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Points de vue - Page 98

  • Végéter est-il l’impératif catégorique et sanitaire du troisième millénaire ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Marco Tarchi, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à l'idéal sanitaire promu par le système. Professeur de sciences politiques à l’Université de Florence et rédacteur en chef de Diorama Letterario, Marco Tarchi a été dès la fin des années 70 un des principaux promoteurs des idées de la Nouvelle Droite en Italie.

     

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    Végéter est-il l’impératif catégorique et sanitaire du troisième millénaire ?

    Il serait difficile de trouver quelque chose de plus emblématique de la condition psychologique et culturelle que notre époque expérimente, et en même temps de plus avilissant – si on ne veut pas aller jusqu’à l’adjectif « répugnant » – que les spots que le gouvernement allemand a diffusés pour convaincre ses citoyens de respecter de la manière la plus rigide les recommandations de limitations de la liberté de mouvement imposées afin de circonscrire la contagion au Covid-19. Dans le premier de ceux-ci, un garçon d’une vingtaine d’années, vautré à la maison sur son divan, canette de Coca-Cola en main et patates frites à portée de bouche, noie dans l’ennui une journée inutile. Dans le second, le même, hypothétique étudiant ingénieur à l’Université de Chemnitz, partage son aboulie avec sa petite amie ; du divan on est passé au lit, et pour réjouir l’inertie on est passé à de copieuses portions de poulet frit. Dans le troisième, le centre de l’attention, « Tobi le paresseux », autodéfinition qui va de soi, passe son temps devant son ordinateur mangeant des raviolis froids à même la boîte sans se soucier de les réchauffer. Ces scènes sont situées dans l’ambiance du « terrible » hiver 2020 ; et pour les accompagner, outre une musique de fond suggestive, on retrouve dans le futur les mêmes protagonistes vieillis, qui se vantent de l’« aventure » vécue un demi-siècle plus tôt qui les a contraint à se barricader dans leur maison et à ne rien faire, devenant ainsi – pour avoir scrupuleusement veillé à ne pas être des véhicules de la contagion – des héros. Ce dernier qualificatif plusieurs fois répété (on pourrait s’attendre à ce que Tobi reçoive une médaille pour son absence exemplaire de vie en société) est associé à d’autres mots non moins dissonants comme « destin », « devoir social », « destin de la nation », et le désormais omniprésent « ennemi invisible ».

    Idéal sanitaire, phase post-goebbelsienne de l’appareil de propagande

    On ne peut s’étonner que le produit de cette phase post-goebbelsienne de l’appareil de propagande de guerre allemand ait enchanté simultanément des médias comme Vanity Fair, Il Foglio [périodique néo-conservateur italien (NDT)], La Repubblica (quotidien italien libéral-libertaire), d’accord pour le trouver « génial », ni que son ironie peu subtile soit louée par les publicitaires italiens. En effet, que peut-on trouver de mieux pour décrire le type d’homme idéal (et de femme, cela va sans dire) de la Cosmopolis souhaitée par les partisans de l’idéologie des « droits humains » : un consommateur produit en série, se nourrissant de rebuts, prêt docilement à obéir à l’appel des autorités démocratiques et des mass médias et à se réfugier, sans plus réagir, dans l’individualisme le plus grégaire et le plus strict, se remontant le moral à coups de visioconférences, de chats en ligne, de séries sur quelque plateforme de multi-médias, et, pourquoi pas ? de signatures virtuelles de pétitions pour soutenir les causes du « genre » ou de l’« inclusivité » disponibles sur ces mêmes sites.

    Progresse également ainsi, sur les ailes de la peur instillée par une incessante communication anxiogène, cette mutation anthropologique graduelle qui, en quelques décennies, a trouvé dans les épisodes épidémiques un nouveau véhicule de grande efficacité. De fait, l’ablation des liens interpersonnels est recommandée, avec une emphase et une fréquence toujours s’accélérant, comme l’unique remède possible pour se mettre à l’abri de la contagion du virus ; et certains arrivent à y voir des aspects positifs. On ne s’étonnera pas qu’au nombre de ceux-ci, se trouve Bill Gates, prêt à décrire le monde futur avec des accents guère empreints de préoccupation sociale : pour un certain nombre d’années, nous confie-t-il, nous aurons au moins une atmosphère plus pure, car avec une baisse de 50 % des voyages, les émissions de gaz à effet de serre se réduiront considérablement, même si cela nous contraint à avoir peu d’amis. Le télétravail prospèrera – et avec lui, pourrait-on ajouter, l’utilisation ultérieure de produits Microsoft – et les rapports sociaux seront atrophiés. Cette perspective ne semble pas susciter d’inquiétudes excessives ni parmi les intellectuels médiatisés, ni parmi les politiques, ni parmi les scientifiques.

    La vie à tout prix

    Parmi les intellectuels médiatiques, nombreux ceux qui invoquent un « droit à la santé », concept purement insensé, que personne ne songerait à opposer à la survenue d’un infarctus, d’une hémorragie cérébrale ou d’une forme grave de tumeur, sachant bien qu’aucun sujet frappé de pathologies de ce type ne saurait être en mesure d’exercer ce droit, auquel serait substitué le réel et souhaitable droit au soin ; un « droit à la santé » plus fort que n’importe quelle peur de délitement du lien social.

    Presque tous les seconds [les politiques (NDT)] suivent comme un seul homme et ne songent qu’à calmer les protestations légitimes des catégories productives pénalisées par les fermetures imposées, à coup d’aides comme s’il en pleuvait et en bonne partie à fonds perdus qui seront payés ultérieurement moyennant de substantielles augmentations de charges fiscales, car le déficit de l’État ne pourra pas être maintenu éternellement. Les conséquences de l’obligatoire (et désirée) « distanciation » sur la capacité de résistance du tissu social les laisse tout à fait indifférents.

    Enfin, quant aux experts médiatiques, leur conviction unanime – que la vie compte plus par la dimension quantitative de sa durée que par sa qualité – s’exprime au quotidien dans les modalités les plus diverses sur toutes les scènes télévisées, radiophoniques ou imprimées…

    À elles trois, ces composantes fondamentales de la classe dirigeante des démocraties occidentales (ces régimes qui devraient incarner le meilleur des modèles possibles de gouvernement des « pays avancés ») en viennent à oublier un aspect incontournable de la réalité, en raison même de la cécité induite par le conformisme de fer du politiquement correct : l’impossibilité d’éliminer le risque de l’existence humaine, aussi bien individuelle que collective. Et encore plus la douloureuse nécessité de l’accepter.

    Le « végéter » se substitue au « vivre »

    Pendant des millénaires, la culture des peuples – de tous les peuples de la terre – s’est résignée à cet état de fait et l’a reliée à la volonté impénétrable du Destin et/ou de la divinité vénérée, et l’a incorporé dans le système de normes destiné à gouverner la vie des communautés. L’illusion prométhéenne typique de la modernité, alimentée par les préjugés du rationalisme comme les époques précédentes pouvaient l’être par ceux de la magie, a poussé certains, pas uniquement dans les milieux scientifiques, à croire qu’il était possible et même nécessaire de se rebeller contre cette loi de la nature. Et que l’existence individuelle puisse et doive être exemptée de l’aléa de l’imprévisible et de l’inattendu. Étanche, tenue sous contrôle – sécurisée, pour le dire dans la novlangue à la mode – et ce dans tous les cas. Avec pour conséquence de suivre et célébrer un horizon idéal dans lequel le végéter se substitue au vivre.

