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  • Russie-Ukraine : Maintenant, la paix...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Rochedy consacré à la guerre russo-ukrainienne et diffusé sur Twitter. Publiciste et essayiste, Julien Rochedy, qui est une figure montante de la mouvance identitaire, a déjà publié plusieurs essais dont Nietzsche l'actuelL'amour et la guerre - Répondre au féminisme, Philosophie de droite et dernièrement Surhommes et sous-hommes - Valeur et destin de l'homme (Hétairie, 2023).

     

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    Russie-Ukraine : Maintenant, la paix.
    Appel au réalisme
     
    Notre ami Antoine Dresse vient de sortir un petit livre fort intéressant sur le réalisme en politique. Je crois que c’est exactement ce dont nous avons besoin à présent. Regarder la réalité telle qu’elle est et non comme on aimerait qu’elle soit, et ce faisant, en tirer les plus évidentes conclusions pour l’intérêt de tous. En particulier pour nous, Européens.
    Reprenons donc les faits.
     
    En 2014, les Ukrainiens voulurent se débarrasser d’une tutelle russe insupportable incarnée par le très corrompu président Viktor Ianoukovytch. Ceux qui déclarent que les évènements du Maïdan ne furent qu’une révolution colorée instruite par la C.I.A et les services Allemands mentent ou plutôt ne disent pas toute la vérité.
    Que des services secrets aient agi en sous-main, comme dans toutes révolutions, c’est certain ; que cela discrédite entièrement un mouvement, cela est irrecevable. Au même moment, les services russes agissaient à fond pour maintenir l’Ukraine dans leur giron. Quelles que furent les actions des uns et des autres, il faut convenir qu’une grande partie des Ukrainiens souhaitèrent se rapprocher de l’Europe et plus généralement de l’Occident afin de tourner la page d’une vassalisation qui leur avait coûté très cher dans l’Histoire.
     
    En tant qu’Européens – et pour peu qu’on se soucie un tantinet de l’Europe – nous ne pouvions pas rester insensibles à pareille volonté d’un peuple de notre continent de nous rejoindre et d’être prêt à se battre pour cela.
    Depuis l’invasion de leur territoire de février 2022, les Ukrainiens ont montré toute leur détermination à devenir une nation indépendante de la Russie tournée plus volontiers vers l’Ouest. Ceci, personne ne peut désormais leur enlever : Même les pro-russes les plus acharnés ne peuvent plus nier cette farouche volonté ukrainienne (ils diront peut-être : « cette volonté des ouest-ukrainiens seulement », mais qu’importe). La résistance militaire ukrainienne a surpris tout le monde, Russes comme Occidentaux ; elle a confirmé une nation.
     
    Une véritable nation. Une nation encore imparfaite, certes, mais une nation en armes, et nous Français savons tout particulièrement ce que cela signifie. Une nation qui veut rejoindre l’Europe, et une nation souhaitant – on le comprend – être protégée par l’Alliance Atlantique (OTAN), à défaut d’autre chose. Ceci est un fait qu’absolument personne ne peut nier. Bien sûr, les pro-russes peuvent le déplorer, mais à moins d’écraser pour de bon l’Ukraine, ils doivent à présent faire avec. S’ils ont des reproches à émettre, qu’ils se les servent d’abord à eux-mêmes.
     
    Premièrement, tandis qu’ils étaient si proches ethniquement et culturellement des Ukrainiens, ils ont réussi, par leurs méthodes de gouvernance brutales, à se les aliéner. La C.I.A est puissante mais il ne faut pas toujours tout lui mettre sur le dos pour se dédouaner de ses propres impérities : non, si les Ukrainiens ont voulu regarder vers l’Ouest, ce n’est pas seulement en raison de manipulations diaboliques et de propagande insidieuse. En réalité, les Russes avaient toutes les cartes en main pour faire en sorte que leurs anciens satellites, et plus encore leurs nations sœurs comme l’Ukraine, restassent attachés à leur ancien hégémon. Pourtant, beaucoup de ces pays voulurent prendre le large. Les Russes doivent se demander pourquoi et ne pas toujours se cacher derrière le méchant Occident.
     
    Deuxièmement, si les Russes voulaient à tout prix que les Ukrainiens demeurassent leurs vassaux, ils n’avaient qu’à parvenir à les soumettre militairement. À défaut de ne pouvoir les gagner par leur économie et leur culture, ils pouvaient en effet s’en remettre à la guerre. C’est d’ailleurs ce qu’ils décidèrent de faire. Mais voilà : ce qu’ils pensaient n’être qu’une promenade de santé se révéla être un bourbier, c’est-à-dire un revers. Il s’agit là encore d’un fait, d’un implacable fait que les plus obstinés des pro-russes refusent pourtant d’admettre. Or, si l’on évalue les objectifs initiaux des Russes en février 2022 (à savoir l’effondrement rapide de Kiev et une déroute complète des armées ukrainiennes), nous sommes forcés d’admettre que la guerre d’Ukraine est un échec pour la Russie.
     
    Une fois tout ceci établi, il faut toutefois aussi écouter ce que les Russes ont à nous dire, et surtout prendre en compte les réalités stratégiques. Malheureusement, c’est ce que ne font pas les plus fanatiques des pro-ukrainiens et des américanophiles zélés qui existent, hélas, sur notre continent.
     
