Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Métapo infos - Page 251

  • Le virus « woke », une nouvelle épidémie mortelle ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Johan Hardoy cueilli sur Polémia et consacré à l'épidémie « woke ».

     

    wokisme 2.jpg

    Le virus « woke », une nouvelle épidémie mortelle ?

    Après la prolifération du virus chinois, voici désormais qu’un vent mauvais venu d’Amérique nous amène une autre épidémie, d’ordre culturel cette fois : le woke. Des auteurs de sensibilités diverses ont entrepris de comprendre l’origine et le développement de cette contagion, comme la journaliste franco-américaine Anne Toulouse, auteur de deux livres sur Donald Trump, et le jeune philosophe marxiste Loïc Chaigneau. Ce dernier est ouvert au dialogue, comme l’attestent des débats de qualité (visibles sur Internet) menés notamment avec Pierre-Yves Rougeyron, le président du think tank souverainiste Cercle Aristote.

    Une origine certifiée française

    De même que le laboratoire de virologie P4 de Wuhan, l’ancêtre de l’idéologie woke est un produit d’importation d’origine française ! En effet, à partir des années 1970, un courant philosophique postmoderne, la French Theory, a prospéré dans les universités américaines après avoir été inspiré par les œuvres du couple existentialiste formé par Sartre et Simone de Beauvoir, ainsi que par les penseurs de la « déconstruction » Foucault, Deleuze, Derrida, Lyotard et consorts.

    Nos philosophes peuvent donc légitimement revendiquer la paternité (ou la maternité !) d’une théorie qui revient en France comme un boomerang après son américanisation dans les campus.

    Les nouveaux Gardes rouges

    Le mot woke, issu de l’argot afro-américain, s’est répandu outre-Atlantique dans le contexte historique de la lutte pour les droits des Noirs. Ce terme désigne le fait d’être en alerte face aux discriminations de toutes sortes concernant les minorités ethniques et sexuelles.

    Comme l’on sait, les partisans du wokisme manifestent une hostilité radicale qui tourne très rapidement à l’hystérie à l’encontre de ses opposants, voire même contre ceux qui se contentent simplement d’exprimer une opinion jugée déviante.

    Une de leurs cibles principale consiste à éradiquer ce qu’ils nomment l’eurocentrisme de l’enseignement. Selon la Critical Race Theory (CRT), les programmes éducatifs, y compris les mathématiques, désavantagent les minorités au profit de la classe dominante blanche. Il conviendrait donc d’adapter le contenu des cours et l’évaluation des performances en fonction de l’origine ethnique des élèves.

    Le succès croissant de cette idéologie dans les universités américaines entraîne les conséquences les plus déconcertantes. Un professeur d’UCLA (Californie) a ainsi été suspendu parce qu’il avait refusé de noter avec indulgence les étudiants noirs censés être traumatisés après la mort de George Floyd. Dans l’université d’Evergreen (État de Washington), les Blancs ont été exclus temporairement pour éviter qu’ils interfèrent dans une discussion sur le racisme.

    Par ailleurs, des statues, des monuments et des drapeaux sudistes sont régulièrement retirés de la vue du public tandis que des centaines d’écoles et de rues sont rebaptisées.

    Des clubs sportifs changent également de nom. Les Redskins, une célèbre équipe de football américain, se nomme désormais « équipe de football de Washington » pour ne pas indisposer les premiers habitants du pays.

    Un langage totalitaire

    Outre l’utilisation de l’écriture inclusive, les idéologues de l’intersectionnalité (discrimination pour au moins deux motifs qui interagissent) emploient leur propre jargon pour désigner leur conception du monde et leurs modes d’actions :

    • « It’s not funny » : expression désignant une plaisanterie pouvant heurter une sensibilité ;
    • « call out » : interpellation pour attirer l’attention sur les transgressions ;
    • « shaming » : faire honte lors d’une transgression ;
    • « shunning » : ostracisation après une transgression ;
    • « doxing » : divulgation d’informations personnelles ;
    • « cancel culture » : « effacement » d’un individu ou d’une entreprise ayant transgressé les normes tolérées.

