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système - Page 20

  • La publicité, arme de l'idéologie dominante...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la publicité... 

     

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    Le message publicitaire ? Le bonheur réside dans la consommation…

    La réclame a toujours existé, puisqu’un fabricant a besoin de faire savoir que ses produits existent ; mais cela semble être devenu une industrie à part entière. Le faire savoir compterait-il plus désormais que le savoir-faire ?

    Le problème ne tient pas à l’existence de ce qu’on appelait autrefois la« réclame ». Il tient à ce que la publicité envahit tout et mobilise les esprits dans des proportions dont les gens ne sont même pas conscients. Un enfant connaît aujourd’hui beaucoup plus de marques publicitaires qu’il ne connaît d’auteurs classiques. Les paysages urbains sont défigurés par des panneaux publicitaires qui prolifèrent comme des métastases. Les campagnes n’y échappent pas non plus. La télévision ne propose plus des programmes financés par la publicité, mais des messages publicitaires entrelardés de programmes qui ne sont là que pour inciter à regarder les premiers. Rappelez-vous les déclarations de Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1, en juillet 2004 : « Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. »Même chose dans la presse, puisque les principaux titres ne peuvent plus survivre qu’en accumulant les pages de publicité. Dans tous les cas, la publicité se voit dotée d’un pouvoir qui va bien au-delà du « faire savoir » – d’autant qu’elle n’est pas la dernière à véhiculer des images, des slogans (de plus en plus fréquemment proposés en anglais, d’ailleurs), des situations, des rapports sociaux, voire des types humains, qui sont en stricte consonance avec l’idéologie dominante. Autrefois, on parlait de propagande. Aujourd’hui, on parle de communication. La publicité est devenue la forme dominante de la communication (y compris, bien sûr, de la communication politique) dans la mesure où elle tend à s’instaurer comme la forme paradigmatique de tous les langages sociaux.

    Dans un entretien précédent, vous disiez considérer la publicité à la télévision comme infiniment plus obscène que n’importe quel film pornographique. Etait-ce une allusion à l’habitude des publicitaires de dénuder des femmes pour vendre des yaourts ou des voitures ? Ou bien vouliez-vous dire que le point commun de la publicité et de la pornographie est qu’elles suscitent l’une et l’autre de la frustration ?

    Ce qui est obscène ne se rapporte pas seulement à la sexualité, mais aussi à la morale sociale, à tout ce qui choque la « décence commune » chère à George Orwell. Étymologiquement, l’« ob-scène » est ce qui n’appartient pas à la scène, ou ne devrait pas lui appartenir. La publicité est obscène, non seulement parce qu’elle est mensongère (toutes les publicités sont mensongères), mais parce qu’elle véhicule implicitement un seul et unique message : le bonheur réside dans la consommation. La raison d’être de notre présence au monde est réduite à la valeur d’échange et à l’acte d’achat, c’est-à-dire à un acte performatif qui voue nécessairement à la frustration (car toute possession dans l’ordre de la quantité appelle nécessairement le désir de posséder plus encore). Jean Baudrillard l’avait bien montré dans ses travaux pionniers sur le système des objets : la publicité est le principal vecteur d’une logique inhérente au système capitaliste qui consiste, d’un côté, à persuader les individus qu’ils éprouvent réellement tous les besoins qu’on veut leur inculquer, et de l’autre à susciter en eux des désirs que la consommation ne peut satisfaire.

    Le pouvoir de la publicité est de faire oublier qu’un produit est issu avant tout d’un travail, c’est-à-dire d’un certain type de rapport social, et de le faire percevoir comme un simple objet consommable, c’est-à-dire une commodité. L’expérience économique réelle est remplacée par des signaux visuels inhérents à un message conçu en termes de séduction. En dernière analyse, l’individu ne consomme pas tant le produit qu’on l’incite à acheter que la signification de ce produit telle qu’elle est construite et projetée dans le discours publicitaire, ce qui l’infantilise et occulte la capacité du produit acheté à revêtir une véritable valeur d’usage. La publicité, enfin, contribue au conformisme social – et à un ordre social obéissant aux modèles diffusés par la mode – dans la mesure où elle se fonde sur une forme de désir purement mimétique : en cherchant à nous convaincre de consommer un produit au motif qu’il est consommé par (beaucoup) d’autres, la publicité nous dresse à calquer notre désir sur le désir des autres, en sorte qu’en fin de compte la consommation est toujours consommation du désir d’autrui. Conscience sous influence !

