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trump - Page 11

  • Le syndrome des « États défaillants », ou l’autodestruction de l’Occident...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Maxime Chaix, cueilli sur Deep News Media, dans lequel il évoque l'accélération du processus de déclin des Etats-Unis. Journaliste indépendant, Maxime Chaix a publié La guerre de l'ombre en Syrie (Erick Bonnier, 2019).

     

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    Le syndrome des « États défaillants », ou l’autodestruction de l’Occident

    Le 26 décembre 1991, « le Conseil des républiques du Soviet suprême de l’URSS déclare que (…) l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques en tant qu’État et sujet du Droit international cesse d’exister. » Ce jour-là, le Président George Bush déclara que, « dans ce monde interconnecté, nous ne réussirons qu’en continuant de mener le combat pour la liberté des peuples et pour un commerce libre et équitable. Une économie mondiale libre et fructueuse est essentielle à la prospérité de l’Amérique – ce qui signifie des emplois et la croissance économique ici-même, sur notre sol ». En ces termes, il affirmait que le peuple des États-Unis serait le premier bénéficiaire de la globalisation, tandis que leur nation s’imposait comme l’hyperpuissance mondiale incontestée.

    Or, ses successeurs ont dramatiquement accéléré le processus de paupérisation de leurs concitoyens à travers leurs politiques libre-échangistes, qui ont dépecé l’appareil industriel des États-Unis au profit de l’Empire du Milieu. Comme l’a récemment observé le journaliste Aris Roussinos, « il y a quelques mois seulement, le fait de s’alarmer sur notre dépendance envers la Chine et sur la fragilité de nos chaînes d’approvisionnement – donc d’en appeler au découplage vis-à-vis de cette nouvelle puissance hégémoniste –, était considéré (…) au mieux comme romantique, au pire comme xénophobe. Lorsque Trump [s’en est ému], l’autocrate chinois Xi Jinping fut ovationné à Davos, et salué comme le nouveau champion de l’ordre mondial libéral. Mais à présent, Larry Summers – le grand prêtre de la mondialisation et de la délocalisation vers la Chine –, nous met en garde contre la fragilité de nos chaînes d’approvisionnement et l’urgence du découplage, sans toutefois rappeler sa longue et brillante carrière d’architecte de cette catastrophe. »

    Soulignant le discrédit de cet ordre mondial imposé par Washington, Aris Roussinos décrit la globalisation imposée depuis l’ère Clinton comme « un processus à travers lequel les économies occidentales avancées ont unilatéralement cédé leur capacités productives à la Chine – une puissance rivale qui montait en puissance. Au lieu de faire de même, comme l’anticipaient les calculs panglossiens des théoriciens néolibéraux, Pékin s’est livrée à un mercantilisme (…) impitoyable dans la poursuite de ses propres intérêts. Comme l’a récemment écrit (…) Michael Lind dans Tablet, “les politiciens qui, à l’instar de Clinton, défendent et imposent la mondialisation ont affirmé à l’opinion que le but de l’ALENA et de l’admission de Pékin à l’OMC était d’ouvrir les marchés du Mexique et de la Chine à “tous les biens américains fabriqués aux États-Unis, du maïs aux produits chimiques en passant par les ordinateurs”. Or, deux décennies plus tôt, les multinationales américaines et leurs lobbyistes savaient que ce raisonnement était fallacieux. Depuis le début, leur objectif était de transférer la confection de nombreux produits du territoire américain vers le Mexique ou la Chine, afin de profiter de la main-d’œuvre étrangère à bas coût et, dans certains cas, des subventions des gouvernements locaux et d’autres faveurs. »

