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Entretiens - Page 174

  • Quand les portes du Camps des Saints sont ouvertes...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Jean Raspail au magazine Le Point au sujet de son roman, Le Camps des Saints, publié en 1973 mais qui semble être la préfiguration prophétique de la crise migratoire que nous vivons...

     

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    Jean Raspail : "Que les migrants se débrouillent"

    Le Point.fr : On vous doit Le Camp des saints, un livre paru en 1972 narrant l'arrivée massive de migrants sur les côtes de la Méditerranée que certains, à l'extrême droite, considèrent, plus encore depuis la crise des réfugiés, comme visionnaire… Qu'est-ce que cela vous inspire ?

    Jean Raspail : Cette crise des migrants met surtout fin à trente ans d'insultes et de calomnies contre ma personne. J'ai été traité de fasciste pour ce roman considéré comme un livre raciste…

    L'êtes-vous, raciste ?

    Non, pas du tout ! On ne peut pas avoir voyagé toute sa vie, être membre de la Société des explorateurs français, avoir rencontré je ne sais combien de peuplades en voie de disparition, et être raciste. Cela me paraît difficile. Lors de sa parution en 1972, le livre a énormément choqué, et pour cause. Il y a eu une période, notamment sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, où s'exerçait un véritable terrorisme intellectuel contre les écrivains de droite.

    Un « terrorisme intellectuel », déjà ?

    Oui. On m'a insulté, traîné dans la boue, puis cela s'est doucement tassé. Car, peu à peu, on s'est mis à vivre la situation que je décris dans ce livre. Un certain nombre d'intellectuels, y compris de gauche, ont reconnu qu'il y avait du vrai dans ce que j'annonçais. Bertrand Poirot-Delpech, qui m'avait descendu dans Le Monde à la sortie du livre, a déclaré dans un article paru dans le même journal, en 1998, que j'avais finalement raison. Maintenant, c'est fini.

    Le Camp des saints inspire également le rejet, tout comme l'évocation de votre nom…

    Parmi les irréductibles anti-Raspail, il ne reste guère plus que Laurent Joffrin (patron de Libération, NDLR). Lui, il n'y a rien à faire, il continue à me cracher dessus, c'est plus fort que lui. Mais mon ami Denis Tillinac se charge de lui répondre. Je ne suis pas revanchard. Je suis désormais à ma juste place.

    Si ce livre n'est pas raciste, comment le qualifieriez-vous ?

    C'est un livre étonnant.

    Étonnant ?

    Ce livre est né étrangement. Avant lui, j'avais écrit des livres de voyages et des romans sans grand succès. J'étais dans le Midi, un jour de 1972, chez une tante de ma femme, près de Saint-Raphaël, à Vallauris. J'avais un bureau avec une vue sur la mer et je me suis dit : « Et s'ils arrivent ? » Ce « ils » n'était d'abord pas défini. Puis j'imaginais que le tiers-monde se précipiterait dans ce pays béni qu'est la France. C'est un livre surprenant. Il a été long à écrire, mais il est venu tout seul. J'arrêtais le soir, je reprenais le lendemain matin sans savoir où j'allais. Il y a une inspiration dans ce livre qui est étrangère à moi-même. Je ne dis pas qu'elle est divine, mais étrange.

    Il est une chose que vous n'aviez pas anticipée, c'est le rejet suscité par ce livre dès sa parution…

    Quand mon éditeur Robert Laffont, un homme apolitique, a lu le manuscrit, il a été très enthousiasmé et n'a pas trouvé une virgule à changer. D'ailleurs, je n'ai rien changé.

    C'est un livre qui aurait été possible aujourd'hui ?

    Au départ, Le Camp des saints n'a pas marché. Pendant au moins cinq ou six ans, il a stagné. Il s'est peu vendu. Après trois ans, brusquement, le chiffre des ventes a augmenté. Le succès est venu par le bouche-à-oreille et grâce à la promotion qu'en ont faite des écrivains de droite. Jusqu'au jour où, en 2001, un bateau de réfugiés kurdes s'est échoué à Boulouris, près de Saint-Raphaël, à quelques mètres du bureau où j'ai écrit Le Camp des saints ! Cette affaire a fait un foin terrible dans la région. Du coup, on a reparlé de mon livre et il a touché un large public. C'était le début d'une arrivée maritime de gens d'ailleurs. Je suis un peu honteux, car lorsqu'il y a une vague importante de migrants, on le réimprime. Il est consubstantiel de ce qui se passe.

