Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 6

  • Transmettre ou disparaître...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Ambroise Tournyol du Clos, au site de la revue Conflits et consacré à l'enseignement, comme art de la transmission. Professeur agrégé d'histoire, Ambroise Tournyol du Clos a publié Transmettre ou disparaître - manifeste d'un prof artisan (Salvator, 2021).

    Tournyol du Clos.jpg

    Professeur : l’artisan et le poète. Entretien avec Ambroise Tournyol du Clos

    Vous définissez le travail du professeur comme celui d’un artisan, en quoi consiste précisément cet artisanat ?

    La comparaison de l’enseignement avec l’artisanat ne relève pas d’une vague métaphore : elle exprime la nature même de l’acte pédagogique. Comme l’ébéniste s’applique à reconnaître l’essence d’un bois, à repérer les nœuds de la poutre qu’il s’apprête à tailler, le professeur doit cultiver le sens de l’observation pour s’adapter aux contours irréguliers de la classe qui lui est confiée, à la pâte singulière dont chaque élève est pétri. Parce qu’il repose sur la qualité d’une relation personnelle et collective à la fois, l’enseignement est toujours un tâtonnement. Une certaine maîtrise se développe pourtant au fil des années. Comme le maçon jette sa truelle de chaux avec un coup de main assuré, l’enseignant apprend peu à peu comment rythmer son cours, lui donner un ordre et une direction sans perdre ses élèves.

    Mais, contrairement à la dérive actuelle, utilitariste et matérialiste, qui s’étourdit de comparaisons internationales pour jauger l’efficacité prétendue des systèmes scolaires, cette expérience n’est pas une expertise. L’enseignement ne consiste pas en l’application d’une procédure industrielle, d’une méthode sans faille dont la standardisation pourrait être à même de satisfaire l’usager. Les libertés qui nous sont confiées peuvent toujours nous échapper. La transmission est une corde raide qui met à l’épreuve l’équilibre du pédagogue. Chaque classe et même chaque élève appellent l’enseignant à chercher la ligne de crête à partir de laquelle il pourra transmettre. Voilà pourquoi le professeur, tout en s’assurant d’être écouté et compris, ne doit pas chercher à quantifier les fruits de la transmission. Il est bon qu’ils lui échappent en large part et qu’il se tienne à l’abri du désir de maîtrise dans lequel il pourrait facilement se complaire. Comme l’artisan, le professeur élabore avec chaque groupe une œuvre singulière qui ne peut souffrir un vulgaire et paresseux plagiat.

    L’enseignement serait un « acte poétique ». Dans quel sens entendez-vous cela ? Faire advenir les élèves et les aider à se découvrir ou bien leur faire découvrir des savoirs qu’ils ne connaissent pas ?

    La poésie est un dévoilement du sens. Tout enseignant qui prend au sérieux sa discipline, quelle qu’elle soit, participe à cet effort poétique. Il ne s’agit pas d’ornementation ou de lyrisme, moins encore de sentimentalisme. Mais nos élèves peuvent découvrir à travers l’étude de l’Empire romain, d’une fonction affine ou d’une version anglaise, que le monde a un sens et que cet ordre attend un regard de contemplation et de gratitude, bien supérieur à nos velléités de transformation. La poésie naît à la fois de l’effort que chaque discipline déploie pour comprendre le monde, mais aussi, à travers ce détour, de l’opportunité qu’elle offre à chaque élève d’approfondir le sens de son existence personnelle.

    Le regard poétique, celui de Blaise Pascal, de Marie-Noël, de René Char, est une source de liberté profonde. Il dévoile dans la stricte condition matérielle de nos vies les signes d’un « pays d’essence plus haute » (Yves Bonnefoy) qui nous incite à nous tenir debout, à nous laisser purifier de tout ce qui peut avilir le cœur de l’homme, sans renoncer. Dans son dernier recueil, paru de manière posthume, et au titre évocateur, La Clarté Notre-Dame, le poète Philippe Jaccottet, reprenant un thème qui lui est cher, insiste sur cette ouverture métaphysique offerte par la poésie : « Comme maintenant, si tard dans ma vie, cela me devenait clair et profond […] c’est à peine si je ne me sentirais pas tenté de demander à mon tour une « eau innocente » et des ailes, pour une traversée impensable, et pourtant… ».

    L’école semble aujourd’hui de plus en plus réduite à une fonction utilitaire : il s’agit d’acquérir des compétences et des savoir-faire. N’est-elle pas plus que cela et une certaine forme de gratuité éducative ne peut-elle pas s’y trouver ?

