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Entretiens - Page 181

  • Qui est Big Brother ?... Un entretien avec Laurent Obertone

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien avec Laurent Obertone, autour de son dernier ouvrage, La France Big Brother, publié aux éditions Ring, réalisé mercredi 18 février par l'Agence Info libre.

     


    La France Big Brother : Entretien avec Laurent... par agenceinfolibre


    La France Big Brother : Entretien avec Laurent... par agenceinfolibre

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  • « L’État islamique a été créé par les États-Unis ! »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à l'ennemi islamiste, au Levant et en France...

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    « L’État islamique a été créé par les États-Unis ! »

    Pour que cette union nationale dont on nous rebat les oreilles depuis des jours ait un sens, cela nécessite la menace d’un ennemi commun. Mais quel est-il, sachant que personne ne l’a pour l’instant désigné ? Car se contenter d’évoquer le « terrorisme », ça demeure un peu vague…

    Nous assistons actuellement à d’incessantes gesticulations visant à tout faire pour ne pas désigner l’ennemi sous son nom. La notion d’ennemi devient problématique dès l’instant où l’on ne veut pas en avoir, parce que l’on a oublié que l’histoire est tragique et qu’on a voulu mettre la guerre hors la loi. Mais il y a au moins deux autres raisons à ce refus d’appeler l’ennemi par son nom. La première est que cette désignation paraît politiquement incorrecte, car susceptible d’« amalgame » (le mot est d’origine arabe : âmal a-jammâa). La seconde, la plus fondamentale, est que la classe politique n’est pas étrangère à son apparition.

    La France a fait deux erreurs gravissimes : la guerre en Libye, qui a plongé ce pays dans la guerre civile et l’a transformé en arsenal à ciel ouvert, et l’affaire syrienne, où nous avons apporté notre appui aux adversaires de Bachar el-Assad, qui sont les mêmes islamistes que nos troupes combattent en Irak et au Mali. À cela s’ajoute que « l’État islamique a été créé par les États-Unis », comme l’a rappelé sans ambages le général Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre, au Sénat le 17 décembre dernier, et que le terrorisme n’a cessé d’être financé par le Qatar et l’Arabie saoudite, que nous considérons à la fois comme des clients et des alliés.

    Dans le cas du terrorisme intérieur, le problème est le même. Nous ne sommes plus en effet confrontés à un « terrorisme global » tel qu’on en a connu par le monde à la grande époque d’Al-Qaïda mais, comme Xavier Raufer ne cesse de le répéter, à un terrorisme autochtone, qui est le fait de racailles des cités ayant fait leurs classes dans le grand banditisme avant de se transformer en bombes humaines sous l’effet de l’endoctrinement ou d’un délire partagé. De Mohammed Merah aux frères Kouachi, ce terrorisme est indissociable de la criminalité (ce n’est pas avec des pétrodollars mais des braquages de proximité que les terroristes se procurent leurs kalachnikov). Lutter contre le « gangsterrorisme » implique donc de s’appuyer sur le renseignement criminel. Or, si les renseignements existent, ils ne sont pas exploités, précisément parce qu’on se refuse à admettre la réalité, à savoir que ce terrorisme est l’une des conséquences de l’immigration. La France, en d’autres termes, a sécrété un nouveau type de terrorisme en laissant s’installer un milieu criminel qui échappe en grande partie à son contrôle. C’est pour cela que chez ces terroristes, qui étaient pourtant surveillés, on n’a pas repéré le risque de passage à l’acte. Les directives données par le renseignement intérieur n’étaient pas les bonnes. On a préféré surveiller Internet et spéculer sur le retour des djihadistes plutôt que d’être sur le terrain, au cœur même des cités. Or, le problème ne se situe pas au Yémen ou en Syrie, mais dans les banlieues.

    Sommes-nous en guerre ?

    Le terrorisme, c’est la guerre en temps de paix. Et aussi, comme l’a dit Paul Virilio, la « guerre sans fin, aux deux sens de ce mot ». À l’étranger, nous sommes en guerre contre le djihadisme, branche terroriste de l’islamisme salafiste. En France, nous sommes en guerre contre un terrorisme intérieur, pur produit de cette immigration incontrôlée qu’on a laissée se développer comme un chaudron de sorcières d’où sortent des racailles plus ou moins débiles, passées du gangstérisme à l’islamisme radical, puis de l’islamisme radical au djihad pulsionnel.

