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Métapo infos - Page 248

  • Un contrat avec le monde rural ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré au monde rural.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

     

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    Un contrat avec le monde rural ?

    Première ministre en sursis, Élisabeth Borne fait part de la volonté de son gouvernement de conclure un nouveau contrat avec le monde rural. A-t-elle lu le Manifeste des Localistes ?

    Le Président Emmanuel Macron, les gouvernements qu’il a choisis, le Premier ministre, ont un problème avec le monde rural. Croire qu’ils vont le résoudre avec quelques mesures tombées d’en haut, comme on fait l’aumône aux manants, les 180 mesures d’un projet passé, les 40 mesures du contrat annoncé, c’est se moquer. Car si les problèmes des habitants du monde rural sont bien réels et concrets, et si ce sont des problèmes de pouvoir d’achat, de sécurité, de santé, d’environnement, problèmes sociaux qui n’ont rien de si différent des problèmes des urbains, la question majeure posée par la ruralité est d’une tout autre nature. Elle a trait à l’identité de la France. Les riches et les puissants n’aiment la ruralité que le temps d’une chasse, d’un séjour à la campagne, ou d’une randonnée — comme spectacle et repos. Ils l’ignorent, quand ils ne la méprisent pas, cette France qui veut d’abord demeurer, ces Français qui veulent continuer la France, et qui votent Marine le Pen.

    Les habitants de la ruralité, ceux qui travaillent, cultivent, vivent sur les terres de France, se savent méprisés. Ceux qui les ignorent 11 mois sur 12 les redécouvrent le temps d’une campagne électorale, pour les convaincre de « bien » voter, et se hâtent de rentrer dans leurs palais célébrer le Woke, la transculture, et le monde réduit à l’écran numérique. Les ruraux savent, et ils sentent, que tout est fait pour les villes, les grandes villes, ces métropoles qui se rêvent globales et se veulent sorties des Nations et de la France. Un habitant de Seine Saint Denis se voit attribué en moyenne, trois à quatre fois plus d’argent public qu’un habitant de l’Ardèche ou de Lozère.

    Des transports en commun denses et gratuits aux logements et aux soins de santé tout aussi gratuits et proches, les conditions de vie des migrants qu’accueillent les métropoles bénéficient d’aides et de services publics, sans commune mesure avec les naufragés de la ruralité — allez en Ardèche, en Lozère, en Aveyron ; se déplacer, se soigner, se chauffer, tout y est plus difficile, plus coûteux, plus lent. Comment s’étonner que les uns ne pensent qu’à attirer leur fratrie, quand les autres se sentent laissés pour compte ?

    Tout s’aggrave quand s’abattent des lois devenues folles, qui ajoutent au nom d’une écologie dévoyée à l’abandon l’expulsion. Comment comprendre que des « Verts » s’en prennent aux conditions de vie de la ruralité, quand c’est la métropole qui est une aberration écologique par l’artificialisation qu’elle exige ? Des millions de Français découvrent qu’ils ne pourront plus louer leur maison, leur appartement, qualifiés de « passoire thermique », sans des travaux coûteux, aléatoires, et hors de portée de beaucoup.

    Quand les mêmes découvriront qu’ils ne peuvent plus vendre cette maison ou cet appartement faute d’effectuer les travaux d’isolation requis, aucune belle parole ne pourra éviter un sentiment de dépossession explosif dans un pays où la propriété a signifié liberté. Les mêmes se voient déjà interdire d’accès les centres-ville, et bientôt les agglomérations tout entières s’ils n’ont pas les moyens de changer leur vieux Diesel pour une Tesla. S’ils disposent d’un terrain, même au bout d’une voie non carrossable, ils doivent en assumer un entretien exigeant, sous peine de se voir refuser l’assurance — et l’écopâturage n’est pas la solution partout.

    Et ils commencent à entendre qu’il leur faudra aussi changer leurs habitudes alimentaires, que la liberté de cultiver fruits et légumes, d’élever lapins et poules, sinon chèvres et cochons, pourrait bien se trouver réduite, tandis que les plus de 70 ans, soumis au contrôle périodique de leur permis de conduire, seront de fait réduits à partir en maison de retraite, le retrait de permis signifiant de fait l’expulsion de villages où le plus proche commerce est à dix kilomètres, le service d’urgence à 60 km ou 100 km — quant au médecin de famille, il a depuis longtemps disparu au profit de la santé numérique.

    Ajoutons à cela l’abandon des politiques d’aménagement du territoire, les menaces sur la loi littorale et le recul des pouvoirs des Maires et élus locaux, le refus de mettre à l’étude le Referendum d’initiative locale, la grande manipulation des Conventions nationales et des essais de démocratie directe, et le tableau est achevé — la coupe est pleine. Les ruraux doivent financer le confort social, les services publics et les transports en commun des métropoles, sans en bénéficier en rien eux-mêmes ; l’inégalité territoriale augmente, les campagnes se vident, la France se désole.

    Voilà ce que des gouvernants hors sol ne peuvent pas entendre ; de fermeture de services publics en privatisations rampantes, l’État abandonne les territoires français, en métropole et plus encore, outre-mer. Voilà surtout des inégalités au détriment des Français qui peuplent encore les terres de France, qu’il est interdit d’évoquer, plus encore de chiffrer. Qu’en est-il des données qui comparent la fraude sociale en Bretagne à celle de la région parisienne ? Celle des résidents de l’Aveyron à celle des Marocains et Algériens ? Et qu’en est-il de la contribution sociale et fiscale des riches exilés au Portugal, à Chypre ou ailleurs, par rapport à celle de ces Français moyens de la ruralité qui ont si fort le sentiment de payer pour tout et pour tous, sans rien recevoir en échange ?

