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  • Elon Musk, héros ou tyran de l'Occident...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de David Engels sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, datée du 10 janvier 2025 et consacrée à Elon Musk.

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan, à l'Institut Catholique de Vendée ainsi qu'au Mathias Corvinus Collegium de Bruxelles, David Engels est l'auteur de trois essais traduits en français, Le Déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? - Vivre avec le déclin de l'Europe (La Nouvelle Librairie, 2024) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

                                         

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  • Désoccidentaliser l’Europe...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Walter Aubrig et Olivier Eichenlaub, cueilli sur le site de l'Institut Iliade et consacré à la question de la désoccidentalisation de l'Europe.

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    Désoccidentaliser l’Europe

    Au sortir de la Première Guerre mondiale, en 1922, parut en Allemagne le second volume d’un livre à la destinée particulière, et à la postérité paradoxale : Le Déclin de l’Occident d’Oswald Spengler. Un siècle plus tard, en 2022, Michel Onfray intitulait « Fin de l’Occident ? » un numéro spécial de sa revue Front populaire, alors qu’Emmanuel Todd publiait en 2023 La Défaite de l’Occident. Le mot d’Occident est aujourd’hui plus que jamais dans toutes les bouches, accusant les accents dramatiques d’une fin de règne. Pourtant, sa signification a subi des revirements considérables.

    Ce qui a longtemps été l’acception commune de l’Occident, c’est ce qu’outre-Rhin, on appelle Abendland, le pays du couchant. Le terme porte en lui toute la charge romantique d’un temps où le monde était divisé en deux moitiés — l’Occident chrétien d’une part, héritier de l’Empire romain du même nom, l’Orient d’autre part, qui commençait à Byzance et s’étendait dans un continent asiatique encore mal connu. Cependant, cet Occident s’est peu à peu effacé au profit de l’idée d’Europe avec l’entrée dans la modernité, à la Renaissance. C’était l’âge des grandes découvertes, le début du nomos de la terre, pour parler avec Carl Schmitt. Dès lors, les Européens se sont définis non plus par rapport à un axe est-ouest, mais par rapport à un territoire : le continent européen dans sa confrontation avec le reste du monde. Ce n’est qu’au cours du XXe siècle, et singulièrement dans le face-à-face des grands blocs durant la guerre froide que le terme d’Occident a été remobilisé pour désigner une réalité aux implications toutes différentes : le grand Ouest, the Western World.

    Pour autant, et malgré cette rupture qui est à bien des égards pour l’Europe le synonyme d’une dépossession, la mobilisation de l’Occident comme notion de référence persiste, tout particulièrement auprès de ceux qui se veulent les défenseurs de l’identité européenne. Cet Occident n’est plus véritablement chrétien, et il prend de plus en plus les traits d’un « monde blanc » — une projection qui, au vu de la réalité ethnique de la société américaine, par exemple, pose évidemment des questions. La résurgence du terme suggère néanmoins l’idée qu’Occidentaux, Européens et « Blancs » sont unis dans leurs modes de vie et dans leurs relations avec le reste du monde du fait d’une matrice culturelle commune. L’entrée des troupes russes en Ukraine en 2022 ou de l’attaque d’Israël par le Hamas en 2023 ont encore favorisé la revendication du vocable, transposant ainsi un désir de reconnaissance identitaire dans le domaine des réalités géostratégiques. Son invocation semble d’abord avoir une valeur performative — on espère quelque chose de cet ensemble d’appartenance, on se cherche des alliés, voire des frères, au moment où les confrontations communautaires se font de plus en plus vives. Et comment, après tout, ne pas le comprendre ? Dans ce contexte, au regard de la situation géopolitique du XXIe siècle plus encore qu’avant l’effondrement du rideau de fer, il nous semble néanmoins que soutenir l’attachement de l’Europe à « bannière occidentale » relève d’une erreur historique fondamentale.