    Qui peut croire que l’on résoudra le problème avec des « cours civiques » à l’école, des incantations à la laïcité, de pieuses considérations tirées de l’histoire sainte du « vivre ensemble » ou de nouvelles lois en forme de gris-gris vaudous « contre-toutes-les-discriminations » ? C’est pourtant très exactement là que nous en sommes. La classe dirigeante est devenue totalement prisonnière de son incapacité à voir les choses en face, cause principale de son indécision (et de son désarroi, car elle ne sait plus que faire). Elle prétend se battre contre un ennemi dont elle ne veut pas reconnaître qu’il s’agit d’un Golem qu’elle a engendré. Le docteur Frankenstein ne peut pas lutter contre sa créature parce que c’est sa créature. Les terroristes dont Mohammed Merah reste le prototype sont les fruits de trente ans d’angélisme et de cécité volontaire sur l’immigration, d’une « politique de la ville » qui se résume à 100 milliards d’euros partis en fumée après avoir été distribués à des associations fictives, et d’une « culture de l’excuse » qui s’est muée en culture de l’impunité.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 16 février 2015)

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  • Chantal Delsol réhabilite le populisme...

    Chantal Delsol, auteur de l'essai intitulé Populisme, les demeurés de l'histoire (Rocher, 2015), était reçu le 12 février 2015 par Martial Bild, dans le cadre du journal de TV Libertés. Elle a évoqué à cette occasion la question du populisme au travers de la rupture entre les élites et le peuple...

     

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  • « Nous ne sommes plus à l’époque où le FN n’était qu’un parti contestataire marginal »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la question de la violence...

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    « Nous ne sommes plus à l’époque où le FN n’était qu’un parti contestataire marginal »

    BHL l’a dit : « L’union nationale, c’est le contraire de la France aux Français. » Après la manifestation du 11 janvier, l’unité nationale semble être de mise. Mais à quoi peut rimer une union nationale lorsque le Front national, premier parti de France aux dernières élections européennes, en est exclu ?

    De même que tout unanimisme est suspect, parce qu’on ne peut jamais ramener à l’unité la diversité des opinions et des aspirations, de même le thème de « l’union nationale » est-il toujours mystificateur, et pour la même raison : il s’énonce dans l’ordre du général, mais c’est toujours au profit d’un particulier. Cela dit, votre question me paraît naïve. Car si l’on parle aujourd’hui d’« unité nationale », ce n’est pas malgré l’exclusion du FN, mais bien au contraire pour la justifier. Bernard-Henri Lévy l’a dit sans fard dès le 8 janvier : « L’union nationale, c’est le contraire de la France aux Français. » Ce n’est donc qu’une reformulation de la thématique du « front républicain » ou, si l’on préfère, la version élégante de la formule « UMPS », en même temps qu’un appel à resserrer les rangs face à la montée d’un parti dont François Hollande n’hésite pas à dire qu’il ne respecte pas les « valeurs républicaines » (comprendre : libérales, atlantistes et « droits-de-l’hommistes »), afin de mieux défendre les privilèges de la classe dominante – au risque, ce faisant, de confirmer que la frontière entre le PS et l’UMP ne correspond plus à rien.

    Le chef de l’État l’a très bien compris, qui se réclame maintenant de « l’esprit de janvier ». Il sait que la marche des Charlie n’a rien été d’autre que la répétition de la grande manifestation anti-FN qui aura lieu au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle si Marine Le Pen se retrouve au second. Cependant, l’idée était dans l’air depuis quelque temps. Le 26 mai 2014, Bernard-Henri Lévy – encore lui – avait déjà appelé, dans Le Monde, à la mise en place d’un « gouvernement d’union nationale ». Bien des hommes politiques rêvent aujourd’hui de la renaissance d’un « grand centre » à la Giscard, qui associerait aussi bien Juppé et Raffarin que Valls ou Macron. C’est une idée dont on n’a pas fini d’entendre parler.

    Et cela peut marcher ?

