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Métapo infos - Page 1704

  • Le désastre de 1940...

    La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque (n°47, mars-avril 2010). Le dossier central, soixante-dixième "anniversaire" oblige, est consacré au désastre de 1940. On y trouvera aussi un entretien avec François Gibault, le biographe de Céline, à propos des Lettres de cet auteur publiées dans la Pléiade, ainsi qu'un entretien avec Philippe Alméras à l'occasion de la sortie de sa biographie de Montherlant

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  • Faut-il freiner la Chine ?...

    Faut-il freiner la Chine ? Une bonne question posée par le mensuel le Choc du mois dans son nouveau numéro disponible en kiosque dès aujourd'hui. Outre le dossier consacrée à la Chine, on trouvera un autre dossier sur la crise de la presse ainsi que les habituelles pages "Culture", toujours stimulantes. Il est possible de s'abonner ici.

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    Sommaire du numéro

    DOSSIER 1:
    FAUT-IL BRIDER LA CHINE ?

    La Chine, un géant aux pieds d’argile :
    Entretien avec Jean-Luc Domenach
    Géopolitique de l’Empire Céleste
    Le Tibet, c’est pas du chinois
    La Chinafric
    Les « ch’tits Niakoués » de M. Sylvestre existent
    A la rencontre de la Chine réelle :
    Entretien avec Constantin de Slizewicz
    Au pays de Confucius et de Lao-Tseu
    Tigres de pellicule et dragons en 3D
    Diaspora chinoise : l’invasion silencieuse

    Monde
    Iran-Turquie-Etats-Unis :
    La fin de l’aire américaine ?
    Italie :
    Les Italiens en ont marre des immigrés !
    Islande :
    Les Islandais se rebiffent contre la finance mondiale

    DOSSIER 2 : PRESSE

    Mauvaise presse ou mauvaise passe ?
    Ci-gît la presse écrite
    Entretien avec Bernard Poulet
    Dépasser le million d’auditeurs
    Entretien avec Henry de Lesquen
    « Moi, Patrick C., journaliste indépendant… »
    Le Nouvel Express ou Le Point Observateur
    Télérama ou l’atelier du prêt à penser

    Culture

    Rencontre
    Laurent Maréchaux
    Nicolas Bouvier

    Littérature
    Céline
    Drieu toujours parmi nous
    Dobritsa Tchossitch et son œuvre
    Les Onze : effroi et fascination
    Naissance d’un sniper
    Paradoxal Jacques Laurent

    Essais
    Heidegger au Spiegel ?
    Non, Alain de Benoist au Figaro Magazine
    Le siècle juif
    Résister au libéralisme ?
    Après 2500 ans de nuit dogmatique

    BD
    Naissances de la bande dessinée
    Éloge de l’étrange
    Cinéma

    Eric Rohmer cinéaste de la morale
    DVD
    Pessoa, cet inconnu

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  • Mélancolie française

    Mélancolie française est le titre du nouvel essai d'Eric Zemmour à paraître début mars aux éditions Fayard. Notre souverainiste de conviction doit y livrer sa vision de la France et de son histoire.

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    "Renouant avec les essais qui, comme Le Premier sexe, l'ont fait connaître d'un très large public, Eric Zemmour s'attaque à notre roman historique national.
    L'argument est aussi simple que récurrent et jamais satisfait : la France poursuit un rêve et une ambition impériale ; l'héritière de Rome, c'est elle. Jamais elle ne se laisse convaincre que sa place dans le monde est plus petite ; elle croit toucher au but sous Louis XIV, après Austerlitz, en 1918, mais à chaque fois un croc-en-jambe anglais la fait chuter.

    Entre obsession du premier rang et hantise du déclin, Eric Zemmour écrit une histoire personnelle de l'identité française. On y retrouve l'ironie, le goût du paradoxe mais aussi les analyses documentées d'un amoureux transi de la nation. Jusque dans le dernier chapitre, consacré à la France d'aujourd'hui, qui fera beaucoup parler."

     

     

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  • Les hyènes

    "Est-ce par hasard que l'hyène pénètre dans le cercle lumineux des feux de bivouac ? Autrefois, on n'en rencontrait qu'isolément, dans les sections grillagées des maisons de fous et des prisons. Maintenant, les barrières sont tombées, et les glapissements plaintifs que jadis les chasseurs étaient seuls à entendre à la lisière du désert nous cernent avec une jubilante avidité. Les vautours et les hyènes - ils surviennent quand ont disparu les aigles et les lions."