    En outre, « iels » (en écriture inclusive) réprouvent absolument :

    • « l’appropriation » : emprunt à une culture minoritaire ;
    • les « triggers » : déclencheurs de réaction émotionnelle négative chez les personnes censées être discriminées ;
    • le « dead naming » : emploi du nom de naissance d’une personne ayant changé de sexe ;
    • l’« othering » : formulation pouvant faire sentir à autrui qu’il est différent ;
    • le « colorblind » : négation des couleurs et des discriminations afférentes ;
    • le « white privilege » : ceux qui naissent avec la peau blanche héritent d’une série d’avantages immérités quelle que soit leur situation sociale ;
    • le « racisme systémique » : les Blancs sont de façon inhérente coupables d’un racisme qu’ils cherchent à perpétuer en dépit des lois. Ce concept a été repris par Joe Biden lui-même lors de son discours inaugural, à rebours de son prédécesseur démocrate Barack Obama qui a dénoncé l’activisme woke pendant et après sa présidence.

    Marx n’est pas woke

    De son point de vue marxiste, Loïc Chaigneau insiste sur l’opposition entre l’idéologie woke et les présupposés universalistes du matérialisme dialectique et historique, même s’il s’agit dans les deux cas de faire table rase du passé.

    Selon lui, le woke, cet « idéalisme déguisé en post-marxisme » n’a rien conservé des doctrines de Hegel et de Marx. Au contraire, ses tenants postmodernistes « de gauche » proclament la fin des « grands récits » et envisagent le capitalisme comme un horizon indépassable.

    De fait, « l’intellectuel de gauche verse dans le subjectivisme du libéralisme-libertaire, loin des problématiques crasseuses de classes ». Invité dans les meilleures pages des magazines people, celui-ci évite soigneusement toute critique de l’impérialisme et du capitalisme « en prétextant qu’il est impossible d’en dire quoi que ce soit si ce n’est des éléments disparates et marginaux jamais constitués en classes objectives : le sexe, le genre, la race, l’animal… ». Cette prétention d’agir pour le changement des mentalités, sans jamais envisager la réalité matérielle des individus qui développent ces représentations, ne coûte rien au grand capital.

    « Le discours de l’intersectionnalité, sous couvert de se présenter comme émancipateur, essentialise finalement les rapports sociaux ». Une chanteuse noire « peut se dire victime de multiples oppressions et discriminations, ce qui ne l’empêche pas de remplir des salles de concert, d’être présente sur de nombreux plateaux de télévision, d’avoir grandi dans le luxe, etc. ». Dans le même temps, des ouvriers sont considérés comme des privilégiés parce que blancs de peau, et, à rebours de toute rationalité, « tout homme blanc qui s’exprime sur le racisme est d’emblée considéré comme illégitime puisqu’il ne pourrait pas porter de raisonnement objectif sur sa condition ».

    Loin d’agir pour l’émancipation des travailleurs, la gauche libertaire se révèle donc comme l’alliée objective de la droite néolibérale et mondialiste, ce qui explique que l’Open Society Institute du milliardaire George Soros finance, parmi d’autres fondations dites philanthropiques, les associations promouvant l’intersectionnalité.

    La France est-elle immunisée ?

    En 2014, « l’ABCD de l’égalité », le programme d’enseignement proposé par la ministre Najat Vallaud-Belkacem pour lutter contre le sexisme et les stéréotypes de genre, avait été accusé de promouvoir la « théorie du genre », mais ce n’est que sept ans plus tard qu’est apparu un débat public sur le wokisme à l’université, après la suspension et le placement sous protection policière de Klaus Kinzler, un professeur de Sciences Po Grenoble accusé d’« islamophobie ».

    L’an dernier, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a créé un Observatoire républicain pour lutter contre le woke et la cancel culture.

    Diverses sensibilités politiques convergent donc vers une critique argumentée du wokisme, ce qui semble indiquer que notre pays possèderait une immunité culturelle lui assurant une certaine résistance contre un virus qui prospère dans les sociétés anglo-saxonne orientée vers le néolibéralisme et le communautarisme.

