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  • Dénonciation de l'accord sur l'Iran par les Etats-Unis : une opportunité historique pour l'Europe et la France ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur le Figaro Vox et consacré aux choix devant lesquels se trouve l'Europe après la dénonciation par les États-Unis du traité sur le nucléaire iranien... Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle vient de créer, avec Hervé Juvin, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Nucléaire iranien : «La sortie des Etats-Unis est une chance pour la France»

    Quitte ou double? L'Amérique sort de l'accord international sur le nucléaire conclu en juillet 2015 après plus de dix ans de négociations avec l'Iran. Accord sans doute imparfait mais protecteur, dont l'AIEA a garanti à 11 reprises le respect par la partie iranienne. Après le retrait de l'Accord de Paris sur le climat et la dénonciation de grands accords commerciaux, la décision hors tout mandat ou enquête de terrain de frapper la Syrie pour la punir de persister à vouloir exister - frappes auxquelles Paris a malheureusement cru bon de se joindre -, c'est un nouveau désaveu flagrant des mécanismes multilatéraux de gouvernance du monde que sont les Nations unies, leur Conseil de Sécurité et leurs agences. C'est aussi une humiliation pour les autres signataires de l'accord, dont l'engagement solidaire est foulé aux pieds en même temps que la signature américaine se démonétise drastiquement. C'est enfin un coup de force à l'attention du reste du monde occidental et plus encore de l'Europe, qui est priée de s'aligner sur cette provocation et d'en subir docilement les conséquences économiques considérables. L'Amérique ne craint pas de s'isoler en durcissant ses postures. Elle mise sur la pusillanimité et l'éclatement politique de l'Europe pour l'entraîner une fois de plus dans sa logique de repolarisation agressive autour d'elle, phare naturel autoproclamé d'un Occident en grand discrédit moral et politique.

    Une triste décision pour la paix du monde en somme. On souhaiterait que la guerre ne finisse jamais au Moyen-Orient et que l'Europe reste divisée et faible stratégiquement à jamais qu'on ne s'y prendrait pas autrement… En Iran, la société comme le pouvoir sont résilients. Le pays poursuivra sans doute l'extension de son influence régionale, notamment en Irak, autre théâtre majeur de sa confrontation avec les États-Unis. Après l'éclatante victoire politique du Hezbollah au Liban, les élections irakiennes qui approchent pourraient être en effet l'occasion de révéler l'ascendant politique et l'ancrage étatique de la milice Badr qu'appuie l'Iran. Le scrutin du 12 mai revêt donc une importance cruciale pour l'avenir du pays mais aussi de la région et les menaces de guerre civile proférées par l'ancien premier ministre Nouri al-Maliki ne sont pas à prendre à la légère.

    Crise donc, mais aussi opportunité historique pour l'Europe et la France. Car une telle démonstration de mépris et de volonté de domination doit enfin provoquer une prise de conscience dans une Europe assoupie par le consentement à la soumission et l'allégeance béate. Pour ceux, encore si nombreux, qui ne l'auraient pas compris ou refuseraient de le reconnaître, l'Amérique travaille exclusivement pour les intérêts nationaux américains, non pour le bien du monde. Et quand la réalité d'un rapport de force avec d'autres acteurs la gêne, quand le réel ne lui convient pas ou plus, alors, elle le balaie d'un revers de patte et décide seule de qui sera condamné ou sauvé. La réalité n'a plus d'importance. On met en scène, pour «l'opinion internationale», les fantasmes opérationnels qui agissent comme des leurres permettant de justifier les ambitions et les prédations utiles… Et on menace carrément les insoumis éventuels du pire. Le président américain a prévu le feu de l'enfer pour Téhéran s'il venait à reprendre ses activités d'enrichissement à des fins militaires.

