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Métapo infos - Page 1451

  • L'économie, c'est la guerre !...

    Les éditions du Seuil viennent de publier L'économie, c'est la guerre ! , une enquête du journaliste Frédéric Charpier consacrée au champ de bataille que constitue l'économie dans le monde globalisé d'aujourd'hui. Frédéric Charpier est l'auteur de plusieurs livres intéressants, notamment Histoire de l'extrême gauche trotskiste (Editions 1, 2002) et La CIA en France : 60 ans d'ingérence dans les affaires françaises (Seuil, 2008). 

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    "Les Etats se livrent une guerre économique aussi discrète qu'implacable. En temps de crise mondiale, il y va de leur survie. La guerre s'étend dans le dédale des couloirs de l'Union européenne, de l'OMC, ou des institutions financières internationales. Elle s'invite dans les programmes secrets des laboratoires universitaires et des agences gouvernementales engagés dans des recherches stratégiques liées aux nanotechnologies, à la biométrie ou à la robotique. Les soldats eux-mêmes sont le plus souvent indécelables. Agents secrets ou personnels de puissants et opaques réseaux d'influence, ils opèrent sous le couvert de grands groupes industriels, de cabinets d'enquête et de sociétés militaires privés. Ils se camouflent dans des centres de recherche et des fondations, infiltrent des ONG, n'hésitent pas à instrumentaliser ces modernes chevaux de Troie que sont les fonds d'investissement. A leur disposition, ils ont tous les moyens de l'intelligence économique: recherche, technologie, argent... Frédéric Charpier a exploré les zones d'ombre, interrogé les acteurs et fouillé des milliers de documents. Des Etats-Unis à la Chine en passant par l'Irak, la Mauritanie ou Israël, il raconte les batailles, dévoile les coups tordus et les stratégies, s'interrogeant, enfin, sur la position de la France sur ce théâtre d'opération."

     

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  • A propos des Pussy Riot...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à l'«affaire» des Pussy Riot...

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    Pussy Riot, ce que désigne l'Occident
     
    L’art propagandiste consiste à se servir d’un événement, volontairement provoqué ou non, et de l’instrumentaliser en l’insérant dans une narration qui, la plupart du temps, est complètement détachée de la réalité, et s’apparente plutôt à une légende, noire ou rose. George Orwell a très horrifiquement décrit une société fondée en permanence sur cette dualité, qui fait penser à une sorte de schizophrénie collective, propre aux régimes dits « totalitaires ». Pour bien saisir l’importance disproportionnée que la « performance » des Pussy Riot, dûment encouragée et soutenue par l’énorme appareil de guerre idéologique de l’Occident, il faut la replacer dans une perspective sociétale. Car si ces « artistes », qui répètent de façon caricaturale et grotesque, ce que l’Occident a produit de pire en matière « culturelle », servent de pionnes à un conflit qui les dépasse, elles n’en expriment pas moins ce qu’est en vérité la nature du « Nouvel Ordre mondial » que d’aucuns voudraient voir s’étendre à l’échelle planétaire.

    Ne nous attardons pas sur les faits commis, qui relèvent du droit commun, et concernent la justice russe. Il est d’ailleurs choquant que des responsables politiques étrangers contestent un jugement qui serait exactement le même dans leur propre pays. Comme le faisait remarquer Alexandre Latsa (Pussy Riot : pourquoi une telle médiatisation? Rianovosti), l’article 322-3-1 du code pénal français punit de sept ans de prison et 100.000 € d’amende la dégradation d’un bien culturel exposé dans un lieu de culte. Rappelons aussi qu’en France existe une loi sur le blasphème, non pour protéger les religions traditionnelles, mais pour garantir la pérennité de dogmes relatifs à la shoah, vérités qu’il est interdit de discuter, et qui donne l’occasion, de ci, de là, de condamner, non pas parfois par rapport à ce qui est proféré, mais en regard de ce qu’on suppute être une opinion induite. Personne en France ne s’est élevé, dans les milieux intellectuels, pourtant si prompts à l’indignation sélective, contre cette loi inique qui a scandaleusement traîné devant les tribunaux des esprits libres, aujourd’hui si rares, parfois en assimilant outrancièrement l’antisionisme à de l’antisémitisme. Rappelons aussi en passant que nos démocrates maison, aptes à déclencher des « semaines de la haine » quand ça les arrange, ou à manier la perfidie comme d’habiles petits Goebbels qu’ils sont, ne voient aucun inconvénient à ce qu’un parti, qui drainent plus de 18% des électeurs, n’envoie à l’assemblée que deux députés. Il faut imaginer ce qu’une telle réalité politique susciterait de sarcasmes s’il s’agissait de la Russie, qui pratique en la matière la proportionnelle.

