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  • La loi naturelle et les droits de l'homme...

    " C’est ainsi qu’au nom du principe des droits humains, on veut interdire aux nations de prendre les lois qu’elles jugeraient éventuellement utiles ou nécessaires pour préserver ou encourager la vie et l’éducation communes qui donnent à chacune sa physionomie et sa raison d’être. Ce n’est plus aux cités de déterminer qui sera citoyen et à quelles conditions, puisque chacun désormais est supposé avoir le droit de devenir citoyen de la cité qu’il choisit. Quelle que soit l’institution, pourrait-on dire, tout individu a le droit inconditionnel d’en devenir membre – inconditionnel, c’est-à-dire sans avoir à se soumettre aux règles spécifiques – à la « loi » – qui règlent la vie de cette institution, ou en ne s’y soumettant que de la manière la plus approximative et pour ainsi dire la plus dédaigneuse. Qu’il s’agisse de la nation, de la famille ou de l’université, l’institution ne saurait légitimement opposer sa règle à l’individu qui invoque son désir ou son droit, les deux tendant à se confondre désormais (…) ce « droit » est compris d’une manière de plus en plus extensive, en vérité d’une manière proprement illimitée : non seulement comme le droit de « tout avoir » mais, de manière plus troublante encore, comme le droit d’être tout ce que nous sommes ou voulons être. "

     

    Les PUF viennent de publier un essai de Pierre Manent intitulé La loi naturelle et les droits de l'homme. Directeur d'études à l'EHESS, membre fondateur de la revue Commentaire, Pierre Manent est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages de philosophie politique, parmi lesquels Cours familier de philosophie politique (Fayard, 2001) et Les métamorphoses de la cité (Flammarion, 2012).

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    " La doctrine des droits de l'homme est devenue l'unique référence légitime pour ordonner le monde humain et orienter la vie sociale et individuelle. Dès lors, la loi politique n'a plus d'autre raison d'être que de garantir les droits humains, toujours plus étendus. La loi ne commande plus, ne dirige plus, n'oriente plus : elle autorise. Elle ne protège plus la vie des institutions qu'il s'agisse de la nation, de la famille, de l'université, mais donne à tout individu l'autorisation inconditionnelle d'y accéder. L'institution n'est donc plus protégée ni réglée par une loi opposable à l'individu; celui-ci jouit d'un droit inconditionnellement opposable à l'institution. Pierre Manent montre que cette perspective livre les éléments constituants de la vie humaine à une critique arbitraire et illimitée, privant la vie individuelle comme la vie sociale de tout critère d'évaluation. Une fois que sont garantis les droits égaux de faire telle action ou de conduire telle démarche, il reste à déterminer positivement les règles qui rendent cette action juste ou cette démarche salutaire pour le bien commun. La loi naturelle de la recherche du bien commun se confond avec la recherche des réponses à la question : comment orienter ou diriger l'action que j'ai le droit de faire ? "

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  • Syrie : qui veut (vraiment) la paix ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur son blog Bouger les lignes et consacré à la question du retour à la paix en Syrie... Docteur en science politique et dirigeante d'une société de conseil, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et publie régulièrement ses analyses sur le site du Point et sur celui du Figaro Vox.

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    Syrie : qui veut (vraiment) la paix ?

     

    L'Occidental postmoderne goûte la lumière des évidences simples, la clarté des antagonismes légitimes. Il prend l'information pour de la connaissance, donne à fond dans la substitution de l'image au réel qui devient le quotidien de la politique et ne produit plus seulement une déformation du réel, mais une autre réalité. Et puis, la complexité le fatigue, le paradoxe le lasse, la mise en perspective l'égare. Il croit dans « le su parce que vu ». Il croit que les fake news tombent du ciel ou proviennent directement des enfers que seuls les bad guys et leurs hackers habitent. L'homme occidental a donc la conscience assoupie et les yeux bandés, mais sa sentimentalité exacerbée lui donne l'illusion d'avoir une conscience morale.