    De plus en plus de cinéastes – Ridley Scott au premier chef – viennent de la publicité. Simple effet du hasard ?

    Même les réalisateurs qui ne viennent pas de la publicité sont touchés. La porosité de la frontière entre la publicité et le cinéma n’a rien pour surprendre, puisque l’une et l’autre relèvent du système du spectacle, mais le plus caractéristique est que la publicité influe de plus en plus sur l’écriture cinématographique. De plus en plus de films destinés au grand public – et non des moindres – ressemblent à une suite de clips publicitaires, ces derniers étant d’ailleurs de plus en plus conçus eux-mêmes comme de très brefs courts-métrages.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 19 mai 2014)

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  • L'idéal de puissance...

    Vus pouvez découvrir ci-dessous une analyse passionnante de Philippe Grasset, infatigable animateur du site De Defensa, consacré à l'idéal de puissance comme forme de l'hybris du système...

    Philippe Grasset est l'auteur des essais intitulés Le Monde malade de l'Amérique (Chronique sociale - EVO, 1999), Chroniques de l'ébranlement (Mols, 2003), et de La grâce de l'Histoire (Mols, 2014).

     

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  • Le plus beau but est une passe...

    Les éditions Flammarion viennent de publier dans leur collection Climats un essai de Jean-Claude Michéa intitulé Le plus beau but est une passe. Philosophe, Jean-Claude Michéa est un de ceux qui ont produit au cours des quinze dernières années une des critiques les plus brillantes et les plus radicales du système, au travers d'essais comme Impasse Adam Smith (Flammarion, 2006), Le complexe d'Orphée (Flammarion, 2011) ou Les mystères de la gauche (Flammarion, 2013). Passionné de football, il a également écrit un essai consacré à ce sport et intitulé Les intellectuels, le peuple et le ballon rond (Flammarion, 1998).

     

     

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    " Le souci du beau jeu a progressivement cédé la place à l'idée jugée plus « réaliste » selon laquelle une équipe doit d'abord être organisée pour ne prendre aucun but. La nécessité de marquer des buts, elle, ne repose plus sur une culture spécifique et sur des phases construites et apprises à l'entraînement, mais seulement sur les erreurs de l'adversaire, sur l'exploit individuel et sur les coups de pieds arrêtés. C'est ce refus a priori de privilégier la construction du jeu qui explique que tant de matchs soient, de nos jours, si ennuyeux à regarder. Et pourtant, les admirateurs du beau jeu ne manquent pas, comme en témoigne l'auteur de ce livre, lequel doit son titre à l'une des répliques cultes du film de Ken Loach, Looking for Eric. Comme Eric Bishop (le working class hero du film) lui demandait quel était le plus beau but de sa carrière, Éric Cantona avait répondu : « Mon plus beau but ? C'était une passe ! » Boutade de génie, qui constitue assurément le plus bel hommage à ce passing game qui définit, depuis la fin du xixe siècle, l'essence même du football ouvrier et populaire, autrement dit, construit et tourné vers l'offensive. "

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  • Phobies en tous genres...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la façon dont le système s'attache à discréditer ses opposants en les présentant comme des malades...

     

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    Phobies en tout genre et points Godwin : l’État se défend comme il peut…

    Islamophobie, lepénophobie, judéophobie, homophobie, cathophobie et maintenant familiophobie… Le débat politique serait-il en train de passer de la traditionnelle confrontation d’idées à un bidule se situant entre salles d’urgence et cérémonie vaudou ?

