Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Entretiens - Page 177

  • La représentation du divin, un vieux clivage...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la question de la représentation du divin dans les différentes religions...

    alain de benoist,turbocapitalisme,hollande,taubira,révolution

     

    « Iconoclastes contre iconodules : une histoire vieille comme les religions… »

    Avec la tuerie perpétrée à Charlie Hebdo, un débat est redevenu d’actualité : la légitimité d’une représentation du sacré, que ce soit pour l’exalter ou le dénigrer. Dans l’islam, est-il donc interdit de représenter le Prophète ?

    On connaît dans le monde musulman un certain nombre de représentations du Prophète, notamment sur des enluminures et des miniatures persanes ou turques. Mais il est vrai qu’il s’agit d’exceptions. En règle générale, la tradition islamique condamne la représentation imagée. Le Coran est pourtant parfaitement muet sur la question. Il dénonce bien sûr les « idoles » (al-âçnâm), mais les termes « image » (çûra) et « représentation » (rasm) sont totalement absents. C’est en fait vers la tradition qui se met en place à partir des VIIe et VIIIe siècles, et vers les recueils de h’adîths codifiés dans la seconde moitié du IXe, qu’il faut se tourner pour trouver les bases de l’aniconisme musulman. Al-Bukhâri, par exemple, déclare que « les anges n’entreront pas dans une maison où il y a un chien, ni dans celle où il y a des images ». À la fin du VIIe siècle, la célèbre réforme monétaire du calife Abd al-Mâlik interdit de faire figurer des visages sur les pièces de monnaie.

    Par la suite, l’hostilité aux images ne cessera de s’accentuer, surtout chez les sunnites, comme en témoigne la célèbre fatwâ du juriste shaféite syrien al-Nawawî, au XIIIe siècle : « Les grandes autorités de notre école et des autres tiennent que la peinture d’une image de tout être vivant est strictement défendue et constitue l’un des péchés capitaux […] parce qu’elle implique une copie de l’activité créatrice de Dieu. » La calligraphie, née dans les mosquées, permet alors de ramener le Prophète à un graphème. À l’inverse, on observe dans le monde iranien, et notamment dans le mysticisme soufi, une approche de la question nettement plus nuancée, tant dans la pratique que chez les exégètes.

    Le paganisme n’était pas avare de représentations divines, en fresques, peintures ou statues, au contraire du monothéisme qui les prohibait. Comment expliquer cette différence fondamentale ?

    « La religion grecque est la religion même de l’art », disait Hegel. C’est en tout cas en Grèce qu’elles ont connu l’une et l’autre leur plus bel épanouissement. L’usage des statues (agalmata), en particulier, est constitutif de la cité grecque. Le divin chez les Grecs se constate, s’éprouve en ce qu’il se donne à voir (et ce voir est indissociable d’un savoir). Pour les Européens, il a toujours été impensable de séparer la divinité de la beauté, elle-même indissociable de l’expérience de la vue.

    Au contraire, la tradition biblique tend à dévaloriser la vue au profit de l’écoute (« Chema Israel », Deut. 6,4), qui commande un mode de compréhension plus abstrait, moins lié au sensible. Comme l’a écrit Régis Debray, dans le monothéisme, « seule la parole peut dire la vérité, la vision est puissance de faux ». Dans le Décalogue, la prescription iconoclaste constitue le second « commandement » : « Tu ne te feras aucune image taillée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la terre, ici-bas, ou dans les eaux » (Exode 20, 4 et 34,17 ; Lév. 26, 1 ; Deut. 5, 8, etc.). Cette interdiction des images figurées est en rapport immédiat avec la proscription de l’« idolâtrie », c’est-à-dire de toute forme de culte étranger (« Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi »). L’« idole », en grec éidôlon, désigne ce qui se donne à voir. Mais dans la Bible, la transcendance absolue ne peut être ramenée à une représentation particulière. Cette vieille opposition du concept et de l’image, c’est aussi celle que l’on retrouve entre l’art figuratif et un « art contemporain » qui tend à privilégier l’abstraction.