    Pour les Russes, nous le savons, la Crimée est essentielle. Les populations vivant dans le Donbass sont, elles, majoritairement russophiles, en tout cas russophones, et ont été bombardées pendant des années par les Ukrainiens. Je le sais car j’ai été dans le Donbass et même si nos amis ukrainiens nient cela ou le relativisent en arguant que le Donbass n’avait pas le droit, légalement parlant, de faire sécession, il faut dire la vérité. J’ai entendu et vu ces bombardements ; qu’ils fussent légitimes ou non n’est pas la question, ou plutôt elle ne l’est plus. La réalité, c’est qu’ils ont participé à creuser un fossé entre l’ouest et l’est ukrainien, autrement dit entre l’Ukraine et la Russie. Ce fossé est très vite devenu une tranchée et c’est à partir de cette dernière que nous devons émettre à présent des propositions réalistes.
     
    Soutenus par les Occidentaux, les Ukrainiens ont fait face héroïquement à ce qu’on prenait il y a peu pour la deuxième armée du monde. Ils ont non seulement stoppé l’invasion, mais ils ont même repris des territoires perdus au début du conflit. Il s’agit d’une prouesse exceptionnelle réalisée au prix d’un immense sacrifice. Ceci est encore un fait.
     
    À deux reprises, en septembre 2022, et au moment de la rocambolesque histoire du groupe paramilitaire Wagner, l’Ukraine et ses alliés crurent même possible une débâcle de l’armée russe, suivie, peut-être, d’un revirement (renversement) politique à Moscou. Ceci aurait rendu possible une reprise par les Ukrainiens des territoires perdus en 2014-2015, le Donbass et la Crimée.
    Ceci n’est pas arrivé. L’armée russe a tenu. Poutine n’a pas été renversé. Le front s’est enlisé. Encore des faits, rien que des faits.
     
    Venons-en donc à l’analyse.
     
    1. Il fallait sans conteste soutenir l’Ukraine économiquement et militairement. Écrasée facilement par la Russie, le message envoyé aurait été terrible : Celui que la Russie pouvait encore faire ce qu’elle voulait avec ses anciens satellites, l’encourageant dès lors dans un impérialisme qui existe bel et bien (seuls ceux qui ne connaissent pas la Russie – ou sont payés par elle – nient que cet impérialisme existe), et celui que l’Occident/Europe abandonne volontiers ses alliés, ses frontières, et même, selon moi, son avenir – tant je crois qu’une grande partie du futur de la civilisation européenne est à l’Est. Que l’Ukraine ait résisté a permis de montrer aux Russes que toute volonté belliqueuse en Europe leur coutera très cher. Que même des victoires ne seraient que des victoires à la Pyrrhus. La résistance ukrainienne, doublée des problèmes internes à la Russie (comme la démographie en berne), pourrait avoir mis enfin fin aux velléités impérialistes russes, et ce pour le plus grand bénéfice des Européens… et en vérité des Russes eux-mêmes.
     
    2. Les Américains ont joué la partie dans leurs propres intérêts (et c’est normal) : si l’armée russe s’effondrait ou même rencontrait d’immenses difficultés sans avoir à se battre directement sur place, cela permettait de réaffirmer leur domination sans pareille et envoyer un message très sérieux à la Chine. D’un autre côté, depuis Obama et confirmés par Trump, de nombreux signaux laissent à penser que les Américains veulent se dégager progressivement de l’Europe afin de se déployer plus tendanciellement dans la Pacifique. Pour ce faire, il fallait que les Russes cessassent de faire peur aux pays de l’Est européen, ceux-là même qui réclament à cor et à cri une présence toujours plus accrue de l’OTAN sur notre continent. Une défaite russe, ou en tout cas des difficultés russes, étaient donc la condition d’un apaisement des Européens de l’Est, atlantistes à l’extrême. Je pense que c’est la raison pour laquelle les Américains ont consenti à l’effort de guerre ukrainien (et Trump le premier en armant l’armée ukrainienne, ce qu’Obama avait refusé de faire) : pouvoir, par un proxy, frapper durement la Russie afin de pouvoir justifier demain un repliement tendanciel tout en ayant convaincus le monde (et en particulier leurs alliés) que leur puissance demeurait intacte. La résistance ukrainienne a plus ou moins accompli cet objectif américain.
     
    3. La Russie n’abandonnera ni la Crimée ni le Donbass. Les armées russes se renforcent à l’aide d’une industrie de plus en plus transformée en une économie de guerre. Après l’échec de la dernière contre-offensive ukrainienne, il faut admettre que les Ukrainiens ne parviendront pas à reconquérir entièrement leurs territoires à l’Est. Dès lors, continuer cette guerre éternellement pour un objectif devenu aujourd’hui largement illusoire – quel que soit son bien-fondé moral, légal, humain etc. – ne sert désormais plus ni l’Ukraine, ni l’Europe. Seuls les Américains peuvent éventuellement bénéficier d’un embourbement persévérant du conflit en séparant pour longtemps l’Europe de la Russie. Et encore, ce conflit leur coûte très cher et il n’est pas certain que le contribuable yankee veuille encore payer longtemps pour une guerre si loin de chez lui. La Russie elle-même, quoiqu’elle en dise, souffre énormément de la continuation de « l’opération spéciale » : son économie rencontre de grosses difficultés à cause des sanctions et une partie de sa jeunesse meurt tragiquement dans des batailles atroces. En tout état de cause, cette guerre coûte aujourd’hui à tous beaucoup et les gains à encore obtenir de part et d’autre sont désormais si faibles et si incertains qu’il est enfin temps à se montrer réalistes et sages, c’est-à-dire enfin parler de paix.
     
    Alors, comment faire cette paix ?
     
    Encore une fois, essayons d’être réalistes – de n’être que réalistes.
     