    La finalité que nous assignons aujourd’hui à l’école, « trouver une place sur le marché du travail », est en effet très réductrice, voire désespérante. Elle justifie désormais une approche très utilitariste de nos enseignements comme de l’évaluation que nous en faisons. La question de l’élève désabusé, « à quoi ça sert ? », est devenue celle de la société de consommation en général et d’une institution scolaire qui lui ressemble chaque jour un peu plus.

    Ainsi, sur le modèle du contrôle technique de nos véhicules, les grilles de compétences se sont-elles multipliées ces dernières années, forçant les professeurs à cocher de manière abrutissante les cases « acquis, non acquis, en cours d’acquisition » sur tout objet d’enseignement. Celui-ci semble devenu secondaire et ne fournit qu’un prétexte à l’évaluation des compétences, skills en anglais, sur le modèle anglo-saxon d’une société à la recherche de l’efficience permanente. Il y a fort à parier que cet utilitarisme soit l’une des causes de la crise de notre modèle scolaire. L’épanouissement du cœur et de l’intelligence suppose au contraire une certaine forme de gratuité, une confiance fondamentale dans la culture, une joie à se laisser dépayser. La culture occidentale est née de cette gratuité et a su produire, en retour, un immense sentiment de gratitude.

    Dans son célèbre texte de 1913, L’Argent, Charles Péguy, imprégné de la doxologie qui clôt le Canon (« Per ipsum et cum ipso et in ipso »), chantait cette gratuité liturgique : « J’ai vu toute mon enfance rempailler des chaises exactement du même esprit et du même cœur, et de la même main, que ce même peuple avait taillé ses cathédrales. Il fallait qu’un bâton de chaise fût bien fait. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le salaire ou moyennant le salaire. Il ne fallait pas qu’il fut bien fait pour le patron. Il fallait qu’il fût bien fait lui-même, en lui-même, pour lui-même. » L’école doit retrouver cette intuition fondamentale qui seule peut faire éclore des libertés authentiques, capables de résister au nihilisme ambiant et à la toute-puissance du marché.

    Vous revenez souvent dans votre ouvrage sur l’art, la beauté, la poésie, la musique. Quelle place leur donnez-vous dans l’enseignement ?

    La quête du Beau est l’un des plus hauts horizons que nous puissions donner au geste pédagogique. Nous savons qu’il appartient avec le Bien et le Vrai aux transcendantaux et qu’ils se rejoignent. Cette conviction a été largement balayée par le nihilisme contemporain. Nous avons sans doute à la retrouver parce qu’elle peut fournir à nos existences inquiètes et fragiles un fondement plus solide et des perspectives plus enthousiasmantes. Toute notre culture s’est nourrie de la recherche du Beau. Elle occupe donc une place cardinale dans mon enseignement. Je m’efforce d’y éveiller mes élèves par l’histoire de l’art (les détails délicats de la frise du Parthénon, le classicisme pur de la maison carrée de Nîmes, la naïveté touchante de la déposition de la Croix d’Antelami etc.).

    Si les sorties scolaires sont rares, en raison des nombreuses contraintes administratives qu’elles supposent, elles offrent cependant de belles expériences. Je revois encore mes élèves de Terminale, si peu au fait de culture picturale, saisis par L’Adoration des mages de Rubens exposée au musée Saint Pierre de Lyon. De manière plus ordinaire et quotidienne, j’invite mes élèves à s’émerveiller de la beauté du monde et je suis toujours impressionné de la qualité d’attention qu’ils prêtent à mes propos dans ce domaine. Le désir du Beau est inscrit dans le cœur de l’homme, mais il demande à être cultivé.

    Comme professeur d’histoire, vous êtes chargé d’une discipline particulière puisque l’histoire a toujours une place importante dans le cursus scolaire. Pourquoi enseigner l’histoire aujourd’hui ?

    L’enseignement de l’histoire bénéficie en effet, dans notre pays, d’une place particulière au sein de la culture scolaire. Nos élèves s’y intéressent facilement, plus qu’à la géographie, matière également passionnante, mais desservie par des programmes mal fagotés. Pourtant l’enseignement de l’histoire a aussi subi de nombreuses déformations en raison des attentes politiques et civiques que nous lui avons assigné.