    Elle se fonde sur l’idée fallacieuse selon laquelle l’Occident pourrait aujourd’hui fournir l’occasion de fonder un nouvel équilibre géopolitique, en s’appuyant exclusivement sur la solidarité entre populations d’origine européenne, dont la « dispersion » est le résultat d’aventures coloniales anciennes. Cette opportunité offrirait des perspectives de salut inattendues, grâce au soutien d’une « diaspora européenne » homogène et bienveillante, répartie pour l’essentiel en Amérique du Nord, dans certains pays d’Amérique du Sud, en Afrique du Sud, ainsi qu’en Israël, et confrontée à des défis démographiques et des menaces civilisationnelles similaires à ceux qu’affrontent aujourd’hui les Européens. S’il est manifeste que des convergences se font jour en vertu de ces racines communes, et s’il est éminemment souhaitable que ces convergences aboutissent à des synergies fructueuses, rappelons néanmoins que la réalité des logiques géopolitiques propres à chaque continent est susceptible de compromettre considérablement, à terme, ces perspectives de cohésion. À moins qu’on ne se contente ici de simples discours susceptibles de légitimer ponctuellement la coïncidence des intérêts particuliers et de la générosité du cœur.

    Pourquoi alors ces racines communes ne priment-elles pas ? La plupart des nations « occidentales » situées sur d’autres continents sont issues d’un mouvement de colonisation ayant amené des populations originaires d’Europe à s’installer durablement au-delà des mers pour exploiter des terres qui semblaient à leurs yeux peu mises en valeur jusqu’alors, selon un processus comparable à celui qui conduisit sous l’Antiquité à la fondation de cités grecques sur le pourtour méditerranéen ou à l’expansion territoriale de l’Empire romain. Mais les nations anglo-saxonnes fondées jadis par des colons européens, à l’image des colonies grecques qui ont peu à peu échappé à la koinè qui les unissait à leur cité mère, se sont depuis longtemps émancipées de la tutelle du Vieux Monde, pour poursuivre légitimement la satisfaction de leurs intérêts propres, sur un territoire neuf permettant de démultiplier les possibles.

    Les États-Unis, auxquels on a d’abord tendance à se référer lorsqu’il est question de l’ensemble occidental, n’ont jamais cessé de revendiquer une « destinée manifeste », justifiant ainsi leur profonde rupture avec la tradition européenne, même si les élites américaines et anglaises ont continué de tisser depuis deux siècles des liens personnels et familiaux étroits. Cette rupture procède de l’idéologie des « pères pèlerins », du rêve messianique des communautés fondamentalistes protestantes qui quittèrent l’Europe pour vivre dans une société purifiée de la corruption du « vieux monde », aristocratique et monarchique. En dépit de références récurrentes à l’Antiquité grecque ou romaine, permettant de revendiquer, de manière plus ou moins légitime, l’héritage de la démocratie athénienne et celui de la mission « civilisatrice » de l’Empire romain, la « ville sur la colline » s’est dès ses débuts pensée comme une refondation de Jérusalem, pour laquelle le long détour historique par l’Europe n’avait plus guère de signification. Par ailleurs, l’histoire de l’Amérique s’est fondée sur un épisode anomique en rupture volontaire et totale avec les institutions alors en place en Europe : c’est le Far West, en tant que système d’organisation de la conquête territoriale et du peuplement, puis la guerre de Sécession qui ont servi d’acte fondateur à un Nouveau Monde et qui en constituent aujourd’hui encore la mythologie dans l’imaginaire collectif américain.