    Une belle réflexion d'Ernst Jünger, tirée de son essai Trois galets, publié dans Le contemplateur solitaire, un recueil de textes variés que les éditions Grasset ont la bonne idée de rééditer au mois de mars de cette anée.

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  • Les trois écoles de Mona Ozouf

    L'historienne Mona Ozouf, spécialiste de la Révolution, a récemment publié Composition française - Retour sur une enfance bretonne aux éditions Gallimard, un livre de souvenirs et de réflexion sur l'identité de la France, identité faite d'une tension entre l'esprit national et le génie des pays qui la composent. La revue Eléments a rendu compte de cet ouvrage sous la plume de Fabrice Valclérieux.

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    Les trois écoles de Mona Ozouf

    Agrégée de philosophie, Mona Ozouf devint historienne sous l’influence de son mari Jacques Ozouf (auteur notamment de Lire et écrire : l'alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry) et de son condisciple à l’École normale supérieure, François Furet. Après un premier livre sur L’École, l’Église et la République. 1871-1914 (1962), elle fera paraître La Fête révolutionnaire, 1789-1799 (1976), puis L'École de la France. Essai sur la Révolution, l'utopie et l'enseignement (1984). Elle dirigera ensuite avec F. Furet le monumental et magistral Dictionnaire critique de la Révolution française publié en 5 volumes de 1988 à 1993 (« Idées », « Acteurs » « Événements », « Institutions et créations » « Interprètes et historiens »). Sa fascination pour « [cette] énigme, [cette] rupture dans le tissu de l’Histoire » (*) que fut la Révolution ne l’empêchera pas d’aborder dans la suite de son œuvre des thèmes comme Les Mots des femmes. Essai sur la singularité française (1995), Les Aveux du roman. Le XIXe siècle entre Ancien Régime et Révolution, (2001), ou encore Jules Ferry (2005).

    Dans un registre à la fois semblable et très différent, elle a publié il y a quelques mois Composition française. Retour sur une enfance bretonne, un essai sur ses « souvenirs d’enfance et de jeunesse » à Plouha, un bourg des Côtes d’Armor, en même temps qu’un ensemble de réflexions sur la France et ses régions, sur son unité et sa diversité, au sens, bien sûr, où l’entendait Fernand Braudel.

    Le fil rouge de la partie mémorielle du livre est une phrase de l’avant-propos : « Dans ma corbeille de baptême, les croyances [ont été] déposées par trois fées qui ne s’aimaient guère, l’école, l’église et la maison ». Toutes trois vont structurer les années d’apprentissage de la jeune Mona. Elle a quatre ans lorsque son père, instituteur, militant de la cause bretonne, pacifiste et antimilitariste meurt brutalement. Tôt affirmé « patriote breton », contre son milieu familial et contre l’École normale d’instituteurs « foyer d’impérialisme français », il adhéra à divers groupes autonomistes, dont le Parti national breton, tout en se réclamant de la gauche, soit, selon sa fille, « un socialiste nationaliste breton, espèce improbable ». Son rêve : « Une Bretagne autonome dans une France fédérée ». Devenu Yann ar scholaer (Jean le maître d’école), il crée un journal, Ar Falz, qui milite en particulier pour la défense de la langue bretonne. Entre-temps, il épouse une jeune finistérienne qui va embrasser sa cause et militer avec lui. Devenue veuve, elle éleva l’enfant en compagnie de sa mère venue s’installer chez eux. En cette grand-mère, se souvient Mona. Ozouf, tout parlait de l’identité bretonne, notamment la langue, « vigoureuse, expressive, anthropomorphique » mais en même temps « elle était, elle se savait française ».