    Si encore ils ne recevaient pas le mépris ! Pour conclure un contrat, il faut être deux. Le projet de contrat avec le monde rural concocté par le Premier ministre viendra comme d’habitude des cabinets parisiens ; l’exemple est donné par un projet ZAN (zéro artificialisation nette en 2050) qui aboutit à pénaliser les communes rurales les plus vertueuses en matière de permis de construire, et passe à côté du sujet des friches industrielles — densifier les villes oui, désertifier les campagnes, non ! Disent les Localistes.

    Des réunions publiques manipulées éviteront soigneusement les sujets qui fâchent — l’implantation de foyers pour migrants sans accord de la population, l’obligation d’accueil de mineurs isolés dont les métropoles ne veulent pas, aux dépens des départements ruraux, comme les contrôles inquisitoriaux sur les cours et retenues d’eau, comme les saisies par les gendarmes de plants et semences que des producteurs échangent ou vendent hors du racket légal des semenciers, etc. L’écologie trahie par le globalisme, travestie en moyen de normalisation, de contrôle et d’unification au profit des multinationales, est devenue la bête noire de ruraux qui ont toutes les raisons de se croire les vrais défenseurs de territoires sur lesquels beaucoup sont nés, sur lesquels ils vivent, et qu’ils ont pour souci de transmettre à leurs descendants comme ils les ont reçus. Rien à voir avec une écologie des beaux quartiers qui rêve de réserves vides d’habitants, de campagnes fermées à l’activité humaine, et qui ne sait rien de ce compagnonnage séculaire qui a façonné les hommes, leurs maisons, leurs plats et leurs vins dans une relation intime et directe avec la nature !

    Si quelques réformes peuvent donner le bon signal à la ruralité, ce sont les projets portés par Les Localistes ! Au nom de l’égalité des territoires devant l’action publique, de la restauration des biens communs de communautés locales robustes, vivantes et fortes, et de la priorité donnée à la ruralité dans la nouvelle France.

    D’abord, respecter le principe de subsidiarité et rapprocher le plus possible la décision du terrain. C’est vrai pour l’implantation de parcs d’éoliennes sur terre comme en mer, de panneaux photovoltaïques dans les champs ou de méthaniseurs comme c’est vrai de l’affectation des budgets de la culture et de l’innovation, ou du maintien de distributeurs de billets et du paiement en espèces.

    La société subsidiaire renoue avec la démocratie, elle refonde la légitimité de la décision publique, et elle rétablit la responsabilité des élus devant leurs électeurs.

    Ensuite, définir une politique d’aménagement des territoires en concertation avec les élus, les fédérations professionnelles, les chambres de commerce, les associations de militants locaux, ces corps intermédiaires enracinés, mais marginalisés au profit d’ONG et de Fondations qui ne représentent que les intérêts des milliardaires qui les financent. C’est la condition d’une réindustrialisation réussie, et de l’autonomie vitale dans l’alimentation, la santé, l’énergie, l’armement, etc. Pour que ces politiques remportent l’adhésion, il est urgent de rétablir les consultations publiques pour tout projet d’impact local, avec commissaire enquêteur, publication du rapport d’enquêtes, auditions publiques et consultations d’experts. L’attractivité de nos territoires s’en portera mieux !

    Encore, il convient de moduler les normes et les contrôles selon la taille des établissements et leur chalandise — les normes et contrôles utiles de la DGCCRF sur le restaurant local, le gîte rural ou le producteur qui vend sur le marché local n’ont rien à voir avec ceux requis pour l’industriel du surgelé ou des plats préparés ! Sortir de la course au prix le plus bas au profit du meilleur rapport qualité-prix doit revaloriser la proximité — qui peut expliquer que des agneaux venus de Nouvelle-Zélande soient étiquetés « bio » ? La même exigence doit s’appliquer aux appellations d’origine, et dissuader les escrocs qui créent « le Bleu des Causses » pour concurrencer le Roquefort avec du lait venu d’Europe de l’Est, les producteurs d’escargots de Bourgogne venus des Balkans, ou les vendeurs de fruits de mer autour des étangs du Midi qui importent leurs produits de Turquie, en passant par la Grèce pour obtenir la mention « produit de l’UE » !

    Faut-il ajouter que la France doit tourner la page des traités de libre-échange, comme le font les États-Unis, et organiser la préférence locale, régionale et nationale en matière d’achats publics ! Quant aux ravages du numérique, qui accentuent l’isolement et légitiment la disparition des services publics, ils doivent être corrigés par ce principe simple ; toute démarche administrative possible par Internet doit être également assurée par un agent administratif, en chair et en os, et dans la communauté de commune.

    Enfin, l’instrumentalisation de l’écologie par des Verts alignés sur l’agenda de la prétendue « finance verte », et dictée par les escrocs de la « RSE » si favorable aux multinationales (en 2022, les meilleures notes en matière de RSE sont obtenues par… les cigarettiers dont chacun connaît les performances en matière de santé publique !) doit trouver son arrêt dans le principe de la préférence pour les producteurs, les artisans, les prestataires locaux. Ce principe sera appliqué dans les appels d’offres publics, il sera relayé par l’information du consommateur — vos achats sont vos emplois et la vie de votre village ! — et dans le refus de la financiarisation des projets « Verts » par le capital international, au profit du crédit bancaire et de l’épargne de proximité.

    Quant au sentiment d’expropriation qui grandit, il appelle un principe de compensation intégrale des surcoûts imposés par les directives européennes en matière d’énergie, de transport, d’habitat ; que les frais d’isolation des logements soient remboursés à l’occasion de la cession ou des droits de succession ; et que tout résident d’une région aie le droit d’accéder aux agglomérations et centres-ville de toutes les villes et agglomérations de sa région, avec son véhicule quel qu’il soit.