    Il en ressort qu’à bien des égards, la seule acception valable d’une « civilisation occidentale » est celle d’un canon de valeurs qui s’est diffusé de manière à peu près uniforme à la fin du XVIIIe siècle, par la cristallisation de ce que les historiens ont pu qualifier de « révolutions atlantiques », et dont les exemples américains puis français ne sont que les plus emblématiques. Un corpus philosophique projetant la fondation ex nihilo d’une société meilleure et d’un homme nouveau a ainsi pu emprunter les réseaux de puissance établis dans ce qui était alors encore la sphère d’influence de l’Europe triomphante. Les principes de liberté et d’émancipation individuelles, de démocratie, d’égalité devant la loi et de progrès devaient servir de socle à pères fondateurs des États-Unis, tandis qu’en Europe ils se manifestèrent comme le produit tardif d’une civilisation qui possédait sa dynamique propre, orientée par des traditions vives qui en avaient tracé la trame de fond, génératrice de structures politiques et sociales éprouvées par les siècles. Là encore, il s’agit donc d’un paradigme ancré dans le temps, et qui, justement parce que les Américains ont pu se délester du poids de l’héritage civilisationnel européen, a trouvé son expression dans des formes tout à fait différentes de part et d’autre de l’Atlantique.

    Ainsi, le rapprochement institutionnel de l’Amérique du Nord et de l’Europe sur fond d’adhésion commune aux valeurs de la démocratie libérale doit précisément être compris comme le symptôme d’une asymétrie des rapports de dépendance, voire de domination. Il s’est réalisé au profit de la « colonie », au détriment des nations européennes d’origine. Au cours des Trente Glorieuses et la Guerre froide, profitant de l’affaiblissement des puissances européennes dans le cataclysme des guerres mondiales, c’est bien le Soft power des États-Unis qui a permis à la puissance américaine de se prémunir contre une potentielle récession de son influence en consolidant sa domination culturelle, idéologique, économique et militaire sur l’ensemble du territoire européen dit « occidental ». En d’autres termes, si l’Amérique du Nord n’a jamais été pensée par ses fondateurs comme une colonie européenne, c’est l’Europe qui aujourd’hui, sous de nombreux aspects, est bel et bien spirituellement colonisée par les États-Unis, dont la stratégie d’expansion impériale porte de fait le nom d’Occident.

    Les nations et les peuples européens se voient aujourd’hui plongés dans une grande recomposition des équilibres géopolitiques. Ce contexte risqué pour les États d’Europe, à plus forte raison après l’élection de Donald Trump en novembre 2024, confronte désormais ses dirigeants au défi considérable du retour à la puissance.  Et ce défi ne pourra être relevé qu’au prix d’une désoccidentalisation de l’intérieur, d’un dépassement d’un ordre orienté par l’idéal illusoire des démocraties libérales. C’est dans sa tradition politique la plus pérenne qu’elle trouvera les ressources nécessaires pour insuffler une dynamique nouvelle à son destin civilisationnel, à la hauteur des enjeux à venir.

    Walter Aubrig et Olivier Eichenlaub (Institut Iliade, 6 janvier 2025)

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  • Régis Le Sommier : à la recherche de la vérité !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous sur TV Libertés  une conversation entre Paul-Marie Coûteaux et Régis Le Sommier au cours de laquelle ce dernier évoque son parcours de journaliste de terrain à la recherche de la vérité.

    Grand reporter, Régis le Sommier est directeur d’Omerta.

     

                                                

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  • Déclin : les choses vont extrêmement vite...

    Pour son émission sur TV Libertés, Chocs  du monde, Edouard Chanot reçoit Alain de Benoist, pour évoquer avec lui l’effacement de la France en tant que puissance qui compte, un phénomène qui intervient alors que le monde est en train de s’émanciper de l’Occident...

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021), L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022), Nous et les autres - L'identité sans fantasme (Rocher, 2023) et, dernièrement, Martin Buber, théoricien de la réciprocité (Via Romana, 2023).

     

                                            

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  • Les snipers de la semaine... (284)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Hashtable, H16 dézingue les élites occidentales de plus en plus déconnectées de la réalité...

    L’Occident meurt par la tête

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    - sur son site, l'OJIM allume le service public et sa soumission aux interdits ambiants...

    Le service public et les interdits ambiants

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    Le service public et les interdits ambiants
    Le service public et les interdits ambiants
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  • L’étrange victoire de l’Occident...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gilles Carasso, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à l'étrange victoire de l'Occident, qui survit à son déclin et maintient sa domination universelle.