    Pour la jeune Mona, il y a trois écoles. D’abord « l’école de la Bretagne » représentée par la bibliothèque de son père : dictionnaires et grammaires de breton, histoires de Bretagne, livres qui expriment si bien le « génie celtique », comme le Barzaz Breiz, l’Iliade de Bretagne, ceux d’Anatole le Braz, de Charles Le Goffic et de Roparz Hémon, puis ceux venus d’Irlande « notre seconde patrie » (Synge, Yeats, O’Flaherty), enfin les « grands Bretons », Lamennais, Chateaubriand, Renan…

    Ensuite c’est « l’école de la France », en l’occurrence l’école laïque de Plouha où elle est élève, celle de « l’égalité sur les bancs », mais où le classement récompense « nos seuls mérites et notre seul travail », celle aussi hélas « où l’on oublie d’où on vient », qui est indifférente, sinon hostile aux singularités bretonnes. Ce reproche n’empêche cependant pas l’auteur de L’École, l’Église et la République d’exprimer une vibrante défense et illustration des instituteurs de l’école de la République qui s’efforçaient de faire connaître « les coutumes et les savoirs locaux », en se faisant « ethnologues des terroirs, [en] recueillant les chansons, les proverbes, les mille et une façons de vivre et de mourir… ».

    Il y a enfin « l’école de l’Église », celle de sa grand-mère qui décide de lui apprendre « ses » prières le jour de ses cinq ans, puis celle du catéchisme où elle découvre l’existence des enfants de l’école religieuse du village qui représente pour elle « le lieu de l’inégalité ». A l’église, un prêtre lui enseigne, en pratiquant une « pédagogie de la peur », une religion formaliste, froide et roide, « sans rien ou presque qui donnât à rêver ».

    De fait, la jeune Bretonne devait vivre « trois lots de croyance : la foi chrétienne de [ses] ancêtres, la foi bretonne de la maison, la foi de l’école dans la raison républicaine », croyances qui composaient sa « tradition » et qui souvent s’ignoraient. « L’école, au nom de l’universel, ignorait et en un sens humiliait la particularité. Et la maison, au nom des richesses du particulier, contestait l’universel de l’école ». Par ailleurs, les mots liberté et égalité n’avaient pas la même signification pour l’école et la maison. Pour l’école, c’était la liberté « par l’abstraction des différences », pour la maison c’était la liberté d’un groupe particulier (les Bretons). Quant à l’égalité, c’était à l’école celle de la ressemblance, tandis qu’à la maison c’était celle du droit à affirmer sa différence. Toutefois, bien qu’elles s'ignorassent la maison et l’école vivaient toutes deux « dans la religion, du mérite et croyaient à la possible correction des inégalités ».

    Après l’école primaire viennent les années de collège où peu à peu la spécificité bretonne s’éloigne et où « l’idéologie de l’école républicaine » prend le pas sur celle de la maison. Elève du collège Ernest Renan de Saint-Brieuc à partir de 1941, elle a comme professeur la femme de Louis Guilloux, l’auteur du Sang noir, qu’elle rencontre et qui devient pour elle un « indicateur de lectures ». Dans cet établissement « national », elle continue d’exprimer son « allégeance » à « la matière de Bretagne » ce qui lui vaut, à treize ans, d’être accusée par la directrice d’avoir constitué un réseau Sinn Fein au collège !

    Les années suivantes au lycée représentent le temps du « ralliement à l’universel ». Après une hypokhâgne à Rennes, elle rompt les amarres avec la Bretagne et la « fidélité celtique » pour le Paris de la khâgne, de la Sorbonne, de l’École normale supérieure, et du Parti communiste auquel elle adhère en 1952 après la manifestation du 23 mai contre le général Ridgway. Adhésion qu’elle justifie d’une part par la fidélité à son père qui savait gré à « la patrie soviétique » de pratiquer, croyait-il, une « généreuse politique des minorités », et d’autre part par la sécurité intellectuelle et affective que le PC était censé apporter à des jeunes gens épris de justice et avides de solidarité. Mais la brillante normalienne devait vite déchanter : fin 1952, c’était à Prague la condamnation à mort de Slansky, début 1953 le « complot des blouses blanches », la mort du « Grand Staline » (L’Humanité du 18 mars), en juin, les émeutes ouvrières de Berlin-Est ..., autant d’événements qui lui ouvrent les yeux sur la réalité du « socialisme scientifique ». Elle quittera le Parti après la répression de l’insurrection hongroise de 1956.

