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trump - Page 8

  • Tour d'horizon... (186)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur L'Inactuelle, un article de Jacques Amar et Arnaud Raynouard, professeurs de droit, consacré à la signification de la présence envahissante de la figure du zombie dans la sphère culturelle contemporaine...

    Un monde peuplé de zombies

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    - sur De Defensa, une analyse de Philippe Grasset sur les accusations portées par Trump contre la Chine à propos de l'émergence du Coronavirus...

    Notes sur un profil mussolinien

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  • Quand Rome inventait le populisme...

    Les éditions du Cerf viennent de publier un essai de Raphaël Doan intitulé Quand Rome inventait le populisme. Ancien élève de l’École Normale Supérieure et de l’ENA, âgé de 26 ans, Raphaël Doan est agrégé de lettres classiques.

     

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    " Il y a du Cicéron chez Emmanuel Macron, et du Clodius chez Donald Trump. C'est en historien de l'Antiquité que Raphaël Doan démontre que nous n'avons pas inventé le populisme. Les Romains, à la fin de la République, connaissent une lutte à mort entre ce qu'ils appellent les populares et les optimates. Appel au peuple, goût des solutions radicales, recours à la figure de l'homme fort : ces tribuns en toges et en sandales ressemblent trait pour trait à ceux du XXIe siècle.
    Dans cette époque, avec son sénat et sa plèbe, ses discours et ses émeutes, ses guerres et ses violences, tout est d'actualité. Y compris la question essentielle : le populisme est-il le bouclier des humbles contre une élite sourde à ses revendications, ou le futur glaive des tyrans contre la liberté ?
    Un premier essai époustouflant, écrit avec une plume exemplaire. "

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  • Quand le populisme recompose le monde...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Alexandre Devecchio à Atlantico et consacré au populisme, comme signe d'une recomposition politique en cours. Animateur des pages Figaro Vox du Figaro, Alexandre Devecchio vient de publier un essai aux éditions du Cerf intitulé Recomposition.

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    Alexandre Devecchio : "Avec le temps, il se pourrait que le populisme nourrisse un projet qui aille au-delà de la déconstruction de l'ancien ordre global"

    Atlantico.fr : Vous estimez dans votre livre Recomposition, le nouveau monde populiste, que le populisme est le signe d'une recomposition politique. Vers quel nouveau monde nous dirigent les leaders populistes ? 

    Alexandre Devecchio : En Occident, à l’utopie de la mondialisation heureuse succède le retour des nations et des peuples. Ces derniers, à travers leurs votes pour les partis dit « populistes », mais aussi à travers le « Brexit »  ou le mouvement des Gilets jaunes, expriment leur volonté de recouvrer leur souveraineté, de protéger leur modèle social et leur identité face aux migrations massives, de renouer avec un certain nombre de limites et de permanences face au rouleau compresseur de la globalisation. L’uniformisation planétaire n’a pas produit le village mondial pacifié espéré, mais au contraire engendrée de multiples fractures sociales, culturelles, démocratiques. Face à ce profond désordre, les populistes proposent de rétablir un certain nombre de repères. Le nouveau monde auquel ils aspirent n’est pas synonyme de fermeture, mais se veut avant tout plus stable.  

    Les partis européens qui réussissent aujourd'hui à obtenir la majorité aux élections semblent souvent réunir des électeurs aux opinions très diverses. C'est le cas par exemple de LREM, ou de coalitions comme celle qui a été conclue entre le M5S et le PD en Italie. Pourquoi les partis "attrape-tout" ont-ils tant de succès ? Est-ce le signe d'un vide idéologique ?

    En réalité depuis la fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin, les partis de centre-gauche et de centre-droit, qui se sont succédé, malgré une opposition de façade, menaient peu ou prou une politique identique avant tout fondée sur le primat de l’économie et du libre-échange. C’est ce que la théoricienne du  populisme, Chantal Mouffe, a appelé « l’hégémonie néo-libérale ». Mais depuis l’effondrement financier de 2008,  et plus encore depuis la crise migratoire de 2015, l’ère de la domination néo-libérale semble en passe de s’achever tandis qu’on observe la montée en puissance de mouvements antisystèmes dans la plupart des démocraties occidentales. Pour se maintenir au pouvoir, le centre gauche et le centre droit ont ainsi dû converger au sein de grandes coalitions : autour de Merkel en Allemagne, de Renzi en Italie ou de Macron en France. Mais même rassemblés, les centres ne pèsent qu’entre 25% et 30% des suffrages : une base électorale très faible essentiellement composée des gagnants de la mondialisation. Pour espérer élargir celle-ci et se maintenir durablement, il va leur falloir trouver un supplément d’âme idéologique. Cela pourrait bien passer par l’écologie.

