Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

occident

  • Adriano Scianca : « Il existe une troisième voie : celle qui cherche à conjuguer force et liberté, droit et identité, technique et enracinement. »

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Adriano Scianca à Xavier Eman pour le site de la revue Éléments, dans lequel il évoque la question de l'Europe qu'il a traité dans un essai remarquable et essentiel, Europe versus Occident - La fin d'une ambiguïté (Institut Iliade/La Nouvelle Librairie, 2024).

     

    Scianca_Adriano.jpg

     

    « Il existe une troisième voie : celle qui cherche à conjuguer force et liberté, droit et identité, technique et enracinement. »

    ÉLÉMENTS. Votre dernier ouvrage est consacré à la dichotomie entre « Europe » et « Occident », thème récurrent et central de la pensée de la Nouvelle Droite notamment. Pourquoi avoir ressenti le besoin d’une « mise au point » sur ce sujet ?

    ADRIANO SCIANCA : Parce que les réactions à la guerre en Ukraine que j’ai pu observer dans le monde non conformiste italien (mais je pense que la situation n’est pas différente en France) m’ont montré, d’une part, des milieux pro-russes qui ont suivi le discours de Moscou au point de confondre totalement la notion d’Europe avec celle d’Occident, en faisant un bloc unique « satanique » hostile à l’avancée du « monde multipolaire » ; et, d’autre part, des milieux hostiles à ce discours au point de se ranger  tout aussi absolument du côté du camp opposé, celui des libéraux et des occidentalisés, à la BHL. En pratique, la notion d’Europe a été ramenée à celle d’Occident par deux directions opposées : ceux qui s’opposaient à ce bloc et ceux qui l’exaltaient. C’est pourquoi j’ai jugé opportun de revenir sur cette distinction élémentaire.

    ÉLÉMENTS. Si vous concluez à la la différence ontologique entre « Europe » et « Occident », votre propos refuse cependant tout manichéisme simplificateur et vous n’hésitez pas à égratigner certaines « habitudes mentales » de la droite radicale qui adopterait parfois, selon vous, des postures caricaturales notamment vis à vis des États-Unis considérés comme « le Grand Satan ». Mais s’ils ne sont pas le « mal » absolu, les États-Unis n’en restent-ils pas moins l’ennemi principal d’une Europe souveraine, puissante et indépendante qui seule pourrait véritablement les concurrencer ?

    ADRIANO SCIANCA : J’avoue nourrir un certain scepticisme à l’égard de la catégorie d’« ennemi principal », qui me semble découler d’une mauvaise lecture de Schmitt. Le juriste allemand est un maître de la pensée concrète et lorsqu’il parle de l’ennemi et de l’ami, il a à l’esprit un conflit existentiel qui est déjà en cours avant même que les analyses politologiques ne se mettent en marche. À l’inverse, si je me mettais maintenant à dresser une liste des ennemis principaux, en classant une série de puissances géopolitiques en fonction de mes sympathies et antipathies philosophiques, je ferais un exercice très abstrait, donc très peu schmittien. Aujourd’hui, l’ennemi principal d’un Ukrainien est-il la Russie ? L’ennemi principal d’un Italien en 1915 était-il l’Empire austro-hongrois ? L’ennemi principal d’un Français qui s’est rendu au Bataclan le soir du 13 novembre 2015 est-il l’islam ? J’ai l’impression que dans tous ces cas, c’est toujours la réalité qui choisit pour nous, avant toute évaluation philosophique. Je ne veux toutefois pas éluder la question : les États-Unis restent certainement une puissance spirituelle, culturelle, géopolitique et économique anti-européenne. Je n’ai aucun doute à ce sujet. Les Américains nous voient encore comme l’empire corrompu qu’ils ont fui pour fonder la Nouvelle Israël. Cependant, refuser le manichéisme moraliste qui voit dans les États-Unis le Grand Satan et dans quiconque se déclare anti-américain un allié objectif ne signifie pas faire un pas vers Washington, mais au contraire, envisager une autonomie vis-à-vis des États-Unis d’une manière moins infantile et plus réaliste, donc aussi plus efficace.