    Aussi bien ne voit-il aucune indécence, aucun cynisme dans la façon dont les médias occidentaux décrivent et montrent la situation militaire et humanitaire dans la Ghouta orientale. Et pourtant… La terreur bien réelle vécue par les populations civiles de cette banlieue damascène gangrénée depuis des années par les groupes djihadistes, le calvaire des enfants morts-vivants, pris sous les décombres des bombardements de l'armée syrienne appuyés par la Russie en prélude à une probable offensive terrestre dans l'espoir de réduire ce foyer islamiste qui bombarde régulièrement les faubourgs de la capitale dans un silence occidental assourdissant, sont présentés comme la marque d'une cruauté insensée, délibérée et ciblée des « forces du régime » et de ses soutiens contre la population civile effectivement prise au piège de cet affrontement sans merci. Comme si l’ogre Assad, chaque matin, réclamait à ses sicaires pour son petit déjeuner, son saoul de femmes et d’enfants démembrés et sanguinolents. Comme si ces malheureux civils étaient les cibles de ces bombardements et non les boucliers humains dont se servent impunément depuis des années les salafistes qui veulent faire tomber le président syrien et prendre le pouvoir à Damas pour le compte de leurs puissances mandataires. Des groupuscules ultraviolents qui le forcent ainsi à leur livrer son pays ou bien à faire la « guerre au milieu des populations » pour déclencher l'ire internationale et le diaboliser encore un peu plus…

    On s'est habitués au martyre au long cours du peuple syrien

    On a tellement voulu croire, et faire croire, que l'État islamique était le seul problème et qu'une fois sa réduction (relative) acquise, la guerre serait sans objet et s'étiolerait, que l'on a « oublié » qu'à côté des scories encore dangereuses de cette hydre spectaculaire se démènent toujours les groupes salafistes Al-Nosra et consorts qu'on laisse agir pour compromettre une victoire trop éclatante de l'axe Moscou-Téhéran-Ankara.

    Alors, pour ne pas parler de ce qui pose vraiment problème et nourrit le conflit, on braque les projecteurs sur une offensive gouvernementale, comme si on redécouvrait subitement que la guerre fait toujours rage et est insupportable… Pourtant, notre « coalition internationale » la mène contre le gouvernement syrien depuis 7 ans. Et l'on doit endurer les sommets de cynisme de l'ambassadrice américaine aux Nations unies qui reconnaît que « à cause de la Russie » le Conseil de sécurité « a manqué à son devoir » vis-à-vis des malheureux civils syriens en tardant à signer une résolution demandant un cessez-le-feu d'un mois. Elle ne dit évidemment pas pourquoi ce retard ! Car Moscou a voulu faire apporter quelques substantielles modifications au projet initial en excluant du cessez-le-feu les zones où sévissent encore les groupes terroristes, notamment Al-Nosra.

    La réduction militaire de l'abcès salafiste de la Ghouta devrait donc se poursuivre, les morts innocents se multiplier et nos inconscientes consciences, gargarisées de leur haute moralité abstraite et partiale, continuer de s'indigner. Quoi ? la guerre tue, est sale, injuste, laide, elle fait des victimes innocentes, surtout quand elle doit être menée au sein des populations civiles prises en otages ?

    Une indignation à éclipses pourtant depuis sept ans, mis à part quelques séquences stigmatisées comme la reprise d'Alep – alors que celle de Mossoul nous a laissés plus placides, car il s'agissait de nos bombes. Car on s'est habitués au martyre au long cours du peuple syrien. Tant que c'est à bas bruit, que ce sont nos frappes lointaines qui tonnent, que les morts que l'on fait sont « du mauvais côté » et point trop spectaculaires, on ne lève pas le nez de notre assiette. Sauf pour donner, de temps à autre, quelques leçons de morale de plus en plus inaudibles sur « le boucher Assad ennemi de son peuple » et les gentils rebelles insurgés au grand cœur qui veulent la démocratie et le bien-être de leurs concitoyens.

    De tragiques erreurs de jugement

    Cet ahurissant et persistant biais dans l'interprétation des faits a une origine. Depuis 7 ans en effet, on présente le conflit comme une lutte entre deux légitimités équivalentes qui seraient en concurrence finalement « normale » pour régir le pays. On fait comme si la Syrie n'était pas un État stable et sûr en 2011, comme si elle n'avait jamais eu de gouvernement légitime, mais un « régime » illégitime et honni, comme si c'était un territoire sans unité, un simple espace à conquérir, comme s'il ne s'agissait pas d'un pays souverain ; entré en résistance forcenée et nécessairement meurtrière, contre une agression tous azimuts venue de l'extérieur bien plus qu'aux prises avec une guerre civile, quelles qu'aient été la réalité et la légitimité des revendications politiques, sociales et économiques à l'origine des premières manifestations de 2011.