    Puisqu’il faut s’attarder sur la seule réalité qui compte, à savoir la domination sans partage d’une propagande colportée par les officines, les chancelleries, les medias, les membres du show business etc., tous acteurs de diabolisation de l’ « ennemi », et de promotion d’une société gangrénée et contrôlée par la finance apatride et cupide, il est intéressant de souligner ce qui est tu, de façon si criante, si l’on ose dire. Quoi de plus comique que lire et d’écouter les couplets des chœurs de pleureuses, rhétorique si redondante et convenue qu’on a l’impression qu’elle s’inspire du même dictionnaire, d’un glossaire qui donnerait aux comédiens de cet opera buffa tous les termes idoines du langage de l’épouvante la plus extrême. C’est tout juste si Poutine, Bachar Al-Assad, après le regretté colonel Kadhafi, ne sont pas décrits comme les réincarnations méphistophéliques de l’inestimable Nosferatu, de quelque Dracula que toute la quincaillerie clinquante et dérisoire de la société hallucinogène actuelle viserait à exorciser. Cela porterait à rire, comme dans ces théâtres de guignol qui font se pâmer les enfants de cinq ans, s’il n’y avait dans les coulisses tant de cadavres encore sanglants. Car ces idiots utiles de la bien pensance (je ne parle pas des responsables politiques qui savent très bien ce qu’ils font, en machiavels de supermarché du crime) n’ont guère été entendus quand les forces colonialistes de l’Otan ont écrasé un petit pays libre et fier, occasionnant 160 000 morts. On ne les voit pas non plus quand des civils sont massacrés par les avions des « alliés » en Afghanistan, ou que des attentats « aveugles » (préfiguration de ce qui se passerait en Syrie si les « rebelles » extrémistes l’emportaient) déciment les populations dans l’Irak « libéré ». Apparemment, certaines vies valent plus que d’autres. Où sont passées les accusations de tortures délocalisées par la CIA dans certains pays arabes ou d’Europe centrale ? Pourquoi du reste ne pas user de la même ténacité que celle qu’on emploie pour diffamer la Russie et son prétendu « Goulag », son supposé manque de liberté, pour s’en prendre aux Etats Unis d’Amérique, que l’emprisonnement dans un camp de concentration à Guantanamo de prisonniers non jugés (et à ce jour, ce camp n’est toujours pas fermé) aurait dû mettre au ban de la « communauté internationale », et qui ont légalisé la torture, conçu une loi liberticide, dite « patriot act », laquelle permet toutes les atteintes à la vie privée, à l’expression et à la circulation des gens (avec l’assentiment de la Communauté européenne, qui a accepté un contrôle policier de ses ressortissant par les Américains) ? Pourquoi ne pas dénoncer, avec toute l’ampleur et la puissance médiatiques déployées pour caricaturer la Russie et d’autres pays récalcitrants, la peine de mort dont l’application particulièrement abjecte, passe presque, ainsi que les bagnes, les prisons infâmes, inhumaines du pays du shérif Lynch, comme des traits folkloriques du pays des cow boys ? Pourquoi, du reste, ne pas reconnaître que l’action « héroïque » de ces pauvres filles, qui risquent d’ailleurs de ne plus le rester tant il leur est permis d’espérer quelque récompense de la part du milliardaire Soros, qui a toujours soutenu les entreprises de subversion visant à miner les pays de l’ex-bloc soviétique, n’aurait pas été tenue pour telle si elles avaient eu l’idée saugrenue d’envahir une synagogue pour protester contre la politique agressive, spoliatrice, criminelle d’un Etat qui mène, sans susciter de protestations majeures, et en dépit de dizaines de résolutions de l’ONU le condamnant, un nombre impressionnant d’actions, dont une seule aboutirait, pour n’importe quel autre pays, à une mise au ban de la société des nations ?

