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poutine - Page 9

  • Une nouvelle lutte des classes en Occident ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Ivan Blot, cueilli sur le site Katehon et consacré à lutte qui sévit en Occident entre les "élites" dominantes et le petit peuple... Ancien député européen, président de l'association "Démocratie directe", Ivan Blot a notamment publié L'oligarchie au pouvoir (Economica, 2011), La démocratie directe (Economica, 2012),  Les faux prophètes (Apopsix, 2013), Nous les descendant d'Athéna (Apopsix, 2014) ou encore L'Homme défiguré (Apopsix, 2014).

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    Une nouvelle lutte des classes en Occident

    Pendant des années, la vie politique en Occident fut assez simple et se résumait principalement à un affrontement entre la droite et la gauche. Sociologiquement, la bourgeoisie et les personnes pourvues de fortune ou de revenus élevés étaient majoritairement de droite. Les personnes moins riches et notamment les ouvriers votaient à gauche.

    Certes, la droite et la gauche n’étaient pas homogènes. En France, on avait essentiellement deux droites et deux gauches. A droite, il y avait la bourgeoisie libérale et atlantiste, d’une part, et les classes moyennes patriotes mais aussi attachées aux libertés, les gaullistes. A gauche, il y avait les socialistes et les radicaux, mélangeant des éléments de libéralisme et de socialisme étatique. Il y avait aussi l’extrême gauche dont la force majeure était le parti communiste français.

    Ce paysage a été complètement bouleversé par trois phénomènes sociologiques majeurs, la globalisation de l’économie avec ses bénéficiaires et ses perdants, l’arrivée d’une immigration de masse de culture extra européenne, le développement d’une importante criminalité diversifiée lié à un déclin des valeurs et des institutions traditionnelles : la famille, l’église, les syndicats et partis politiques, le village du monde rural. Les institutions n’ont guère su s’adapter à la nouvelle situation et n’ont pas montré de force de résistance. Le tissu social s’est donc défait et déchiré. Il s’est défait parce que l’individualisme matérialiste et hédoniste est devenu une philosophie dominante. Il s’est déchiré car peu à peu les élites se sont coupées totalement du peuple, le dialogue devenant extrêmement difficile entre les deux nouvelles catégories montantes.

    Cette opposition a conduit à l’affrontement entre deux conceptions du monde, celle des jouisseurs privilégiés ( les élites dominantes) et celle des souffrants déracinés. (le petit peuple). L’axe gauche droite s’est inversé et les élites défendent désormais des idées « de gauche » issues de mai 68.

    1/ l’idéologie des jouisseurs privilégiés (les élites dominantes).

    Reprenant le schéma des quatre causes aristotéliciennes amendé par Heidegger, nous allons tenter de définir l’essence de l’idéologie des jouisseurs privilégiés par quatre pôles complémentaires : la cause matérielle de cette nouvelle classe sociale est indiscutablement le nomadisme. On est dans le cadre d’une idéologie cosmopolite : les hommes doivent être interchangeables pour le profit du système économique et l’attachement à un territoire est considéré comme un obstacle du passé à éradiquer. Les nouvelles élites vont donc diffamer toute attitude patriotique au nom de l’égalitarisme, de la non-discrimination (sauf par l’argent), de l’antiracisme, de la liberté illimitée d’aller et de venir par-delà les frontières.

    La cause formelle qui va déterminer l’orientation morale de la société est l’argent. L’argent est nomade, c’est le seul critère légitime de discrimination entre les hommes. L’argent va se retourner contre la famille. On est « childfree » (libre par rapport à la fonction parentale) car les enfants ne rapportent pas d’argent mais en coûtent. Le goût de l’argent va inciter à une criminalité croissante. Le sens de l’honneur et du sacrifice personnel est dévalorisé. Les vocations sacrificielles sont méprisées : le clergé et l’armée sont marginalisés car l’acquisition d’argent n’est pas au centre de leurs préoccupations. Le droit prend de l’importance car il convient de l’utiliser à des fins profitables. Le grand romancier russe Boulgakov choisit comme premier assistant du diable le juriste pervers qui transforme le mal en bien et vice versa. Le relativisme devient roi. Ce qui était autrefois considéré comme mal, la débauche illimitée, la désertion face à l’étranger, le mensonge utilisé par les commerçants comme par les politiques, deviennent des qualités : il faut « libérer » ses instincts de base gouvernés par le cerveau reptilien, il faut ne pas défendre sa patrie au nom du pacifisme et de l’amour de l’étranger, il faut masquer la vérité car elle n’est pas « politiquement correcte » et se méfier du peuple insuffisamment éclairé.

