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  • Guerre en Ukraine: la désescalade doit désormais être la priorité absolue...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Tomasz Froelich, cueilli sur Euro-Synergies et consacré à la récente escalade dans la guerre russo-ukrainienne provoquée par le président américain Joe Biden. Tomasz Froelich est député européen de l'AfD.

     

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    Guerre en Ukraine: la désescalade doit désormais être la priorité absolue

    La guerre en Ukraine menace d’entrer à nouveau dans une phase d’escalade après près de trois ans de conflit

    Pourrions-nous nous réveiller un matin en découvrant l’Europe en proie aux flammes, celles d’une Troisième Guerre mondiale ? Après trois années de conflit, la guerre en Ukraine menace de s’intensifier à nouveau. Peu avant la fin de son mandat, le président américain Joe Biden attise une fois de plus les tensions sur la scène internationale : il a donné son aval pour que l’Ukraine utilise des missiles longue portée contre le territoire russe. Les Britanniques et les Français ont également donné leur feu vert. De son côté, le ministre polonais des Affaires étrangères, Radosław Sikorski, avait déjà appelé à une telle action il y a plusieurs semaines. Cela franchirait une ligne rouge fixée par Vladimir Poutine. Et ce, alors que les chances de victoire de l’Ukraine sont quasiment nulles et que le moral des troupes est au plus bas. Alors que le conflit semblait s’être figé, une nouvelle étape d’escalade se profile.

    En Suède, des brochures informatives sont désormais distribuées pour préparer la population à des attaques nucléaires, cybernétiques ou biologiques. En Allemagne, la Bundeswehr s’entraîne à un scénario de guerre. Des câbles sous-marins entre la Lituanie et la Suède ont été endommagés, et des avions britanniques rencontrent des problèmes de communication en survolant l’Europe.

    En bref, la situation sur notre continent est grave. Et elle devient de plus en plus préoccupante. Les tensions montent à nouveau, tandis que les appels à la désescalade, souvent qualifiés de « propagande du Kremlin », restent minoritaires.

    Une guerre rationnelle dans ses origines

    Comment en est-on arrivé là ? La plus grande erreur des dirigeants ukrainiens, comme celle des politiciens occidentaux intervenants, a été de transformer ce conflit en une lutte pour la survie. Une bataille historique contre un ennemi éternel, un affrontement existentiel, un combat entre le bien et le mal, tout ou rien, avec pour objectifs soit des troupes ukrainiennes à Moscou, soit des bombes russes à Lisbonne.

    De telles représentations conduisent naturellement à exiger une guerre totale : tout est permis pour que l’Ukraine puisse l’emporter. C’est ce qu’on nous répète depuis presque trois ans. De nombreux États occidentaux, notamment l’Allemagne, ont offert à l’Ukraine leurs moyens de défense déjà limités, comme s’ils étaient eux-mêmes engagés dans une bataille pour la Crimée. On respire une atmosphère de « bataille décisive » historique. Pourtant, cette guerre a des origines rationnelles, aux objectifs concrets et aux frontières claires : les intérêts sécuritaires de la Russie en Ukraine étaient évidents, en conflit avec la politique américaine de domination mondiale, et le gouvernement ukrainien a accepté de jouer le jeu. Ce conflit aurait pu prendre fin depuis longtemps si des figures comme Boris Johnson n’étaient pas intervenues, et si le moralisme ambiant ne dominait pas tous les médias.

    Ce conflit mêle le pire de la vieille politique mondiale occidentale à une approche parfois irréfléchie de la Russie dans la défense de ses intérêts. Certes, Moscou ne peut être exonéré de la responsabilité de son attaque et des vies sacrifiées. Mais cette attaque s’inscrivait dans un contexte plus large, dans une stratégie occidentale risquée qui s’est finalement soldée par un échec. La victime de cette folie est la nation ukrainienne, qui sacrifie sa jeunesse dans une guerre insensée, sans véritable espoir de victoire.

    Une garantie d’indépendance nationale ukrainienne, imprudemment perdue

    Cela doit cesser immédiatement. Selon un sondage Gallup, 52 % des personnes interrogées souhaitent des négociations pour mettre fin rapidement à la guerre – contre un peu plus de 20 % au début du conflit. Une paix est envisageable, qui offrirait à l’Ukraine un avenir en tant qu’État neutre – sans avancée supposée de Poutine jusqu’à Berlin ou Lisbonne, ni stationnement d’armes nucléaires américaines dans une Ukraine membre de l’OTAN. Toute autre option est irresponsable et irréaliste.

