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Entretiens - Page 195

  • Penser la censure aujourd'hui...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Jean Bricmont à l'Agence Info Libre. Chercheur et professeur en physique théorique, Jean Bricmont est un disciple de Noam Chomsky et un défenseur de la liberté d'expression.

     

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  • Alain de Benoist contre la théorie du genre...

    Nous reproduisons ci-dessous un court entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur le blog de la revue Éléments et consacré à la théorie du genre. Alain de Benoist, qui a consacré une large partie de son dernier essai, Les démons du Bien (Pierre-Guillaume de Roux, 2013) à cette idéologie, doit y revenir prochainement dans Non à la théorie du genre ! , un court ouvrage polémique qui sera publié aux éditions Mordicus.

     

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    Alain de Benoist : «Non à la théorie du genre !»

    Si l’on en croit les journalistes Samuel Laurent et Jonathan Parienté, du « Monde », la « première escroquerie des anti-“gender” » est qu’ils « postulent qu’il existe une idéologie du “gender” ». Connaissant sans doute mieux la question, Sylvain Bourmeau, le directeur de « Libération », est déjà moins catégorique. Certes, lui aussi dit que la « théorie du genre » n’existe pas, mais qu’elle est un « précieux concept de genre que la gauche gagnerait à revendiquer haut et fort ». Concept, idéologie, théorie, comment appeler ce drôle de « genre » ?

    Il est parfaitement ridicule de nier l’existence d’une théorie ou idéologie du genre à laquelle des dizaines d’ouvrages ont déjà été consacrés, alors même qu’on s’emploie à en promouvoir les principes. Les journalistes dont vous parlez font marche arrière, car ils découvrent l’ampleur des protestations suscitées par la théorie du genre. Ces gens-là se moquent du monde. Vincent Peillon, lui aussi, affirme maintenant que la théorie du genre n’est pas enseignée à l’« école de la République ». Mais en même temps, il adresse aux directeurs d’établissements scolaires des « outils pédagogiques » lié à un dispositif dit « ABCD de l’égalité », qui se propose de « déconstruire » dès le plus jeune âge des « stéréotypes » qui ne peuvent être considérés comme tels qu’à la condition d’adhérer à la théorie du genre. L’un de ces « outils », par exemple, explique doctement, à propos de la « danse scolaire du Petit Chaperon rouge » (sic) que les filles devront être incitées à jouer le loup, tandis que le rôle du Petit Chaperon rouge sera attribué aux garçons, « la lutte contre les stéréotypes passant d’abord par la mixité des rôles loup-Chaperon ». Ces mots sont révélateurs. Avec l’ambition affichée de « mixer les rôles », il ne s’agit plus du tout de lutter contre les discriminations… 

    La théorie du genre se révèle par là pour ce qu’elle est : une héritière de ce féminisme égalitaire qui, bien loin de s’employer à réhabiliter ou promouvoir le féminin, proclame qu’il ne peut y avoir d’égalité entre les hommes et les femmes qu’à la condition de faire disparaître tout ce qui permet de les distinguer. Une telle ambition relève clairement de ce que j’ai appelé l’idéologie du Même – une idéologie allergique aux différences, pour laquelle l’égalité est synonyme de mêmeté, une idéologie qui milite en faveur de l’indistinction généralisée.

    Il existe une critique chrétienne de l’« idéologie du genre ». Elle s’est déployée d’ailleurs avec beaucoup de vigueur et de force pendant la « Manif pour tous ». On s’en doute, votre approche est différente, puisque vous avez écrit : « L’idéologie du genre, c’est le grand retour du cache-sexe. L’idéologie feuille de vigne : non plus “cachez ce sexe que je ne saurais voir”, mais “cachez ce sexe qui n’a rien à nous dire” ». En quoi votre critique est-elle différente ?

    Dans les milieux catholiques, l’idéologie du genre est surtout interprétée comme une théorie visant à légitimer l’homosexualité (dans laquelle le Vatican voit une « conduite sexuelle désordonnée »). C’est à mon sens voir les choses par le petit bout de la lorgnette. La théorie du genre va beaucoup plus loin. En affirmant que l’identité sexuelle n’a aucun rapport avec le sexe, mais se ramène à une « construction sociale » qui ne se fonde sur rien d’autre que le désir individuel ou l’influence du milieu, elle se dévoile en réalité comme une idéologie anti-sexe, liée à un simple fantasme d’auto-engendrement. On se garde de le dire chez les chrétiens, car au cours de son histoire le christianisme a lui-même entretenu des rapports pour le moins ambigus avec la notion de sexe.