    Le problème, c’est que nous ne sommes plus à l’époque où le FN n’était qu’un parti contestataire relativement marginal, automatiquement exclu du second tour lors des consultations électorales. Aujourd’hui, non seulement il accède presque toujours au second tour, mais il y accède souvent en tête. La compétition entre les deux partis de gouvernement se joue dès lors dès le premier tour, et non plus au second. Or, cette donnée nouvelle fait en même temps obligation à l’UMP ou au PS, lorsqu’un de ces deux partis est éliminé à l’issue du premier tour, de faire voter au second pour celui qu’il combattait la veille, ce qui déstabilise son électorat, renforce son incrédulité et le convainc plus encore que la formule « UMPS » correspond bien à la réalité. Situation particulièrement inconfortable pour l’UMP, dans la mesure où elle se prétend dans l’opposition. Comment rester crédible quand, après avoir fait campagne contre la « désastreuse politique » du gouvernement, on demande à ses électeurs de voter pour ce gouvernement plutôt que pour le Front ? Adopter la tactique du « ni-ni » (« faire barrage au FN » tout en laissant aux électeurs leur liberté de choix) est à peine plus convaincant. Et c’est ainsi que l’UMP, qui était autrefois accoutumée à siphonner les suffrages du FN, devient maintenant son réservoir de voix.

    Tiraillée en tous sens, l’UMP n’a aujourd’hui plus aucune ligne directrice, et ses consignes deviennent de ce fait inaudibles. Nicolas Sarkozy s’est emparé du parti, mais il ne parvient pas à s’imposer. Son « grand retour » est d’autant plus compromis que les milieux d’affaires misent désormais sur Alain Juppé. Un tel parti est de toute évidence voué à éclater, ou à se désagréger, ce qui devrait faciliter, avant ou après 2017, la recomposition du paysage politique « centriste » autour d’un axe Juppé-Bayrou-Valls-Macron, d’orientation libérale-mondialiste et antipopuliste, dont les modalités restent à déterminer.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 10 février 2015)

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  • « Cette culture libertaire du libéralisme est une nouvelle forme d’esclavage »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné à Philitt par Charles Robin. Essayiste, Charles Robin déploie ses travaux dans la lignée du philosophe Jean-Claude Michéa. Il a déjà publié plusieurs essais comme Le libéralisme comme volonté et représentation (The Book, 2013) et La Gauche du Capital (Krisis, 2014). Il est également un contributeur régulier des revues Rébellion, Éléments et Perspectives libres.

     

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    « Cette culture libertaire du libéralisme est une nouvelle forme d’esclavage »

    PHILITT : Vous rejetez les Lumières car vous voyez en elles l’origine du libéralisme. Cependant, les Lumières ont aussi été une source d’inspiration pour les premiers socialistes, notamment Rousseau et Montesquieu. N’est-ce pas paradoxal ?

    Charles Robin : Résumer mon propos sur la philosophie des Lumières et ses liens avec le libéralisme à une position de « rejet » me semble relever, pour le moins, du raccourci philosophique ! Le fait est que le libéralisme, tel qu’il s’est formalisé au cours de l’histoire moderne (et, plus particulièrement, au XVIIIe siècle), s’appuie essentiellement sur cette vision de l’Homme – défendue à l’époque par la plupart des penseurs des Lumières – comme d’un individu rationnel, dont le sens et la finalité ultimes de l’existence se réduiraient à la recherche de l’intérêt. Je vous renvoie, à ce sujet, aux textes de Locke et de Hume (deux figures majeures des Lumières britanniques) qui, dans leurs traités d’anthropologie philosophique, s’accordent à voir dans l’homme « cette chose pensante, sensible au plaisir et à la douleur, apte au bonheur ou au malheur et portant de ce fait intérêt à soi ». Or, c’est de cette définition de l’homme comme être naturellement mu par son égoïsme que le libéralisme entend partir (définition supposée reposer sur l’ « expérience » et l’ « observation des faits ») pour concevoir un modèle de société rendant possible la coexistence pacifique des individus concurrents.