    Cette destruction organisée des capacités productives aux États-Unis, et plus largement dans de nombreux pays occidentaux, date en réalité de l’ère Reagan. En effet, la dérégulation néolibérale amorcée par ce Président fut aggravée par ses successeurs, ce qui a fini par déstabiliser l’ensemble du système financier global. Selon l’économiste colombien Daniel Munevar, « cette tendance (…) a ensuite été poursuivie par l’administration de George Bush senior, approfondie par le gouvernement du démocrate [Bill] Clinton et portée à ses extrêmes par George W. Bush. La dérégulation du système financier a créé les conditions d’une expansion sans précédent du crédit privé, semant par là-même les germes de la crise financière actuelle et, par conséquent, de la récente explosion de la dette publique. » Comme l’a souligné le commissaire et spécialiste de la criminalité financière Jean-François Gayraud, « les lois de dérégulation ont mis en place une nouvelle architecture du monde autour [du triptyque] (…) “privatisations, rigueur budgétaire, libre-échange” ». Et comme l’a observé l’économiste Jean-Michel Quatrepoint, ce processus a eu des conséquences particulièrement néfastes en Occident (chômage de masse, désindustrialisation, explosion des inégalités, etc.). Faisant campagne contre la globalisation économique, Donald Trump a fini par remporter les élections en promettant de « restaurer la grandeur de l’Amérique ».

    Manifestement, les effets catastrophiques du confinement sur l’économie réelle américaine ont balayé ce projet. Aujourd’hui, les États-Unis apparaissent donc comme un État défaillant, qui accumule les vulnérabilités et qui renonce explicitement à son leadership global. Parmi ces faiblesses structurelles, l’on peut identifier :

    1) l’explosion du chômage, soit près de quarante millions de nouveaux demandeurs d’emploi depuis la mi-mars. En parallèle, on observe la déconnexion totale de Wall Street vis-à-vis de l’économie réelle, sachant que « le marché boursier a bondi de plus de 32% depuis le 23 mars, [alors que] l’économie américaine s’est effondrée » ;

    2) la menace correspondante d’une nouvelle pénurie de crédits (« credit crunch »), dans une économie américaine qui est massivement alimentée par l’endettement des ménages ;

    3) l’effondrement de l’industrie locale du pétrole et du gaz de schiste, sachant qu’une vague de faillites est anticipée par les experts du Financial Times. Soulignons au passage que « les quatre plus grands établissements [bancaires] de l’Hexagone ont accordé 24 milliards de dollars de financement aux entreprises du secteur en Amérique du Nord » ;

    4) les risques liés à l’endettement massif des étudiants des universités américaines, qui est de l’ordre de 1 600 milliards de dollars. Bien que certains analystes tentent de nous rassurer sur cette épineuse question, il s’avère que « la crise du Covid-19 pourrait conduire des millions d’Américains à lutter désespérément pour rembourser leurs dettes universitaires » ;

    5) l’endettement gargantuesque des municipalités américaines, qui atteint les 3 900 milliards de dollars. Selon « les analystes d’UBS Global Wealth Management, le marché des obligations municipales de 3 900 milliards de dollars se dirige vers la plus grande tempête financière que l’on ait jamais observée. L’effondrement économique fulgurant des États-Unis frappe presque chaque secteur du marché, qui s’étend bien au-delà des États et des villes qui ont le pouvoir d’augmenter les impôts » ;

    6) la situation sécuritaire épouvantable, sur le plan intérieur, qui pousse Donald Trump a la surenchère face à des émeutes dont on peine à comprendre les ressorts, mais que l’on ne peut résumer à une insurrection dont les motifs se limiteraient à la dénonciation du racisme et des violences policières.

    En effet, comme l’a théorisé l’universitaire Peter Turchin, « les causes des rébellions et des révolutions sont à bien des égards similaires aux processus qui provoquent des tremblements de terre ou des incendies de forêt. Dans les révolutions et les tremblements de terre, il est utile de distinguer les “pressions” (conditions structurelles, qui s’accumulent lentement) des “déclencheurs” (événements spontanés de libération, qui précèdent immédiatement une éruption sociale ou géologique). Les déclencheurs spécifiques de bouleversements politiques sont difficiles, voire impossibles à prévoir avec précision. Chaque année, la police tue des centaines d’Américains : noirs et blancs, hommes et femmes, adultes et enfants, criminels et citoyens respectueux des lois. Les policiers américains ont déjà tué 400 personnes au cours des cinq premiers mois de l’année 2020. Pourquoi est-ce le meurtre de George Floyd qui a déclenché cette vague de protestations ? Contrairement aux déclencheurs, les pressions structurelles s’accumulent lentement, de manière plus prévisible, et se prêtent à l’analyse et à la prospective. En outre, de nombreux événements déclencheurs eux-mêmes sont finalement causés par des pressions sociales refoulées qui cherchent un débouché – en d’autres termes, par des facteurs structurels. Mes lecteurs connaissent les principales pressions structurelles qui sapent la résilience sociale : la paupérisation massive, les conflits intra-élites et la perte de confiance dans les institutions de l’État. »