    ÉLÉMENTS. Vous affirmez, à juste titre, que le rejet de « l’Occident » ne doit pas se confondre avec un néo-luddisme technophobe et une volonté de retour à « la lampe à pétrole ». Sans tomber dans ces excès, le sens de la mesure, du respect de la nature et de ses limites, la volonté de lutte contre l’hybris d’une certaine fuite en avant techno-scientiste ne font-ils pas partie de l’ADN européen ?

    ADRIANO SCIANCA : Les anciens Romains sacralisaient les frontières, placées sous la protection du dieu Terminus, mais ils ne cessaient de les repousser toujours plus loin. Chaque découverte, chaque invention, de la roue au feu, de la poudre à canon à l’énergie nucléaire jusqu’à l’intelligence artificielle, conduit à dépasser des limites et à en expérimenter d’autres. En fin de compte, personne, aussi « faustien » soit-il, n’aime s’écraser contre un mur à toute vitesse ou mourir des suites d’une irradiation nucléaire. L’absence totale de limites serait en effet invivable. Il n’en reste pas moins qu’une certaine tension vers l’inconnu, vers l’aventure, vers le risque, vers la découverte et l’expérimentation me semble inhérente à l’esprit européen et presque uniquement à lui. Bien sûr, ce trait identitaire vit une dialectique complexe avec la tension vers l’ordre, l’harmonie, la tradition. Mais aucun ordre n’est éternel, pas même le divin, comme nous l’enseignent les théogonies indo-européennes mouvementées. Ce qui me semble intrinsèquement anti-européen, c’est l’idée d’une limite absolue, d’une interdiction métaphysique, de règles données une fois pour toutes, que l’homme devrait se contenter d’accepter passivement. Quant à l’hybris, rappelons-nous qu’à l’origine, il s’agit de l’arrogance d’un homme envers son semblable du même rang (par exemple Agamemnon qui vole le butin d’Achille) dans un jeu de pouvoirs toujours tendu et contesté, et non du « péché » d’un homme qui ne sait pas « rester à sa place » dans des hiérarchies ontologiques fossilisées.

    ÉLÉMENTS. Vous écrivez que pour  affirmer son « européanité » face aux États-Unis, il ne suffit pas de se priver de Coca, de MacDo, de jean’s et de Marvel. C’est incontestable mais n’est-ce pas là néanmoins un indispensable préalable ? Pour refonder cet « être au monde » spécifiquement européen que vous appelez de vos vœux, n’est-il pas nécessaire se débarrasser des oripeaux imposés par le « soft power » américain au fil du temps et qui, loin de n’être que superficiels, façonnent les esprits et les comportements ?

    ADRIANO SCIANCA : Il ne peut certainement pas exister de bon Européen qui ne mange que du MacDo et ne regarde que des films Marvel. Ma critique vise toutefois un certain moralisme, qui résout toute la question dans une course à la pureté individuelle. Je crois en outre qu’un soft power se combat en lui opposant un autre soft power, et non en jouant les ascètes. J’ajouterai une réflexion supplémentaire : l’américanisation se propage-t-elle aujourd’hui davantage à travers les hamburgers de MacDonald’s ou à travers des récits que l’on voudrait même « dissidents » ? Il y a une américanisation à travers le conformisme, certes, mais il en existe une autre, peut-être plus dangereuse, qui s’impose à travers un prétendu anticonformisme. Aujourd’hui, une « dissidence » qui raisonne selon des schémas strictement américanisés s’est imposée. Il y a quelques années, j’ai entendu une dame du même âge que mes parents, étrangère à toute affiliation politique radicale, qui voulait me faire croire que Biden avait été arrêté en secret et que les grands médias cachaient la vérité. Pourquoi cette grand-mère placide, qui n’a probablement jamais mangé un Big Mac, au cœur de l’Italie profonde et authentique, me répétait-elle avec conviction les idioties de Qanon ? Pourquoi entendons-nous de plus en plus souvent les « dissidents » suivre des prédicateurs religieux, adopter des catégories politiques messianiques, prêcher le droit absolu à l’autodéfense armée sur sa propriété ? Avant de juger les Américains loin de nous, regardons ceux qui sont déjà parmi nous.

