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  • De quelle décadence parle-t-on ? Retour sur le débat Houellebecq-Onfray...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jure Georges Vujic à Polémia dans lequel il revient sur le débat entre Michel Houellebecq et Michel Onfray, publié ce mois-ci par la revue Front Populaire

    Avocat franco-croate, directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, Jure Georges Vujic est l'auteur de plusieurs essais, dont Un ailleurs européen (Avatar, 2011),  Nous n'attendrons plus les barbares - Culture et résistance au XXIème siècle (Kontre Kulture, 2015) et Les convergences liberticides - Essai sur les totalitarismes bienveillants (L'Harmattan, 2022).

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    De quelle décadence parle-t-on ? Retour sur le débat Houellebecq-Onfray

    La revue Front populaire vient de publier une longue conversation entre l’écrivain Michel Houellebecq et le philosophe Michel Onfray sur le thème de la fin de l’Occident. Quel regard portez-vous sur ce thème ?

    L’idée de fin, de décadence ne date pas d’hier est l’on se souvient du vaste mouvement littéraire et artistique qui s’est développé en Europe au cours des vingt dernières années du xixe siècle et qui a donné ses lettres de noblesse avec Paul Bourget, Jules Barbey d’Aurevilly, Péladan ou Huysmans, et plus tard Valéry, et dans le domaine de l’histoire avec Spengler, Gibbon, Toynbee. Déjà dans l’entre-deux-guerres on parlait de l’agonie de l’Europe, alors qu’en 1921, s’inscrivant dans le sillage de Paul Valéry, Hofmannsthal se demandait « si “Europe”, en tant que vocable exprimant un concept spirituel, a cessé d’exister ». Onfray et Houellebecq ont le mérite d’ouvrir les véritables thématiques civilisationnelles de notre époque : déclin, peine de mort, grand remplacement, islam, transhumanisme, féminisme, spiritualité, euthanasie… qui sont autant de symptômes de ce qu’on appelle l’occidentisme. D’autre part, même si les deux penseurs se gardent bien d’adopter une posture r, il subsiste néanmoins en fin de lecture une sorte de non-dit, d’inachevé quant au telos, quant à l’interprétation téléologique du discours décliniste, une ambiguïté qui aboutit à mon sens à une forme de confusion sémantique et épistémologique entre l’idée et les vocables d’Occident et d’Europe qui se trouvent très souvent assimilables, voire interchangeables, tout au long de la conversation. Or le propre du désordre multiforme de l’époque contemporaine réside en premier lieu dans la confusion sémantique, qui va de l’altération, du déni de sens, au travestissement et la dénaturation des mots, du langage. Houellebecq à ce sujet pose la question qui est le dilemme central, après avoir fait le diagnostic acerbe et juste du déclin : « Je veux bien défendre l’Occident, mais encore faut-il qu’il mérite d’être défendu. » Car si l’on choisit de défendre l’Occident dans une perspective politique et culturelle de renaissance, sommes-nous bien sûrs de défendre ipso facto l’Europe en tant que culture et essence spirituelle ?

    Pouvez-vous clarifier cette confusion entre Europe et Occident ? Qu’est-ce qui différencie la civilisation occidentale de l’idée d’Europe ?