    Du côté de la cause finale, qui donne du sens à l’existence, on va se contenter de l’utilitarisme, faisant de l’autre un objet à exploiter, on va promouvoir la consommation de masse. Comme l’homme vulgaire du marchand de Venise de Shakespeare, on veut « ce que beaucoup d’hommes désirent » et l’or passe avant tout. On va combattre toute forme de spiritualité organisée socialement, qui risquerait de dériver en institutions contraignantes. On fait cela au nom de belles idées comme « la laïcité » : Lénine avait vu là une idée géniale pour dissoudre la société « bourgeoise ». Mais c’est la bourgeoisie qui la première s’est écartée des valeurs de la religion au profit du nouveau Dieu : Mammon, l’argent !

    Du côté de la cause efficiente, c’est-à-dire des hommes, l’idéologie des élites dominantes fait l’éloge de l’oligarchie, masquée sous le nom de la démocratie. Les oligarques considèrent que leurs privilèges de fortune ou de pouvoir sont justifiés par leurs mérites, comme le niais de Shakespeare dans le marchand de Venise. Le niais est suffisant et prétend à la fille du riche vénitien à cause de ses mérites. Il n’est pas question d’amour. Il n’est pas non plus question de se sacrifier à son pays. La première promotion de l’Ecole Nationale d’Administration s’appelait « France combattante ». Cela faisait allusion a combat de la libération face à l’Allemagne nazie. Aujourd’hui, cet idéal n’est plus à la mode. Il faudrait plutôt parler de « carrière méritante ». Le mérite est révéré ce qui est l’aspect positif mais ce mérite a pour seul objectif la satisfaction de l’égo. Dostoïevski dans les frères Karamazov met en scène un personnage à la fois niais, intelligent et suffisant qui déclare :

    "Les crétins ont été mis sur terre pour être pillés et utilisés par les gens intelligents."

    C’est Rakitine, qui aujourd’hui aurait sans doute fait carrière de politicien dans les partis oligarchiques de droite ou de gauche.

    On obtient ainsi un « monde » de significations qui a sa cohérence propre et est fermé à toute autre vision.

    Le monde de l’idéologie des jouisseurs dominants :

    L’argent

    Utilitarisme de l’égo ← Idéologie des élites → oligarques

    Nomadisme

    Cette idéologie que l’on appelle souvent « le politiquement correct » permet aux dominants du moment de justifier leur domination et de dévaloriser les visions concurrentes. C’est la forme moderne du pharisaïsme auquel en son temps s’est heurté Jésus Christ.

    2/ L’idéologie des souffrants déracinés

    Les souffrants deviennent des dissidents face à l’idéologie des élites dominantes car leur souffrance leur fait voir l’évolution sociale d’une façon différente. Ils souffrent du déracinement provoqué par l’immigration, de l’insécurité face au crime mais aussi face au chômage. Ils souffrent de l’effondrement des valeurs traditionnelles qui donnaient du sens à leur existence. Dans le pire des cas, certains vont essayer de retrouver ce sens, dans une autre forme de crime : le terrorisme à prétexte religieux. Certains, de plus en plus nombreux, veulent résister au cancer social qui menace de submerger leur pays et leur civilisation : ce sont les résistants, qui souvent se regroupent dans les partis dit populistes et les associations identitaires.