    ÉLÉMENTS. Vous appuyez sur la nécessité d’un certain « pragmatisme politique » pour sortir du romantisme improductif et de « l’absolutisme » incapacitant. Jusqu’où doit aller ce « pragmatisme », sans risque qu’il se mue en « compromission » ? Par exemple, peut-on (ou doit-on) soutenir Emmanuel Macron du fait de son aspiration proclamée à la création d’une « armée européenne » qui pourrait devenir à terme l’un des piliers d’une « Europe puissance » à laquelle nous aspirons ?

    ADRIANO SCIANCA : Si un gouvernement « ennemi » fait quelque chose qui va dans la bonne direction, il est juste de souligner ses contradictions, son inadéquation, son hypocrisie, mais on ne peut pas soutenir du jour au lendemain le contraire de ce que l’on a toujours soutenu juste pour contrarier les dirigeants. Il est clair pour tout le monde que l’activisme de Macron sur le front de la défense commune n’est qu’une tentative désespérée de figurer dans l’histoire comme un homme d’État européen malgré ses échecs dans son propre pays. Tout comme il est clair pour tout le monde que son profil anthropologique et culturel est mal adapté au rôle de meneur qu’il prétend soudainement pouvoir jouer. Et pourtant, après avoir reproché à cette Europe d’être impuissante, sans défense, désarmée, hors de l’histoire, on ne peut pas ensuite lui reprocher exactement le contraire, simplement par crainte d’être associé à Macron. Dans mon livre, j’évoque l’image d’une « singularité européenne », sur le modèle de la singularité technologique. Comme on le sait, cette dernière représente la phase où les machines intelligentes commencent à se programmer elles-mêmes, de plus en plus rapidement, échappant au contrôle de ceux qui les avaient conçues à des fins tout autres. De la même manière, il est possible que l’Europe puissance, une fois mise en mouvement par ces classes dirigeantes, devienne autre chose, échappe au contrôle de ceux qui l’ont évoquée et les balaye. En tout état de cause, je ne deviendrai pas un partisan de notre impuissance par crainte de paraître compromis avec le macronisme. D’autant plus que ceux qui portent de telles accusations ont généralement des fréquentations bien plus embarrassantes.

    ÉLÉMENTS. Dans les dernières pages du livre, vous évoquez comme objectif des « bons européens » le concept d’Hespérie, également mis en avant par David Engels, un terme qui peut paraître à première vue légèrement abstrus ou du moins relativement « désincarné ». Pourriez-vous en donner une définition concrète ?

    ADRIANO SCIANCA : Il s’agit d’un concept qui résulte d’une traduction quelque peu créative d’une distinction heideggérienne. Le philosophe allemand opposait l’Occident et l’Abend-Land. Le premier est l’Occident que nous connaissons, mondialiste et déracinant. Le second est quelque chose de complètement différent, c’est la reprise du génie grec mais dans un contexte qui n’est plus celui de la Grèce. Les traducteurs français ont rendu Abend-Land par Esperia (qui est d’ailleurs l’un des plus anciens noms donnés à l’Italie par les Grecs). Guillaume Faye a repris ce concept et l’a développé à sa manière. Il est évidemment toujours un peu difficile de donner une substance concrète à des concepts philosophiques, mais dans mon cas, le concept servait à briser la dialectique binaire entre l’occidentalisme des Lumières et l’anti-occidentalisme obscurantiste. Il existe une troisième voie : celle qui cherche à conjuguer force et liberté, droit et identité, technique et enracinement. Occident est le nom du lieu où le soleil meurt, Esperia est le nom de la terre qui garde le soleil dans la nuit du monde, en attendant son inévitable renaissance.

    Adriano Scianca, propos recueillis par Xavier Eman (Site de la revue Éléments, 25 avril 2025)

    Lien permanent Catégories : En Europe, Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • Trump et l’art du chaos...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Francis Jubert, cueilli sur le site du Nouveau Conservateur et consacré à la stratégie du chaos utilisée par Trump, une stratégie dont l'Europe pourrait tirer des leçons...