    Puis, de fil en aiguille, nous avons fini par nous convaincre de cette reconstruction des faits et par tomber dans un manichéisme dogmatique confondant, qui a déformé notre compréhension des choses et du coup a grandement affaibli notre capacité d'action. Nous avons cru que cette attitude néanmoins préserverait « nos intérêts ». Mais où en sommes-nous finalement de notre influence dans ce pays et même dans cette région dont nous nous préoccupons soi-disant tant ? Et quel poids nous accordent ceux qui dominent le jeu politique et militaire régional ?

    L'honnêteté impose d'admettre que nous sommes toujours largement hors-jeu, car nous ne voulons pas admettre nos tragiques erreurs de jugement et préférons ressasser les vieilles antiennes anti-Assad au lieu de chercher pragmatiquement à reprendre pied et langue dans le pays et à faire basculer les alliances dans le sens de l'apaisement et du compromis… dont les populations civiles seraient évidemment les premières bénéficiaires. Nous sommes malheureusement encore très loin d'une telle réforme intellectuelle et pour le coup « morale ». Alors, nous observons.

    Le trouble jeu américain

    L'affrontement Moscou-Washington bat son plein, attisé par les va-t-en-guerre néoconservateurs américains qui « environnent » fermement le président Trump et ont fait de l'Iran le nouveau rogue state à abattre. Washington veut miner la consolidation du « croissant chiite » qui traduit la renaissance de l'influence iranienne dans cette région stratégique et pour commencer, il veut que l'Iran sorte de Syrie. Les slogans très « calibrés » des récentes manifestations populaires en Iran ont clairement fait le lien entre le mécontentement « spontané » du peuple des provinces et les dépenses du pouvoir mises au service de la guerre menée en appui du pouvoir syrien. Le président Rohani ne s'y est pas trompé, qui a rappelé qu'il n'était pas comptable des fonds alloués aux gardiens de la Révolution sous tutelle du guide suprême Ali Khamenei.

    Alors, après l’échec de cette tentative de déstabilisation ou a minima de récupération d’une grogne populaire, pour pousser Moscou à lâcher son partenaire tactique iranien, l’Amérique remet une couche de sanctions (élément de chantage supplémentaire), une louche sur le délirant feuilleton du Russian probe du Procureur Mueller. Et en Syrie même, afin de contrôler les zones pétrolières de l'Est syrien pour peser sur la reconstruction économique et politique du pays, Washington s'engage militairement durablement aux côtés des Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes syriens (YPG) que Moscou ne défend pas vraiment des assauts turcs. Il semble en effet probablement plus important au Kremlin d'enfoncer un coin dans l'Alliance atlantique en laissant se développer l'affrontement Washington-Ankara à propos de ces mêmes Kurdes. L'Amérique se sert en tout cas des YPG – ce qui n'empêche pas ces derniers de demander parfois, comme à Afrin, le soutien des milices syriennes pro-Assad contre l'aviation et l'artillerie turques, car leurs liens avec le régime et l'armée sont anciens et puissants – pour empêcher de fait un règlement politique global sur lequel elle n'aurait pas la main, sachant que la Turquie, qui parraine le processus d'Astana aux côtés de Moscou et de Téhéran, ne peut admettre leur participation à un règlement politique.

    Cessons d'attiser les divisions intrasyriennes communautaires

    Parallèlement, ainsi que vient de le révéler la fuite d'un document diplomatique du Foreign Office, tout est fait pour casser le processus d'Astana (et celui de Sotchi), compromettre le succès des zones de désescalade (d'où la reprise des affrontements dans la Ghouta comme à Idlib) et redonner une crédibilité à celui de Genève, moribond et sans représentativité. À la manœuvre depuis janvier dernier, un « petit groupe américain sur la Syrie » composé des USA, de la Grande-Bretagne, de la France, de l'Arabie saoudite et de la Jordanie… Et on s'étonne que la guerre ne finisse pas ! La guerre dont il est au demeurant toujours imprudent de clamer la fin.