    C’est là qu’interviennent les deux grandes instances de régulation, parallèles et conjointes, du système libéral : le Droit, censé garantir la liberté de tous les citoyens dans le cadre de la loi (je vous rappelle ici que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 stipule que « la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ») ; et le Marché, censé résoudre mécaniquement l’antinomie des intérêts particuliers par un phénomène providentiel d’ « harmonisation spontanée » (je vous renvoie, sur ce point, aux textes fameux d’Adam Smith sur les vertus de la « main invisible » du Marché). On voit donc ici en quoi la philosophie des Lumières, en s’appuyant sur une vision de l’Homme comme être foncièrement « libre », « égoïste » et « rationnel » – aptitudes qu’il ne s’agit, du reste, aucunement de nier ou de minimiser –, a fourni aux théoriciens du libéralisme le matériau anthropologique à partir duquel le modèle d’une société libérale, c’est-à-dire d’une société qui fait de l’égoïsme des individus le moteur unique de son fonctionnement, allait pouvoir prospérer jusqu’à nos jours. Quant à votre remarque sur Rousseau et son apport dans la constitution de la pensée socialiste, je ne peux que vous rejoindre, dans la mesure où je reconnais moins dans l’auteur de L’Essai sur les sciences et les arts un philosophe des Lumières qu’un philosophe contre les Lumières (ses lignes sur la liberté et sur le désir lui vaudraient probablement, aujourd’hui, les plus violentes accusations de « totalitarisme », voire de « fascisme », de la part des descendants intellectuels d’un libéral comme Voltaire, son pire ennemi).

    PHILITT : Rousseau ne s’inscrit donc pas, selon vous, dans le mouvement des Lumières ?

    Charles Robin : En effet, contrairement aux Lumières – qui n’envisageaient la problématique de la liberté que du point de vue de l’individu – Rousseau, quant à lui, voyait essentiellement dans cette dernière une aspiration collective et un projet commun (ce en quoi il représente, selon moi, le dernier penseur véritable du problème politique). Je ne m’étendrai pas ici sur sa notion politique centrale d’ « intérêt général », qui ne pourra que heurter la sensibilité individualiste de tout libéral authentique, qui n’admet, par définition, que le bien-fondé et la toute-puissance du « droit privé ». Daniel Cohn-Bendit n’est-il pas celui qui nous a rappelé, récemment, que la démocratie consistait dans « la défense des minorités contre la majorité » ? Lorsque de telles insolences dialectiques se retrouvent permises, on n’ose à peine imaginer le sort qu’aurait réservé notre intelligentsia libérale à ce pauvre Rousseau !

    PHILITT : Selon vous, le libertarisme est, dès le départ, un élément constitutif du libéralisme. Mais peut-on vraiment mettre Proudhon, Bakounine et Kropotkine dans le même sac que Serge July et Daniel Cohn-Bendit  ?

    Charles Robin :  Il convient d’abord de s’entendre sur le sens des mots. Par l’adjectif « libertaire », j’entends caractériser le discours qui érige la « liberté individuelle » et le « droit privé » au rang de norme politique, sociale et culturelle suprême, et qui, partant, fait de la contestation de toutes les structures et de toutes les normes symboliques et collectives existantes un idéal anthropologique et un impératif pratique. Or, ce qu’il me semble important de noter, c’est que dès lors qu’on redéfinit la liberté comme le droit offert à l’individu de satisfaire sa tendance – supposée naturelle et inévitable – à poursuivre son intérêt et son désir, il est clair que le but atteint n’est pas ce que Marx nommait, à son époque, la « liberté réelle ». C’est, au contraire, la soumission grandissante des individus aux exigences capitalistes de « libération pulsionnelle » et de « satisfaction libidinale », en vue d’une extension indéfinie des sphères de la consommation. Soit l’exact antithèse de la conception des sages grecs de l’Antiquité, qui voyaient dans la liberté cette capacité proprement humaine à la retenue et à la « maîtrise des passions » (ce que les philosophes grecs appelaient la sophrosyne : la tempérance, et qu’ils opposaient à l’hybris : la démesure). On est donc loin, selon ce critère, de ce que notre cher Rousseau appelait, dans ses Lettres écrites de la montagne, un « état libre », dans lequel, disait-il, la liberté de chaque individu est subordonnée à la liberté du groupe !

    Philitt : C’est donc l’illusion de liberté de nos sociétés libérales que vous souhaitez dénoncer ?

