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  • Guerre Russie Ukraine, les charlatans de l’information...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'Observatoire du journalisme consacré aux experts charlatans qui peuplent les plateaux de télévision depuis le début de la guerre entre l'Ukraine et la Russie.

     

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    Guerre Russie Ukraine, les charlatans de l’information

    Le titre de cet article pourrait être : Bas les masques ! Depuis le début de la guerre en Ukraine (février 2022), un carnaval de nouveaux « experts » en géopolitique anime les plateaux de télévision et de radio avec à la clef un festival de prédictions et d’analyses que Nostradamus n’aurait même pas osé. Si les avis et prévisions proférés peuvent être drolatiques avec le recul du temps, nos « experts » qui les professent ont parfois l’oreille des politiques au plus haut niveau.

    Mondanités, cirage de pompes, arrivisme, diront les mauvaises langues. Mais ce n’est pas notre genre. L’OJIM se contente de saluer les divinations dont ces experts nous ont bénis depuis deux ans. Petit florilège des prophéties les plus abouties et de leurs auteurs.

    Jean-François Colosimo et le cerveau reptilien

    Edmond Rostand aurait fait parler Jean-François Colosimo, éditeur et écrivain, à la manière du sieur de Bergerac. Nous pourrions citer bien des choses. Par exemple, tenez.

    Historien : « Dès le départ, la Russie a perdu la guerre, qui est une faute de Poutine, qui massacre les Ukrainiens et sacrifie les Russes [1] ».

    Visionnaire : « La Russie a déjà perdu la guerre [2] ».

    Croupier : « Le système Poutine, c’est remettre le jeton d’une guerre chaque fois que son régime pourrait s’écrouler [3] ».

    Psychologue : « Nous surestimons la puissance de Poutine. Si nous intervenons un peu plus, est-ce qu’il va nous attaquer nucléairement ? Jamais de la vie. Et ça je peux vous le certifier parce qu’il a un cerveau reptilien de la guerre froide [4] ».

    Moulangeur : « La Russie a un temps d’avance mais ça montre la nature criminelle du régime. La guerre que la Russie mène à la France est réelle : nous sommes dans la première guerre mondialisée ». Chirurgien : « Poutine a lobotomisé la société russe [5] ».

    Beaucoup de lettres et de concepts qui ne reposent sur rien mais qui, dans une ambiance d’hystérie collective, vous rendent miraculeusement intelligent, ou presque.

     

    Xavier Tytelman, Nostradamus prend l’avion

    Xavier Tytelman, fondateur du Centre de Traitement de la Peur de l’avion, marche sur deux pieds qui ne vont pas dans le même sens. D’un côté ses émissions techniques sur l’armement utilisé en Ukraine sont assez remarquables, de l’autre ses prévisions géopolitiques sont tout à fait hasardeuses.

    Premier soutien de l’Ukraine, Xavier Tytelman ne s’en cache pas. Mais de là à raconter n’importe quoi… Ici, le militant l’emporte sur l’expert. La défaite russe était donc certaine pour Xavier Tytelman. « La défaite russe est quasi sûre à moins d’arriver sur des systèmes non conventionnels mais à terme, ils vont perdre [6] ».

    Se tromper peut arriver, mais il faut le reconnaître. C’est sans doute trop pour notre pilote de ligne nouvel expert du terrain militaire. Un journaliste lui demande s’il ne s’est pas (rien qu’un peu) trompé sur l’armée russe : « Je me rappelle quand même certaines de vos interventions extrêmement optimistes sur l’Ukraine [7] ». Il répond : « On a sous-estimé notre capacité à aider les Ukrainiens ». Il fallait préciser.

    Et quand le barrage de Kakhova s’est effondré, il n’y avait qu’un coupable possible : « C’est à 100% les Russes qui peuvent être à l’origine de cette attaque [8] ». Avec des experts comme ça, même plus besoin d’enquête !

     

    Bruno Tertrais, la recherche stratégique pour les nuls

    Même son de cloche du côté de Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique.

