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  • Délivrez-nous du bien !...

    Les éditions de l'Observatoire viennent de publier un essai signé par Natacha Polony et Jean-Michel Quatrepoint, et intitulé Délivrez-nous du bien ! - Halte aux nouveaux inquisiteurs. Journaliste, responsable du Comité Orwell, et, depuis peu, directrice de la rédaction du magazine Marianne, Natacha Polony est l'auteur de nombreux essais, dont Le pire est de plus en plus sûr (Mille et une nuits, 2011). Journaliste économique, Jean-Michel Quatrepoint est l'auteur de plusieurs essais comme Mourir pour le Yuan (François Bourin, 2011) ou Le choc des empires (Gallimard, 2014).

     

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    " L'atmosphère est lourde. Les phrases, les situations qui semblaient autrefois anodines deviennent des crimes. Nous sommes tous coupables, et les inquisiteurs nous guettent. Coupables d'avoir bu un verre, d'avoir blagué sur les femmes, de manger de la viande, d'avoir offensé une minorité quelconque. Coupables d'avoir été du côté des « dominants ». Chaque jour, un citoyen qui se croyait, non pas un héros, mais un type à peu près bien, se retrouve cloué au pilori, sommé d'expier ses crimes et de faire repentance. Derrière cette traque aux dérapages et ces entreprises de rééducation, un mécanisme : la tyrannie de minorités qui instrumentalisent des combats essentiels, pour les transformer en croisade contre une supposée majorité, contre les « dominants ». Au nom du Bien, on modifie le vocabulaire, on nie le plaisir, on criminalise le désir, on réécrit l'histoire. Ces nouveaux bigots, qui détestent l'Homme tel qu'il est et le rêvent selon leurs diktats, sont les idiots utiles d'un néolibéralisme qui atomise les sociétés et fragilise les structures traditionnelles pour mieux imposer sa vision manichéenne du monde. "

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  • Libéraux-libertaires : émancipation absolue et domination des esprits ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Edouard Chanot sur Radio Sputnik, datée du 7 septembre 2018 et consacrée au libéralisme libertaire...

     

                                   

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  • Par temps sombre, toutes les polices sont grises...

    « Il serait curieux de tenir la statistique des polices actuelles dont le nombre atteindra bientôt la dizaine, chacune espionnant l'autre ou une nouvelle catégorie de citoyens au profit d'un clan, mais se contrefichant de faire obéir l’État. »  Lucien Rebatet, Les Décombres

    Les éditions Perrin viennent de publier Polices des temps noirs un imposant dictionnaire établi par Jean-Marc Berlière. Historien, professeur à l'université de Bourgogne, jean-Marc Berlière est spécialiste de la police. Il a publié, notamment avec Franck Liaigre, plusieurs livres importants et décapants sur la période l'Occupation et de l'immédiate après-guerre comme Ainsi finissent les salauds (Robert Laffont, 2012), Liaisons dangereuses (Perrin, 2013), Liquider les traîtres (Robert Laffont, 2015) ou encore Camarades la lutte continue ! (Robert Laffont, 2015).

     

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    " La « police » qui est au centre de ce travail est à comprendre au sens le plus large, soit les polices proprement dites – françaises, allemandes, officielles et officieuses, en uniforme ou en civil, de zone libre ou occupée –, mais aussi les organes d’une chaîne répressive que l’occupation allemande, les nazis et le caractère autoritaire de Vichy ont multipliée et à laquelle participent des catégories innombrables : douaniers, gardiens de camp et de prison, agents de la police économique… Enfin, comment oublier toutes ces « officines », ces « milices », ces « services », généralement officieux, travaillant au service des Allemands, des partis ou groupuscules collaborationnistes et responsables de tant de drames dans la Résistance ? Histoire, organisation, missions, effectifs, armements, répartition géographique, mais aussi concurrences, tout est ici remarquablement décrit et analysé.
    Néanmoins ce livre a l’ambition d’être aussi un outil de réflexion, de synthèse, n’évitant pas les questionnements gênants le plus souvent soigneusement contournés, les contradictions, les hypothèses iconoclastes ou politiquement incorrectes parce qu’elles dépassent le manichéisme attaché à cette période, au sujet d’acteurs qui ne sont réductibles à aucune opposition simpliste. Jean-Marc Berlière offre ainsi une somme exceptionnelle, appelée à faire date, sur toutes les forces de police durant la Collaboration. "