    Gilles Carasso a été directeur des Instituts français de Pologne et de Géorgie.

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    L’étrange victoire de l’Occident

    Depuis la chute de l’URSS, les pays de l’ancien « bloc de l’Est » ont perdu 10 à 25 % de leur population. Du fait d’une baisse de la fécondité semblable à celle de l’Europe et de l’Asie de l’Est, mais surtout du fait de l’émigration vers l’Europe de l’Ouest, l’Amérique et, marginalement, Israël. La population la plus jeune, la plus instruite est partie ou aspire à partir, ôtant à ces pays – Pologne exceptée – leurs chances de développement économique. L’exception polonaise est aussi religieuse : c’est le seul grand État anciennement soviétisé qui n’appartient pas au monde orthodoxe.

    En Russie, la fascination de l’Occident n’est pas moindre qu’ailleurs. L’URSS est tombée pour n’avoir jamais été capable de fabriquer des jeans seyants. Ou, pour le dire d’une façon plus académique : de la collision inéluctable entre les aspirations au bonheur individuel venues de l’Occident, dont le marxisme était un des rejetons, et ses structures collectivistes – communautaires dans l’anthropologie d’Emmanuel Todd. La tentative du Kremlin de les remplacer par l’idéologie des « valeurs traditionnelles » est tout aussi vouée à l’échec. Le départ de McDonald’s n’a pas freiné l’appétit des Moscovites pour les hamburgers, les séries télévisées russes sont calquées sur le modèle des séries américaines et la classe moyenne russe, dès qu’elle en a les moyens, passe ses vacances en Occident.

    L’adhésion de l’Europe orientale à l’UE et à l’OTAN, ou le désir d’y adhérer qui se manifeste en Ukraine, en Géorgie, en Moldavie, relève du même mouvement occidentogyre. C’est la transposition à l’échelle des nations du désir des individus de passer à l’Ouest.

    Pourquoi l’Occident ?

    Cet Occident, tant fantasmé à l’Est comme au Sud, est riche et il est en déclin démographique. D’autre part, l’aviation a aboli les distances. Donc explication physique simple : l’équilibre des niveaux. Mais les gens ne sont pas des atomes de liquide, ils existent dans et par des cultures. L’émigration est un déracinement, rêve et souffrance. Pour que le rêve l’emporte sur la souffrance, il faut que la culture de départ ait cessé de fournir les « nourritures de l’âme » indispensables à la vie. Il faut aussi que le rêve ne soit pas seulement de biens matériels, mais d’une façon de se vivre dans le monde. Les ghettos de nouveaux arrivants sont des sas de décompression.

    Oswald Spengler juge la chose tout à fait impossible : on naît et on meurt dans sa « religion », c’est-à-dire la façon de se lier au macrocosme qu’on a acquise en naissant dans une famille et dans un pays, quelles que soient les apparences d’intégration. L’immigration musulmane en France, qui revient à la seconde ou troisième génération à l’islam intégral (c’est-à-dire sans les fadaises d’un islam laïque) semble lui donner raison même si le soi-disant fondamentalisme musulman est largement une réinvention1.

    L’Europe de l’est semble aussi témoigner de l’imperméabilité des cultures par son absence d’acclimatation du capitalisme – hors la Pologne catholique, il n’y a pas de « start-up nation » dans le monde orthodoxe –, et par ses laborieuses tentatives d’imitation, ou ses simulacres d’adoption, de la démocratie2.