    Voici un florilège qu’on serait très déçu de manquer : « Le scénario le plus probable est celui de l’effondrement progressif de l’armée russe [9] » (2022), « À moyen terme, la Russie ne peut être que perdante. Cette guerre est extraordinairement coûteuse pour elle sur le plan financier, humain [10] » (2024), « Poutine a déjà perdu la guerre. Je ne vois pas comment la Russie peut renverser la machine à vapeur [11]».

    On doit bien se marrer au Kremlin.

    Bruno Tertrais est aussi politologue « La Russie pourrait se muer en une gigantesque Corée du Nord [12]», « Poutine veut un pays en guerre, il ne peut rester au pouvoir qu’à la tête d’un pays en guerre, on l’imagine très bien dans une future grande Corée du Nord qui serait la Russie dans quelques années [13]», « La Russie est en train de dépasser le stade de l’autoritarisme pour devenir un pays : quasi-fasciste. Je dis bien “quasi” pour garder le sens de la mesure [14] ».

    Fondation stratégique avez-vous dit…

     

    Pierre Servent, les russes ont saboté Nord Stream qu’ils ont bâti

    Analyses acérées de Pierre Servent, journaliste et consultant défense chez TF1-LCI : « Il y a une certitude, c’est que cette offensive sera très meurtrière pour les Ukrainiens parce qu’ils vont se retrouver en position offensive et les Russes en position défensive [15] ». Il faut donc être un expert pour le savoir. Lui aussi avait prédit un effondrement de l’armée russe [16] mais parce que la Russie « n’a qu’une force militaire de corps expéditionnaire et pas une armée de haute intensité [17] » (2023). Il en parlera aux soldats ukrainiens.

    Comme les autres, il nous a fait part de son avis affûté pour connaître le coupable du sabotage de Nord Stream II dans un entretien pour RTBF « L’histoire de la Baltique, je l’interprète comme étant le prélude à d’autres opérations de cette nature venant de Moscou [18] » et Le Point [19]. Parole d’expert ! Mais aujourd’hui on soupçonne précisément l’ex-chef d’état-major ukrainien, Valeri Zaloujny, actuellement ambassadeur d’Ukraine à Londres, d’être impliqué dans l’affaire [20].

     

    Nicolas Tenzer, la voix de l’OTAN

    Il y a ceux qui enchaînent les prédictions douteuses, et puis d’autres qui sont d’abord des militants. C’est le cas de Xavier Tytelman, mais surtout de Nicolas Tenzer, ancien haut fonctionnaire et enseignant à Sciences Po, membre du très otanien CEPA (Center for european policy analysis) vraiment pas craintif à l’idée de déclencher une guerre ouverte avec Moscou. Pour commencer, si la contre-offensive a échoué, c’est la faute de l’OTAN : « c’est véritablement notre faute, notre culpabilité même, si nous n’avons pas aidé les Ukrainiens », « certes, l’Ukraine ne peut plus être défaite, ça il faut être très clair là-dessus, en revanche, pour reconquérir l’ensemble des territoires perdus, il faudrait un effort massif, nécessaire, obligatoire de la part des alliés [21]».

    Face à la Russie, « on ne peut pas laisser uniquement les Ukrainiens se battre à notre place » et Emmanuel Macron a « totalement raison » d’envisager l’envoi de troupes [22]. « Nous serions nous aussi capables physiquement de détruire la Russie [23] », a‑t-il également avancé sur France Info. Déclencher une guerre nucléaire ouverte avec Moscou, c’est donc le plan de N. Tenzer. Quelques années avant, ses analyses sur la complexité du conflit syrien étaient loin d’être glorieuses : Poutine et Bachar al Assad avaient selon lui « une volonté de tuer tout le monde. De tuer tout ce qui peut être tué [24] ». Puissant. Professeur à Sciences Po avez-vous dit ? Il est vrai que Sciences Po de nos jours…

    Observatoire du journalisme (OJIM, 9 mai 2024)

     