    Il n’est pas inutile non plus de s’interroger sur la nature d’un tel groupe d’agit-prop, que l’on présente comme un modèle de liberté, représentatif d’une liberté d’expression liée prétendument, comme le suggère de façon particulièrement grotesque notre ministre de la « culture », à une jeunesse qui n’aurait, comme toute ligne d’horizon, que la perspective hautement exaltante, de pratiquer des orgies avec des femmes enceintes, de se masturber avec des poulets morts, de crier « merde, merde, merde au Seigneur » dans une église, de se montrer nu et couvert de cafards, et j’en passe. On sait que, jadis, à l’époque où les rôles étaient bien départagés à l’échelle mondiale, d’un côté l’axe du Bien, l’Occident, et l’axe du Mal, le camp soviétique – un mystique, Soljenitsyne, qui, au demeurant, présentait tous les caractères d’un véritable génie littéraire et philosophique, lui, était plus ou moins accepté comme dissident pat la pars occidentalis du globe, et d’ailleurs plutôt moins que plus. Il est vrai qu’à sa façon il anticipait la nouvelle Russie qu’un Vladimir Poutine incarne, une Nation fière, indépendante, qui ne se laisse pas marcher sur ses pattes d’ours, et qui revient de plus en plus à des valeurs ancestrales, à la religion de ses pères. Ce que ne saurait tolérer un capitalisme agressif, dont la justification, qu’on appellera « philosophique », faute de mieux, repose sur la légitimation de la destruction programmée de tout ce qui fait obstacle à l’affranchissement hédoniste, expressionniste, morbide de toutes les pulsions infra-humaines, de toutes les capacités, à vrai dire infinies, des désirs égocentriques, animaux et haineux de ce qui se cache sous la conscience humaine, et qu’une société digne de ce nom doit permettre de juguler par le respect, l’éducation, et la considération pour le sacré et sa propre patrie.
    Claude Bourrinet (Voxnr, 18 août 2012)

     

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  • Tour d'horizon... (31)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Nations Presse.Info, Jean Géronimo analyse avec lucidité les enjeux de la crise syrienne...

    La Syrie au coeur de la guerre tiède ? D'une désinformation médiatique à une intervention programmée

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    - sur Atlantico, Christian Combaz revient sur François Hollande, le président normal...

    C'est d'exception qu'a besoin la France, pas de normalité

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  • "Il n'y a de pensée que lorsqu'il y a risque"...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec le sociologue Michel Maffesoli à l'occasion de la sortie de son livre Homo eroticus aux éditions du CNRS, cueilli sur le site de l'Express. Un penseur, qui, s'il est parfois contestable ou irritant, n'en reste pas moins toujours stimulant...

    michel maffesoli, modernité, post-modernité, sarkozy, droite

    "Il n'y a de pensée que lorsqu'il y a risque"

    Vous venez, du côté de votre père, d'une lignée de libertaires italiens ; votre mère comptait de nombreux Cévenols dans sa famille. Est-ce de cette filiation plutôt épicée que vous vient votre goût de la provocation ?

    Je l'ignore. Ce qui est certain, c'est que je n'aime pas penser droit. Dès 1982, lorsque j'ai fondé à la Sorbonne le Centre d'études sur l'actuel et le quotidien, j'ai choisi des sujets qui contrevenaient au politiquement correct. Ce pouvait être le Minitel rose, le poids et la fonction de l'image, la cuisine... A l'époque, la sociologie s'occupait des institutions, de l'établi, comme la politique ou la famille. Mon pari à moi consistait à dire que la vraie vie se trouve dans le quotidien, dans ce que l'on considère comme sans importance, dans le "banal". On l'a oublié, mais le jour du four banal, dans de nombreux villages, était celui du pain commun. Puis on a appelé banal ce qui n'est rien du tout. Je pense au contraire que c'est grâce à cette banalité que croît la société. 

    Vous brocardez le "conformisme intellectuel" de l'époque. De quel conformisme parlez-vous ?