    À l’exhibition de corps à l’état végétatif, magnifiée par les spots allemands, vient un message qui associe le refus du risque à un acte d’héroïsme. Un contresens formidable, mais qui explique mieux que toute autre chose la substance profonde de l’esprit du temps dans lequel nous vivons.

    Qui refuse cette vision se voit automatiquement attribuer un caractère d’insensibilité, sinon de folie. La vieille figure du pestiféré à assigner à résidence revient sous forme de menace dans l’imaginaire collectif sur fond de débats qui remplissent les talk-shows, pendant que l’opinion publique se sépare verticalement dans tous les pays frappés par l’épidémie : entre les terrorisés qui se réjouissent du panorama spectral de cités désertes et qui voudraient les voir telles au moins jusqu’à l’épiphanie d’un miraculeux vaccin et ceux qui souffrent du confinement et attendent le moindre signe de retour à la normale pour replonger dans les rites de masse de l’apéritif.

    Réinsérer le risque dans l’horizon de la normalité

    À la stupidité du négationnisme – que quelqu’un exagérant et plaisantant un peu trop avec les données de la biologie (qui, dans le passé, a donné lieu à des utilisations politiques quelque peu problématiques), a pu définir comme le fruit d’un « processus mental non éloigné de celui qui survient dans certains types de démence » –, est opposée une autre forme de stupidité, à la fois identique et contraire, laquelle conduit à l’incompréhension et au refus des raisons de ceux qui, à un scénario de restrictions permanentes de la liberté de mouvement, d’obligation sine die d’endosser des masques chirurgicaux, de maintenir un mètre quatre-vingt de distance avec le prochain et d’éviter les « lieux de sociabilité » et les rencontres avec famille et amis, préfèreraient un autre scénario où, tout en respectant pourtant de manière temporaire les mesures adéquates de prudence, le risque serait accepté et graduellement réinséré dans l’horizon de la normalité.

    La diabolisation de ce choix et l’insistance anxiogène autour de présages funestes, sur le vaccin qui ne fonctionnera pas ou aura des effets limités dans le temps, sur les mortifères « troisièmes vagues » (et les suivantes en préparation), auront quasi certainement des effets opposés à ceux espérés, précipitant des strates croissantes de la population dans un état de prostration psychologique difficilement récupérable, dont on constate déjà les évidents symptômes. Mais apparemment, les dogmes idéologiques qui dominent la scène culturelle contemporaine empêchent d’accepter quelque attitude de confrontation à l’existence qui puisse paraître excessivement virile, et donc – dans l’expression banalisante de la vulgate progressiste – « machiste ».

    Végéter devient donc l’impératif catégorique du troisième millénaire. Il ne reste qu’à espérer qu’un jour, un sursaut d’orgueil collectif, face à une perspective aussi déprimante, puisse se transformer en  sérieuse et sacrosainte réaction ; et de faire, chacun à son niveau, tout son possible pour qu’une telle réaction advienne.

    Marco Tarchi, traduit de l’italien par Claude Chollet (Site de la revue Éléments, 15 janvier 2021)

     

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  • Ami - Ennemi, le fondement du politique...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une vidéo d'Ego Non qui présente l’œuvre de Carl Schmitt au travers de l'un de ses essais, La notion de politique (1932), essai dans lequel il identifie la distinction Ami - Ennemi comme fondement du politique.

                            

     

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  • Demain la sécession ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Dir, cueilli sur Breizh Info et consacré à la signification profonde de la "prise" du Capitole par les manifestants trumpistes à Washington.

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    Sécession. La fracture civile, culturelle, politique et ethnique aux USA, demain dans toute l’Europe ?

    Les évènements qui se sont déroulés le 6 janvier 2021 dans le Capitole, à Washington, sont historiques. Non pas parce que les manifestants ayant répondu à l’appel de Donald Trump ont réussi un « coup d’État » – ils n’ont rien réussi du tout si ce n’est à être repoussés et à perdre la vie pour 4 d’entre eux sous les balles de la police américaine.

    Non, c’est historique parce qu’inédit (jamais par le passé des manifestants n’avaient pénétré dans le Capitole, jamais non plus le symbolique drapeau Confédéré n’y était rentré…). Parce que c’est le cri de rage de ce peuple sur qui la petite caste politico-médiatique et économique aux manettes, urine depuis depuis des années.

    Il fallait les lire, ce mercredi soir, en France, les Twittos affolés dans les rédactions mainstream, dans les cabinets ministériels. Ils n’avaient pas assez de mots pour décrire leur indignation, leur colère, face à ce coup médiatique réussi mais coup politique échoué (pour le moment). Il fallait les voir ces sénateurs américains, qui prétendent pourtant à faire la pluie et le beau temps d’une des plus grandes puissances mondiales, paniqués, planqués, terrés les uns contre les autres, de peur d’avoir à rendre directement des comptes aux manifestants dans l’enceinte de ce parlement.

    Au delà de ce symbole, ce sont les États-Unis qui sont tout simplement en train d’exploser. Géographiquement, politiquement, culturellement, ethniquement. L’American Way of Life, fantasme de notre petite élite qui multiplie les allers retours outre Atlantique, s’effondre. Le pays est bien trop divisé, les intérêts des uns et des autres bien trop divergents, pour que cela tienne.

    Les « minorités » ethniques sont en passe de ne plus l’être, tandis que la majorité blanche est elle aussi en passe de ne plus être une majorité. Si vous changez la structure ethnique progressive d’un pays, alors il est normal que le pays ne soit plus le même. Culturellement, politiquement, les USA sont divisés entre ceux qui ont fait de ce pays le berceau universitaire de toutes les idéologies les plus folles qui déferlent aujourd’hui sur l’Europe (Gender, LGBTisme, droits des minorités…) et ceux qui entendent bien ne pas céder le moindre centimètre aux fossoyeurs de la famille traditionnelle, de la vie, de l’identité qui a majoritairement contribué à forgé les USA.

    On pourrait dire que « cela ne nous regarde pas », nous les Européens, et nous aurions tort. Depuis qu’ils ont « libéré » le vieux continent à la fin de la Seconde guerre mondiale, les Yankees n’ont eu de cesse de vouloir coloniser l’Europe pour mieux la dominer. Une colonisation mentale, spirituelle, culturelle, commerciale, économique et politique. De Mac Donald's à Deliveroo, de la TV Realité à Netflix, les américains nous ont imposé leur façon de voir le monde. Et pour asservir cette domination, ils ont fondé et dominé durant des décennies les institutions mondiales, de l’OTAN à l’ONU, en passant par l’OMS et toutes les organisations dirigées par la petite caste, et jamais élues par les peuples du monde.