    Peut-on « fabriquer » une fille en élevant un enfant « neutre » comme une fille, ou un garçon en l’élevant comme un garçon ? L’être humain est-il « neutre » en matière de sexe ?

    Les philosophes des Lumières considéraient l’individu comme une table rase à la naissance, une cire vierge. Le postulat de « neutralité » en matière de « genre » que soutient la théorie du même nom se situe dans le prolongement de cette croyance. Ce n’est bien entendu qu’un mythe, contredit par toutes les études empiriques dont on dispose. Celles-ci nous montrent que, dès la naissance, les comportements des garçons et des filles, leurs prédispositions, leurs affinités, etc. sont différents, et que ces différences se retrouveront plus tard dans tous les domaines de la vie. Les travaux réalisés sur les primates montrent de leur côté qu’on retrouve chez les grands singes des différences analogues : les petites guénons préfèrent jouer avec des poupées, les petits mâles avec des bâtons ou des ballons – ce qui ne peut évidemment s’expliquer chez eux par une « attente sociale » ou culturelle. Non seulement, il n’y a pas de « neutralité » sexuelle chez l’être humain, mais le sexe n’est pas qu’une affaire d’organes génitaux. Même le fonctionnement du cerveau diffère chez les hommes et chez les femmes ! Ce qui n’enlève bien entendu rien à l’égale valeur du féminin et du masculin.

    Alain de Benoist (Blog Éléments, 3 février 2014)
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  • La gauche Terra Nova a déclaré la guerre au peuple !...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Eric Zemmour, publié dans le Figaro et consacré à la guerre menée par la gauche oligarchique contre le peuple français...

     

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    Zemmour : « La gauche Terra Nova a déclaré la guerre au peuple »

    Depuis la dernière conférence de presse de François Hollande, la plupart des éditorialistes de droite comme de gauche applaudissent le tournant social-libéral du président de la République. Mais François Hollande n'a-t-il pas toujours été social-libéral?

    Pour moi, il n'y a pas de tournant. À partir du moment où François Hollande avait ratifié le traité budgétaire signé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, et où ni l'Euro ni le libre-échange n'étaient remis en cause, il n'y avait pas d'autre politique possible. François Hollande, héritier de Jacques Delors le savait depuis le début de son mandat, sans doute même depuis la campagne électorale. Pour prendre une image automobile, le président de la République est sur l'autoroute de cette politique là et auparavant il n'a fait qu'acquitter des péages à la gauche qui l'avait porté au pouvoir: la taxe à 75%, les mots sur la finance qui serait son «ennemi»…

    Certains vont même jusqu'à parler de Bad Godesberg français... De quand date réellement la conversion de la gauche française au libéralisme?

    Le virage le plus récent et le plus marquant est celui de 1983, lorsque François Mitterrand arrime la monnaie française au Deutsche Mark et se jette dans le libre-échange. À partir de ce moment-là, la messe est dite et la gauche s'éloigne des classes populaires. Un lent abandon qui est théorisé par la note de Terra Nova avant la présidentielle de 2012 qui recommandait au PS de «remplacer» le peuple par les immigrés et à la marge par les cadres et les femmes diplômées. Comme l'a fait, avec brio, le philosophe Jean-Claude Michéa, il faut remonter beaucoup plus loin. Le tout premier tournant date de la fin du XIXe siècle avec l'affaire Dreyfus. Au nom de la défense des droits de l'homme, les socialistes se sont alors ralliés à la gauche libérale renonçant à leur spécificité: la volonté de contraindre l'individu au nom de l'intérêt supérieur de la collectivité. À partir de ce renoncement, le socialisme se condamnait à être ce qu'il est devenu.