    Dans l’ouvrage Assomption de l’Europe, Raymond Abellio observe que « l’Europe est stable dans l’espace et la géographie, tandis que l’Occident est mobile ». Le concept d’Occident a évolué au cours de l’histoire et, déjà au xviiie siècle, on parlait de l’Occident comme du « Nouveau Monde » et du « système américain » par opposition à « l’hémisphère oriental » (Europe, Afrique et Asie), alors que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et du monde bipolaire, l’Occident était assimilé à l’Europe de l’Ouest et ses alliés (USA et Grande-Bretagne) par rapport au bloc de l’Est et à l’Union soviétique. Aujourd’hui, l’Occident comprend tous les pays économiquement développés, industrialisés et modernisés du monde, y compris le Japon, Taïwan, la Corée du Sud et l’Australie, ainsi que les anciens pays communistes, les États-Unis et l’Amérique du Sud. Le philosophe Alfred Korzybski rappelle qu’« une carte n’est pas un territoire » afin de montrer que le sens sémantique d’une sphère culturelle ou civilisationnelle ne coïncide pas nécessairement avec des catégories géographiques. Et en effet, aujourd’hui, l’Occident ne constitue pas une entité géographique homogène, mais une catégorie mentale transnationale qui transcende les spécificités nationales, ethniques et religieuses. La grande erreur de Huntington a été d’essayer de réduire l’Occident à des entités nationales et ethniques fermées, car aujourd’hui il n’y a plus de carte claire de l’Occident. On pourrait dire que tout ce qui constitue « l’occidentalisme » en tant que « mental spécifique » dans la « façon de penser et d’agir », dans la sphère sociale, culturelle, économique et politique appartient à l’Occident : démocratie de marché, économie de marché, héritage des Lumières, individualisme, idolâtrie de la technoscience, rationalisme, société de consommation. Par conséquent, la question du déclin de la civilisation européenne serait alors intimement liée par une sorte de nœud causal à l’émergence et la domination de l’Extrême-Occident. On pourrait même en conclure que les processus de déliquescence politique, sociétale et culturelle de l’Europe correspondent à la surextension du modèle extrême-occidental avec aujourd’hui toutes ses déclinaisons sociétales telles que la cancel culture, le wokisme, l’idéologie du genre, le transhumanisme, etc. L’Extrême-Occident serait en quelque sorte l’Europe après l’Europe, une Europe aux valeurs inversées, évoquée par le philosophe tchèque Jan Patocka selon lequel nous vivons dans le monde de l’« après Europe », que Patocka situait dès la fin de la Première Guerre mondiale. Une Europe dévoyée spirituellement par la « globalisation marchande » et « l’ère planétaire ». S’interrogeant sur l’héritage européen, Patocka constate avec raison que l’Europe a renié son identité originelle et sa vocation première, celle du « soin de l’âme » – thème socratique –, sacrifiant à l’adoption généralisée et démesurée du seul calcul de la puissance et des reliquats de sa suprématie déchue.

    Les États Unis sont-ils le principal vecteur d’occidentalisation dans le monde ?

    Il convient de rappeler que c’est au xixe siècle en Amérique que le mot « Occident » a été créé comme terme politique, afin que le nouvel État américain prenne ses distances avec le vieux continent européen. Cela est évident dans les premiers discours du président américain Jefferson, qui affirmait que l’Amérique représentait un « hémisphère séparé », ou un « méridien distinct » qui séparerait à jamais « l’hémisphère américain » de l’Europe. Dans l’hémisphère américain, comme il l’a appelé prophétiquement, « le lion et l’agneau vivront en paix l’un avec l’autre ». Après cela, la déclaration du président Monroe, qui deviendra plus tard la doctrine Monroe officielle, interdisait à toute puissance européenne d’intervenir dans l’hémisphère occidental américain. Une telle construction sémantique et géopolitique de « l’hémisphère occidental américain » reflète une profonde différence entre l’Europe et l’Occident, qui diffèrent par essence et dans le sens spirituel et géopolitique. Une telle division reposait sur l’opinion que ces deux entités, l’européenne et l’occidentale, ces deux mondes, l’ancien et le nouveau, étaient radicalement opposés. C’est à cette époque que se sont cristallisées les visions manichéennes de l’Amérique comme patrie de la liberté et de l’égalité, et de l’Europe comme pays d’inégalité sociale et d’esclavage, de l’Amérique comme pays de paix et d’harmonie, et de l’Europe comme pays de guerre et de corruption. Ainsi, le « méridien occidental » a toujours été au service du maintien de la dichotomie binaire manichéenne du bien et du mal. On retrouve la filiation d’une telle vision de l’extrême Ouest américain dans le protestantisme puritain militant, qui prônait le retour à la terre promise en tant que peuple élu. À cet égard, la doctrine Monroe est une transposition politique et sécularisée d’une telle mentalité américaine sécessionniste. On pourrait dire que dans ce contexte la prophétie de Hegel s’est réalisée : « L’Amérique s’opposera à l’Europe dès qu’elle aura conquis les pays continentaux de la frontière occidentale de l’océan Pacifique. » Ainsi, ceux qui identifient aujourd’hui l’Europe à l’Occident, en dépit des discours philosophiques et historiques fondamentalement divergents, accepteraient consciemment ou inconsciemment la vision américaine du monde qui cherche à intégrer l’Europe dans la nouvelle matrice de l’Extrême-Occident (États-Unis et sphère mondialiste). D’autre part, le principal vecteur d’« occidentalisation » dans le monde et pas seulement en Europe réside dans le soft power de l’idéologie techno-utopiste californienne qui se diffuse par le biais d’une disruption technologique permanente et qui parachève le vaste processus de colonisation de l’imaginaire européen depuis la première modernité jusqu’à nos jours.