    Charles Robin : Oui, le philosophe Dany-Robert Dufour n’hésite d’ailleurs pas à parler, au sujet de cette culture « libertaire » du libéralisme, d’une nouvelle forme d’esclavage, en tant qu’elle fait de l’individu consentant (c’est-à-dire de celui qui a définitivement intériorisé l’idée que le droit et le désir devaient constituer l’unique moteur de tous ses agissements) le complice inconscient de sa propre servitude – celle de son souverain désir. Une servitude objective aux attentes du Marché vécue subjectivement comme une liberté et un droit (d’où l’urgence de réintroduire dans la réflexion philosophique le concept d’ « aliénation »), alors même qu’elle participe de la dépossession des sujets de leur dimension supra-matérielle, celle par laquelle nous pouvons accéder à la sphère, abstraite et immatérielle, du « don » et de la « gratuité » (vérifiable au fait, par exemple, qu’il puisse nous arriver d’agir sans rien attendre en retour). Difficile, dans ce contexte, de déceler une quelconque parenté philosophique entre un tel libéralisme libertaire (expression forgée par Michel Clouscard en 1973, pour lequel, au passage, Daniel Cohn-Bendit représentait déjà l’emblème incandescent), qui fait de l’atomisation des individus et de la promotion de l’idéologie du désir son armement idéologique privilégié, et le socialisme libertaire d’un Proudhon ou d’un Bakounine, qui voyaient dans le lien à autrui – le lien représentant, dans la doxa libérale, la marque caractéristique de la « dépendance » et de la « servitude » – la condition profonde de toute liberté réelle, puisqu’elle conditionne l’existence du groupe. Une idée que le NPA semble décidément avoir le plus grand mal à entendre…

    PHILITT :  Vous faites du NPA l’un des plus grands promoteurs actuels du capitalisme. Or, il s’agit également d’un parti fortement influencé par Daniel Bensaïd, un grand disciple de l’École de Francfort, et où on trouve encore aujourd’hui des intellectuels comme Michael Löwy. Votre analyse ne gagnerait-elle pas à être plus nuancée ?

    Charles Robin : Sans doute ! Mais, comme l’écrivait déjà Günther Anders, « s’il peut y avoir la moindre chance d’atteindre l’oreille de l’autre, ce n’est qu’en donnant le plus de tranchant possible à son propos ». On pourra toujours me reprocher certaines généralisations ou approximations – qui n’en fait pas ? Je réponds que toute théorisation est à ce prix. Or, au-delà des quelques exemples que vous me citez (auxquels, par ailleurs, je souscris en grande partie), je constate une tendance générale à l’œuvre dans le discours politique et « sociétal » du NPA, et des représentants de la « gauche libertaire » en général – dont, par exemple, le philosophe « hédoniste » Michel Onfray a longtemps fait partie –, que je tiens pour infiniment plus influente sur l’air du temps médiatique et le « débat public » (comme l’on doit dire de nos jours) que ne pourraient l’être les réflexions rigoureuses d’un théoricien du mouvement communiste révolutionnaire comme Daniel Bensaïd. Si je focalise mon attention critique sur le cas spécifique de cette « extrême gauche », c’est dans la mesure exacte où celle-ci symbolise, selon moi, le contresens idéologique moderne qui fait obstacle à toute approche pertinente (et, partant, à l’analyse qui en découle) de la question de la domination. En articulant sa lutte contre l’hégémonie capitaliste et l’injustice sociale à une disqualification systématique de toute notion de « norme », d’ « autorité » ou de « limite » (ces notions étant, bien entendu, à définir), l’extrême gauche s’interdit ainsi par avance de défendre les conditions symboliques et anthropologiques d’institution réelle d’une société juste et égalitaire, qui ne peut espérer s’édifier que sur la base d’un « monde commun » – ne serait-ce que celui des règles minimales de la morale commune et de la décence.

    Pour le dire d’une manière simple, on ne peut à la fois s’élever contre la logique de marchandisation et de réification croissantes de l’existence humaine par le libéralisme triomphant (l’exploitation salariale, l’anéantissement des acquis sociaux, l’augmentation du coût de la vie) et encourager, dès que l’occasion s’en présente, la déliaison des individus de toutes les attaches symboliques, culturelles et morales qui empêchent, précisément, la réduction de l’existence humaine à la seule dimension matérielle du désir et de l’intérêt (comme l’œuvre radicale et cohérente du Marquis de Sade l’a brillamment illustré). Si l’on admet cette idée que le capitalisme ne peut espérer se maintenir qu’avec la participation des sujets qu’il englobe et asservit, on doit, du même coup, consentir à l’examen de ce qui, dans nos propres schémas d’action et de représentation, rend encore possible l’emprise sur notre économie, mais aussi sur nos vies, de la domination libérale. Ce qu’on appelle, communément, prendre le mal à sa racine. Et qu’aucun militant anticapitaliste authentique ne saurait, a priori, me reprocher !