    Une ancienne DRH comme l’est Élisabeth Borne devrait être sensible aux facteurs structurels du renouveau de la ruralité. Ce sont les trois puissants leviers du Localisme. Le travail, l’argent, la gouvernance ; voilà les leviers durables du mieux vivre dans la ruralité.

    D’abord, la fierté du travail bien fait quand le produit ou le service fait plaisir aux voisins, à la famille, à la communauté de vie — pas au consommateur anonyme du marché global. La proximité a aussi ses vertus sociales. Ensuite, le double dividende que perçoit celui qui investit tout ou partie de son épargne sur son territoire, en sachant que son intérêt est d’abord que des entreprises s’installent et prospèrent, que l’emploi des jeunes se développe, que les commerces rouvrent — nul n’est riche et heureux dans un désert. Que des banques qui se disent régionales aient perdu de l’argent sur les subprimes américains, que des retraités français voient leur argent géré par Blackrock ou Vanguard, est une aberration qui se paiera.

    La réindustrialisation de la France passe par la mobilisation de l’épargne nationale sur les enjeux nationaux, et par la sortie de cette aberration ; les rendements financiers les plus élevés, jusqu’à plus de 30 %, sont obtenus par les investisseurs en projets « verts » de mégaéoliennes en mer, grâce à des prix garantis par l’État, donc par l’argent du contribuable — que les pauvres enrichissent les plus riches trouve dans la finance verte une intéressante illustration ! Enfin, la révision du statut des entreprises coopératives et mutualistes, des associations de producteurs, pour faciliter à la fois la levée de capitaux et la rémunération des associés et sociétaires par des structures auxquelles le principe ; « un homme ; une voix » assure une légitimité territoriale sans rivale. Des banques, des sociétés d’assurance, des sociétés de gestion d’épargne dont les clients soient les associés propriétaires, voilà la porte de sortie d’un capitalisme totalitaire, une porte ouverte sur le renouveau des communautés territoriales.

    La ruralité est au cœur du vivre en France, chez nous, dans ces cultures et ces traditions qui ont fait le bonheur français. L’individu hors sol, l’homme de partout et de nulle part, celui qui ne sait pas s’émerveiller devant un chêne et distinguer un milan d’une buse n’ont rien à dire à la France ; ils appartiennent au passé, à ce monde sorti de la nature en état de décivilisation accélérée, et qui concourt à sa propre destruction avec une stupéfiante ardeur.

    Que La Défense, Dubaï ou Manhattan deviennent des carcasses de fer et de béton battues par les vents et rongées par l’abandon, nous ne le regretterons pas. Les déserts retourneront au désert. Le localisme, le choix de bien vivre sur des territoires beaux, vivants et forts est le projet du futur. La société subsidiaire est le futur de la démocratie. C’est vrai à Privat comme au Québec, à Trieste comme à Washington. Et c’est là que se joue l’avenir des Français. Le grand retour de la géographie sur l’histoire, du local sur le global et du durable et résilient sur le neuf et le changement, offre toutes leurs chances à des campagnes françaises qui demeurent exceptionnellement belles, diverses et actives — encore actives. Une nouvelle alliance entre la France retrouvée et les villes et villages de la ruralité peut être la clé de la modernité d’après la modernité, celle où l’écologie redeviendrait une science de la vie et du bien vivre, où la ruralité réincarnerait le rêve français, celle où chacun éteindrait les écrans, les messageries et les applis, simplement pour goûter la beauté des terres de France.

    Hervé Juvin et Andréa Kotarac (Site officiel d'Hervé Juvin, 20 juin 2023)

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  • France - Italie : l'autre couple de l'Europe...

    Le nouveau numéro de la revue Conflits (n°46, juillet - août 2023), dirigée par Jean-Baptiste Noé, vient de sortir en kiosque. Le dossier central est consacré à l'Italie et à sa relation avec la France.

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    Au sommaire de ce numéro :

    ÉDITORIAL

    L'autre couple de l'Europe, par Jean-Baptiste Noé

    CHRONIQUES

    LE GRAND ENTRETIEN

    « La relation franco-italienne est stratégique, mais instable »
    Entretien avec Federico Petroni

    IDÉES

    Guerre en Ukraine : avons-nous encore peur de la bombe ?, par Alexis Feertchak

    PORTRAIT

    Lula est-il le cheval de Troie de Biden ?, par Tigrane Yegavian

    ENJEUX

    La Bavière, un autre esprit du capitalisme, par Jean-Marc Holz

    Amérique latine : la « vague de gauche » peut-elle y arriver ? , par Nicolas Klein

    Les Kurdes et le Kurdistan, grands oubliés de Lausanne, par Fabrice Monnier

    La Chine de Xi Jinping sur la ente glissante d'une dictature absolutiste, par Pierre-Antoine Donnet

    GRANDE STRATÉGIE

    Une approche tactique des guerres irrégulières, par Pierre Santoni

    HISTOIRE BATAILLE

    Austerlitz (2 décembre 1805). Un chef-d’œuvre de A à Z , par Pierre Royer

    LIVRES

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    LECTURE

    IDÉE REÇUE 

    RIEN QUE LA TERRE

    FILM

    CHEMINS DE FRANCE

    ART ET GÉOPOLITIQUE

     

    DOSSIER

    Afrique de l'Ouest

    La diaspora italienne, une perte qui risque de déclasser le pays, par Edoardo Secchi

    Adieu les techniciens. L'Italie à l'épreuve d'un gouvernement politique, par Francesco de Remigis

    Le défi des réformes qui peuvent changer le pays, par Francesco de Remigis

    L'européisme à la sauce tomate ou comment l'Italie espère rebattre les cartes au parlement européenpar Francesco de Remigis

    Le dilemme italien: comment renforcer le pouvoir exécutif ?, par Francesco de Remigis

    Un projet pour la Méditerranée : plus de gaz, moins d'immigrants illégaux, par Francesco de Remigis

    Traité du Quirinale : la France et l'Italie rapprochent leurs intérêts stratégiques, par Edoardo Secchi et Emmanuel Dupuy

    Italie, terre du luxe, par Chloé Payer

    Aérospatiale et défense, l'Italie sur le toit de l'Europe, par M. Bertrand

    Traversées alpines entre la France et l'Italie : des tunnels pour s'affranchir de la géographie, par Côme de Bisschop

    Immigration : pomme de discorde entre les deux pays, par Étienne de Floirac

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  • Feu sur la désinformation... (426) : De la récupération médiatique à l’émeute !