     

    Trump_art du chaos.jpg

    Trump et l’art du chaos : une stratégie visionnaire pour l’Amérique et l’Occident ?

    Depuis sa réélection en 2024, Donald Trump ne cesse de surprendre. Sa stratégie, souvent perçue comme chaotique, repose pourtant sur une vision claire de souveraineté et de renforcement des États-Unis. L’annonce récente de la suspension des surtaxes à 20% contre l’Europe pour une durée de 90 jours, à l’exception des droits de douane contre la Chine, illustre parfaitement sa méthode : déstabiliser les adversaires pour les contraindre à venir à la table des négociations. Une démarche qui démontre la capacité de Trump à manœuvrer et à surprendre, mais aussi à rechercher des compromis qui servent les intérêts américains à long terme.

    Le chaos stratégique : Une négociation fondée sur l’art du « deal »

    L’art du chaos, que Trump met en œuvre avec constance, est loin d’être le fruit du hasard. Dans The Art of the Deal (1987), il définit la négociation comme un affrontement stratégique visant à déstabiliser l’adversaire et à forcer des concessions. Aujourd’hui, cette philosophie se manifeste dans ses politiques commerciales et diplomatiques, où il n’hésite pas à bousculer les équilibres pour obtenir un avantage.

    Récemment, sa décision de suspendre certaines surtaxes, tout en maintenant la pression sur la Chine qui écope d’une surtaxe de 125%, démontre cette stratégie. En suspendant pendant 90 jours les droits de douane sur l’Europe, il oblige ses partenaires à réévaluer leur position et à se préparer à des négociations difficiles. Cette posture est essentielle pour Trump, qui continue de maintenir une pression maximale sur les grandes puissances économiques mondiales, tout en préservant des marges de manœuvre pour d’éventuelles discussions. C’est une tactique de négociation implacable, où le chaos à court terme ouvre la voie à des gains à long terme.

    Relocalisation et classe moyenne : une vision économique en action

    Au cœur de la stratégie actuelle de Trump se trouve la relocalisation des chaînes de production et la préservation des emplois pour la classe moyenne américaine. Bien que les médias aient souvent réduit cette politique à une simple guerre commerciale, elle s’inscrit dans un projet plus vaste de souveraineté économique. Grâce à des mesures protectionnistes, notamment des droits de douane, il a créé les conditions d’une relocalisation de l’industrie américaine. Des entreprises comme Apple ont ainsi déplacé une partie de leur production de Chine vers les États-Unis, contribuant à restaurer la base industrielle du pays.

    Cet effort vise à renforcer la classe moyenne américaine, qui est au cœur de la vision de Trump. En ramenant des emplois manufacturiers sur le sol américain, il entend réduire la dépendance aux chaînes de production mondialisées, particulièrement celles dominées par la Chine, et assurer une croissance économique durable. À ce jour, fait observer François Lenglet, « Trump a obtenu ce qu’il voulait : l’ouverture d’un guichet de négociation mondiale pour vendre au plus cher l’accès au marché américain. Avec, en plus, une taxe universelle de 10% comme point de départ, qui est désormais entérinée. Gardons-nous donc de parler de défaite. Jusqu’ici, tout est conforme au plan du président. »

    La négociation entre égaux : une leçon pour l’Occident

    La stratégie de Trump repose également sur l’idée que les négociations internationales ne peuvent aboutir que si les partenaires se traitent d’égal à égal, acceptant le face à face, la confrontation des points de vue. Le président Trump est un adepte des négociations entre égaux dans la mesure où il cherche à maximiser les bénéfices pour les États-Unis tout en exigeant de ses partenaires qu’ils assument leurs responsabilités et défendent leurs intérêts avec la même vigueur, dans une logique de réciprocité. Contrairement à une diplomatie européenne qu’il perçoit comme trop souvent marquée par la soumission, Trump privilégie une approche axée sur le rapport de force qui valorise les négociations directes où chaque partie doit être prête à faire des concessions tangibles. 