    Charles Robin, propos recueillis par Benjamin Fayet (Philitt, 1er février 2015)

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  • Révolution conservatrice d'hier et d'aujourd'hui...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Pierre Saint-Servant pour Novopress et consacré à la Révolution conservatrice.Essayiste et philosophe, Alain de Benoist vient de publier récemment Quatre figures de la Révolution conservatrice (Amis d'Alain de Benoist, 2014) et Le Traité transatlantique et autres menaces (Pierre-Guillaume de Roux, 2015).

     

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    Révolution conservatrice d'hier et d'aujourd'hui

    La Révolution Conservatrice retient depuis plusieurs décennies votre attention. Dans votre dernier ouvrage, vous avez choisi de l’aborder par l’intermédiaire de quatre personnalités, symbole probable de la grande diversité de ce mouvement. Comment définiriez-vous cette Konservative Revolution ?

    Les représentants de la Révolution Conservatrice allemande n’ont que rarement utilisé ce terme pour se désigner eux-mêmes. L’expression ne s’est imposée qu’à partir des années 1950, à l’initiative de l’essayiste Armin Mohler, qui a consacré à cette mouvance un énorme « manuel » (La Révolution Conservatrice en Allemagne, 1918-1932) traduit en France en 1993. Elle désigne couramment ceux des adversaires de la République de Weimar, hostiles au traité de Versailles, qui se réclamaient d’une idéologie « nationaliste » distincte de celle du national-socialisme. Mohler les regroupe en trois familles principales : les jeunes-conservateurs (Moeller van den Bruck, Othmar Spann, Oswald Spengler, Carl Schmitt, Wilhelm Stapel, etc.), les nationaux-révolutionnaires (Ernst Jünger, Franz Schauwecker, Ernst Niekisch, etc.) et les Völkische, qui sont des populistes à tendance souvent biologisante ou mystique. La Révolution Conservatrice n’est donc pas du tout un mouvement unitaire, même s’il existe entre ses représentants certains points communs. C’est plus exactement une mouvance, qui ne comprend pas moins de trois ou quatre cents auteurs, dont seule une minorité ont été traduits en français. Cette mouvance n’a pas à proprement parler d’équivalent dans les autres pays européens, mais pour ce qui concerne la France, on pourrait à bien des égards la rapprocher de ceux que l’on a appelés les « non-conformiste des années trente ».

    Sous le IIIe Reich, peu de révolutionnaires conservateurs se sont ralliés au régime. Quand ils l’ont fait (comme Carl Schmitt), cela a généralement été pour peu de temps. Certains se sont exilés, quelques uns ont été assassinés (Edgar J. Jung), d’autres sont entrés dans la Résistance, ce qui leur a valu d’être emprisonnés (Ernst Niekisch) ou exécutés (Harro Schulze-Boysen). La plupart ont vécu dans une sorte d’exil intérieur (Jünger) rarement dépourvu d’ambiguïté.

    Si la Révolution Conservatrice reste méconnue en France, n’est-ce pas en partie à cause de la contradiction des termes qu’elle semble contenir ? Les définitions françaises et allemandes des termes « conservateur » et « révolutionnaire » seraient-elles à ce point différentes ?

    En France, le mot « conservatisme » est assez péjoratif. On le tient volontiers pour synonyme de « réactionnaire ». Il en va très différemment en Allemagne, où le mot « droite » est en revanche peu employé. L’association, à première vue surprenante, des mots « conservateur » et « révolutionnaire » témoigne d’abord, d’un point de vue théorique, d’une volonté de conciliation des contraires (c’est au fond l’idée hégélienne d’Aufhebung, de dépassement d’une contradiction). Mais elle répond aussi à l’idée que, dans le monde tel qu’il est devenu, seul un bouleversement général, c’est-à-dire une révolution, permettra de conserver ce qui vaut la peine d’être conservé : non pas le passé, mais ce qui ne passe pas. Arthur Moeller van den Bruck écrit ainsi : « Le réactionnaire se représente le monde tel qu’il a toujours été. Le conservateur le voit comme il sera toujours ». Il ajoute que, par opposition aux réactionnaires, qui ne comprennent rien à la politique, « la politique conservatrice est la grande politique. La politique ne devient grande que lorsqu’elle crée de l’histoire ».