    Une phrase magnifique prononcée par une vieille dame riche dans La IIIe République de Jacques Bainville résume ce nouvel état d'esprit: «Sous la République, l'argent prenait son bien en patience». Cette formule splendide qui date de 1900 aurait pu être prononcée dans les années 80 sous Mitterrand. À partir de mai 68, on constate l'émergence de la gauche libertaire avec le slogan: «il est interdit d'interdire». Avec le libertarisme, cette gauche charrie déjà le libéralisme sans le savoir. Elle va peu à peu dominer la vieille gauche étatiste et socialo-communiste. En quelque sorte, Daniel Cohn-Bendit règle son compte à Georges Marchais!

    Dans ce contexte, qu'est-ce qui distingue encore la gauche de la droite?

    Depuis 30 ans, la gauche a abandonné le peuple et la droite la nation. La gauche avait abandonné la nation dès la fin du XIXe siècle et encore plus en mai 68. Par l'intermédiaire du général de Gaulle la droite l'avait récupérée. Après sa mort, elle l'a de nouveau délaissée par vagues européistes successives. De ce constat découle qu'il n'y a plus grande différence entre une gauche social libérale et une droite libérale social. Reste à la marge des gens qui se distinguent. Le discours sur les frontières de Nicolas Sarkozy durant la campagne de 2012 se démarquait clairement du discours dominant… Mais il se démarquait aussi de la politique de Nicolas Sarkozy pendant 5 ans. Et il n'est repris par personne aujourd'hui.

    La feuille de route du gouvernement sur l'intégration a suscité un tollé. Les vraies différences se situent-elles désormais sur les questions identitaires et sociétales?

    Le prix à payer pour la soumission définitive de la gauche au libéralisme économique, c'est effectivement la marche en avant totalitaire vers un libéralisme sociétal. Comme on peut le voir à travers la politique de Najat Vallaud-Belkacem, qui reprend aujourd'hui les programmes que l'inter LGBT promeut depuis 15 ans, ou à travers le rapport sur l'intégration qui prône le retour du voile à l'école, la gauche brûle aujourd'hui ses vaisseaux sociétaux. Elle le fait pour deux raisons assez simples.

    Premièrement, comme on l'a déjà dit, pour masquer sa conversion au libéralisme mondialisé.

    Deuxièmement, parce qu'elle sent qu'il y a «un retour de bâton» dans le pays réel comme le montre les sondages. Tous l'électorat de droite, de l'UMP au FN, fait désormais bloc sur les thématiques sociétales, immigrationnistes et sécuritaires, mais désormais la moitié de l'électorat de gauche les rejoint également. Il y a une donc une volonté idéologique de la part de la gauche de briser ce qui leur apparaît comme le comble du fascisme: le peuple français. Celui-ci est à leurs yeux, racistes, xénophobe et homophobe. Et les lobbys pourtant ultra minoritaires, qui dictent leur loi au gouvernement, veulent profiter du quinquennat de François Hollande pour imposer leur vision de la société de manière irrémédiable. Il s'agit ni plus ni moins d'une déclaration de guerre.

    Vous avez voté François Mitterrand en 1981. Face à l'effacement du clivage droite/gauche où vous situez-vous désormais?

    J'ai rompu avec la gauche depuis 1984 et la naissance de SOS racisme qui avait justement marqué le début de la dérive sociétale des socialistes. Je me reconnais depuis toujours dans le vieux courant bonapartiste français à la fois national et social. Mais ce courant a été détruit par l'Europe et la mondialisation et n'a plus vraiment de leader depuis la défaite du non au traité de Maastricht en 1992. Philippe Séguin et Jean-Pierre Chevènement qui étaient les principaux représentant de ce mouvement à droite et à gauche ont échoué à lui donner des débouchés électoraux, même s'il reste paradoxalement majoritaire dans le pays réel.

    Eric Zemmour (Le Figaro, 4 février 2014)

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  • La stratégie secrète de Google...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Laurent Alexandre, publié dans le Journal du dimanche et consacré à la stratégie du géant de l'internet, Google. Médecin et diplômé d'HEC, président d'une société de séquençage d'ADN, mais également expert d'internet, Laurent Alexandre est l'auteur d'un roman d'anticipation inquiétant intitulé Google démocratie (Naïve, 2011).

     

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    "La Stratégie secrète de Google apparaît..."