    Ce qui se produit aujourd’hui aux USA arrivera demain, en Europe, et nous commençons déjà à le voir germer. Au nom d’une mondialisation pour laquelle les peuples n’ont pas signé, il se trouve aujourd’hui en Europe beaucoup trop d’ethnies, de religions et de cultures différentes, qui, démographiquement nombreuses, ne pourront pas vivre ensemble à terme.

    Le poison gauchiste/progressiste américain à la sauce Evergreen a par ailleurs contaminé une partie de nos élites, mais aussi de nos universités. Ce qui fait qu’aujourd’hui, ceux qui sont formatés à ce modèle et ce qui y sont formellement opposés ne peuvent plus se parler, se comprendre, et demain, ne pourront plus vivre ensemble, c’est certain.

    Nos élites sont culottées. Cela fait des décennies que certains annoncent le péril en la demeure, que ce soit aux USA comme en Europe, et voici qu’ils accusent maintenant ici les Trumpistes, là les « populistes » ou encore les « factieux d’extrême droite » (et toute la ribambelle de sobriquets dont on affuble désormais les opposants au système, du complotiste au survivaliste….) de semer les germes de la discorde. Alors même que ce sont eux, ceux qui se repassent les postes importants depuis des décennies, comme on passe d’un ministère en France à un poste de diplomate à l’OMS encore en 2021 malgré un échec patent, qui ont tout cassé.

    Non messieurs. Un peu de sérieux. Si Sécession il y a un jour – et elle est bien partie pour exister, au moins demain aux USA – ce sera de votre faute. Vous avez voulu imposer un modèle multiculturel, multi confessionnel, et une mondialisation destructrice, à des peuples qui ne se sont jamais prononcés dans les urnes pour cela. Vous avez voulu mélanger sur des territoires restreints des peuples du monde entier qui pourtant, durant des siècles, ont fait en sorte de vivre tranquillement et plutôt paisiblement chacun sur leurs terres. Vous ne cessez de vouloir culpabiliser l’homme blanc, et ses millénaires d’histoire, tout en prônant la destruction de la cellule familiale et le règne à venir de la femme consommatrice et libérée n’ayant pratiquement plus besoin d’hommes pour se reproduire.

    Et vous vous plaignez ensuite que votre cible refuse de se laisser abattre ? Vous ne comprenez pas que des hommes et des femmes qui portent en eux des siècles d’histoire, de conquêtes, d’inventions, de génies, refusent de mourir ?

    Il serait grand temps d’ouvrir les yeux. Le monde occidental ne se résume pas à celui que l’institut de propagande Netflix voudrait nous décrire dans ses films et ses séries.

    Il y a dans tout l’Occident, des Européens et des descendants d’Européens qui ne se rendront jamais. Les évènements du 6 janvier en sont un petit aperçu.

    « Jouez pas aux cons avec nous ». Tyler Durden.

    Julien Dir (Breizh-info, 8 janvier 2021)

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  • Make America gentle again ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré au faible impact qu'aura l'élection de Joe Biden sur les constantes de la politique étrangère américaine. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.

     

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    Make America gentle again ?

    1/ La présidence de D.Trump se terminera donc comme certaines œuvres de Shakespeare, dans le bruit et la fureur, dans un mélange de tragique et de farce où l’on ne sait plus trop qui est le bouffon et qui est son maître. De quoi donc l’Amérique est-elle désormais le nom ? Jusqu’alors elle représentait la liberté, le dynamisme et la réussite ; aujourd’hui le déferlement de cancel culture et de philosophie woke, d’un côté, l’incapacité à reconnaître ses échecs, de l’autre, associent l’Amérique au déni de réalité.

    Mais les Etats-Unis ont désormais le visage de J.Biden dont la victoire a, certes dans des conditions ahurissantes, été « certifiée » par le Congrès le 6 janvier. Le 6 janvier, c’est le jour pendant lequel les Anciens fêtaient la renaissance de la lumière, source de toute vie, c’est aussi le jour pendant lequel les Chrétiens se réjouissent de la venue de Dieu au monde, venue reconnue et saluée (« certifiée », est-on tenté d’écrire) par les Rois Mages. Doit-on en conclure que J.Biden permettra, comme un autre dirigeant il y a quarante ans, de « passer de l’ombre à la lumière » et apportera l’amour à l’humanité ? Beaucoup, en Europe et particulièrement en France, l’espèrent, voire en sont persuadés.

    Bien sûr, disparaîtront les tweets rageurs, les foucades inattendues et intempestives, les propos vulgaires et les accusations simplistes. Très certainement, la diplomatie sera plus policée et plus courtoise. Sans doute, les Etats-Unis respecteront davantage les accords internationaux, joueront plus que ces dernières années le jeu des organisations internationales et recourront moins au protectionnisme. Mais peut-on espérer que J.Biden fera évoluer la politique étrangère américaine d’une façon favorable à nos espoirs et nos intérêts ?

    2/ Les Etats-Unis n’ont pas attendu D.Trump pour considérer que leur principale menace venait de Chine. B.Obama a cherché à manier à la fois le dialogue dans le domaine économique et l’affirmation de sa puissance aéronavale, puis D.Trump a joué la carte du protectionnisme : les deux ont largement échoué et ont même aidé la Chine à accélérer son autosuffisance et à légitimer sa montée en puissance. Quelle tactique J.Biden utilisera-t-il et celle-ci aura-t-elle davantage de succès ? Rien n’est moins certain et l’Union européenne l’a anticipé il y a quelques jours en signant avec la Chine un accord sur les investissements, montrant qu’elle avait compris qu’elle devait compter sur ses propres forces. Mais cet accord est plus de l’affichage qu’un acte engageant puisqu’il est muet sur les sujets qui handicapent le plus les entreprises européennes : la propriété industrielle, les transferts de technologie, les soutiens publics. La puissance militaire chinoise continuera de croître au moins aussi vite que le PIB du pays, la zone d’influence économique, donc politique, de la Chine continuera de s’étendre comme l’a montré en novembre la signature par quinze pays asiatiques du « Partenariat régional économique global » (RCEP) et les nouvelles routes de la soie continueront d’ouvrir les marchés européens aux entreprises chinoises ; gageons que J.Biden n’y changera pas grand-chose.

    3/ Au Moyen-Orient le mandat de D.Trump s’achève en même temps qu’est franchie une étape importante de la recomposition régionale initiée par la seconde guerre du Golfe et poursuivie par le « printemps » arabe, qui ont l’une et l’autre dynamité les équilibres antérieurs. D’une part, les Emirats Arabes Unis et Bahreïn ont engagé en août un processus de reconnaissance de l’Etat d’Israël auquel le Maroc et le Soudan se sont joints et que l’Arabie Saoudite rejoindra très probablement à brève échéance. D’autre part, les monarchies du Golfe ont fait taire leurs divergences et le Qatar a été réintégré dans le Conseil de coopération du Golfe Persique. Le résultat est clair : Israël et l’Arabie Saoudite, longtemps ennemis mais ayant peu à peu fait taire leur aversion mutuelle, sont à présent les deux piliers d’une alliance régionale contre l’Iran soutenue avec force et moyens par les Etats-Unis. Subsistent cependant deux ombres à ce beau tableau : la Syrie, où la Russie et la Turquie ont empêché l’achèvement du processus de dislocation, et le besoin qu’a R.Erdogan de faire oublier ses échecs économiques par des rodomontades militaires dans les zones à population kurde et dans le bassin méditerranéen oriental. Certains mauvais esprits remarqueront que la situation des Palestiniens n’est toujours pas réglée, mais les Palestiniens n’intéressent plus personne – sauf les Iraniens bien sûr, par Hezbollah interposé, mais par sollicitude réelle ou pour disposer d’une future monnaie d’échange ?

