Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

russie

  • Guerre en Ukraine : une politique étrangère macroniste qui interpelle...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Michel Leblay, cueilli sur Polémia et consacré à l'étrange politique étrangère d'Emmanuel Macron sur la question du conflit russo-ukrainien.

    Michel Leblay a été un des animateurs du Club de l'Horloge.

     

    Macron_Russie_Guerre.jpg

    Guerre en Ukraine : une politique étrangère macroniste qui interpelle

    Le président de la République puis le premier ministre, dans leurs interventions respectives, ont formulé, s’agissant de la guerre en Ukraine, une position de la France d’une grande intransigeance au regard de la négociation engagée entre les Etats-Unis et la Fédération de Russie. Cette position veut s’inscrire dans une politique qui serait celle de l’Union européenne à laquelle, de plus, le Royaume-Uni s’associerait. Au-delà, de la dénonciation de l’agression de la Fédération de Russie et de l’impérialisme dont fait preuve son président, le réquisitoire vise, en apparence, la volonté du nouveau président des Etats-Unis de parvenir rapidement à une paix négociée.

    À l’origine, un incident diplomatique non une aggravation de la situation militaire

    Bien sûr, s’il est pour le moins normal que les autorités françaises affichent une préoccupation majeure pour un conflit de haute intensité qui se déroule sur le sol européen et dont l’un des deux protagonistes est l’une des deux grandes puissances nucléaires de la planète, le ton par rapport au moment suscite quelques réflexions. Au premier degré, la situation est présentée comme alarmante comme si l’armée russe avait percé les défenses ukrainiennes et qu’elle pourrait maintenant menacer à bref délai d’autres Etats, impliquant l’organisation d’une riposte. En fait, exprimé du point de vue de la politique étrangère, le discours s’avère être, en la circonstance, une condamnation de la volonté du nouveau président des Etats-Unis de parvenir à un accord de paix dans un duo avec la Russie. Il lui est reproché de trahir une alliance en abandonnant l’Europe et de bafouer des valeurs morales. L’enchainement des déclarations de ces derniers jours fait suite à l’échange tendu entre les présidents Trump et Zelinsky, avec la présence active du vice-président des Etats-Unis, lors de la conférence de presse tenue le 28 février 2025 à la Maison Blanche. S’il est exceptionnel dans ce type de tractations qu’un différend soit publiquement affiché, de manière aussi brutale, entre les deux chefs des Etats parties prenantes, pour autant, sur le fond, aucun bouleversement n’était intervenu sur le plan militaire dans les jours qui précédaient. Le projet de Donald Trump d’engager des pourparlers de paix était connu de longue date, avant même son élection.

    Des références historiques mal appropriées

    Pour qualifier la menace, considérée comme inédite sur le sol européen depuis la capitulation allemande du 8 mai 1945, les références historiques aux années 1930 sont allées bon train. Vladimir Poutine s’apparenterait au maître du IIIè Reich. Après l’absorption de l’Ukraine, il pourrait avoir pour ambition de s’en prendre à ses voisins d’Europe centrale avant d’étendre sa domination sur le continent. C’est au moins par les comparaisons faites, le sous-entendu. En évitant toute digression morale sur la gradation dans le mal, force est de reconnaître que la comparaison historique avec les années 1930 est mal appropriée. Relativement, la Fédération de Russie de 2025 n’a pas la puissance de l’Allemagne de 1938 et le président russe n’a pas développé de doctrines s’apparentant à celle d’Hitler. D’une manière générale, les parallèles historiques entre des époques fort différentes dans l’environnement qui les constitue, les mentalités et le cadre des idées et des croyances, exigent la culture et le discernement qui permettent d’en montrer les limites.

    Vladimir Poutine, un russe affligé par la chute de l’URSS et de la puissance perdue

    Vladimir Poutine à une conception de l’exercice du pouvoir certainement fort distincte de celle qui prévaut dans les sociétés occidentales mais qu’il faut, sans l’excuser ni la justifier, situer dans un héritage historique où le pouvoir absolu a été la règle et que trois quarts de siècle d’un régime communiste, totalitaire n’ont, pour le moins, pas contribuer à en amender profondément la pratique. Le président de la Fédération de Russie est, à tout le moins, un nationaliste russe pour lequel le démembrement de l’URSS, héritière de l’empire des tsars et de l’espace qu’il dominait, a été vécu comme un insupportable effondrement. Cet empire s’étendait de la frontière occidentale de l’Ukraine aux rives du Pacifique, d’ouest en est, et de l’arctique au Caucase, du nord au sud. Nul ne peut affirmer ce que pourrait entreprendre ou pas, dans le futur, le président russe. Si, Vladimir Poutine a pour ambition de recouvrer une zone d’influence dans les limites de l’ancienne URSS, Hitler, conquérant, avait pour objectif d’accaparer un « espace vital » sur les terres de l’est, en particulier l’Ukraine, pour y implanter une population allemande se substituant à celle slave installée avant notre ère.

    Les erreurs initiales de la politique étrangère américaine

    Sans excuser en quoi que ce soit l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe en février 2022, il est nécessaire pour envisager les voies d’une résolution du conflit de comprendre la succession d’évènements intervenus depuis le démembrement de l’URSS en décembre 1991. A cet égard, un article de l’auteur de ces lignes avait été publié le 13 décembre 2023 par Polemia : Guerre en Ukraine : une histoire, une géopolitique. Il est bien certain que Le grand échiquier de Zbigniew Brzeziński, publié en 1997, ne reflétait pas le rapport de puissance à venir. La nouvelle Russie restait pour les Etats-Unis une préoccupation sinon un adversaire potentiel tandis qu’ils ouvraient la voie à l’adhésion de la Chine à l’OMC le 11 décembre 2001. Dans la lignée d’une fin de l’histoire, il y avait probablement l’illusion que cette intronisation économique et commerciale de l’empire du Milieu amènerait celui-ci à terme à se convertir aux valeurs défendues par l’Amérique. Il n’en fut rien.