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  • Alain de Benoist : « Je voudrais être sûr que la cause animale est plus affaire de sensibilité que de sensiblerie »

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la cause animale... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : « Je voudrais être sûr que la cause animale est plus affaire de sensibilité que de sensiblerie »

    La cause animale a beaucoup progressé ces dernières années, ce qui ne l’a pas empêchée de tomber dans des excès dont témoignent la persécution des chasseurs ou des amateurs de corrida, sans oublier la montée du « véganisme » et les attaques de boucherie. On dit que vous vivez entouré de chats. Qu’en pense l’ami des animaux que vous êtes ?

    Il s’en réjouit, bien sûr. Je ne suis pas seulement l’ami des animaux, mais quelqu’un qui les aime. L’étymologie du mot « animal » nous dit qu’il est animé, et donc porteur d’une anima, c’est-à-dire d’une âme. Je n’ai pas de mal à penser, par exemple, que la chienne Diesel, tuée lors de l’assaut du RAID mené il y a trois ans à Saint-Denis contre des terroristes islamistes, avait une plus belle âme que ceux qui l’ont assassinée ! Cependant, quand on aime les animaux, on ne doit pas non plus idéaliser leur mode de vie, comme le font tant de bobos vivant en milieu urbain. La préoccupation première des animaux, c’est de survivre au sein de la chaîne alimentaire. Lorsque mes chats croquent un mulot, cela me fait de la peine pour le mulot, mais je sais qu’un tel comportement est dans la nature des chats. Bref, si je me félicite des succès de la cause animale, je voudrais être sûr qu’elle est plus affaire de sensibilité que de sensiblerie.

    Les excès de certains animalistes sont aussi grotesque que sont monstrueux et criminels les agissements de ceux qui maltraitent (ou abandonnent) les animaux. Je suis frappé, par exemple, que des associations comme L214, qui ont eu le mérite d’attirer l’attention sur les conditions abominables dans lesquelles fonctionnent certains abattoirs, ne fassent aucune différence entre l’élevage industriel du type poules en batterie ou « ferme des mille vaches » et le traditionnel élevage fermier. D’autres ne font pas non plus de différence entre la chasse traditionnelle (et les traditions de la chasse) et le massacre des bêtes par des viandards. Ils ne veulent voir dans la corrida qu’un « spectacle cruel » alors qu’elle est d’abord une cérémonie sacrée. Je remarque, aussi, que ceux qui s’en prennent aux boucheries ne visent jamais l’abattage rituel. Et je ne dis rien des délires des végans, qui souhaitent de manière quasi terroriste nous transformer en herbivores, ce qui aurait pour conséquence de faire disparaître toutes les espèces domestiques.

    Si nos ancêtres divinisaient certains animaux ou en faisaient volontiers des attributs des dieux, est-ce une raison pour que les antispécistes nous fassent mettre désormais hommes et acariens sur un pied d’égalité ?

    L’« antispécisme » s’est formé sur le modèle de l’antiracisme ou de l’antisexisme, ce qui en montre les limites. Le terme est d’autant plus ridicule que personne ne s’est jamais déclaré « spéciste ». Mais il est surtout foncièrement équivoque. S’agit-il de dire qu’il n’y a aucune différence entre les espèces, qu’elles sont toutes « égales » ou qu’elles n’existent pas ? En la matière, on est passé d’un excès à l’autre. On a d’abord voulu faire croire que l’homme n’appartient que très marginalement à l’univers du vivant, et même que c’est en se coupant de la nature qu’il affirme le mieux son humanité. On a opposé la nature et la culture à la façon dont, auparavant, on opposait le corps à l’âme ou à l’esprit. Cette façon de voir a nourri pendant des siècles un anthropocentrisme destructeur. Ensuite, certains se sont au contraire mis en devoir de nier ce qui nous appartient en propre pour voir dans les chiens et les chats des « personnes comme les autres ».