    Il a aussi sans équivoque menacé les entreprises européennes comme celles du monde entier de la fermeture du marché américain et de colossales représailles financières si elles avaient l'outrecuidance de prétendre commercer avec le nouveau «Rogue state n°1» diabolisé à l'envi depuis des mois déjà, et déstabilisé sans succès l'hiver dernier. L'extraterritorialité du droit américain, plus flamboyante que jamais, se manifeste ici massivement et sans vergogne comme l'outil cardinal d'un avantage concurrentiel redoutable, permettant en l'espèce de geler un marché iranien convoité par la planète entière… en attendant que les conditions soient réunies de son exploitation juteuse et quasi exclusive par les opérateurs américains. Un changement de pouvoir à Téhéran aiderait beaucoup cette «maturation» attendue de l'économie et de la société iraniennes. D'où l'intérêt de fragiliser son président «modéré», artisan de l'accord sur le nucléaire et favorable à l'ouverture de son pays au monde, pour pousser les courants ultraconservateurs soit à la faute militaire, soit au durcissement interne avec, dans l'idéal, une réaction populaire dégénérant en révolte politique...

    L'Europe déstabilisée par le lâchage américain est face à un choix historique: se soumettre une nouvelle fois ou s'affranchir de cette tutelle de fait sur l'économie et sa maturité stratégique de l'UE. L'extraterritorialité du droit américain est-elle à jamais notre lot? Devrons-nous toujours, tels les petits animaux autour d'un point d'eau dans la savane, attendre que le lion ait bu pour oser nous désaltérer prudemment aussi? L'Europe doit sortir de l'enfance stratégique, oser la liberté qui ne signifie nullement l'hostilité, juste la conscience de nos intérêts collectifs propres. De même que Donald Trump s'y entend avec brio pour établir un rapport de force dans la négociation, l'Europe doit s'unir pour refuser le chantage à la soumission ou à l'alignement. Nous sommes certes encore loin d'une alternative monétaire viable et durable à la suprématie du dollar, mais le «contre monde» imaginé par Pékin avance… L'irrigation commerciale chinoise de l'Eurasie, de l'Europe mais aussi d'une partie de l'Afrique, du Moyen-Orient et bien sûr de l'Asie se structure. La grande bascule du monde est en route. L'Amérique inquiète, pour rassembler l'Occident sous sa bannière, joue ici un va-tout dangereux. Car, aveuglée par son hostilité structurelle et anachronique vis-à-vis de la Russie qui est un bout d'Occident à part entière, elle oublie la profondeur et les frontières réelles de cette notion, et peut progressivement se retrouver isolée face au reste du monde si l'Europe prenant conscience d'elle-même, rejoint Moscou, Pékin et leurs multiples alliés dans une résistance à l'imperium américain devenu trop désavantageux. La question iranienne n'est donc pas régionale mais bien globale.

    Dans cette tenaille désastreuse et belligène entre deux polarisations aussi invalidantes l'une que l'autre, quel doit être le rôle de la France? Que peut faire Paris aujourd'hui? Sans doute rétablir le dialogue entre Washington et Moscou, les pousser à se souvenir enfin que l'Amérique comme la Russie sont toutes deux des piliers de l'Occident chahuté par l'émergence chinoise et qu'elles ont un intérêt stratégique convergent à fait corps sinon front, face au rouleau compresseur d'une autre nature qui doucement s'articule. Une telle lucidité constructive sera difficile à obtenir de Donald Trump comme de Vladimir Poutine. Elle n'est pas immédiatement politiquement populaire sur le plan interne ni facilement explicable pour l'un comme pour l'autre. Mais la France peut et doit tout faire pour être ce canal intelligent de communication triangulaire, qui voit plus loin que les discordes ordinaires, est capable d'innovation stratégique, veut servir un apaisement global des foyers de tension et une concentration des énergies sur les vraies menaces sécuritaires.