    Pour la France et l’Union européenne, cette approche est une invitation à repenser leurs stratégies diplomatiques et économiques. Si la France, par exemple, veut conserver une position de puissance nucléaire et de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, ses intérêts économiques, en particulier dans l’industrie et l’agriculture, exigent de protéger ses capacités de production. 

    Une approche de « réarmement » économique, technologique et militaire de chacun des membres de l’Union européenne pourrait être bénéfique pour restaurer l’équilibre des relations internationales. Dans un domaine au moins l’Europe n’a pas désarmé : le naval militaire. Elle a conservé ses chantiers et ses compétences et achète du made in Europe », ce qui n’est malheureusement pas le cas dans les avions de combat ou les systèmes de défense aérienne

    Des exemples concrets pour l’Europe inspirés par Trump

    Les Européens ont tout à gagner, en s’inspirant de la stratégie actuelle de Trump, à  renforcer leur propre autonomie économique et stratégique. C’est l’un des enseignements que tire François Lenglet de l’ère nouvelle dans laquelle nous entrons : « L’analyse de Trump, en économie politique, est bonne. Les tarifs douaniers sont un outil parmi d’autres pour redonner du pouvoir d’achat aux classes moyennes, le problème étant qu’ils ont été mis en place de façon désordonnée et dangereuse avec cette salve universelle [ndlr : de surtaxes douanières imposées unilatéralement]. Mais la réindustrialisation va prendre du temps. »

    Voici quelques pistes d’action :

    1. Souveraineté énergétique renforcée : comme les États-Unis avec le gaz de schiste, l’Europe pourrait intensifier ses investissements dans les énergies renouvelables et le nucléaire pour réduire sa dépendance aux importations d’énergie.
    2. Relocalisation industrielle : inspirée par le modèle américain, l’Europe pourrait mettre en place des politiques favorisant le retour de certaines productions stratégiques sur son sol, notamment dans les secteurs technologiques et pharmaceutiques.
    3. Contrôle des importations : à l’instar des États-Unis, l’Europe devrait instaurer des contrôles stricts sur les produits qu’elle importe, afin de s’assurer qu’ils respectent les normes de sécurité sanitaire et environnementale qu’elle s’impose à elle-même.
    4. Négociations commerciales fermes : l’Europe pourrait adopter une approche plus affirmée dans ses négociations internationales, en exigeant des contreparties strictes, tant sur le plan social qu’environnemental, dans ses accords commerciaux.
    5. Renforcement de la classe moyenne et des catégories populaires : l’Europe pourrait suivre l’exemple américain en soutenant davantage ses PME et en favorisant des circuits courts pour réduire sa dépendance aux importations, dynamiser l’emploi local et redonner du pouvoir d’achat.

    L’émancipation stratégique de l’Europe : un futur à construire

    La stratégie de Trump montre l’importance cruciale de l’indépendance économique et de la souveraineté stratégique. L’Europe, dans sa quête de résilience face aux défis mondiaux, pourrait grandement bénéficier de cette approche pragmatique. En s’inspirant de ces principes, elle pourrait retrouver sa place sur la scène mondiale en maîtrisant ses chaînes de valeur et en négociant des partenariats équilibrés avec des nations partageant des intérêts similaires. 

    Conclusion : une vision de long terme

    Le « Trump bashing » systématique ne rend pas justice à la complexité et à la profondeur de la stratégie du président des Etats-Unis. Le « fou » n’est pas toujours celui qu’on croit, comme le fait très justement remarquer le politologue Giuliano da Empoli dans le numéro d’avril 2025 de Politique magazine sans un article où il défend l’idée que le chaos n’est plus l’arme de l’insurgé mais le sceau du pouvoir. Il est « plus rationnel, écrit-il, de miser sur le ‘fou’ qui se déclare prêt à tenter ce que personne n’a jamais osé faire. Il n’est pas toujours irrationnel de miser sur le chaos. » En orientant son action vers la souveraineté économique, la négociation entre égaux et une politique pragmatique, Trump ouvre la voie à une refondation des relations internationales. Pour l’Europe, cette dynamique est sans doute l’occasion de redéfinir sa place dans le monde. Loin des caricatures médiatiques, Trump propose une vision stratégique audacieuse et une action géopolitique dont les effets à long terme pourraient bien se révéler décisifs tant pour les États-Unis d’Amérique que pour l’avenir de l’Occident lui-même. Ne pas se saisir aujourd’hui de cette opportunité c’est, pour l’Europe, prendre le risque de sortir définitivement de l’histoire !