    Certains de ces termes ne veulent pas dire grand-chose. D’autres se justifient : Pierre-André Taguieff n’a pas tort de parler de « judéophobie » plutôt que d’antisémitisme, terme de toute évidence mal construit (les Arabes sont aussi des Sémites). Mais c’est un fait que, de phobie en phobie, on passe à côté de l’essentiel. Il est tout simplement faux qu’une critique dirigée vers une idéologie ou une croyance quelconque, et par extension vers ceux qui se reconnaissent en elle, soit nécessairement l’expression d’une phobie, c’est-à-dire d’une détestation systématique et irraisonnée de tout ce qui s’y apparente. On peut critiquer l’islam sans être islamophobe (ni même islamistophobe), le christianisme sans être christianophobe, les catholiques sans être cathophobe, etc. La vérité oblige cependant à dire que l’attitude phobique se rencontre aussi. On la reconnaît sans peine à l’incapacité d’admettre la complexité du réel, de tenir compte des nuances ou de faire les distinctions nécessaires. Les islamologues de comptoir, qui traitent de l’islam comme d’un tout homogène et unitaire, citent (de seconde main) les sourates du Coran comme d’autres « experts » citent les Protocoles des Sages de Sion, et dénoncent leurs contradicteurs comme des « islamo-fellateurs », « lécheurs de babouche » et « dhimmis » en puissance, rentrent dans cette catégorie, qui relève moins de la politique que du trouble obsessionnel compulsif.

    Une phobie, c’est une peur irraisonnée, telle celle du vide ou des araignées. En serions-nous revenus au temps de l’URSS, quand les opposants étaient placés soit en hôpital psychiatrique, soit au Goulag ?

    Nonobstant ce que je viens de dire, il est évident qu’accuser systématiquement n’importe quel contradicteur d’être phobique de quelque chose n’est qu’une manière de disqualifier son argumentation, et donc d’éviter le débat. Un certain nombre d’opinions étant par ailleurs désormais considérées comme des « délits », l’exclusion de principe des présumés cinglés et des criminels en puissance permet d’assurer à la pensée unique le monopole de la parole légitime. Mais il ne faut pas oublier non plus que la phobie est avant tout un terme médical, et que le langage médical est l’une des langues préférées de l’État thérapeutique et hygiéniste. Je mettrai cette façon de faire en rapport avec la tendance de l’idéologie dominante à « psychologiser » les problèmes auxquels les individus sont confrontés. Afin de masquer les causes politiques et sociales des diverses misères qui frappent les citoyens, on cherche à les convaincre que leurs « difficultés » renvoient à une mauvaise gestion de leurs affects, et qu’il faut avant tout traiter leur « ressenti ». Le chômage engendré par les licenciements boursiers renvoie ainsi, non au cynisme des patrons du CAC 40, mais à des « problèmes d’existence » qui trouvent leur source dans le fait de s’être mal orientés dans la vie. En d’autres termes, on reconvertit sous l’angle de la psychologie individuelle des réalités qui relèvent tout simplement de la politique, quand ce n’est pas de la lutte de classes.

    Cette intrusion sémantique médicale a été précédée par des incantations relevant de l’ordre moral. « Mieux vaut perdre les élections que de perdre son âme », assurait le repris de justice Michel Noir. Du coup, on se demande qui est fou et qui ne l’est pas. Et, pis que tout, qui est en train de le devenir…

    Au sens de la métaphore, la « folie » peut prendre bien des formes. Ce qui frappe dans les débats actuels, c’est la façon dont la moindre polémique entraîne maintenant une surenchère dans la montée aux extrêmes. La quenelle devient un « salut nazi inversé », le grand écrivain Richard Millet est décrété « pire que Hitler », les opposants au mariage gay sont réputés véhiculer des idées « nauséabondes » (comme si les idées avaient une odeur !), et Le Nouvel Observateur peut publier une photo d’Éric Zemmour pour illustrer une première page sobrement titrée « La haine ». L’excommunication mémorielle va de pair avec l’éternel retour des « années trente », et la distribution tous azimuts des points Godwin. On a l’impression qu’une grande partie de la nouvelle classe politico-médiatique est effectivement devenue folle au sens clinique du terme. Ces gens-là deviennent fous parce qu’ils ne sont plus en mesure d’analyser le moment historique où nous sommes, parce qu’ils n’ont plus que des références intellectuelles obsolètes, parce qu’ils ne sont plus producteurs ni de socialité ni de véritable culture. Et surtout parce qu’ils sont sur la défensive. Terrorisés à l’idée de perdre leurs positions, leurs jetons de présence et leurs privilèges, ils deviennent fous parce qu’ils savent qu’ils ont le dos au mur. C’est pour cela qu’ils traitent d’extrémistes, de fascistes et de nazis tout ceux qui les contredisent. N’ayant plus d’arguments, ils se raccrochent désespérément à ces termes qui s’usent chaque jour un peu plus – et d’autant plus vite qu’ils en font plus usage. Il y a quelque chose de tristement pathétique dans ce spectacle. Plus ils donnent dans l’hystérie, plus ils scient la branche sur laquelle ils campent. La fin d’un monde.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 3 mars 2014)