    Dans quinze jours, Vladimir Poutine recevra le président français non à Moscou, mais très symboliquement à Saint-Pétersbourg, en miroir de la réception de Versailles et dans les habits de Pierre le Grand. La symbolique européenne est au cœur de cette rencontre. Il faut enfin saisir notre chance de refaire de notre continent un acteur stratégique à part entière utile à la paix du monde, et de la France une puissance médiatrice inégalable. Contre une telle ambition, bien des pressions s'exerceront, mais elle est à notre portée et à notre hauteur. Il faut y entraîner les Européens ou ceux du moins qui acceptent de sortir de leurs égoïsmes revanchards pour donner au rêve européen sa véritable dimension. L'Europe a besoin de sens, de cohérence, et surtout d'oser explorer sans se payer de mots, la question centrale de l'articulation de sa «double souveraineté»: celle de ses États membres et celle qu'elle a besoin d'incarner collectivement face aux autres acteurs stratégiques mondiaux. Il ne s'agit nullement ici d'une Europe qui serait «une France en plus grand». Mais Paris a l'occasion de donner ici l'impulsion initiale fondatrice d'une renaissance crédible. Si nous ne sommes pas capables de nous unir sur un tel projet, alors que tout nous en démontre l'urgence vitale, nous serons ad vitam aeternam le jouet désarticulé des offensives de division américaine, russe, turque et naturellement chinoise. Nous aurons été surtout les fossoyeurs désinvoltes de notre rêve.

    Caroline Galactéros (Figaro Vox, 10 mai 2018)

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  • L'Iran n'est pas la Corée du Nord...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 10 mai 2018 et consacrée aux conséquences de la décision des États-Unis de dénoncer l'accord sur le nucléaire iranien... 

     

                                     

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  • A qui profitent les crises ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous Le samedi politique de TV Libertés, présenté par Élise Blaise, qui recevait Michel Drac, pour évoquer la rencontre Trump - Macron et les frappes aériennes sur la Syrie. Essayiste non-conformiste et éditeur, mais aussi observateur et analyste rigoureux et mesuré de la situation politique, qui a notamment publié Triangulation - Repères pour des temps incertains (Le Retour aux sources, 2015),  Michel Drac vient de publier un livre intitulé Voir Macron - 8 scénarios pour un quinquennat (Le Retour aux sources, 2017)...

     

                                        

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  • Quand Macron sabote l’opportunité européenne de la France...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la politique étrangère, désespérément atlantiste, du président de la République, Emmanuel Macron... Ancien haut-fonctionnaire et animateur de la Fondation Polémia, Michel Geoffroy vient de publier La Superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018).

     

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    L’atlantisme forcené d’Emmanuel Macron sabote l’opportunité européenne de la France

    Emmanuel et Brigitte Macron sont en voyage officiel aux Etats-Unis, pour rencontrer Oncle Donald. Pour rencontrer le patron, en quelque sorte, sous l’œil attendri des médias mainstream. On ne peut certes que se réjouir que notre président semble entretenir de bonnes relations avec le président des Etats-Unis comme avec, espérons-le, tous les autres grands chefs d’Etat. Mais cette visite protocolaire outre-Atlantique revêt aussi une signification politique qui ne doit pas nous échapper.

    Une opportunité historique pour la France ?

    La France bénéficie aujourd’hui en effet d’une conjoncture politique très favorable au sein de l’Union européenne, du fait de l’effacement relatif de l’Allemagne – empêtrée dans la crise politique – et de la Grande-Bretagne – empêtrée pour sa part dans son Brexit et ses histoires d’espions. Et cela, alors même que l’Union européenne connaît une profonde crise de confiance et se trouve notamment confrontée à la sécession de fait des pays du groupe de Visegrad sur la question migratoire.

    En d’autres termes, il s’agit d’une situation extrêmement favorable pour la diplomatie française, qui ne s’était pas vue depuis fort longtemps.

    Notre pays aurait pu en profiter pour faire avancer une approche différente de l’Union européenne, que ce soit par exemple en matière de défense, de politique économique ou de relations avec l’Eurasie, conformément à sa doctrine traditionnelle d’équilibre des puissances.