    Étant donné que l’Occident d’aujourd’hui constitue un système-monde américano-centré où prédominent l’utilitarisme pragmatique protestant et le rationalisme technoscientifique, l’Extrême-Occident symboliserait « l’âge de fer planétaire » contemporain dont parle Edgard Morin, dans lequel les processus et phénomènes accélérés de modernité et de postmodernité métastasent, conduisant à des extrêmes (anomie sociale, liberté réduite à un code de consommation, règne de la quantité, primauté de l’économie et de l’utilitarisme dans toutes les sphères de la vie, etc.) qui se manifestent dans les mégalopoles occidentales, de Londres et New York à Tokyo. Un Occident qui, s’étant détaché du centre spirituel incarnant le « nomos européen » et la continentalité tellurique schmittienne, intègre au contraire et promeut la fluidité néo-libérale, une civilisation technoscientifique dévastatrice. Cet Extrême-Occident n’est rien d’autre que le reflet d’une image pervertie, voire inversée, de l’esprit européen qui, quelque part au tournant du xvie siècle, avec la pénétration de l’interprétation protestante-humaniste du monde et la lutte contre la Renaissance chrétienne et le platonisme, a donné naissance aux Lumières, sous l’influence de l’empirisme anglo-saxon et du positivisme libéral. C’était l’époque où, avec le processus de sécularisation d’individualisation, la spiritualité, la politique, la culture et l’éthique se dissolvaient déjà de l’intérieur, processus du « désenchantement du monde » évoqué par Weber.

    Y a-t-il alors selon vous un sens à donner à la résistance face à ce processus de déclin de l’Occident ?