    Ce chercheur ajoute qu’il est « certain que les ressorts structurels profonds de l’instabilité continuent de fonctionner sans relâche. Pire encore, la pandémie de Covid-19 a exacerbé plusieurs de ces facteurs d’instabilité. En d’autres termes, même après que l’actuelle vague d’indignation causée par le meurtre de George Floyd s’estompera, d’autres déclencheurs continueront d’engendrer de nouveaux incendies, du moins tant que les forces structurelles qui continuent de saper la stabilité des nos sociétés leur fourniront du carburant à outrance. » En 2010, Peter Turchin avait anticipé que « la paupérisation massive, les conflits intra-élites et la perte de confiance dans les institutions de l’État » engendreraient une décennie d’instabilité aux États-Unis, en France, au Royaume-Uni, en Espagne et en Italie. À son grand regret, il ne s’est pas trompé. Par conséquent, si l’on considère que les États-Unis sont un État défaillant, il est clair que nos démocraties européennes sont loin d’être à l’abri d’un tel déclin dans le contexte actuel.

    Maxime Chaix (Deep-News.media, 3 juin 2020)

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  • Feu sur la désinformation... (283)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Nicolas Faure.

    Au sommaire :

    • 1 : L’image de la semaine
      Donald Trump part en guerre contre les réseaux sociaux pour défendre la liberté d’expression.
    • 2 : Chloroquine : ce que cache l’hystérie médiatique
      Alors qu’une étude publiée dans une revue scientifique enflamme les débats autour de l’hydroxychloroquine, nous tenterons d’expliquer ce qui semble bien être une hystérie médiatique et politique.
    • 3 : Revue de presse
      Jean-Jacques Bourdin en excès de vitesse…
      France Culture qui s’attaque au Puy du Fou…
      La semaine médiatique aura une fois de plus été chargée !
    • 4 : Camelia Jordana : la haine anti-policier n’est pas couchée
      Sur le plateau d’ONPC, la chanteuse Camelia Jordana a évoqué des massacres policiers contre les extra-européens. Une polémique médiatique révélatrice du climat actuel en France...

     

                                                                        

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  • Tour d'horizon... (186)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur L'Inactuelle, un article de Jacques Amar et Arnaud Raynouard, professeurs de droit, consacré à la signification de la présence envahissante de la figure du zombie dans la sphère culturelle contemporaine...

    Un monde peuplé de zombies

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    - sur De Defensa, une analyse de Philippe Grasset sur les accusations portées par Trump contre la Chine à propos de l'émergence du Coronavirus...

    Notes sur un profil mussolinien

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  • Quand Rome inventait le populisme...

    Les éditions du Cerf viennent de publier un essai de Raphaël Doan intitulé Quand Rome inventait le populisme. Ancien élève de l’École Normale Supérieure et de l’ENA, âgé de 26 ans, Raphaël Doan est agrégé de lettres classiques.

     

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    " Il y a du Cicéron chez Emmanuel Macron, et du Clodius chez Donald Trump. C'est en historien de l'Antiquité que Raphaël Doan démontre que nous n'avons pas inventé le populisme. Les Romains, à la fin de la République, connaissent une lutte à mort entre ce qu'ils appellent les populares et les optimates. Appel au peuple, goût des solutions radicales, recours à la figure de l'homme fort : ces tribuns en toges et en sandales ressemblent trait pour trait à ceux du XXIe siècle.
    Dans cette époque, avec son sénat et sa plèbe, ses discours et ses émeutes, ses guerres et ses violences, tout est d'actualité. Y compris la question essentielle : le populisme est-il le bouclier des humbles contre une élite sourde à ses revendications, ou le futur glaive des tyrans contre la liberté ?
    Un premier essai époustouflant, écrit avec une plume exemplaire. "

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  • Quand le populisme recompose le monde...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Alexandre Devecchio à Atlantico et consacré au populisme, comme signe d'une recomposition politique en cours. Animateur des pages Figaro Vox du Figaro, Alexandre Devecchio vient de publier un essai aux éditions du Cerf intitulé Recomposition.