    Macron fait le contraire de ce qu’on attend de lui

    Or que fait Emmanuel Macron de cette belle opportunité diplomatique ? Rien. Ou plutôt il fait exactement le contraire de ce que l’on aurait attendu de la France dans un tel contexte.

    En effet il en rajoute en permanence sur l’alignement transatlantique et atlantiste, comme s’il voulait ravir à l’Allemagne et à la Grande-Bretagne le rôle de meilleur soutien – de meilleur vassal en réalité – des Etats-Unis en Europe.

    Il s’est ainsi empressé, au mépris de toute prudence, de soutenir la posture belliqueuse de la Grande-Bretagne à l’encontre de la Russie dans la douteuse affaire Skripal. Il a adhéré aux sanctions économiques, diplomatiques et médiatiques contre la Russie, sans aucune réserve.

    Il s’est associé aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne pour bombarder, une nouvelle fois au mépris du droit international, la Syrie. Comme s’il était dans l’intérêt de l’Europe de voir éclater ce pays, après le chaos libyen et malien.

    Il ne cesse de mettre en accusation les pays du groupe de Visegrad, se coupant par là-même du soutien qu’ils auraient pu fournir à notre diplomatie dans cette période charnière.

    Et la rhétorique antirusse, racisme d’Etat qui ne dit pas son nom, devient une composante du politiquement correct officiel de la France.

    Macron enferme la politique étrangère de la France dans l’impasse atlantiste

    Le voyage présidentiel aux Etats-Unis, sorte de pèlerinage atlantiste, s’inscrit dans cette déplorable continuité.
    Car qu’avons-nous à gagner à nous aligner sur cette puissance en déclin, au surplus belliqueuse et imprévisible ? Rien : la politique d’Emmanuel Macron nous mène dans une impasse.

    La France, n’en déplaise aux anglophiles qui peuplent l’oligarchie, n’est pas en effet une thalassocratie, mais une puissance continentale à rayonnement mondial. Son destin se situe en Europe et dans ce qui reste de son empire et non pas de l’autre côté de l’Atlantique.

    S’aligner sur la diplomatie américaine ne garantit donc ni notre sécurité ni notre prospérité, a fortiori dans un monde désormais multipolaire qui rejette de plus en plus la prétention des Anglo-Saxons à gouverner le monde et à imposer leurs lubies idéologiques.

    Mais Emmanuel Macron ne semble pas le savoir, ou, pire encore, il veut l’ignorer.
    Comme il veut ignorer que les Etats-Unis traitent les Européens en vassaux et en marché à conquérir, la France ne faisant pas exception à la règle. Les promesses mirifiques des partisans des traités de libre-échange – comme Emmanuel Macron vantant le traité CETA avec le Canada – ne se réalisent jamais pour cette raison.

    L’Europe sans défense ?

    De même l’OTAN n’assure plus la sécurité de l’Europe depuis la fin de l’URSS. Il sert avant tout à mettre en tutelle les Européens et à empêcher la constitution d’une véritable Europe de la défense, pour le plus grand profit du complexe militaro-industriel américain. L’OTAN risque, au surplus, de nous entraîner dans une confrontation avec la Russie, via les pays Baltes ou l’Ukraine, dont les Européens seraient une nouvelle fois la principale victime.

    Mais cela ne paraît pas poser problème à Emmanuel Macron, tout fier de parler anglais sur Fox News !

    D’ailleurs, ayant pleinement réintégré l’OTAN depuis François Hollande, la France n’invoque plus désormais officiellement son indépendance, mais sa simple autonomie stratégique : la nuance sémantique mais surtout politique est de taille.

    Emmanuel Macron restera bien sage chez l’Oncle Donald

    Et le même Emmanuel Macron, si prolixe à propos des prétendues « fake news » et « manipulations » russes, envisage-t-il par exemple de demander à Oncle Trump de cesser l’espionnage de masse des communications auquel ses services se livrent partout dans le monde, y compris en Europe, comme l’ont révélé les lanceurs d’alerte ?