    Les Russes ne peuvent pas soumettre militairement l’Ukraine. Les Ukrainiens ne peuvent pas récupérer le Donbass et la Crimée. Les Américains ont réalisé une partie de leur objectif en montrant au monde la faiblesse de l’armée russe et la force du soutien à ses alliés, il ne sert plus à rien d’en vouloir davantage – et s’ils en veulent davantage, il faudra que les Européens aient le courage de s’opposer à eux. Les Européens ont besoin d’être partenaires et amis de la Russie. Mais d’une Russie qui aurait renoncé à tout impérialisme suranné. Il y a tout lieu de croire (et en tout cas d’espérer) que la guerre en Ukraine l’ait enfin convaincue qu’elle n’a plus les moyens de ses anciennes ambitions et que des solutions autres que militaires seront préférables à l’avenir.
     
    Partant de là, je crois que nous n’avons pas d’autres choix que d’avaliser l’annexion territoriale de la Russie en Crimée et dans le Donbass. Je sais ce que cela signifie au niveau du droit international, au regard des Ukrainiens et de tous leurs sacrifices, et en vertu de l’histoire du XXème siècle.
     
    Je sais. Je sais et pourtant, devant l’impossibilité immédiate d’une débâcle totale de l’armée russe (qui ne serait d’ailleurs pas souhaitable tant la fédération de Russie pourrait devenir une poudrière – notamment terroriste – en cas d’effondrement de son armée qui conduirait inévitablement à celui de son État), toute continuation de la guerre équivaut à la continuation des sacrifices humains ukrainiens pour désormais presque rien. La prouesse a déjà été accomplie par l’Ukraine : avoir résisté à l’invasion. Regagner les territoires perdus est aujourd’hui une gageure, qu’on le veuille ou non.
     
    La Russie, s’étant assurée de la Crimée et du Donbass, pourrait tonitruer de sa victoire ; son orgueil en a besoin pour accepter la paix. Comme avec la bataille de la Moskova, elle transformera ce qui fut plutôt un échec en grande réussite. Grand bien lui fasse, car secrètement, elle saura qu’il lui est maintenant extrêmement difficile de vouloir davantage, et que le destin de l’Ukraine s’inscrira dorénavant du côté de l’Europe et de l’Occident. Elle aura donc gagné la Crimée, mais elle aura perdu l’Ukraine et plus généralement l’Est de l’Europe. Le deal, je crois, est acceptable.
     
    Car il faudra une compensation à l’Ukraine pour accepter de perdre ses territoires à l’Est. Celle-ci prend le visage d’une évidence : elle doit entrer dans l’Europe et, en attendant d’avoir une véritable alliance militaire indépendante des Etats-Unis (celle à laquelle je crois et espère de tous mes vœux), d’entrer dans l’OTAN. Les Russes ne seront certes pas heureux, mais ce sera le prix à payer pour la Crimée, le Donbass, la fin des sanctions et surtout la fin de la guerre. Puisqu’ils doivent savoir que l’Ukraine ne se rendra pas et qu’en vérité elle fait déjà pratiquement partie de l’OTAN, il faudra qu’ils avalisent, eux-aussi, en grands réalistes, ce fait pour de bon.
    Aujourd’hui, seuls des idéalistes des deux côtés s’imaginent, au choix, que la Russie finira par triompher sur l’Occident en Ukraine, ou que les Occidentaux triompheront des méchants Russes en récupérant tous les territoires ukrainiens et, pourquoi pas, en renversant Poutine. Pendant que ces idéalistes des deux côtés rêvassent, des milliers de jeunes meurent dans une guerre tragiques et deux civilisations sœurs, l’Europe et la Russie, se tournent violemment le dos alors qu’elles auraient tant à faire ensemble.
     
    Je le répète alors : soyons donc réalistes, rien que réalistes. C’est dans le seul réalisme que se trouve la voie vers la paix, et c’est pourquoi il faut désormais faire taire les idéalistes des deux côtés.
     
    Être réalistes, rien que réalistes : être donc pour la paix, le plus vite possible.
     
    Julien Rochedy (Twitter, 9 février 2024)
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  • L’oligarchie veut la guerre pour nous museler : choisissons la paix !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et consacré à l'hystérie guerrière de l'oligarchie qui nous gouverne.

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021), Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021)  et dernièrement Bienvenue dans le meilleur des mondes (La Nouvelle Librairie, 2023).

     

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    L’oligarchie veut la guerre pour nous museler, choisissons la paix

    Le gouvernement Attal affirme haut et fort la nécessité de continuer à apporter un soutien militaire à l’Ukraine. Le 19 janvier, sur LCI, le ministre de la Défense Lecornu a donc détaillé, devant un Darius Rochebin tout sourire, tout ce que notre pays allait livrer à Kiev. Et tel le Bourgeois gentilhomme expliquant que son père n’était pas marchand mais seulement « fort obligeant puisqu’il donnait des étoffes en échange d’argent », M. Lecornu expliquait que ces livraisons ne feraient pas de nous des belligérants. Au moment même où l’état-major russe faisait état de la destruction d’un immeuble abritant des mercenaires français, ce qui entraînait la convocation de l’ambassadeur de France. À l’évidence, cette posture martiale, amplement relayée par les médias mainstream[1], suscite des interrogations au moment où l’Allemagne a renoncé à livrer à l’Ukraine des missiles de croisière Taurus. Et où il paraît douteux que la Russie puisse perdre. Pourquoi donc nos oligarques veulent-ils continuer à s’engager dans ce conflit ? Décryptage.

    L’Oncle Sam mobilise ses vassaux

    D’abord, dans ce conflit, les gouvernements européens obéissent en tout aux exigences américaines, en bons petits vassaux qu’ils sont devenus. Car les États-Unis veulent bien la guerre en Europe mais à condition que nous la fassions à leur place.