    La cause matérielle qui fait apparaitre l’idéologie des souffrants est le déracinement. Les gens ont quitté leurs villages pour beaucoup pour des raisons économiques et s’entassent dans des banlieues sans âme. Le village avait sa cohérence civilisatrice avec son église, son école, sa mairie, son château, ses petits commerces et exploitations agricoles, son monument aux morts et son cimetière. Ce monde humain a peu à peu disparu. Dans les banlieues sans âme ni religion se sont entassés des millions d’étrangers, à la culture étrangère aux traditions européennes. Ces populations déracinées sont tombées pour une part dans la délinquance ou la criminalité. Les Français d’origine ont entretemps perdu une partie de leur identité : on ne leur a pas enseigné l’histoire du pays ni appris à l’aimer.

    La cause efficiente, les hommes est donc composée de victimes : victimes de la mondialisation et du chômage, victimes de l’insécurité, de la perte de l’environnement français habituel, victimes de l’immigration sur laquelle ils n’ont jamais été consultés. Ils s’aperçoivent que la démocratie a été confisquée : ils ne maitrisent plus rien et les puissants ne cessent de vouloir les culpabiliser. La culpabilisation est sociale (des pauvres types), morales (des racistes sans repentances), politiques (leurs choix sont diabolisés) culturelle (ils adhèrent à des valeurs du passé : la famille, leur condition d’homme ou de femme, leur nationalité, leur attachement à la morale des parents), économiques (ils ne sont pas « rentables » ou pas assez).

    La cause finale est sentie confusément : les souffrants voudraient conserver leur être, leur identité et le monde nouveau leur oppose les seules valeurs de l’avoir, et veut leur imposer des principes dictatoriaux soit disant au nom des droits de l‘homme. Comme l’a bien vu le philosophe Schiller a propos de la révolution française, les principes servent à détruire les sentiments humains. Le marxisme est mort mais son moule d’origine, le jacobinisme révolutionnaire est toujours vivant avec tout son sectarisme. C’est au nom des principes de la révolution française que l’on impose au peuple le carcan du politiquement correct. La liberté a été dévoyée par la vanité. L’égalité par la férocité (la guillotine physique ou morale) et la fraternité par la vénalité (fraternité entre « frères » de partis sur le dos du peuple).

    La cause formelle est alors l’esprit de résistance. Des clubs identitaires se forment, des partis populistes progressent de plus en plus. Certes, ils sont diabolisés, critiqués, calomniés. Ils ont aussi leurs défauts. Mais ils incarnent l’espoir d’un monde nouveau que les élites sont incapables de voir et de comprendre. Elles font appel à des experts pour tenter d’exorciser le mal. Mais ces experts, inconscients de leur rôle social de défense des jouisseurs privilégiés, ne sont que des charlatans.

    On a alors le schéma suivant :

    Esprit de résistance

    Conservation de l’être ← Idéologie des souffrants → victimes du système

    déracinement

     

    3/ Un fossé se construit et le dialogue semble impossible

    L’Occident est malade politiquement car ses bases sociologiques d’autrefois se sont effondrées. Il a produit lui-même cet effondrement, par sa pensée réductionniste ne voyant que le calcul économique et le droit, les deux alliés pour subordonner les souffrants et empêcher leur révolte. Mais les hommes ne sont pas que des « ressources humaines » (mot ignoble devenu courant dans les entreprises, évacuant le mot de « personnel » dans lequel il y avait encore des « personnes »). Les hommes ont une vie biologique, importante bien sûr, mais ils ont à la différence de l’animal une « existence » porteuse de sens. Or, l’existence de l’homme est tragique car il ne peut échapper à la mort. Mais il peut donner  à sa vie le sens d’une mission pour sa famille, sa patrie et son Dieu. Cela, l’idéologie des jouisseurs dominants ne permet pas de le comprendre. Les dirigeants sont desséchés et regardent les souffrants de haut. Leur intelligence se consacre à la technique, au calcul et au droit, non sans succès d’ailleurs. Mais le cœur leur manque. Marx l’avait prédit : la religion est le cœur d’un monde sans cœur. Le monde sans cœur est toujours là mais on lui a retiré son remède spirituel. Pas de cœur donc peu de courage, ce qui est dramatique dans un monde qui reste celui de la lutte, comme le nouveau terrorisme le montre.