    L’attitude la plus raisonnable est de se tenir à l’écart de ces deux positions extrêmes. L’homme est sans aucun doute apparenté à tous les vivants : il n’y a pas eu une évolution pour les humains et une autre pour les animaux ; notre ADN est, d’ailleurs, à 98 % identique à celui des chimpanzés ou des bonobos. En revanche, c’est au niveau humain que l’on voit progressivement émerger des propriétés que l’on n’observe pas ailleurs : non pas la conscience de soi, par exemple, mais la conscience de sa propre conscience ; non pas l’histoire, mais la conscience historique.

    On parle aussi beaucoup des « droits des animaux ». On parle aussi, d’ailleurs, de la nécessité d’accorder bientôt des droits aux robots ! Une approche justifiée ?

    Le langage des droits a, aujourd’hui, tout envahi. Pour les auteurs libéraux, l’homme se caractérise par le droit d’avoir des droits, après quoi cette définition a été étendue à tous les vivants (en attendant de l’être aux robots), alors que ces deux propositions sont absurdes. Le grand théoricien des droits des animaux, le philosophe utilitariste australien Peter Singer, soutient que les animaux possèdent des droits au seul motif qu’ils sont des êtres « rationnels » et conscients d’eux-mêmes. Or, l’animal ne peut être sujet de droit pour l’évidente raison qu’il est incapable de faire lui-même valoir ses droits.

    Dans sa Métaphysique des mœurs, Kant déclare froidement que « l’homme ne peut avoir de devoirs envers d’autres êtres que les hommes », ce qui veut clairement dire qu’il n’en a aucun vis-à-vis des animaux. Il rejoint ainsi Descartes, qui voyait dans les animaux de simples « automates ». Les deux approches sont inacceptables. Les animaux n’ont pas de droits, mais nous avons des devoirs envers eux, et ces devoirs sont considérables. Comme le dit Alain Finkielkraut, « jamais le lion ne se sentira responsable de l’antilope. Seul l’homme peut se sentir responsable des deux. »

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 14 août 2018)

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  • Bienvenue dans un monde sans père...

    Le numéro 12 du mensuel L'Incorrect est arrivé en kiosque. On peut y trouver un dossier consacré à la question de la procréation médicalement assistée (PMA), avec, notamment, un texte de Gabriel Robin et un entretien avec le professeur Jacques Testart ainsi que les pages "L'époque", "Monde", dirigées par Hadrien Desuin, "Reportages",  "Les essais" et "Culture"... Dans la rubrique "Politique", on pourra lire un entretien avec Diego Fusaro, un des inspirateurs des populistes italiens du Mouvement 5 étoiles...

    Le sommaire complet est disponible ici.

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  • Un bloc populaire face aux libéraux mondialistes ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Steve Ohana, cueilli sur le site du Figaro Vox et consacré à l'émergence d'un "bloc populaire", avec pour axe doctrinal "un souverainisme politique, migratoire, commercial, budgétaire et monétaire, transcendant le clivage droite-gauche". L'auteur est professeur de finance à l'ESCP.

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    Et si la gauche devenait audible en se remettant à parler d'immigration ?

    Il y a quelques semaines, Sahra Wagenknecht, la leader du parti de gauche allemand Die Linke, a annoncé le lancement de son mouvement «Aufstehen » («Se lever»). Ce mouvement, se voulant indépendant des partis, a choisi une orientation idéologique nouvelle, dirigée non seulement contre les réformes de flexibilisation du marché du travail, qui ont considérablement précarisé les travailleurs peu qualifiés en Allemagne, mais également contre l'ouverture des frontières migratoires. Il s'agit pour elle de quitter la posture de la «gauche moralisatrice», expliquant aux perdants de la mondialisation comment il convient de penser, pour adopter celle de la «gauche matérialiste», qui se pose comme leur porte-parole et défenseur. Car, comme le dit le dramaturge Bernd Stegemann, qui travaille avec Wagenknecht sur le programme du mouvement, «les personnes vivant dans des conditions précaires et atomisées réagissent nécessairement de façon moins généreuse et tolérante que les catégories aisées à l'égard des immigrés». «D'abord le Grub (la nourriture en langage argotique), ensuite l'éthique», résume Brecht.