    On le voit bien, l’Extrême-Occident est une dynamique de flux sans territoire et limites précises, car, depuis la chute de l’Union soviétique, la délimitation de « l’aire occidentale » en tant qu’espace de culture commune s’est élargie, mais elle reste mouvante selon les circonstances et les points de vue, surtout si l’on prend en compte les mouvements d’immigration massive et les bouleversements démographiques au niveau global. Les pays ou les régions qui constituent à l’heure actuelle l’Occident ne peuvent pas être identifiés de manière fixe : ceci en raison du fait que la notion même d’Occident renvoie à des dimensions culturelles, idéologiques, politiques, économiques et sociales diverses et difficiles à définir. Même si certains pays sont fréquemment associés à la notion d’Occident : l’Europe de l’Ouest et l’Europe centrale, mais aussi les anciennes colonies d’outre-mer car elles sont encore majoritairement peuplées d’Européens (Amérique du Nord, Australie et Nouvelle-Zélande), et il se pourrait bien que, dans quelques années, l’Occident au gré des brassages culturels et des bouleversements démographiques corresponde à une vaste zone géoculturelle indifférenciée de consommation uniforme, où les peuples autochtones et les cultures populaires et nationales auront disparu. La délimitation du concept d’Occident est donc subjective, c’est-à-dire qu’elle dépend de la périodisation, des interlocuteurs et des circonstances historiques. L’Occident impérial durant l’Antiquité tardive (Imperium romanum, pars occidentalis) n’est pas celui de l’Occident du Moyen Âge, de la Res publica christiana, l’Occident de la Révolution française était la négation de l’Occident chrétien monarchiste, tout comme l’Occident de la modernité industrielle du début du xxe siècle n’a rien à voir avec l’Occident postnational du xxie siècle. À travers ce vaste mouvement historique de mutation de l’idée occidentale, l’occidentalisation en tant que fer de lance idéologique de la modernité progressiste révolutionnaire a plutôt agi à l’encontre de l’Europe en tant que communauté organique et charnelle. L’Occident ayant embrassé le discours dominant mondialiste, libéral et sansfrontiériste, était devenu le principal agent de dissolution et de dépossession identitaire et culturelle des peuples européens. Le sentiment contemporain de dépossession et d’insécurité culturelle des sociétés européennes s’inscrit donc dans cette continuité de dissolution. C’est aussi pourquoi certaines nations extra-européennes et perdantes de la mondialisation réagissent à la « Westoxification » (empoisonnement par l’Occident) de leurs sociétés.

    Il y a d’autre part dans le terme Occident emprunté au latin occidens quelque chose de fataliste et de prémonitoire, puisqu’il est composé de cadere qui signifie « tomber, choir », « succomber, périr », ce qui supposerait que l’Occident (traduire littéralement « soleil couchant ») porterait en soi dès les origines les germes de son propre déclin et c’est ce qu’avait développé Spengler dans Le Déclin de l’Occident à travers la démesure de sa phase faustienne, la mécanisation du monde étant entrée dans une phase d’hypertension périlleuse. Les symptômes de la décadence de la modernité : le désenchantement du monde, sa quantification, sa mécanisation, l’abstraction rationaliste et la dissolution des liens sociaux, ont été consommés il y a longtemps, que le mal postmoderne accentue sous les formes nouvelles et délétères d’un nouveau progrès technofuturiste du transhumanisme, du wokisme, l’indifférenciation des genres, mais ce qui est nouveau c’est que ce même processus déliquescent dilue en quelque sorte les maux de la modernité, tout en liquidant toute foi en un projet reconstructeur ou refondationniste. Ce mal est par essence un mal postgénérationnel, posthistorique, puisqu’il s’efforce de dissoudre l’idée même de responsabilité et de transmission générationnelle. Ne pas s’attaquer aux racines du mal reviendrait à reconduire les effets déliquescents. Alors, l’ultime posture subversive (voire restauratrice ou patrimonialiste), se réduira à sauver en quelque sorte les « pots cassés » de ce qu’il reste de l’identité européenne. Sauvegarder les restes d’une culture occidentale muséifiée sans ressort vital, et se faire les gardiens d’un patrimoine, d’un héritage sans héritiers. Le dissident, le rebelle se transformerait alors en archiviste de musée, faisant l’inventaire des lieux « avant liquidation » en attendant la fermeture définitive.

    Jure Georges Vujic (Polémia, 14 décembre 2022)

     
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  • Encore l'Occident...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une longue intervention de Julien Rochedy consacrée à la supériorité de l'Occident... Un Occident qui recouvre dans son esprit l'Europe de l'ouest et l'Amérique du nord...

    Publiciste et essayiste, Julien Rochedy, qui est une figure montante de la mouvance conservatrice et identitaire, a déjà publié plusieurs essais dont Nietzsche l'actuelL'amour et la guerre - Répondre au féminisme et Philosophie de droite.