    Google est le premier embryon d'intelligence artificielle au monde, selon vous. Pourquoi?
    L'objectif des dirigeants de Google est de transformer leur moteur de recherche en intelligence artificielle. Progressivement ils s'en rapprochent. En fait, personne ne l'a vu venir, ni les utilisateurs quotidiens du moteur de recherche, ni ses concurrents. Il a fallu du temps pour que la stratégie des dirigeants de Google soit comprise. Je suis bluffé par la vitesse à laquelle cette société contrôle les industries clés du XXIe siècle.

    Expliquez-vous…
    Regardez la vague de rachats de start-up et de sociétés auxquels Google procède! En deux ans, cette entreprise a réussi à préempter trois marchés clés. Celui de la lutte contre la mort : elle a créé Calico, une filiale qui a cet objectif fou d'augmenter l'espérance de vie de vingt ans d'ici à 2035. Elle a investi dans le séquençage ADN avec sa filiale 23andMe, mais aussi dans un projet de lentilles intelligentes pour les diabétiques, qui mesurent en temps réel votre glycémie. Parallèlement et en moins d'un an, Google a racheté les huit principales sociétés de robotique. Dont Boston Dynamics, qui crée le chien robot "BigDog" pour l'armée américaine, ou Nest, leader mondial de la domotique et des objets intelligents… Pendant ce temps, sa Google Car, un mélange incroyable de robotique et d'intelligence artificielle, roule seule sur des milliers de kilomètres sur les routes de Californie sans accident. Si en l'an 2000 vous évoquiez l'idée d'une voiture robot autonome, tout le monde riait! En 2025, elle sera démocratisée. Enfin, depuis quelques années, Google débauche les plus grands noms de l'intelligence artificielle. Comme Ray Kurzweil, le "pape" du transhumanisme, qui vient d'être nommé ingénieur en chef du moteur de recherche.

    Quel est le lien entre l'idéologie "transhumaniste" et Google?
    Cette idéologie est née dans les années 1950. Elle considère légitime d'utiliser tous les moyens technologiques et scientifiques pour augmenter les capacités de l'homme – son corps, son cerveau, son ADN – et pour faire reculer la mort. À l'époque, c'était de la science-fiction ; aujourd'hui cela devient concret. Google soutient cette idéologie et maîtrise toutes les technologies qui la sous-tendent : la robotique, l'informatique, les moteurs de recherche et l'intelligence artificielle, les nanobiotechnologies, le séquençage ADN dont le coût a été divisé par 3 millions en dix ans…

    Quel est le but de cette croissance tentaculaire?
    Une société qui maîtrise l'intelligence artificielle – et Google est la plus avancée sur ce terrain –peut potentiellement entrer dans n'importe quel domaine. Elle le fait d'ailleurs : elle est même présente dans les VTC qui concurrencent les taxis avec Uber, une filiale de Google Ventures! En réalité, Google est beaucoup plus qu'une société informatique. Les principaux acteurs de la robotique viennent de le comprendre ; mais trop tard, Google a déjà racheté les meilleurs d'entre eux à bon prix. Cette stratégie est bluffante… Google a été la première à comprendre la puissance de la révolution des technologies NBIC, cette convergence de quatre vagues (nanotechnologies, bio-ingénierie, informatique et cognitique) qui va construire le XXIe siècle et donner une puissance extraordinaire à la lutte contre la mort. Car ces technologies NBIC constituent en réalité une seule et immense industrie, qui contrôlera toutes les autres.

    Aucun concurrent de taille pour ébranler ce géant?
    Si les rumeurs assurant qu'Apple débauche les principaux spécialistes de la santé électronique se vérifient, si le projet de montre iWatch consiste bien en un instrument de mesure en continu des variables de santé… alors Apple pourrait peut-être le concurrencer sur l'ensemble des NBIC. Mais il en est encore très, très, très loin.

    Qui contrôle Google aujourd'hui?
    Personne, en dehors de ses actionnaires. Or il me semble indispensable d'encadrer l'intelligence artificielle au niveau mondial, de poser des garde-fous. Les États-Unis y réfléchissent sérieusement. L'Asie aussi. En Europe? On est largué, on regarde le train passer… Google est une société magnifique. Pourtant, si elle devient leader en matière de lutte contre la mort, d'intelligence artificielle, de robotique, de domotique, de voitures intelligentes, il faudra vraiment réfléchir à la démanteler! Elle pourrait devenir plus puissante que les États.