    La confusion sémantique ne s’arrête pas là. Le terme « socialiste » est aujourd’hui utilisé (tant par ceux qui s’en réclament que par ceux qui s’y attaquent) à tort et à travers. Voir l’équipe Hollande-Valls-Macron se réclamer du socialisme est aussi ridicule qu’entendre certains invoquer une « dictature socialiste » pour nommer le désordre libéral-libertaire actuel. Que recouvre le socialisme dont se réclament à la fois Arthur Moeller, Werner Sombart ou encore Ernst Niekisch, au-delà de leurs nuances respectives ?

    Une idée propre à de nombreux révolutionnaires conservateurs est que « chaque peuple a son propre socialisme » (Moeller van den Bruck). Sous Weimar, la notion de « socialisme allemand » est d’usage courant aussi bien à droite qu’à gauche, y compris au sein des organisations nationalistes. Werner Sombart, grand spécialiste de l’histoire du mouvement social et du capitalisme, est d’ailleurs l’auteur d’un livre portant ce titre (Le socialisme allemand, traduction française en 1938). Oswald Spengler parle de « socialisme prussien », c’est-à-dire d’un socialisme porté par l’éthique et le style prussiens, qui rejette d’un même mouvement les valeurs bourgeoises et la « prolétarisation ». Expliquant que Marx a dévoyé le socialisme en l’entraînant en Angleterre, patrie du libéralisme, il affirme qu’il faut maintenant le « rapatrier » dans le pays où « chaque Allemand véritable est un travailleur ». Ces références montrent que pour la Révolution Conservatrice l’ennemi principal est très clairement le libéralisme.

    L’un des riches débats qui animèrent les rangs de la Révolution Conservatrice opposa les tenants d’un « ruralisme », admirateurs de la paysannerie et contempteurs du mode de vie urbain aux partisans d’une prise en main de la technique et de la figure mythique du Travailleur (que contribuèrent à forger tant Jünger que Niekisch). Que peut-on en retenir ?

    C’est en effet l’un des traits qui distinguent les jeunes-conservateurs des nationaux-révolutionnaires. Les premiers, très influencés par l’idée du Reich médiéval, en tiennent souvent pour une société des « états » (Stände) où la paysannerie, lieu par excellence des solidarités organiques et des traditions populaires, joue un rôle essentiel, tandis que les seconds se veulent à la fois plus radicaux et plus « modernistes ». Cela dit, un auteur comme Oswald Spengler n’hésite pas à donner une interprétation « faustienne » de la technique. Le cas d’Ernst Jünger est plus complexe. Son livre sur Le Travailleur (1932), qui oppose à la Figure du Bourgeois une sorte de métaphysique du Travail, est une apologie « titanesque » de la Technique en tant que facteur de « mobilisation totale », mais l’auteur des Orages d’acier reviendra par la suite sur cette façon de voir, notamment sous l’influence de son frère, Friedrich Georg Jünger, auteur dans l’immédiat après-guerre d’un livre très hostile à la technique (Die Perfektion der Technik) que l’on peut considérer comme un ouvrage fondateur de l’écologisme actuel.

    Ce qui frappe dans les portraits que vous dressez, c’est la difficile incarnation politique des idéaux portés par la Révolution Conservatrice. L’extraordinaire fécondité intellectuelle de ce mouvement donne d’autant plus le vertige que ses réalisations politiques paraissent faibles. Qu’en est-il ?

    Il est exact que la Révolution Conservatrice n’a pas réussi à s’imposer politiquement, ce qui est fort dommage, car elle aurait évidemment constitué une alternative positive à l’hitlérisme. Sur le plan politique, elle s’est plutôt manifestée par des activités « ligueuses », des clubs de réflexion, des associations multiples et variées, ce qui n’empêche pas qu’on repère sans peine son influence à l’intérieur du Mouvement de jeunesse (Jugendbewegung) issu de l’ancien Wandervogel, ou à la faveur d’événements ponctuels, comme la révolte paysanne dans le Schleswig Holstein. Mais cela n’a pas suffi à en faire une dynamique de premier plan. Cela s’explique notamment par le fait qu’à quelques exceptions près, les représentants de la Révolution Conservatrice n’étaient pas des politiciens, mais des écrivains et des théoriciens. D’un autre côté, c’est aussi ce qui nous permet de les lire encore aujourd’hui avec profit.

