la nouvelle condition humaine de « vie nue » (homo sacer), laquelle a marqué l’entrée dans l’ère anthropocène (le moment où l’humanité s’est érigée en force géologique qui a transformé irréversiblement son cadre de vie). Il s’agit d’une rupture totale entre les vies politiques et biologiques de l’individu, et l’homo sacer, dans sa nouvelle condition biologique, se trouve soumis à la souveraineté de l’état d’exception. La règle postlibérale serait le reflet du pouvoir anthropocène qui devrait trouver des réponses à la situation d’instabilité générale et mondiale causée par le développement d’une économie postmoderne basée sur l’utilisation illimitée des ressources naturelles, une instabilité qui affecte tous les êtres vivants et à laquelle les États-nations modernes ne peuvent pas répondre. Si la règle politique moderne était basée sur une anthropologie exclusive qui opposerait l’humanité à la nature (en tant que facteur externe), le pouvoir anthropocène encouragerait l’anthropologie inclusive, qui intégrerait la nature dans un système censé être contrôlé et intégré.

    De l’État Léviathan à l’État cyborg

    Le virus du Covid-19, qui apparaît en tant que « game changer », fonctionnerait comme moteur disruptif d’une nouvelle politique postlibérale. La pandémie a permis l’activation d’un gouvernement mondial opaque, qui était déjà opérationnel, mais qui n’était pas encore visible en tant que tel sous la forme de biopouvoir. La crise globale sanitaire du Covid-19 serait « un accélérateur de transformation » permettant la mise en place de stratégies de choc, selon la thèse de Schumpeter de la « destruction créatrice », alors que la pandémie au niveau planétaire serait une opportunité pour accélérer la mise en place de la règle globale anthropocène. Ainsi, les transformations successives du libéralisme au cours des quarante dernières années cèdent aujourd’hui la place au postlibéralisme en tant que nouvelle forme de gouvernement de transition, qui fait de l’économie un moyen de transformation anthropologique et transhumaniste de l’espèce humaine dans le cadre d’un nouvel « environnement hostile » planétaire. En ce sens, l’analyse proposée par Barbara Stiegler dans « Il faut s’adapter » à partir des travaux de Walter Lippmann (connu pour sa thèse sur la « fabrique du consentement ») démontre que le but du néo-libéralisme n’est pas seulement de nature économique mais aussi anthropologique ; il s’inscrit dans la filiation évolutionniste et constructiviste (d’inspiration darwiniste) de l’espèce humaine, tandis que Lippmann y ajoute un objectif politique : organiser massivement l’adaptation de l’espèce humaine au nouvel état du monde, imposé par la mondialisation du marché. Ainsi, le néo-libéralisme mais aussi l’ordolibéralisme allemand légitiment le recours au rôle organisateur ou régulateur de l’État. Dans le nouveau contexte du biopouvoir mondial, l’État libéral devient le principal levier de la domination globale anthropocène, qui doit intervenir dans le sens de la survie et du renouvellement de l’espèce humaine. Mais ce modèle d’État libéral n’est plus celui qui incarne l’autorité transcendante du Léviathan hobbesien. À l’ère postlibérale, le fonctionnement de l’État libéral consiste essentiellement à mettre en place un cadre normatif qui surveille, encourage et contrôle les transformations anthropologiques du corps social en temps réel. Finalement, l’État libéral du Léviathan cède sa place au profit d’un cyborg-État postlibéral et biopolitique qui cherche à intégrer toutes les dimensions de l’existence, du minéral au psychique en passant par le biologique. La pandémie est certes un « accélérateur de transformation », mais aussi un bon indicateur de l’usure des vieilles idéologies modernes comme le libéralisme de la modernité. D’où les appels qui émanent de sphères politiques, académiques ou économiques, comme celle de l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger ou de Robert Kagan, ou ceux des mondialistes de Davos, comme Klaus Schwab, qui prônent une « nouvelle réinitialisation globale » et un nouveau « capitalisme inclusif », en appelant à « l’humanisation » du capitalisme néo-libéral dans le sens de la conscience écologique. Le discours moralisateur du dépassement du libéralisme, en tant qu’imposture, s’inscrirait alors dans l’inversion debordienne : « le vrai est un moment du faux ». Bien sûr, il faut y voir les dispositifs narratifs destinés à légitimer les transformations émergentes de l’ordre postlibéral avec l’adaptation de l’espèce humaine à la nouvelle configuration globale du biopouvoir.

    Jure Georges Vujic (Polémia, 24 décembre 2020)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!