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    Alexandre Devecchio : "Avec le temps, il se pourrait que le populisme nourrisse un projet qui aille au-delà de la déconstruction de l'ancien ordre global"

    Atlantico.fr : Vous estimez dans votre livre Recomposition, le nouveau monde populiste, que le populisme est le signe d'une recomposition politique. Vers quel nouveau monde nous dirigent les leaders populistes ? 

    Alexandre Devecchio : En Occident, à l’utopie de la mondialisation heureuse succède le retour des nations et des peuples. Ces derniers, à travers leurs votes pour les partis dit « populistes », mais aussi à travers le « Brexit »  ou le mouvement des Gilets jaunes, expriment leur volonté de recouvrer leur souveraineté, de protéger leur modèle social et leur identité face aux migrations massives, de renouer avec un certain nombre de limites et de permanences face au rouleau compresseur de la globalisation. L’uniformisation planétaire n’a pas produit le village mondial pacifié espéré, mais au contraire engendrée de multiples fractures sociales, culturelles, démocratiques. Face à ce profond désordre, les populistes proposent de rétablir un certain nombre de repères. Le nouveau monde auquel ils aspirent n’est pas synonyme de fermeture, mais se veut avant tout plus stable.  

    Les partis européens qui réussissent aujourd'hui à obtenir la majorité aux élections semblent souvent réunir des électeurs aux opinions très diverses. C'est le cas par exemple de LREM, ou de coalitions comme celle qui a été conclue entre le M5S et le PD en Italie. Pourquoi les partis "attrape-tout" ont-ils tant de succès ? Est-ce le signe d'un vide idéologique ?

    En réalité depuis la fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin, les partis de centre-gauche et de centre-droit, qui se sont succédé, malgré une opposition de façade, menaient peu ou prou une politique identique avant tout fondée sur le primat de l’économie et du libre-échange. C’est ce que la théoricienne du  populisme, Chantal Mouffe, a appelé « l’hégémonie néo-libérale ». Mais depuis l’effondrement financier de 2008,  et plus encore depuis la crise migratoire de 2015, l’ère de la domination néo-libérale semble en passe de s’achever tandis qu’on observe la montée en puissance de mouvements antisystèmes dans la plupart des démocraties occidentales. Pour se maintenir au pouvoir, le centre gauche et le centre droit ont ainsi dû converger au sein de grandes coalitions : autour de Merkel en Allemagne, de Renzi en Italie ou de Macron en France. Mais même rassemblés, les centres ne pèsent qu’entre 25% et 30% des suffrages : une base électorale très faible essentiellement composée des gagnants de la mondialisation. Pour espérer élargir celle-ci et se maintenir durablement, il va leur falloir trouver un supplément d’âme idéologique. Cela pourrait bien passer par l’écologie.

    L’alliance entre le M5S et le PD en Italie est un cas à part et inédit. Pour la première fois, nous voyons un parti anti-système s’allier à un parti du système. Le M5S s’est pourtant entièrement construit sur le rejet des appareils politiques traditionnels et plus largement d’une démocratie représentative considérée comme dévoyée par beaucoup d’Italiens.  Dépassé par la montée en puissance d’un populisme rival, incarné par la Ligue de Salvini, le mouvement a su jouer habilement des combinaisons partisanes et des procédures parlementaires pour rester au pouvoir. Mais, ce faisant, il a aussi perdu sa raison d’exister et va devoir se refonder pour survivre.  Je ne serais pas surpris voir le parti de Di Maio muter en parti écologiste. 