    Va-t-il prononcer des sanctions contre les Etats-Unis pour cette violation manifeste de nos droits les plus élémentaires ?

    Poser la question c’est y répondre : Emmanuel et Brigitte resteront bien sages chez l’Oncle Donald.

    Emmanuel Macron, un Européen de perlimpinpin

    Enfin, l’atlantisme affiché et revendiqué d’Emmanuel Macron en dit long sur sa prétendue ambition européenne.

    Car l’Europe qu’il envisage, en digne représentant de la Davocratie, ne serait qu’une Europe au rabais, entraînée dans le sillage mortel du Titanic américain : une Europe sans frontières mais coupée de l’Eurasie, une réserve culturelle pour yuppies fortunés en mal de dépaysement, un marché à conquérir pour les grandes firmes nord-américaines.

    Une Europe, en fin de compte, comme la voulait le mondialiste Jean Monnet pour qui « la Communauté [européenne] n’est qu’une étape vers les formes d’organisation du monde de demain » : une simple étape vers la fumeuse gouvernance mondiale dont rêve la superclasse mondiale.

    Tout le contraire de l’Europe, Une, Grande et Libre, comme le dit la belle devise de l’Espagne, que les Européens attendent toujours !
    Oncle Donald ne doit pas s’inquiéter : Emmanuel et Brigitte ne lui feront pas ombrage.

    Michel Geoffroy (Polémia, 25 avril 2018)

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  • Syrie: mensonges et crimes d’état...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous Le samedi politique de TV Libertés, présenté par Élise Blaise, qui, le 14 avril 2018, recevait Richard Labevière, journaliste, consultant international et spécialiste du Proche-Orient, pour décrypter les choix de nos gouvernants dans la crise syrienne. Richard Labevière a récemment publié un excellent essai intitulé Terrorisme, face cachée de la mondialisation (Pierre-Guillaume de Roux, 2016)...

     

                                      

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  • Pourquoi la France ne doit pas s'associer aux frappes en Syrie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur Figaro Vox et consacré aux frappes aériennes contre la Syrie annoncées par les États-Unis, auxquelles Emmanuel Macron a déclaré vouloir associer la France. Docteur en science politique et dirigeante d'une société de conseil, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et publie régulièrement ses analyses sur le site du Point et sur celui du Figaro Vox. Elle vient de créer, avec Hervé Juvin, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

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    Caroline Galactéros: «Pourquoi la France ne doit pas s'associer aux frappes en Syrie»

    La messe semble dite et une atmosphère de veillée d'armes plane sur Paris, tandis que le jeune prince d'Arabie Saoudite quitte la capitale et que notre président est en étroit dialogue avec son homologue américain. La France pourrait, en coordination avec Washington, frapper de manière imminente les forces du régime syrien en représailles d'une nouvelle attaque chimique imputée de manière «très probable» mais en amont de toute enquête, aux forces de l'abominable tyran Assad soutenu par les non moins affreux régimes russe et iranien.

    Il faudrait agir vite, se montrer ferme, intraitable, juste! Il s'agirait là d'un «devoir moral»! On a bien entendu et lu. Le discours moralisateur sur la sauvegarde des civils innocents, pourtant inaudible après sept ans de guerre et de déstabilisation de la Syrie, est toujours le même. C'est là le comble du cynisme en relations internationales, que nous pratiquons pourtant sans états d'âme depuis des décennies. Pendant ce temps, la guerre silencieuse du Yémen continue. Ces civils-là n'existent pas, ne comptent pas.

    Mais certaines images de guerre et de civils otages d'une sauvagerie généralisée irritent plus que d'autres nos consciences lasses d'Européens déshabitués de la violence et gonflés d'une prétention à connaître, dire et faire le Bien. Soit.