     

                                             

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  • Sommes-nous des "Occidentaux" ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une mise au point de Laurent Ozon, cueillie sur sa boucle Telegram et consacrée au débat qui monte dans les milieux identitaires sur la question de l'Occident...

    Essayiste et analyste politique, tenant d'une écologie localiste et identitaire, premier promoteur de l'idée de remigration, Laurent Ozon est l'auteur de l'excellent essai intitulé France, années décisives (Bios, 2015).

     

     

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    Sommes -nous des "Occidentaux" ?

    Pour répondre à cette question il faut préalablement définir le sens de ce concept. Il y a plusieurs définitions de ce qu'est l'Occident. La première : l'Occident c'est ce qui est à l'Ouest. A l'ouest de quoi ? Chez les platistes ou dans un monde qui n'a pas compris la rotondité de la terre et découvert l'Amérique ça peut se défendre. Genre au 14e siècle. Parce que depuis, nous savons que nous sommes à l'Est des États-Unis qui sont eux-mêmes à l'Est de la Chine et personne n'imagine nommer la Chine "Occident" pour autant. Définition foireuse, on oublie ! . Deuxième justification possible : Si on nous appelle "occidentaux" et nos pays l'Occident alors nous sommes l'Occident. Que cela soit imprécis et daté peu importe, c'est une convention de language qu'il faut accepter. Curieux pour des personnes qui se disent identitaires, de se laisser nommer et définir par d'autres non ? Mais il y a des précédents dans l'histoire et peu flatteurs (Deutsch, Slave, etc.). C'est évidemment un argument très faible d'autant qu'il faut avoir peu voyagé pour croire que ce vocable est si souvent utilisé pour nous définir à l'étranger. On pourrait par ailleurs s'étendre sur le processus mimétique identitaire et ses renforcements sous contraintes conflictuelles mais ce n'est pas le sujet. Pour les "occidentistes" donc, l'Occident est un mot ancien que nous devrions utiliser autrement aujourd'hui pour nous désigner, pour désigner la civilisation commune qui s'étend de l'Amérique du Nord à l'Europe de l'Ouest. Peu importe le sens initial de ce mot, l'important c'est ce que nous voudrions qu'il dise. Nous partagerions une civilisation avec les États-Unis et le Canada et par acte affirmatif, nous décidons d'appeler ça "Occident !

    On a là un truc intéressant.

    D'où quelques questions : sommes-nous réellement le même bloc ethno-civilisationnel que les États-Unis ? Que nous soyons "etatsuniés" culturellement depuis quelques décennies comme d'autres pays et peuples dans le monde c'est indéniable. Mais est-ce notre identité ? Est-ce notre culture ? Est-ce notre histoire ? Est-ce notre géographie ? Sont-ce nos intérêts ? N'avons-nous pas de proximité civilisationnelle, géographique, culturelle, religieuse, ethno-culturelle ou d'intérêts communs avec la Russie qui n'est pas l'Occident ? Avec les autres pays méditerranéens qui ne sont pas l'Occident ? La Finlande, l'Australie ou l'Ukraine sont-elles "occidentales" ? La Géorgie est-elle "occidentale" ? Nous sommes un pays de longue culture catholique et l'Amérique du sud est principalement de culture catholique est-elle"occidentale" ? Israël qui est à l'Est du Maroc, est-il un pays occidental ?

    On aurait certainement beaucoup étonné Goethe, Copernic, Hypathie d'Alexandrie, Vernadsky, Rabelais ou Cervantès, Nietzsche ou Selma Lagerlöf, Léonard de Vinci ou Archimède en les qualifiant d'occidentaux. Claude Monnet "occidental"? Martin Heidegger "occidental" ? Napoléon ou Bismarck "occidentaux" ?

    Mais bon, revenons à nos moutons. Après avoir répondu à ces questions on arrive évidemment à un constat : "ok ce n'est pas un concept géographique, culturel, religieux, ou d'intérêts, c'est un ensemble techno-economique et ethnique partageant des valeurs communes".