    Si certains partis "attrape-tout" réunissent les gagnants de la mondialisation, les populistes semblent rassembler ceux qui s'estiment être les perdants. Dans quelle mesure ce qu'on appelle "populisme" n'est pas simplement le nom d'une forme de résistance désorientée au monde libéral, sans véritable projet ?

    On peut le dire comme cela ou comme le penseur de la nouvelle droite, Alain de Benoist, pour lequel le populisme exerce un rôle principalement destituant, c'est-à-dire qu'il contribue avant tout au «dégagisme». Il fait sortir du champ politique des partis et des mouvements faisant l’objet d’une défiance généralisé. Avec le temps, il se pourrait cependant que le populisme nourrisse un projet qui aille au-delà de la déconstruction de l’ancien ordre global. 

    Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui entame son quatrième mandat, a réussi à définir un véritable contre-modèle faisant désormais école dans toute l’Europe centrale. Il a notamment théorisé celui-ci, le 26  juillet 2014, dans son discours de Baile Tusnad où il emploie pour la première fois le concept de « démocratie illibérale ». En Europe occidentale, ce concept a été souvent mal compris. Pour Orbán, il ne s’agit nullement de rompre avec les principes de base du libéralisme : plutôt de retrouver un équilibre perdu entre démocratie et libéralisme, souveraineté des peuples et liberté des individus, volonté de la majorité et respect des droits des minorités. Tandis qu’en Europe occidentale, le politique est de plus en plus entravé par les technocrates et les juges comme par les lois du marché, en Europe centrale, le politique tend à limiter les contre-pouvoirs pour garder davantage de marges de manœuvre. Pour Viktor Orbán, le libéralisme seul ne suffit pas à maintenir la cohésion sociale et nationale. C’est pourquoi, il parle aussi de  « démocratie chrétienne », non par bigoterie ou pour brouiller la frontière entre l’État et l’Église, mais parce qu’il pense que les démocraties sont d’autant plus fortes et solides qu’elles s’inscrivent dans une histoire et une civilisation.

    A Washington s’est tenue mi-juillet une conférence inaugurant un  nouveau think-tank, la Edmund Burke Foundation, dont l’objectif est  de donner une véritable cohérence idéologique et doctrinale au Trumpisme. Autour du philosophe et théologien israélien Yoram Hazony, nombres d’intellectuels américains ambitionnent de forger un « conservatisme national », en rupture avec le néolibéralisme de l’ère Reagan.  Du mandat de Trump, on ne retiendra pas seulement ses foucades, mais aussi le point de départ d’une révolution idéologique bien plus profonde. Chacun à leur manière, Orbàn comme Trump, sont peut-être à l’avant-garde du nouveau monde. Paradoxalement, Macron apparaît au contraire comme le dernier samouraï d’un modèle à bout de souffle.  

    Vous évoquez dans votre livre la "chute du mur de Maastricht", écho à la chute du mur de Berlin. Il y a encore pourtant une véritable incertitude sur la capacité des populistes à réunir des majorités d'action (ce qui se passe au Royaume-Uni en est probablement le signe). Le succès du populisme n'est-il pas qu'une phase transitoire ? 

    Le mur de Maastricht est toujours debout, mais il est sérieusement fissuré. Nous sommes précisément dans une époque de recomposition. Pour paraphraser Gramsci, nous nous situons dans un « interrègne»: «un monde se meurt et un autre tarde à naître». La décomposition du « vieux monde » n’est pas achevée. Il résiste en jetant toutes ses forces dans la bataille comme on peut le voir, en effet, au Royaume-Uni. Mais dans la brume, apparaissent déjà les contours du monde à venir. Sera-t-il populiste ou le populisme ne sera-t-il qu’une étape transitoire ? Une chose paraît certaine l’ordre global, tel qu’on l’a connu, et dont l’Union européenne a été le laboratoire avancé, semble à terme condamné. 

    Alexandre Devecchio (Atlantico, 15 septembre 2019)

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  • Les dirigeants européens sont-ils atteints du syndrome de Stockholm ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du journaliste irlandais Finian Cunningham, cueilli sur Europe solidaire et consacré aux relations des dirigeants européens avec leur "maître" amaéricain...