    La montée de la rivalité chinoise face à une Amérique empreinte de faiblesses économiques et financières

    L’ascension économique de la Chine devenue progressivement l’atelier du monde depuis la fin du XXè siècle, développant des capacités techniques de premier ordre, a constitué un facteur de puissance que jamais, au niveau où il a été porté, l’URSS n’a pu atteindre dans sa rivalité avec les Etats-Unis. Face à ceux-ci, la Chine est devenue le compétiteur sinon l’antagoniste à même de les supplanter économiquement, les dégradant dans leur richesse et le niveau de vie de leur population. Avec le conflit ukrainien et les sanctions prises à l’encontre de la Russie, il s’est formé un « Sud global », certes hétérogène mais caractérisé par une hostilité à l’Occident. Si les Etats-Unis demeurent la première puissance économique, leur économie est fortement désindustrialisée depuis le dernier quart du XXè siècle et leur endettement public est colossal en valeur absolue comme en valeur relative par rapport au PIB (plus de 125 %). Dans ces conditions, le caractère du dollar comme monnaie de réserve internationale s’avère indispensable à l’Amérique. Au-delà de la forme prise par sa politique, c’est à cette situation que Donald Trump est confronté, situation prise en compte depuis Barack Obama. De son point de vue, le conflit ukrainien impose un coût géopolitique et financier inutile face au défi que représente la rivalité chinoise. Plus largement, raisonnant en termes financiers, le président américain considère que la contribution en termes de dépenses militaires des pays européens, au sein de l’Alliance atlantique, n’est pas en proportion de l’effort consenti par les Etats-Unis pour assurer la protection du Vieux continent.

    Une position d’Emmanuel Macron qui interpelle

    Si la défense des pays européens est effectivement une question primordiale dont dépend leur indépendance donc leur souveraineté, la manière dont elle est posée par Emmanuel Macron, en rapport avec les derniers évènements relatifs au conflit ukrainien, interpelle. Comme il a été précédemment indiqué, aucun bouleversement n’est intervenu dans la situation militaire et l’enjeu présent tient aux négociations qui s’engagent entre les Etats-Unis et la Fédération de Russie. Pour une guerre, de haute intensité, qui se déroule sur le sol européen, il est à l’évidence regrettable qu’aucun pays européen ne soit une partie prenante des pourparlers et, bien sûr, en premier lieu la France. Aurait-ce été le cas au temps où le général De Gaulle présidait aux destinées du pays. Il est permis d’en douter. Dans les apparences qu’il présente, le président de la République procède comme si l’éventualité d’un accord de paix était un danger en elle-même. Il est certain aujourd’hui que même avec une aide militaire accrue, l’Ukraine ne pourra pas reconquérir les territoires perdus depuis 2014 et, même si la progression de l’armée russe est très lente, le risque d’une percée, certes limitée en importance est réel. L’Ukraine se trouverait alors dans une position plus défavorable. Si l’aide militaire américaine est réduite, les pays européens n’ont aucunement les moyens de la compenser. Cette aide ne saurait être que matérielle, l’engagement d’unités de combat étant exclu. Tout en condamnant la violation du droit international commise par la Fédération de Russie, il eut mieux valu qu’une diplomatie discrète soit engagée offrant un rôle à notre pays. L’agressivité affichée à l’encontre du président russe ne peut être qu’un facteur de marginalisation. Même si cela heurte, la politique étrangère ne serait se réduire à une affaire de morale. Pour autant, dans les rapports avec la Fédération de Russie, l’action que celle-ci mène à l’encontre de la France ne saurait être occultée : expulsion du Sahel par l’appui accordé aux gouvernements des Etats de la région, entreprises de déstabilisation dans les territoires d’outre-mer, cyberattaques sur le territoire. Guerre de l’ombre, cela nécessite, bien entendu, les réponses adaptées à ce type d’opérations.

    Que peut être une politique européenne de défense ?

    Quant à une politique de défense européenne, elle ne se définit pas dans l’immédiateté. Elle exige des moyens importants mais surtout une configuration. L’Europe n’étant ni un Etat, ni un peuple, l’échelon d’une direction au niveau de l’Union européenne n’aurait aucun sens. Il ne pourrait donc s’agir que d’une alliance entre Etats pour laquelle il faudrait définir les menaces et les moyens en rapport. Pour les premières, la Fédération de Russie est-elle appréhendée au même niveau par tous les partenaires de l’alliance potentielle, pour les autres y-aurait-il un accord sur ces menaces et, là encore, seraient-elles perçues au même degré de risque ? Pour les moyens, la première distinction, essentielle, tient à détention de la force nucléaire, d’une part, et ce qui est de l’ordre des moyens dits conventionnels, d’autre part. La force nucléaire, force de dissuasion absolue, ne peut relever que d’un Etat et de son chef. De plus, l’opportunité de son emploi en fonction du caractère de la menace ne saurait faire l’objet d’un affichage. Pour les moyens conventionnels, si des coopérations doivent être envisagées et certaines structures mises en place, là aussi, les menaces n’étant pas à l’identique pour chaque Etat, ceux-ci, tout en respectant le cadre d’une alliance, ces moyens doivent rester d’abord à la disposition de l’Etat. Par exemple, si nos territoires d’outre-mer encouraient la menace de puissances adverses, nos partenaires européens appréhenderaient-ils celle-ci, au à un même degré que la France. Le sujet demande donc du temps et de la réflexion.