    Les États-Unis, pour des raisons budgétaires et politiques, réorientent aujourd’hui leur effort militaire en faveur d’Israël, dans sa guerre contre le Hamas. Mais comme il ne faut pas que le front ukrainien s’effondre avant l’élection présidentielle de novembre 2024, l’OTAN est priée d’assurer la soudure jusque-là et de faire en sorte que le désastre militaire se poursuive. Tant pis pour les victimes.

    L’économie européenne souffre déjà des sanctions contre la Russie et notamment de l’augmentation des coûts de l’énergie. Ensuite, l’aide à l’Ukraine se fait à fonds perdu puisque Kiev sera incapable de rembourser quoi que ce soit, compte tenu de la déliquescence du pays. Et comme si cela ne suffisait pas, avec l’immigration nous importons les conflits du Proche Orient.

    Faut-il donc dans ce contexte continuer de soutenir militairement l’Ukraine, au risque d’entrer toujours plus en belligérance directe contre la Russie, volontairement ou par erreur ?

    Et alors que la France, qui n’a rien à voir avec les pays Baltes ou la Pologne, n’a aucun intérêt vital dans ce pays instable depuis sa création.

    Des va-t-en-guerre immatures

    Des politiques soucieux de l’intérêt national devraient donc hésiter.

    Mais, à la différence des Anglo-Saxons, les leaders européens se moquent de l’intérêt national : ils sont donc prêts à toutes les folies. Nos oligarques sont justement des va-t-en-guerre, d’autant plus qu’ils ne la feront pas personnellement.

    La plupart d’entre eux, très jeunes et souvent incultes, manquent d’expérience et ne savent pas ce que signifie une guerre moderne, ni une révolution, ni une guerre civile. Et ils sous-estiment totalement la puissance et la résilience des pays émergents car ils croient à leur propre propagande.

    Malheur à la ville dont le prince est un enfant, dit l’Ecclésiaste ! Nous serions bien avisés de méditer cet avertissement…

    Nos oligarques veulent la guerre pour nous museler

    Enfin, alors que les oligarques européens sont de plus en plus contestés par leurs populations, on ne peut s’empêcher de penser que certains verraient d’un bon œil le déclenchement d’un vrai conflit, qui permettrait alors d’imposer des mesures d’exception pour museler durablement la contestation qui vient et tous les mal-pensants d’Europe. Et de pratiquer sur une vaste échelle la stratégie de la peur.

    La guerre en Ukraine a déjà conduit à censurer les médias russes et l’information en Europe, alors même que l’Union européenne rêve de museler les réseaux sociaux. De même, la guerre entre Israël et le Hamas a conduit à diaboliser, sous couvert d’antisémitisme ou d’incitation au terrorisme prétendus, toute critique publique de la politique du gouvernement Netanyahou.

    Imaginons alors ce qu’il adviendrait de nos libertés si par malheur l’OTAN nous engageait dans un conflit ouvert avec la Russie ! On nous imposerait une économie de guerre – c’est-à-dire de restrictions – comme ne cessent de le revendiquer déjà nos ministres, une censure de guerre, une police de guerre, une surveillance de guerre. Des « passes » et des QR codes pour tout.

    Et une opportune suspension des élections, comme le fait déjà l’Ukraine. Pendant que tous les opposants seraient évidemment présentés comme des agents de Moscou[2].

    Heureusement que les autres sont moins fous que nous !

    Nous avons en réalité la chance que les dirigeants des nations du monde polycentrique sachent jusqu’à présent résister aux provocations enfantines des Occidentaux. Sinon nous aurions déjà sombré dans la guerre nucléaire mondiale.

    Contrairement à ce que nous serine la propagande, en effet, ces dirigeants ne sont ni des monstres, ni des malades, ni des fous, car ils respectent les principes de la realpolitik, donc de l’intérêt national. Ils disposent en outre d’un avantage capital sur nos oligarques : la durée, quand les leaders occidentaux ne connaissent que l’affolement du court terme et de la com incessante.

    Alors, en 2024, choisissons la paix.

    Et faisons donc en sorte de mettre au plus vite hors d’état de nuire nos oligarchies bellicistes avant qu’elles ne nous conduisent, une fois encore, au désastre.

    Michel Geoffroy (Polémia, 23 janvier 2024)

     

    Notes :

    [1] Comme en témoigne par exemple l’éditorial du Monde du 19 janvier dernier, intitulé « L’impératif d’une aide militaire à l’Ukraine », vantant la « détermination » d’Emmanuel Macron.

    [2] Cela a déjà commencé aux dépens du RN et de Reconquête…

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  • Ukraine et Moyen-Orient : un point de Caroline Galactéros...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point d'actualité de Caroline Galactéros sur sa chaîne Youtube, Paix et guerre, à propos de la situation en Ukraine et au Moyen-Orient.

    Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

                                              

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  • Le régiment Azov, un nationalisme en guerre...

    Les éditions du Cerf viennent de publier une étude d'Adrien Nonjon intitulée Le régiment Azov - Un nationalisme ukrainien en guerre.

    Chercheur associé à la George Washington University, enseignant à l'Inalco et à la Sorbonne, Adrien Nonjon est doctorant en histoire au Centre de recherche Europes-Eurasie (CREE) et spécialiste des mouvements, cultures et idéologies d'extrême droite en Europe centrale et orientale.