    À travers l’histoire, nous voulons trop souvent inculquer à nos élèves une certaine hiérarchie des valeurs et nous prenons ainsi le risque d’en faire un tribunal. L’écriture de l’histoire relève pourtant elle aussi d’un modeste artisanat. Comme l’a bien montré Marc Bloch dans son Apologie pour l’histoire, il s’agit de comprendre plutôt que de juger. Cet exercice de l’intelligence est essentiel, mais il appelle la nuance et les distinctions plutôt que la condamnation. Cette catharsis mérite d’être transmise à nos élèves pour éveiller en eux un sens critique qui ne se réduise pas à la critique. À l’heure où le champ médiatique et la paresse intellectuelle conduisent à des polarisations insignifiantes, l’enseignement de l’histoire ouvre la possibilité d’une compréhension plus fine du passé et prépare, mieux qu’un cours d’éducation morale et civique, à la pratique apaisée du débat contradictoire. L’histoire peut agir aussi comme vecteur d’intégration : en invitant nos élèves à scruter la lente construction de nos identités politiques et culturelles, nous les aidons à construire la communauté politique de demain.

    Que faudrait-il introduire dans la formation des professeurs pour les aider à être davantage de bons professeurs ?

    D’abord, je crois que nous ne devons pas renoncer à fixer des critères de recrutement exigeants pour nos professeurs. La dérive actuelle qui consiste à baisser les seuils d’admission au concours et à multiplier les contractuels (1 professeur sur 5 en Seine-Saint-Denis) relève d’un profond cynisme et ne peut qu’aggraver la crise scolaire actuelle.

    De bonnes dispositions existent déjà dans la formation enseignante qui pourraient être renforcées, le préceptorat par exemple. L’accompagnement des professeurs-stagiaires par des collègues expérimentés est sans doute une très bonne manière d’entrer dans la carrière. Quant aux INSPE, Instituts supérieurs du professorat, ils sont animés parfois par des formateurs de qualité, mais la formation y est encore trop aléatoire. Les jeunes enseignants doivent continuer à approfondir la maîtrise de leur discipline afin de mieux l’enseigner : c’est l’une des sources profondes de leur autorité et de leur légitimité.

    Nous devons par ailleurs les aider à prendre conscience que la pédagogie ne se satisfait pas du pédagogisme : ils n’auront pas d’abord à appliquer des formules à la mode (la classe collaborative, le travail de groupe, la pédagogie inductive…), mais à créer dans leurs classes les conditions de l’écoute, de l’attention et du travail. Les pédagogues du mouvement, de la dispersion et du divertissement, devraient ainsi relire les pages que Simone Weil a consacrées à l’importance de l’attention : « Mais le pire attentat, celui qui mériterait peut-être d’être assimilé au crime contre l’Esprit, qui est sans pardon, s’il n’était probablement commis par des inconscients, c’est l’attentat contre l’attention des travailleurs. Il tue dans l’âme la faculté qui y constitue la racine même de toute vocation surnaturelle. La basse espèce d’attention exigée par le travail taylorisé n’est compatible avec aucune autre, parce qu’elle vide l’âme de tout ce qui n’est pas le souci de la vitesse. Ce genre de travail ne peut pas être transfiguré, il faut le supprimer. » (Conditions premières d’un travail non servile, 1942)

    Ambroise Tournyol du Clos, propos recueillis par Jean-Baptiste Noé (Site de la revue Conflits, 7 novembre 2021)

     

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • Sortir du capitalisme du désastre...

    Les éditions Jean-Cyrille Godefroi viennent de publier un essai de Philippe Murer intitulé Sortir du capitalisme du désastre et préfacé par Jacques Sapir. Économiste, Philippe Murer est spécialiste des questions liées à la souveraineté économique, à l'environnement et à l'énergie.

     

    Murer_Sortir du capitalisme du désastre.jpeg

    " Depuis longtemps, l’économie des pays occidentaux envoie des signaux inquiétants : fermeture d’usines, hausse inexorable du chômage, précarisation, forte hausse de la pauvreté et milliardaires dont la fortune augmente à toute vitesse, baisse du niveau de vie, réduction drastique des libertés. Les « révoltes » de l’Amérique de Trump, du Royaume-Uni du Brexit, la grande révolte des gilets jaunes en France, soutenue par 80% des Français, sont les signes que les peuples ne l’acceptent plus.