    Au-delà des vicissitudes de l’engagement politique, les années d’étudiante qui la mèneront à l’agrégation de philosophie s’achèvent sur le constat que « la foi de l’école semblait l’avoir emporté décisivement sur celle de la maison, l’idéologie française sur les attaches bretonnes ». Cette victoire de « l’universalité française » sur « la particularité bretonne » va conduire la jeune agrégée à entreprendre des recherches sur l’école républicaine, « temple neuf d’une humanité affranchie de Dieu, le lieu où on professe la perfectibilité indéfinie et la prise de l’homme sur son destin », puis à s’attaquer, seule ou avec François Furet, au monument de la Révolution française. A ce moment du récit, le livre bascule dans une dernière partie plus théorique, consacrée à la « composition française », c'est-à-dire à la « tension entre l’universel et le particulier ». A travers l’évocation de l’Ancien Régime où l’unité du roi permettait à la diversité du pays de se manifester, puis de la Révolution qui visait à la résorption de la diversité dans l’unité, enfin de la Troisième République qui proclamait avec Jules Ferry qu’il faut « refaire à la France une âme nationale », Mona Ozouf illustre les deux conceptions antithétiques de l’appartenance collective des Français : celle de Julien Benda, « la France est la revanche de l’abstrait sur le concret », et celle d’Albert Thibaudet, « La France est un vieux pays différencié ». Cette tension toutefois s’est relâchée avec l’assouplissement du modèle jacobin et le fait que la République s’est enracinée en prenant appui sur les singularités locales, comme le montre le Tableau de la géographie de la France de Vidal de la Blache dans lequel la diversité française n’est pas une menace, mais une chance. « Cette articulation heureuse du local et du national sous le signe de l’harmonie [se] retrouve dans l’enseignement dispensé par l’école républicaine ». Une exception cependant à ce tableau apaisé : le sort réservé aux langues régionales (que l’abbé Grégoire dénonçait comme « le fédéralisme des idiomes »), pourchassées sous la IIIe République et aujourd’hui encore contestées. A preuve le refus par le Conseil constitutionnel en 1999 de ratifier la signature de la Charte européenne des langues régionales, et la levée de boucliers, notamment au Sénat et à l’Académie française, suscitée par l’inscription dans l’article 1er de la Constitution de la formule « Les langues régionales font partie du patrimoine national ». Commentaire de Mona Ozouf : « La République n’a pu se défaire de son surmoi jacobin ». De fait, un certain intégrisme républicain, qui n’a plus l’Église comme adversaire principal, brandit désormais l’épouvantail du communautarisme « chaque fois qu’un individu fait référence à son identité ». Il faut en finir, dit-elle encore, avec « l’opposition binaire simpliste » entre universalistes et communautaristes et accepter de vivre, « tant bien que mal entre une universalité idéale et des particularités réelles ».

    Qu’on les nomme appartenance, identité, enracinement (dans lequel Simone Weil voyait « le besoin le plus important de l’âme humaine »), ces spécificités sont dénigrées par tous les « pourfendeurs du communautarisme » qui ne voient en elles que « petitesse, étroitesse, enfermement ». A tous ceux pour qui « toutes les attaches sont des chaînes », donc des déterminations, Mona Ozouf répond, et ses propos revêtent une dimension particulière dans le contexte du débat actuel sur « l’identité nationale », qu’on ne saurait vivre sans déterminations, car « nous naissons au milieu d’elles, d’emblée héritiers d’une nation, d’une région, d’une famille, d’une race, d’une langue, d’une culture ».

    Au « grand clapot tiède de l’indifférenciation » qui caractérise la vie démocratique de la France, l’auteur de La fête révolutionnaire oppose « la résistance des hommes à la rêverie de l’homogène » telle qu’elle s’exprime en Bretagne, ce « miraculeux conservatoire des origines celtes de la nation ».

    Composition française est un livre passionnant, courageux et lucide, d’une telle richesse que l’on voudrait en citer des passages entiers, tant ceux où Mona Ozouf se souvient et se raconte que ceux où elle relit l’Histoire et réfléchit sur des questions essentielles pour la France. Ajoutons que la profondeur de la pensée s’accompagne d’une grande qualité d’écriture, comme en témoignent ces lignes sur sa Bretagne natale dont elle évoque joliment, après le Michelet du Tableau de la France ; « [la] « neige d’été du sarrasin dans les champs, [le} vent d’ouest autour des tombes, [les] pierres dressées sur la lande comme une noce pétrifiée ».