     

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    " 24 février 2022. Poutine envahit l’Ukraine. Son prétexte ? «Dénazifier» le pays. Et dans la ligne de mire du Kremlin : le régiment Azov et ses racines idéologiques. Contre toutes les propagandes, voici l’indispensable étude critique du bataillon controversé et de son histoire.
    Initialement désignée par la Russie comme une organisation terroriste néo-nazie devant être éradiquée, l’unité est devenue le symbole de la résistance farouche des Ukrainiens en défendant pendant plus de trois mois la ville de Marioupol et son usine Azovstal. En dépit d’une réputation de bravoure sur le champ de bataille, le régiment Azov demeure pourtant une entité complexe. Et la politique n’est pas loin.
    Par-delà les polémiques, Adrien Nonjon explore l’itinéraire du régiment depuis sa fondation au lendemain de la révolution de Maïdan, en 2014, et jusqu’à nos jours. Son implication dans les tranchées du Donbass répond-elle à une logique idéologique ? Au désir partagé de défendre le sol ukrainien ? Et quel sera le rôle d’Azov dans la reconstruction à venir ?
    Adrien Nonjon enquête et fait la lumière sur un dossier sensible au cœur de la guerre qui aura déchiré l’Europe. "

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  • Ambition, gesticulation, consolation… ou négociation ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré à l'ouverture des négociations d'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.

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    Ambition, gesticulation, consolation… ou négociation ?

    Lors du Conseil Européen des 14 et 15 décembre dernier, l’Union européenne a décidé d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’Ukraine (et la Moldavie). V. Zelensky s’est empressé de saluer « une victoire pour l’Ukraine, pour toute l’Europe, une victoire qui motive, inspire et rend plus fort ».

    Vraiment ?

    On peut voir dans cette décision une grande ambition : l’ambition de renforcer l’Europe en lui permettant d’englober tous les pays pouvant être considérés, fut-ce parfois au prix d’un certain effort, comme des démocraties ; l’ambition de manifester sa détermination à se défendre solidairement contre les agressions extérieures ; l’ambition de montrer son unité (même s’il a fallu, pour ce faire, demander à la Hongrie de se livrer à une gymnastique étrange et juridiquement douteuse).

    Mais on peut aussi l’interpréter comme une simple gesticulation : tout compte fait, négocier n’engage pas à grand-chose car les pourparlers peuvent durer longtemps ; la Turquie, avec qui les négociations d’adhésion ont été ouvertes en décembre 2004, en sait quelque chose, de même que la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie qui, bien que reconnus officiellement candidats, piaffent devant la porte. Ouvrir des négociations, cela permet de faire plaisir à bon compte.

    La décision peut ainsi n’être qu’un lot de consolation. Ce que le président Zelensky veut avant tout, ce qu’il réclame en multipliant les déplacements à Washington (trois en 2023) et dans les capitales européennes, c’est des armes et de l’argent. Or le Congrès des Etats-Unis s’est séparé en décembre sans voter l’enveloppe de 61 Md$ que Joe Biden réclamait pour Kiev et les Européens ne se sont pas mis d’accord pour débloquer l’aide de 50 Md€ convoitée par l’Ukraine. Les premiers, les Etats-Unis, considèrent que la stabilité du Moyen Orient recèle des enjeux bien plus importants pour leurs propres intérêts que la couleur du drapeau flottant sur le Donbass ; les seconds, les Européens, ont déjà puisé autant qu’ils le pouvaient dans leurs stocks d’armes et de munitions et n’ont ni les ressources financières, ni les capacités industrielles pour les reconstituer rapidement et continuer leurs générosités.

    Une « victoire pour l’Ukraine, pour toute l’Europe », vraiment ?

    De toute façon personne ne sait ce qu’il faut entendre ou espérer par « victoire », un concept toujours invoqué mais jamais défini.

    L’important n’est peut-être pas là.

    L’important, c’est tout d’abord, à court terme, de savoir si la décision d’ouvrir les discussions d’adhésion à l’UE est de nature à enrayer la guerre, à éviter de nouvelles hécatombes et de nouvelles destructions et à convaincre les protagonistes d’échanger des paroles et non plus des obus. A cet égard le « déluge de feu et d’acier » qui, si l’on en croit la presse, s’abat depuis la fin décembre de part et d’autre de la ligne de front, et surtout en Ukraine, suffit à laisser penser que l’ouverture des négociations avec l’UE n’a pas plus d’effet que l’interdiction d’acheter des diamants russes, objet du dernier « paquet » de sanctions européennes. C’est que la Russie, sans le dire, a mis en place une véritable « économie de guerre » alors que les Européens préféraient le dire sans le faire. Qu’on le veuille ou non, et l’échec de la contre-offensive ukrainienne l’a montré, la Russie est aujourd’hui en position de force sur le terrain ; elle le sera peut-être demain aussi dans un nombre croissant de chancelleries et d’opinions publiques gagnées par la lassitude ou privilégiant d’autres conflits. Qui peut penser qu’ouvrir aujourd’hui les négociations d’adhésion de l’Ukraine, c’est à dire se priver sans contrepartie d’un élément important de négociation qui serait précieux dans le cadre d’un futur deal global, a des chances d’amener son ennemi à faire taire ses canons et à venir s’asseoir à la table des négociations ?