    Tout cela ne vient pas de nulle part. C’est la conséquence de décisions politiques, elles-mêmes conséquences d’une théorie économique dominante, maquillée par mille ruses et mensonges : l’ultralibéralisme. Qui sont ses penseurs, quel est ce dogme, comment s’est-il diffusé, naturalisé sans même que la plupart d’entre nous ne s’en aperçoivent ?

    Sur son propre terrain, l’économie, nous démontrerons que les résultats de ce dogme sont piteux en utilisant des graphiques sur 60 ans des grandeurs économiques principales, l’équivalent de l’expérience scientifique en économie. Nous démonterons aussi ses mythes et ses pièges.

    Enfin, nous plongerons en profondeur dans les mécanismes aujourd’hui à l’œuvre dans notre économie et leurs conséquences sur les hommes. Ces mécanismes nous conduisent obligatoirement au désastre économique, social, écologique et même anthropologique.

    Ce désastre n’est absolument pas inéluctable.

    Après le constat, viennent les antidotes à ce poison. Les solutions sont nombreuses et cohérentes. Serons-nous capables de les saisir ou laisserons-nous nos sociétés mourir ? "

    Lien permanent Catégories : Economie, Livres 0 commentaire Pin it!
  • Vertiges écologiques...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré aux non-dits de l'idéologie écologiste.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

    Saint-Laurent_Terre neuve_Labrador.jpg

    Vertiges écologiques

    Dans l’avion pour Washington DC. Avec plusieurs représentants de l’Union européenne, tous virulents promoteurs des accords de libre-échange aussi bien que du « Green Deal » — l’accord européen sur l’environnement, ces choses-là se disent mieux en anglais.

    Se couper du monde

    Beau temps sur la plupart du parcours, exceptionnelle vue de l’Irlande et de côtes que la tempête qui souffle à l’ouest ourle de blanc, panorama du Saint-Laurent entre Terre-Neuve et Labrador, puis de la côte de l’Ouest américain, Portland, etc. Aveu personnel ; j’aurai vieilli sans être rassasié de la beauté du monde. Mais je constate une fois de plus que tous et toutes ont dès le départ obscurci les hublots, pour se concentrer qui sur l’écran de bord qui diffuse films et infos, qui sur sa tablette ou son portable. Je me souviens avoir ressenti la même surprise quand l’avion vers Madagascar suivait le Nil, dans les plus beaux paysages d’Afrique, et que d’ignares représentants d’ONG de développement demandaient de fermer tous les hublots pour pouvoir s’anesthésier devant leurs tableurs.

    Se séparer du monde. Tenir pour futile l’émerveillement devant un paysage, une vague, un champ de glace sur la mer. Préférer l’écran numérique au soleil, aux nuages, à la forêt. Bref, s’installer dans le monde de l’artifice que construisent les industriels de la data, du spectacle et du contenu de cerveau disponible, au point de devenir insensible à ce qui, depuis des millénaires, est au fond de l’expérience humaine, de la joie de vivre, et de la perception du sacré.

    Rien de plus politique que cette expérience. Car elle donne le petit secret du dévoiement de l’écologie. Tout se passe comme si l’écologie devenait le moyen de punir ceux qui vivent près de la nature, ceux qui vivent avec, et de sanctionner ceux qui restent proches des phénomènes naturels, du gel précoce, des averses de grêle ou des orages d’été, ceux qui sont proches de la vie, de la mort, des saisons, des éléments, du risque et du hasard. Ceux qui savent qu’il faut tuer pour se nourrir, couper, arracher, récolter. Ceux qui savent qu’il n’est pas donné de survivre, et que rendre la nature bienveillante à l’homme est l’effet d’une extraordinaire culture, et d’un apprivoisement réciproque exigeant, rare, et fragile. Ceux qui savent enfin que le risque est partout, et qu’à la fin c’est la mort qui gagne. 

    Accepter le risque pour aimer la nature

    Nous voici sans doute au cœur du petit secret moderne ; ceux qui ne veulent plus mourir veulent en finir avec la nature. Une société qui n’admet plus le risque ne peut accepter la nature. Le compromis libéral, qui fait de la responsabilité la condition de la suppression du risque — qui n’est pas responsable est indemnisé, (voir Renaud Beauchard, « le droit contre l’environnement », à paraître à la Fondation ID) — s’épuise devant le risque naturel ; passe encore la gelée tardive ou l’averse de grêle, mais le dérèglement du climat, mais la stérilisation des terres, mais la dégénérescence humaine sont inassurables, et déjà le monde de l’assurance contemple avec effroi le monde du risque climatique qui est en train de naître, le monde d’avec la pandémie, d’avec la chute de la biodiversité, le monde d’avec les catastrophes technologiques qui est le nôtre — qu’est-ce que la pandémie de Covid 19, sinon la première grande catastrophe technique que nous connaissons.