    Notes et références

    [1] La Crucifixion de l’Ukraine, Albin Michel, octobre 2022.
    [2] Public Sénat, 25 nov. 2022
    [3] C ce soir, 15 févr. 2024
    [4] C dans l’air, 26 févr. 2024
    [5] LCP, 3 nov. 2022
    [6] twitter.com/SudRadio/
    [7] twitter.com/EuropaMagnifica/
    [8] [UKRAINE] Qui a pu détruire le barrage de Nova Kakhovka ? Conséquences militaires, YouTube
    [9] Bruno Tertrais : « Le scénario le plus probable est celui de l’effondrement progressif de l’armée russe », Le Soir, 23 août 2023
    [10] Bruno Tertrais : « La Chine est peut-être un colosse aux pieds d’argiles », La Nouvelle République, 12 janvier 2024
    [11] twitter.com/search?q=Bruno%20tertrais%20ukraine
    [12] Bruno Tertrais : «La Russie pourrait se muer en une gigantesque Corée du Nord », Le Figaro, 27/07/2023
    [13] Ukraine : une contre-offensive imminente ?- Bruno Tertrais, C à vous, 06/06/2023
    [14] x.com/LCI/
    [15] Contre-offensive de l’Ukraine en préparation : “Les pertes seront très lourdes pour les Ukrainiens”, selon l’expert militaire Pierre Servent, FranceInfo, 4 mai 2023
    [16] Pierre Servent prédit “un effondrement du corps expéditionnaire russe”, FranceInfo, 24 février 2023
    [17] Pierre Servent prédit “un effondrement du corps expéditionnaire russe”, FranceInfo, 24 février 2023
    [18] RTBF, rtbf.be, 29 sept. 2022
    [19] Le Point, lepoint.fr, 29 sept. 2022.
    [20] France Info, francetvinfo.fr, 21 mars 2024.
    [21] France 24, x.com/France24_fr
    [22] Face à la Russie, « on ne peut pas laisser uniquement les Ukrainiens se battre à notre place », selon Nicolas Tenzer
    [23] France Info, x.com/franceinfo
    [24] France Info, Syrie : la Russie et le régime de Bachar Al-Assad mènent « une guerre d’extermination »

     

     

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  • Ukraine, Gaza : "l’heure de vérité" approche...

    Pour son émission sur TV Libertés, Chocs  du monde, Edouard Chanot reçoit Alain de Benoist pour évoquer avec lui les guerres en Ukraine et à Gaza.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021), L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022) et, dernièrement, Nous et les autres - L'identité sans fantasme (Rocher, 2023).

     

                                                

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  • Guerre en Ukraine : la vérité empoisonnée ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous Le samedi politique de TV Libertés, diffusé le 4 mai 2024 et présenté par Élise Blaise, qui recevait Régis Le Sommier pour évoquer avec lui le traitement médiatique occidental de la guerre russo-ukrainienne, déconnecté de la réalité du théâtre militaire.

    Grand reporter à Paris Match, puis directeur adjoint de ce journal, Régis Le Sommier a publié La vérité du terrain - Récits d'un reporter de guerre (Bouquins, 2022). Il dirige désormais le média Omerta.

     

                                               

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  • La guerre russe...

    Les éditions Perrin viennent de publier le quatrième volume de la revue De la guerre, dirigée par Jean Lopez, également directeur de la revue Guerre et Histoire. Le dossier de ce numéro est consacré à la façon spécifique des Russes de faire la guerre.

     

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    " De la guerre, c’est un grand voyage dans l’Histoire et… dans l’actualité ! Le gros dossier de cette quatrième édition est en effet consacré à la « guerre russe ». Peut-on, à travers les cent guerres menées par les Russes depuis quatre siècles, isoler une façon de se battre qui leur serait propre ? Oui ! Et le lecteur comprendra bien des choses vues et entendues durant l’actuelle guerre en Ukraine, comme la faible sensibilité aux pertes, la désorganisation initiale, le retard technologique, l’appel aux détenus, etc. Frédéric II disait déjà du soldat russe que ce qu’il faisait le plus facilement c’était de mourir, et Napoléon qu’il fallait le tuer deux fois !
    Deux autres articles plongent dans l’actualité. Le premier, écrit par Michel Goya, livre les clés de cette « révolution militaire arabe » qui, depuis quarante ans, donne de plus en plus de fil à retordre à Israël. Le second explore l’immense panoplie d’engins qui se croisent dans les cieux d’Ukraine, d’Arménie ou de Gaza en expliquant clairement la différence entre obus, roquette, fusée, missile, drone, et toutes les façons de rendre ces armes « intelligentes ».
    Ce De la guerre no 4 explore aussi d’autres territoires, de l’Antiquité à nos jours, en mobilisant, comme d’habitude, les ressources de la cartographie, de l’infographie, de l’illustration artistique et de la photo accueillies dans une maquette sobre et élégante. "