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Floriane Jeannin.

     

                                            

    Sommaire :

    La météo de l’info : C'est la mousson lacrymale

    L’image de la semaine : Du refus d'obtempérer à l’émeute

    Le dossier : Lejeune... Le JDD en grève contre pluralisme

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    Les pastilles de l’info :

    - Les médias en mode roulette russe avec Evgueni Prigojine

    - Darius Rochebin nous en Bush en coin

    - Une affaire de Hijab, de foot et de Ribéry

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    Portrait piquant : Sophia Aram, une "humoriste" à France Inter

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  • Tout sur l’art total de Wagner...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Georges Liébert à Olivier François et consacré à l'art total de Wagner. Éditeur, essayiste, traducteur et producteur de radio, Georges Liébert est un wagnérien passionné et est l'auteur de Nietzsche et la musique (PUF, 2012) et de de L'art du chef d'orchestre (Fayard, 2013).

     

                                              

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  • Jehanne au trou...

    Les éditions de la revue Livr'arbitres viennent de publier leur premier titre, une pièce de Pierre-Antoine Cousteau intitulée Jehanne au trou.

    Pilier de l'hebdomadaire Je suis partout, Pierre-Antoine Cousteau (1906-1958), journaliste, écrivain et polémiste, est le coauteur de Dialogue de vaincus (Berg international, 1999) avec Lucien Rebatet, et l’auteur de Intra Muros (Via Romana, 2017), son journal de prison.

     

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    " Si vous croyez tout savoir de l’épopée de Jeanne d’Arc et pensez que les grandes figures nationales sont vouées à une respectueuse vénération et au formol des musées, passez votre chemin ! Si, en revanche, vous aimez l’esprit français, l’ironie, les détournements, les textes à clefs et la virtuose alacrité, jetez-vous sur cet objet littéraire non identifié!

    Cette pièce inédite est la seule œuvre théâtrale écrite par Pierre-Antoine Cousteau. Sous une forme inattendue, on retrouve toute la verve du pamphlétaire mise au service d’une relecture hautement « politiquement incorrecte » de l’emprisonnement et de la mort de Jeanne d’Arc.

    Crue, cruelle, violente, iconoclaste, émouvante, cynique, drôle, impétueuse… cette pièce improbable et baroque est un peu tout cela à la fois. Elle offre à Pierre-Antoine Cousteau, condamné à mort et emmuré, l’occasion de laisser libre cours à sa plume brillante et assassine et au redoutable talent que même ses plus farouches adversaires ont été contraints de lui reconnaître. "

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  • L’Europe n’est pas réductible au nationalisme blanc...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Patrick Arteault cueilli sur Voxnr et consacré à la question européenne.

    Jean-Patrick Arteault collabore à la revue Terre & Peuple Magazine. Il est l'auteur de Pour une boussole métapolitique (Editions de la Forêt, 2020) et de Comprendre le mondialisme et les origines de l’État profond occidental (Terre et peuple éditions, 2022).

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    L’Europe n’est pas réductible au nationalisme blanc

    Précisons d’emblée que le « nationalisme blanc » n’a rien à voir avec une quelconque idée de « suprématisme blanc ». Seuls les ignares ou les idéologues gauchistes médisants peuvent le soutenir. En réalité, dans cette idée de « nationalisme blanc », née dans le monde anglo-saxon en général et aux États-Unis d’Amérique en particulier, il n’y a aucune connotation agressive, conquérante ou impérialiste. Bien au contraire, il s’agit de la posture défensive et protectrice de certains Américains blancs qui se perçoivent comme membres d’une race en voie d’extinction. Plus qu’une volonté de domination, il y a la volonté d’organiser, de manière séparée, ce qui peut être sauvé d’un monde perçu en rétraction.

    Il n’y a dans cette posture aucun optimisme quant à l’avenir. Cette position, qui est ultra minoritaire dans son pays d’origine, s’est faite jour dans un contexte où ces Américains blancs constataient la simultanéité de la stagnation démographique et du vieillissement des populations d’origine européennes, de la croissance démographique des populations noires et des populations latinos par voie d’immigration et de natalité plus élevée que celle des Blancs avec, pour perspective, une perte de la majorité numérique blanche dans la seconde moitié du XXIe siècle. Le tout se produisant dans un pays né de l’immigration européenne volontaire, fondue dans une matrice anglo-saxonne, de l’immigration noire largement contrainte par la traite et d’une immigration hispanique issue de la colonisation espagnole et revancharde, un pays, soulignons-le, qui n’a jamais réglé les problèmes raciaux qu’il a souvent délibérément construit et qui empirent de nos jours.

    Depuis quelques années, en Europe même, devant la montée d’une immigration, essentiellement africaine, encouragée pour des raisons économiques par l’oligarchie occidentaliste et justifiée idéologiquement par les gauchistes culturels qui la servent, parfois sans le savoir, cette option du nationalisme Blanc a été reprise par quelques racialistes européens. Ils y voient un point d’appui pour résister à une vague qui leur paraît analogue à celle qui frappe les Blancs des États-Unis.