    Mais à l’inverse, si l’on considère son émigration, rien n’indique une conservation de la métaphysique orthodoxe en Occident. La première grande vague venue de l’empire russe au tournant du XIXe siècle ne fut pas orthodoxe mais juive. Or le déracinement des Juifs de Russie n’était que limité puisque l’empire tsariste avait largement échoué à les intégrer3. Leur fusion dans l’univers WASP a parfaitement réussi, ils ont même défini, à Hollywood, le canon esthétique et moral du « rêve américain »4. Spengler prédisait même, mais c’était avant la création de l’État d’Israël, la dissolution du judaïsme occidental dans le chaudron américain. Cela ne posait pas de problème à sa théorie puisque le vieux « consensus juif », aterritorial, était vulnérable face à la jeune et dynamique culture américaine. Seulement, le même phénomène s’observe aujourd’hui avec l’émigration orthodoxe.

    Le maître ouvrage de Spengler s’intitule Le déclin de l’Occident. Depuis sa parution il y a un siècle, les variations autour de ce thème ont été innombrables au point de lui donner les apparences d’une évidence5. Laquelle est corroborée par le suicide démographique de l’Europe et des surgeons occidentaux de l’Asie orientale. Il constitue la musique d’ambiance des grandes manœuvres géopolitiques de la Russie : le soleil se lève une nouvelle fois à l’est, enfin au sud-est : les BRICS vont bientôt pulvériser le dollar et les missiles hypersoniques, les porte-avions nucléaires américains.

    Alors pourquoi le monde entier se précipite-t-il vers cet Occident agonisant6 ?

    Le leadership scientifique

    Une première réponse est que sa puissance économique, scientifique, militaire, quoiqu’en déclin relatif, est encore prépondérante. Elle vaut pour l’étudiant géorgien ou ivoirien, pour le chômeur africain comme pour le polytechnicien français : la puissance d’attraction. La réalité, c’est l’extraordinaire solidité des Etats-Unis, même si le pacte de Bretton Woods, qui, en 1945, a défini les termes de son imperium, touche à sa fin7.

    Mais il faut avoir une idée bien étriquée de la pyramide de Maslow, ou un marxisme vintage, pour s’imaginer que la richesse est le motif principal de l’émigration. Ce qui pousse à s’arracher à la patrie, c’est d’abord le sentiment qu’il n’y en a pas ou plus, de patrie. Le départ en masse signe la mort des cultures. Il n’est nul besoin d’appeler à l’expiation des crimes de la colonisation, nous expions déjà, par l’arrivée en masse en Europe de la jeunesse africaine, l’agression que l’Europe a infligée aux cultures du continent africain. Et ce qui apparaît comme l’hispanisation progressive des Etats-Unis peut aussi bien être vu comme la revanche des cultures précolombiennes anéanties. En Russie, les idéologues du panslavisme incriminent les réformes commencées sous Pierre le Grand, qui, en administrant par la violence une européanisation forcée, ont empêché ou retardé le mûrissement d’une synthèse culturelle proprement russe8.

    C’est ensuite le sentiment de savoir où l’on va. Les migrants ne partent pas en explorateurs de mondes nouveaux, ils comprennent, fût-ce à leur façon, les « numina » de l’Occident. Cela signifie, comme l’a rappelé Modeste Schwartz, que, contrairement à un préjugé courant, la colonisation a réussi9. Elle a tellement réussi qu’elle a imposé avec succès le mantra occidental du salut individuel et de l’infini des possibles. Non parce que celui-ci aurait plus de séduction que les autres. Il n’y a que les Occidentaux pour s’imaginer que l’individualisme et toutes ses déclinaisons sont doués d’un charme irrépressible. Mais parce que ce système de croyances – l’ontologie naturaliste pour Philippe Descola10, ou l’élan faustien pour Spengler –, se connecte de telle façon, sous le nom de science, avec le savoir-faire technique, qu’il guérit des malades, fait voler les avions, écrase par la puissance de ses armes. Le vrai ne se décide plus par la conformité à un régime de vérité : c’est vrai parce que ça marche.