    L’alliance entre le M5S et le PD en Italie est un cas à part et inédit. Pour la première fois, nous voyons un parti anti-système s’allier à un parti du système. Le M5S s’est pourtant entièrement construit sur le rejet des appareils politiques traditionnels et plus largement d’une démocratie représentative considérée comme dévoyée par beaucoup d’Italiens.  Dépassé par la montée en puissance d’un populisme rival, incarné par la Ligue de Salvini, le mouvement a su jouer habilement des combinaisons partisanes et des procédures parlementaires pour rester au pouvoir. Mais, ce faisant, il a aussi perdu sa raison d’exister et va devoir se refonder pour survivre.  Je ne serais pas surpris voir le parti de Di Maio muter en parti écologiste. 

    Si certains partis "attrape-tout" réunissent les gagnants de la mondialisation, les populistes semblent rassembler ceux qui s'estiment être les perdants. Dans quelle mesure ce qu'on appelle "populisme" n'est pas simplement le nom d'une forme de résistance désorientée au monde libéral, sans véritable projet ?

    On peut le dire comme cela ou comme le penseur de la nouvelle droite, Alain de Benoist, pour lequel le populisme exerce un rôle principalement destituant, c'est-à-dire qu'il contribue avant tout au «dégagisme». Il fait sortir du champ politique des partis et des mouvements faisant l’objet d’une défiance généralisé. Avec le temps, il se pourrait cependant que le populisme nourrisse un projet qui aille au-delà de la déconstruction de l’ancien ordre global. 

    Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui entame son quatrième mandat, a réussi à définir un véritable contre-modèle faisant désormais école dans toute l’Europe centrale. Il a notamment théorisé celui-ci, le 26  juillet 2014, dans son discours de Baile Tusnad où il emploie pour la première fois le concept de « démocratie illibérale ». En Europe occidentale, ce concept a été souvent mal compris. Pour Orbán, il ne s’agit nullement de rompre avec les principes de base du libéralisme : plutôt de retrouver un équilibre perdu entre démocratie et libéralisme, souveraineté des peuples et liberté des individus, volonté de la majorité et respect des droits des minorités. Tandis qu’en Europe occidentale, le politique est de plus en plus entravé par les technocrates et les juges comme par les lois du marché, en Europe centrale, le politique tend à limiter les contre-pouvoirs pour garder davantage de marges de manœuvre. Pour Viktor Orbán, le libéralisme seul ne suffit pas à maintenir la cohésion sociale et nationale. C’est pourquoi, il parle aussi de  « démocratie chrétienne », non par bigoterie ou pour brouiller la frontière entre l’État et l’Église, mais parce qu’il pense que les démocraties sont d’autant plus fortes et solides qu’elles s’inscrivent dans une histoire et une civilisation.

    A Washington s’est tenue mi-juillet une conférence inaugurant un  nouveau think-tank, la Edmund Burke Foundation, dont l’objectif est  de donner une véritable cohérence idéologique et doctrinale au Trumpisme. Autour du philosophe et théologien israélien Yoram Hazony, nombres d’intellectuels américains ambitionnent de forger un « conservatisme national », en rupture avec le néolibéralisme de l’ère Reagan.  Du mandat de Trump, on ne retiendra pas seulement ses foucades, mais aussi le point de départ d’une révolution idéologique bien plus profonde. Chacun à leur manière, Orbàn comme Trump, sont peut-être à l’avant-garde du nouveau monde. Paradoxalement, Macron apparaît au contraire comme le dernier samouraï d’un modèle à bout de souffle.  

    Vous évoquez dans votre livre la "chute du mur de Maastricht", écho à la chute du mur de Berlin. Il y a encore pourtant une véritable incertitude sur la capacité des populistes à réunir des majorités d'action (ce qui se passe au Royaume-Uni en est probablement le signe). Le succès du populisme n'est-il pas qu'une phase transitoire ? 