    La société est divisée et le dialogue semble impossible. Dans les milieux bourgeois, on ne doit même pas parler de Trump ou du Front National. La haine sociale l’interdit : on est bien en présence d’une nouvelle lutte des classes. Pour sortir de cette situation, il faudrait une politique et des idées qui rassemblent : historiquement, cela a existé, cela s’appelle le patriotisme. La Russie de Poutine s’est engagée sur ce chemin, après de cruelles épreuves. Hâtons-nous de faire de même car le temps presse !

    Ivan Blot (Katehon, 26 novembre 2016)

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  • Ce sont les Blancs des classes populaires et des classes moyennes qui ont choisi Donald Trump...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines et à ses conséquences potentielles pour l'Europe...

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    Alain de Benoist : Évitons de « racialiser » la victoire de Donald Trump…

    Certains commentateurs jugent que l’élection de Donald Trump est une réaction de « l’Amérique blanche ». Certains s’en félicitent, d’autres la dénoncent, tandis que Marine Le Pen assure qu’« il ne faut pas “racialiser” ce scrutin ». Votre position ?

    Les États-Unis sont, de longue date, une nation multiraciale et, contrairement à ce qui se passe chez nous, les statistiques ethniques y sont d’usage courant. Concernant la dernière élection présidentielle, les choses sont claires : Hillary Clinton a obtenu 88 % du vote des Noirs et 65 % du vote des Latinos et des Asiatiques. Trump n’en a obtenu, respectivement, que 8 % et 29 % – ce qui n’est déjà pas si mal (c’est plus que n’en avait capté Romney en 2012). Ce clivage n’a rien de surprenant, les minorités ayant depuis longtemps l’habitude de voter massivement en faveur des démocrates : depuis 1952, seul Lyndon B. Johnson, en 1964, avait recueilli une majorité de votes chez les Blancs. On notera néanmoins qu’à cet égard, Obama avait fait mieux que Hillary, ayant remporté 93 % du suffrage noir en 2012 et 95 % en 2008.

    L’électorat blanc a été plus divisé. Trump a recueilli 58 % du vote des Blancs (64 % en Floride, 69 % au Texas), contre 37 % pour Clinton (50 % en Californie), qui fait mieux que Carter en 1980 (33 %) mais moins bien qu’Obama en 2012 (39 %). La majorité des Blancs a donc voté pour Trump, mais cela ne signifie nullement que sa victoire est uniquement due au facteur ethnique. La vérité est que ce sont les Blancs de la classe ouvrière, des classes populaires et des classes moyennes qui ont choisi Donald Trump (chez les Blancs non diplômés, il recueille 67 % des suffrages), tandis que les élites blanches, celles qui profitent de la mondialisation néolibérale, se sont en majorité reportées sur Hillary Clinton. De ce point de vue, le vote en faveur de Trump est aussi un vote de classe. S’en tenir à une analyse « raciale » du scrutin est donc une erreur (le « racialisme » est une forme classique d’impolitique). Hillary Clinton a joué, en fait, le rôle d’un véritable repoussoir pour la classe ouvrière. Il n’en aurait pas été de même si c’était Bernie Sanders qui avait représenté le Parti démocrate. À mon avis, en pareil cas, c’est Sanders qui l’aurait emporté.

    Dès le jour de sa victoire, le nouveau président paraît avoir « adouci » son discours. Le contraire aurait été étonnant, non ?

    Vous ne vous attendiez quand même pas à ce qu’il jette des pierres à Obama lorsque celui-ci l’a reçu à la Maison-Blanche ! Mais encore une fois, ne confondons pas le personnage Trump et le phénomène Trump, qui sont des choses bien différentes.