    L’Ukraine est déjà à terre : une génération entière est tombée au combat ou s’est réfugiée dans la diaspora. Une intégration occidentale entraînerait des migrations massives pour compenser la perte démographique, les habituels investissements de reconstruction par des entreprises comme BlackRock, et une présence militaire américaine accrue. Cela rendrait un autre conflit inévitable – et celui-ci pourrait être vraiment existentiel, cette fois pour tous les Européens.

    Je respecte les sacrifices du peuple ukrainien. Toute personne prête à prendre les armes mérite le respect. Et bien sûr, le droit à la légitime défense nationale est inaliénable. Mais après plus de 1000 jours, il est clair que ce peuple est broyé entre deux grandes puissances, et que la garantie d’un État national ukrainien a été imprudemment perdue.

    Bruxelles et sa soumission transatlantique

    Les Zelensky comme les Poutine partiront un jour, mais les Ukrainiens et les Russes continueront d’exister – tout comme le reste de l’Europe. C’est pourquoi la désescalade doit être la priorité absolue. L’Europe n’a toujours pas gagné en poids géopolitique. Notre continent reste un échiquier pour des puissances extérieures. Et l’Union européenne, loin de résoudre ce problème, l’aggrave. À Bruxelles, on rivalise de soumission transatlantique – même au sein de nombreuses formations populistes de droite.

    Cela ne peut être l’ambition des Européens intègres. Les slogans de soutien inconditionnel à l’Ukraine, sans plan réaliste pour mettre fin au carnage, ne reflètent ni solidarité ni souveraineté européennes. Ils illustrent au contraire la soumission aux Américains, pour qui les Ukrainiens ne sont rien de plus que de la chair à canon. La tragédie de l’Ukraine est le symptôme d’une paralysie continentale et civilisationnelle qui nous affecte aujourd’hui partout.

    Les va-t-en-guerre transforment l’Ukraine en un second Afghanistan. Nous devrions plutôt œuvrer à faire de l’Ukraine une « Suisse de l’Est » neutre, une zone tampon et un instrument d’équilibre entre la Russie et l’Occident.

    Cette neutralité entre blocs de pouvoir pourrait, et doit, un jour conduire à une neutralité paneuropéenne, qui se transformerait alors en indépendance. L’Europe doit devenir un pôle à part entière. Et puisque nous partageons un continent avec la Russie, nous devrons coexister pacifiquement. Cette logique n’a pas de pertinence pour les Américains, protégés par l’Atlantique. Ceux qui veulent avant tout s’opposer à la Russie tout en comptant sur l’appui des États-Unis doivent en être conscients : le risque est de se laisser entraîner dans la catastrophe. L’Ukraine est un exemple à méditer.

    Tomasz Froelich (Euro-Synergies, 1er décembre 2024)

     

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  • La victoire de Donald Trump va-t-elle contraindre les Européens à renforcer leur union ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Patricia Lalonde, cueilli sur Geopragma et consacré à la position diplomatique difficile des Européens vis-à-vis de la guerre en Ukraine avec le prochain retour au pouvoir de Donald Trump. Patricia Lalonde est vice-présidente de Geopragma.

     

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    Guerre en Ukraine : la victoire de Donald Trump va-t-elle contraindre les Européens à renforcer leur union ?

    Alors que les pays des BRICS et ceux qui y postulent, viennent d’afficher leur unité pour faire face à l’unilatéralisme des Etats-Unis et de l’Europe, lors du sommet de Kazan, l’incontestable et large victoire de Donald Trump peut-elle à nouveau redessiner le paysage géopolitique mondial ?

    La plupart des pays présents à Kazan se sont réjouis publiquement des résultats de l’élection américaine ; seule la Chine a montré un certain scepticisme.

    Donald Trump a promis de mettre fin aux guerres sans fin des Américains, à commencer par l’Ukraine et le Moyen Orient.

    L’Europe, qui a adoubé les Etats-Unis en s’impliquant fortement dans cette guerre, ne risque-t-elle pas d’être la seule et principale victime de ce changement de situation ?

    C’est en tout cas ce qu’ont laissé présager les déclarations des élites européennes, en continuant à refuser tout plan de paix avec la Russie qui laisserait à celle-ci les territoires acquis, c’est-à-dire ceux qui avaient déjà fait l’objet de négociations à Istanbul en mars 2022, négociations qui furent refusées par Boris Johnson, sur ordre des Américains.