    Quelques signes avant-coureurs se révèlent pourtant préoccupants : Sciences Po a d’ores et déjà adopté l’écriture inclusive, le Robert a validé le « iel » et Sandrine Rousseau déblatère quotidiennement dans les médias…

    [De notre point de vue, la terminologie woke n’est pas sans rappeler le « langage totalitaire » observé en son temps par Victor Klemperer pour désigner une formulation excluant toute pensée divergente et appelant à l’anéantissement de toute altérité.

    Pour prévenir l’épidémie, il conviendra donc, comme Polémia le fait déjà au sujet de la novlangue politique et médiatique, de décrypter consciencieusement le jargon woke ! ]

    Johan Hardoy (Polémia, 9 novembre 2022)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • La Kryptie : les services secrets de Sparte...

    Les éditions Dualpha viennent de publier une étude historique de Jean Bataille intitulé Kryptie - Les services secrets de Sparte, avec une préface du grand indo-européaniste Jean Haudry. Jean Bataille a mené une carrière dans les services de police en charge du renseignement.

     

    Bataille_Kryptie.jpg

    " Est-ce que les grecs qui ont tout inventé en matière de philosophie, de mathématiques, de médecine, de navigation, d’architecture avaient aussi une pratique sophistiquée de la fonction secrète ? Sparte, système d’ordre conçu pour « être et durer » créa des formes politiques originales qui lui permirent de combattre impitoyablement tout ce qui pouvait présenter un danger pour l’État. Elle y intégra la fonction secrète par obligation comme un mal nécessaire à la survie de la cité pour au départ combattre la guérilla des Messéniens. Elle l’organisa, la mit en pratique et lui donna un nom, Kryptie.

    La Kryptie des Spartiates aura suscité les commentaires les plus divers des spécialistes du monde grec antique sans qu’une réponse précise et globale soit apportée. L’étude de la Kryptie aura occupée l’auteur une quinzaine d’année et il pense avoir résolu l’énigme en partie.

    En partie seulement car la Kryptie des spartiates, spécialisation de la métis des anciens grecs complétée par une utilisation efficace de la violence est, suivant l’expression de Jean-Pierre Vernant « une réalité qui se projette sur une pluralité de plans, une grande catégorie de l’esprit,… un certain type d’intelligence engagée dans la pratique, affrontée à des obstacles qu’il faut dominer en rusant pour obtenir le succès dans les domaines les plus divers de l’action. Une intelligence rusée, une astuce adaptée et efficace mise en œuvre, sans formulation explicite, ni analyse en termes de concept. »

    Le génie de Sparte, puissance continentale, se manifeste ici encore avec éclat car, non seulement elle aura dominé les affrontements hoplitiques de son temps, mais grâce à la Kryptie, avec peu de moyens, elle réussira à abattre Athènes, la thalassocratie qui voulait la rayer de la carte J’ajoute que cette thèse est une arme de guerre psychologique contre les contempteurs acharnés de Lacédémone ainsi qu’une des formes de l’action psychologique au bénéfice de notre camp. "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • La question climatique : un état des lieux...

    A l'occasion de la COP27, il est intéressant de (re)découvrir cet exposé de Laurent Ozon diffusé en février 2021 sur son canal d'expression Odyssée, et consacré à la question climatique.

    Essayiste et analyste politique, tenant d'une écologie localiste et identitaire, premier promoteur de l'idée de remigration, Laurent Ozon est l'auteur de l'excellent essai intitulé France, années décisives (Bios, 2015).

     

                                               

    Lien permanent Catégories : Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Comment la nature fait science...

    Les éditions Wildproject viennent de publier un essai de Kinji Imanishi intitulé Comment la nature fait science.

    Ecologiste, anthropologue et primatologue japonais, mort en 1992, Kinji Imanishi est l'auteur d'une théorie écologique de l'évolution. Le même éditeur a déjà publié deux autre de ses essais, Le monde des êtres vivants (2011) et La liberté dans l'évolution (2015).

    Imanishi_Comment la nature fait science.jpg

    Dans ce livre-testament, Imanishi appelle – contre les sciences occidentales – à l’émergence d’une véritable science naturelle, qui rende justice à la vie concrète des êtres vivants et à leur créativité.