    Il est peu probable que J.Biden ait l’intention de remettre en cause cette belle construction dont les principes correspondent aux objectifs retenus par les Etats-Unis depuis au moins vingt-cinq ans, sous les mandatures démocrates comme républicaines. Il s’est certes dit, durant la campagne électorale, déterminé à réintégrer l’accord JCPOA sur le nucléaire signé en 2015 – donc lorsqu’il était Vice-président – par l’Iran, les Etats-Unis, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France et dénoncé par D.Trump en 2018. Mais il a ajouté souhaiter élargir le champ de l’accord, ce qui réduit singulièrement la portée de l’intention et permettra de justifier tout échec, y compris volontaire, des négociations.

    Les Français n’ont donc ici pas grand-chose à espérer de lui : bien qu’elle ait joué le rôle de supplétif américain en Syrie, la France est sortie du processus de paix en cours et l’on ne voit pas pourquoi les leçons données par E.Macron à la classe politique libanaise inciteraient J.Biden à l’y réintégrer. De même, J.Biden ne va pas reprocher au prince héritier saoudien l’accolade qu’il a donnée récemment à l’émir du Qatar bien qu’elle ait pour conséquence de permettre à ce dernier de continuer à favoriser les ambitions des Frères Musulmans en France et dans tout le pourtour méditerranéen. Enfin, il est peu probable que J.Biden accepte de lever l’embargo pesant sur l’Iran avant l’adoption d’un nouvel accord : un tel accord étant bien incertain, les entreprises françaises ne sont pas prêtes de retrouver les marchés qu’elles avaient, grâce à leurs compétences, conquis dans ce pays.

    4/ C’est l’administration démocrate de B.Obama qui a officiellement reconnu que l’Europe n’est plus la priorité des Etats-Unis : en 2011 H.Clinton, alors Secrétaire d’Etat, a revendiqué un basculement vers l’Asie, l’« Asian pivot ». D.Trump n’a fait que renchérir, notamment en faisant valoir que les Européens ne dépensaient pas suffisamment pour leur propre défense. Mais l’attitude américaine est en fait plus complexe puisque les Etats-Unis ne se privent pas d’utiliser l’OTAN pour influencer la politique étrangère des pays européens et pour faire pression pour qu’ils achètent du matériel militaire américain, freinant de ce fait le développement d’une industrie d’armement européenne. On aurait pu penser que la franchise de D.Trump et ses mauvaises relations avec la chancelière allemande auraient incité les Européens à prendre davantage en main leur propre destin mais ces derniers ont préféré concentrer leurs efforts sur les mesures économiques et sur l’attribution de nouveaux pouvoirs financiers à la Commission. Bien plus, la ministre de la Défense d’Allemagne, dont on pouvait attendre qu’elle favorise l’identité européenne, d’autant que les Etats-Unis sont en train de repositionner une partie de leurs troupes stationnées dans son pays, a préféré déclarer que « l’idée d’une autonomie stratégique de l’Europe va trop loin si elle nourrit l’illusion que nous pourrions assurer la sécurité, la stabilité et la prospérité de l’Europe sans l’OTAN ni les Etats-Unis ». Il est peu probable que J. Biden rompe avec la politique de ses prédécesseurs qui parvient à concilier un relatif désengagement militaire avec le maintien d’un contrôle des stratégies diplomatiques des Européens. Il continuera à pointer du doigt, comme les Démocrates le font avec constance depuis quatre ans, les accointances réelles ou supposées de D.Trump avec les responsables russes, ce qui l’aidera à présenter la Russie comme animée de la même volonté expansionniste que l’URSS : il pourra ainsi empêcher la constitution d’une Europe s’étendant de l’Atlantique à Oural, qui constituerait un troisième pôle mettant à mal le duopole sino-américain.

    A l’outil militaire s’ajoute d’ailleurs l’outil juridique. En faisant condamner par la justice américaine, en application de lois américaines, des entreprises et des banques étrangères qui ont commercé avec des pays frappés d’un embargo américain, les Etats-Unis ont mis en place de manière purement unilatérale un système d’extraterritorialité du droit américain. Or ceci est l’œuvre, non de D.Trump, mais de B.Obama et Technip, Alcatel-Lucent, Total, BNP-Paribas, Alstom et le Crédit Agricole ont versé 11,4 Md$ au fisc américain entre 2010 et 2015, donc sous une présidence démocrate. Est-il raisonnable d’imaginer que J.Biden remettra en cause ce dispositif institué lorsqu’il était Vice-Président, alors même que le Congrès, avec l’adhésion des Démocrates, vient de le renforcer et de l’étendre en adoptant l’Anti-Money Laundering Act qui, au nom bien sûr de la lutte contre la corruption, permet désormais au Department of the Treasury et au Department of Justice d’accéder aux comptes des banques étrangères et, en cas de refus, d’infliger une amende à l’établissement financier récalcitrant et de lui interdire toute relation avec ses homologues américains ?

    5/ Les présidents des Etats-Unis ont également fait preuve de leur capacité à promouvoir et défendre leurs grands champions économiques exerçant leur activité dans les domaines de souveraineté. Les GAFA sont devenus d’extraordinaires machines de captation des revenus publicitaires (Google et Facebook recueillent 50 % de la publicité en ligne mondiale) mais surtout des données individuelles et, comme l’actualité le montre, des instruments d’une censure collective ou privée extrajudiciaire ; incapable de faire émerger des concurrents, l’Europe n’a trouvé de solution que dans la voie fiscale mais le dernier épisode du feuilleton de la « taxe GAFA » n’est pas pour demain : les membres de l’équipe de J.Biden qui ont exercé des responsabilités dans un des GAFA ou chez Twitter seront attentifs à ce dossier, comme l’ont été leurs prédécesseurs des équipes de B.Clinton ou de B.Obama. Dans le domaine spatial, le contraste est grand entre, d’un côté Blue Origin et Space X qui, grâce aux financements apportés par la NASA, ont fait le pari des ruptures que sont la réutilisation des lanceurs et la miniaturisation des satellites, ce qui permet de réduire drastiquement les coûts, et de l’autre Arianespace qui a conçu Ariane 6 en fonction des conceptions traditionnelles ; de même, la Commission européenne a attendu décembre dernier pour annoncer la sélection de neuf entreprises chargées d’une étude de faisabilité d’un réseau de communication par satellites alors que Space X a commencé dès mai 2019 le déploiement de sa constellation Starlink dont 895 satellites avaient déjà été déployés fin octobre dernier. Dans le domaine médical enfin, il est frappant de constater que les deux premiers vaccins contre la Covid, ceux de Pfizer et de Moderna, sont américains et utilisent une technologie nouvelle, passant par l’ARN, permettant une mise sur le marché plus rapide. 