    Au sein même du christianisme, le débat a fait rage entre iconoclastes et iconodules. Et dans les temples protestants, il y a des croix, mais pas de Christ dessus…

    Dans les premiers siècles de notre ère, l’art chrétien est presque inexistant. Issu du judaïsme, le christianisme a hérité de sa réticence de principe envers les représentations figurées. Il doit en outre se différencier du paganisme, qui fait grand usage des statues. Au début du IIIe siècle, Clément d’Alexandrie rappelle ainsi qu’il est interdit aux chrétiens « de produire des œuvres trompeuses, car Moïse a dit : Tu ne feras pas d’images… » Comme en outre les évangiles ne disent strictement rien de l’apparence physique de Jésus, la représentation que pourrait en donner les artistes serait nécessairement arbitraire : « Nous ne connaissons pas son apparence », dit saint Augustin. Tertullien, dans son De idolatria, manifestait déjà la même réticence. Eusèbe de Césarée, dans une épître adressée vers 315 à l’impératrice de Byzance, affirme qu’il est matériellement impossible de représenter le Christ : la fusion en lui de l’élément divin et de l’élément humain rend par avance blasphématoire tout portrait que l’on pourrait donner de lui. Les icônes ne deviendront courantes qu’à partir du VIe siècle, mais ne recevront de véritable justification doctrinale que deux siècles plus tard.

    À partir de 1200, Orient et Occident empruntent des voies différentes. Tandis que dans la chrétienté orientale, l’image se fige dans le modèle de l’icône, l’art religieux explose sous toutes ses formes dans la plupart des pays d’Europe occidentale. L’image, du même coup, perd de son caractère proprement sacré, même lorsqu’elle continue à représenter des sujets religieux. Le grand art chrétien relève désormais avant tout de l’esthétique, tandis que le culte des images à l’ancienne se perpétue plutôt dans les ex-voto, les images de dévotion, les tableaux de mission ou de confréries. Le protestantisme reprendra plus tard à son compte la vieille prescription iconoclaste. C’est pour la même raison qu’il rejettera le culte marial et le culte des saints, trop proches selon lui du polythéisme.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 10 février 2015)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • L'Italie populiste ?...

    Italia populista.jpg

    Marco Tarchi, professeur de sciences politiques et chef de file de la Nouvelle droite italienne, qui vient de publier un essai intitulé Italia populista (Il Mulino, 2015), était reçu le 4 mars 2015 par Martial Bild, dans le journal de TV Libertés. Il a évoqué à cette occasion le poids dans la politique italienne des mouvements populistes, comme le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo ou la Ligue du Nord de Matteo Salvini...

     

    Lien permanent Catégories : En Europe, Entretiens, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • « Si tout le monde peut être français, le communautarisme est inévitable »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Jean-Yves Le Gallou, cueilli sur le site de Polémia et consacré au débat autour de la notion de « Français de souche »...

    Carte d'identité.jpg

     

    « Si tout le monde peut être français, le communautarisme est inévitable »

    Le mot « Français » est souvent complété d’une appartenance communautaire… Que veut-il dire ?

    Il existe deux sens très différents au mot « Français » aujourd’hui :

    – un sens administratif, d’abord : être français, c’est avoir une carte d’identité française ;

    – un sens historique et culturel, ensuite, pour les Français de civilisation européenne et d’expression française.

    De ces deux définitions découlent une série de confusions devenues récemment caricaturales avec l’expression « djihadistes français ». Cette appellation est juridiquement vraie mais elle n’a aucun sens si l’on considère la définition culturelle et historique du mot « Français ».

    Quelle évolution du Code de la nationalité a permis un tel fossé entre différents « Français » ?

    Depuis 1803 (Ire République !), la base de la nationalité est la filiation et, donc, le droit du sang : un expatrié a, par exemple, des enfants français.

    Mais cette règle a été progressivement déviée par l’ajout d’éléments de droit du sol : un enfant né en France de parents étrangers peut devenir automatiquement français entre 13 et 18 ans, et un enfant né en France de parents eux-mêmes nés en France est automatiquement français… S’ajoutent à cela des naturalisations de masse sans sélection. Résultat : on fabrique chaque année autour de 150.000 « Français » dont beaucoup ne sont absolument pas assimilés.

    Il y avait eu un grand débat en 1986 autour de la suppression de ces éléments de droit du sol. Le slogan du FN était : « Etre français, cela s’hérite ou se mérite », mais ce point de vue était aussi défendu par le RPR et l’UDF ! Malheureusement, cette même année, de nombreuses manifestations étaient organisées contre la loi Devaquet qui voulait réformer l’Université et, à cette occasion, un jeune manifestant d’origine immigrée, Malik Oussekine, était mort… Victime d’une campagne de sidération médiatique, le gouvernement Chirac avait alors abandonné sa loi sur l’Université et la réforme de la nationalité.