    La motivation qui peut être prêtée à Emmanuel Macron

    Il est à craindre que le président ait voulu répondre à la fois à une considération idéologique, faire progresser l’idée européenne, au sens où il l’entend et, même si cela est nié, polariser l’opinion sur un risque majeur, la guerre, afin de rétablir sa position politique interne et d’affaiblir durablement une opposition dont l’hypothèse de l’accès aux responsabilités est sérieuse. Malheureusement pour le Président, les échéances électorales ne sont pas immédiates et l’émotion suscitée dans l’opinion risque d’être fugace. La réalité présente n’est pas celle d’une aggravation du conflit et de son extension mais une voie vers une solution diplomatique, certes avec tous les aléas qu’elle comporte. Par rapport à d’autres sujets de politique étrangère la même fermeté sera réclamée. Il est fort peu probable que les semaines passant, il soit possible de détourner l’attention des Français et de l’électeur à venir d’une situation intérieure politique, économique et en termes de sécurité, très dégradée, source d’instabilité et de contestation.

    Michel Leblay (Polémia, 15 mars 2025)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Alain de Benoist : « Les Européens sont incorrigibles »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Breizh-Info et consacré à la rupture stratégique en cours.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021), L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022), Nous et les autres - L'identité sans fantasme (Rocher, 2023) et, dernièrement, Martin Buber, théoricien de la réciprocité (Via Romana, 2023).

    Alain de Benoist 4.jpg

    Alain de Benoist : « Si Trump veut faire l’Amérique « great again », c’est avant tout parce qu’elle ne l’est plus »

    Breizh-info.com : Comment interprétez-vous l’évolution des relations internationales après les récentes déclarations de Trump et de Vance sur l’Ukraine et leurs implications pour les relations entre l’Union européenne et les Etats-Unis.

    Alain de Benoist : Je n’ai connu dans ma vie qu’un seul grand événement historique : la chute du Mur de Berlin et l’implosion du système soviétique. Je pense assister maintenant à un deuxième. Les « observateurs », comme d’habitude, ne l’ont pas venu venir. L’histoire s’accélère brusquement. C’est au point que l’actualité quotidienne prend des allures de dystopie.

    L’élection de Trump avait déjà représenté une rupture historique majeure. La reprise, le 12 février, des contacts entre la Maison-Blanche et le Kremlin en a constitué une autre. Deux jours plus tard, à Munich, le vice-président J.D. Vance déclarait une véritable guerre idéologique à une Europe submergée par l’immigration et en proie à l’amnésie collective, dont il n’a pas dissimulé qu’elle constitue à ses yeux un contre-modèle de décadence et de suicide civilisationnel. Il y a eu ensuite l’annonce que l’Ukraine ne rentrera jamais dans l’OTAN, et qu’elle ne retrouvera pas les territoires qu’elle a perdus dans le Donbass ou en Crimée. Le 3 mars, Donald Trump décidait l’arrêt de toute aide à l’Ukraine. Finalement, c’est à la désagrégation de l’Alliance atlantique que nous assistons en direct. Oui, même si l’on manque encore de recul, c’est un moment historique.

    Breizh-info.com : Que nous dit l’hallucinante altercation du 28 février dans le Bureau Ovale de la Maison-Blanche entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky ?

    Alain de Benoist : S’en tenir aux éclats de voix, c’est comme s’en tenir à regarder le doigt qui vous montre la Lune. Ce qui compte, c’est ce qui s’est dit. Face à un Zelensky proclamant son refus d’arrêter une guerre qu’il ne peut pas gagner, et réclamant des « garanties de sécurité » que les Américains ne sont pas disposés à lui accorder, Trump lui a rappelé qu’il n’est pas en position de dicter ses conditions car il n’a aucune carte ou atout de négociation à faire valoir. Il lui a dit aussi que s’il n’acceptait pas ce qu’on lui propose, il sera obligé de signer un accord encore plus défavorable à son pays, sinon d’aller vers une capitulation totale.

    Notons d’abord qu’il n’y a rien d’anormal à ce que le sort de l’Ukraine soit réglé entre la Russie et les Etats-Unis, puisque la Russie et l’OTAN étaient les vrais belligérants. La guerre en Ukraine a été, dès le départ, une guerre par procuration. On comprend du même coup que ce n’est pas seulement l’Ukraine qui a perdu. Emmanuel Todd l’avait très justement annoncé : « Le job de Trump va être de gérer la défaite américaine face aux Russes ». C’est en effet de cela qu’il s’agit. Ce qui amène à regarder d’un autre œil cette horrible guerre fratricide qui dure maintenant depuis trois ans. Une guerre que je trouve personnellement insupportable parce que j’ai des amis ukrainiens et des amis russes, et que je n’éprouve que de la tristesse à les voir se massacrer mutuellement.

    Tous les experts sérieux savent que la cause première de la guerre a été la volonté des Américains d’installer des troupes de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. Poutine a réagi comme le ferait n’importe quel président américain qui se verrait menacé de voir des fusées russes déployées à sa frontière avec le Mexique ou le Canada. La guerre a donc commencé bien avant 2022. Et elle aurait pu être évitée. On aurait parfaitement pu, par exemple, régler les problèmes intérieurs de l’Ukraine en y installant un système fédéral dans lequel sa partie russophone aurait joui d’une certaine autonomie. Mais c’est l’inverse qui s’est passé. Montesquieu distinguait ceux qui débutent la guerre et ceux qui la rendent inévitable. Ce ne sont pas forcément les mêmes. François Fillon déclarait récemment : « J’ai toujours dit que cette guerre aurait pu être évitée si les dirigeants occidentaux avaient cherché à en comprendre les causes plutôt que de se draper dans le camp du bien ». Traduisons : s’ils avaient analysé la situation en termes politiques, pas en termes de morale.