    Plus de 800.000 morts et le double de blessés plus tard, l’Europe souhaite-t-elle continuer la guerre ? Mais cette fois ci, seule, puisque l’allié américain, sous Donald Trump, pourrait cesser toute aide militaire ou financière à l’Ukraine.

    Comme l’a avoué lui-même Thierry Breton, le mot « PAIX » est devenu un gros mot dans les couloirs de Bruxelles et une véritable défaite de Poutine, l’unique solution.

    Mark Rutte, le tout nouveau Secrétaire général de l’OTAN, s’est officiellement prononcé pour la poursuite de la guerre « nous devons renouveler notre engagement et poursuivre la guerre et nous devons faire plus que simplement maintenir l’Ukraine dans le combat … »  Boris Johnson prédit même que Londres pourrait envoyer des troupes si Kiev tombait…

    Et « last but not least » Joe Biden a offert un cadeau de départ aux Ukrainiens : l’autorisation d’utiliser les missiles à longue distance sur le territoire russe, ignorant au passage le nouvel ajustement russe de leur doctrine nucléaire…

    Les « va-t-en-guerre » déstabilisés par l’élection de Donald Trump, vont-ils prendre le risque de mettre l’Europe en première ligne ?

    Les pays européens sont divisés : la Hongrie de Victor Orban ou encore l’Italie de Meloni ont déjà condamné cette décision… Ils ont le contact direct avec Donald Trump et désirent entamer des négociations de paix ; Olaf Sholtz, il vient de donner un coup de pieds dans la fourmilière après avoir rendu publique sa conversation avec Vladimir Poutine et avoir osé parler de plan de paix.

    Emmanuel Macron tout comme le Premier ministre anglais, Keir Starmer, persiste dans le déni de réalité ; il n’accepte pas la défaite de l’Ukraine et multiplie les déclarations va-t-en-guerre, allant même jusqu’à soutenir son prédécesseur qui envisageait l’envoi de troupes !

    Mais la donne vient de changer depuis la décision de Joe Biden d’autoriser le lancement de missiles ATACMS américains sur le territoire russe, ce qui fut immédiatement suivi d’effet.

    La réponse russe ne s’est pas fait attendre :  l’ envoi d’un missile balistique hypersonique russe à portée intermédiaire sur le territoire ukrainien, sans charge nucléaire, suivi de la menace de frapper les pays de l’OTAN qui auraient permis à l’Ukraine d’utiliser leurs missiles à longue portée dans le territoire russe, semblent  faire prendre conscience aux Européens comme aux Américains de la dangerosité de la situation, pendant les deux mois qui nous séparent de la prise de pouvoir de Donald Trump.

    Selon le Washington Post, une rencontre entre le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte et Donald Trump à Mar-a-Lago  devrait être programmée et selon la publication néerlandaise De Telegraaf, elle aurait même déjà eu lieu, pour discuter de la stratégie de négociations de paix avec l’Ukraine, signe que Trump prendra en mains les négociations avec l’Ukraine avant l’échéance du 20 Janvier ; il vient d’ailleurs de nommer  Richard Grenell, qui s’est toujours opposé à l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan, pour mener ces négociations.

    La fin de la guerre en Ukraine souhaitée par Donald Trump va-t-elle contraindre les Européens à plus d’unité et ainsi éviter l’isolement que des négociations directes entre Poutine et Trump pourraient malheureusement imposer ?

    Patricia Lalonde (Geopragma, 25 novembre 2024)

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  • La grande rupture...

    Les éditions Tallandier viennent de publier un essai de Georges-Henri Soutou intitulé La grande rupture (1989-2024) - De la chute du mur à la guerre d'Ukraine.

    Professeur émérite d'histoire contemporaine à l'université de Paris-Sorbonne et membre de l'Académie des sciences morales et politiques, Georges-Henri Soutou est l'un des meilleurs connaisseurs européens de l'histoire des relations internationales. Il a notamment été l'auteur, avec Martin Motte, d'un ouvrage consacré aux vues de Charles Maurras sur la politique extérieure de la France, Entre la vieille Europe et la seule France : Charles Maurras, la politique extérieure et la défense nationale (Economica, 2009), et a aussi été l'un des contributeurs du traité de stratégie de l’École de guerre, La mesure de la force (Tallandier, 2018). Plus récemment, on lui doit une étude passionnante intitulée Europa ! - Les projets européens de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste (Tallandier, 2021).