    Il créait à la place la Commission de la nationalité qui a théorisé la conception « citoyenne » de la nationalité contre la volonté du peuple qui avait soutenu à 55% des partis opposés à celle-ci.

    Comment en est-on arrivé à parler de « Français de souche » ?

    En 1987, la conception de la nationalité française dite « citoyenne » est donc adoptée.

    En clair, tout le monde peut être français s’il réside en France et adhère à un minimum de « valeurs » républicaines (ce qui n’est même pas vérifié ni réellement défini) : une coquille vide, conception très abstraite, cache-sexe d’une communautarisation du pays. On s’est mis alors à parler de Français juifs, de Français noirs, de Français musulmans… Et le Français « moins », c’est-à-dire le Français tout court, s’est alors retrouvé dans l’expression de « Français de souche », résultat d’une conscientisation qui a débuté dans les années 2000 grâce au site François Desouche.

    Le Français de souche, c’est un Français blanc, de civilisation européenne et de religion ou d’héritage chrétien.

    Le problème, c’est que les Français « plus » sont particulièrement protégés : interdiction de les « stigmatiser », et des associations soi-disant représentatives (CRIF, CRAN, CFCM) font valoir leurs exigences. A partir du moment où l’on refuse toute spécificité d’origine, de culture, d’histoire, de civilisation au concept de Français, il ne reste plus rien et les revendications identitaires de toutes sortes divisent la France. Parler de « vivre ensemble » dans cette situation est totalement hors-sol : il n’existe nulle part, ni dans les habitudes alimentaires, ni dans le choix du lieu de vie, de l’établissement scolaire ou des références culturelles. Il est le cache-sexe d’une société éclatée puisqu’il ne peut y avoir de communauté nationale sans communauté de civilisation. Le problème n’est pas nouveau, Aristote le disait déjà !

    Qui pourrait représenter les Français de souche ?

    Pour les Français de souche, le vote FN est la voie politique la plus évidente pour exprimer leur « cri de douleur ». Mais les dirigeants du FN entendent, eux, s’adresser aux « Français de toutes origines » – ce qui peut se comprendre – et ne sont pas loin d’adhérer à la conception citoyenne de la nationalité…

    Il y a, là encore, un fossé qui se creuse : les deux principaux dirigeants rejoignent cette conception citoyenne de la nationalité alors que les militants, les adhérents et une très grande partie des cadres et des élus défendent une conception civilisationnelle de la nationalité. Les Français de souche sont encore en grande majorité, mais ils sont les véritables orphelins de la République.

    On ne parle plus que de « République ». Où est passée la France ?

    Le mot « République » est effectivement devenu un mot-valise pour désigner tout ce qui est politiquement correct : il a remplacé les mots « nation » et « identité ».

    On ne parle plus de France mais de République. Rappelons-nous pourtant que si la Guerre de 1914 a été conduite par des « nationaux républicains » (Poincaré, Clemenceau, les généraux), les soldats, eux, sont morts pour la France ! On meurt pour quelque chose de charnel, pas pour une idée abstraite.

    Quelles solutions ?

    Même si l’expression « Français de souche » est sortie de la bouche du président Hollande dans un contexte ultra-stigmatisant puisqu’il s’agissait de qualifier le profanateur du cimetière juif de Sarre-Union (qui, par ailleurs, est d’extrême gauche), il s’est imposé quand même. C’est une première victoire sémantique pour tous ceux qui développent une volonté de réappropriation de leur identité.

    Ce combat trouve désormais un relai intellectuel chez Zemmour, Juvin, Finkielkraut, Camus, Millet mais également dans LMPT, les Veilleurs ou les propos de Béatrice Bourges.

    Ces discours permettent une conscientisation des origines de la France. Il y a donc une demande populaire et une expression intellectuelle : les Français de souche sont encore très largement majoritaires ; l’enjeu est donc désormais de tenter un renversement politique malgré la dictature médiatique.

    Il faut enfin s’affranchir de la culpabilisation imposée dans la sphère publique : ce système communautaire qui détruit la France ne tient plus que grâce à une propagande intense qu’il faut contrer. Et à laquelle, surtout, il ne faut pas céder !