    « Écosystèmes », « populations », « communautés »… : les notions fondamentales de l’écologie décrivent mal, selon lui, la réalité de la vie sur Terre. À la fin de sa vie, ce pionnier mondial rompt avec ce qu’est devenue l’écologie scientifique – et esquisse les principes d’une autre science, basée sur le terrain et l’intuition, qui appréhende la nature de l’intérieur.

    Par sa « sociologie du vivant », il a élevé le rang des animaux en montrant leur qualité de sujet et leur créativité. Par-delà le morcellement croissant des sciences, il forge ici de nouvelles
    notions – dialoguant avec Charles Darwin, Arthur Tansley, Eugene Odum, Carl Gustav Jung, Lao Tseu et d’autres encore.

    Il avance notamment l’idée de la « proto-identité » : un sentiment de soi et de son lieu, un « je sens donc je suis » qui nous intègre à tous les vivants.

    « Je dis ‘je sens, donc je suis’. Comme ça, on inclut les animaux. La personne qui dit ‘je pense, donc je suis’ est toute seule. Même si ce n’est pas de l’autisme, cette personne s’aliène de toute société. En revanche, dire ‘je sens, donc je suis’ ouvre un monde, et cela inclut toutes sortes de choses. »

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • De la sécession intérieure à la reconquête...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la contribution du pôle étude de l'Institut Iliade au colloque d'Academia Christiana consacré à la question de la sécession qui s'est déroulé le 5 novembre  2022 à Paris.

    Iliade_Pôle étude.jpg

    Rester ce que nous sommes. De la sécession intérieure à la reconquête

    Sécession ou reconquête ? Pour bien comprendre le sens de la question que posent aujourd’hui nos partenaires d’Academia Christiana, il faut revenir a minima sur la signification de ces deux mots. « Reconquérir » signifie récupérer par la lutte ce que l’on nous a pris. « Faire sécession » signifie au contraire s’exclure volontairement de quelque chose qui nous appartenait, mais dans lequel nous ne nous reconnaissons plus, quelque chose qui nous est devenu insupportable, peut-être justement parce qu’il nous a été pris d’une manière ou d’une autre. Faire sécession, c’est donc affirmer vouloir se séparer d’une partie de nous-même pour masquer discrètement le fait que nous ne sommes plus capables de la maintenir en l’état hic et nunc. Par comparaison, choisir la sécession plutôt que la reconquête, c’est donc préférer une forme de fuite discrète à une « extension du domaine de la lutte », notamment quand une voie plus facile suggère qu’elle pourrait être perdue d’avance. Cette façon d’envisager l’action est évidemment totalement incompatible avec les positions de l’Institut Iliade, qui affirme au contraire son objectif de reconquête intégrale. Mais elle est également contre-productive, pour ne pas dire incohérente.

    Faire sécession, nous venons de le dire, implique une séparation vers quelque chose d’autre qui, par définition, sera nécessairement différent. Or, l’objectif n’est pas de devenir différent, mais de le rester : être ce que nous sommes où nous sommes, en revendiquant ce que d’autres appelleraient un « droit à la continuité historique », au sein des territoires qui ont justement été construits à travers cette continuité historique en la véhiculant concrètement. Qui sommes-nous sans les paysages, les villes où les quartiers qui nous ont vu naître ? Des déracinés ? Des migrants ? L’allusion paraît facile, mais il est également très facile de la solidifier par l’exemple. Historiquement, il existe en effet deux façons d’envisager concrètement la sécession.

    La première est aujourd’hui assez éloignée de nos préoccupations contemporaines, mais elle reste essentielle pour la démonstration. Elle fait référence aux communautés confessionnelles qui, à l’époque moderne, ont pris le chemin d’une expatriation lointaine et durable. Historiquement, on ne peut nier que pour les quakers anglais ou les anabaptistes de l’espace germanique, le départ outre-Atlantique a été l’occasion de créer ailleurs un Nouveau monde, susceptible de transcrire leurs idéaux dans une réalité vierge. Deux questions émergent de ce constat : 1. Avaient-ils le choix ? ; 2. Qu’ont-ils fait là-bas ? Nous n’avons pas le temps ici de répondre précisément à ces questions, mais il est aujourd’hui clair qu’ils y ont fondé quelque chose qui, étant essentiellement le produit du messianisme vétéro-testamentaire, s’est largement éloigné de la tradition européenne. Par ailleurs, leur utopie de société nouvelle n’a su partiellement se conserver que dans le cadre de communautés fermées, condamné à la mise à distance d’un monde sur lequel ils n’ont pas prise. Il suffit pour cela de penser aux communautés Amish aux États-Unis, ou aux Huttites du Canada.