    Également au sommaire :
    - Au cœur de la bataille romaine, par Maxime Petitjean
    - La guerre de Sécession, première guerre des masses, par Vincent Bernard
    - Bernard Grué, des camps viets au SDECE, par Jérôme Santelli
    - François Ier/Charles Quint, par Guillaume Frantzwa
    - Le carnage de la Somme vu par Ernest Brooks
    - Le bombardement stratégique, l’arme magique ?, par Benoist Bihan
    - Vers Castillon : la dernière campagne de la guerre de Cent Ans, par David Fiasson
    - Des fusées Congreve aux Himars, par Patrick Mercillon
    - La guerre des souvenirs militaires, par Christophe Pommier
    - Les dix-huit gloires de la Royale, sous la direction de Michel Aumont et de Patrick Villiers
    - La guerre contre Samory Touré, par Vincent Joly

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  • Pierre Conesa : "Les intellectuels parisiens n'iront jamais faire la guerre"...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Pierre Conesa à Omerta, dans lequel il évoque les conflits en cours en Ukraine et au Proche-Orient...

    Agrégé d'histoire et énarque, Pierre Conesa a fait partie dans les années 90 de la Délégation aux affaires stratégiques du Ministère de la défense. Il est l'auteur de plusieurs essais, dont, notamment, Dr. Saoud et Mr. Djihad - La diplomatie religieuse de l'Arabie saoudite (Robert Laffont, 2016), Hollywar - Hollywood, arme de propagande massive (Robert Laffont, 2018), Le lobby saoudien en France - Comment vendre un pays invendable (Denoël, 2021), Vendre la guerre - Le complexe militaro-intellectuel (L'aube, 2022) et État des lieux du salafisme en France (L'aube, 2023).

     

                                                

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  • Odessa mon amour ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Ghislain de Castelbajac cueilli sur Geopragma et consacré à une analyse lucide des envolées lyriques et martiales de notre président...

    Membre fondateur de Geopragma , Ghislain de Castelbajac est spécialiste des questions d'intelligence économique et enseigne à l’École de Guerre Economique.

     

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    Odessa

     

    Odessa, mon amour ?

    Face aux attaques de tous bords auxquelles Geopragma et ses membres font face, il est temps de répondre aux adeptes du whisky churchilien d’un côté, et ceux de la vodka triste de l’autre, par un vieil armagnac bien construit et structuré.

    Nous traitons la géopolitique de façon réellement indépendante, et défendons une analyse du temps long et des intérêts et évolutions des puissances. Nous ne sommes pas toujours d’accord, et c’est heureux. 

    Les anciens diplomates français de tout premier niveau qui participent à nos travaux le savent: parler à tout le monde ne signifie pas cautionner. Il faut parfois ravaler ses opinions pour écouter l’adversaire, le représentant d’un régime honni, afin d’être force d’analyse, puis de proposition.

    L’agora des réseaux sociaux et les donneurs de leçons inféodés brouillent l’écoute de la réflexion et de l’action géopolitique. 

    Les « trolls » bas du front sévissent et polluent le débat : D’un côté les partisans d’un régime kleptocrate revanchard post-soviétique qui teste les limites d’européens sous tutelle américaine.

    De l’autre, des hyènes dactylographes souvent payées par des officines étrangères bellicistes et non moins impérialistes, à l’agenda tout aussi dangereux pour la France.

    Le plus comique étant que leur maître états-unien commence à se désengager justement de nos conflits européens pour des raisons budgétaires et électorales. Sans doute pris de panique par la perspective d’un désengagement de Washington, ces servants s’en prennent à ceux qui ne pensent pas comme eux pour tenter d’exister. 