    Francis Jubert (Le nouveau Conservateur, 15 avril 2025)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Elon Musk, héros ou tyran de l'Occident...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de David Engels sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, datée du 10 janvier 2025 et consacrée à Elon Musk.

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan, à l'Institut Catholique de Vendée ainsi qu'au Mathias Corvinus Collegium de Bruxelles, David Engels est l'auteur de trois essais traduits en français, Le Déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? - Vivre avec le déclin de l'Europe (La Nouvelle Librairie, 2024) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

                                         

    Lien permanent Catégories : Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Désoccidentaliser l’Europe...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Walter Aubrig et Olivier Eichenlaub, cueilli sur le site de l'Institut Iliade et consacré à la question de la désoccidentalisation de l'Europe.

    Yankee go home.jpg

     

    Désoccidentaliser l’Europe

    Au sortir de la Première Guerre mondiale, en 1922, parut en Allemagne le second volume d’un livre à la destinée particulière, et à la postérité paradoxale : Le Déclin de l’Occident d’Oswald Spengler. Un siècle plus tard, en 2022, Michel Onfray intitulait « Fin de l’Occident ? » un numéro spécial de sa revue Front populaire, alors qu’Emmanuel Todd publiait en 2023 La Défaite de l’Occident. Le mot d’Occident est aujourd’hui plus que jamais dans toutes les bouches, accusant les accents dramatiques d’une fin de règne. Pourtant, sa signification a subi des revirements considérables.

    Ce qui a longtemps été l’acception commune de l’Occident, c’est ce qu’outre-Rhin, on appelle Abendland, le pays du couchant. Le terme porte en lui toute la charge romantique d’un temps où le monde était divisé en deux moitiés — l’Occident chrétien d’une part, héritier de l’Empire romain du même nom, l’Orient d’autre part, qui commençait à Byzance et s’étendait dans un continent asiatique encore mal connu. Cependant, cet Occident s’est peu à peu effacé au profit de l’idée d’Europe avec l’entrée dans la modernité, à la Renaissance. C’était l’âge des grandes découvertes, le début du nomos de la terre, pour parler avec Carl Schmitt. Dès lors, les Européens se sont définis non plus par rapport à un axe est-ouest, mais par rapport à un territoire : le continent européen dans sa confrontation avec le reste du monde. Ce n’est qu’au cours du XXe siècle, et singulièrement dans le face-à-face des grands blocs durant la guerre froide que le terme d’Occident a été remobilisé pour désigner une réalité aux implications toutes différentes : le grand Ouest, the Western World.

    Pour autant, et malgré cette rupture qui est à bien des égards pour l’Europe le synonyme d’une dépossession, la mobilisation de l’Occident comme notion de référence persiste, tout particulièrement auprès de ceux qui se veulent les défenseurs de l’identité européenne. Cet Occident n’est plus véritablement chrétien, et il prend de plus en plus les traits d’un « monde blanc » — une projection qui, au vu de la réalité ethnique de la société américaine, par exemple, pose évidemment des questions. La résurgence du terme suggère néanmoins l’idée qu’Occidentaux, Européens et « Blancs » sont unis dans leurs modes de vie et dans leurs relations avec le reste du monde du fait d’une matrice culturelle commune. L’entrée des troupes russes en Ukraine en 2022 ou de l’attaque d’Israël par le Hamas en 2023 ont encore favorisé la revendication du vocable, transposant ainsi un désir de reconnaissance identitaire dans le domaine des réalités géostratégiques. Son invocation semble d’abord avoir une valeur performative — on espère quelque chose de cet ensemble d’appartenance, on se cherche des alliés, voire des frères, au moment où les confrontations communautaires se font de plus en plus vives. Et comment, après tout, ne pas le comprendre ? Dans ce contexte, au regard de la situation géopolitique du XXIe siècle plus encore qu’avant l’effondrement du rideau de fer, il nous semble néanmoins que soutenir l’attachement de l’Europe à « bannière occidentale » relève d’une erreur historique fondamentale.