    Plutôt que de s'indigner stérilement de la recrudescence des combats, on ferait mieux de cesser d'attiser les divisions intrasyriennes communautaires et confessionnelles en espérant encore démembrer ce pays pour lui dicter son avenir, chacun espérant se tailler la part du lion des marchés de la reconstruction. Le sentiment national syrien n'est pas un vain mot. C'est une réalité plus vivante que jamais, fortifiée par l'épreuve de la guerre et la résilience d'un peuple multiple, mais un, qui a refusé l'atomisation qu'on lui promettait. C'est autour d'un mot d'ordre de « la Syrie unie » que l'on devrait aujourd'hui chercher à faire naître un embryon de convergence des positions des puissances intervenantes au service des intérêts véritables du peuple syrien dans toute sa diversité, et non plus des leurs.

     

    Caroline Galactéros (Bouger les lignes, 28 février 2018)

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  • La Super-classe mondiale contre les peuples...

    Les éditions Via Romana viennent de publier un essai de Michel Geoffroy intitulé La Superclasse mondiale contre les peuples. Énarque, essayiste et contributeur régulier au site de la Fondation Polémia, Michel Geoffroy est l'auteur avec Jean-Yves Le Gallou du Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015).

    Le livre est disponible à la commande sur le site de Via Romana.

     

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    " En Occident on ne vit plus en démocratie mais en post-démocratie : les gouvernements ne gouvernent plus mais obéissent aux marchés et aux banques, les puissances d’argent dirigent les médias et les peuples perdent leur souveraineté et leurs libertés.
       Pourquoi ? Parce que depuis la chute de l’URSS le pouvoir économique et financier s’affranchit du cadre national et veut gouverner à la place des États. Parce que la fin du communisme nous a libérés de la Guerre froide, et lui a succédé la prétention obstinée du messianisme anglo-saxon à imposer partout sa conception du monde, y compris par la force.
       Ce double mouvement s’incarne dans une nouvelle classe qui règne partout en Occident à la place des gouvernements : la super classe mondiale.
       Une classe dont l’épicentre se trouve aux États-Unis mais qui se ramifie dans tous les pays occidentaux et notamment en Europe. Une classe qui défend les intérêts des super riches et des grandes firmes mondialisées, sous couvert de son idéologie : le libéralisme libertaire et cosmopolite. Une classe qui veut aussi imposer son projet : la mise en place d’un utopique gouvernement mondial, c’est-à-dire la mise en servitude de toute l’humanité et la marchandisation du monde. Une classe qui manipule les autres pour parvenir à ses fins, sans s’exposer elle-même directement.
       Avec La Superclasse mondiale contre les peuples, Michel Geoffroy dresse un portrait détaillé, argumenté et sans concession de la superclasse mondiale autour de cinq questions : que recouvre l’expression superclasse mondiale ? Que veut-elle ? Comment agit-elle ? Va-t-elle échouer dans son projet de domination ? Quelle alternative lui opposer?
       Un ouvrage de référence pour comprendre les enjeux de notre temps. "

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  • Union des droites ou droite plurielle ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gabriel Robin, cueilli sur le site du magazine L'Incorrect et consacré à la question de l'union des droites...

     

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    Union des droites ou droite plurielle ?

    On l’oublie souvent, mais l’« union des droites » a existé dans la vie politique française, au moins durant les deux premières décennies de la Troisième République. C’est à l’aune de cette donne historique que l’on doit envisager quelle forme pourrait revêtir aujourd’hui l’union des droites.

    Les alliances entre factions politiques à la fin du Second Empire, comme au début de la Troisième République, sont difficiles à appréhender. Les différents groupes composant la droite née des suites de la proclamation de la Troisième République, donc du traumatisme de la guerre franco-prussienne de 1870, s’ils avaient de grandes divergences, partageaient une même défiance à l’égard du retour à la forme républicaine des institutions de la nation française, sorte de miroir inversé du gouvernement d’Emile Ollivier qui avait précédé la chute du Second Empire.