    Métaphysique de l’Occident

    La technoscience est un sujet qui a été abondamment traité. Je n’ai cependant pas le sentiment qu’ait été résolue l’énigme fondamentale : comment un cheminement métaphysique, enclenché dans les monastères de l’Occident en même temps que la rationalisation du travail11, a-t-il abouti à un système de connaissance dont la vérité se prouve par son efficacité ? Ou encore : comment le travail, c’est-à-dire la technique et l’économie, a-t-il réussi à mettre en forme, dite scientifique, le mythe faustien de l’infini de façon à accroître son efficacité sur la matière inerte ou vivante, sans autre limites que celles, physiques, de la planète ?

    La victoire universelle de la technoscience n’empêche pas de constater le déclin de l’Occident, mais elle interdit d’envisager son effacement. Simplement, l’Occident a commencé à déplacer ses centres de pouvoir ou, pour reprendre le terme de Schwartz : à se pigmenter12. Le discours du multilatéralisme cache mal sa similitude avec celui de l’Occident actuel. Il suffit de comparer la déclaration du sommet des BRICS avec le discours onusien du développement durable pour constater leur parfaite identité13.

    Le déclin de l’Occident traditionnel est aujourd’hui observable à l’œil nu : catastrophe démographique, dévastation insupportable de la nature par le capitalisme, affaiblissement relatif de la puissance, déréliction idéologique du wokisme. Niall Ferguson a brillamment décrit comment l’Occident avait étendu sa domination sur le monde14. Il reste à expliquer pourquoi, contre les principes de la morphologie spenglérienne, l’emprise de sa métaphysique, sous ses avatars scientifiques et économiques, survit à son déclin et maintient sa domination universelle.

     

    Notes :

    1. Cf. Olivier Roy, La sainte ignorance. Le temps de la religion sans culture, Seuil 2008 ; Yves Lepesqueur, Pourquoi les Libanaises sont séduisantes, L’Harmattan 2022.

    2. Cf. Ivan Krastev et Stephen Holmes, Le moment illibéral. Trump, Poutine, Xi Ping : Pourquoi l’Occident a perdu la paix, Fayard 2019.

    3. Cf. Alexandre Soljenitsyne, Deux siècles ensemble, Fayard 2012.

    4. Cf. Neal Gabler, Le royaume de leurs rêves. La saga des juifs qui ont fondé Hollywood, Calmann-Lévy 2005.

    5. Deux exemples récents : Douglas Murray, L’étrange suicide de l’Europe ; Immigration, Identité, Islam, L’artilleur 2018. Emmanuel Todd, La défaite de l’Occident, Gallimard 2024.

    6. Cf Modeste Schwarz, Fin d’occident ou faim d’occident ? https://modesteschwartz.substack.com/p/fin-doccident-ou-faim-doccident?r=10v1d0.

    7. Sur les données fondamentales de la puissance américaine et le pacte de Bretton Woods, voir Peter Zeihan, The Accidental Superpower: The Next Generation of American Preeminence and the Coming Global Disaster, Twelve 2016. Sur la fin de la mondialisation : Peter Zeihan, The end of the world is just the beginning: mapping the collapse of Globalization, Harper Business, 2022.

    8. Cf. Modeste Schwartz, Une spécialité russe : la russophobie. https://modesteschwartz.substack.com/p/une-specialite-russe-la-russophobie.

    9. Cf Modeste Schwartz, Dépasser Spengler. https://modesteschwartz.substack.com/p/depasser-spengler?r=10v1d0.

    10. Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard 2005.

    11. Cf. Pierre Musso, La religion industrielle. Monastère, manufacture, usine, Une généalogie de l’entreprise, Fayard, 2017.

    12. Sur la notion d’Occident pigmenté et le multilatéralisme, cf. Modeste Schwartz, L’après-Kovid, Écrits de 2022-23. Troisième partie : Kissinger et l’Occident pigmenté. https://substack.com/@modesteschwartz/p-141102176.

    13. Cf. Edward Slavsquat, Would you like to know what BRICS just declared? https://edwardslavsquat.substack.com/p/would-you-like-know-what-brics-just.

    14. Niall Ferguson, Civilisations. L’occident et le reste du monde, Saint-Simon, 2014.

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