     Jean-Yves Le Gallou, propos recueillis par Charlotte d'Ornellas (Polémia, 2 mars 2015)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • La crise de l’école a fondamentalement des causes idéologiques...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la crise de l'école...

    alain de benoist,turbocapitalisme,hollande,taubira,révolution

     

     

    « La crise de l’école a fondamentalement des causes idéologiques »

    Après les incidents suscités dans les écoles par le refus de certains élèves d’observer une minute de silence en hommage aux morts de Charlie Hebdo, Najat Vallaud-Belkacem annonce le lancement d’un vaste programme de « formation des futurs citoyens aux valeurs de la République ». Elle ajoute que « les candidats professeurs seront désormais évalués sur leur capacité à faire partager les valeurs de la République ». Qu’est-ce que cela signifie ?

    Les « valeurs de la République » qu’on invoque aujourd’hui rituellement se ramènent à un seul et unique concept : la laïcité. Une laïcité qui n’est pas la laïcité « prudentielle » dont parlait Émile Poulat, mais une sorte de nouvelle religion publique qui, pour s’imposer, exige que l’enfant soit soustrait à toute appartenance, à toute croyance, à toute identité héritée. C’est le principe même de la métaphysique progressiste : l’idée qu’une société libre et fraternelle ne pourra naître que de la ruine de toutes les formes particulières d’enracinement. C’est aussi l’idéal d’une société censée se composer de sujets autosuffisants, sans aucune forme d’engagement ni d’attachement mutuel autre que volontaire, rationnelle ou contractuelle. Vincent Peillon l’avait d’ailleurs dit sans fard : l’école doit « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ». Pour les modernes, être libre, c’est être indéterminé.

    Le postulat de base est que des élèves que l’on aura coupé de leurs racines seront plus portés à la « tolérance ». En termes clairs : les enfants d’origine immigrée se sentiront moins étrangers en France quand les jeunes Français se sentiront eux-mêmes étrangers chez eux. Ce n’est évidemment qu’un vœu pieux, car l’indistinction généralisée est fondamentalement polémogène. C’est en outre un détournement évident du rôle de l’école.

    L’institution scolaire se porte déjà très mal. D’innombrables livres sont parus ces dernières années pour dénoncer la baisse de niveau d’une école transformée en « fabrique de crétins » (Jean-Paul Brighelli). La faute aux réformes ? Aux enseignants ?

    Cessons de croire que les enseignants sont pour la plupart des « soixante-huitards attardés ». Ce sont au contraire dans leur immense majorité des fonctionnaires conformistes, qui gèrent les choses comme ils peuvent, leur principal souci étant de se conformer à l’injonction qui leur est faite d’éviter de « faire des vagues ». Quant aux incessantes réformes adoptées par des gouvernements de droite ou de gauche depuis cinquante ans, elles ont en général aggravé la situation. Mais il est parfaitement inutile de s’obnubiler sur elles si l’on ne comprend pas de quelle idéologie elles relèvent. La crise de l’école a fondamentalement des causes idéologiques. J’en distinguerai au moins quatre.

    La première est celle dont j’ai déjà parlé. On peut la résumer d’une formule : le refus de transmettre. François-Xavier Bellamy, dans son excellent ouvrage intitulé Les déshérités, rapporte ces mots d’un inspecteur général de l’Éducation nationale qui l’avaient profondément marqué quand il était jeune enseignant : « Vous n’avez rien à transmettre » ! Dans cette perspective, la transmission de la culture est automatiquement suspecte d’« aliénation » et d’« enfermement ». La culture doit être « déconstruite » pour fonder le savoir sur la seule raison. Valérie Pecresse, ministre UMP de l’Enseignement supérieur, avait ainsi supprimé des concours d’entrée aux grandes écoles l’épreuve de culture générale, jugée « discriminatoire ». Aujourd’hui, des pans entiers de culture sont progressivement abandonnés au motif de lutter contre les « stéréotypes », en particulier dans le domaine du « genre ». La mémoire et l’identité d’un peuple disparaissent ainsi de l’apprentissage scolaire.

    À cette idéologie du refus de la transmission s’ajoute très classiquement le vieil égalitarisme. Comme on se refuse à admettre que les élèves ne sont pas tous également capables, on conclut de l’égalité des chances au départ à l’égalité des résultats à l’arrivée (la totalité des classes d’âge doivent « avoir le bac »). Résultats : effondrement des niveaux, illettrisme et diplômes au rabais.