    Est-ce un livre politique ?

    Peut-être un peu, oui. Le dernier carré de fidèles et de combattants est composé de patriotes, attachés à l'identité et au terroir. Ils s'insurgent contre la fraternité générale et le métissage…

    Vous vous défendez d'être d'extrême droite, mais votre livre à valeur de tract dans certaines mouvances xénophobes. Vous le déplorez ?

    Vous parlez de l'extrême de l'extrême droite ! C'est possible que ce livre soit instrumentalisé et il peut y avoir, parfois, des excès de langage. Je n'y peux rien. Par ailleurs, je ne vais pas sur Internet, je ne suis pas entré dans le XXIe siècle, je ne sais donc pas ce qu'on y dit. Personnellement, je suis à droite, et cela ne me gêne pas de le dire. Je suis même de « droite-droite ».

    C'est-à-dire ?

    Disons plus à droite que Juppé. Je suis d'abord un homme libre, jamais inféodé à un parti. Je patrouille aux lisières.

    Vous votez ?

    Pas toujours, je suis royaliste. Je vote au dernier tour de la présidentielle. Je ne vote pas à gauche, c'est une certitude.

    Avez-vous songé à écrire une suite au Camp des saints ?

    Il est certain qu'il y en aura une, mais elle ne sera pas de moi. Est-ce qu'elle arrivera avant le grand bouleversement général ? Je n'en suis pas sûr.

    Dans votre livre, vous évoquez le caractère « féroce » des migrants. Or, on constate aujourd'hui que ceux qui arrivent de Syrie ou d'ailleurs n'ont pas le couteau entre les dents…

    Ce qui se passe actuellement n'est pas important, c'est anecdotique, car nous n'en sommes qu'au début. En ce moment, tout le monde s'exprime sur le sujet, il y a des milliers de spécialistes de la question des migrants, c'est un chaos de commentaires. Aucun ne se place dans les 35 ans qui viennent. La situation que nous vivons est moindre à côté de ce qui nous attend en 2050. Il y aura 9 milliards d'individus sur terre. L'Afrique est passée de 100 millions à un milliard d'habitants en un siècle, et peut-être le double en 2050. Est-ce que le monde sera vivable ? La surpopulation et les guerres de religion rendront la situation délicate. C'est alors que se produira l'envahissement, qui sera inéluctable. Les migrants viendront en grande partie de l'Afrique, du Moyen-Orient et des confins de l'Asie…

    Faut-il combattre le mal à la racine et bombarder les points stratégiques de Daesh, comme vient de le faire la France ?

    C'est leur problème, pas le nôtre. Cela ne nous concerne pas. Qu'avons-nous été faire dans cette histoire ? Pourquoi voulons-nous jouer un rôle ? Qu'ils se débrouillent ! Nous nous sommes jadis retirés de ces régions, pourquoi y revenir ?

    Et que fait-on lorsque des ordres d'attentat contre la France sont passés depuis la Syrie ?

    On bloque. On empêche les entrées sur le territoire français. Les politiques n'ont aucune solution à ce problème. C'est comme la dette, on la refile à nos petits enfants. Il reviendra à nos petits-enfants de gérer ce problème de migration massive.

    L'Église catholique n'est pas du tout sur cette longueur d'onde. Elle invite les fidèles à faire preuve de générosité…

    J'ai écrit que la charité chrétienne souffrira un peu devant les réponses à apporter face à l'afflux de migrants. Il faudra se durcir le cœur et supprimer en soi toute sorte de compassion. Sinon quoi, nos pays seront submergés.

    Refuser l'accueil de tous, y compris des chrétiens d'Orient ?

    Éventuellement, car ils sont les plus proches des Occidentaux de par leur religion. C'est pourquoi beaucoup de Français souhaitent les accueillir. La France, ce pays sans aucune croyance religieuse, prouve que le fond de la civilisation occidentale est un fond chrétien. Les gens, même s'ils ne vont plus à la messe et ne pratiquent pas, réagissent selon ce fond chrétien.

    Jean Raspail, propos recueillis par Saïd Mahrane (Le Point, 29 septembre 2015)

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  • A propos de la Révolution Conservatrice...

    Vous pouvez écouter ci-dessous un Libre Journal des idées politiques, diffusé sur Radio Courtoisie en février 2015 et consacré à la Révolution Conservatrice allemande. Edouard Chanot, l'animateur de l'émission recevait pour aborder ce sujet Alain de Benoist, à l'occasion de la publication de son ouvrage Quatre figures de la Révolution Conservatrice allemande (Les Amis d'Alain de Benoist, 2014).