    Les Européens, clairement à la traîne des Etats-Unis dans ces domaines, sont toutefois en grande partie responsables de cette situation. Si les Américains ont une plus grande capacité à discerner les évolutions technologiques et à financer les initiatives disruptives, au nom de quoi pourrait-on le leur reprocher ? Les start-up françaises savent que pour se développer elles trouveront davantage de capitaux auprès d’investisseurs américains (ou chinois) qu’auprès de leurs homologues français, d’autant que, sauf dans l’aéronautique et l’énergie, les grands groupes français privés ont peu d’appétit pour les domaines de souveraineté (le luxe représente 33 % de la valorisation du CAC 40). 

    Si les Européens veulent corriger ce déséquilibre, ils doivent donc compter sur eux et non attendre de J. Biden une remise en cause d’un système dont les performances sont indubitables.

    6/ J.Biden gouvernera très probablement selon des méthodes et avec un style qui n’auront pas grand-chose à voir avec ceux de D.Trump. Mais ses grandes orientations de politique étrangère seront-elles différentes et favoriseront-elles davantage les intérêts de la France ? C’est peu probable. Comme ses prédécesseurs, J.Biden cherchera avant tout à défendre les intérêts des Etats-Unis et c’est bien normal : il a été élu pour cela. Dans certains domaines ces intérêts sont communs avec ceux de la France, dans d’autres pas, et la venue aux affaires de J.Biden ne changera pas grand-chose à ce constat. S’imaginer que le second président catholique des USA a pour seule ambition, tel le bodhisattva Avalokiteshvara, de faire régner la compassion et l’harmonie est une vue de l’esprit.

    Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 11 janvier 2021)

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  • Que faire lorsque l’État est défaillant ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Lionel Rondouin, cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré à la nécessité de surmonter la défaillance de l'Etat moderne en renouant avec l'idéal de l'Etat classique.  Normalien, enseignant en classe préparatoire, Lionel Rondouin est spécialiste des questions de sécurité économique et a travaillé dans l'industrie.

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    Fondements philosophiques de l’autodéfense

    À Portet-sur-Garonne, près de Toulouse, le propriétaire d’un terrain vient de prendre des mesures radicales contre les « gens du voyage » qui occupent périodiquement un terrain qui lui appartient. À chaque fois que ces nomades occupent son terrain avec des dizaines de voitures et de caravanes, ledit propriétaire, un citoyen local (en l’espèce un sous-homme, selon la philosophie politique de Jacques Attali, qui tient les sédentaires enracinés pour des arriérés), se rend à la gendarmerie, où on lui explique qu’on n’y peut rien. Il s’adresse ensuite à la justice et entame une procédure coûteuse qui, au bout de plusieurs semaines, aboutit à une décision d’expulsion, laquelle ne prend effet qu’au bout de plusieurs autres semaines ; après quoi, il reste à la charge du propriétaire le nettoyage des lieux…

    Aux grands maux, les grands remèdes

    Le propriétaire a donc choisi d’inverser la logique des choses. Puisqu’on ne peut – paraît-il – empêcher les squatters d’entrer et de résider chez lui, il a fait en sorte de les empêcher d’en sortir. À la dernière intrusion, il a loué une pelleteuse et creusé un fossé entre le terrain et la route d’accès, puis une grue, grâce à laquelle il a déposé un bloc de béton de trois tonnes au milieu du chemin d’accès au terrain. En se serrant sur le bas-côté, les voitures peuvent passer, mais pas les caravanes qui restent bloquées sur le terrain.

    Maintenant, c’est au tour des nomades de se plaindre auprès de la gendarmerie, qui n’y peut rien, comme d’habitude, et renvoie les plaignants vers la justice, comme d’habitude. Ce qui ravit le propriétaire, qui leur dit juste : « Bon courage, chacun son tour ! » Cela me ravit, moi aussi, au passage, mais là n’est pas la question…

    Derrière cette anecdote, qui, de prime abord relève du jeu classique de la réponse du berger à la bergère sous une forme drolatique, se joue un problème de philosophie politique fondamental : la légitimité et le rôle de l’État. 

    Pourquoi l’État ?

    Notre philosophie politique, telle qu’acceptée par la doxa depuis les Lumières, repose sur la notion de pacte ou de contrat social, héritée de Hobbes et de Locke, deux philosophes anglais du XVIIe siècle. Dans le Léviathan, Hobbes réfute la théorie classique d’Aristote, puis de l’Église, comme quoi l’homme est par nature un animal social. Hobbes explique qu’à l’état de nature – c’est bien sûr une uchronie, un mythe non historique – l’homme est violent et égoïste et que la règle de la vie primitive était la guerre de tous contre tous. Lassés de cette anarchie meurtrière, les hommes, un jour, décidèrent de passer entre eux un contrat et d’inventer une entité nouvelle, l’État, en lui déléguant une part de leur liberté, en contrepartie du maintien d’un ordre social. Pour assurer son rôle, il fallait que l’État fût fort, redouté et équitable. C’est pourquoi Hobbes assigna à l’État le nom symbolique de Léviathan, un monstre biblique, cruel dragon des mers qui sortira des eaux pour ravager les cités pécheresses à la fin des temps.

    Cette jolie fable constructiviste (qui nie un ordre naturel des choses, à savoir le caractère essentiellement et originellement social de l’être humain, préexistant à toute projet prétendument rationnel d’organisation sociale) justifie le « monopole de la violence légitime » de l’État qui, par son statut et son action d’entité publique, au service de l’intérêt général, forte, redoutée et équitable, abolit la violence et la vengeance privées. Les forces de l’ordre et la Justice sont en l’espèce les bras armés de l’État dans l’exercice de sa mission de contrainte et de répression. Tout cela est bel et bon. Il faudra au passage expliquer à Christophe Barbier, à Alain Duhamel et aux syndicats de commissaires qu’éborgner les citoyens à coups de lanceurs de balles de défense ne relève que tangentiellement de l’exercice d’une violence légitime, mais on ne va pas s’appesantir. Pour être exercée par un pouvoir légal, la violence n’est pas pour autant légitime.

    L’impuissance de l’État

    Mais allons plus au fond des choses et revenons à notre propriétaire de Portet-sur-Garonne. Admettons, à des fins exploratoires, qu’il y ait un contrat entre l’État et les citoyens.