    Le mur de Maastricht est toujours debout, mais il est sérieusement fissuré. Nous sommes précisément dans une époque de recomposition. Pour paraphraser Gramsci, nous nous situons dans un « interrègne»: «un monde se meurt et un autre tarde à naître». La décomposition du « vieux monde » n’est pas achevée. Il résiste en jetant toutes ses forces dans la bataille comme on peut le voir, en effet, au Royaume-Uni. Mais dans la brume, apparaissent déjà les contours du monde à venir. Sera-t-il populiste ou le populisme ne sera-t-il qu’une étape transitoire ? Une chose paraît certaine l’ordre global, tel qu’on l’a connu, et dont l’Union européenne a été le laboratoire avancé, semble à terme condamné. 

    Alexandre Devecchio (Atlantico, 15 septembre 2019)

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  • Les dirigeants européens sont-ils atteints du syndrome de Stockholm ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du journaliste irlandais Finian Cunningham, cueilli sur Europe solidaire et consacré aux relations des dirigeants européens avec leur "maître" amaéricain...

     

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    Les dirigeants européens sont atteints du syndrome de Stockholm

    La situation psychologique connue sous le nom de syndrome de Stockholm, dans laquelle les otages sympathisent de manière irrationnelle avec leurs ravisseurs, pourrait très bien s'appliquer aux dirigeants européens face aux intimidations états-uniennes. Les États-Unis ont toujours été le parti dominant - et dominateur - de la relation transatlantique. Mais les administrations précédentes, à Washington, avaient pris soin de présenter les États européens comme des «partenaires» dans une alliance «apparemment» mutuelle.

    Sous le président Donald Trump, les pressions et les harcèlements dont sont l'objet les Européens mettent en lumière leur véritable statut de simples vassaux de Washington. Prenez le projet Nord Stream 2. Le gazoduc sous-marin d'une longueur de 1 220 km, qui augmentera considérablement la capacité de livraison de gaz en Europe, devrait être achevé d'ici la fin de l'année. Cette nouvelle offre profitera à l'économie de l'Union européenne, en particulier à celle de l'Allemagne, en fournissant du gaz moins cher pour les entreprises et pour le chauffage des logements.

    Eh bien, la semaine dernière, le sénateur américain Ted Cruz a déclaré que son pays avait le pouvoir d'arrêter l'achèvement du projet . Cruz fait partie de la commission des affaires étrangères du Sénat US qui a adopté en juillet dernier un projet de loi imposant des sanctions aux entreprises impliquées dans la construction du pipeline. L'Allemagne, l'Autriche, la France et la Grande Bretagne font partie du consortium de construction, aux côtés de la société russe Gazprom.

    Ironiquement, le projet de loi du Sénat US s'appelle «Protéger la sécurité énergétique de l'Europe». C'est une bien curieuse forme de «protection» lorsque les sanctions appliquées par les USA pourraient priver les entreprises européennes et les consommateurs de gaz à un prix abordable. Cruz, comme le président Trump, a accusé la Russie d'essayer de resserrer son emprise économique sur l'Europe. Plus proche de la vérité et plus cynique, Washington souhaite que l'Europe achète son gaz naturel liquéfié, plus coûteux. Le Texas, la plus grande source de gaz américain, est l'état d'origine de Cruz. Son projet de loi devrait peut-être être renommé «Protection des exportations américaines d'énergie».

    À cela s'ajoute l'imposition plus large, par Washington et l'Europe, de sanctions à l'encontre de la Russie depuis 2014. Plusieurs raisons ont été invoquées pour justifier les mesures punitives prises contre Moscou, notamment une prétendue déstabilisation de l'Ukraine et une «annexion» de la Crimée, une ingérence présumée dans les élections et l'affaire Skripal. Cette politique de sanctions a été largement initiée et promue par Washington, suivie servilement par l'Europe.

    La semaine dernière, les représentants de l'UE ont voté en faveur d'une prolongation des sanctions de six mois, alors qu'elles sont beaucoup plus dommageables pour l'économie européenne que pour celles des États-Unis et que les entreprises allemandes, en particulier, s'opposent à l' hostilité économique contre-productive à l'égard de Moscou. L'absence de toute opposition européenne à une ingérence aussi flagrante de la part des États-Unis dans leur prétendue souveraineté et leur indépendance sur des questions d'intérêt vital est tout simplement stupéfiante.

    Un autre exemple frappant est la façon dont l'administration Trump insiste pour que les États européens abandonnent d'importants projets d'investissement avec la société de télécommunication chinoise Huawei pour moderniser les infrastructures de téléphonie mobile et d'Internet. Washington a menacé de sanctions de représailles si l'Europe s'associait à Huawei.