    Cette orientation constitue une révolution copernicienne du point de vue de la gauche. En effet, depuis l'avènement du marché unique européen et de la mondialisation libérale dans les années 80, la gauche dite «de gouvernement» a déserté la question de la défense du travail contre le capital (qui rentrait en contradiction avec l'objectif de la «construction européenne» et de «l'insertion dans la globalisation») pour se recentrer sur les questions sociétales: promotion des droits des minorités ethniques et sexuelles, politiques d'accueil migratoire… Or, la mondialisation a creusé les inégalités de revenus et de richesses au sein des sociétés occidentales, en particulier dans les pays qui ont épousé le plus nettement les politiques de flexibilisation du marché du travail et de réduction de la fiscalité sur les hauts revenus (États-Unis, Royaume-Uni, et, au sein de l'Europe continentale, l'Allemagne). C'est donc ainsi que la social-démocratie a progressivement délaissé les classes populaires, au profit d'une élite urbaine attachée à la mondialisation et aux valeurs cosmopolites (élite urbaine constituant une des composantes de ce que Bruno Amable et Stefano Palombarini ont nommé le «bloc bourgeois», ce corps social représenté par les différents partis politiques «de gouvernement» depuis l'avènement de la seconde mondialisation).

    Certains courants de «gauche radicale», dans l'objectif de reconquérir le vote des classes populaires, ont adopté un agenda de modification radicale du statu quo de la mondialisation: fiscalité beaucoup plus progressive, au détriment du capital et des plus hauts revenus, réforme de la gouvernance de l'euro et du mode d'intervention des banques centrales au profit des plus démunis (monétisation de la dette, «Helicopter Money»), régulation du marché du travail (augmentation du salaire minimum, protection des travailleurs et des chômeurs), dirigisme de l'État dans l'économie (politiques sociales, renationalisations de secteurs privatisés, protection de l'emploi et des services publics, politiques ambitieuses d'investissements publics), régulation du commerce international (protection du secteur industriel, dénonciation des accords de libre-échange, barrières douanières à l'encontre des pays pratiquant le dumping fiscal, social ou environnemental).

    Mais cette nouvelle offre politique antimondialisation portée par la gauche radicale s'est avérée jusqu'à présent insuffisante pour recueillir une large adhésion des classes populaires et renverser le statu quo de la mondialisation.

    Le changement de ligne opéré par Sahra Wagenknecht sur la question migratoire trouve son origine dans la crise des migrants de 2015, lors de laquelle la chancelière Angela Merkel a décidé unilatéralement de l'accueil d'un million de réfugiés du Moyen-Orient en Allemagne. Cette politique ne répondait pas qu'à une logique humanitaire, elle était également conforme aux intérêts du patronat allemand, inquiet que la pénurie de main-d'œuvre ne finisse par l'obliger à augmenter fortement les salaires (on estime que le pays a besoin d'un flux de 500 000 migrants par an jusqu'en 2050 pour contrer la baisse structurelle de sa main-d'œuvre). L'ensemble de la gauche allemande a d'abord adhéré, suivant sa ligne internationaliste habituelle, à cette politique d'accueil. Mais elle a alors vu son audience au sein des classes populaires s'affaisser au profit de l'AfD, le nouveau parti national populiste allemand, dont la ligne était clairement hostile à l'immigration.

    En reprenant le thème de la lutte contre l'immigration à son compte, la gauche renoue en réalité avec son positionnement historique quant au problème de la mobilité du travail. «Ce que nous ne voulons pas, disait Jaurès dès 1894, observant les effets de la première mondialisation, c'est que le capital international aille chercher la main-d'œuvre sur les marchés où elle est la plus avilie, humiliée, dépréciée, pour la jeter sans contrôle et sans réglementation sur le marché français, et pour amener partout dans le monde les salaires au niveau des pays où ils sont le plus bas. C'est en ce sens, et en ce sens seulement, que nous voulons protéger la main-d'œuvre française contre la main-d'œuvre étrangère, non pas je le répète, par un exclusivisme chauvin mais pour substituer l'internationale du bien-être à l'internationale de la misère». On observe d'ailleurs la contraposée de cette intuition de Jaurès au Royaume-Uni, où les salaires dans certains secteurs utilisant beaucoup de main-d'œuvre étrangère ont fortement augmenté suite aux reflux migratoires vers le continent induits par la perspective du Brexit.