     

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    Les dirigeants européens sont atteints du syndrome de Stockholm

    La situation psychologique connue sous le nom de syndrome de Stockholm, dans laquelle les otages sympathisent de manière irrationnelle avec leurs ravisseurs, pourrait très bien s'appliquer aux dirigeants européens face aux intimidations états-uniennes. Les États-Unis ont toujours été le parti dominant - et dominateur - de la relation transatlantique. Mais les administrations précédentes, à Washington, avaient pris soin de présenter les États européens comme des «partenaires» dans une alliance «apparemment» mutuelle.

    Sous le président Donald Trump, les pressions et les harcèlements dont sont l'objet les Européens mettent en lumière leur véritable statut de simples vassaux de Washington. Prenez le projet Nord Stream 2. Le gazoduc sous-marin d'une longueur de 1 220 km, qui augmentera considérablement la capacité de livraison de gaz en Europe, devrait être achevé d'ici la fin de l'année. Cette nouvelle offre profitera à l'économie de l'Union européenne, en particulier à celle de l'Allemagne, en fournissant du gaz moins cher pour les entreprises et pour le chauffage des logements.

    Eh bien, la semaine dernière, le sénateur américain Ted Cruz a déclaré que son pays avait le pouvoir d'arrêter l'achèvement du projet . Cruz fait partie de la commission des affaires étrangères du Sénat US qui a adopté en juillet dernier un projet de loi imposant des sanctions aux entreprises impliquées dans la construction du pipeline. L'Allemagne, l'Autriche, la France et la Grande Bretagne font partie du consortium de construction, aux côtés de la société russe Gazprom.

    Ironiquement, le projet de loi du Sénat US s'appelle «Protéger la sécurité énergétique de l'Europe». C'est une bien curieuse forme de «protection» lorsque les sanctions appliquées par les USA pourraient priver les entreprises européennes et les consommateurs de gaz à un prix abordable. Cruz, comme le président Trump, a accusé la Russie d'essayer de resserrer son emprise économique sur l'Europe. Plus proche de la vérité et plus cynique, Washington souhaite que l'Europe achète son gaz naturel liquéfié, plus coûteux. Le Texas, la plus grande source de gaz américain, est l'état d'origine de Cruz. Son projet de loi devrait peut-être être renommé «Protection des exportations américaines d'énergie».

    À cela s'ajoute l'imposition plus large, par Washington et l'Europe, de sanctions à l'encontre de la Russie depuis 2014. Plusieurs raisons ont été invoquées pour justifier les mesures punitives prises contre Moscou, notamment une prétendue déstabilisation de l'Ukraine et une «annexion» de la Crimée, une ingérence présumée dans les élections et l'affaire Skripal. Cette politique de sanctions a été largement initiée et promue par Washington, suivie servilement par l'Europe.

    La semaine dernière, les représentants de l'UE ont voté en faveur d'une prolongation des sanctions de six mois, alors qu'elles sont beaucoup plus dommageables pour l'économie européenne que pour celles des États-Unis et que les entreprises allemandes, en particulier, s'opposent à l' hostilité économique contre-productive à l'égard de Moscou. L'absence de toute opposition européenne à une ingérence aussi flagrante de la part des États-Unis dans leur prétendue souveraineté et leur indépendance sur des questions d'intérêt vital est tout simplement stupéfiante.

    Un autre exemple frappant est la façon dont l'administration Trump insiste pour que les États européens abandonnent d'importants projets d'investissement avec la société de télécommunication chinoise Huawei pour moderniser les infrastructures de téléphonie mobile et d'Internet. Washington a menacé de sanctions de représailles si l'Europe s'associait à Huawei.

    Les États-Unis ont également averti qu'ils pourraient empêcher le "partage de renseignements" des "alliés" européens sur les risques liés à la sécurité et au terrorisme. Fait-on cela à un "ami" ? Là encore, les dirigeants européens font preuve de la même velléité d'acquiescement, au lieu de s'opposer aux États-Unis pour qu'ils s'occupent de leurs propres affaires.