    Mais agir contre qui? Qui faut-il punir? Le régime de «l'animal Assad», comme l'a appelé Trump? L'Iran? La Russie? Vraiment? Et si ce trio noir que l'on désigne exclusivement depuis des mois à la vindicte populaire internationale n'était qu'un leurre, proposé à notre indignation sélective pour ne pas réfléchir à nos propres incohérences?

    Personne ne se demande pourquoi cette nouvelle attaque chimique arrive maintenant, au moment même où la Ghouta orientale repasse sous contrôle gouvernemental syrien et parachève sa reconquête territoriale, face à des groupuscules rebelles rivaux globalement en déroute et plus que jamais prêts à se vendre au plus offrant pour survivre et espérer compter? Personne ne s'autorise à douter un instant, quand le ministre russe des affaires étrangères rapporte que les observateurs du Croissant rouge syrien envoyés sur place n'ont rien vu ressemblant à une attaque? Serguei Lavrov ment-il carrément au Conseil de Sécurité des Nations unies ou bien faut-il penser que Moscou ne contrôle pas tout ce qui se fait au plan militaire sur le théâtre? Ou que des éléments de l'armée syrienne elle-même agiraient en électrons libres ou auraient été «retournés»? À qui profite le crime? C'est cette vieille question, mais toujours pertinente, qui paraît désormais indécente.

    Quel serait pourtant l'intérêt de la Russie de laisser perpétrer une telle attaque, alors que, ne nous en déplaise, bien davantage que notre «Coalition internationale», elle cherche la paix, l'organise pragmatiquement, et est la seule depuis sept ans à engranger quelques résultats qui évidemment contreviennent à nos intérêts et à ceux de nos alliés régionaux?

    On semble aussi avoir totalement oublié une donnée fondamentale du conflit: les malheureux civils de la Ghouta, comme ceux des ultimes portions du territoire syrien encore aux mains des «rebelles» djihadistes ou de Daech, sont des boucliers humains, peut-être même, en l'espèce, sacrifiés par ces mêmes apprentis démocrates suppôts d'al-Qaïda et consorts pour entraîner l'Occident dans une guerre ouverte avec Moscou et Téhéran.

    Car si l'on quitte le microscope pour la longue-vue, il est permis de décrire à partir de cette dernière séquence syrienne un contexte stratégique global infiniment préoccupant pour l'Europe, et singulièrement pour la France, qui risque de prendre les avant-postes d'une guerre qui n'est pas la sienne, dont elle fera les frais et qui neutralisera durablement l'ambition présidentielle affirmée de prendre le leadership politique et moral de l'Union européenne. Nos amis allemands ou italiens sont d'ailleurs moins cynico-idéalistes, mais plus prosaïques que nous. Ils avancent prudemment, vont et viennent entre Beyrouth et Damas pour pousser leurs pions en cette phase douloureuse et recueilleront les fruits de notre marginalisation radicale quand la reconstruction syrienne arrivera.

    La ficelle est si grosse et la pelote si bien déroulée depuis des mois qu'on ne la voit plus en effet. On punit la Russie. On la punit d'être la Russie, déjà, et d'avoir réussi son retour sur la scène mondiale. On la punit de vouloir la paix en Syrie et de chercher à la mettre en musique politiquement à Astana ou à Sotchi. On la punit d'avoir sauvé Damas et son régime diabolisé du dépècement qu'on leur promettait et qui s'est fracassé sur la résilience populaire et gouvernementale syrienne et a déjoué partiellement au moins la confessionnalisation des affrontements politiques et sociaux que l'Occident encourage, sans en comprendre le danger insigne pour ses propres sociétés, et notamment en Europe.