    Fabrice Valclérieux (Eléments n°134, janvier-mars 2010)

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  • Le mythe Bardot

    L'hiver est long et gris, mais il est encore temps d'aller chercher un peu de soleil en allant voir l'exposition consacrée à Brigitte Bardot au musée des années 30, espace Landowski, à Boulogne Billancourt qui a été prolongée jusqu’au 7 mars 2010 (du mardi au dimanche, de 11 heures à 18 heures).

    Avant de s'y rendre, la lecture du bel article que Frédéric Falguière avait consacré à cette grande actrice dans la revue Le Spectacle du Monde (octobre 2009) s'impose !

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    Le mythe Bardot

    Quand elle rentrait en retard, son père, du balcon de l’appartement de la rue de la Pompe, lui lançait une poignée de monnaie – des francs ! – sur la tête. C’était sa façon à lui, Pilou Bardot, de désapprouver le comportement de Brigitte : à quinze ans, dans les années 1950, une jeune fille de bonne famille devait être à l’heure, porter des chemisiers boutonnés sous le menton, baisser les yeux quand on lui parlait et, assise, serrer les genoux. M. Bardot ne pouvait pas savoir que sa fille, cinq minutes plus tard, ferait rêver le monde entier, qu’elle irriterait le Parti communiste, ferait monter la libido des ouvriers de Billancourt, des bistrotiers de La Napoule, des navigateurs de la Terre de Feu, des bergers de Mongolie et, sûrement, de tous les hommes de France.

    Les sixties – dix années ! – furent le siècle de Brigitte Bardot : elle fut plus connue – et plus désirée – que les Beatles et Madonna. Quand elle passait dans la rue, le quartier était bloqué. Quand elle s’allongeait sur une plage de Saint-Tropez, il fallait faire venir SOS Médecins. Quand elle tournait le Mépris, en Italie, chaque rocher, chaque buisson, chaque vaguelette cachait un paparazzi armé d’un zoom aussi gros qu’un canon de 75. Brigitte Bardot a agacé les mères de famille, provoqué l’ire des bien-pensants, chaviré les prudes, chiffonné la notion de péché. Son buste a remplacé celui de Marianne dans les mairies, elle a eu droit à un timbre des PTT (on ne disait pas encore La Poste) et, dans les rues de Rio, combien de gamins ont-ils braillé la chanson de Dario Moreno, Brizitté Bardô, fait chaud ? Oui, il faisait chaud, très chaud. Brigitte Bardot donnait la fièvre aux Cariocas et aux Bantous. B.B. a donné des couleurs à des années en noir et blanc.

    Flash-back. Dans la France des fifties, la France de René Coty, la première dame était brave, empâtée, sympathique, plus préoccupée de la durée de cuisson de la blanquette de veau que des figures libres du pole dancing. Les bagnoles étaient uniformément noires, sauf la Dauphine de Renault, violemment sous-vireuse, qui affichait parfois un bleu ciel un peu choquant. Dans les bistrots à nappes à carreaux, les VRP mangeaient des steaks et, à la cantine des collèges, grâce à Mendès-France, les gosses avaient droit à leur verre de lait. La France écoutait Gilbert Bécaud et les Compagnons de la chanson, fumait des gitanes maïs dont l’odeur aurait pu faire fuir un égoutier de retour du boulot, faisait l’éloge du jambon-beurre-cornichon, dissertait sur les éditos de Geneviève Tabouis et rêvait des dernières nouveautés technologiques imaginées par le magazine Science et Vie : la « montre-télévision-téléphone », par exemple, ou la voiture volante (pas de problèmes de parking). Jean Gabin régnait sur le cinéma français en pacha autoritaire aux dents jaunies par les gauloises.

    Dans les années 1950, les élèves des classes secondaires allaient à l’école en veston et cravate et, à la récré, se repassaient Paris-Hollywood, une gazette « maudite », où l’on entrapercevait des femmes nues (enfin, presque), coloriées en sépia ou en rose cochonnet. La France sentait le poêle qui tire mal, le parfum Bourjois et la chaussette Stem.

    Et Dieu créa Brigitte Bardot.