    S’il y a contrat, il y a échange de services entre eux ou de services contre une compensation financière, par consentement mutuel entre parties librement contractantes, et tout contrat prévoit les raisons et les modalités d’une rupture du contrat en cas de défaillance de l’une des parties. Un contrat, c’est fait pour se marier, mais cela prévoit les conditions du divorce…

    En l’occurrence, à Portet-sur-Garonne, on constate une défaillance de l’État. Il en va de même pour tous les citoyens et entreprises de tout ordre qui se font dévaliser, agresser, cambrioler, avec ou sans violence. L’État manque à ses obligations contractuelles de protection de la propriété ou du droit à la sécurité physique des biens et des personnes, qui restent des droits fondamentaux. Que ce soit par défaillance des forces de l’ordre ou de la Justice, qu’il s’agisse d’incurie, de manque de moyens (ah, le « manque de moyens », la ritournelle des débats télévisés… Le manque de moyens, c’est la balle en touche du syndicaliste…) ou de volonté politique, la faute de policiers incapables, de juges gauchistes ou de ministres de la Justice déviants, c’est là l’objet de débats médiatiques et politiques, mais cela n’a aucune conséquence sur le constat que nous faisons. Il n’y a pas en l’espèce de cas de force majeure à plaider pour exonérer l’État de ses obligations.

    Mon arrière-grand-mère ne fermait pas sa porte à clé

    Permettez-moi une anecdote personnelle pour illustrer mon propos sur la dégénérescence de la fonction régalienne. J’ai bien connu une de mes arrière-grands-mères, morte à 94 ans, en 1964. Cette personne, née sous Napoléon III, était de condition modeste, dans un milieu rural, mais elle a passé toute sa vie dans un luxe extraordinaire dont elle n’a jamais eu conscience et que seules nos générations peuvent comprendre aujourd’hui. Jamais de sa vie elle n’a fermé sa maison à clé, même la nuit, même quand elle s’absentait. Je ne sais même pas si elle avait une clé, on avait dû l’égarer sous la présidence d’Émile Loubet… Il est vrai qu’il n’y avait pas forcément grand-chose à voler, mais aussi l’État-Léviathan remplissait ses obligations contractuelles supposées et une deuxième condamnation pour vol, surtout avec violence, exposait le contrevenant à un séjour en Guyane, jusqu’en 1938. Oui, je sais, c’est réac mais, jeunes lecteurs, imaginez-vous quel sentiment de confort on ressent à ne pas avoir besoin d’antivol pour son vélo ? C’est un luxe dont on jouissait encore dans les années 70.

    Bien entendu, cette société connaissait des crimes et des délits, malgré la répression judiciaire et une grande efficacité de l’État dans l’exercice de ses fonctions régaliennes. Mais, à une époque où le téléphone était rare et le téléphone portable n’existait pas, et où donc le temps d’intervention des agents de la force publique était supérieur à celui d’aujourd’hui, la société, l’État et la Justice acceptaient le principe de l’auto-défense en l’absence de secours publics immédiats. C’était là faire preuve de sagesse et de logique. Seule était bannie l’auto-justice, la vengeance privée. On voit bien là la dégénérescence de l’État régalien (dans ses composantes exécutives, judiciaires et législatives).

    Les impôts en échange de la sécurité

    Pour revenir aux théories de Hobbes, elles recèlent une faiblesse potentiellement très dangereuse pour la légitimité, voire l’existence même de l’État. Elles supposent en effet que l’État est efficace, comme si c’était une vérité d’évidence, un fait de nature.

    Or, l’État contemporain est, de fait, globalement inefficace en termes de rapport entre les services rendus et les coûts (les fameux « prélèvements obligatoires », soit le pourcentage de la richesse produite par la société qui est prélevé par l’État). Une école de pensée états-unienne, les « anarcaps » ou « anarcho-capitalistes », en a développé une théorie qui ne manque pas de pertinence intellectuelle dans l’analyse.

    Rappelons que, dans une société non tyrannique, la liberté inclut parmi ses composantes essentielles le principe du consentement à l’impôt.

    Notre propriétaire de Portet-sur-Garonne, après cinq ou six chemins de croix auprès de la maréchaussée et de l’administration judiciaire, quel est son sentiment ? « Il est sympa, l’adjudant X ; il compatit vraiment à mes problèmes. Le juge est débordé, mais il a pris le temps de m’expliquer pourquoi c’était si long de régler l’affaire, à cause des lois. Ce n’est pas que les personnes soient désagréables. Le problème, c’est que ça ne fonctionne pas. Et après, il faut que je fasse enlever les poubelles et les saletés qu’ils ont laissées. Quand je pense à tout ce que je paye comme impôts… »

    Ensuite, le même loue, à ses frais, une pelleteuse, une grue et un bloc de béton de trois tonnes pour mettre en œuvre la seule méthode qui lui reste, selon lui, pour dissuader à l’avenir les squatters de s’installer chez lui. « Quand je pense à tout ce que je paye comme impôts ! La gendarmerie et la justice, ça ne sert à rien et ça coûte cher. Et après il faut dépenser de l’argent pour régler soi-même les problèmes… »

    Et là commence le chemin qui mène au refus du consentement à l’impôt, refus que les « anarcaps » justifient par la nécessité de recourir, aux frais du citoyen, aux prestations de sociétés privées pour rendre les services nécessaires au bon fonctionnement de la société. C’est la conséquence de la rupture du contrat social par l’État défaillant. D’une manière moins intellectualisée, le phénomène Gilets jaunes dénonce cette même rupture et se révolte contre une oppression fiscale injuste, inégalitaire et mal répartie entre les classes sociales et les territoires.

    L’inefficacité de l’État est hors de prix

    Les « anarcaps » ont-ils tort ? Non, dans la description qu’ils font du phénomène. Comparons, sur soixante ans, la qualité des services rendus par l’État et le montant des prélèvements obligatoires. Quand mon arrière-grand-mère est morte, le taux de prélèvement était de 36 % du PIB. Les villes et les campagnes étaient plus sûres ; la Sécurité sociale remboursait à 100 % ; les cathos mettaient sans problème leurs enfants au lycée public « sans Dieu » où ils recevaient un enseignement de très haute qualité (même de professeurs communistes ou SFIO) ; les trains arrivaient à l’heure et, dans les grandes villes aux activités commerciales et industrielles intenses, le facteur passait deux fois par jour déposer le courrier.

    Aujourd’hui, le montant des prélèvements obligatoires avoisine officiellement les 48 %. Tout augmente…

    En réalité, dans une perspective historique, ce dernier chiffre est faux comme une déclaration d’Olivier Véran. Il faudrait en effet y rajouter les dépenses qu’engagent aujourd’hui les entreprises et les particuliers pour pallier la défaillance de l’État et se garantir une qualité de services égale à celle dont ils jouissaient « gratuitement » il y a quelques décennies. On peut considérer ces dépenses comme des dépenses contraintes assimilables à un impôt transféré au privé. 

    Par exemple : le chiffre d’affaires de l’industrie de la sécurité privée, du fait de la défaillance de l’État régalien. Cette industrie n’existait pratiquement pas, parce qu’on n’en avait pas besoin ou, à tout le moins, pas à l’échelle actuelle, et sa croissance est aujourd’hui exponentielle. Vigiles aux portes des magasins et dans les usines ; industrie de la télé-surveillance des domiciles et des établissements (installations fixes, personnel de veille et d’intervention). On y rajoute l’augmentation du coût des assurances, etc…

    Par exemple : les dépenses de mutuelles médicales aux frais des entreprises et des salariés et retraités.