    Une catastrophe sur laquelle le docteur Fauci et ses complices, les Fondations américaines qui ont sans doute financé des recherches de « gain de fonction » (augmentation de la dangerosité d’un virus) sur des virus à Wuhan en profitant de la porosité chinoise à des expériences ailleurs interdites, ont beaucoup à dire (audition devant le sénateur Ron Paul, Washington le 1er novembre 2021) ?

    Tout se passe plus encore comme si l’écologie entreprenait à sa manière de réaliser la grande séparation, celle des hommes d’avec la nature — nature comme sexe, et homme et femme ne sont plus que représentations du genre, nature comme vie, et 90 % des décès ont lieu à l’hôpital cachés aux enfants comme au monde, nature comme hasard et risque, et des États sont poursuivis devant les tribunaux pour ne pas éliminer le risque climatique, et de l’extension du principe de précaution aux évolutions de la nature à la protection du capital investi, le droit poursuit la tentative totalitaire de faire sortir la vie de l’aléa et du choix.

    Il suffit d’entendre à la COP26 les discours appelant à mobiliser les milliards de dollars de l’industrie financière, pour réaliser une transformation industrielle qui va permettre d’en finir avec l’attractivité de la Chine, comme les appels à un suivi individuel permanent sous couvert d’exigence sanitaire, pour en être convaincus ; c’est bien une prise de pouvoir qui se joue, et l’écologie devient une arme géopolitique — ou un prétexte.

    Une écologie de l’exclusion

    De l’interdiction de la chasse à l’expulsion des ruraux de leurs territoires, à commencer par le droit de circuler librement, de la spoliation des mêmes ruraux par la concentration des taxes et des impôts sur le monde réel — quel symbole que le choix de l’Impôt sur la fortune immobilière et de la suppression de tout impôt sur la fortune mobilière et financière ! — au commandement du nomadisme fait à tous ceux qui continuent à dire « chez nous » sur leur terre et parmi les leurs, le prétexte de l’écologie sert à tout, et d’abord à légitimer une nouvelle société d’exclusion.

    La figure des Indiens parqués dans des réserves et privés de tout ce qui faisait leur vie, de la chasse à leur organisation sociale, est l’une des plus actuelles qui soit, des zones tribales en Inde à l’Afrique profonde et du Xinjiang en Chine à la forêt amazonienne. Sommes-nous les Indiens du XXIe siècle ? Et le paradoxe est remarquable. Alors que l’écologie enseigne les mérites de la stabilité, de la longue durée, de la protection des écosystèmes contre les éléments extérieurs qui préserve leur diversité, l’écologisme au service de la globalisation veut que tout change, veut que tous changent, et entend que rien ne demeure de ce qui a fait la vie bonne.

    L’écologie contre les traditions, l’écologie contre l’unité des populations, l’écologie contre les frontières qui sauvent, l’écologie contre ces cultures rurales qui résultent de l’adaptation réciproque et séculaire des hommes à leur milieu, et de leur milieu aux hommes, voilà une saisissante inversion des valeurs et du sens ! Quel symbole que ces entreprises qui anticipent déjà les fabuleux marchés que l’artificialisation générale des conditions de vie, de la viande produite en laboratoire à la climatisation généralisée et permanente, et de la production des enfants en utérus artificiel à la substitution du monde numérique à l’univers physique et sensible, et ont déjà tout compris.

    La suppression de tous les services gratuits de la nature, à commencer par la splendeur des paysages et la disposition de l’eau, de l’air et de l’espace, pour poursuivre par la reproduction végétale, animale et humaine, fait entrer le simple fait de respirer, de boire et de se déplacer dans un univers d’accès et de services payants — et déjà, à travers les taxes sur les carburants, les ruraux paient l’air pollué des villes, à travers le prix de l’adduction d’eau et de dépôt des déchets agricoles et ruraux, ils paient l’espace stérilisé par l’industrie, le commerce et les infrastructures, comme à travers l’obligation d’isoler leurs maisons, ils paient le prix du mitage urbain des espaces ruraux. Celui qui rentre dans la ville de Bruxelles avec un diesel s’expose déjà à une amende de 350 euros, qui lui permettra en effet de circuler pendant trois mois — mais à quel prix ! 