    Rien en effet n’obligeait les Européens à soutenir un camp, que ce soit celui de l’Ukraine ou celui de la Russie, ni à réagir tous de la même façon (en tant qu’« Occident collectif »). La moindre des choses aurait été qu’ils déterminent leur position en fonction de leurs intérêts. Pour des raisons purement idéologiques, ils ont préféré voir dans ce conflit une « guerre juste » où l’ennemi doit être criminalisé et tenu pour un coupable. En prenant position d’entrée de jeu, ils se sont mis en position de ne plus pouvoir proposer leur médiation, renonçant du même coup à se poser en « puissance d’équilibre ».

    Trump est un grand réaliste. Après trois années durant lesquelles on a annoncé toutes les semaines, sur les plateaux de télévision, que la Russie allait s’effondrer, il constate que l’Ukraine a perdu cette guerre, en dépit du matériel militaire et des centaines de milliards qu’elle a reçus, et que les Européens n’ont jamais été capables, durant ces mêmes trois années, de fixer un but à la guerre. Or, la guerre n’est jamais qu’un moyen au service d’un but. Clausewitz : « Le dessein politique est le but, la guerre le moyen ; un moyen sans but ne se conçoit pas ». Les Européens ne savent même plus ce qu’est une guerre, à savoir un acte de violence dont le but est une paix. Dans cette affaire, ils n’ont jamais eu aucun but politique, diplomatique ou stratégique, préférant pousser Zelensky à se précipiter dans le piège qu’il s’était lui-même tendu.

    Contrairement à ce qui se dit ici ou là, Trump n’est pas un isolationniste, pas plus qu’il n’est un « défenseur de la paix ». Comme nombre de ses prédécesseurs, il pense au contraire que la défense des intérêts américains exige un interventionnisme constant. La grande différence est qu’il ne masque pas cet interventionnisme derrière de sublimes idéaux tels que la défense de la démocratie libérale et de l’Etat de droit, (« democracy and freedom »), et qu’au lieu de se lancer dans des aventures guerrières, il veut privilégier le commerce. C’est un va-t-en guerre, mais un va-t-en guerre commercial. Voyez la façon dont il parle du Groënland, du Canada ou du canal de Panama, en adoptant de façon martiale une posture impérialiste fondée sur le vieux mythe américain de la « frontière ». Pour lui, tout est transaction, tout peut être acheté ou vendu, tout se négocie, tout repose sur les démonstrations de force commerciale, sans états d’âme. Il sait très bien que le « doux commerce » n’exclut ni les agressions, ni les chantages, ni les conquêtes. Son « pacifisme » est de même nature : il repose sur le simple constat que la guerre militaire coûte beaucoup plus qu’elle ne rapporte, et que les Etats-Unis sont mieux placés pour gagner les guerres commerciales que pour l’emporter sur le champ de bataille. Pour servir ses intérêts de puissance, il entend s’abriter derrière le chantage aux tarifs douaniers, tout en prônant la dérégulation et le libre-échange quand cela l’arrange.

    Breizh-info.com : A en croire les médias, Trump parle désormais de la même voix que Vladimir Poutine. On parle d’un nouveau condominium américano-russe, voire d’une triple alliance Washington-Moscou-Pékin. Cela vous paraît-il vraisemblable ?

    Alain de Benoist : C’est de l’enfumage. Les deux hommes sont d’abord trop différents : Poutine est un joueur d’échecs, Donald Trump se borne au golf et au Monopoly. Et surtout leurs intérêts géopolitiques sont opposés. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que Trump veut prendre un nouveau départ dans ses relations avec Moscou, car il pense apparemment qu’une normalisation avec la Russie de Poutine sera plus profitable à l’Amérique que ne l’est l’Alliance atlantique. Cela peut se traduire par une levée des sanctions contre la Russie, par des projets énergétiques communs, notamment dans les territoires arctiques, voire par la mise sur pied d’un plan qui éviterait la guerre avec l’Iran. Peut-être espère-t-il aussi desserrer, non l’alliance (le mot « alliance » n’existe pas en chinois), mais les liens d’« amitié sans limite » entre Poutine et Xi Jingping proclamés en février 2022. Mais il ne ralliera pas la Russie à l’« hégémonisme occidental ». Et je ne crois pas non plus à un « triumvirat illibéral » américano-sino-russe, car un tel attelage serait miné par les contradictions.

    Trump est de toute évidence un grand caractériel à tendances paranoïaques (ce n’est pas rare en politique). Il se moque des idées, de la morale ou du droit international (pas plus que Néthanyahou toutefois). Il aime les winners, les gagnants, il préfère le charisme au légalisme. Il n’admire que la force et pense qu’on peut tout gagner par des menaces à l’emporte-pièces. Avec lui, le rapport de forces remplace le droit, ce qui a au moins le mérite d’éclaircir les choses.

    Trump et Poutine ont en commun de voir l’Europe comme une vieille chose fatiguée, incapable de régler politiquement les problèmes internationaux, incapable de s’imposer, une vieille chose divisée, ruinée, submergée, oublieuse de son passé et de ses traditions, battant sa coulpe tout en pratiquant une censure morale permanente, et de façon générale incapable d’affronter les situations d’exception. Dans une telle perspective, le reste du monde se répartit entre des partenaires qui n’ont jamais été des égaux mais des vassaux, des protégés ou des dominés, jamais des alliés. Ce qui ne veut pas dire que les Etats-Unis sont en position de force face à la Chine, à la multipolarité, aux menaces de dédollarisation. N’oublions pas que si Trump veut faire l’Amérique « great again », c’est avant tout parce qu’elle ne l’est plus.