    Le tableau est effrayant… N'est-ce pas trop tard?
    Il n'est jamais trop tard. Mais la croissance très rapide des technologies NBIC rend possible ce qui relevait jadis de la science-fiction. La bataille entre le microprocesseur et le neurone a commencé, et l'intelligence artificielle arrive à grands pas. Selon la loi de Moore, la puissance informatique double très rapidement. Le nombre d'opérations réalisées par les plus gros ordinateurs est multiplié par 1.000 tous les dix ans et donc par 1.000.000 en vingt ans. En 1950, un ordinateur effectuait 1.000 opérations par seconde. Aujourd'hui, on atteint 33 millions de milliards d'opérations par seconde. Ce sera 1.000 milliards de milliards en 2029! Autour de 2040 émergeront des machines dotées de la capacité du cerveau humain. Et d'ici à la fin du siècle, elles nous dépasseront en intelligence, ce qui poussera l'homme à vouloir "s'augmenter" par tous les moyens. Imaginez si de tels robots, plus forts que nous, ayant accès à l'intelligence artificielle et à l'impression 3D, connectés et contrôlant Internet, existaient… Leur pouvoir de manipulation serait quasi illimité. Quand "BigDog" aura un fusil d'assaut M16 dans les mains, il vaudra mieux ne pas se promener en forêt!

    Laurent Alexandre (Journal du dimanche, 8 février 2014)

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  • France - Arabie saoudite : une dangereuse alliance...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une analyse par Aymeric Chauprade, cueillie sur Realpolitik, de la curieuse alliance de la France avec la monarchie saoudienne et des dangers qu'elle recèle...

     


    France / Arabie Saoudite : une dangereuse alliance par realpolitiktv

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  • Le pape François, vu d'ailleurs...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré au pape François, qui achève bientôt la première année de son pontificat...

     

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    Le pape François veut une Église plus sobre, plus pastorale que doctrinaire

    Polémique sur notre nouveau pape, qui serait « marxiste » parce que fustigeant ce « libéralisme qui tue »… Retour à la doctrine sociale de l’Église catholique ?

    Dans son exhortation apostolique du 24 novembre dernier, Evangelii Gaudium, le pape François s’en est pris au système du marché en des termes absolument dénués d’équivoque. « Certains défendent encore, écrit-il, les théories qui supposent que chaque croissance économique, favorisée par le libre marché, réussit à produire en soi une plus grande équité et inclusion sociale dans le monde. Cette opinion, qui n’a jamais été confirmée par les faits, exprime une confiance grossière et naïve dans la bonté de ceux qui détiennent le pouvoir économique et dans les mécanismes sacralisés du système économique dominant. » Notant que, « pour pouvoir s’enthousiasmer avec cet idéal égoïste, on a développé une mondialisation de l’indifférence », il jette l’anathème sur le « fétichisme de l’argent » et la « dictature de l’économie sans visage ». Il dénonce les « idéologies qui défendent l’autonomie des marchés et la spéculation financière ». Il ajoute qu’on « ne peut plus recourir à des remèdes qui sont un nouveau venin, comme lorsqu’on prétend augmenter la rentabilité en réduisant le marché du travail, mais en créant de cette façon de nouveaux exclus ». « Une telle économie tue », conclut-il. Il n’en fallait évidemment pas plus pour que les Américains le traitent de « socialiste »…