     

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  • Le chaos migratoire, comme forme supérieure de la crise du spectacle marchand ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien avec Francis Cousin, réalisé par l'Agence Info libre et consacré à la crise des "migrants". Philosophe, Francis Cousin, auteur de l'essai intitulé L'être contre l'avoir (Le retour aux sources, 2012).

     

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  • Quand la réalité vient sèchement démentir le monde virtuel que s’était construit les élites occidentales...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par David Engels à Atlantico et consacré à la réaction des élites européenne à la crise multiforme qui touche leur continent. Professeur d'histoire à l'Université libre de Bruxelles, David Engels a récemment publié un essai fort intéressant intitulé Le déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013).

     

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    Rattrapées par l’histoire : quand la réalité vient sèchement démentir le monde virtuel que s’était construit les élites occidentales

    Atlantico : En quoi des évènements majeurs comme ceux de Charlie Hebdo au mois de janvier, mais aussi la crise des migrants que l'Union européenne gère péniblement, ont-ils pu constituer un choc pour la vision qu'avaient les élites occidentales du monde ? Dans quelle mesure ces dernières se voient-elles bousculées ?

    David Engels : En analysant les diverses expressions d’opinion dans les grands médias, je ne suis pas certain de la mesure dans laquelle on peut vraiment parler d’un bousculement des opinions établies au sein des élites occidentales. Certes, les nombreux drames humanitaires et sécuritaires des derniers mois ont été vécus comme extrêmement affligeants, à la fois par le grand public et par les milieux politiques et intellectuels, mais ce qui l’est encore plus, c’est l’absence totale de véritable remise en question d’une certaine vision du monde qui est à l’origine de ces drames.

     Comprenons-nous bien : quand je parle ici de « responsabilité », ce n’est pas dans un sens moralisateur, mais au contraire, dans un sens pragmatique. Car il faut bien séparer deux aspects : d’un côté, le drame migratoire, la crise économique et les dangers du fondamentalisme musulman nous mettent devant des contraintes morales et nécessités pragmatiques que nous ne pouvons nier sans inhumanité ; d’un autre côté, il faudrait enfin cesser d’ignorer que ces crises sont en large part dues au dysfonctionnement politique, économique et identitaire profond de notre propre civilisation.

    Il faudrait enfin accepter les nouveaux paradigmes sociaux qui s’imposent et prendre les mesures, à l’intérieur comme à l’extérieur, pour arrêter la casse, au lieu de surenchérir sur nos propres erreurs. Car c’est exactement ce que nous faisons pour le moment. Le refus de mener une politique extérieure européenne digne de ce nom a-t-il laissé le champ libre aux interventions des États-Unis et provoqué un exode ethnique sans pareil ? Retirons-nous encore plus de notre responsabilité politique et cantonnons-nous à faire le ménage des autres ! La libéralisation de l’économie nous a-t-elle poussés dans une récession sans pareil ? Pratiquons encore plus de privatisations et d’austérité ! Le remplacement des valeurs identitaires millénaires de notre civilisation par un universalisme matérialiste et individualiste a-t-il créé partout dans le monde la haine de notre égoïsme arrogant ? Prêchons encore plus les vertus d’un prétendu multiculturalisme et de la société de consommation !

    Dès lors, le véritable enjeu n’est pas la question de savoir s’il faut accueillir ou non les réfugiés syriens, iraquiens ou afghans – la réponse découle obligatoirement des responsabilités de la condition humaine –, mais plutôt la nécessité d’œuvrer courageusement et efficacement pour que les réfugiés puissent rapidement retourner chez eux et trouver un pays stabilisé, au lieu de rester en Europe et d’être exploités soit par une économie en recherche d’une main d’œuvre bon marché, soit par des groupuscules islamistes fondamentalistes. Le véritable enjeu, ce n’est pas l’assainissement des finances grecques, mais plutôt la réforme d’un système économique global permettant à des agences de notation privées de rendre caduques toutes les tentatives désespérées de diminuer les dettes souveraines des États avec l’argent des contribuables européens. Le véritable enjeu, ce n’est pas la question de savoir s’il faut renvoyer chez eux les nombreux étrangers nationalisés depuis des décennies, mais plutôt, comment les intégrer durablement dans notre société et maintenir le sens de la loyauté et solidarité envers notre civilisation européenne.