    Elle se fonde sur l’idée fallacieuse selon laquelle l’Occident pourrait aujourd’hui fournir l’occasion de fonder un nouvel équilibre géopolitique, en s’appuyant exclusivement sur la solidarité entre populations d’origine européenne, dont la « dispersion » est le résultat d’aventures coloniales anciennes. Cette opportunité offrirait des perspectives de salut inattendues, grâce au soutien d’une « diaspora européenne » homogène et bienveillante, répartie pour l’essentiel en Amérique du Nord, dans certains pays d’Amérique du Sud, en Afrique du Sud, ainsi qu’en Israël, et confrontée à des défis démographiques et des menaces civilisationnelles similaires à ceux qu’affrontent aujourd’hui les Européens. S’il est manifeste que des convergences se font jour en vertu de ces racines communes, et s’il est éminemment souhaitable que ces convergences aboutissent à des synergies fructueuses, rappelons néanmoins que la réalité des logiques géopolitiques propres à chaque continent est susceptible de compromettre considérablement, à terme, ces perspectives de cohésion. À moins qu’on ne se contente ici de simples discours susceptibles de légitimer ponctuellement la coïncidence des intérêts particuliers et de la générosité du cœur.

    Pourquoi alors ces racines communes ne priment-elles pas ? La plupart des nations « occidentales » situées sur d’autres continents sont issues d’un mouvement de colonisation ayant amené des populations originaires d’Europe à s’installer durablement au-delà des mers pour exploiter des terres qui semblaient à leurs yeux peu mises en valeur jusqu’alors, selon un processus comparable à celui qui conduisit sous l’Antiquité à la fondation de cités grecques sur le pourtour méditerranéen ou à l’expansion territoriale de l’Empire romain. Mais les nations anglo-saxonnes fondées jadis par des colons européens, à l’image des colonies grecques qui ont peu à peu échappé à la koinè qui les unissait à leur cité mère, se sont depuis longtemps émancipées de la tutelle du Vieux Monde, pour poursuivre légitimement la satisfaction de leurs intérêts propres, sur un territoire neuf permettant de démultiplier les possibles.

    Les États-Unis, auxquels on a d’abord tendance à se référer lorsqu’il est question de l’ensemble occidental, n’ont jamais cessé de revendiquer une « destinée manifeste », justifiant ainsi leur profonde rupture avec la tradition européenne, même si les élites américaines et anglaises ont continué de tisser depuis deux siècles des liens personnels et familiaux étroits. Cette rupture procède de l’idéologie des « pères pèlerins », du rêve messianique des communautés fondamentalistes protestantes qui quittèrent l’Europe pour vivre dans une société purifiée de la corruption du « vieux monde », aristocratique et monarchique. En dépit de références récurrentes à l’Antiquité grecque ou romaine, permettant de revendiquer, de manière plus ou moins légitime, l’héritage de la démocratie athénienne et celui de la mission « civilisatrice » de l’Empire romain, la « ville sur la colline » s’est dès ses débuts pensée comme une refondation de Jérusalem, pour laquelle le long détour historique par l’Europe n’avait plus guère de signification. Par ailleurs, l’histoire de l’Amérique s’est fondée sur un épisode anomique en rupture volontaire et totale avec les institutions alors en place en Europe : c’est le Far West, en tant que système d’organisation de la conquête territoriale et du peuplement, puis la guerre de Sécession qui ont servi d’acte fondateur à un Nouveau Monde et qui en constituent aujourd’hui encore la mythologie dans l’imaginaire collectif américain.