    L’important est aussi, à moyen terme, de savoir si cette décision d’ouvrir des discussions d’adhésion est de nature à favoriser un équilibre durable en Europe. Car il faudra bien qu’un jour les parties occidentale et orientale du continent européen s’acceptent l’une l’autre et apprennent à vivre ensemble. Un pays (ou un groupe de pays) qui connaît une paix durable est un pays qui a su trouver avec ses voisins un modus vivendi acceptable par tous : cela correspond rarement à ce que lui-même avait au départ souhaité. Aujourd’hui les deux parties du continent ne commercent plus entre elles, n’ont plus de relations culturelles, ne communiquent plus que par des invectives et des menaces. Sous les yeux d’un « Sud profond » indifférent, qui montre clairement son désintérêt, d’un côté le « monde occidental » cherche avant tout à raffermir ses liens et parler d’une seule voix, celle des Etats-Unis, de l’autre côté la Russie renforce ses liens avec Chine, Turquie, Iran, Corée du Nord, pays qu’il serait préférable d’éloigner, et non de rapprocher, de nos frontières. Dès lors, l’entrée de l’Ukraine dans l’UE favorise-t-elle l’établissement d’une paix durable ou éloigne-t-elle cette perspective ? Est-il judicieux d’accroître de près de 1600 km les frontières avec un pays considéré comme un ennemi menaçant ? En outre V. Poutine, s’il contrôle aujourd’hui solidement son pays, n’est pas éternel.

    La revue Foreign Affairs, dont il est peu probable que la rédaction ait été infiltrée par des hackers russes, a écrit en novembre que « l’Ukraine et l’Occident sont sur une trajectoire insoutenable, caractérisée par une inadéquation flagrante entre les fins et les moyens disponibles… Le temps est venu pour les Etats-Unis d’entamer des consultations…». Plutôt que de se rejeter mutuellement la responsabilité du conflit, plutôt que de répéter à l’envi la nécessité de « gagner la guerre », sans d’ailleurs savoir ce que cela signifie, plutôt que de conforter ceux qui, pour des raisons diverses, ont, dans les deux camps, intérêt à ce que la guerre continue longtemps, n’est-il pas nécessaire de chercher à ouvrir des négociations entre les belligérants et, sans doute, ceux qui les soutiennent ? Les dirigeants européens affirment que Vladimir Poutine n’en veut pas. Qui croira qu’engager la procédure d’adhésion de l’Ukraine à l’UE le fera changer d’avis ?

    Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 8 janvier)

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  • Le Grand Échiquier : le Nouvel ordre mondial Échec et Mat...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christopher Coonen, cueilli sur Geopragma et consacré aux bouleversements provoqués par le conflit russo-ukrainien dans les rapports de force géopolitiques.

    Secrétaire général de Geopragma, Christopher Coonen a exercé des fonctions de directions dans des sociétés de niveau international appartenant au secteur du numérique. 

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    Le Grand Échiquier : le Nouvel ordre mondial Échec et Mat

    Churchill et Staline disaient que la guerre résout les problèmes ; un autre échange en 1973 entre le Secrétaire général du Parti Communiste de l’URSS, Léonid Brezhnev, et le Secrétaire d’état américain Kissinger sur la guerre du Yom Kippour : « Il ne faut pas rentrer dans l’exagération » ; ils n’avaient collectivement sans doute pas tort.

    Nous assistons à de grands bouleversements et d’évolutions sur le Grand Échiquier de la géopolitique mondiale qui s’accélèrent de manière évidente depuis quelques années. Trouver la juste mesure entre les dimensions des guerres d’un point de vue de la Realpolitik : les faits, rien que les faits.

    Il n’existe plus de « Blocs » tels comme nous les avons connus entre 1945 – 1991, mais dorénavant des Alliances (souvent opportunistes et non-dogmatiques) mondiales ou régionales, et fait nouveau depuis le mouvement non-Aligné datant de 1956 – poussé à l’époque par Nasser, Tito, Soekarno et Nehru — nous assistons à l’émergence de nouvelles puissances régionales telles que l’Iran et la Turquie ; les non-alignés d’alors sont des miroirs des BRICS actuels, voire des BRICS+ à venir.

    Militairement, les États-Unis avaient dessiné un nouvel ordre mondial en 1945 qui n’est plus d’actualité – peut-être serait-il plus judicieux de l’appeler « caduque ». Non seulement sur les rapports de force milliaires – avec l’OTAN entre autres – mais aussi au niveau des nouvelles instances économiques alors : le FMI, la Banque Mondiale, l’OMC, … Elles mêmes le deviendront dans les années à venir.

    Ceci complexifie totalement la lecture géopolitique de notre nouveau monde dans son contexte actuel, mais par ailleurs le rend encore bien plus riche, et l’ouvre à d’innombrables possibilités, peu subodorées auparavant. Ces plaques tectoniques qui commencèrent à bouger il y a quelques décennies s’emballent. La « Bascule » vers ce Nouveau Monde multipolaire est objectivement en marche, s’accélère, et laisse poindre ses premières esquisses qui nous impacteront toutes. Sur le plan géopolitique et donc forcément économique.

    Le Soft Power occidental est en déclin. La dynamique hégélienne bouge, mais c’est aussi une opportunité pour nous Français et Européens, si nous savons prendre ce taureau par les cornes.

    Pour commencer, le conflit entre l’Ukraine et la Russie.

    Les trois facteurs déterminants d’un point de vue militaire depuis plus de 200 ans ont toujours été : la profondeur stratégique [géographique], la taille de la population, et le nombre de munitions produites / à disposition. Nous comprendrons que les Russes ont un avantage certain sur les Ukrainiens. Selon les généraux le plus au fait d’une contre-offensive ukrainienne, il ne faudrait rien qu’en armement, 4 à 5 millions d’obus de 155mm pour les 12 mois à venir pour l’armée ukrainienne, alors que l’Occident n’en n’a livré en 2023 que 300 mille sur le million promis …

    Et ce sont des fadaises de penser que Putin voulait conquérir toute l’Ukraine ; en surface 20% supérieure à celle de la France. En mai 1940, la Wehrmacht allemande envoya 2.5 millions d’hommes pour conquérir notre Gaule et laissa cinq cent mille hommes derrière pour l’occupation d’abord partielle jusqu’en 1944. Pensez-vous honnêtement que Vladimir Putin avait ces ressources humaines pour le faire ? Jamais de la vie. Où sont les cerveaux analytiques et peut être bien-pensants ? Je regarde toujours à l’horizon mais comme le disait la blague soviétique dans les années 1970s : « plus tu t’approches de celui-ci, plus il s’éloigne » … Pourquoi nos « grands analystes occidentaux et les blondes ukrainiennes » qui se pavoinnent sur les plateaux, s’épuisent-ils à tort sur des positions militaires et intellectuelles perdues d’avance ?