    Légitimistes, orléanistes et bonapartistes autoritaires nourrissaient tous le secret espoir d’abattre la gauche, alors unanimement républicaine, s’inspirant peut-être de la relation qui unit Jean-de-Dieu Soult, héros de la bataille d’Austerlitz, à Louis-Philippe durant la monarchie de Juillet. Un ressentiment qui culmina sous une forme paradoxale, baroque, sinon grotesque : le boulangisme. Suicidé sur la tombe de sa maîtresse, le Général Boulanger sut auparavant réunir autour de sa personne des républicains de gauche, mais aussi des nostalgiques de la monarchie et de fervents bonapartistes, qui financèrent cette drôle et pathétique épopée du XIXème siècle français finissant.  Ainsi s’achevait « l’union des droites » en France. La tentation d’en finir avec la République n’était pas morte, loin s’en faut, surtout dans les cercles royalistes qui ont longtemps cru pouvoir y parvenir, notamment sous l’impulsion de l’Action Française de Charles Maurras. Hasard de l’histoire, les maurrassiens empruntèrent à Paul de Cassagnac, député bonapartiste jusqu’au-boutiste, l’expression « La Gueuse » pour désigner la République.

    Ressusciter l’idée d’« union des droites » implique donc d’en mesurer la portée historique et politique. Il ne s’agit pas d’un concept anodin, mais bien de l’affirmation d’une volonté d’union de sensibilités extrêmement diverses face à un ennemi commun, un régime honni. Autour de quel programme (ou quelle détestation commune, ce qui serait plus précis en l’espèce) ? Avec quels hommes ? Tant de questions presque insolubles qui font du projet d’union des droites une hypothèse peu vraisemblable à l’heure où j’écris ces lignes. Auteur de La guerre à droite aura bien lieu – Le mouvement dextrogyre, Guillaume Bernard a bien tenté de tracer à grands traits ce que pourrait être l’union des droites au XXIème siècle : « L’unité de la droite ne viendra pas de la connivence des « chefs » mais de l’aspiration du peuple de droite à l’adoption d’une plateforme commune. Si les chefs ne suivent pas, la base n’aura pas d’autre solution que de se passer d’eux ».

    Passons sur le fait que Guillaume Bernard se débarrasse un peu trop facilement des difficultés politiciennes, pour nous attarder sur le consensus politique qu’il entend construire. L’essayiste dégage cinq points, à ses yeux essentiels d’une vision politique de droite authentique : la défense de l’identité et du patrimoine hérité ; la restauration de l’autorité de l’Etat ; la promotion de la souveraineté nationale ; la «subsidiarité » censée garantir les libertés, notamment économiques ; et, le maintien d’une « conception traditionnelle » en matière de mœurs et de bioéthique. Ces principes pourraient-ils donc servir de programme commun d’une « union des droites » contemporaine ? Possible sur le fond. Au moins pour une partie de la sociologie de l’électorat de droite, plus engagée et généralement plus militante.

    Mais n’y-a-t-il pas là aussi l’expression d’une forme d’idéal platonicien, que la réalité contredit le plus souvent ? Imagine-t-on le « peuple de droite », si l’on admet qu’il existe, se réunir spontanément autour d’une personnalité providentielle venue le guider vers la victoire ? Plus surréaliste encore, en créant ex-nihilo une plate-forme de démocratie directe et participative, totalement horizontale ?

    Les difficultés pratiques sont réelles, sans compter que les principes ne sont pas un programme. Si le diable se cache dans les détails, cela n’est sûrement pas sans raison. Quid de la partie sur la souveraineté nationale, infiniment complexe ? Quid de la formule indiquant que le programme commun de la droite devrait défendre une « conception traditionnelle » en matière de mœurs et de bioéthique ? Il n’est pas difficile de percevoir les premières difficultés auxquelles feraient face les promoteurs actuels de l’union des droites, si d’aventure ils cherchaient à bâtir un outil agglomérant les différents courants d’un camp dont l’identité politique commune de ses partisans se réduit parfois au fait qu’ils ne soient pas de gauche !