    L'accord nucléaire conclu entre JCPOA et l'Iran est une autre preuve éclatante de la relation fondamentalement abusive que Washington entretient avec l'Europe. Cette semaine, l'administration Trump a rejeté la proposition française d'étendre une ligne de crédit de 15 milliards de dollars à Téhéran. La proposition française visait à atténuer la pression économique sur l'Iran et à le maintenir dans l'accord nucléaire défaillant. Washington a simplement déclaré qu '"il sanctionnera quiconque achètera du pétrole brut iranien". Il n'y aura pas de dérogations ni d'exceptions aux sanctions américaines. Cela impose à peu près à l'Union européenne d'oublier ses efforts hésitants pour sauver l'accord nucléaire avec l'Iran, dont elle est signataire, aux côtés de la Russie et de la Chine.

    Donc, comme Trump s'est écarté de l'accord, cela signifie, dans sa vision dominatrice, que les Européens doivent également le faire,. De toute évidence, l'UE n'a pas la liberté d'agir indépendamment du diktat américain. Détruire les relations entre l'Europe et l'Iran mettra en péril les intérêts économiques et les préoccupations de sécurité liées aux conflits et à la non-prolifération des armes dans la région. Les préoccupations européennes sont-elles si peu pertinentes pour Washington ?

    Maintenant, accrochez-vous à la formidable double pensée suivante. Le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, a incité la semaine dernière ses «amis» européens à faire preuve de plus de vigilance pour lutter contre les supposées malignités russes et chinoises. Tenu devant le groupe de réflexion du Royal United Services Institute à Londres, ce discours a été présenté comme le premier discours majeur d'Esper depuis qu'il est devenu chef du Pentagone en juillet. "Il est de plus en plus clair que la Russie et la Chine veulent perturber l'ordre international en obtenant un droit de veto sur les décisions économiques, diplomatiques et de sécurité d'autres nations", a-t-il déclaré. «En termes simples, la politique étrangère de la Russie continue de faire fi des normes internationales», a ajouté, sans aucune honte, l'ancien lobbyiste de Raytheon et d'autres fabricants d'armes américains.

    Quelle a été la réponse de l'Europe? Les dirigeants européens et les médias ont-ils éclaté de rire devant une telle absurdité, hypocrisie et inversion accusatoire? Existe-t-il des déclarations officielles ou des éditoriaux sévères invitant le représentant américain du complexe militaro industriel à ne pas insulter la simple intelligence ? La tolérance de l'Europe aux comportements abusifs de son «partenaire» américain est bien un problème de syndrome de Stockholm.

    Bien sûr, parfois les dirigeants européens tels que Merkel ou Macron s'interrogent sur la nécessité de renforcer leur indépendance par rapport à Washington, mais quand les cartes sont minces, ils témoignent tous d'une allégeance méprisable pour la politique américaine, même si cela nuit réellement à leurs intérêts nationaux. Lorsque Trump a recommandé que la Russie soit admise au récent sommet du G7 en France, le mois dernier, le reste du groupe a réagi avec horreur en demandant le maintien de l'exclusion de Moscou. Comment expliquer cette attitude ?

    Des chefs européens pathétiques veulent rester dans un club avec leur plus grand bourreau - Washington - tout en excluant un pays voisin et un partenaire stratégique potentiellement important. Comment peut-on faire plus irrationnel? Les psychologues expliquent le syndrome de Stockholm en tant que «mécanisme d'adaptation» pour traiter les traumatismes. Il est observé parmi les otages, les prisonniers de guerre, les survivants des camps de concentration, les esclaves et les prostituées. La sympathie irrationnelle envers un parti qui inflige des difficultés et des blessures est un moyen de minimiser les traumatismes en semblant adopter les mêmes valeurs. Apparemment, le syndrome peut être traité et guéri. Les victimes doivent être progressivement familiarisées avec la vérité objective de leur situation. L'Europe doit se réveiller de ses illusions sur son «allié américain».

    Finian Cunningham (Europe solidaire, 10 septembre 2019)

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