    En réalité, si le « nationalisme Blanc » peut se concevoir aux États-Unis dans une population blanche elle-même résultat de vagues d’immigration qui se sont plus ou moins mélangées entre elles en perdant, pour l’essentiel, leurs spécificités d’origine, c’est moins vrai en Europe où les populations blanches des divers pays restent majoritairement empreintes de leurs consciences culturelles, régionales et nationales respectives, pour autant qu’elles n’aient pas totalement sombré dans l’américanisme, ce qui est un autre débat. Les Américains blancs vivent, quant à eux, dans un pays où les acquis culturels et historiques sont relativement faibles comparés à ceux des pays européens (chaque groupe y conserve les références plus ou moins affadies ou conscientes de son pays d’origine), où l’appartenance socio-économique est survalorisée et dont la taille permet encore le séparatisme résidentiel. D’une certaine manière, le seul point fédérateur, outre le drapeau et la Constitution, qui peut donner aux Américains une cohésion spécifique est bien le facteur racial. Même la religion ne peut pas vraiment jouer le rôle de fédérateur de l’identité car les autres groupes raciaux partagent aussi les principales religions pratiquées par les Blancs et ces religions, la plupart issues de la matrice chrétienne, sont de vision du monde universaliste, ce qui n’aide pas à la préservation d’une identité particulière. Il ne reste donc que le facteur racial comme facteur unificateur des Blancs américains (et des autres !), ce qui reste tout de même un peu pauvre, comme une sorte d’identité a minima.

    Pour ce qui est des Européens, la situation est différente même dans la confrontation avec l’immigration allochtone, et même en tenant compte d’une certaine américanisation des mœurs. Un Européen, questionné sur son identité, répondra spontanément par la référence à son identité ethno-régionale (s’il a conscience d’en avoir une, ce qui n’est pas le cas de tous les Européens) et/ou à son identité nationale. Car, pour la grande majorité des Albo-Européens d’Europe, il n’y a pas eu de rupture dans la continuité locale et nationale des générations. Les Albo-Européens sont des autochtones sur leurs terres et peuvent appuyer cette autochtonie par une résidence continue multiséculaire, voire multimillénaire.

    Sauf pour les microgroupes politisés déjà sensibilisés à la problématique raciale, la découverte par les Européens des diverses nations qu’ils sont Blancs au sens identitaire est assez récente et encore marginale. Ceux qui ont vraiment voyagé (c’est-à-dire en allant au contact des populations étrangères et non en se cantonnant à la fréquentation des amas de touristes) ou ceux qui ont eu à travailler longuement en Afrique ou en Asie ont pu découvrir leur « blanchité » dans le regard des autres. Mais la plupart de ceux qui ont toujours résidé en Europe ne commence à la percevoir que depuis la stigmatisation publique et médiatique dont ils font l’objet et par les insultes et les revendications « indigénistes » et « décoloniales », phénomène assez récent.

    En d’autres termes, c’est le racialisme, voire le racisme, des Noirs et des Maghrébins qui est peut-être en train d’amener certains Albo-Européens d’Europe à se percevoir comme Blancs, ou, en tout cas, à intégrer ce facteur racial à leur conscience identitaire. Et, visiblement, pour le meilleur et pour le pire. Car, ils ne sont pas rares les Blancs européens qui acceptent de se voir moralement à travers les yeux des Noirs et des Maghrébins… Cela entraine, au mieux un sentiment ethno masochiste de dévalorisation, au pire un engagement de type renégat) contre l’albo-européanité raciale et culturelle elle-même.

    Devant la nouveauté de cette offensive racialiste africaine totalement décomplexée, il est probable que les groupuscules politisés déjà évoqués voient leur nombre s’étoffer un peu du fait de cette prise de conscience, mais on doutera que la seule référence raciale suffise à enclencher un mouvement politique massif s’il ne s’appuie pas sur une conscience culturelle charnelle identitaire et autochtone, à la fois locale et nationale. De ce point de vue, les Albo-Européens, quand ils sont sur leurs terres, ont un patrimoine culturel et politique sur lequel il serait idiot de ne pas s’appuyer. Quand on est Albo-Européen, on n’est pas seulement un Blanc mais un Autochtone breton, catalan, alsacien… et français, ou tyrolien et autrichien ou bavarois et allemand, etc. La pénétration allochtone, du fait de l’immigration de masse, vient compliquer ce ressenti identitaire par la pression sociale, culturelle et politique qu’elle représente, mais elle ne l’annule pas.

    Par ailleurs, on ne saurait exciper du caractère massif de la colonisation de peuplement de ces dernières décennies qui pose bel et bien aux pays européens un problème existentiel, l’inutilité de se préoccuper des questions d’organisation politique à l’échelle des pays européens, comme de l’Europe en général. La question de l’immigration et de ses conséquences, comme l’enjeu de la nécessaire remigration, ne seront pas traités par des slogans ou l’organisation de microgroupes survivalistes. Elles devront être prises à bras-le-corps par une vraie démarche politique globale qui saura apparaître comme une alternative crédible aux yeux des autochtones non renégats.

    L’Europe n’est pas l’Union européenne

    L’un des éléments les plus énervant des conversations sur l’Europe, c’est la confusion systématiquement faite entre « Europe » et « Union européenne » au point d’entendre dire couramment « l’Europe » quand on veut désigner « l’Union européenne ». Bien entendu, l’U.E. joue sur cette confusion et l’entretient. C’est de bonne guerre de propagande pourrait-on dire, mais c’est tout ce qu’il y a de plus faux.