    Les commentateurs qui s’époumonent en ce moment à crier « Vive Trump ! » sont plutôt naïfs. À l’annonce du scrutin, l’ambassadeur de France à Washington, Gérard Araud, a déclaré qu’« un monde s’effondre sous nos yeux ». C’est aussi ce qu’a dit Marine Le Pen (mais elle, ce n’était pas pour s’en désoler !). Le problème est que l’on ignore tout du « nouveau monde » que laisse entrevoir la victoire du candidat populiste américain. Comme il n’a aucune expérience du pouvoir (il ne s’y connaît qu’en bâtiment et en télé-réalité), on ne peut se référer à son passé. On sait, aussi, que ce n’est pas un idéologue, mais un pragmatique. Déduire de ses tonitruantes déclarations de campagne l’annonce de ce qu’il fera effectivement à la Maison-Blanche serait pour le moins audacieux. Enfin, on ignore encore complètement qui seront ses conseillers et les principaux membres de son administration.

    C’est la raison pour laquelle la plupart des chefs d’État et de gouvernement, sortis de la cellule de dégrisement où le choc les avait conduits, se tiennent pour l’instant sur la réserve. Avant de se prononcer, chacun veut en savoir plus long sur les options en faveur desquelles Trump se prononcera. Dans l’immédiat, on en est réduit à de simples spéculations sur les nouvelles lignes de force qui vont émerger. On peut avoir d’excellentes surprises, mais on peut aussi en avoir de mauvaises. Comme l’a rappelé Jérôme Sainte-Marie, « les États-Unis n’ont ni la même culture ni les mêmes intérêts que la France ». Ce qui revient à dire que ce qui est bon pour l’Amérique ne l’est pas nécessairement pour nous.

    Sous les deux mandats de Barack Obama, les États-Unis ont commencé à se désintéresser de l’Europe. Donald Trump, lui, la menace de quitter l’OTAN si les Européens n’augmentent pas leur participation financière. En un sens, n’est-ce pas une bonne nouvelle pour l’Europe ?

    En théorie, c’est en effet une bonne nouvelle qui pourrait favoriser la mise au œuvre, jusqu’ici constamment reportée aux calendes grecques, d’une défense européenne autonome. Mais dans la pratique, qui veut aujourd’hui d’une Europe indépendante ? Regardez la brochette des sept candidats à la « primaire-de-la-droite-et-du-centre ». Tous bons élèves de Bruxelles derrière leur pupitre de chef d’orchestre sans orchestre. Tous libéraux (sauf un), tous experts en épicerie, tous incollables sur les chiffres, tous silencieux sur les vrais enjeux : la survie de la France et de l’Europe. Tous prêts à sauter dans les cerceaux que leur tendent des médias plus soucieux, comme l’a dit Slobodan Despot, de conjurer la réalité que de chercher à la comprendre. Sept nains, avec Ruth Elkrief dans le rôle de Blanche-Neige ! Qui peut les imaginer converser d’égal à égal avec Poutine ou Donald Trump ?

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 14 novembre 2016)

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  • L'Empire contre-attaque ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de Caroline Galactéros, cueillie sur son site Bouger les lignes et consacrée aux conséquences pour l'Europe de la future politique étrangère américaine. Docteur en science politique et dirigeante d'une société de conseil, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et publie régulièrement ses analyses sur le site du Point et sur celui du Figaro Vox.

     

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    L'Empire contre-attaque !

    Donald Trump sera donc le 45ème président des États-Unis. Un revers cinglant pour l'Establishment mondial, les médias et les instituts de sondages occidentaux, qui ont, une fois encore, pratiqué la méthode Coué et refusé de prendre la mesure de la colère d'un peuple qui rejette sa marginalisation politique, culturelle et économique. Une auto-intoxication médiatique qui en France, menace d'atteindre aussi la primaire de la droite et du centre, celle de gauche et l'ensemble de la compréhension des enjeux du scrutin présidentiel…

    Ce qui est surprenant, c'est en fait que les grands «leaders» et analystes soient si surpris de cette victoire. Surprenant et inquiétant, pour ce que cela révèle du divorce des perceptions et des attentes entre cette superstructure composée des élites mondialisées occidentales et les «populations» qu'elles prétendent diriger ou informer, leur déniant le statut de peuples comme leur profond besoin de cohérence et de protection identitaire. Un besoin en somme, d'être des «Nations» plutôt que des agrégats d'atomes projetés nus dans la violence économique et sociale du monde.