    On avance.

    Il n'est donc pas question de religion, de géographie, d'histoire ni même réellement de culture. On désignerait alors par "Occident" le "monde blanc-caucasien" moderne et ceux qui portent la volonté de s'y agréger et qui sont de souches caucasiennes.

    Précision : on dit "blanc" chez les WASP, ce qui met hors-jeu les méditerranéens qui parlent français ("Speake White !"), qu'ils portent ou non des chemises hawaïenne. Il faut évidemment que ces "blancs" (on en reparlera aussi de ça) soient non musulmans. pourquoi non-musulmans et non non-juifs ou non-boudhistes ? Parce que nous serions en guerre "à mort" avec le "monde musulman" (l'Indonésie aussi ?) ou le "tiers-monde" (concept remis au goût du jour récemment : en clair tout ce qui n'est pas "occidental").

    Donc poursuivons! Peu importe la culture, la géographie, l'histoire, la continuité territoriale,. Un Occidental serait un habitant blanc de l'Occident, non-musulman, non-russe. Ainsi, selon cette définition, BHL est bien-sûr plus "occidental" que Éric Zemmour (oui, et on n'est pas assimilationniste normalement si on est essentialiste). Patrick Bruel ou Kim Kardashian sont plus "occidentaux" que le pianiste russe Alexandre Malofeev. Sympa.

    Bref, n'en jetons plus. Le concept d' "Occident" peut à la rigueur désigner la continuité transnationale du monde anglo-saxon judéo-chrétien (mieux vaudrait donc le désigner directement ainsi) et toutes ses colonies mentales et économiques (mais un identitaire ne peut se définir comme un colonisé n'est-ce pas ?). Mais pour un Français, un Polonais, un Serbe ou un Allemand, bref, pour nous, ce concept ne dit rien de ce que nous sommes, de qui sont nos amis, nos frères en culture ou en spiritualité, de qui sont nos partenaires, de ce qu'est notre culture et notre histoire, des dynamiques économiques, technologiques, politiques que nous devons suivre.

    Le concept d'Occident désigne un périmètre de soumission. Se dire "occidental" dans le contexte actuel c'est ni plus ni moins plier le genou comme un vulgaire joueur de foot de l'équipe d'Angleterre, devant une puissance impériale et messianique dirigée par une élite corrompue et toxique. Se dire "occidental" c'est aussi se mutiler de notre histoire méditerranéenne, eurasienne et nier notre culture profonde.

    Les valeurs de cet occident parlons-en ! Le seul occident réel actuel (puisque tous les autres critères doivent êtres oubliés pour une définition immédiate qui se croit pragmatique), c'est la Cancel Culture. L'Occident réel est un empire moribond qui ne tient debout que grâce à une dette abyssale tirée sur le travail et les ressources du monde par un budget militaire phénoménal et une industrie médiatique du mensonge. L'Occident réel, ce sont les milliardaires de la Silicon Valley qui se font construire des bunker en Nouvelle-Zélande. L'Occident réel c'est un complexe de transnationales contrôlées par des mafias financières qui détruisent nos peuples, notre économie, nos libertés, notre santé, nos cultures.

    Alors qui sommes nous ? Des enfants, des pères, des habitants d'un lieu, issus de familles qui vivent ici depuis des centaines voire des milliers d'années. Elles ont des noms, nos pays et nos langues en ont déjà aussi.

    Occidental ? Pour faire la guerre à qui et pour le compte de qui ? Se dire "occidental" aujourd'hui, c'est se dire colonisé, soumis et heureux de l'être. Se dire occidental quand on est un Français ou un Européen, c'est passer à l'ennemi.

    Laurent Ozon (Boucle Telegram Ozon, 7 décembre 2022)

     

    PS : Pour répondre à l'objection "réduire les USA à leurs élites toxiques c'est gênant". En effet, nous avons les mêmes chez nous, mais ce n'est pas le sujet en fait. Nous pouvons avoir de la sympathie et des affinités avec des individus de toutes les parties du monde mais le sujet ici est "Sommes nous des Occidentaux?" et non "Puis-je avoir des potes dans le Minnesota ?".