    Les indices objectifs pointent vers une victoire de la Russie sur l’Ukraine. La Russie maintient le contrôle des 20% de terres occupées depuis le printemps 2022, a construit une défense sur 6 rideaux, et l’Ukraine n’a aucune chance de reconquérir ses territoires perdus – rappelons-nous que ce sont les accords abandonnés de Minsk par l’Allemagne et la France, de l’aveu de leurs propres chefs d’état en décembre 2022, qui ont remobilisé les Russes pour contrecarrer les intentions otaniènnes hostiles dès 2014.

    N’en déplaise à nos « experts » – généraux, spécialistes des relations internationales / au sujet de la Russie, la plupart n’ayant pas sérieusement étudié la Russie et son Histoire – ils mangent leurs chapeaux aujourd’hui… Les gens intelligents réfléchissent-ils et regardent-ils de manière objective et dépassionnée l’Histoire, et de ses enseignements ? La Russie ne veut pas contrôler géographiquement l’Europe ; la Russie, comme tout Hégémon, voudra bâtir et influencer son espace européen et eurasiatique. Nos « opérations » sont-elles tellement différentes de celles de la France napoléonienne et de l’empire britannique naguère ?

    Vous avez appelé les numéros abrégés « 1812 » et «1941 » ? Servez-vous à votre guise. La Russie a gagné ce conflit.

    Et force est de constater que c’est « Échec et Mat » pour ce Nouveau Monde multipolaire.

    A croire que les sanctions ont marché alors que tout semble être est son contraire.

    Sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine, rappelons-nous des « vérités » de l’Occident il y a presque deux ans : « l’Ukraine vaincra, la Russie est perdue, son économie sera à plat. »  La Russie qui était apparemment sur son lit de mort en mars 2022 grâce aux onze trains de sanctions (bientôt douze) votées par l’Union européenne à date ; alors que les prévisions convergent pour une croissance du PIB russe de plus 1.5% en 2024, versus plus 0.5% en Union Européenne en 2024 (source : OCDE novembre 2023) … Et en conclusion sur ce sujet, l’économie russe se porte très bien, et n’aura pas besoin de relais commerciaux ou monétaires. Au contraire, la Russie tisse de nouveaux réseaux avec les BRICS+, les nations de l’Asie Centrale, et en Afrique.

    Il est vrai que trois secteurs de l’économie russe sont principalement touchés :

    Les restrictions d’exportations imposées par l’Union européenne touchent différents domaines (biens de consommation finale comme les parfums, produits intermédiaires comme les huiles pour l’aviation, matériel de pointe, produits bruts) et sont inégalement réparties. Parmi les produits sanctionnés, plus de 20% d’entre eux ont un usage à la fois civil et militaire (hélicoptères). Ces restrictions ont pour objectif de limiter l’accès aux technologies européennes pouvant être exploitées militairement par la Russie. Les restrictions d’exportations ciblent essentiellement trois domaines qui représentent à eux seuls 82% du commerce faisant l’objet de sanctions :

    • Le matériel de transport (premier secteur d’exportation vers la Russie) ;
    • La chimie (26% des exportations françaises à destination de la Russie dont 554 entreprises sont sanctionnées) ; 
    • Les machines (21% des exportations françaises et 809 entreprises sanctionnées). 

    D’autres secteurs comme ceux du matériel optique, médical et du caoutchouc sont également concernés par ces mesures, dont plus de la moitié des exportations sont soumises à des restrictions.

    Les diverses séries de sanctions mises en place en réponse à l’attaque militaire de la Russie contre l’Ukraine ne sont pas sans conséquences pour le commerce français. La valeur des exportations françaises à destination de la Russie est passée de 6,4 milliards d’euros en 2021 à 3,1 milliards d’euros en 2022. Si une diminution des exportations est observée, certaines entreprises françaises maintiennent l’exportation de leurs produits vers la Russie., s’expliquant par trois facteurs : 

    • La mise en place de paquets de sanctions répartis sur le temps long expliquant que certaines entreprises continuent d’exporter ;
    • Les exceptions sur certains produits en raison de leur prix ou de la signature du contrat antérieure aux restrictions ;
    • Le non-respect des restrictions par certaines entreprises.

    Restreintes par les sanctions imposées à la Russie, les entreprises françaises se sont dirigées vers d’autres partenaires commerciaux afin de contourner les sanctions occidentales. Fin 2022, les exportations à destination des voisins de la Russie dans un effort de contournement ont fortement augmenté, interrogeant sur « l’efficacité des sanctions commerciales« . Alors que les exportations françaises ont baissé de 52% avec la Russie entre 2021 et 2022, des importations ont connu une hausse de :

    • 85% avec le Kazakhstan ;
    • 62% avec l’Arménie ;
    • 44% avec le Kirghizistan.

    L’essentiel des exportations vers la Russie proviennent de l’Allemagne : machines-outils et véhicules de toutes sortes. Dans le onzième paquet de sanctions mis en place par l’UE, le « contournement potentiel » des sanctions contre la Russie a ainsi poussé l’UE à les étendre aux pays tiers pour certains produits.  