    La Révolution Conservatrice semble trouver des échos inattendus dans la nouvelle critique anti-libérale qui émerge actuellement avec des auteurs tels que Jean-Claude Michéa, Dany Robert-Dufour mais aussi Hervé Juvin, ou encore le jeune Charles Robin que vous avez édité récemment. Que manque-t-il à ce renouveau pour qu’il puisse « faire école » ?

    Disons que certaines thématiques propres à la Révolution Conservatrice resurgissent incontestablement aujourd’hui. Mais on pourrait en dire autant des idées des « non-conformistes des années trente », qu’il s’agisse de Thierry Maulnier, Bertrand de Jouvenel, Alexandre Marc, Robert Aron, Bernard Charbonneau et tant d’autres. Ce qu’il faut, c’est que cette tendance s’amplifie. Au-delà des évolutions individuelles, de plus en plus nombreuses, ce qui me paraît le plus de nature à y contribuer, c’est le fait que l’on voit aujourd’hui s’imposer de nouveaux clivages qui rendent chaque jour plus obsolète le vieux clivage droite-gauche. Le clivage essentiel est désormais celui qui oppose partisans et adversaires de la mondialisation, ou encore le peuple et la classe dominante. La critique du libéralisme peut dans cette optique jouer un rôle fédérateur

    « Droite libérale et gauche sociétale semblent communier dans un même aveuglement », résume Christopher Gérard pour évoquer le récent ouvrage de Paul-François Paoli, Malaise de l’Occident. Vers une révolution conservatrice ? C’est la collusion de ces deux camps que vous démontrez implacablement depuis des décennies. Avez-vous le sentiment que cette compréhension avance ?

    J’ai en effet ce sentiment. Jean-Claude Michéa a joué à cet égard un rôle très important, en montrant (ou en rappelant) l’identité de nature existant entre le libéralisme économique, surtout défendu par la droite, et le libéralisme culturel ou sociétal, surtout défendu par la gauche. La révolution permanente des mœurs ne peut qu’aller de pair avec la libération totale du marché, l’une et l’autre relevant d’une même conception anthropologique, fondée sur l’axiomatique de l’intérêt et sur ce que Heidegger appelle la « métaphysique de la subjectivité ». Un gouvernement associant à la fois Emmanuel Macron et Najat Vallaud-Belkacem en est une illustration frappante. Le fait nouveau est la réapparition « à droite » d’une critique radicale du capitalisme libéral, que je crois aujourd’hui plus nécessaire que jamais. Elle a l’avantage de faire apparaître l’inconséquence tragique de ces « nationaux-libéraux » qui veulent à la fois défendre le système du marché et des « valeurs traditionnelles » que ce système ne cesse d’éliminer.

    Paoli évoque « la précarité intellectuelle de nos enfants, des adolescents qui n’ont aucun repère et dont la culture historique est très pauvre. » et poursuit : « Le mode de vie consumériste fondé sur la consommation de masse a appauvri ce pays. Il l’a appauvri culturellement et symboliquement ». Pour conclure, ne peut-on pas envisager que si une révolution conservatrice est en germe, elle s’incarne plus dans des modes de vie dissidents (citadelle ou grain de sable) que dans une énième structure politique ?

    Vous avez sans doute raison. Face à un système de l’argent en passe de se détruire lui-même du fait de ses contradictions internes, l’action politique, si utile qu’elle puisse être, trouve très vite ses limites. Se rebeller contre ce système exige d’adopter des modes de vie ou des styles de vie différents, ce qui implique un patient dessaisissement par rapport à l’idéologie dominante, à commencer par le primat des valeurs marchandes. Serge Latouche parle à ce propos de « décolonisation » de l’imaginaire symbolique, formule qui me paraît bien trouvée. C’est à cette condition que l’on pourra voir réapparaître à l’échelon local des « espaces libérés » où la réanimation du lien social permettra l’émergence d’une nouvelle citoyenneté sur la base de valeurs partagées.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Pierre Saint-Servant (Novopress, 4 et 5 février 2015)

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