    L’Europe est un support géographique peuplé par des communautés humaines multimillénaires dotées de cultures cousines très tôt différenciées par l’histoire). Ce sont ceux que nous appelons, au sens fort, les Albo-Européens.

    L’Union européenne est une organisation interétatique, née par le Traité de Maastricht, entré en vigueur le 1er novembre 1993, prenant la relève des Communautés Économiques Européennes issues du Traité de Rome entré en vigueur le 1er janvier 1958. La C.E.E. était elle-même le prolongement de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier crée par le Traité de Paris, entré en vigueur le 23 juillet 1952. L’Union européenne, en réalité, est le résultat d’un processus initié dès les années 20 du XXe siècle dans les cercles de l’occidentalisme.

    Il y a en effet une préhistoire de l’U.E. avec trois influences directrices : le mondialisme occidental anglo-saxon, essentiellement britannique à cette époque, celui du Groupe de Milner au sein duquel Jean Monnet a fait ses premières armes et a puisé ses modèles ; le fédéralisme pan-européen de Nicklaus Richard de Coudenhove-Kalergi qui se voulait appuyé sur un peuple européen métissé guidé par une double aristocratie, l’une issue du judaïsme, l’autre issue de l’ancienne noblesse de sang ; un ensemble d’idées à la fois pacifistes et internationalistes venues de France à travers les orientations de Léon Bourgeois et d’Aristide Briand, ce dernier notoirement influencé par Coudenhove-Kalergi.

    Il faut noter, au passage, l’importance de l’expérience de la Société des Nations dans la formation de l’idéologie européiste. Le socle de l’idéologie de la S.D.N. était un compromis entre celle du Groupe de Milner et celle de la République maçonnique française. On rappellera que les susnommés Léon Bourgeois et Jean Monnet en furent respectivement le premier président et le premier secrétaire général adjoint.

    Pratiquement, même si elle avait une justification et une étendue mondiale, la S.D.N. fut essentiellement une organisation européenne parce que l’essentiel de ses membres étaient européens ou dépendants de l’Europe et que la puissance mondiale y résidait encore. Les idées, les projets, les méthodes, les hommes qui gravitèrent autour de la S.D.N. influenceront la future « construction européenne ».

    L’influence supposée de l’Allemagne nationale-socialiste sur l’idée européenne

    Il faut maintenant examiner un élément problématique de cette préhistoire de l’Union européenne qui a tendance à revenir sur le devant de la scène ces dernières années. Il s’agit de l’influence supposée de l’Allemagne nationale-socialiste sur l’idée européenne dans les années de la Seconde Guerre mondiale. Cette problématique est revenue sur le devant de la scène à la fois par le travail d’historiens communistes orthodoxes comme Annie Lacroix-Riz pour montrer le rôle de « collaborateurs » français non épurés dans l’après-guerre et, en particulier dans la « construction européenne », dans les travaux d’historiens plus classiques, comme Georges-Henri Soutou et dans les travaux de souverainistes français comme Pierre-Yves Rougeyron ou Philippe de Villiers sur le rôle de l’idéologie nazie dans la conception même de l’européisme et sur le recyclage d’anciens nazis dans les premières années des Communautés européennes. Selon eux, pour le dire brutalement et brièvement, l’Union européenne serait la retranscription acceptable et modernisée d’un projet national-socialiste allemand. Sans qu’il soit possible ici d’aller au fond des choses, on fera néanmoins un certain nombre de remarques. D’abord, il faut distinguer le rôle effectif de l’Allemagne nazie avant et pendant la guerre du rôle que les gens d’après-guerre font jouer rétrospectivement au national-socialisme pour servir des fins qui leur sont propres.

    Avant-guerre, il est à peu près indéniable que la préoccupation nationale-socialiste était massivement nationale-allemande et très marginalement européenne. C’était encore le cas dans les débuts de la guerre, en gros jusqu’à l’invasion de l’URSS. On tentait bien de rassembler autour de l’Allemagne les peuples qualifiés de « germaniques », mais c’était encore dans une optique purement germanocentrée. C’est quand les choses ont commencé à devenir vraiment sérieuses et dangereuses sur le front de l’Est que, sous couvert d’anticommunisme, a pu commencer à germer dans la tête de certains cercles militaires SS et de quelques rares politiques l’idée d’une version « européenne » de la Nouvelle Europe. Ce ne fut jamais la position officielle du Reich. La motivation de cette évolution était d’abord utilitaire et militaire : on avait besoin de chair à canon au-delà du peuple allemand qui peinait à satisfaire les besoins d’une guerre dévoreuse d’hommes. Si certains Européens projetaient leurs anciennes attentes européistes sur l’Allemagne nazie et venaient s’engager, c’était tant mieux mais cela n’engageait qu’eux. Il n’est pas inintéressant de souligner que parmi les volontaires français, on retrouvait d’anciens hommes de la gauche pacifiste, socialiste ou briandiste déjà préparés à une vision européenne.

    Après-guerre, les vaincus ont eu tendance à accentuer l’aspect européen de leur engagement car, s’inscrire dans un projet qui retrouvait une certaine virginité à travers les milieux occidentalistes, les plaçait comme des préfigurateurs, ce qui était plus valorisant que les figures de traitres qu’on leur avait fait endosser après leur défaite. Une mythologie européiste du national-socialisme s’est alors construite dans de micro-milieux pour valoriser un engagement « européen » passé et désormais renouvelé de manière présentable, mythologie qui allait être récupérée, mais à charge cette fois, aussi bien par des communistes orthodoxes comme Annie Lacroix-Riz que par des souverainistes comme Philippe de Villiers ou Pierre-Yves Rougeyron.