    Comme par enchantement, une offensive propagandiste est venue des tréfonds du ventre encore fécond de l’hydre néocon qui causa tant de souffrances depuis l’invasion illégale de l’Irak. La vague provient notamment de l’émissaire français d’un think tank américain belliciste, pour réclamer une intervention de nos troupes au sol sur le front ukrainien. Le relai fut comme par hasard immédiat auprès de Charles Michel (1) et du président Macron.

    Or, c’est ce moment géopolitique, moment de vérité nue car les empires de l’Est comme de l’Ouest montrent leurs vrais visages, qu’il convient de saisir pour l’Europe et la France en particulier.

    Normalement vouée à être apôtre de la Paix en cette année olympique, la France peut prendre l’initiative dans la future mise en place de négociations pour un cessez le feu en Ukraine, mais aussi et surtout pour la mise en place d’une paix durable en Europe orientale. 

    Mais la méthode présentée par nos dirigeant est-elle la bonne ?

    Stratégie du fou au fort ?

    En évoquant la possibilité d’un envoi de troupes au sol, notamment dans la région d’Odessa, le président de la République s’adresse très certainement à l’électorat français dans un contexte d’élections européennes. Il s’agit d’un jeu politicien basé sur la peur et l’irrationalité.

    Mais si l’on fait fi de cette manœuvre électorale en se concentrant sur le terrain géopolitique, le message que le président fait passer à Vladimir Poutine n’est pas dénué de tout fondement opératif. Reste à savoir s’il en découle une stratégie cohérente, qui elle-même servirait les intérêts fondamentaux de la France.

    Dans un jeu du fou au fort, ou du fou au fou, il peut être intéressant de parler le même langage que la Russie expansionniste, en posant les bases d’une limite stratégique, ici territoriale, qui placerait Odessa en but de paix pour la France et l’Europe, et ferait apparaître Paris non plus comme une capitale coulée dans un moule eurocrate, mais bien comme une puissance historique européenne qui ferait valoir ses « droits » de manière parfois brusque, face au révisionnisme de Moscou.

    Pour bien comprendre l’épisode faussement fuité dans la presse du président Macron qui, devant un verre de whisky, se verrait bien « envoyer des gars » à Odessa, suivi de cet aveu présidentiel géopragmatique : «Aider l’Ukraine, c’est aussi notre intérêt à court terme parce qu’il y a en Ukraine beaucoup de ressources, beaucoup d’éléments dont nous avons besoin pour notre économie». C’est intéressant, même s’il oublie de mentionner que plus de 40% des terres arables en Ukraine sont détenues par des investisseurs étrangers (mais non français) et qu’il faudra expliquer à nos agriculteurs le bienfait d’une entrée de ces ressources ukrainiennes sur le marché européen.

    Face à l’ignorance d’une partie croissante de notre personnel politique, il faut donc reprendre le contexte historique :

    La France est déjà intervenue entre 1853 et 1855 en Crimée pour combattre la Russie. Cette embardée fit près de 100 000 morts français, dans un conflit inspiré par l’Angleterre pour ses propres intérêts, les Britanniques étant restés au large de la péninsule pendant que les Français se faisaient tuer…pour rien à part quelques noms d’avenues parisiennes.

    Le Général Marquis Armand de Castelbajac, qui était alors ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, avait -en vain- alerté l’empereur Napoléon III des dangers pour la France de se faire embarquer dans cette guerre.

    Le vieux Général, blessé plusieurs fois à la Moskova, se souvenait de la campagne de Russie de Napoléon Ier, qui fit 500 000 morts côté français. Réprimandé à son retour à Paris par sa hiérarchie, l’Empereur qui avait depuis perdu son fils dans une autre envolée interventionniste stérile en Afrique du Sud, finit par reconnaître la sagesse du vieux général en le nommant sénateur du Gers à vie.  

    Mi-décembre 1918 les Français ont débarqué à Odessa pour combattre les Russo-bolcheviks. La ville fut sous administration française jusqu’en mars 1919. Ce fut un échec, accompagné d’une mutinerie des marins français et des débats houleux à la Chambre.