    Interrogée par Laurent Delahousse, Marine Le Pen se déclarait ouverte aux alliances, sans toutefois aller jusqu’à se définir comme étant elle-même de droite : « Je souhaite défendre la nation avec tous ceux qui sont prêts à le faire ». Seul parti de gauche partageant des vues similaires à celles de Marine Le Pen sur la question européenne, La France Insoumise ne se rapprochera jamais, de près comme de loin, d’une formation qui ne serait pas véritablement de gauche, c’est-à-dire dotée d’un axe idéologique l’orientant prioritairement vers la lutte contre les inégalités, cœur de combat du marxisme et de ses dérivés. Alors qui ? La droite, pardi ! Nicolas Dupont-Aignan ? En dépit des pudeurs de gazelle qu’il affiche, il a déjà franchi le pas et pourrait recommencer. Problème, il ne pèse pas suffisamment pour créer une majorité. Il n’y a donc qu’une solution en magasin : Les Républicains. La lucidité m’oblige à penser que l’éventualité est très peu probable en l’état.

    L’étude des votes du premier tour de l’élection présidentielle avait montré que les électorats de François Fillon et de Marine Le Pen plaçaient les mêmes sujets en tête de leurs priorités respectives, hors la lutte contre les déficits et la dette publique. À l’image de l’Italie ou de l’Autriche, les électeurs de droite s’accordent au moins sur un sujet : la lutte contre l’immigration. La coalition de centre-droit italienne, qui a échoué de peu à former une majorité, dénonçait ainsi la gestion de la crise des « migrants » par le parti démocrate europhile de Matteo Renzi.

    Laurent Wauquiez pourrait vouloir profiter de la relative faiblesse de Marine Le Pen dans les derniers sondages, en chute dans tous les indicateurs testés dans le sondage Kantar Sofres-One Point pour Le Monde, pour encore durcir sa proposition et se présenter en champion de la « droite vraiment de droite ». Ce désamour est certainement en trompe l’œil, Marine Le Pen bénéficiant toujours d’un monopole de fait dans le créneau du nationalisme à la française. L’« union des droites » ? Les cadres des Républicains n’en veulent d’ailleurs pas dans leur grande majorité, y compris aux élections locales. Il faut bien dire que les institutions de la Vème République ne s’y prêtent pas, favorisant le fait majoritaire au détriment des alliances faites de compromis.

    Ajoutons à cela que les sympathisants des Républicains, contrairement à ceux du Front national, majoritairement favorables à des accords, ne sont pas non plus très séduits, n’étant que 11 % à déclarer vouloir traiter le «Front national comme un allié en passant avec lui une alliance électorale globale » et 32 % à se montrer favorables à l’idée de « faire des alliances » ponctuelles avec le Front national en fonction des circonstances, toujours selon le sondage Kantar Sofres-One Point. Une telle reconfiguration pourrait, en outre, dépouiller la droite de gouvernement de l’intégralité du centre, déjà largement aspiré par Emmanuel Macron.

    Si la « bataille des idées » n’a pas été remportée par la droite – encore faudrait-il s’assurer qu’elle l’eût un jour véritablement livrée -, les constats qu’elle dresse sont désormais mainstreams. Éric Zemmour le disait dans nos colonnes : « Mon constat et mon diagnostic sont désormais la norme ! Ce que je disais il y a quelques années est devenu banal. Tout le monde le pense ».  Même Ariane Chemin. Je ne donnerais pas d’autres noms pour ne vexer personne. L’Union des droites serait-elle donc la traduction d’un impensé français ? Soit la réunion d’une majorité protéiforme : celle qui dit que le réel a eu lieu ?  Malheureusement, cette majorité de l’opinion publique n’a pas de traduction politique efficiente. En aura-t-elle une demain ? Rien n’est moins sûr.

    Céder au désespoir, se lamenter face à la fatalité serait pourtant une « sottise absolue ». La droite, prise dans son sens le plus large, doit être modeste. La solution révolutionnaire ou le coup de force lui sont hors de portée.  Une première option pourrait donc consister à privilégier l’émergence d’une droite plurielle à la romantique et nébuleuse union des droites. L’idée de droite plurielle pourrait servir à former des coalitions aptes à gouverner, ses membres s’accordant pour remplir un minimum d’objectifs le plus efficacement possible, sans s’étouffer et faire de trop grandes concessions. En somme, il s’agirait du retour de Richelieu, pour qui la politique était l’art de rendre possible ce qui est nécessaire.