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  • Houellebecq – Onfray : la rencontre...

    La revue Front populaire vient de sortir son troisième numéro hors-série, qui comprend un grand entretien entre Michel Houellebecq et Michel Onfray.

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    " Deux hommes, un philosophe et un écrivain, réunis pour une rencontre au sommet. Michel Onfray et Michel Houellebecq, observateurs attentifs de notre époque, de ses mœurs, des grandes dynamiques à l'œuvre et des périls que nos civilisations encourrent, se sont retrouvés pour une longue et riche discussion.

    Décadence, peine de mort, grand remplacement, islam, transhumanisme, féminisme, spiritualité, euthanasie... Lors de cette rencontre exceptionnelle, tous les grands thèmes contemporains sont passés en revue par deux figures majeures de notre temps. "

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  • Le déclin d’un monde...

    Les éditions de L'Artilleur viennent de publier un essai de Jean-Baptiste Noé intitulé Le déclin d'un monde - Géopolitique des affrontements et des rivalités en 2023. Docteur en histoire économique, l'auteur est rédacteur en chef de la revue Conflits.

     

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    " L’Occident n’a plus le monopole de la puissance. Le rêve universaliste, en vigueur deux siècles durant, s’estompe, laissant place à un monde fragmenté. En ce premier quart du XXIème siècle, les affrontements et les rivalités sont multiples : militaires et politiques bien sûr, mais aussi économiques et civilisationnels. Luttes pour le contrôle des énergies, guerre des monnaies, militarisation de l’Asie, affrontement de la Chine et des États-Unis, de la Russie et de l’Occident par pays interposés ; partout, les épées sont sorties et l’Europe est déjà l’un des principaux champs de bataille.

    En convoquant la pensée des grands auteurs et stratèges, Jean-Baptiste Noé brosse le portrait d’un ancien monde en déclin qui annonce une nouvelle ère pour l’Occident.

    S’appuyant sur les recherches menées par la revue Conflits et sur 40 cartes qui illustrent ses démonstrations, il propose une analyse novatrice de la géopolitique pour mieux appréhender le nouveau monde qui émerge. "

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  • Guerre d’Ukraine, l’impasse intellectuelle...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Maxime Tandonnet, cueilli sur son blog personnel et consacré à la guerre en Ukraine et à l'impasse intellectuelle dans laquelle se trouve l'occident.

    Ancien haut-fonctionnaire, spécialiste des questions d'immigration, et désormais enseignant, Maxime Tandonnet a été conseiller à l’Élysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il a donné un témoignage lucide et éclairant de cette expérience dans Au cœur du volcan (Flammarion, 2014). Il a également publié des biographies d'André Tardieu (Perrin, 2019) et de Georges Bidault (Perrin, 2022).

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    Guerre d’Ukraine, l’impasse intellectuelle

    L’un des grands problèmes de ce conflit tient au déclin intellectuel du monde occidental. Les débats sur les chaînes d’information en sont une illustration. Voyez par exemple la sottise des stratèges de plateau, comme nous avions jusqu’alors des médecins de plateau au plus fort de l’épidémie de covid. Et même parfois les mêmes: ils vont récupérer d’anciens médecins de plateau pour commenter la guerre d’Ukraine! Tout se passe comme si l’une des causes de l’impasse tenait à l’affaiblissement de la capacité à penser les choses. Il ne se trouve presque personne, ou bien peu de monde, pour réfléchir, apporter une lueur d’intelligence dans ce conflit. Ou alors, ceux qui s’y essayent sont marginalisés, ignorés, insultés.