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  • Ne manquez pas les Bobards d'or !...

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    La cérémonie des Bobards d’or se tiendra le mardi 11 mars 2014 à 20h00 Salle Athènes-Services, 8 rue d’Athènes 75009 Paris

    Désormais bien établie dans le paysage de la réinformation, cette cérémonie satirique distingue les journalistes les plus habiles à désinformer pour servir le Système. Et cette année 2013 a été chargée ! De nouvelles catégories ont d’ailleurs été créées, l’imagination des médias pour donner une version partiale de la vérité étant sans limite.

    Le Bobard républicain (à venir) par exemple, fait quasiment l’unanimité chez les bobardeurs professionnels ! Il s’agit, dans un réflexe pavlovien de protection du Système, de s’alarmer d’un retour de la bête immonde, no-pasaran-ventre-encore-fécond-qui-rappelle-les-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire, et d’en profiter pour, ni vu ni connu, maquiller la réalité afin de lui donner une moue de circonstance : digne, concernée, grave, républicaine… légendaire… bidon !

    Découvrez également le Bobard complice (à venir), une coproduction de politiques et de journalistes. Les derniers filent un coup de main aux premiers pour diffuser leur propagande, quitte à tricher avec la vérité un peu… beaucoup… passionnément…

    Ou encore le Bobard Diafoirus, car dans le domaine médical nos journalistes mentent par conflit d’intérêts, par paresse, quand ce n’est pas par omission, oubliant alors leur devoir de donner tous les points de vue et non seulement ceux du Système.

    Découvrez toutes les autres catégories et les ficelles des candidats pour installer ce totalitarisme doux, dont les mensonges répétés finissent par s’imposer dans les esprits et dictent les politiques de droite, comme de gauche sur le site des Bobards d'or.

     

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  • Sous les pavés, Paris plages !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à cette gauche libérale libertaire confortablement installée au cœur du système...

     

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    Les gauchistes voulaient la plage sous les pavés : ils ont eu Paris Plages !

    Nouvelle antienne de la droite de la droite, que de dénoncer la gauche de la gauche. Mais aujourd’hui, que représente exactement le « gauchisme » ?

    Pas grand-chose. Ce qu’on appelle de façon sommaire les organisations « gauchistes » (situées à la gauche du PC) ont connu leur heure de gloire à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Dès 1974, les obsèques de Pierre Overney, militant maoïste tué aux portes des usines Renault de Boulogne-Billancourt, avaient marqué la fin d’une époque. Certaines de ces organisations étaient bien structurées, beaucoup s’inscrivaient dans une filiation remontant à l’entre-deux-guerres. Il n’en reste presque plus rien. Le maoïsme a disparu, à la possible exception d’Alain Badiou. Les sectes trotskistes parlent de moins en moins de Trotski, et bien des anarchistes se sont coupés de ce qu’il y avait de meilleur dans la tradition libertaire. En marge de ces marges, il y a aujourd’hui des petits groupes d’« antifas », des jeunes gens qui se trompent d’époque (ils n’ont toujours pas compris que nous sommes sortis des années 30) et qui ont recours à la violence pour dissimuler leur absence d’audience dans l’opinion. Ils se font objectivement les chiens de garde de l’ordre en place, c’est-à-dire du désordre établi, voire la police supplétive du ministère de l’Intérieur. Dimension historique de leurs psychodrames : néant.