    De celui qui nous empêche de penser la postmodernité. Nous avons une frousse terrible du mot lui-même, alors que c'est pourtant bien lui qui définit la période actuelle. La France a inventé la modernité à partir du XVIIe siècle, avec le cartésianisme et la philosophie des Lumières. Sans doute est-ce pour cela qu'elle éprouve une énorme difficulté à aborder le changement de paradigme en jeu aujourd'hui. Nous ne voulons pas voir que les valeurs modernes - raison, progrès, travail - ne constituent plus une matrice féconde. Alors, on parle de "modernité seconde", de "modernité tardive", de "modernité avancée". Prenez la crise : selon moi, elle est bien plus qu'une crise financière. Elle est crise au sens étymologique de "crible". Nous sommes en train de vivre le passage au tamis des valeurs de la modernité. 

    Est-ce par non-conformisme que vous avez dirigé en 2001 la thèse d'Elizabeth Teissier, qualifiée de "non-thèse" par les membres du jury qui l'ont examinée?

    Cela fait dix ans que cette histoire me poursuit ! [Il sourit]. En trente ans d'enseignement à la Sorbonne, j'ai fait passer 170 thèses, dont trois sur l'astrologie. Je suis, en ce domaine comme en beaucoup d'autres, un mécréant absolu. Ma règle en sociologie est la suivante : un fait, s'il est social, devient un fait sociologique. Il est là, on le traite. 50 % des Français consultent leur horoscope, et il ne me paraît pas infamant qu'une personne directement impliquée dans le sujet en question en parle. Le tout est de savoir comment elle doit en parler. A l'encontre de l'idée dominante en France - traiter les faits sociaux comme des choses -, je pense qu'il est possible d'intégrer la subjectivité. D'ailleurs, personne ne connaît le titre de cette fameuse thèse : "Situation épistémologique de l'astrologie à travers l'ambivalence fascination-rejet dans les sociétés postmodernes". Autrement dit, il s'agissait d'analyser comment les médias se comportaient par rapport à l'astrologie, et non de faire l'apologie de celle-ci. 

    Vous vous êtes également fait remarquer, l'an dernier, avec votre livre Sarkologies, où vous présentiez Nicolas Sarkozy comme un président "postmoderne", en phase avec le peuple et son époque. C'est pourtant François Hollande qui a été élu !

    A quelques centaines de milliers de voix près, je vous le rappelle. Sarkozy, pour qui je n'ai pas d'appétences politiques, a un côté "enfant qui ne grandit jamais", un côté mafieux, qui sont en effet pour moi l'un des reflets de la postmodernité. La modernité, c'est l'adulte sérieux ; la postmodernité, c'est Dionysos, l'enfant éternel et créatif, qui s'appuie sur sa famille, ses proches, s'ajuste au coup par coup. L'élection de François Hollande montre que la France n'est malheureusement pas en phase avec l'esprit du temps. Je reviens à ce que je disais : notre pays a peur de la postmodernité. Il vit un processus de rétraction. Nous sommes retournés aux grandes valeurs du XIXe siècle : l'Etat providence, le fonctionnariat, la crainte de devoir se débrouiller avec la vie. 

    Hollande incarnerait le cocon protecteur ?

    L'enfant éternel trafique parce qu'il n'y a plus de solution globale, juste des pistes à explorer sur le moment. Il est dans la "combinazione" permanente, ce qui est le propre du tragique contemporain - au sens étymologique de tragos, la trachée-artère, ce qui est rugueux par rapport à la veine. Le sale gosse Sarko "tchatchait", il réagissait à tout, à tel meurtre, tel incendie, en disant : "On va régler ça." Mais il ne pouvait que colmater puisqu'il n'y a pas de solution. Le Parti socialiste, lui, est un parti "dramatique" : il considère qu'il y a une solution morale pour la société dans son ensemble, qu'une issue est possible. La France, avec Hollande, a voté la normalité. Alors oui, nous trouverons une solution : un pays de fonctionnaires avec, à la clef, la production de normes. La "normopathie" est en marche ! Seulement, notre pays risque de passer à côté de l'évolution du monde actuel, qui exige de l'audace, des prises de risques. Même si je pense que nous serons, par la force des choses, contraints de revenir à une conception non sécurisante de l'existence, en laissant par exemple une flexibilité dans le travail. L'un de mes étudiants a réalisé une étude sur les jeunes, qui préfèrent les CDD aux CDI. Pourquoi ? Parce qu'ils savent que même les CDI peuvent s'arrêter, et parce qu'ils préfèrent conserver leur liberté. Nous avons devant nous une population franchouillarde de vieux cacochymes, qui ne mesure pas la vitalité et l'intensité juvénile de la société actuelle. 