    Les États-Unis ont également averti qu'ils pourraient empêcher le "partage de renseignements" des "alliés" européens sur les risques liés à la sécurité et au terrorisme. Fait-on cela à un "ami" ? Là encore, les dirigeants européens font preuve de la même velléité d'acquiescement, au lieu de s'opposer aux États-Unis pour qu'ils s'occupent de leurs propres affaires.

    L'accord nucléaire conclu entre JCPOA et l'Iran est une autre preuve éclatante de la relation fondamentalement abusive que Washington entretient avec l'Europe. Cette semaine, l'administration Trump a rejeté la proposition française d'étendre une ligne de crédit de 15 milliards de dollars à Téhéran. La proposition française visait à atténuer la pression économique sur l'Iran et à le maintenir dans l'accord nucléaire défaillant. Washington a simplement déclaré qu '"il sanctionnera quiconque achètera du pétrole brut iranien". Il n'y aura pas de dérogations ni d'exceptions aux sanctions américaines. Cela impose à peu près à l'Union européenne d'oublier ses efforts hésitants pour sauver l'accord nucléaire avec l'Iran, dont elle est signataire, aux côtés de la Russie et de la Chine.

    Donc, comme Trump s'est écarté de l'accord, cela signifie, dans sa vision dominatrice, que les Européens doivent également le faire,. De toute évidence, l'UE n'a pas la liberté d'agir indépendamment du diktat américain. Détruire les relations entre l'Europe et l'Iran mettra en péril les intérêts économiques et les préoccupations de sécurité liées aux conflits et à la non-prolifération des armes dans la région. Les préoccupations européennes sont-elles si peu pertinentes pour Washington ?

    Maintenant, accrochez-vous à la formidable double pensée suivante. Le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, a incité la semaine dernière ses «amis» européens à faire preuve de plus de vigilance pour lutter contre les supposées malignités russes et chinoises. Tenu devant le groupe de réflexion du Royal United Services Institute à Londres, ce discours a été présenté comme le premier discours majeur d'Esper depuis qu'il est devenu chef du Pentagone en juillet. "Il est de plus en plus clair que la Russie et la Chine veulent perturber l'ordre international en obtenant un droit de veto sur les décisions économiques, diplomatiques et de sécurité d'autres nations", a-t-il déclaré. «En termes simples, la politique étrangère de la Russie continue de faire fi des normes internationales», a ajouté, sans aucune honte, l'ancien lobbyiste de Raytheon et d'autres fabricants d'armes américains.

    Quelle a été la réponse de l'Europe? Les dirigeants européens et les médias ont-ils éclaté de rire devant une telle absurdité, hypocrisie et inversion accusatoire? Existe-t-il des déclarations officielles ou des éditoriaux sévères invitant le représentant américain du complexe militaro industriel à ne pas insulter la simple intelligence ? La tolérance de l'Europe aux comportements abusifs de son «partenaire» américain est bien un problème de syndrome de Stockholm.

    Bien sûr, parfois les dirigeants européens tels que Merkel ou Macron s'interrogent sur la nécessité de renforcer leur indépendance par rapport à Washington, mais quand les cartes sont minces, ils témoignent tous d'une allégeance méprisable pour la politique américaine, même si cela nuit réellement à leurs intérêts nationaux. Lorsque Trump a recommandé que la Russie soit admise au récent sommet du G7 en France, le mois dernier, le reste du groupe a réagi avec horreur en demandant le maintien de l'exclusion de Moscou. Comment expliquer cette attitude ?

    Des chefs européens pathétiques veulent rester dans un club avec leur plus grand bourreau - Washington - tout en excluant un pays voisin et un partenaire stratégique potentiellement important. Comment peut-on faire plus irrationnel? Les psychologues expliquent le syndrome de Stockholm en tant que «mécanisme d'adaptation» pour traiter les traumatismes. Il est observé parmi les otages, les prisonniers de guerre, les survivants des camps de concentration, les esclaves et les prostituées. La sympathie irrationnelle envers un parti qui inflige des difficultés et des blessures est un moyen de minimiser les traumatismes en semblant adopter les mêmes valeurs. Apparemment, le syndrome peut être traité et guéri. Les victimes doivent être progressivement familiarisées avec la vérité objective de leur situation. L'Europe doit se réveiller de ses illusions sur son «allié américain».