    Breizh-info.com : Que pensez-vous de l’activité fébrile déployée par les Européens, Emmanuel Macron en tête, en vue d’un réarmement de l’Europe ?

    Alain de Benoist : Les Européens sont incorrigibles. Ils n’ont pas vu venir la déferlante populiste, ils ont parié sur l’élection de Kamala Harris, ils se sont reposés pendant des décennies sur le « parapluie américain » au lieu de prendre leurs responsabilités. Ils constatent maintenant que, conformément à leurs habitudes, les Américains lâchent les Ukrainiens comme ils ont lâché les Sud-Vietnamiens et les Afghans. (On connaît l’adage : être l’ennemi des Américains est dangereux, être leur ami est fatal). Ils n’ont pas vu non plus le tropisme qui conduit depuis des années les Etats-Unis à s’éloigner de l’Europe. Ils constatent maintenant que les Américains, qui se réservent pour une confrontation avec la Chine, sont en train de se désengager de la sécurité européenne, ce qui les laisse tout nus. Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive. Devant l’ampleur du gouffre qui s’est creusé entre les deux bords de l’Atlantique, ils ne parviennent pas à y croire. Tétanisés comme des lapins pris dans les phares, ils pleurent le démantèlement de l’Otan, une organisation dont Macron avait en 2019 affirmé qu’elle était en état de « mort cérébrale ».

    Mais rien ne leur sert de leçon. Ils auraient pu profiter de ce basculement pour réfléchir à ce que la guerre en Ukraine leur a coûté. Ils ont englouti 150 milliards d’euros en pure perte, perdu l’accès au gaz et au pétrole russe, perdu aussi des dizaines de milliards d’investissements en Russie, ils ont accepté sans mot dire le sabotage du gazoduc Nordstream, mais ils s’imaginent être en mesure de donner à l’Ukraine des garanties de sécurité et de faire en sorte qu’on puisse continuer le massacre. Leur seule réaction, en d’autres termes, c’est de remettre une pièce dans la machine.

    Après nous avoir répété durant plus d’un demi-siècle que « l’Europe, c’est la paix », ils veulent continuer la guerre, au risque d’être considérés comme des belligérants à part entière. Comme ils ne tirent jamais la leçon de leurs erreurs, ils sont prêts à remettre le doigt dans un nouvel engrenage, dont on ignore jusqu’où cela nous entraînera. Les écologistes eux-mêmes prêchent le militarisme. Une fuite en avant dans une surenchère belliciste totalement délirante qui montre que les Européens n’ont toujours rien compris au nouvel Ordre Mondial, au nouveau Nomos de la Terre, qui se met en place sous leurs yeux. Ils étaient montés à bord d’un bateau ivre, ils veulent maintenant embarquer sur une comète morte.

    Ceux-là mêmes qui ont, depuis trente ans, détruit toutes les capacités de production industrielle et militaire des nations européennes, se proposent maintenant, sous la conduite de l’agent d’influence Ursula von der Leyen (la Hyène), de mettre en place une « économie de guerre » européenne en vue d’un « réarmement ». Macron, à la tête d’un pays qui est de plus en plus isolé sur la scène internationale, politiquement paralysé et endetté au point que le paiement des intérêts de la dette (plus de 50 milliards d’euros par an) représente maintenant le second poste des dépenses de l’Etat, rêve visiblement de prendre la tête de ce parti de la guerre (« nous sommes en guerre, quoi qu’il en coûte », air connu). L’armée française, dont les arsenaux sont presque vides et dont le budget a été réduit jusqu’à l’os, est incapable de participer plus de huit jours à une guerre de haute intensité, mais il n’en assure pas moins qu’on va voir ce qu’on va voir. Ah que la guerre est jolie quand on ne l’a jamais faite ! Lui qui recommandait en juin 2022 à ses partenaires de « ne pas humilier la Russie » appelle aujourd’hui à faire exactement l’inverse. Il est incapable de dire son fait au président algérien ou d’affronter celui des Comores, mais il roule des mécaniques en assurant qu’il va faire face à la « menace russe » qui, selon lui, pèse sur la France et l’Europe occidentale. Une menace qui n’est qu’un fantasme grotesque dont le seul objectif est de créer la peur. Une menace brandie comme un épouvantail. C’est le moment de se souvenir d’un excellent proverbe géorgien : le mouton passe sa vie dans la peur du loup, mais à la fin c’est le berger qui le mange !

    Pour les Européens, la guerre n’oppose pas des ennemis, au sens traditionnel du terme, mais un « agresseur » et un « agressé ». Dans un conflit il faut toujours donner tort à l’« agresseur », car c’est lui le coupable – alors que cet « agresseur » peut très bien avoir agi parce qu’il était en situation de légitime défense. Ce changement de vocabulaire confirme le grand retour de la « guerre juste ». Ramener la guerre à un duo de l’« agresseur » et de la « victime » (comme dans les attaques au couteau ou les agressions sexuelles) fait nager en pleine moraline. Cela nous ramène au beau temps de la Société des Nations, dont on connaît l’histoire, et plus encore du Pacte Briand-Kellogg de 1928, à l’époque où l’irénisme consistait à penser qu’on pouvait mettre la guerre hors-la-loi. Aujourd’hui, c’est le bellicisme qui donne le ton. Mais c’est tout aussi impolitique.