    Une photo fait le tour du monde, en 1956 : celle d’une blonde sublime, allongée sur le sable, les seins dans l’eau, le regard amusé sous un soleil complice. Tout de suite, les hommes s’enflamment. Elle a un sourire prometteur, une bouche faite pour la passion, une poitrine magnifique, des jambes de danseuse et des pieds sublimement cambrés. Selon Roger Vadim – que tout le pays se met à haïr parce qu’il est son mari –, elle bouge la tête « à la façon des chats », « rit souvent, sans timidité et sans agressivité ». Elle n’hésite pas à couper la parole à sa mère –«Maman, tu me barbes ! » – et à couper le souffle à tout mâle digne de ce nom. Les prolos qui ont vécu le Front popu l’adorent, les bidasses qui font leurs classes en Allemagne l’épinglent au-dessus de leur couchette, les étudiants du Quartier latin mêlent son nom aux conversations sur l’Algérie française (ou pas) et les journalistes tartinent des articles insipides pour accompagner des photos qui ne le sont pas.

    La Chambre s’alarme. Les députés vont tous voir le film. Leurs dignes épouses sont fâchées. Cette Brigitte Bardot, quelle traînée, quand même ! Mais, en regardant le film, les spectateurs ont la révélation : le paradis existe.

    Mauvaise actrice ? On l’a beaucoup dit. Bonne comédienne ? Les bobos branchés des années 2000 l’ont affirmé. Peu importe, en vérité. Brigitte a été bonne et mauvaise, à contre-emploi ou dans son personnage, mutine ou sérieuse, mais, surtout, le cinéma l’a aimée. La caméra l’a caressée. B.B. n’a jamais été faite pour la Comédie-Française. Elle a été faite pour faire rêver les hommes « de 7 à 77 ans », voire jusqu’à 177 ans. Dans les sixties, elle a carbonisé les imaginations. Les adolescents, alors, découpent la photo de B.B. sur la couverture de Cinémonde. Ils ne savent pas encore, mais pressentent que la dame est une dévoreuse d’hommes. Elle aime l’amour, et vice-versa. Elle met à la mode les ballerines, les shorts, les robes en vichy, les coiffures choucroutées et les promenades en Vespa. Elle a les dents du bonheur, et un corps d’enfer. Même Simone de Beauvoir, un tantinet jalouse, s’en mêle : « Quand on la voit danser, même un saint serait tenté », dit-elle. Tenté de quoi ? Simone elle-même se laisse tenter par un bel amant américain. Mais ce que personne ne sait, c’est que Bardot est une éternelle insatisfaite. Les belles femmes ont des vies sentimentales compliquées, c’est une règle absolue : Brigitte quitte Vadim pour Trintignant (qu’elle trouve moche), puis séduit Gilbert Bécaud, tombe dans les bras de Sami Frey, rencontre Jacques Charrier… Elle n’a pas mauvais goût.

    B.B. a passé son enfance dans les beaux quartiers, ceux où le déjeuner familial est de rigueur le dimanche, où les hommes portent des costumes trois-pièces et circulent en Frégate, nouvelle voiture de luxe de la régie Renault. La petite Brigitte, dès ses premiers pas, est expédiée au cours de catéchisme et aux leçons de danse d’une ballerine russe. Son père est à la tête d’une entreprise d’oxygène, ce qui tombe bien. Brigitte en manque. Elle étouffe, rue de la Pompe, où elle ne croise que des nounous en uniforme, des dadames revêches et des messieurs portant pochette. Elle s’ennuie. Dieu qu’elle s’ennuie ! Comme tous les gamins de son époque ! L’apparition d’Elvis Presley a bien déclenché quelque chose, et les 45 tours s’échangent de main en main. On écoute aussi les Platters sur les tourne-disques Teppaz, ainsi qu’Eddie Cochrane et Gene Vincent, mais en sourdine, pour ne pas déclencher l’ire des parents. Le monde, alors, est divisé en deux : celui des enfants, et celui des adultes. Les ados n’ont pas encore été inventés.