    En quoi l'époque serait-elle vitaliste ?

    Regardez dans quelle ambiance émotionnelle nous baignons - musicale, sportive, culturelle, religieuse, etc. Les affects sont omniprésents, et même dans des domaines d'où ils avaient été exclus : la politique, l'économie. Il suffit de voir les meetings actuels avec musique et cotillons ! La vie sociale est remplie de rumeurs, de buzz, d'irruptions des humeurs. On voit émerger de nouvelles formes de solidarité et de générosité - il s'agit là de deux liens essentiels, car ce sont eux qui font société. Le couch surfing ou la colocation, par exemple : les études montrent que leurs adeptes éprouvent le désir d'être ensemble pour être ensemble et pas seulement pour des raisons économiques. La vieille lune de l'hospitalité revient aujourd'hui, renouvelée grâce aux technologies. 

    Certains de ces mouvements restent encore assez confidentiels...

    Ce qui n'est pour le moment réductible qu'à une classe de jeunes tend à se répandre dans l'ensemble du corps social par un processus de contamination. Au XIXe, le jeune qui arrivait sur le marché du travail n'avait d'autre choix que de s'habiller comme le bourgeois, en costume trois pièces. Aujourd'hui, le vêtement de l'enfant éternel, c'est le jean, et le bourgeois se met au denim. On veut rester jeune, parler jeune. On voit désormais des colocations intergénérations ou des colocations entre vieux. 

    Réjouissons-nous, alors : la société serait beaucoup moins individualiste qu'on ne le pense ?

    Parler d'individualisme contemporain est une ineptie propagée par les journalistes, les hommes politiques et certains universitaires. Il suffit de sortir, d'allumer son portable, pour se rendre compte que nous sommes toujours "en relation avec", qu'il y a toujours autour de nous une communauté, et que les émotions font le lien. Au "cogito ergo sum, in arcem meum" de Descartes - "je pense donc je suis, dans la forteresse de mon esprit" - qui fonde l'individualisme moderne a succédé le "je m'éclate avec". Les gens se structurent en tribus, autour d'un goût partagé - sexuel, musical, religieux, sportif, etc. -, dans une volonté de vivre le présent plutôt que de se projeter. C'est pour cela que la res publica est devenue une mosaïque, et que nous devons en faire l'apprentissage, même si celui-ci est douloureux. Par un processus de balancier, l'individu a été remplacé par la personne. L'individu est un ; la personne est plurielle. Chacun de nous est plusieurs choses, en fonction des circonstances, de l'âge, etc. Aujourd'hui, je n'existe que par et sous le regard de l'autre. Dans la modernité, on se créait par soi-même, on cherchait à être sa propre loi, à être autonome, selon l'idéal rousseauiste. Voyez la mode : en fonction de la tribu à laquelle j'appartiens, je vais m'habiller, parler, me cultiver de telle ou telle manière. Ces lois de l'imitation se sont exprimées à la fin du XIXe, mais elles n'étaient pas contemporaines par rapport à leur temps. 

    De quand datez-vous la naissance de ce phénomène ?

    Des années 1950, avec l'apparition du design, qui a esthétisé le quotidien. Est venue ensuite, dans les années 1960, l'effervescence des grands rassemblements. A partir de l'an 2000, ce qui s'était un peu perdu dans les sables a commencé à renaître. Regardez l'essor des communications horizontales grâce à Internet. Face à ce bouillonnement, notre intelligentsia reste décalée, alors que le grand public, lui, sent bien qu'il a envie d'"être avec", je dirais même de "coller" à l'autre, beaucoup plus que d'être autonome ! Il colle aux autres sur la plage, dans les concerts de musique, les apéritifs festifs, etc. 

    Ce que vous décrivez ressemble à l'ère prémoderne, médiévale, les technologies en plus.