    Il n’est certes pas mauvais pour les différents Etats européens de se doter d’une puissante industrie de défense, mais à condition qu’elle soit indépendante, c’est-à-dire à condition d’oublier les Etats-Unis. Ce n’est pas cela en tout cas qui sauvera Zelensky : si l’Ukraine ne peut plus bénéficier de l’aide américaine, ce ne sont pas les maigres moyens dont dispose l’Union européenne qui vont le faire gagner. Il y a en outre trop de divergences entre les Etats-membres pour qu’on puisse définir entre eux des intérêts ou des buts communs, et donc des politiques opérationnelles communes. Il ne peut y avoir d’armée européenne aussi longtemps que l’Europe n’est pas unie politiquement, ce qui revient à dire que c’est aujourd’hui une chimère. Quant à un « parapluie européen » qui naîtrait de la décision de la France d’étendre à ses voisins le périmètre de sa dissuasion, il serait moins crédible encore que ne l’a jamais été le « parapluie américain ». Comme l’a souligné Jacques Sapir, qui peut penser que la France accepterait de « risquer de voir Paris vitrifié pour sauver Bucarest, Prague ou Varsovie » ? Bref, dans l’immédiat, on va multiplier les palabres sur des moyens militaires et financiers que nous n’avons pas et continuer à brasser du vent.

    Breizh-info.com : J.D. Vance, figure montante du trumpisme, semble incarner une nouvelle droite américaine antilibérale et conservatrice, mais en même temps totalement décomplexée face au gauchisme. Voyez-vous en lui une réorientation durable du conservatisme américain ?

    Le trumpisme est un mélange improbable de plouto-populisme, de césarisme technologique, d’anarcho-capitalisme, de souverainisme anti-étatique et d’idéologie libertarienne. Donald Trump y forme avec Elon Musk un duumvirat césarien qui évoque irrésistiblement la fin de la République romaine. J.D. Vance a des côtés très sympathiques, mais il est difficile de savoir ce qu’il représente exactement dans cette constellation, où l’on retrouve aussi bien des mythes américains : : la « destinée manifeste » et la nouvelle Terre promise, l’analyse de la société à partir de l’individu, l’autosuffisance du marché, le primat de l’économie et du commerce, la dévotion envers la technique et l’optimisme messianique. N’oublions pas, surtout, que ce n’est pas la grandeur de l’Europe que Donald veut restaurer, mais celle de l’Amérique, qu’il sait menacée.

    Breizh-info.com : Comment percevez-vous la division profonde (irréparable) entre l’Amérique conservatrice anti-woke et l’Amérique progressiste ou gauchiste ? N’est-ce pas le même chemin que prennent les nations et les peuples européens ?

    Il n’est pas impossible que les Etats-Unis soient au bord d’une guerre civile, ou d’une nouvelle guerre de Sécession. Mais je ne pense pas que ce scénario vaille pour les Européens. Ce qui menace le plus l’Europe, ce n’est pas la guerre civile. C’est pire encore : c’est le chaos.

    Breizh-info.com : L’Union européenne (ou plutôt ses dirigeants) semble s’enfermer dans des combats idéologiques alors que le reste du monde redevient pragmatique et brutal. Faut-il voir cela comme une marque de décadence ou comme une tentative désespérée de maintenir une domination morale sur les peuples ?

    Ni l’un ni l’autre – d’autant que la domination morale n’est pas incompatible avec la décadence ! L’Union européenne ne s’enferme pas non plus dans des « combats idéologiques », elle s’enferme dans une idéologie bien particulière dont les trois piliers essentiels sont la société des individus, le capitalisme libéral et les droits de l’homme. La démocratie libérale, l’Etat de droit et le règne des seules valeurs marchandes en sont les conséquences.

    Breizh-info.com : Quid du rôle de l’Europe dans le nouvel ordre mondial qui se dessine sous nos yeux. Quelles stratégies devrait-elle adopter pour maintenir son influence ?

    Il est inutile de parler de stratégies quand les hommes ne sont pas là pour les concevoir ou les appliquer. Les Européens sont aujourd’hui les hommes malades de la planète. Ils n’ont pas la moindre idée de ce que pourrait être le destin de l’Europe, parce que le mot « destin » n’a pas de sens pour eux. Dirigée par des ectoplasmes ou des somnambules, qui n’ont jamais eu l’occasion de se battre mais sont aujourd’hui prêts à engager leurs peuples dans une guerre nucléaire, l’Europe est en état d’épuisement civilisationnel, conformément aux prédictions de Spengler. Viennent à l’esprit ces mots terribles de Cioran : « C’est en vain que l’Occident se cherche une forme d’agonie digne de son passé ».

    Breizh-info.com : Vous avez souvent mis en garde contre l’uniformisation du monde. Voyez-vous dans ce basculement global une chance pour les peuples d’Europe de retrouver une souveraineté culturelle et civilisationnelle ?

    La lutte finale est maintenant engagée : soit une planète régie par une seule puissance hégémonique (ou une seule idéologie universaliste), soit un monde articulé entre plusieurs pôles de puissance et de civilisation, des « grands espaces » correspondant aux grandes régions du monde, dirigés pour chacun d’eux par le pays qui est le plus à même d’exercer son influence dans l’aire civilisationnelle à laquelle il appartient. Mais rien ne sera possible aussi longtemps qu’on s’obstinera à croire que le monde est d’abord peuplé par des individus, alors qu’il est d’abord partagé entre des peuples, des langues, des nations, des aires civilisationnelles différentes, ayant leurs ambitions et leurs principes propres. Le nouveau Nomos de la Terre exige que ces grandes aires civilisationnelles tiennent compte en priorité de leur identité, c’est-à-dire de leur histoire, et s’abstiennent d’intervenir dans les autres aires pour y appliquer des valeurs pseudo-universelles qui en réalité leur sont propres. Les « Etats civilisationnels » ou le chaos !