    La guerre en Syrie a été gagnée militairement par l'armée gouvernementale. Militairement, mais pas politiquement. Cette victoire sur le terrain au prix d'une guerre brutale (comme toutes les guerres, même celles menées depuis les airs et qui n'ont de chirurgicales que le nom), nous est proprement insupportable car cela nous force à faire la paix, ce que nul ne veut mis à part… Moscou. Ah, Moscou! L'impudent Vladimir Poutine trop bien réélu qui nous nargue avec sa coupe du monde, où des millions de gens vont découvrir un visage de la Russie qui ne les terrifiera pas.

    Et puis derrière Moscou, on vise évidemment Téhéran, dont Israël, en pleine idylle officielle avec le centre mondial du salafisme - l'Arabie saoudite - qui a toutefois opportunément décidé de faire peau neuve, ne peut tolérer l'émergence régionale, tant le niveau sociétal, culturel, technologique et commercial de ce pays lui fait de l'ombre bien au-delà de la seule crainte d'un (dés)équilibre stratégique modifié par sa nucléarisation ultime.

    Bref, nous sommes en train de tomber dans un vaste piège qui se joue sur plusieurs fronts, et de nous ruer, en croyant ainsi exister, sur le premier os qu'on nous jette. De ce point de vue, l'affaire Skripal pourrait bien n'avoir été que le hors-d'œuvre de la séquence actuelle. Elle a posé le premier étage d'une repolarisation politique et sécuritaire de l'Europe autour de Londres, et surtout sous la bannière de l'OTAN. Car c'est là l'ultime manœuvre: remettre au garde-à-vous les Européens qui, depuis l'arrivée de Donald Trump et le Brexit, s'étaient pris à rêver d'une autonomie européenne en matière de politique et de défense… Péril suprême pour le leadership américain sur le Vieux Continent, heureusement contrebalancé par les rodomontades de quelques nouveaux européens qui refusent leur arasement identitaire et mettent à mal tout projet d'affranchissement sécuritaire collectif. Le Secrétaire américain à la défense, le général Mattis, a d'ailleurs été très clair: les Européens doivent en effet consacrer 2 % de leur PIB à la défense, mais pour acheter des armes américaines et demeurer dans l'orbite otanienne évidemment, l'Alliance constituant le cadre naturel et nécessaire de la défense de l'Europe. Fermez le ban!

    Nous sommes donc en train d'être clairement repris en main par l'OTAN, mais on ne s'en rend pas compte car on nous vend la nécessité d'une solidarité sans failles, donc manichéenne, face à une «offensive russe» pour diviser l'Europe (comme si nous n'étions pas assez grands pour nous diviser nous-mêmes) et dominer le Levant. C'était probablement l'objet de l'affaire Skripal comme de la présente montée au front sur la Syrie. La volte-face aujourd'hui même d'Angela Merkel sur le projet Northstream-2 ne fait qu'amplifier cette polarisation. Moscou est poussé à se crisper donc à s'isoler par tous les moyens. Par les sanctions, par les vrais faux empoisonnements d'espions en plein Londres et jusqu'à cette décision allemande qui ne peut que durcir la position russe en Syrie et assurer la montée des tensions, le Kremlin n'ayant plus d'autre alternative que de jouer le tracé Qatari qui passe par la Syrie… Redoutable manœuvre anglo-américaine donc, à laquelle Paris et Berlin semblent ne voir que du feu.

    Il faut donc s'y résoudre: l'Amérique d'Obama a vécu. Celle de Trump et de ceux - néoconservateurs de toutes obédiences - qui l'environnent très fermement désormais, a radicalement changé de posture. Certes le président américain annonce son souhait de quitter la Syrie, mais il avoue pouvoir changer d'avis si l'Arabie saoudite payait le coût de cette présence! On ne peut être plus clair et c'était aussi tout le sens de son premier voyage à Riyad au printemps dernier: réassurer l'allié du Quincy (dont le Pacte éponyme était rendu caduc par la nouvelle indépendance énergétique américaine) contre 400 milliards de dollars de contrats pour l'économie américaine. Et puis, tandis qu'il déclare au grand dam de ses généraux et pour tromper son monde qu'il veut partir, il se consolide une vaste zone d'influence américaine à l'est de l'Euphrate avec les FDS arabo-kurdes.