    D'ailleurs, comment décririez-vous cette vision "virtuelle" du monde d'après ces élites ? En quoi consist(ai)ent ces représentations mentales ?

    David Engels : La vision du monde développée par la majorité de nos élites actuelles est caractérisée, consciemment ou inconsciemment, par une profonde hypocrisie me faisant souvent penser à la duplicité du langage idéologique pressentie par Orwell, car derrière une série de mots et de figures de pensée tous aussi vaticanisants les uns que les autres, se cache une réalité diamétralement opposée. Jamais, l’on n’a autant parlé de multiculturalisme, d’ouverture et de « métissage », et pourtant, la réalité est de plus en plus caractérisée par l’hostilité entre les cultures et ethnies. Jamais, l’on n’a autant prêché l’excellence, l’évaluation et la créativité, et pourtant, la qualité de notre système scolaire et universitaire est en chute libre à cause du nivellement par le bas généralisé. Jamais, l’on n’a autant fait pour l’égalité des chances, et pourtant, notre société est de plus en plus marquée par une polarisation dangereuse entre riches et pauvres. Jamais, l’on n’a autant appelé à la protection des minorités, aux droits de l’homme et à la tolérance, et pourtant, le marché du travail est d’une dureté inouïe et les droits des travailleurs de plus en plus muselés. Jamais, l’on ne s’est autant vanté de l’excellence de nos démocraties, et pourtant, la démocratie représentative, sclérosée par la technocratie et le copinage à l’intérieur, et dépossédée de son influence par les institutions internationales et les « nécessités » de la globalisation, a abdiqué depuis bien longtemps. Force est de constater que non seulement nos élites, mais aussi les discours médiatiques dominés par l’auto-censure du « politiquement correct » sont caractérisés par un genre de schizophrénie de plus en plus évidente et non sans rappeler les dernières années de vie de l’Union soviétique avec son écart frappant entre la réalité matérielle désastreuse d’en bas et l’optimisme idéologique imposé d’en haut…

    Certains intellectuels avancent l'idée que cette déconnexion découle de la fin de la guerre froide, qui les aurait contraint à penser le monde de manière pragmatique. Comment expliquer que ces élites en soient arrivées-là ?

    David Engels : Oui, la fin de la Guerre Froide me semble aussi être un élément crucial dans cette équation, car la défaite de l’idéologie communiste et le triomphe du capitalisme ont fait disparaître toute nécessité de respecter l’adéquation entre discours politique et réalité matérielle afin de ne pas donner l’avantage à l’ennemi idéologique, et ont instauré, de fait, une situation de parti unique dans la plupart des nations occidentales. Certes, nous maintenons, sur papier, un système constitutionnel marqué par la coexistence de nombreux partis politiques, mais la gauche, le centre et la droite sont devenus tellement proches les uns des autres que l’on doit les considérer désormais moins comme groupements idéologiques véritablement opposés que comme les sections internes d’un seul parti.

    De plus, n’oublions pas non plus l’ambiance générale de défaitisme et d’immobilisme auto-satisfait qui s’est installée dans la plupart des nations européennes depuis déjà fort longtemps : la valorisation de l’assistanat social, l’américanisation de notre culture, le louange de l’individualisme, la perte des valeurs et repères traditionnels, la déconstruction de la famille, la déchristianisation, l’installation d’une pensée orientée uniquement vers le gain rapide et la rentabilité à court terme – tout cela a propulsé l’Europe dans un genre d’attitude volontairement post-historique où l’on vivote au jour le jour tout en laissant la solution des problèmes occasionnés aujourd’hui à de futures générations, selon cette maxime inoubliable d’Henri Queuille qui pourrait servir de devise à la plupart de nos États : « Il n'est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout. »

    A quel point est-ce que ce décalage a pu s'observer ? Quels en sont, selon vous, les exemples les plus marquants ?