    Par exemple : la différence de chiffre d’affaires de l’école privée entre 1960 et aujourd’hui, où le choix de l’école privée n’est plus majoritairement une décision confessionnelle, mais la nécessité de protéger ses enfants de la « fabrique du crétin » (l’école publique) ; le chiffre d’affaires d’Acadomia et consorts ; etc…

    Si on réintègre tous les coûts de services privatisés du fait de la défaillance de l’État par rapport aux années 60, je ne crois pas me tromper en estimant à 60 % et non 48 %, chiffre officiel, le montant des prélèvements obligatoires tels qu’on les définissait alors, à services comparables rendus par l’État. Et là, on commence à trouver que ça fait cher… 

    Alors, les « anarcaps » ont-ils raison sur tout ?

    Non, leur conclusion, la nécessaire et souhaitable extinction de l’État, est erronée de bout en bout. Bon diagnostic, mauvaise thérapeutique… Il s’agit en effet pour nous de définir les conditions et les modalités de restauration d’un État capable et efficace, alors que les anarcaps « jettent le bébé avec l’eau du bain ».

    Les « anarcaps », en tant qu’ils sont anars, cultivent une vision « micro » de la société, basée sur la proximité, et croient effectivement que le groupe est régi par des systèmes de relations et d’échanges interpersonnels, de type libertaire, égalitaire et contractuel. Ils n’envisagent pas l’origine, la nature, la profondeur historique et les intérêts collectifs des grands groupes humains comme les peuples et les nations. En tant que capitalistes, ils réduisent la relation entre les individus et les groupes à l’échange intéressé et à la maximisation du profit, dans une approche matérialiste et court-termiste de la société où rien n’existe que le quantifiable dans l’instantané du temps. L’histoire n’entre pas dans les catégories mentales de l’« anarcap ». On peut rompre le contrat préexistant et tout privatiser.

    Là est la faille. Les sociétés ne sont pas des agrégats d’individus indifférenciés contractant librement et, si l’on peut souscrire au diagnostic d’un État contemporain tout aussi obèse qu’inefficace, l’État classique reste le seul instrument connu qui, convenablement mené, garantisse la sécurité et la pérennité des communautés humaines organiques. L’homme – zoon politikon, dit Aristote – est l’animal social et politique à la fois, social et socialisé parce que politique, inscrit dans une cité qui n’est ni un groupe auquel tel ou tel viendrait s’agréger sans contrainte, ni un simple marché où s’échangent des services.

    Alors que le monde contemporain (y compris aux États-Unis, pays des « anarcaps ») et les populations sont soumises à trois angoisses simultanées, à trois menaces perçues comme mortelles – sécuritaire, économique et identitaire, ou culturelle si vous préférez –, l’État reste la seule réponse connue. Lui seul peut préserver la frontière et l’identité, ainsi que les lieux de débat et de prises de décisions collectives qui engagent l’avenir de la communauté.

    En revanche, et l’on donnera raison à Hobbes sur ce point, l’État doit être fort, respecté parce que respectable, et équitable. Nous en sommes loin aujourd’hui. 

    La bonne nouvelle est économique. Les « anarcaps » auraient dû y réfléchir. C’est qu’un État efficace, minimal parce que centré sur le régalien, fort, respecté et équitable, revient beaucoup moins cher aux contribuables qu’un État incapable, obèse, faible, décrié et injuste.

    Lionel Rondouin (Site de la revue Éléments, 7 janvier 2021)

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  • Quelle stratégie au Sahel...

    Après la mort de cinq soldats français, tués en opération au cours des derniers jours, nous reproduisons ci-dessous deux points de vue consacrés à la stratégie de la France au Sahel et au devenir d'une opération militaire débutée il y a près de huit ans, l'un de Renaud Girard, journaliste au Figaro, spécialiste des conflits armés, cueilli sur le site de Geopragma, et l'autre de Bernard Lugan, historien et africaniste, cueilli sur son blog.

     

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    Repenser notre stratégie au Sahel

    Cela fait maintenant huit ans que l’armée française est déployée au Sahel. Dans la seule semaine chevauchant le jour du nouvel an 2021, cinq de ses soldats y ont trouvé la mort. Ils furent tués à l’est du Mali, par ces bombes artisanales cachées sous le sable des pistes, qu’on appelle IED (Improvised Explosive Devices) dans le jargon militaire, depuis les dernières interventions occidentales en Afghanistan et en Irak.

    Huit années, c’est déjà plus long que la guerre d’Algérie. Les résultats en matière de stabilisation régionale ne sont pas éblouissants, c’est le moins qu’on puisse dire. C’est un dossier où il vaut mieux éviter les y a qu’à et les faut qu’on, car personne ne possède de potion miracle pour garantir la réussite des interventions occidentales en terre d’islam. Il serait absurde de précipiter le départ des forces françaises, car elles sont aujourd’hui les seules à empêcher que le Mali, ancienne colonie de l’Afrique occidentale française, vaste comme deux fois et demi l’hexagone, se transforme en sanctuaire pour djihadistes internationalistes.

    Mais, au bout de huit ans sans résultat patent, ne convient-il pas de regarder la situation en face, afin de repenser notre stratégie ?

    Provoquée par l’intervention militaire franco-britannique du printemps 2011, la chute brutale du régime Kadhafi a aggravé une situation économique et sécuritaire déjà très précaire dans la région sahélienne. Les stocks d’armes de la Libye se sont retrouvées aux mains de milices incontrôlables professant l’islamisme, s’enrichissant du trafic de la drogue et des êtres humains, et profitant du sanctuaire du sud algérien.

    Au Mali, on peut se demander aujourd’hui s’il n’y a pas un lien entre l’arrivée dans le sud libyen de djihadistes syriens mercenaires de la Turquie et l’intensification des attaques par IED. Une chose est sûre : la région intéresse le président Erdogan, qui a proposé au Niger, il y a six mois, d’y installer une base militaire.

    Suite au sommet de Pau de janvier 2020, où les pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina, Niger, Tchad) ont manifesté leur souhait du renforcement de la présence française, 5000 soldats français sont aujourd’hui déployés dans la région, aidés de plus en plus efficacement par 5000 soldats sahéliens, incapables cependant aujourd’hui de prendre le relais. Le Mali dispose en outre des forces onusiennes de la Minusma, 13000 hommes, statiques, mais dont le rôle reste essentiel pour la stabilité d’un pays dépourvue de réelle administration. 

    Malgré ces déploiements militaires, la perspective sécuritaire ne s’est guère améliorée au Mali, car les problèmes de fond n’y ont pas été réglés. C’est un pays artificiel, où les Touaregs du nord n’acceptent pas d’être gouvernés par les Noirs du sud, qui furent jadis leurs esclaves. Les idéologues islamistes ont su instrumentaliser à leur profit ces revendications anciennes. Aux exactions islamistes se sont ajoutées les luttes interethniques dans la boucle du Niger, notamment entre Peuls et Dogons, entre pasteurs et agriculteurs. L’armée malienne s’est montrée autant incapable de détruire les groupes djihadistes que de désarmer les milices d’autodéfense ethniques. On retrouve le même problème au nord du Burkina Faso.