    Le divorce est donc consommé. L'expression se libère. Les peuples se rebiffent. On objectera que c'est la victoire d'un populisme nauséabond, rétrograde et vulgaire. Celle d'une population blanche sous-diplômée, raciste, xénophobe, homophobe. Celle des «deplorables», celle de citoyens américains pitoyables selon Hillary Clinton. L'ancienne secrétaire d'État du Président Obama a ce jour-là dévoilé son mépris profond du peuple (pas uniquement blanc d'ailleurs) dont elle quêtait les suffrages, et elle a perdu une belle occasion de se taire. Alors, la victoire «du Donald» est-elle l'expression d'un populisme rance ou d'un sursaut démocratique? Je penche pour cette seconde possibilité et la tiens pour un cri d'angoisse d'une (grande) partie de l'Amérique - blanche, noire, hispanique - qui, lasse d'être ignorée, a saisi sa chance, ici incarnée en cet homme si représentatif du fighting spirit américain, de dire sa colère et son sentiment d'abandon.

    Besoin de frontières, besoin d'identité, ces thèmes ne sont pas très «hype» ni «bobos», on en conviendra. Mais ces crispations sont celles d'une société américaine qui réalise que son avenir est sombre. Non pas, comme chez nous, parce que l'État-providence est en faillite et ne peut plus payer pour tout… puisqu'on ne lui demande quasiment rien là-bas. Mais parce que la liquidité du monde, sa virtualisation galopante, ont mis à mal le rêve américain lui-même, et rompu la chaîne de l'espoir en un avenir meilleur pour ses enfants - non par l'opération du Saint-Esprit ou les largesses de l'État-providence - mais par l'effort et le travail acharnés.

    C'est là probablement la vraie rupture qui a noué la victoire de Trump. Le gouffre toujours plus grand des inégalités liées à la financiarisation de l'économie, le surendettement de la jeunesse étudiante, la précarisation structurelle de couches entières de la population a transformé le rêve américain en mythe de Sisyphe désespérant. Un rêve américain qui n'est pas un slogan outre-Atlantique, mais une conviction très profondément ancrée en chacun de la valeur du travail et du courage pour améliorer sa condition initiale, quelle qu'elle soit, ou pour y échapper spectaculairement.

    Alors, plutôt que de déclarer légèrement que cette élection «ouvre une ère d'incertitude», comme l'a fait notre président, qui n'a manifestement toujours pas compris ce que la fonction présidentielle exigeait de hauteur de vue et d'intelligence de situation en matière internationale, nous devrions féliciter le nouveau président américain et l'assurer de la disponibilité de la France, au-delà de toute alternance politique, à consolider une relation bilatérale essentielle pour nos deux pays. Nous devons aussi sans attendre, tirer les conséquences de cette bascule géopolitique probable et majeure avec lucidité, et nous atteler à restaurer notre image abîmée d'allié secondaire trop docile. Peut-être en fait la réaction française s'explique-t-elle par un «vertige» (exprimé de manière intempestive par notre ambassadeur à Washington), non pas devant la victoire de Trump, mais devant le désaveu massif de la «politique» moyen-orientale de Paris depuis bientôt cinq ans que cette victoire augure. Nous avons «eu tout faux» depuis 2011 en Libye, mais bien plus encore en Syrie. L'heure est venue soit de changer radicalement d'approche, soit, si nous nous entêtons, d'en payer le prix par un isolement gravissime et une décrédibilisation durable dans toute la région et au-delà.