    David Engels : Le potentiel d’un décalage formidable entre l’idéal et la réalité des démocraties libérales modernes s’est déjà manifesté dans l’entre-deux-guerres, période d’ailleurs non sans quelques ressemblances évidentes avec la nôtre. Mais la Guerre Froide, avec l’immobilisme de la politique étrangère qu’elle a imposée aux États et avec les avantages sociaux qu’elle a apportés aux travailleurs dans les sociétés capitalistes, a, pendant quelques décennies, endigué cette évolution. Néanmoins, au plus tard depuis le 11 septembre, il est devenu évident que l’Occident fait fausse route et va de nouveau droit dans le mur. Ainsi, en mettant délibérément de côté l’importance fondamentale des identités culturelles au profit d’une idéologie prétendument universaliste, mais ne correspondant en fait qu’à l’idéologie ultra-libérale, technocratique et matérialiste développée dans certains milieux occidentaux, l’Ouest a provoqué l’essor du fondamentalisme musulman et ainsi le plus grave danger à sa sécurité. De manière similaire, en contrant le déclin démographique généré par la baisse des salaires et l’individualisme érigé au titre de doctrine officielle par l’importation cynique d’une main d’œuvre étrangère bon marché sans lui donner les repères nécessaires à une intégration efficace, nos élites ont durablement déstabilisé la cohésion sociale du continent. De plus, en concevant l’Union européenne non comme un outil de protection de l’espace européen contre les dangers de la délocalisation et de la dépendance de biens étrangers, mais plutôt comme moyen d’arrimer fermement le continent aux exigences de ces « marchés » aussi anonymes que volatiles et rapaces, nos hommes politiques ont créé eux-mêmes toutes les conditions nécessaires à la ruine des États européens structurellement faibles comme la Grèce ainsi qu’à la prise d’influence de quelques grands exportateurs comme l’Allemagne. Finalement, en appuyant les interventions américaines en Afghanistan et en Iraq, puis en projetant, sur le « printemps » arabe, une réalité politique occidentale, l’Europe a été complice de la déstabilisation du Proche Orient et donc de l’exode de ces centaines de milliers de réfugiés dont le continent commence à être submergé. Et je pourrai continuer encore longtemps cette liste illustrant les égarements coupables de nos élites politiques et intellectuelles…

    David Engels (Atlantico, 20 septembre 2015)

     

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  • Les iconoclastes de Palmyre sont des barbares mais pas des idiots !...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la guerre menée par l'Etat islamique au Proche-Orient...

     

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    « Les iconoclastes de Palmyre sont assurément des barbares, pas des idiots »

    Dans le jeu éminemment complexe de Daech au Proche comme au Moyen-Orient, jusqu’où ces islamistes de combat peuvent-ils aller ? Mais pour commencer, cet « État islamiste » est-il vraiment un État ?

    Alors qu’Al-Qaïda était entièrement déterritorialisé, Daech s’est aujourd’hui implanté sur un territoire grand comme la Grande-Bretagne, qui s’étend de Ramadi en Irak jusqu’à l’est de la Syrie. Ce territoire, doté d’une capitale de fait, Raqqa, est divisé en sept provinces dotées d’une administration locale, de services publics, d’une police et de tribunaux. Si l’on définit un État comme un « organe doté d’un pouvoir souverain s’exerçant sur un territoire et une population » (Frédéric Rouvillois), force est de constater qu’un an après la proclamation du califat, Daech est bel et bien en passe d’en devenir un. Il en est même d’ailleurs à battre monnaie.

    L’État islamique représente cependant un phénomène jusqu’ici inédit. Bénéficiant du savoir stratégique de certains anciens chefs militaires irakiens de l’époque de Saddam Hussein, il a su jusqu’à présent recourir à la fois au terrorisme et aux méthodes de guerre conventionnelles. Il a attiré des dizaines de milliers de volontaires étrangers et s’est emparé des zones énergétiques du désert syrien. Fait également nouveau : au lieu de dissimuler ses crimes de guerre, il leur assure la plus grande publicité, tant pour séduire ses sympathisants que pour jeter l’effroi chez ses ennemis. Tout cela est parfaitement mis en scène et très bien calculé. Les iconoclastes de Palmyre sont assurément des barbares, pas des idiots.

    La criminelle intervention occidentale en Libye a livré ce pays aux milices islamistes et déstabilisé tous les pays voisins de la zone sahélo-saharienne. La Tunisie est une poudrière. L’Algérie, que la chute des cours du pétrole a privée des moyens d’acheter la paix sociale, est à l’image de son président : à l’agonie. Malgré la popularité du roi, le Maroc est en voie de déstabilisation. L’Égypte résiste, mais elle est aussi travaillée de l’intérieur ; financièrement, elle dépend en outre des monarchies du Golfe. Au Proche-Orient, nous assistons à un enterrement de première classe des accords Sykes-Picot de 1916, qui avaient divisé la région en États-nations aux frontières aberrantes. Ces États-nations sont en train de céder la place à un espace mésopotamien où les nouvelles frontières délimiteront des entités sunnites, chiites et kurdes. L’Irak a déjà disparu, la Syrie s’est désagrégée. Plus loin encore, l’influence de l’État islamique se manifeste au Pakistan comme dans le Caucase et sur la Volga. L’islamisme radical de type néo-wahhabite a donc pour l’instant le vent en poupe.