     

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    " À partir de 1989, la chute du mur de Berlin, puis la fin de l’URSS et du communisme suscitèrent un grand optimisme en Occident. Aujourd’hui, à l’heure de la guerre en Ukraine, on en est loin. La Russie, qui paraissait prête à s’inscrire dans le nouvel ordre mondial libéral, s’en est progressivement éloignée, jusqu’à le provoquer ouvertement.

    Les innombrables ouvrages publiés le plus souvent à la hâte depuis deux ans et demi sur la guerre en Ukraine négligent la nécessaire profondeur historique qu’il faut observer pour bien comprendre la genèse du conflit. Or Georges-Henri Soutou, historien spécialiste des relations internationales, est probablement le mieux placé pour expliquer cette histoire sur le temps long : les questions de nationalités en Europe orientale et dans les Balkans, la brutalité de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide, la transition démocratique manquée de la Russie après 1991, l’échec des tentatives pour mettre les relations entre l’Occident et la Russie sur un nouveau pied après 1991. La gestion calamiteuse des relations internationales depuis 1989-1990 a fait le lit de la guerre actuelle.

    Dans ce désastre, les responsabilités sont partagées. La Russie a été de plus en plus agressive mais l’Occident a été souvent provocateur et toujours trop sûr de lui.

    L’issue du conflit est encore incertaine mais, de toute façon, le retour de la guerre sur notre continent est une catastrophe. Le troisième suicide de l’Europe depuis 1914… "

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  • La guerre en Ukraine et le logiciel impérial russe...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'émission Passé présent de TV Libertés, diffusée le 18 septembre 2024, dans laquelle Guillaume Fiquet reçoit Jean-Robert Raviot pour évoquer avec lui le conflit russo-ukrainien à travers son essai récent intitulé Le logiciel impérial russe (L'Artilleur, 2024).

     

                                             

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  • Ukraine : l'analyse de la situation par Jean-Bernard Pinatel...

    Pour son émission sur TV Libertés, Chocs  du monde, Edouard Chanot reçoit le général Jean-Bernard Pinatel, pour évoquer avec lui la situation en Ukraine. Ancien officier parachutiste, docteur en sciences politiques et ancien chef d'entreprise, Jean-Bernard Pinatel est spécialiste des questions de géopolitique et d'intelligence économique et a récemment publié Ukraine - Le grand aveuglement européen (Balland, 2024).

     

                                                    

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  • La paix en Ukraine, un chemin semé d'embûches...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue réaliste de Maxime Lefebvre cueilli sur le site du Figaro Vox et consacré aux perspectives de paix dans le conflit russo-ukrainien. Ancien diplomate, Maxime Lefebvre est professeur de géopolitique à l'ESCP.

     

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    « La paix en Ukraine, un chemin semé d'embûches »

    La musique de la paix se fait entendre depuis quelques mois au milieu de la guerre en Ukraine. Le sommet organisé en Suisse en juin, sans la Russie, a servi à réaffirmer le soutien de la moitié des pays du monde à l'Ukraine, mais s'est aussi soldé par un appel à négocier avec Moscou, ce qui a ouvert une fenêtre d'opportunité pour une rencontre entre les parties en novembre, alors que le G20 tiendra son grand sommet à Rio, après l'élection présidentielle américaine.

    Vladimir Poutine a annoncé de son côté des «conditions de paix» (la souveraineté de la Russie sur la Crimée et sur les quatre oblasts annexés, que Moscou ne contrôle pas entièrement à l'heure actuelle ; la non-adhésion de l'Ukraine à l'Otan ; la levée des sanctions) dont on peut penser qu'elles sont une base de départ pour une négociation.

    L'Ukraine semble ouverte à la diplomatie. Le ministre des Affaires étrangères ukrainien s'est rendu à Pékin, qui avait envoyé un émissaire en 2023 dans plusieurs capitales, y compris Moscou et Kiev, pour parler de la paix. Viktor Orban a commencé sa présidence de l'Union européenne en juillet par une «mission de paix» à Moscou, Kiev et Pékin - très critiquée car effectuée sans aucun mandat de l'Union, alors que la Hongrie n'est pas complètement alignée sur la ligne européenne de ferme soutien à Kiev. Le premier ministre indien s'est lui aussi rendu à Moscou puis Kiev.