    Avec, dans les deux cas la liaison effectuée avec un anti-germanisme de tradition séculaire en France, remontant au moins aux séquelles de la guerre de 1870. Cet anti-germanisme fait que ces milieux sont très contents de « coller » un point Godwin sur le dos des européistes d’aujourd’hui. Mais il faut bien être conscient qu’il ne s’agit ici que de la réactivation du vieil anti-germanisme maurassien lié à l’ennemi allemand soi-disant héréditaire. Anti-germanisme qui n’était d’ailleurs pas partagé par le Général de Gaulle dont beaucoup se réclament aussi.

    On remarquera, en miroir et incidemment, que les mêmes, qui mettent tout sur le dos de l’Allemagne, soit comme « ennemi héréditaire », soit pour des raisons provenant de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, ne questionnent jamais ou rarement le rôle de la Grande-Bretagne dans cette histoire. Les États-Unis sont critiqués certes, car il n’y a pas moyen de les ignorer tant leur rôle est massif. Mais la vision du monde occidentaliste, née d’abord en Grande-Bretagne, est peu interrogée. Il y a une anglophilie, symétrique de la germanophobie, qui se trouve renforcée par l’épisode du Brexit qui fonctionne pour les souverainistes comme l’exemple à suivre. Mais jamais ils ne s’interrogent sur la réalité des rapports de la Grande-Bretagne avec l’idée européiste depuis ses débuts. Envisagée sur toute la période, une telle analyse montrerait peut-être que le choix du Brexit n’a pas été fait dans une logique souverainiste à la française. D’autant plus que les Britanniques sont restés dans l’OTAN, sœur quasi jumelle de l’organisation « Union Européenne » et y jouent aujourd’hui un rôle majeur dans la montée des tensions avec la Russie. La Grande-Bretagne, en tant que membre du 1er Cercle de l’Occident anglo-saxon, a certes plus de marges de manœuvre qu’un pays comme la France qui n’appartient qu’au second Cercle, mais ça n’en fait pas pour autant un pays souverain selon les critères revendiqués par les souverainistes français.

    Ceci étant dit, cela ne signifie pas du tout, précisons-le, que la République Fédérale d’Allemagne actuelle n’ait pas de lourdes responsabilités dans le fonctionnement délétère de l’Union européenne et de l’Euro, ni que l’esprit, culturellement souvent psychorigide, des germaniques n’y participe pas. En réalité, s’il y a une responsabilité allemande dans le fonctionnement de l’Union européenne, elle s’exerce à travers l’occidentalisme dont l’Allemagne post-guerre est le résultat. C’est alors forcer le trait que de mettre sur le dos de l’Allemagne d’aujourd’hui la responsabilité d’une sorte « d’euro-nazisme » en établissant des continuités excessives.

    L’occidentalisme, le produit de la victoire des Anglo-Saxons

    L’occidentalisme, en revanche, est le produit de la victoire des Anglo-Saxons en 1945, et particulièrement de l’entrée des États-Unis dans la compétition pour la domination mondiale.

    Les réseaux anglo-saxons d’avant-guerre, ceux d’une oligarchie anglo-américaine désormais bien connue, se sont alors réinvestis dans un projet géopolitique états-unien qui utilisait l’élan créé par les nouvelles institutions internationales du système des Nations-Unies, à la conception desquelles les États-Unis avaient fortement contribué. S’inscrivirent alors dans cette logique toutes les institutions ou groupements créés en Europe de 1946 aux années 1960 l’Organisation de Coopération Économique Européenne créée en juillet 1947 pour répartir l’aide Marshall et dont Jean Monnet fut le vice-président ; le Conseil de l’Europe fondé en 1948 à l’initiative (entre autres) de Joseph Retinger, futur initiateur du Bilderberg, et de Robert Schuman, l’un des initiateurs des Communautés Européennes ; l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord fut créée en avril 1949 comme le volet militaire d’une intégration occidentale comprenant l’Europe ; avec l’appui américain, Jean Monnet et Robert Schuman propulsèrent l’initiative de la Communauté Économique du Charbon et de l’Acier en 1950 qui évoluera en Communauté Économique Européenne en 1957 puis en Union Européenne après le Traité de Maastricht de 1992. Pour animer discrètement les réseaux de l’oligarchie atlantiste en produisant des réflexions sur les projets de l’ensemble occidental et européen, le Groupe de Bilderberg fut constitué en 1954 à l’initiative de Joseph Retinger. On n’aura garde d’oublier dans ce panorama tous les mouvements fédéralistes européens, ouvertement encouragés par le Département d’État étatsunien, O.S.S. puis la C.I.A. pour faire de l’agit-prop dans les milieux politiques nés ou non de la Résistance.

    En résumé, dès l’origine les institutions qui allaient donner naissance à l’Union européenne ou qui gravitent autour d’elle sont de philosophie libérale, libre-échangiste, occidentaliste, atlantiste, mondialiste. L’Union européenne, comme organisation, souffre alors d’un vice de conception originel qui la rend totalement impropre à assumer le destin d’une Europe « européenne ».

    Toute son histoire, depuis sa constitution officielle en 1993, illustre une continuité, un approfondissement et un élargissement de cette première empreinte. Tous ceux qui pensent que l’on peut faire évoluer cette organisation de l’intérieur pour la faire servir de base à une nouvelle Fédération ou Confédération européenne centrée sur les identités ethnoculturelles, sur les intérêts sociaux, économiques et géopolitiques de l’Europe stricto sensu se trompent.

    Quand on prend en compte le poids des traités conçus pour être très difficilement modifiables, le poids des « valeurs » dites européennes mais en réalité occidentalistes, et le poids de tous les groupes d’influence qui gravitent autour d’elle, on se rend vite à l’évidence qu’on ne peut pas faire évoluer l’Union européenne de l’intérieur.