    Il n'y a rien de nouveau sous le soleil, mais, à un certain moment, tel phénomène prend plus ou moins d'importance. Je pense que l'histoire de l'humanité obéit à une logique cyclique. C'est mon côté nietzschéen. Mais je suis aussi du peuple - notre entretien est parti de là. Si je dois quelque chose à mes origines populaires, c'est bien l'idée de la relativité du progrès.  

    "La réalité mesurable, quantifiable et statistiquement délimitée : voilà quel est l'alpha et l'oméga de l'idéologie positiviste qui a contaminé l'université", écrivez-vous dans votre dernier ouvrage. Tout de même : la réalité chiffrée reste encore un bon moyen de ne pas dire n'importe quoi !

    Je n'en suis pas du tout sûr. Le chiffre est la religion moderne. Il nous sécurise. Ce n'est pas dire n'importe quoi que de mettre l'accent sur le qualitatif, pour voir ce qui meut en profondeur une manière d'être soi et avec l'autre, tout en veillant à ne pas laisser trop de place au subjectif. Les entretiens non directifs que nous pratiquons dans mon Centre, et qui m'avaient valu des critiques dans les années 1980, sont désormais fréquemment utilisés en sociologie ! 

    On vous accuse d'être un sociologue de droite, bien servi par le pouvoir précédent.

    Ça m'est complètement égal. Je pense, c'est vrai, que l'époque se prête plus au modèle de la débrouille incarné par Sarkozy, mais je ne partage pas les valeurs de la droite, pas plus que je ne suis de gauche. Il n'y a de pensée comme d'amour que lorsqu'il y a risque. J'ai toujours accepté la prise de risques. Et vous avez compris que je l'assumais. 

    Michel Maffesoli, propos recueillis par Claire Chartier (L'Express, 20 août 2012)

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  • Droites radicales ?...

    La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque (n° 62, septembre - octobre 2012).

    Le dossier central est consacré aux droites radicales en Europe entre 1900 et 1960. On peut y lire, notamment,  des articles d'  Alain de Benoist ("L'Action française avant 1914"), de Jean-Claude Valla ("Ledesma Ramos et José Antonio"), de Jean-Joël Brégeon ("Quand Churchill admirait Mussolini"), d'Olivier Dard ("Les écrivains français et la tentation fasciste), de Charles Vaugeois ("Codreanu et la Garde de Fer"), d'Antoine Baudoin ("L'extrême droite dans la résistance") et de Dominique Venner ("Ernst von Salomon, le soir du réprouvé.

    Hors dossier, on pourra lire, en particulier, des entretiens avec l'historien Reynald Secher ("La riposte de la Vendée"), avec l'arabiste espagnol Serafin Fanjul ("Le mythe d'al-Andalus") et avec l'historien Jean-Louis Voisin ("Alésia, César et Vercingétorix"),  des articles de Anne Bernet ("Rome : quand les légions faisaient les empereurs") et de Pierre de Meuse ("Rousseau sans illusion") et la chronique de Péroncel-Hugoz.

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  • Richard Millet répond à ses détracteurs...

    "En dix-huit pages, Richard Millet déroule avec rage la litanie des haines qu'il a déjà déversées dans d'autres écrits, notamment Opprobre, paru chez Gallimard en 2008. Inscrit dans une pensée d'extrême droite qui n'hésite pas à esthétiser la violence, Millet n'en est pas à ses débuts, en matière d'anathème." Raphaëlle Rérolle (Le Monde, 28 août 2012)

    "Au seuil de ce livre abject où Millet sonne l'Angélus, une phrase de Drieu la Rochelle suggère que nous allons assister à un suicide littéraire." Jérôme Garcin (Le Nouvel Observateur, 17 août 2012)

    "Il a des pensées qui sont nauséabondes." Tahar Ben Jelloun (France Inter, 28 août 2012)

    Sévèrement attaqué dans les médias bien-pensants par les chiens de garde du système à l'occasion de la sortie de ses deux essais intitulés De l'antiracisme comme terreur littéraire et Langue fantôme, suivi de Eloge littéraire d'Anders Breivik, qui sont tous les deux publiés aux éditions Pierre-Guillaume de Roux, Richard Millet fait face à ses détracteurs dans cet entretien réalisé sur I Télé le 29 août 2012 et cueilli sur le site de F.Desouche.

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