    Les pays de l’UE apportent une aide au développement d’un milliard d’euros au Sahel, mais leurs hommes ne sont pas prêts à venir y mourir aux côtés des soldats français. La France parvient à tuer un certain nombre de chefs djihadistes plus ou moins médiatisés, sans parvenir à dissuader de nouvelles vocations. Dans la population, la perception de soldats étrangers en armes est forcément fluctuante : ils peuvent passer très rapidement du statut de protecteurs à celui d’occupants. Ils deviennent des boucs-émissaires s’ils se révèlent incapables de maintenir la paix civile, quand bien même son viol résulte de facteurs locaux totalement extérieurs à eux.

    La France a-t-elle vocation à redevenir le gendarme du Sahel, ce qu’elle fut de 1890 à 1960 ? Voici la question qu’il faut se poser avant de repenser notre stratégie. N’est-il pas temps de prévenir les Etats africains qu’il leur appartient de gérer leur sécurité et que l’armée française ne restera pas éternellement sur le terrain pour les protéger ? Un coup de main occasionnel, oui. Une protection parentale ad vitam aeternam, non ! Ce sont des configurations dynamiques qui conviennent à l’armée française sur le terrain africain. Pas des configurationsstatiques, car elles finissent fatalement par être perçues comme de l’administration coloniale.

    Au Sahel, il faut élaborer une stratégie de sortie progressive, reposant sur la montée en puissance des armées africaines, laquelle passe d’abord par de la formation, française mais aussi européenne. En Afrique, aide ton ami à se défendre. Mais si tu persistes à le faire à sa place, tu lui rendras à long terme le plus dangereux des services.

    Renaud Girard (Geopragma, 5 janvier 2021)

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    Mali : allons-nous continuer encore longtemps à faire tuer nos soldats parce que les décideurs français ignorent ou refusent de prendre en compte les réalités ethno-politiques locales ?

    C’est très probablement en représailles de la mort de Bag Ag Moussa, un des principaux adjoints du chef touareg Iyad ag Ghali tué par Barkhane le 10 novembre 2020, que deux Hussards de Chamborant (2° de Hussards), ont perdu la vie le samedi 2 janvier, à quelques kilomètres de la base de Ménaka, quand leur VBL (véhicule blindé léger) a sauté sur une mine.

    A la différence de la mort de nos trois hommes du 1° Régiment de Chasseurs de Thierville survenue le lundi 28 décembre, au sud de Gao, l’explosion qui a provoqué celle des deux Hussards s’est produite plus au nord, dans une région qui était devenue « calme », les décideurs français semblant avoir enfin compris qu’ici, nous ne sommes pas face au même jihadisme que plus au sud. Comme je ne cesse de le dire depuis des années, et comme je le montre dans mon livre Les Guerres du Sahel des origines à nos jours, ici, le conflit n’est en effet pas à racine islamiste puisqu'il s’agit d’une fracture inscrite dans la nuit des temps, d’une résurgence ethno-historico-économico-politique touareg conjoncturellement abritée derrière le paravent islamiste.

    Pour bien comprendre la situation, il nous faut revenir en arrière, au mois de juin 2020 avec la mort de l’Algérien Abdelmalek Droukdal, le chef d’Al-Quaïda pour toute l’Afrique du Nord et pour la bande sahélienne, abattu par l’armée française sur renseignement algérien. Cette liquidation qui libérait le Touareg Iyad ag Ghali de toute sujétion à l’Arabe Abdelmalek Droukdal, s’inscrivait dans le cadre d’un conflit ouvert qui avait éclaté entre les deux branches du jihadisme régional. L’EIGS (Etat islamique dans le Grand Sahara), rattaché à Daech prône en effet la disparition des ethnies et des Etats et leur fusion dans le califat universel. Tout au contraire, le groupe d’Al-Qaïda, dirigé par Iyad ag Ghali « associé » aux services algériens privilégie l’ethnie touareg et ne demande pas la disparition du Mali.

    Le coup d’Etat qui s’est produit au Mali au mois d’août 2020, a ensuite permis de donner toute liberté à la négociation entre Bamako et la branche locale d’Aqmi, avec pour but de régler le conflit du nord Mali. Pour la France, l’opération était entièrement profitable car cela permettait de fermer le front du nord.


    Même si nous avons perdu ce « doigté » qui était une de nos spécialités à l’époque des « Affaires indigènes » et ensuite des emprises militaires permanentes, dans la durée, avec des unités dont c’était la culture, il allait donc être possible, avec un minimum d’intelligence tactique, et en jouant sur cette opposition entre jihadistes, de laisser se régler toute seule la question du nord Mali. Et cela, afin de commencer à nous désengager après avoir concentré tous nos moyens sur la région des « 3 frontières », donc sur l’EIGS, et également sur certains groupes peul jouant sur plusieurs tableaux à la fois [1].


    Or, le 10 novembre 2020, une insolite opération française menée près de Ménaka, donc en zone touareg, s’est soldée par la mort de Ba Ag Moussa, un des principaux adjoints de Iyad ag Ghali. Les Touareg ayant pris cette action comme une provocation, il était donc clair qu’ils allaient mener des représailles.

    Par devoir de réserve, je n’ai alors pas commenté cette opération sur mon blog, mais j’ai prévenu « qui de droit » que les Touareg allaient, d’une manière ou d’une autre, venger la mort de Ba Ag Moussa et qu’il allait falloir être vigilants dans la région de Ménaka. D’autant plus que, alors que, depuis plusieurs mois, les opérations françaises avaient évité la zone touareg, les derniers temps, elles y avaient repris. Comme si un changement de stratégie avait été décidé à Paris, un peu « à l’américaine », c’est-à-dire en « tapant » indistinctement tous les GAT (Groupes armées terroristes) péremptoirement qualifiés de « jihadistes », et peut-être pour pouvoir « aligner du bilan ». Une stratégie sans issue reposant sur une totale méconnaissance des réalités ethno-politiques locales, et dont nos soldats viennent de payer le prix sur le terrain.

    Le signal donné par les Touareg étant donc clair, aux autorités françaises d’en tirer maintenant les leçons. Veulent-elles oui ou non ré-ouvrir à Barkhane un deuxième front au nord ?

    En ce jour de tristesse, j’ai une pensée particulière pour le sergent Yvonne Huynh, avec lequel, à la veille de son deuxième séjour au Mali, j’avais longuement échangé sur les causes profondes du conflit, et je tiens, à travers ce communiqué, à faire part de mes sincères condoléances aux « Frères bruns », ses camarades de Chamborant hussards.

    Bernard Lugan (Blog de Bernard Lugan, 3 janvier 2021)

    Note :

    [1] L’on pourra à ce sujet se reporter à mon communiqué en date du 24 octobre 2020 intitulé « Mali : le changement de paradigme s’impose ».

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