    C’est une organisation néfaste qui pollue le beau nom d’Europe et qui doit être supprimée en bloc afin de pouvoir construire autre chose sur de nouvelles bases. On reconnaîtra ici toute l’importance du travail d’investigation et de déconstruction des mythes de l’U.E. effectués par les milieux souverainistes malgré leurs excès germanophobes. Il faut reconnaître qu’ils se sont colletés avec courage, professionnalisme et pédagogie à des dossiers souvent arides et très techniques. La technicité juridique absconse de la « construction européenne » était une des méthodes de l’école de Jean Monnet pour rendre invisible les finalités réelles de son projet : les détails étant incompréhensibles aux non-technocrates, on n’y regardait pas les diables qui s’y nichaient. On regrettera, parallèlement, le peu d’enthousiasme pour cette tâche des milieux identitaires plus sensibles aux grandes envolées lyriques qu’à l’étude sérieuse des traités, directives et règlements « européens ».

    L’Europe n’est pas une nation mais une civilisation commune

    L’Europe n’est pas une nation mais une civilisation commune à des peuples ethniquement et culturellement apparentés mais différenciés par une longue histoire. La contradiction fondamentale de tous ceux qui veulent l’unité européenne, qu’ils se situent dans l’optique de l’européisme occidental ou dans la perspective de L’Europe aux cents drapeaux de Yann Fouéré, ou encore dans celle de la Nation Europe unitaire de Jean Thiriart, c’est que ces constructions supposent l’existence d’un peuple européen et qu’il n’existe pas de peuple européen au singulier. Or, l’expérience historique montre que sans peuple il n’y a pas de structuration politique possible et la création d’un peuple ne se décrète pas.

    Certains se rapportent aux Indo-européens d’avant la dispersion pour arguer de l’existence d’un peuple européen. C’est assez largement un sophisme. Il est parfaitement vrai qu’à la racine très ancienne de la plupart des peuples européens historiques (mais pas de tous), il y a l’empreinte durable des Indo-européens. La majorité des langues européennes est indo-européenne, les structures mentales, culturelles, socio-politiques et symboliques les plus anciennes et les plus fondamentales peuvent être rattachées à la matrice originelle indo-européenne, sous la réserve de la médiation des peuples protohistoriques et historiques, ce qui n’est pas neutre pour notre propos.

    La science génétique moderne peut aussi, par la paléogénétique, montrer le cousinage racial de la plupart des européens contemporains. Mais cette souche commune remonte à au moins 10 000 ans et il s’est passé beaucoup de choses depuis, entre autres choses des séparations et différenciations ethnoculturelles et politiques précoces. Et on ne parlera même pas de la légitimité qu’auraient, dans cette logique d’un peuple unitaire fondé sur les Indo-Européens, les Kurdes, la majorité des Iraniens, les Pachtouns et les Indiens du Nord à se rattacher à ce peuple fondé sur l’indoeuropéanité.

    Dès l’époque protohistorique (avant donc la documentation écrite), les peuples qui vont faire l’Europe historique apparaissent comme distincts et séparés. L’époque historique est elle-même l’occasion de profonds bouleversements et ce n’est qu’à la fin du Moyen Âge que les peuples de l’Europe moderne furent à peu près stabilisés dans toutes leurs particularités : langues, cultures, coutumes juridiques, mœurs, mentalités, caractères nationaux. Du Moyen Âge à l’époque contemporaines ils s’affirmèrent aussi dans leurs rivalités géopolitiques, parfois sanglantes. Or, ces différences profondes et ces conflits n’empêchent nullement les Européens, comme peuples et comme États, d’avoir le sentiment et la pratique d’une civilisation commune.

    Celle-ci, on l’a vu, prend ses racines dans le fondement indo-européen à travers les grandes ethno-cultures grecques, latines, germaniques, celtiques et slaves, pour ne parler que des principales influences. Cette civilisation, on ne peut l’ignorer, a aussi été modifiée par l’acculturation chrétienne. Ce fut un événement majeur, un séisme dont les répliques se font sentir jusqu’à nos jours. Il y eut à la fois modification du substrat civilisationnel indo-européens par les valeurs, les croyances et les pratiques non-européennes du christianisme et appropriation-neutralisation de ce même christianisme par la puissance de l’inconscient collectif indo-européen. Pendant un certain temps le christianisme fut en quelque sorte digéré et réorienté par la matrice indo-européenne. Ce fut toute la grandeur et le paradoxe du Moyen Âge dont les références religieuses conscientes furent chrétiennes mais dont le dynamisme culturel, social et militaire était porté par le vitalisme et les archétypes indo-européens inconscients. Pendant un certain temps avons-nous dit, car ce mélange instable entre des valeurs antagonistes a débouché, par fusion-mutation symétrique des deux apports, sur l’occidentalisme moderne.

    Tout ceci pour dire que s’il n’existe pas un peuple européen (au sens ethnoculturel) ou une nation européenne (au sens politique) mais, au contraire, une pluralité de peuples et de nations européennes différenciées par l’histoire et non miscibles, il existe bel et bien une civilisation européenne. Celle-ci repose sur des anthropologies cousines, des langues pour la plupart issues du même tronc indo-européen, de cultures qui partagent des références de valeurs, de mythes, de symboles, de religions semblables, une civilisation qui est aussi, faite d’échanges humains séculaires qui ont été féconds dans tous les sens du terme. Sur cette base, les états européens peuvent, sans abdiquer leurs souverainetés et leurs particularités, bâtir des synergies fortes et préférentielles. Mais ces synergies ne doivent pas être confondues avec la création d’un état unique : politique et civilisation ne sont pas de même nature.

    Jean-Patrick Arteault (Voxnr, 6 avril 2023)

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