    Finian Cunningham (Europe solidaire, 10 septembre 2019)

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  • Europe : l'influence américaine en question...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'émission L'échiquier mondial, sur RT France, consacrée aux tiraillements dans les relations entre les Etats-Unis et l'Europe, au cours de laquelle Caroline Galactéros répond aux questions d'Oleg Shommer. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle vient de créer, avec Hervé Juvin, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

                                      

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  • Téhéran, Pyongyang et Washington ou le cercle vicieux nucléaire...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alexis Feertchak cueilli sur Geopragma et consacré au cercle vicieux du jeu nucléaire entre les États-Unis, Corée et l'Iran. Membre de Geopragma, Alexis Feertchak est journaliste au Figaro.

     

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    Téhéran, Pyongyang et Washington ou le cercle vicieux nucléaire

    Quand Kim Jong-un regarde crânement Donald Trump dans la DMZ (zone démilitarisée), on ne peut que penser à la potion magique des irrésistibles Gaulois narguant les camps romains d’Aquarium, de Babaorum, de Laudanum et de Petibonum. Point de morale ici : il n’est pas question de comparer les grandes parades de la dernière société stalinienne avec les chaleureux banquets d’un petit village d’Armorique, mais bien de comprendre ce que le franchissement du seuil nucléaire représente pour un minuscule Etat qui ose défier la première des puissances. Quand le commander in chief des Etats-Unis d’Amérique, à la tête d’une armée dont le budget est plus de 16 fois supérieur au PIB nord-coréen, s’avance sur la ligne de front pour serrer la petite main de «Chairman Kim», il consacre par son geste la puissance égalisatrice de l’atome.

    Il y a là un dilemme tragique en matière nucléaire et l’on a tort d’expliquer l’actuelle impasse par le seul caractère volcanique voire outrancier du président américain. Quoi qu’il fasse, Donald Trump, en allant négocier une dénucléarisation avec Kim Jong-un, démontre à ce dernier qu’il avait raison de nucléariser puisque son statut diplomatique – avant et après – a changé, non pas du simple au double, mais au centuple. Cela n’a pas de prix. En toute logique, il ne dénucléarisera donc pas. Mais Donald Trump pouvait-il ne pas commencer par acter ce changement de statut diplomatique de Kim et lui refuser cet effet de levier nucléaire dans le cadre des négociations de dénucléarisation ? Faire l’inverse serait revenu tout simplement à nier le réel – la Corée du Nord est une puissance nucléaire – au risque que Pyongyang poursuive l’escalade dans l’espoir que Donald Trump finisse enfin par admettre l’effet de la potion magique. La seule alternative, au fond, aurait été de faire l’autruche et d’attendre, mais cela aurait-il été réellement une solution viable ?

    Personne ne croit à une dénucléarisation de Pyongyang. Pourquoi Kim abandonnerait-il cela même qui lui permet de discuter d’égal à égal avec le président américain ? Et puis, on ne désinvente pas l’atome. Même si un Etat nucléaire abandonnait ses arsenaux nucléaires voire ses capacités industrielles afférentes, il pourrait toujours, en quelques mois, les retrouver. Une puissance nucléaire qui aurait dénucléarisé resterait donc prise à l’intérieur de la logique de la dissuasion nucléaire dont on ne pourrait sortir, même si toutes les armes atomiques de la planète étaient détruites. C’est en quelque sorte un club que l’on ne peut pas quitter (à de rares exceptions près1). La marge de manœuvre de Donald Trump est donc des plus étroites : il peut difficilement obtenir autre chose qu’un report sine die des essais nucléaires et des tirs de missiles intercontinentaux, auquel viendrait s’ajouter le démantèlement d’installations nucléaires nord-coréennes particulièrement symboliques mais non vitales pour Pyongyang, histoire de sauver la face de la Maison-Blanche. Autrement dit, Donald Trump ne négocie pas une dénucléarisation de la Corée du Nord, mais les conditions de sa nucléarisation, qui devra être la plus limitée et surtout la plus discrète possible.