    Depuis le début de cette guerre la position du monde occidental est entre deux chaises. Elle s’éloigne du principe de réalité pour se soumettre à l’émotionnel. Car de fait, pour en sortir, car il faut bien sortir un jour ou l’autre d’une guerre – il existe deux possibilités:

    Soit l’occident estime que l’un de ses intérêts vitaux est menacé par l’annexion les 4 régions russophones ukrainiennes par la Russie et il choisit de les reconquérir – en y ajoutant peut-être la Crimée. Dans ce cas, il doit entrer ouvertement en guerre contre la Russie, former une coalition occidentale pour la combattre (comme contre l’Irak en 1991). Cela revient à assumer que des soldats occidentaux vont mourir pour le Donbass, une déflagration majeure, peut-être à terme la mobilisation des jeunes Français non militaires de carrière qui iront eux aussi se faire tuer, des bombardements de villes (nucléaires ou non nucléaires), de gigantesques destructions et pénuries. C’est un choix qui peut avoir sa justification s’il est avéré qu’aucune autre solution [pour des raisons nous échappant] n’est envisageable pour la sécurité du monde occidental et de l’Europe. Il ne peut pas être écarté.

    Soit, l’occident juge que la perte par l’Ukraine de ces quatre régions est certes scandaleuse, monstrueuse au regard du droit international mais qu’elle ne change pas fondamentalement l’avenir de l’Europe et de la planète, en tout cas pas plus que la destruction du Haut Karabakh par l’Azerbaïdjan bientôt l’Arménie, et les massacres qui y sont tout autant commis dans l’indifférence. Il juge que l’hypothèse d’un déferlement de l’armée russe sur l’Europe (comme on le craignait du temps de Staline) ou même une politique de reconquête des pays de l’ex URSS par la Russie est rigoureusement inconcevable pour une armée russe qui piétine depuis sept mois face à l’Ukraine, 50ème puissance mondiale. Il se dit qu’il faudra en finir tôt ou tard avec ce conflit et il s’oriente vers une solution de cessez-le feu, de recherche d’un compromis par la négociation. C’est possible aussi. En tout cas, il n’est pas interdit d’y réfléchir.

    Les deux sont possibles, la première comme la seconde. Aucune des deux ne doit être écartée. Mais parfois, il faut faire des choix et les assumer en prenant des risques.

    La formule actuelle, entre deux chaises, est absurde, signe d’indécision à l’image du pathétique de M. Biden. Elle consiste à ne pas combattre soi-même, mais à armer l’Ukraine pour combattre la Russie par procuration. Cette position n’a rien d’antimunichois. A Munich, la question était de céder à Hitler ou de prendre soi-même les armes contre lui. En occident, nul ne parle aujourd’hui d’entrer soi-même en guerre contre la Russie – de mourir pour le Dombass – et d’envoyer la jeunesse occidentale (nos enfants) se faire tuer. Non. Le principe est de combattre Poutine avec les armes de l’occident et le sang des Ukrainiens. C’est toute autre chose que de résister soi- même.

    Et dans quel but? Le rêve des occidentaux est au fond, grâce au sang versé des ukrainiens, d’acculer Poutine à sa perte et à sa chute. Mais après, en admettant même que cette issue soit réaliste? Imagine-t-on que d’aimables pro-occidentaux vont lui succéder pour rendre la Crimée et le Donbass et tendre les bras à l’occident? Douteux… Quant à l’idée de battre la Russie militairement – avec les armes occidentales et le sang ukrainien – la forcer à reculer, abattre son régime peut-être même en allant chercher Poutine jusqu’à Moscou pour le faire juger comme tant de belles consciences le réclament (un peu comme Saddam Hussein) cela revient à faire fi de l’histoire et de ce qu’il en a coûté à tous ceux qui ont voulu terrasser l’immense Russie dans le passé… Dans l’histoire, bien d’autres stratèges ont parié un peu vite sur une chute d’un régime russe (ou soviétique).

    Maxime Tandonnet (Blog de Maxime Tandonnet, 1er octobre 2022)

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