    Washington, dans le vaste mouvement de repolarisation du monde, entend en tout état de cause demeurer le môle principal d'arrimage d'un Occident qui doute face à une Chine qui structure à son rythme et via un affrontement de basse intensité mais tous azimuts, un véritable «contre-monde». L'Amérique, fébrile, joue son va-tout pour renverser la vapeur d'un ordre international qu'elle ne contrôle plus mais qu'elle veut encore dominer coûte que coûte. Elle veut l'affrontement pour réinstaller sa préséance face à Moscou, Téhéran et Pékin, cible ultime de l'intimidation. C'est là pourtant un combat profondément à contresens de l'évolution du monde. Affligés du syndrome postmoderne de la vue basse et celui de l'hybris technologique, nous oublions que la vie est longue.

    Au-delà, cette affaire, comme d'innombrables autres, met en évidence une évolution dangereuse: la substitution à la réalité non d'une image déformée, mais carrément d'une autre réalité et le retour de la tentation de la guerre préventive préemptive, qui évite d'enquêter. La question est vraiment très grave pour l'essence même de la politique internationale. Préfère-t-on l'image au réel, les fake news à l'analyse, le sensationnalisme à la rigueur?

    Alors que voulons-nous? Ce sera bientôt clair: si nous voulons sauver la Syrie, il nous faut surtout ne pas nous joindre à une coalition qui agira hors de tout mandat de l'ONU et qui portera le poids d'une guerre dont le peuple syrien est la dernière roue du carrosse et sera la victime immédiate. La grande question est donc: mais que vient faire Paris dans cette galère? On se trompe comme souvent d'ennemi, d'allié, de posture, de tout en somme. Et si l'on essayait l'audace, le courage et la singularité? Notre siège au Conseil de Sécurité, que guigne l'Allemagne de plus en plus ouvertement, en serait relégitimé. Nous posons-nous seulement la question de notre intérêt national (qui ne se réduit pas à des contrats d'armement) et des raisons pour lesquelles on nous sert ainsi l'injonction d'un alignement sur le thème du Bien contre le Mal et de la guerre préventive?

    La France est désormais, en Syrie comme ailleurs, au pied du mur. Elle a l'occasion inespérée de faire valoir une approche prudente et rigoureuse, une voix pour la paix, une singularité. Nous avons déjà une influence au plus bas dans la région. Si nous voulons compter de nouveau, nous devons regarder la réalité dans les yeux et admettre que «nous avons eu tout faux» depuis 2011. Il n'est jamais trop tard et notre président peut encore choisir de compter véritablement au regard de l'Histoire et dans le cœur des peuples

    Une guerre contre l'Iran et la Russie n'est pas la nôtre. Elle ne correspond nullement aux intérêts stratégiques français, ni à ceux de l'Europe. Nous avons déjà si naïvement collé aux Britanniques qui veulent quitter l'Union, sans preuve et par principe, dans l'affaire Skripal. Pourquoi cette fuite en avant?

    Dans ce nouveau grand jeu, la France a encore l'opportunité inespérée de compter plus que son poids démographique ou même économique ne le lui permet, en affirmant une singularité et une cohérence. Plus que jamais le réalisme, aux antipodes du cynisme, doit être le bouclier et la lance de notre nouvelle posture internationale. Il nous rapproche non d'une justice abstraite mais de l'équité et de la clairvoyance. La France n'a pas le droit et aucun intérêt à être malhonnête dans son interprétation des faits. Elle a tout à gagner à la lucidité et elle doit d'urgence montrer au monde comme aux peuples et pouvoirs du Moyen-Orient qu'on ne l'égare ni ne la soumet si facilement.

    Caroline Galactéros (Figaro Vox, 11 avril 2018)

     

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