    Secondement, en France, un autre exemple nous vient des « communautés » artificielles, plus ou moins sectaires, fondées dans les années 1960 et 1970 par une approche dite hippie. Elle souhaitait bâtir une société nouvelle, réunie par une idéologie commune, extrêmement sensible à certaines valeurs, mais à certaines valeurs seulement. Ce faisant, en partant « élever des chèvres dans le Larzac », pour ne prendre que ce cas particulièrement caricatural, elles ont en réalité construit un monde « hors-sol » idéalisé, en opposition au monde « réel » qui a continué à avancer sans elles. Un alter-monde, en somme, soumis à l’adoption de règles logiques perçues comme « supérieures », mais qui se situent en réalité à l’antipode de la complexité qui nous a été transmise depuis l’antiquité grecque, à une époque où la culture européenne n’envisageait pas l’opposition autrement que comme une forme constructive de « complémentarité des contraires ».

    On comprend donc que cette forme de sécession traduit politiquement un des « instincts » de conservation les plus élémentaires : la mise à l’abri, la retraite, la rétraction sur une base vitale. Il s’agit de quitter physiquement une situation devenue intolérable pour un mode de vie plus sécurisant, plus familier, plus apte à s’inscrire avec cohérence dans une certaine vision du monde. Dans le règne animal, cet instinct de préservation, qui consiste à fuir le danger, relève de la capacité de survie. Chez l’être humain en revanche, il ne constitue pas véritablement un instinct de survie, mais plutôt un confort lié à un besoin de stabilité intérieure. D’un point de vue psycho-social, le sécessionnisme apparaît donc comme un escape game collectif visant à recréer ailleurs et à une autre échelle une réalité collective identifiée comme « plus digne ». L’ensemble tient à un seul et même facteur : le sentiment d’impuissance, l’impossibilité de l’action et l’espoir de les recouvrer dans une réalité alternative.

    Ainsi, quand on entend aujourd’hui le gouvernement se poser à lui-même la question de la localisation des migrants, « fraîchement arrivés » (selon l’expression médiatique) dans les campagnes de France, on peut évidemment se demander où s’arrêtera la fuite en avant pour ceux qui sont entrés dans l’engrenage sécessionniste. Nous avons à notre disposition toute la France, puis l’Europe, puis les cinq continents, puis la Terre entière, puis le cosmos et l’espace intersidéral. Autant dire qu’il existe une marge pour organiser de nouveaux flux migratoires à l’ombre du drapeau « No Border ». Face à cette absence théorique de limite, il est donc fondamental de raisonner à la bonne échelle. C’est un souhait légitime que nous devons nous approprier en mobilisant toutes les armes idéologiques, culturelles, économiques, artistiques et politiques qui sont à notre disposition, en sachant pertinemment que certaines ne peuvent être inventées que par nous-même, à travers la pluralité des points de vue que constitue notre héritage européen. Le monde à reconquérir n’est pas ailleurs, il est ici, déjà ébréché par la profondeur des changements que nous lui imposons collectivement et individuellement avec la tenue, le style et le panache qui sont les nôtres.

    Ce que l’on doit regretter in fine, c’est que l’Europe des élites ait déjà elle-même fait sécession face aux valeurs qui sont historiquement les siennes. Comment l’aider dans cet exercice de reconquête tous azimuts ? Pour commencer, on peut évoquer la figure du Rebelle d’Ernst Jünger. S’il lutte contre Léviathan, c’est avant tout dans sa « sécession intérieure » que le Rebelle, par le « recours aux forêts », retrouve sa souveraineté en tant qu’« individu ». Dans toute la profondeur et la subtilité du développement jüngerien, il reste partagé entre une forme de liberté (assimilable ici à la sécession) et une forme de nécessité (ici à la reconquête). La sécession y apparaît avant tout comme une lutte intérieure, une lutte de l’être, une réflexion sur soi-même qui constitue le travail de toute une vie.