    Ce qui existe toujours, ce sont des « anciens » de ceci ou de cela : anciens trotskistes, anciens maos, etc. Mais, comme tous les anciens, ils ont pour la plupart fait la part des choses. Il y a aussi des réseaux confortés par le parisianisme ou entretenus par des souvenirs de passé commun, ce qui explique certains parcours individuels. Quelques-uns de ces « anciens » se retrouvent aujourd’hui chez les Verts, mais la grande majorité s’est ralliée au système, comme l’avait bien vu le regretté Guy Hocquenghem (Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary). Le grand symbole est Libération, qui commença sous les auspices de la Gauche prolétarienne à l’époque de Jean-Paul Sartre pour finir aux mains des banques sous François Hollande.

    Qu’il s’agisse de dénoncer la conception permissive de la justice de Christiane Taubira ou de déplorer l’effondrement de l’école, c’est également devenu une habitude, de s’en prendre aux « soixante-huitards attardés ». Une explication convaincante ?

    Les « soixante-huitards » (« attardés », bien sûr) représentent à droite une sorte de mythe répulsif. Une formule toute faite qui ne veut pas dire grand-chose. Ceux qui l’emploient ont rarement vécu Mai 68, dont ils n’ont qu’une image très superficielle. Ils ont en général oublié que Mai 68, ce fut aussi la dernière grande grève générale de l’histoire de France, un spectacle qui aurait ravi Georges Sorel. Ils ne voient pas, surtout, qu’au-delà des étiquettes du moment et des proclamations inspirées par une rhétorique « révolutionnaire », deux tendances totalement opposées se sont exprimées durant ce mois de mai. Il y avait d’un côté une critique argumentée, parfois inspirée du situationnisme, de la société de consommation et du spectacle, du primat des valeurs marchandes, critique avec laquelle je n’ai pour ma part aucun mal à sympathiser. Et de l’autre, une tendance hédoniste, permissive, qui s’illustrait par des slogans tels que « Jouir sans entraves », « Sous les pavés, la plage ! », etc. C’est cette seconde tendance qui a fourni les plus gros bataillons de « repentis », car ses représentants ont vite réalisé que ce n’était pas la « révolution », mais au contraire le capitalisme libéral qui allait le mieux leur permettre de réaliser leurs aspirations. Ils voulaient découvrir la plage sous les pavés. Ils ont eu « Paris Plages » !

    Si l’idéologie dominante n’est pas fondamentalement « gauchiste » ou « soixante-huitarde », elle est quoi ?

    Depuis l’effondrement des « grands récits » dont parlait Jean-François Lyotard, l’idéologie dominante est un mélange de libéralisme économique et de libéralisme sociétal, légitimé par la thématique des droits subjectifs. Autrement dit, la société de marché et les droits de l’homme comme nouvelle religion civile de notre temps. Adossé à l’utilitarisme et à l’axiomatique de l’intérêt, le type anthropologique que promeut cette idéologie est celui de l’individu narcissique, qui cherche en permanence à maximiser son meilleur intérêt et à obtenir une traduction institutionnelle de ses désirs.

    Cette idéologie recouvre la quasi-totalité du champ politique. Au cours des trente dernières années, la droite a abandonné la nation et la gauche a fait de même du peuple, l’une et l’autre se retrouvant pour diaboliser tout grand projet collectif susceptible de s’opposer au libéralisme mondialisé. La conséquence en est la quasi-disparition de la pensée critique. Le message que distillent implicitement tous les médias est que les régimes sociaux actuels constituent la forme définitive de l’évolution politique de l’humanité, que « l’État de droit » représente « l’horizon indépassable » de la démocratie, que les « inégalités ontologiques » (le « sexisme », le « racisme ») sont beaucoup plus importantes que les inégalités sociales, qu’il faut avant tout lutter contre les « archaïsmes » et les « discriminations », et que le modèle du marché est le paradigme de tous les faits sociaux. L’intériorisation de cette idée par des citoyens ainsi conviés à n’envisager l’avenir que sous l’horizon de la fatalité aggrave évidemment leur désespérance. Si toute tentative de sortir du système en place est condamnée par avance (comme utopique, antidémocratique, voire totalitaire), quel autre choix peut-on avoir que de subir et de se résigner ? Faute d’alternative, on ne voit donc se succéder que des alternances. Or, une alternance est tout autre chose qu’une alternative. Mais l’histoire reste ouverte !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 22 février 2014)

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