    Toutes ces évolutions ne sont pas sans lien avec l'impasse du conflit, marqué par une forme de lassitude ukrainienne, et dans la perspective d'un éventuel retour au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis (devenu cependant moins probable depuis le remplacement de Joe Biden par Kamala Harris). Aucun camp ne paraît aujourd'hui pouvoir l'emporter sur le champ de bataille. Si l'Ukraine a engrangé des succès notables contre la flotte russe en Crimée et dernièrement par son incursion en Russie, celle-ci détruit méthodiquement ses infrastructures énergétiques (c'était le bombardement des infrastructures énergétiques qui avait amené la Serbie à capituler face à l'OTAN en 1999) et profite d'un rapport de force favorable malgré l'aide occidentale à Kiev. Elle représente quatre fois la population et le PIB de l'Ukraine, et les sanctions n'ont pas empêché la mobilisation à plein régime de son industrie d'armement. Elle grignote du terrain sur le front, dans ce qui reste une guerre d'usure et d'attrition, et non une guerre de mouvement et d'offensive qui nécessite une nette supériorité de moyens.

    L'opération ukrainienne surprise dans la région de Koursk ne change pas fondamentalement la donne, sinon qu'elle retarde peut-être l'ouverture de négociations. Elle a été contenue (1000 km² sur les 17 millions que compte la Russie, contre 107000 km² contrôlés par Moscou en Ukraine, soit 18 % du territoire de cette dernière). Si l'Ukraine entendait sans doute obtenir un gage et une monnaie d'échange, on peut aussi s'attendre à ce que Vladimir Poutine cherche d'abord à reprendre la totalité du contrôle du territoire russe, tout en poursuivant sa pression dans le Donbass. L'ouverture de contacts russo-ukrainiens secrets, sous l'égide du Qatar, a été rendue publique et interrompue.

    À supposer que des négociations réelles puissent s'engager, des obstacles très sérieux hypothèquent un accord de trêve, et encore plus un accord durable.

    C'est d'abord évidemment la question territoriale, que complique encore l'affaire de Koursk. Un simple cessez-le-feu reviendrait aujourd'hui à confirmer de facto le gain territorial de Moscou, comme ce fut le cas en Géorgie en 2008, même si l'Ukraine garde son gage en territoire russe, qui oblige la Russie à insister sur le respect de son intégrité territoriale. Une discussion pourrait s'engager sur les frontières, mais elle se heurterait vite à un blocage. Contrairement à la situation en 2014-2015 lorsque l'insurrection du Donbass (soutenue par la Russie) avait conduit aux accords de Minsk sur la réintégration de ces républiques dans l'Ukraine, la Russie a désormais franchi le pas d'une annexion territoriale de territoires et de populations, dans le sud et l'est de l'Ukraine, qu'elle considère comme russes (au-delà de la Crimée, déjà annexée en 2014), et on peut penser qu'elle ne reviendra pas là-dessus volontairement. L'Ukraine de son côté ne peut renoncer à son intégrité territoriale, qui fait partie de l'identité fondamentale des États, et elle trouve d'ailleurs l'appui de la Chine sur ce point, du fait entre autres de la question de Taïwan.

    Si aucune des parties n'est en mesure de reprendre l'offensive, la question territoriale a toutes les chances de se solder par un accord de fait pour geler les lignes du front, à travers un armistice (possiblement accompagné d'un dispositif de surveillance et de mesures de confiance), et par l'impossibilité de progresser sur une reconnaissance de droit. Le conflit ukrainien rejoindrait alors un certain nombre d'autres conflits gelés dans le monde, comme le Cachemire, la Corée, Chypre, etc., où une situation de fait n'a pas débouché sur une situation de droit.

    Mais la question territoriale n'est qu'une partie du problème. La question plus fondamentale, qui était déjà à l'ordre du jour depuis de nombreuses années, est celle des garanties de sécurité qui pourraient bénéficier à l'Ukraine comme à la Russie. Celles de 1994 (le mémorandum de Budapest confirmant l'intégrité territoriale de l'Ukraine) ont volé en éclat, tout comme l'accord Otan-Russie de 1997 limitant les déploiements de troupes occidentales en Europe orientale. L'Ukraine attend désormais sa sécurité de l'Otan et des Occidentaux, qui ne lui promettent que de continuer à lui livrer des armes et ont gelé le processus d'adhésion. La Russie, si elle n'y est pas forcée par le sort des armes, n'arrêtera pas le conflit pour se retrouver nez à nez avec des troupes de l'Otan de l'autre côté d'une ligne d'armistice (d'où la neutralité demandée par Poutine). Or une neutralité négociée de l'Ukraine par rapport à l'Otan serait une capitulation des Occidentaux par rapport à ce qu'ils ont toujours affirmé sur le droit de l'Ukraine à choisir ses alliances, et n'apporterait aucune garantie de sécurité réelle à l'Ukraine, qui risquerait de subir une nouvelle agression.