    Chacun voit le caractère discriminatoire de telles mesures. Le Green Deal, la fuite en avant écologique, sont des disciplines à forte exclusion. Exclusion des ruraux, qui ont le tort de chasser, de fumer, de boire des bières et d’aimer manger de la viande ! Exclusion des petits Français, ceux qui prennent la voiture pour partir en week-end, ceux qui ne supportent pas la promiscuité des métropoles et aiment leur maison au milieu d’un jardin avec un garage, ceux qui font leurs courses au supermarché, mais aiment venir en ville le temps d’un dîner ou d’une sortie entre amis.

    Exclusion tout autant des pays « moins développés », qui comme par hasard sont souvent des pays à régime autoritaire, des pays qui croient à leur souveraineté et à leur personnalité, ce qui légitime de les exclure des contrats et des bénéfices du commerce international au nom de l’écologie mêlée de Droits de l’Homme !

    Et voilà la plus grande menace. Non seulement l’écologie devient haïssable, mais elle devient le prétexte par lequel les pays riches cherchent à sanctionner les pays pauvres. L’absence de cinq des plus grands dirigeants mondiaux au G20, l’inactualité désolante de la COP26 à Glasgow, ont bien montré l’impasse dans laquelle l’écologie politique au service de la globalisation enferme ses dévots. Ici encore, pour séparer radicalement l’écologie du business et du pouvoir, la prise de conscience est urgente, et l’appel à une nouvelle laïcité le plus actuel qui soit !

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 7 novembre 2021)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Tour d'horizon... (214)

    Kern_Feldstecher.jpg

     

     

    Au sommaire cette semaine :

    -  dans la Lettre de Comes Communication, Bruno Racouchot interroge le chercheur doctorant Thibaud Gibelin, auteur de  Pourquoi Viktor Orbán jouen et gagne - Résurgence de l'Europe centrale (Fauves, 2020), pour évoquer la stratégie d'influence déployée au cœur de l'Europe par la Hongrie et ses alliés du groupe de Visegrad...

    La stratégie d'influence du faible au fort de Viktor Orbán et du groupe de Visegrad : le décryptage de Thibaud Gibelin

    Gibelin-Thibaud.jpg

    - sur iPhilo, le philosophe André Stanguennec évoque, dans le prolongement des travaux de Georges Dumézil, notre époque régie par une quatrième fonction paradoxale, celle du non-ordre...

    Dumézil, les Centaures et le problème du non-Ordre

    Centaure.jpg

    Lien permanent Catégories : Tour d'horizon 0 commentaire Pin it!
  • Feu sur la désinformation... (352)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Jules Blaiseau.

    Au sommaire :

    • 1 - L'image de la semaine
      Martin est un adolescent de 15 ans qui a décidé de quitter l'école pour se consacrer à sa passion : le travail du bois. Le média "Néo" nous livre un mini-reportage passionnant et positif sur ce jeune qui semble avoir les pieds sur terre et les idées à l'endroit.
    • 2 - Macron à la télévision : un petit président sur le petit écrans
      Jean-Yves Le Gallou revient sur les déclarations absurdes et inquiétantes d'Emmanuel Macron à l'occasion de son allocution présidentielle du 9 novembre. Le Gallou entend bien dénoncer les manipulations du chef d'état et en finir avec la dictature sanitaire macronienne !

    • 3 - Revue de presse
    • 4 - Migrants : la ruée vers Varsovie
      Des images édifiantes nous sont parvenues des frontières polonaises. Des milliers de migrants, poussés vers l'Europe par la Biélorussie, se pressent contre la frontière et entendent bien fouler notre sol. Les médias français ont sauté sur l'occasion pour nous livrer le sempiternel feuilleton de la veuve, de l'orphelin et du migrant.

     

                                              

    Lien permanent Catégories : Décryptage, Manipulation et influence, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Tous fous ?...

    Le numéro 47 du mensuel conservateur L'Incorrect est en kiosque. On peut découvrir à l'intérieur un dossier consacré aux délires wokistes et complotistes, des entretiens avec l'expert des migrations Jean-Paul Gourévitch, le spécialiste du wokisme Pierre Valentin, et l'écrivain Maurizio Serra, ainsi que les rubriques habituelles "Monde", "Essais", "Culture", et "La fabrique du fabo"...

    Le sommaire complet est disponible ici.

    Incorrect 47.jpg

    Lien permanent Catégories : Revues et journaux 0 commentaire Pin it!