    Il s’agit en fait d’une claire condamnation du libéralisme. Le libéralisme met au centre de sa doctrine un individu fictif, détenteur de droits inhérents à sa propre nature qui le rendraient propriétaire de lui-même. Le mythe du marché autorégulateur et autorégulé n’est que la projection économique de cette conception d’un individu autosuffisant. Le capitalisme financier, qui a pris le relais du vieux capitalisme industriel et marchand, repose tout entier sur la spéculation et le crédit (c’est-à-dire le principe usuraire du prêt à intérêt, que l’Église a longtemps sanctionné). La condamnation qu’en fait le pape François contraste avec l’indulgence pour le « bon capitalisme » (le principe du « marché libre », la capacité des marchés à réguler la vie économique, etc.) que l’on a fréquemment constatée dans les milieux catholiques. Elle va très au-delà de la « doctrine sociale » de l’Église, qui a trop souvent versé dans le paternalisme. Dans son entretien avec le Kölner Stadt-Anzeiger du 20 janvier, le cardinal du Honduras Óscar Andrés Rodríguez Maradiaga, l’un de ses plus proches collaborateurs, n’a pas eu tort de parler d’une « nouvelle ère » inaugurée par le pape François.

    Le passé péroniste du pape François n’est plus un secret pour personne. Certains s’en inquiètent et d’autres s’en félicitent. Et vous ?

    Pourquoi m’en inquiéterais-je ? À partir de la fin des années 1960, le futur pape François a été en contact étroit avec la mouvance péroniste. Il fut en particulier l’un des compagnons de route de l’Organisation unique du transfert générationnel (OUTG), mouvement péroniste plus connu sous le nom de Garde de Fer argentine, une organisation restée célèbre pour sa rhétorique anticapitaliste fondée par Alejandro Álvarez, dit « el Gallego » (le « Galicien »). En 1975, c’est même l’intervention de Jorge Bergoglio, alors provincial des jésuites, qui permit à Álvarez et ses amis de prendre le contrôle de l’Université jésuite del Salvador. Ce qui le distinguait à cette époque des théologiens de la libération, ce n’était pas l’« option préférentielle en faveur des pauvres », mais son refus d’encourager la lutte armée. Cela dit, sa critique du libéralisme trahit aussi l’influence des écrits du théoricien nationaliste argentin Leonardo Castellani (1899-1981), surnommé le « Chesterton latino-américain », qu’il a également connu.

    Ce pape, de droite ou de gauche ? Progressiste ou traditionaliste ? En matière sociétale, il a fait des ouvertures. En matière de dialogue interreligieux, également. Jésuite un jour, jésuite toujours ?

    Benoît XVI était un professeur, le pape François se veut proche du peuple. Apprécié pour sa simplicité, son style direct, voire son humour, il souhaite de toute évidence une Église plus sobre, dont les représentants donneraient l’exemple d’une vie plus frugale, une Église plus pastorale que doctrinaire, plus en prise avec les « périphéries existentielles », c’est-à-dire les « vrais gens ». Il s’agit, dit-il, d’en revenir à l’« esprit évangélique de sobriété et de pauvreté », ce qui est plutôt sympathique. Beaucoup de catholiques ont oublié que les premiers disciples de Jésus le « Nazôréen » devaient renoncer à toute propriété privée et mettre leurs biens en commun (Actes 2,44). Et l’Église, dans son histoire, n’a pas été la dernière à ignorer l’avertissement évangélique selon lequel « on ne peut servir à la fois Dieu et l’argent » (Matt. 6,24).

    Cela dit, si la popularité débridée dont jouit le pape ne se réduit pas à un phénomène médiatique, elle ne doit pas non plus faire illusion. Les intégristes l’attaquent déjà pour son manque d’intérêt manifeste pour les questions liturgiques, sa volonté de canoniser Jean XXIII ou son « entêtement » à se présenter, non comme pape, mais comme simple « évêque de Rome », au risque de « désacraliser » sa fonction. Mais il décevra aussi les progressistes, qui s’imaginent naïvement qu’il va changer la doctrine catholique. Le pape François se montrera plus bienveillant, plus compréhensif (à propos des divorcés-remariés, par exemple), mais il ne changera rien à la condamnation dogmatique du mariage homosexuel ou de l’avortement. Significative est, en revanche, son intention de convoquer un nouveau Synode sur la famille, alors qu’il s’en était tenu déjà un en 1980, au motif que la famille de cette époque « n’existe plus aujourd’hui ». L’immense travail de réforme qu’il a entrepris pour assainir la Curie et les finances du Vatican va en outre radicaliser une opposition interne qui ne s’exprime pour l’instant que de façon feutrée, mais qui ne manquera pas de lui savonner la planche.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 2 février 2014)

     

     

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