    « À partir du moment où l’on interdit de transmettre la culture, au motif qu’elle est discriminatoire, écrit encore François-Xavier Bellamy, on rend l’origine sociale des élèves plus déterminante que jamais. Puisque le savoir n’est pas transmis à l’école, seuls seront sauvés ceux qui le reçoivent dans leur famille. » C’est aussi l’opinion de Michel Onfray : « L’école d’aujourd’hui tue sur place les enfants de pauvres et sélectionne les enfants des classes favorisées qui monnaient dans la vie active, non ce qu’ils ont appris à l’école, mais ce qu’ils ont appris chez eux. » Au nom de l’égalité, on a ainsi mis en place le système scolaire le plus inégalitaire qui soit. Bourdieu a produit le système qu’il dénonçait.

    Troisième facteur, aggravé par le discrédit général de la notion d’autorité : le « pédagogisme » des années 1980 et 1990, dont le grand théoricien a été Philippe Meirieu (celui qui proclamait naguère qu’il fallait apprendre à lire sur les modes d’emploi des appareils ménagers). Sous prétexte de se mettre « à hauteur de l’enfant », il revient à abandonner toute logique éducative afin, comme le stipulait la loi Jospin de juillet 1989, de laisser l’enfant « construire lui-même ses propres savoirs ». Transformé en gentil moniteur-accompagnateur, le bon prof serait celui qui laisse l’élève « être lui-même » dans une école transformée en « lieu de vie ». D’où la disparition des cours magistraux (au profit des « séquences pédagogiques ») et la multiplication des « expérimentations » les plus aberrantes, qui ont encore tiré le système vers le bas.

    La dernière influence est plus récente. C’est la conception utilitaire ou « managériale », qui veut que l’école existe, non pour éduquer, mais pour donner des « outils », un « bagage » pour trouver un métier. Dans cette conception purement marchande de l’école, la culture générale et les études classiques sont supprimées dans la mesure même où on les juge « inutiles ». La culture, qui est du domaine de l’être, est réduite à un « capital » aussi léger que possible, tout entier pensé dans le vocabulaire de l’avoir, le but étant de fabriquer des « individus indéterminés, indifférenciés et indifférents, acteurs et produits parfaits de la société de consommation » (Bellamy). « Du point de vue anthropologique, écrivait Pasolini, la révolution capitaliste exige des hommes dépourvus de liens avec le passé. » Au moment où l’on va vers l’instauration du « tout numérique » à l’école, cette tendance est évidemment appelée à se développer.

    Des solutions ?

    Si l’on veut favoriser chez les élèves de toutes origines la volonté d’appartenance à la France, il faut poser en principe que la France est d’abord une nation (avant d’être une « République ») et, comme l’a rappelé récemment Robert Redeker, que l’amour d’une nation se nourrit de deux éléments fondateurs : l’amour de la langue et l’amour de l’histoire. Or, l’enseignement de l’histoire, de la langue et de la littérature françaises a été systématiquement détruit. Ce n’est pas la « laïcité » qui va y suppléer. En dernière analyse, on ne peut faire l’économie d’une anthropologie. La question est de savoir si l’homme est ou non un être social dont la culture est inhérente à sa nature humaine, et si le propre de l’expérience humaine tient au fait que nous ne sommes pas immédiatement nous-mêmes. Tant que ces questions-là n’auront pas été posées, l’école continuera à sombrer.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 27 janvier 2015)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • Qui est Big Brother ?... Un entretien avec Laurent Obertone

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien avec Laurent Obertone, autour de son dernier ouvrage, La France Big Brother, publié aux éditions Ring, réalisé mercredi 18 février par l'Agence Info libre.

     


    La France Big Brother : Entretien avec Laurent... par agenceinfolibre


    La France Big Brother : Entretien avec Laurent... par agenceinfolibre

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • « L’État islamique a été créé par les États-Unis ! »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à l'ennemi islamiste, au Levant et en France...

    alain de benoist,turbocapitalisme,hollande,taubira,révolution

     

    « L’État islamique a été créé par les États-Unis ! »

    Pour que cette union nationale dont on nous rebat les oreilles depuis des jours ait un sens, cela nécessite la menace d’un ennemi commun. Mais quel est-il, sachant que personne ne l’a pour l’instant désigné ? Car se contenter d’évoquer le « terrorisme », ça demeure un peu vague…

    Nous assistons actuellement à d’incessantes gesticulations visant à tout faire pour ne pas désigner l’ennemi sous son nom. La notion d’ennemi devient problématique dès l’instant où l’on ne veut pas en avoir, parce que l’on a oublié que l’histoire est tragique et qu’on a voulu mettre la guerre hors la loi. Mais il y a au moins deux autres raisons à ce refus d’appeler l’ennemi par son nom. La première est que cette désignation paraît politiquement incorrecte, car susceptible d’« amalgame » (le mot est d’origine arabe : âmal a-jammâa). La seconde, la plus fondamentale, est que la classe politique n’est pas étrangère à son apparition.