    Dans cette controverse centrale de l'immigration, se mêlent donc la critique de l'idéologie cosmopolite (critique portée traditionnellement par la droite conservatrice) et celle des effets économiques délétères de la mondialisation. Deux thématiques qui rencontrent une forte résonance au sein des classes populaires.

    De leur côté, les mouvements nationaux populistes comme l'AfD s'engagent de plus en plus dans la défense des classes populaires contre les effets de la mondialisation. Ainsi, l'AfD, qui campait à l'origine sur une ligne économique ultralibérale, propose à présent de revaloriser les retraites et de revenir sur les réformes de flexibilisation du marché du travail (réformes Hartz IV en particulier) pour mieux épouser les attentes de son électorat cible. Le parti est même intervenu pour soutenir les ouvriers de Siemens contre le projet de fermeture d'une usine à Görlitz, près de la frontière polonaise. Ce positionnement fait écho à la ligne anti-euro et antimondialisation de la campagne présidentielle de Marine Le Pen en 2017. La Ligue italienne s'est également significativement «gauchisée» sur le plan économique et social, jusqu'à faire une alliance de gouvernement avec le Mouvement Cinq Étoiles en mai dernier, une situation politique inédite qui préfigure la constitution d'un «bloc populaire» potentiellement hégémonique face au «bloc bourgeois» représenté par les formations centristes traditionnelles.

    Cette tendance s'étend par contagion aux partis de gouvernement, qui jusqu'à présent se préoccupaient avant tout de représenter les gagnants de la mondialisation. Le Premier ministre britannique Theresa May, leader du parti conservateur Tory, a ainsi acté la rupture définitive avec le thatchérisme pour renouer avec la tradition «social conservatrice» du «Red Tory». Elle tente ainsi de mieux répondre au besoin de protection exprimé par les classes populaires qui ont majoritairement voté en faveur du «Leave». Face à elle, Jeremy Corbyn a rompu avec la doctrine libérale du «New Labour» de Tony Blair pour adopter une ligne économique beaucoup plus en phase avec les intérêts des classes populaires. Il a également incorporé dans son programme la régulation des flux migratoires, chère aux partisans du Brexit, dans le même esprit que Sahra Wagenknecht. La rhétorique anti-mondialisation et anti-immigration de Donald Trump, tout à fait inédite au sein du parti républicain, constitue également une sorte d'avatar de cette tendance, même si, sur le plan intérieur, le positionnement de Donald Trump (notamment en matière fiscale) est encore franchement défavorable aux classes populaires. Quant à Bernie Sanders, il ne proposait rien de moins qu'une «révolution politique» aux catégories populaires déclassées par la mondialisation lors des primaires du parti démocrate.

    On se souvient de la fameuse phrase de Warren Buffet: «Il y a bien une lutte des classes, mais c'est ma classe, celle des riches, qui la mène et elle est en train de la gagner». Or, les classes populaires, qui ont en effet été reléguées aux marges du système jusqu'à la crise de 2008, sont maintenant en train de se structurer en force d'opposition politique face au statu quo inégalitaire de la mondialisation.

    Les élites bénéficiaires de la mondialisation tentent aujourd'hui de défendre le statu quo en se présentant comme les ultimes défenseurs des valeurs «progressistes» et «libérales» face au retour des «populismes» ou des «nationalismes». Mais, derrière cette terminologie caricaturale, se lit en réalité la tentative désespérée du «bloc bourgeois» de maintenir son hégémonie sociale et culturelle face à la pression de plus en plus menaçante du «bloc populaire». Un souverainisme politique, migratoire, commercial, budgétaire et monétaire, transcendant le clivage droite-gauche, apparaît comme le nouvel axe doctrinal autour duquel les classes populaires sont en train de s'organiser en vue de la reconquête du pouvoir. Face à la puissance de ce discours souverainiste, qui entend restituer aux peuples une démocratie confisquée, les élites libérales vont devoir réviser en profondeur leur logiciel si elles ne veulent pas voir cette seconde mondialisation finir, comme la première, dans les poubelles de l'Histoire.

    Steve Ohana (Figaro Vox, 3 septembre 2018)

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