    Evidemment, quand Brigitte Bardot rencontre Roger Plemiannikov, beau garçon amusant qui a adopté son deuxième prénom, Vadim, comme identité, elle pressent tout d’un coup qu’un autre destin l’attend. Elle a quinze ans, il en a vingt-trois. Il est fauché, il voudrait être journaliste, il aime les dames. Son oncle, Marc Allégret, cinéaste (Lac aux dames, Zouzou), qui a été l’ami d’André Gide, lui ouvre toutes les portes : le cinéma est un piège à filles merveilleux. Tandis que Vadim se demande comment passer de la position verticale à la position horizontale, Brigitte est plus que jamais surveillée par ses parents. Si jamais elle devient la maîtresse de ce gandin… « Je le tue ! », annonce papa Bardot. Effrayée, la coupable court vers sa maman en lui disant : « Papa veut le tuer ! » La mère prend les choses avec flegme : « Si tu deviens sa maîtresse », précise-t-elle en remontant une maille sur le tricot qu’elle confectionne. Et elle demande : « Tu ne l’es pas, Brigitte ? – Oh, maman ! » Rassurée, Mme Bardot se remet à tricoter de plus belle et, posément, annonce : « Parce que si tu l’es, je le tue aussi ! »

    Mais peu importe. Brigitte prend les devants. Elle embrasse Vadim sur le palier et, dès lors, les choses suivent leur pente naturelle. Le pot aux roses, bien vite, est découvert. Le fabricant d’oxygène interdit à sa fille de revoir le suborneur. Brigitte ouvre le gaz. Pour éviter l’issue fatale, Pilou Bardot consent au mariage. Le scénario, dès lors, est écrit : amour, tragédie, séparation, menace de suicide. B.B. aime, puis casse, puis sombre, puis émerge, puis aime. Les épisodes « Valium-love » vont se succéder, la vie de Brigitte Bardot est une série de montagnes russes. Elle n’aime pas être seule, mais elle déteste être avec un seul homme.

    Quant au cinéma, c’est simple : la caméra adore la jeune fille. Dès son premier (petit) rôle dans le Trou normand (1952), gentille pochade avec Bourvil, les choses démarrent. On la sollicite de partout. La presse à sensation (qu’on a rebaptisée « people » aujourd’hui) constate qu’elle est l’égale de Marilyn Monroe, en plus piquant. Et la ronde recommence : elle a une aventure avec Trintignant, il s’en va, elle prend des somnifères. Elle est consolée par Gilbert Bécaud, il la quitte, elle se gave de pilules. Elle tombe dans les bras de Raf Vallone, il s’éloigne, elle déprime. Réduite à un fantôme, Brigitte Bardot cherche un coin pour se cacher. Elle charge sa mère de lui trouver une maison en bord de mer. Maman Bardot déniche une vieille ferme dans un coin perdu, la Madrague, à Saint-Tropez. Las ! En guise de calme et de quiétude, c’est la folie. Le coin perdu devient un village à la mode. Pis : Cannes, avec son festival, est juste à côté. En mai, elle fait une apparition sur la Croisette : c’est un tsunami. Les Italiennes lui crient : « Putana ! », et Brigitte, elle, fait part de son admiration pour… Charles de Gaulle. De plus, elle devient une idole féministe : Marguerite Duras écrit un article intitulé « La reine Bardot ».

    Il est temps, pour Brigitte, d’essayer la vie rangée : elle épouse Jacques Charrier (qui, aujourd’hui, fait de la peinture qu’on expose au musée de l’Erotisme, à Pigalle), apprend à repasser, à coudre, et, comme jadis Mme Coty, surveille la blanquette de veau. Mais cette vie, évidemment, ne lui convient guère. Elle accouche d’un enfant. Elle est malheureuse. Elle tente de se suicider, comme d’habitude. D’autres hommes suivront : Bob Zagury, un play-boy ; Gunther Sachs, un millionnaire ; Serge Gainsbourg, le bad boy ; Olivier Despax, star des sixties ; Patrick Gilles, le plus jeune… Il y aura des cinéastes, des pilotes de course, des chanteurs, des barmen, des journalistes. Les films s’enchaînent, l’époque évolue. Les minijupes, les mini-Morris, les maxi-manteaux révolutionnent la mode. Des filles comme Jane Birkin ou Twiggy imposent le « look » garçonnet. En mai 1968, Brigitte Bardot, c’est déjà une antiquité. Les années ont passé si vite… Cinq ans plus tard, après Colinot Trousse-Chemise, Brigitte Bardot met un point final à sa carrière. Elle a trente-huit ans.

    Désormais, fini le cinéma, fini les hommes (ou presque). Elle embrasse avec passion la défense de la cause animale. La fille qui a dynamité la France du pot-au-feu a, alors, tourné la page, une fois pour toute.

    Frédéric Falguière (Le Spectacle du Monde, octobre 2009)

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