    La participation de la France à la construction de la ville en 1803, puis durant la première guerre de Crimée, et notre campagne d’Odessa en 1919 démontre à la Russie poutinienne que le sang versé par nos hommes n’est pas un vain mot. Il semble donc intéressant de faire entrer l’hypothèse auprès du Kremlin que la France a une certaine légitimité historique à vouloir défendre Odessa. Le président Poutine est un féru d’Histoire : je connais d’ailleurs les manœuvres et barbouzeries de son entourage le plus proche pour obtenir nos précieuses archives et souvenirs familiaux du général de Castelbajac qui ont concerné cette première guerre de Crimée.

    Le président Macron peut donc trouver des arguments (autres qu’électoralistes) d’indiquer aux russes qu’Odessa est une ligne rouge pour la France.

    Pour ces raisons historiques et quasi-« sentimentales », mais aussi pour des raisons stratégiques, car la fermeture du verrou d’Odessa bloquerait l’accès de l’Ukraine à la Mer Noire, qui redeviendrait un lac russo-ottoman.

    Créé par Catherine II avec l’aide du duc Armand de Richelieu, le port d’Odessa est également le plus proche de celui de Sébastopol. La ville est aussi un verrou terrestre, à moins de 90 kilomètres de la frontière avec la République autoproclamée russophone et russophile de Transnistrie, séparatiste de la Moldavie.

    Il est important que la paix en construction permette à chacune des deux parties de sauver la face. L’auteur de ces lignes a toujours défendu une ligne claire. Pour paraphraser François Mauriac, je pourrais dire que j’aime tellement l’Ukraine que je souhaite qu’il y en ait deux.

    La paix des braves passe donc, qu’on le veuille ou non, par un partage territorial qui retrouverait les lignes naturelles des peuples russes et russophones qui habitent l’Ukraine orientale du bassin du Donbass ainsi que la Crimée, et une Ukraine occidentale héritière de la Mitteleuropa et pleinement légitime à retrouver la voie d’une réintégration aux ensembles européens : royaume polono-lituanien, Autriche-Hongrie, bientôt UE (?), qui en firent autrefois sa gloire.

    Il est d’ailleurs très utile de se pencher sur des cartes projetant les projets de tracés des frontières de la très grande Pologne, telle qu’elle fut envisagée par la France -et par les empires centraux- en 1918 afin de contrer le tout nouveau danger bolchevique :

    Le tracé intègre la Crimée et le Donbass à la nouvelle Russie, mais Odessa et son hinterland aurait été polonaise selon ce projet.

    L’impossibilité d’un lac ?

    Malgré les envolées lyriques et martiales de notre président, alors que nos forces armées « sont à l’os » pour reprendre les termes de nombreux officiers supérieurs, quel serait l’intérêt stratégique et militaire de la France, et même de l’Europe, d’envoyer des troupes, ou de devenir cobelligérants en Ukraine, particulièrement pour défendre le verrou d’Odessa ?

    S’il est admis que la perte d’Odessa par Kiev serait un coup très dur porté à la nation ukrainienne car elle priverait l’Ukraine d’accès à la mer et permettrait aux Russes d’assurer leur jonction avec les Russes de Transnistrie, il me semble qu’il faut aussi envisager cette hypothèse malheureuse comme porteuse à l’avenir de paix et de stabilité retrouvée de cette région de l’Europe :

    Nous avons à plusieurs reprises déploré l’absence de remise en cause des découpages soviétiques faisant fi des réalités des nations et des volontés des peuples qui composèrent l’ex URSS. 

    C’est donc un crève-cœur et une tragédie que d’avoir abandonné à l’armée russe et son lot de destructions le nécessaire travail de révision de ces frontières administratives internes qui aurait dû se faire par des référendums d’auto-détermination dans les oblasts concernés, et par des traités : le manque de mise à plat des points de friction à la chute de l’union soviétique et l’absence de Pacte de stabilité tel qu’il existât pour l’Europe centrale en 1995, puis tous les événements subséquents avec l’accélération depuis le coup d’Etat de Maïdan en 2014 nous ont précipité dans ce gouffre d’une guerre qui pourrait entraîner l’Europe dans un ultime suicide.