    Téhéran observe ce manège et sait bien que la Corée du Nord ne dénucléarisera pas. Les Mollah voit aussi la façon dont Donald Trump a accordé à Kim Jong-un, naguère premier paria de la planète, un statut international désormais ancré. C’est d’ailleurs le grand risque que font courir, par ricochet, les négociations entre Washington et Pyongyang au dossier iranien. Que face à l’implosion de l’accord international de 2015, la République islamique en arrive à une conclusion assez évidente : il est dans son intérêt de relancer son programme nucléaire avant d’envisager la moindre négociation avec Washington. Le souvenir de Saddam Hussein et de Mouammar Kadhafi (qui avaient accepté tous deux de démanteler leurs programmes d’armes chimiques avant de finir renversés) est également frais dans les mémoires (les Iraniens se souviennent par ailleurs très bien des attaques chimiques irakiennes…).

    L’Iran pourrait décider, avec prudence, d’attendre 2020 une éventuelle réélection de Donald Trump à la Maison-Blanche pour se lancer dans une nouvelle aventure nucléaire. Après tout, si le Républicain est battu, les démocrates chercheront peut-être à revenir à l’esprit du JCPOA. Mais pour combien de temps ? C’est toute la difficulté de penser le temps géopolitique. Beaucoup de dirigeants non-occidentaux de la planète peuvent se permettre de raisonner à dix, quinze, vingt voire trente ans. Leurs homologues des démocraties libérales restent quatre ou cinq ans aux affaires, dix ans grand maximum. Même si les démocrates l’emportaient l’année prochaine et que les Iraniens voyaient renaître l’accord honni par Trump, le précédent nord-coréen resterait à jamais dans les esprits : face aux Etats-Unis, on négocie mieux seul avec la bombe qu’en groupe sans la bombe (même avec les autres grandes puissances de la planète comme parrains).

    Depuis 1968 et la signature de TNP, quatre pays se sont dotés illégalement de la bombe : Israël, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord. Si l’Iran s’ajoutait à cette liste, l’Arabie Saoudite suivrait immédiatement (sans compter en Asie la possibilité d’une nucléarisation de la Corée du Sud et du Japon). Dans un tel scénario, il y aurait davantage d’Etat illégalement dotés (au moins 6) que légalement dotés (5). Le TNP trépasserait définitivement, ouvrant la voie à d’autres candidatures atomiques, ce qui déclencherait une dangereuse prolifération horizontale (fonction du nombre de sujets nucléaires et non de la quantité d’armes), qui avait été contenue – certes difficilement – depuis plus de cinquante ans.

    Il est impossible d’ôter à la bombe sa puissance politique égalisatrice (et ce même si on n’est pas certain de la réalité de cette puissance égalisatrice, de même que de la viabilité de la dissuasion, mais dans le doute…). La seule chose qui est possible, dès lors, est d’agir sur « la demande » en faisant en sorte que les Etats qui pourraient tenter le grand saut estiment d’eux-mêmes qu’ils n’ont finalement pas besoin de rejoindre le club des puissances nucléaires. A cet égard, l’unilatéralisme des Etats-Unis (en attendant celui de la Chine, mais l’heure n’est pas encore venue) est la première menace qui pèse sur le monde en matière de prolifération car c’est pour échapper à l’hégémonie américaine que des Etats non-occidentaux pourraient être tentés de suivre le chemin de Pyongyang. Pour la Corée du Nord, il est désormais trop tard. Pour qu’il n’en soit pas de même pour Téhéran, il est urgent que les Européens s’en prennent frontalement aux Etats-Unis, quitte à passer par Moscou et Pékin pour assurer leurs arrières sur le dossier iranien. Les Mollah vont certainement jouer la montre en attendant l’élection américaine de 2020 mais un accident est vite arrivé. Et, dans tous les cas, que feront les chancelleries du vieux continent si Donald Trump est réélu ? Le président américain a certaines vertus qu’on oublie trop souvent de lui attribuer (à commencer par celle de se méfier de l’interventionnisme néoconservateur), mais il y a dans son ADN politique un vice terrible qui est ancré dans l’inconscient collectif d’une partie de l’Amérique : pour les Etats-Unis, l’Iran serait depuis 1979 le Grand Satan à abattre. Plus que toutes les outrances verbales du président américain, ce problème iranien est le principal danger qui réside à la Maison-Blanche.

    Alexis Feertchak (Geopragma, 1er juillet 2019)

    Notes :

    1. L’Afrique du Sud a officiellement renoncé à l’arme nucléaire après des sanctions internationales qui ont été efficaces, preuve que celles-ci fonctionnement mieux lorsqu’elles visent des alliés que des adversaires ou des ennemis. Sinon, de facto, l’Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan, en tant qu’anciennes républiques soviétiques, sont d’anciennes puissances nucléaires.

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