    Une sécession « extérieure », sous ses différentes formes, serait une action bien consciente, un choix de vie ou un projet à réaliser. La sécession intérieure, quant à elle, s’apparente davantage à un phénomène inconscient, dont nous sommes moins le sujet que l’objet. De ce fait, nous ne sommes pas en sécession parce que, au terme d’une réflexion ou d’une expérience, nous décidons de rompre avec le monde tel qu’il est. Nous sommes en sécession précisément parce que nous n’adhérons pas à la réalité actuel du monde. En ce sens, notre sécession est un état, et non un acte. On ne fait pas sécession, on est en sécession. Tout l’enjeu consiste donc, et c’est ce qu’il convient de souligner, à ne pas céder à une mise à l’écart superficielle pour fuir ce sentiment de rupture. Il faut au contraire en sonder toute la profondeur, ressentir le vertige de l’abîme tout en continuant à se confronter à la réalité telle qu’elle est. Pour cela, il est nécessaire de donner une orientation à notre sécession, c’est-à-dire un horizon poétique et spirituel capable d’ouvrir la voie à un cheminement intérieur qui réponde aux exigences du combat.

    Pour autant, si l’on envisage l’engagement politique comme la confrontation active au monde réel tel qu’il est, dans toute son hostilité, le recours à un monde préservé par ses grandes permanences (réelles ou abstraites) s’impose comme une nécessité. Et c’est bien là le sens qu’il faut donner à la métaphore du Recours aux forêts. Car une reconquête qui constituerait une lutte factice, sans réel fondement, est vaine. Elle doit au contraire s’inscrire dans la continuité d’un combat intérieur, nourri et orienté par notre longue mémoire.

    En lieu et place d’une sécession trop facile, l’Institut Iliade privilégie donc le ressourcement comme une base arrière privilégiée et mobilisable pour un combat authentique. Le renouement avec les grands espaces, la soustraction aux mécanismes des technostructures, l’immersion dans une convivialité élégante et pacifiée, s’ils présentent toujours un risque de désertion face au combat, doivent justement nous donner le courage et la force de l’emporter. Les grands monastères de l’Occident chrétien n’ont pas été construits pour offrir à quelques-uns la possibilité de cultiver une vie intérieure loin du tumulte du monde. Les moines, depuis leurs monastères, ont donné forme au monde, et toute leur vie spirituelle a été mise au service de ce qu’ils concevaient comme une lutte eschatologique. Aujourd’hui, c’est dans nos villes ou derrière les murs de nos maisons de campagne, dans nos cercles d’amis, à l’ombre des grandes œuvres de la tradition européenne, que se tiennent partout, en secret, les conseils de guerre de la grande reconquête politique et spirituelle.

    Pôle Étude de l’Institut Iliade (Institut Iliade, octobre 2022)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Tour d'horizon... (232)

     

    Au sommaire cette semaine :

    -une émission de France Culture de juillet 2020 sur Ernst Jünger avec Georges-Arthur Goldschmidt, Julien Hervier, François Sureau, Gilbert Merlio et Danièle Beltran-Vidal...

    Ernst Jünger (1895-1998), un indestructible dans la tempête du XXème siècle

    Ernst Jünger 2.jpg

    - la Lettre de Communication & Influence du mois d'octobre dans laquelle Bruno Racouchot interroge Pierre Fayard, universitaire et spécialiste de Sun Tzu, qui invite à repenser le rôle majeur de la ruse - et des stratégies d'influence - dans la démarche stratégique, en privilégiant l'intelligence des situations et des capacités d'adoption et d'invention...

    Chine, ruse et influence : les leçons de Sun Tzu pour nos réflexions stratégiques d'aujourd'hui

    Pierre Fayard.jpg

    Lien permanent Catégories : Tour d'horizon 0 commentaire Pin it!