    Breizh-info.com : L’accélération formidable de l’histoire à laquelle nous assistons aujourd’hui est-elle pour vous une source d’inquiétude… ou bien d’optimisme ?

    Je ne suis ni optimiste ni inquiet. J’essaie seulement de comprendre ce qui va se passer.

     

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh-Info, 12 mars 2025)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • Macron face à la Russie : halte à la paix !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré au discours agressif du président de la république qui vient entraver l'ouverture de négociations de paix en Ukraine...

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, ainsi que plusieurs essais, dont La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021), Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021), Bienvenue dans le meilleur des mondes (La Nouvelle Librairie, 2023) et, dernièrement Occident go home ! - Plaidoyer pour une Europe libre (Via Romana, 2024).

     

    Macron_Russie.jpg

    Macron face à la Russie : halte à la paix !

    Cela faisait des années que la propagande officielle nous le suggérait. Mais, depuis l’allocution d’Emmanuel Macron du 5 mars 2025, c’est désormais une certitude : la Russie nous menace. Tout est clair pour nous désormais. Notre vie a maintenant un sens : nous opposer à la menace russe, y compris par la force des armes que nous n’avons pas encore. Quelle magnifique perspective pour les jeunes générations !

    L’insupportable port du voile russe

    La Russie nous menace. On le voit tous les jours.

    L’insécurité galopante, les viols et les attaques au couteau dans nos villes ? Les Russes, bien sûr. Le narcotrafic qui s’installe partout en France ? Les mafias russes, évidemment. Les immigrés qui s’installent irrégulièrement chez nous ? Des Slaves encore et toujours.
    Dans nos écoles, les jeunes filles russes veulent imposer le port du voile et les petits Russes s’en prennent violemment aux enseignants.
    Les influenceurs russes que l’on ne parvient pas à expulser déversent leur haine antifrançaise en toute impunité. Pendant que les prêtres orthodoxes font des prêches antisémites, misogynes et homophobes dans leurs églises qui se multiplient dans notre pays.
    Et des milliers de binationaux franco-russes pèsent de plus en plus sur la vie politique française alors que certains quartiers russes deviennent des zones de non-droit où les forces de l’ordre n’osent plus entrer.
    Et où les jeunes Russes multiplient les trafics, les conduites dangereuses et les refus d’obtempérer à bord de leurs autos de luxe, qu’ils conduisent en faisant hurler l’autoradio.

    La Russie fait exprès de nous embêter

    Oui, la Russie nous menace. Elle n’a de cesse de nous provoquer.

    Elle a mis exprès ses frontières à côté de celles des bases de l’OTAN. Elle provoque partout des révolutions de couleur pour renverser les gouvernements qui lui déplaisent. Elle finance des milliers de journalistes européens pour faire sa propagande.
    Elle n’a pas accepté l’épuration ethnique des russophones dans le Donbass, alors que cela ne gênait ni la France ni l’Allemagne, pourtant garantes du respect des accords de Minsk.
    Elle a fait sauter ses propres gazoducs pour nous priver de son gaz bon marché.
    Et son économie refuse méchamment de se ruiner, comme le demandait pourtant gentiment notre ministre des Finances, Bruno Le Maire, dès 2022.
    La Russie nous menace car elle ne prend pas au sérieux nos sanctions à répétition, alors que nous en sommes pourtant au 16e paquet européen. Et elle va nous obliger de surcroît à nous endetter encore plus pour financer l’augmentation de nos dépenses militaires et l’extension de la dissuasion nucléaire à toute l’UE, comme l’a annoncé notre génial président.

    Non à la paix !

    Et voilà maintenant qu’elle voudrait s’entendre avec les États-Unis pour faire la paix en Ukraine, sans nous demander notre avis. Alors, là, la coupe est pleine !

    Car faire la paix, c’est inacceptable quand on est, comme nous, un pays de gauche gouverné par des bourgeois éclairés par les Lumières de la raison, qui depuis 1792 n’ont de cesse de vouloir faire la guerre au monde entier sous prétexte de lutter contre les tyrans. Ou plus exactement d’envoyer les autres, avant tout les « gens de rien », faire la guerre à leur place et sans leur donner les moyens de la gagner.

    La paix priverait en outre notre complexe militaro-industriel de ressources et d’emplois dont nous avons tant besoin. Notre Bourse ne se porte-t-elle jamais si bien que quand la guerre menace ?

    Donc vouloir faire la paix, comme Poutine et Trump, c’est mal. C’est être d’extrême droite comme l’explique si bien Thomas Legrand dans Libération du 5 mars 2025. C’est se comporter en mauvais Français, comme ceux qui « fument des clopes et roulent au diesel », pour reprendre l’expression d’un ancien porte-parole du gouvernement.

    Alors rendons grâce à notre génial président Emmanuel Macron de faire de grands efforts, et surtout de grands discours, pour nous préserver d’une telle perspective honteuse.
    Ayons avec lui la « force d’âme » de refuser la paix en Europe !

    Michel Geoffroy (Polémia, 7 mars 2025)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • Macron aux abois : Trump et Poutine accélèrent...

    Pour son émission sur TV Libertés, Chocs  du monde, Edouard Chanot reçoit Laurent Ozon pour évoquer avec lui la nouvelle situation géopolitique avec l'accord russo-américain qui semble se dessiner sur l'Ukraine.

    Essayiste et analyste politique, tenant d'une écologie localiste et identitaire, premier promoteur de l'idée de remigration, Laurent Ozon est l'auteur de l'excellent essai intitulé France, années décisives (Bios, 2015).

     

                                             

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Le retour de la Realpolitik...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Maurizio Bianconi, cueilli sur le site d'Euro-Synergies et consacré aux négociations russo-américaines sur la question de l'Ukraine et à l'exclusion de l'Union européenne.