    Cette tragédie est malheureusement ficelée de longue date, notamment par les états-majors américains, qui avant même l’arrivée de Poutine au pouvoir, identifiaient trois actions qui permettraient aux Etats-Unis de conserver leur rôle à l’échelle mondiale : contenir la poussée de la Chine, assurer la division de l’Europe et couper la Russie de l’Ukraine. (2) Ces buts stratégiques américains sont atteints au-delà de leurs espérances, en poussant à la faute Poutine et en coupant pour plusieurs décennies la Russie de l’Europe, tout en la poussant dans les bras de la Chine.

    Pourtant, au-delà de ces agitations idéologiques, il apparait aujourd’hui selon de nombreux experts que la capacité militaire de la Russie ne lui permet pas à ce jour de s’emparer d’Odessa, même si les attentats du théâtre Crocus près de Moscou le 22 mars, ainsi que les salves de missiles ukrainiens tirés sur Sebastopol, sont en train de faire basculer le conflit vers un engrenage de plus en plus incontrôlable.

    A quelques encablures d’Odessa se construit actuellement en Roumanie, à proximité de la ville portuaire de Constanța, la future plus grande base militaire européenne de l’alliance de l’OTAN. La nouvelle installation abritera quelque 10 000 membres du personnel et leurs familles.

    La situation ne serait donc pas -encore- aussi désespérée pour Kiev sur le front Sud-Ouest, qui entend profiter de sa situation sur la côte pour harceler la marine russe. 

    Les annonces du président Macron seraient donc une stratégie de galvanisation à bon compte censée permettre une re-mobilisation des pays membres de l’OTAN. En utilisant le golem russe comme épouvantail, et le peuple français comme cobaye de peurs irrationnelles, la rhétorique guerrière et apocalyptique de certains oiseaux de malheur peut, en effet, servir de catalyseur électoral… ou de panique. (3)

    Comme déjà exprimé à de nombreuses reprises, il existe pourtant une voie pour une Paix durable en Europe, mais celle-ci ne passera ni par le président Zelenski, emporté dans une voie sans issue tant par le Royaume Uni de Boris Johnson qui l’enfuma dans un refus d’accepter de rédiger des accords à Ankara en 2022, ni par la Rada qui instaura une loi interdisant toute négociation avec la Russie.

    Il serait donc intéressant pour la France d’écouter les déclarations du général Zaloujni, CEMA ukrainien récemment destitué, plus au fait de la situation sur le terrain et sans doute plus pragmatique.

    Peut-être même que dans une prise de conscience, certes tardive, de l’importance pour les européens de prendre enfin en main leur destin de défense du continent, nous pourrions -rêvons un peu- nous soustraire d’un ordre américain qui est de toute façon en demande de prise de distance. (4)

    Mais entre soutenir la cause ukrainienne, prendre enfin conscience de l’inconstance des politiques budgétaires de défense de la France, et entrer dans une guerre totale (c’est l’ennemi qui vous désigne, y compris comme cobelligérant), il y a un abîme à ne pas franchir. 

    Le cynisme ambiant des bellicistes en herbe est l’inverse d’une réflexion posée et construite. Elle s’apparente à une perte de contrôle, un errement guidé, aveuglé par les peurs, les sentiments, et sans doute l’ignorance, qui pourraient faire de la France une cobelligérante. Comme le disait le général de Gaulle, il n’y a que les arrivistes pour y arriver…

    Ghislain de Castelbajac (Geopragma, 25 mars 2024)

     

    Notes :

    1 - https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2024/03/19/if-we-want-peace-we-must-prepare-for-war/
    2 - C.f Zbigniew  Brzeziński, Le Grand Echiquier, 1997
    3 - C.f : https://geopragma.fr/les-hypocrites-les-cyniques-et-leurs-golems/
    4 - https://www.bvoltaire.fr/otan-75-ans-pour-quoi-faire/
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