    Les puissances occidentales combattent l’État islamique avec des bombardements aériens dont chacun sait que l’efficacité est toute relative. N’y a-t-il pas moyen d’agir autrement ?

    Il faudrait sans doute aller au sol, mais personne ne s’y résout. Devrait-on le faire ? En règle générale, on l’a bien vu jusqu’ici, les interventions extérieures ne font qu’ajouter du chaos au chaos. La complexité de la situation et les divisions endémiques parmi les forces en présence compliquent encore les choses. La France veut s’attaquer à l’État islamique, mais sans favoriser Bachar el-Assad, qu’elle devrait pourtant considérer comme son allié objectif. Elle colle aux intérêts saoudiens et qataris, pour de pures raisons de clientélisme financier. Elle s’aligne totalement sur les positions américaines, en faisant même de la surenchère (comme dans le dossier syrien ou sur le projet de traité avec l’Iran). L’Arabie saoudite ne s’occupe que de sa guerre contre les rebelles houthis du Yémen, qui sont soutenus par l’Iran. Les États-Unis se demandent maintenant s’il ne faudrait pas soutenir le front Al-Nosra, c’est-à-dire Al-Qaïda, contre Daech. La Jordanie est un protectorat américano-israélien. Et Israël souhaite avant tout la chute d’el-Assad dans l’espoir d’affaiblir le Hezbollah.

    La Russie a proposé la constitution d’une coalition au sol comprenant des forces irakiennes, syriennes et irakiennes, ce que l’Arabie saoudite a immédiatement refusé – d’où la récente décision du Kremlin d’appuyer plus directement el-Assad pour l’organisation d’une zone de défense dans le réduit alaouite du littoral, avec les villes de Tarse et de Lattaquié (les six premiers avions de combat MiG-31 ont déjà atterri à Damas).

    Dans cette région du monde, les deux principales puissances, l’Iran et la Turquie, ont comme point commun de n’être pas arabes, même si la première est chiite et l’autre sunnite. Que peut-on en attendre ?

    L’Iran, qui est un interlocuteur incontournable dans cette affaire, d’autant plus qu’il n’a aucune volonté de conquête, est jusqu’à présent resté dans une certaine réserve. Il ne changera de position que si Daech franchit une ligne rouge, par exemple la prise de Damas ou, pis encore, la destruction des sanctuaires de l’imam Ali ibn Abi Talib et de son fils Hussein dans les villes de Nadjaf et Kerbala. La Turquie, quoique membre de l’OTAN, veut avant tout empêcher la formation d’un État kurde, et combat donc en priorité les Kurdes, qui sont pourtant ceux qui luttent contre Daech avec le plus d’efficacité en Syrie. Dans le même temps, elle ferme les yeux sur le passage, par son territoire, de djidahistes venus du monde entier pour rejoindre l’État islamique.

    Tout donne donc à penser que nous sommes engagés dans un conflit de très longue haleine, ce qui ne déplaît pas à tout le monde. Comme l’a rappelé récemment Richard Labévière, « la lutte contre le terrorisme génère des millions d’emplois dans les industries d’armement, de communication, etc. Le terrorisme est nécessaire à l’évolution du système capitaliste, qui se reconfigure en permanence en gérant la crise […] Daech n’est donc pas éradiqué, mais entretenu. ». Face à un monde arabo-musulman en état de décomposition, l’Europe a perdu la main parce qu’elle n’a plus de politique proche et moyen-orientale cohérente. La notion-clé est celle de gestion sans résolution.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 9 septembre 2015)

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  • Conjonction des crises : vers l'explosion ?...

    Vous pouvez ci-dessous découvrir un excellent entretien avec Hervé Juvin réalisé le 4 septembre 2015 par Élise Blaise pour TV Libertés  et consacré à la conjonction des crises qui viennent frapper l'Europe et menacent de faire exploser nos sociétés. Auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La Grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013), Hervé Juvin vient de publier Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé (Pierre-Guillaume de Roux, 2015).

     

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