    Cette question (la sécurité de la Russie par rapport à l'OTAN, la sécurité de l'Ukraine par rapport à la Russie) est en vérité le premier obstacle à l'arrêt des combats. Elle n'avait jamais pu faire l'objet d'une négociation sérieuse, avant la guerre, entre l'Otan et la Russie ou au sein de l'OSCE. Les Occidentaux avaient promis à l'Ukraine (et à la Géorgie) l'entrée dans l'Otan et avaient insisté sur le respect par la Russie des frontières post-soviétiques. Dans l'état d'escalade atteint aujourd'hui par le conflit, entre la Russie et l'Ukraine, et entre les Occidentaux (Otan, UE) et la Russie, on peut craindre qu'une trêve éventuelle ne puisse être qu'une paix armée et fragile, qui ne mette fin ni à l'accumulation des forces ni à la guerre économique.

    Il s'ajoute un troisième obstacle de taille sur le chemin d'une normalisation, ou même d'une simple trêve, entre l'Occident et la Russie. C'est le facteur Poutine, qui a franchi le Rubicon en agressant ouvertement l'Ukraine en 2022 (et non plus indirectement, comme en 2014), et qui est désormais inculpé par la Cour pénale internationale pour son rôle présumé dans l'enlèvement d'enfants ukrainiens, sans parler des crimes de guerre commis par l'armée russe. Parler de normalisation, de levée des sanctions, de garanties de sécurité de long terme, de droits des minorités, de retour de la confiance, avec un régime qui a franchi tant de limites, paraît aujourd'hui hors de portée.

    Rappelons que dans la guerre de Corée, débutée par l'agression nord-coréenne (encouragée par Staline) en 1950, des pourparlers de paix s'engagèrent entre les parties après la stabilisation du front en 1951, et n'aboutirent qu'après la mort de Staline en 1953. Ils ne débouchèrent que sur un armistice, pas signé à l'époque par la Corée du Sud (qui espérait encore réunifier l'ensemble du pays), qui ne fut jamais transformé en accord de paix.

    L'élection présidentielle américaine est évidemment un facteur clé. Kamala Harris se place dans la continuité de Joe Biden sur le soutien à l'Ukraine, mais même si Donald Trump était élu, il n'est pas dit qu'il forcera la main à Kiev pour capituler. Même dans une logique de diplomatie «transactionnelle», quel serait l'intérêt des États-Unis à faire sans contrepartie un cadeau à leurs adversaires : la Russie, mais aussi la Chine qui en sortirait renforcée ? Trump dans son premier mandat n'avait ni normalisé la relation avec la Russie, ni fait la paix avec la Corée du Nord, et il avait durci la politique américaine face à la Chine et à l'Iran.

    Malgré ces obstacles, il n'est pas trop tôt pour réfléchir à la fin du conflit et la préparer. Une première étape pourrait être la création d'un format de négociation qui garantirait la place des Européens et de la France. Ce pourrait être, par exemple, le format utilisé dans la négociation nucléaire avec l'Iran, associant les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l'Allemagne (P5 + 1), ou dit autrement les trois grandes puissances européennes avec les États-Unis, la Chine et la Russie (E3 + 3), en ajoutant le Haut Représentant pour l'Union européenne, et bien sûr l'Ukraine. L'Inde pourrait être la voix du «Sud global» dans ces discussions : la création d'un concert mondial, réunissant les 7 principales puissances économiques et militaires du monde, toutes membres du G20, pourrait s'avérer utile dans une perspective beaucoup plus large. En tout état de cause, l'ouverture de discussions sur l'Ukraine ne marquerait pas l'abandon d'une partie de bras de fer qui est engagée depuis longtemps et qui n'est pas terminée.

    Maxime Lefebvre (Figaro Vox, 3 septembre 2024)

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