    Seconde option offerte à la droite dite « authentique », plus étonnante : se résoudre à rester dans l’opposition un bon moment, en l’envisageant de manière productive. Dans des sociétés connectées, surinformées, l’opinion peut jouer un rôle de moteur historique en influençant les décisions prises par le gouvernement et en aidant les communautés de pensée à s’organiser en lobbys. Il ne s’agit pas à proprement parler de « métapolitique », mais de para-politique. Vaste sujet…

    Gabriel Robin (L'Incorrect, 12 mars 2018)

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  • Itinéraire d'un insoumis...

     Les éditions Pierre-Guillaume de Roux viennent de publier un essai de Danièle Masson intitulé Éric Zemmour, itinéraire d'un insoumis. Agrégée de lettres, Danièle Masson à notamment publié un livre d'entretiens, Dieu est-il mort en Occident ? (Guy Tredaniel, 1998).

     

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    " Comprendre comment et pourquoi Eric Zemmour est passé de l’ombre à la lumière, c’est un des buts de ce livre. Zemmour pense souvent à lui quand il écrit sur les autres. Il rappelle « l’argument massue» de Chaban-Delmas à Pierre Messmer, potentiel candidat, en 1974, à la magistrature suprême : «Tu seras battu car tu seras mauvais à la télé!» Zemmour est bon à a télé, très bon. Détesté, adulé, jalousé pour cela même.

    À quoi doit-il son sulfureux succès ? À sa dégaine de titi parisien, à son indifférence visible à sa manière d’être coiffé et vêtu, quand les élites médiatiques soignent leur brushing et leurs camaïeux ? À son absence de ressentiment, à ses éclats de rire même quand il vient d’être insulté ou prié de se taire ? À son sens de la repartie, à sa gentillesse pour les personnes et son exigence pour les idées ? Sans doute. Les Français reconnaissent en lui l’un des leurs ; il leur permet une identification sans risque, à valeur cathartique, dirait-on si l’on ne craignait d’être pédant.

    Mais il y a autre chose. un art de la maïeutique qui rappelle Socrate. il nous délivre de ce que nous portions en nous sans parvenir à l’exprimer : « ce livre, dit-il du Suicide français […] a fait comprendre tous les enjeux et l’intensité de la guerre idéologique […]. Le public qui vient me voir […] comprend qu’il y a une vraie guerre culturelle, qui lui est menée frontalement […]. ils sont un peu comme l’inspecteur Bourrel […]. Bon sang, mais c’est bien sûr ! ».  Ce nouvel inspecteur Bourrel saisit le fil d’Ariane, le fil rouge, qui relie des événements que nous avons vécus éclatés, sans en comprendre la cohérence. Zemmour use de la pédagogie du détour chère à Jacqueline de Romilly. Il remonte à la fin de la Première Guerre mondiale, fait l’éloge de la parole prophétique de l’historien Jacques Bainville. Zemmour est démocrate, Bainville ne l’était pas. Mais il vivait dans une république qui n’avait pas rétabli le délit de blasphème. Zemmour en est victime, et assume son rôle de bouc émissaire : «Pour que la masse continue à se taire, il faut que certains soient condamnés. J’ai l’honneur, je dis bien l’honneur, d’être devenu une cible privilégiée».

    Zemmour est rarement classé parmi les intellectuels. mais si, comme le disait Michel Foucault, la fonction de l’intellectuel est de diagnostiquer le présent, Zemmour est un intellectuel. il pense ce qu’il dit, il dit ce qu’il pense. Il voit sans chausser de lunettes idéologiques. Il court le risque d’intervenir dans la vie publique en s’exerçant à la pensée juste, c’est-à-dire ajustée, réajustée au réel, sans être dans la posture. Saisir la cohérence d’une pensée qui travaille à se déprendre de l’oubli, à mettre en perspective le présent, à lui donner une profondeur de champ par l’éclairage du passé, à refuser, en historien passionné qui n’en exclut rien, l’histoire hémiplégique, c’est aussi, c’est surtout le but de ce livre. "

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  • "Sur les prisons, Macron fait du Taubira en disant le contraire"...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 8 mars 2018 et consacrée à la réforme de la politique pénale qu'a défendue Emmanuel Macron à l'occasion d'une visite à l'École Nationale d'administration pénitentiaire...

     

                                     

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