    Maurizio Bianconi est un avocat et un homme politique italien, député entre 2008 et 2018.

    USA_Russie_Arabie saoudite.jpg

     

    Le retour de la Realpolitik. La leçon de Kissinger

    L’administration américaine négocie la paix en Ukraine avec la Fédération de Russie, en excluant toute autre partie prenante. Henry Kissinger est le politicien-diplomate américain le plus célèbre et le plus apprécié de ces dernières décennies. Son action reposait sur le dialogue entre grandes puissances, reléguant au second plan les acteurs secondaires et les « implications régionales », qu'il jugeait négligeables et encombrantes. On a écrit à son sujet : « Sa vision de la realpolitik le conduisait à considérer les conflits internationaux comme faisant partie d’un jeu de pouvoir entre les principaux acteurs mondiaux, plutôt que comme un ensemble de problèmes uniques à traiter individuellement ». Il est hors de propos de s’étonner de la résurgence de la politique de Kissinger, au lieu de simplement l’admettre.

    Il déclara un jour : « Être ennemi des Américains peut être dangereux, être leur ami est assurément mortel ». Une prophétie dont Zelensky vérifie aujourd’hui la justesse.

    Il en va de même pour son adversaire, qui remet au goût du jour le refrain éternel de la Grande Russie et redonne vie à une politique impériale, interrompue avec la fin de l’URSS. La Russie de Poutine entend reconquérir son hégémonie sur la Baltique et l’Europe de l’Est, tout en repoussant l’avancée des Américains via l’OTAN jusqu’à ses frontières géographiques occidentales. Un sentiment largement partagé en Russie, obsédée par sa propre sécurité et animée par une fierté patriotique. L’occidentalisation de l’Ukraine, terre contestée et jadis soumise, est perçue comme une humiliation, qui revêt également des dimensions économiques et des enjeux liés à l’exploitation de ses ressources minières.

    Pour éviter de finir comme l’agneau face au loup de la fable d’Ésope, la meilleure stratégie pour l’Europe occidentale serait de garder ses distances avec les deux puissances et de se rappeler que, dans les affaires géopolitiques, il n’existe ni raison ni tort absolus, ni bons ni mauvais. Il n’y a que des acteurs plus ou moins acceptables aux yeux de l’opinion publique et des normes culturelles, qui ne poursuivent que leurs propres intérêts.

    Soudain, l’Occident prend conscience que la Chine progresse – trop et trop vite, aussi bien aux yeux des États-Unis que de la Russie. Contenir et ralentir son expansion est, malgré leurs différences, un objectif commun aux deux puissances. Le Moyen-Orient reste une priorité pour les États-Unis, tandis que la Russie semble vouloir relâcher son emprise – mais sans pour autant ouvrir la porte à la Chine. Washington referme la plaie ukrainienne, et Moscou lui laisse le champ libre au Moyen-Orient, abandonnant la Syrie d’Assad à son sort. L’Arabie saoudite se joint à la manœuvre pour apaiser la situation, maintenir les marchés ouverts et trouver des alliés pour contenir les influences turques, iraniennes et chinoises – autant de foyers potentiels de nouveaux conflits dans la région. Gaza elle-même devient une plaie à suturer.

    Ce nouvel ordre mondial a pris au dépourvu les principales nations d’Europe occidentale, qui se retrouvent humiliées et confrontées à la preuve de leur propre insignifiance dans un monde structuré en blocs.

    Ce n’est pas tant la faiblesse économique que l’inconsistance politique de l’Union européenne qui a scellé son sort. Les États européens ont démontré qu’ils étaient désorganisés, enfermés dans une cage bureaucratico-financière qu’ils ont eux-mêmes construite, affaiblis par des pratiques autodestructrices et dépourvus de stratégies et de dirigeants de valeur. Chacun agit pour son propre compte, avec 27 gouvernements avançant en ordre dispersé, certains se comportant comme si les autres étaient à leur service.

    Ces élites dirigeantes se sont réveillées un matin, complètement désorientées, cherchant non seulement à se rhabiller, mais surtout à brouiller les caméras en attendant de trouver une direction. Cela a donné lieu à une farce indécente : chacun a tiré la couverture à soi. Macron organise un petit-déjeuner privé réservé à quelques privilégiés. Son idée ? Entrer en guerre au nom de la grandeur française. D’autres fantasment sur la création d’une « armée européenne », idée portée par le ministre italien des Affaires étrangères, aussi utopique que la fable des « deux peuples, deux États ». Le président de la République française établit un parallèle hasardeux entre le Troisième Reich et la Russie, une comparaison discutable mais suffisante pour susciter les réactions escomptées. D’autres encore, pour sortir de l’impasse, imaginent un rôle de médiatrice pour la Première ministre italienne.

    Le grand responsable de cet échec collectif déclare que les 27 doivent parler « d’une seule voix ». Comme si l’on pouvait faire remonter le Pô de l’Adriatique jusqu’au Mont Viso…

    Le meilleur moment revient sans doute à Ursula von der Leyen, qui, imperturbable, annonce un 16ème paquet de sanctions contre la Russie. Chacun essaie de sauver ce qui peut l’être, exposant au grand jour son impuissance. Pendant ce temps, les peuples se recroquevillent et attendent.

    Maurizio Bianconi (Euro-Synergies, 20 février 2025)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Ukraine : l'Union européenne humiliée ?...

    Le 18 février 2025, Liselotte Dutreuil recevait Mériadec Raffray , journaliste à Valeurs actuelles, pour évoquer avec lui les négociations russo-américaines à Riyad sur la question de l'Ukraine.

     

                                           

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Multimédia 0 commentaire Pin it!