    La France a fait deux erreurs gravissimes : la guerre en Libye, qui a plongé ce pays dans la guerre civile et l’a transformé en arsenal à ciel ouvert, et l’affaire syrienne, où nous avons apporté notre appui aux adversaires de Bachar el-Assad, qui sont les mêmes islamistes que nos troupes combattent en Irak et au Mali. À cela s’ajoute que « l’État islamique a été créé par les États-Unis », comme l’a rappelé sans ambages le général Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre, au Sénat le 17 décembre dernier, et que le terrorisme n’a cessé d’être financé par le Qatar et l’Arabie saoudite, que nous considérons à la fois comme des clients et des alliés.

    Dans le cas du terrorisme intérieur, le problème est le même. Nous ne sommes plus en effet confrontés à un « terrorisme global » tel qu’on en a connu par le monde à la grande époque d’Al-Qaïda mais, comme Xavier Raufer ne cesse de le répéter, à un terrorisme autochtone, qui est le fait de racailles des cités ayant fait leurs classes dans le grand banditisme avant de se transformer en bombes humaines sous l’effet de l’endoctrinement ou d’un délire partagé. De Mohammed Merah aux frères Kouachi, ce terrorisme est indissociable de la criminalité (ce n’est pas avec des pétrodollars mais des braquages de proximité que les terroristes se procurent leurs kalachnikov). Lutter contre le « gangsterrorisme » implique donc de s’appuyer sur le renseignement criminel. Or, si les renseignements existent, ils ne sont pas exploités, précisément parce qu’on se refuse à admettre la réalité, à savoir que ce terrorisme est l’une des conséquences de l’immigration. La France, en d’autres termes, a sécrété un nouveau type de terrorisme en laissant s’installer un milieu criminel qui échappe en grande partie à son contrôle. C’est pour cela que chez ces terroristes, qui étaient pourtant surveillés, on n’a pas repéré le risque de passage à l’acte. Les directives données par le renseignement intérieur n’étaient pas les bonnes. On a préféré surveiller Internet et spéculer sur le retour des djihadistes plutôt que d’être sur le terrain, au cœur même des cités. Or, le problème ne se situe pas au Yémen ou en Syrie, mais dans les banlieues.

    Sommes-nous en guerre ?

    Le terrorisme, c’est la guerre en temps de paix. Et aussi, comme l’a dit Paul Virilio, la « guerre sans fin, aux deux sens de ce mot ». À l’étranger, nous sommes en guerre contre le djihadisme, branche terroriste de l’islamisme salafiste. En France, nous sommes en guerre contre un terrorisme intérieur, pur produit de cette immigration incontrôlée qu’on a laissée se développer comme un chaudron de sorcières d’où sortent des racailles plus ou moins débiles, passées du gangstérisme à l’islamisme radical, puis de l’islamisme radical au djihad pulsionnel.

    Qui peut croire que l’on résoudra le problème avec des « cours civiques » à l’école, des incantations à la laïcité, de pieuses considérations tirées de l’histoire sainte du « vivre ensemble » ou de nouvelles lois en forme de gris-gris vaudous « contre-toutes-les-discriminations » ? C’est pourtant très exactement là que nous en sommes. La classe dirigeante est devenue totalement prisonnière de son incapacité à voir les choses en face, cause principale de son indécision (et de son désarroi, car elle ne sait plus que faire). Elle prétend se battre contre un ennemi dont elle ne veut pas reconnaître qu’il s’agit d’un Golem qu’elle a engendré. Le docteur Frankenstein ne peut pas lutter contre sa créature parce que c’est sa créature. Les terroristes dont Mohammed Merah reste le prototype sont les fruits de trente ans d’angélisme et de cécité volontaire sur l’immigration, d’une « politique de la ville » qui se résume à 100 milliards d’euros partis en fumée après avoir été distribués à des associations fictives, et d’une « culture de l’excuse » qui s’est muée en culture de l’impunité.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 16 février 2015)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!