    Il en ressort qu’à bien des égards, la seule acception valable d’une « civilisation occidentale » est celle d’un canon de valeurs qui s’est diffusé de manière à peu près uniforme à la fin du XVIIIe siècle, par la cristallisation de ce que les historiens ont pu qualifier de « révolutions atlantiques », et dont les exemples américains puis français ne sont que les plus emblématiques. Un corpus philosophique projetant la fondation ex nihilo d’une société meilleure et d’un homme nouveau a ainsi pu emprunter les réseaux de puissance établis dans ce qui était alors encore la sphère d’influence de l’Europe triomphante. Les principes de liberté et d’émancipation individuelles, de démocratie, d’égalité devant la loi et de progrès devaient servir de socle à pères fondateurs des États-Unis, tandis qu’en Europe ils se manifestèrent comme le produit tardif d’une civilisation qui possédait sa dynamique propre, orientée par des traditions vives qui en avaient tracé la trame de fond, génératrice de structures politiques et sociales éprouvées par les siècles. Là encore, il s’agit donc d’un paradigme ancré dans le temps, et qui, justement parce que les Américains ont pu se délester du poids de l’héritage civilisationnel européen, a trouvé son expression dans des formes tout à fait différentes de part et d’autre de l’Atlantique.

    Ainsi, le rapprochement institutionnel de l’Amérique du Nord et de l’Europe sur fond d’adhésion commune aux valeurs de la démocratie libérale doit précisément être compris comme le symptôme d’une asymétrie des rapports de dépendance, voire de domination. Il s’est réalisé au profit de la « colonie », au détriment des nations européennes d’origine. Au cours des Trente Glorieuses et la Guerre froide, profitant de l’affaiblissement des puissances européennes dans le cataclysme des guerres mondiales, c’est bien le Soft power des États-Unis qui a permis à la puissance américaine de se prémunir contre une potentielle récession de son influence en consolidant sa domination culturelle, idéologique, économique et militaire sur l’ensemble du territoire européen dit « occidental ». En d’autres termes, si l’Amérique du Nord n’a jamais été pensée par ses fondateurs comme une colonie européenne, c’est l’Europe qui aujourd’hui, sous de nombreux aspects, est bel et bien spirituellement colonisée par les États-Unis, dont la stratégie d’expansion impériale porte de fait le nom d’Occident.

    Les nations et les peuples européens se voient aujourd’hui plongés dans une grande recomposition des équilibres géopolitiques. Ce contexte risqué pour les États d’Europe, à plus forte raison après l’élection de Donald Trump en novembre 2024, confronte désormais ses dirigeants au défi considérable du retour à la puissance.  Et ce défi ne pourra être relevé qu’au prix d’une désoccidentalisation de l’intérieur, d’un dépassement d’un ordre orienté par l’idéal illusoire des démocraties libérales. C’est dans sa tradition politique la plus pérenne qu’elle trouvera les ressources nécessaires pour insuffler une dynamique nouvelle à son destin civilisationnel, à la hauteur des enjeux à venir.

    Walter Aubrig et Olivier Eichenlaub (Institut Iliade, 6 janvier 2025)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Régis Le Sommier : à la recherche de la vérité !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous sur TV Libertés  une conversation entre Paul-Marie Coûteaux et Régis Le Sommier au cours de laquelle ce dernier évoque son parcours de journaliste de terrain à la recherche de la vérité.

    Grand reporter, Régis le Sommier est directeur d’Omerta.

     

                                                

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Déclin : les choses vont extrêmement vite...

    Pour son émission sur TV Libertés, Chocs  du monde, Edouard Chanot reçoit Alain de Benoist, pour évoquer avec lui l’effacement de la France en tant que puissance qui compte, un phénomène qui intervient alors que le monde est en train de s’émanciper de l’Occident...

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021), L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022), Nous et les autres - L'identité sans fantasme (Rocher, 2023) et, dernièrement, Martin Buber, théoricien de la réciprocité (Via Romana, 2023).

     

                                            

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Multimédia 0 commentaire Pin it!