    Le Président Poutine est passé à autre chose : entre autres, les enjeux mondiaux et eurasiatiques, beaucoup plus importants et impactants pour sa nation …

    L’Occident a fait un pari qu’il a perdu : « Never Say Never » … la Russie et le Nouveau Monde redessinent leur nouveau « Yalta », carte et échiquier à l’appui. Bien au-delà des rives du Dniepr…

    La diplomatie russe n’est pas restée inactive ces dernières semaines :  par exemple le voyage du président russe en Arabie Saoudite et aux Émirats le 6 décembre. Le président russe ne se déplaçant pas pour rien, il a pu sans doute échanger avec les responsables du Hamas, d’Hezbollah, et renforcer la position de la Russie au Moyen-Orient. Et semer les graines pour l’influence des BRICS+ à venir.

    Ceci suivi dans la même logique au travers de la réception du président Iranien Raïssi à Moscou le 7 décembre ; une réunion dans la foulée de l’OPEP+ qui a signé la fin du pacte du « Quincy » datant de 1944. Les prix du gaz pourraient doubler et celui du pétrole par quatre suivant les baisses de production envisagées par le consortium. Ces trois états étant candidats aussi « par hasard » à l’élargissement des BRICS aux BRICS+ à partir de janvier 2024…

    Après le Kosovo, la Serbie, l’Iraq, l’Afghanistan, la Syrie et le Yémen, l’Occident peut-il donner des leçons de Droit international ou de l’Homme à quiconque ?

    Puisque nous vivons dans des démocraties où nous pouvons au moins débattre et être autocritique, ayons au moins l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître. Pour citer le General de Gaulle, « nous reconnaissons les pays mais nous ne reconnaissons pas les régimes ».

    Le sujet n’est pas de savoir qui a tort ou a raison ; le sujet de manière désintéressée et neutre, est de lire la situation actuelle dans son contexte objectif et basé sur les faits. La Realpolitik.

    Nous marchons sur la tête ; sur des bases factuelles et objectives, l’Europe et l’Occident sont plus largement à la peine.

     Les États-Unis et l’OTAN s’emballent sur les menaces militaires russes à venir sur les pays Baltes et la Moldavie. Pensez-vous une seconde que la Russie risquerait un ou plusieurs conflits nucléaires avec des pays otaniens ?

    La Russie est en train de supplanter le rôle joué en monopole par les USA entre 1945 et 2003 au Moyen-Orient : acteur et « deal broker » incontournable et historique dans la résolution des conflits entre les Israéliens et les peuple arabes – en 1979 entre Sadat et Begin, et à bout de doigts en 1993 avec les Accords d’Oslo …  Les rôles émergents chinois et russes dans les Accords d’Abraham et du rapprochement entre l’Iran et l’Arabie Saoudite en sont la preuve. Et la Chine et la Russie jouent leur rôle de « parrain » sur les développements balistiques et nucléaires nord-coréens.

    Nous assistons à une reconfiguration profonde et mondiale des relations internationales méconnues depuis 1945.

    La péninsule arabique et l’Iran essayent de s’en affranchir, mais ce n’est pas non plus copernicien, ils jouent leur rôle existant(iel), l’Iran peut prétendre à un rôle au Liban, en Iraq, en Syrie, et au large des rives du Golfe Persique et du Yémen, et ainsi de suite, mais l‘Arabie Saoudite émerge comme puissance régionale, allant au delà de son rôle historique qui reposait principalement jusqu’à maintenant sur ses richesses d’hydrocarbures.

    Joe Biden est en difficulté face à la montée en puissance de Donald Trump. Alors que Vladimir Poutine a annoncé son intention de concourir aux élections en Russie en mars 2024, Wolodymyr Zelenskyy a repoussé sa candidature prévue au printemps 2024 … démocratie aussi (?) même si les conditions ne sont pas objectivement réunies pour un scrutin sûr et serein.

    Les élections présidentielles à venir en 2024 aux États-Unis et en Russie – en passant, 67 des 193 membres des Nations-Unies organiseront des élections nationales ou locales en 2024 seront déterminantes ; c’est donc une année pivot pour la démocratie et l’expression des sentiments ou ressentiments nationaux.  Nous connaîtrons donc beaucoup de tremblements de terre dans les 12 mois à venir.

    Les nations jouent toutes sur le Grand Échiquier ; à la France et l’Europe de renverser les tendances qui ne leur sont pas favorables aujourd’hui. Un des atouts de la France serait de faire un virage géographique et une projection d’influence efficace vers l’espace Eurasiatique et Indo-pacifique ; rappelons-nous que la France détient plus de 90% de l’espace océanique grâce à ses territoires polynésiens et antillais– ne serait-ce que l’attractivité de la Nouvelle Calédonie grâce à ses importantes réserves d‘uranium, que la Chine lorgne patiemment.

    Enfin, après le vote au Conseil de sécurité le 9 décembre 2023, et le véto des USA au Conseil de sécurité des Nations-Unies contre a résolution sur le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas / Palestiniens, nous Français nous retrouvons bien faibles. Sachant que l’Europe va se retrouver seule face à ce Nouvel ordre mondial, car il est fort à parier que le prochain président des USA sera isolationniste et tourné vers une rivalité avec la Chine ; ayant eu du mal à soutenir l’Ukraine, ce sera à l’Europe de remplir le fossé, mais elle ne pourra pas le faire dans les mêmes proportions.

    Les USA et l‘Union européenne sont tous simplement inaudibles ; pas étonnant car l’eau est passée sous ce pont.

    Le Grand Échiquier s’est déjà refaçonné.

    Christopher Coonen (Geopragma, 18 décembre 2023)

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