    Même les États-Unis en effet, ont besoin d'alliés forts et intellectuellement autonomes. Leur nouveau président, bien plus que son prédécesseur, croit manifestement dans le rapport de force comme vecteur de structuration de toutes les relations, d'affaires, internationales et interpersonnelles. Il s'accommodera parfaitement d'une France qui assume son indépendance d'esprit et de comportement et défend ses intérêts sans trahir ses alliances. Il sera très probablement bien entouré. On parle de Newt Gingrinch comme secrétaire d'État et du Général Michael Flynn - ancien directeur du renseignement américain -, connu pour son réalisme et sa clairvoyance sur la marche réelle du monde et des grands équilibres à préserver ou à restaurer notamment au Moyen-Orient et vis-à-vis de la Russie. Son conseiller pour la politique étrangère, le libanais Whalid Phares, paraît être aussi un facteur sinon de pondération, tout au moins de créativité pragmatique. Or, le monde à un urgent besoin d'innover pour s'apaiser. Par ailleurs, les fondamentaux géopolitiques de l'Amérique ne vont pas disparaître avec l'arrivée de Donald Trump et ils sont largement trans-partisans. Le style va changer, les méthodes sans doute aussi, mais le nouveau président sera très vite «bordé» et de fait contrôlé par un entourage sérieux mais probablement plus réaliste que celui d'Hillary Clinton, qui augurait d'un interventionnisme classique dogmatique et moralisateur. Le monde n'en veut plus et n'y croit plus.

    Néanmoins, on peut sans doute attendre - et espérer - quelques inflexions notables dans la façon qu'aura la nouvelle Administration de projeter la puissance américaine sur une scène internationale qui a considérablement évolué depuis 2008. Tout va donc dépendre de la confiance et du respect initial portés par les acteurs internationaux au nouveau leadership américain, mais aussi de la capacité de l'Europe à prendre son destin en main. Car le nouveau président, dont les discours de campagne ont souvent été contradictoires, a toutefois exprimé quelques convictions fortes: la Chine étant le peer competitor ultime de l'Amérique, le temps est venu pour l'Europe de se prendre davantage en charge pour sa sécurité, y compris au sein de l'OTAN, qui pourrait être appelée à évoluer vers une structure de lutte contre le terrorisme international plutôt que demeurer une alliance lourde préparant à grands frais des guerres … qui ne se mèneront pas.

    Un homme d'État au pouvoir en France saisirait cette occasion historique pour impulser enfin, autour d'un petit noyau structurant, une vaste initiative de défense et de sécurité européenne, sans naturellement nier l'OTAN, mais en prenant en compte les intérêts propres de notre continent, et en y associant activement Moscou. Cela nécessiterait peut-être d'oser parler de notre sortie éventuelle du commandement militaire intégré de l'Alliance. En effet, notre «réintégration» en 2009, si elle nous associe désormais à la planification des opérations auxquelles nous participons, n'a en vérité pas vu notre poids décisionnel augmenter sensiblement. Or, la France doit retrouver une voix libre, totalement indépendante et forte. Il existe un «besoin de France» qui s'exprime toujours aux quatre coins de la planète et que nous ne pouvons ni ne devons plus ignorer.

    Donald Trump a aussi dit vouloir en finir avec l'Accord sur le nucléaire iranien, essentiellement pour complaire à tel Aviv sans doute. Ce pourrait être une très forte source de tensions régionales…mais aussi une opportunité pour une nation telle que la France, dont le rôle doit être celui d'une puissance médiatrice et équilibrante. De mon point de vue, dans une politique étrangère nationale refondée, il faudrait au contraire savoir s'appuyer sur l'Iran et l'Inde pour promouvoir une stabilisation progressive de la région. La Russie l'a compris. La France devrait l'imiter, plus encore d'ailleurs, si l'Amérique ne le juge pas ou plus souhaitable, pour des raisons propres à sa relation particulière avec Israël. Nous avons ici aussi une belle carte à jouer.

    Donald Trump veut encore en finir avec l'État islamique, et pour cela agir en convergence avec Moscou. On ne peut que s'en réjouir. Vladimir Poutine appelle à une coordination occidentale contre le terrorisme international depuis 2001, et plus encore depuis son implication militaire en Syrie à l'automne 2015. Mais le nouveau président américain a-t-il bien pris la mesure des implications considérables d'une telle détermination? Cela signifie en effet d'en finir avec une politique du chaos et de la déstabilisation des grands États laïcs, menée depuis le milieu des années 2000 par l'Amérique, la Turquie et le Qatar notamment, au profit du courant Frères musulmans ; de cesser immédiatement le soutien aux groupes islamistes prétendument modérés (par contraste avec la sauvagerie spectaculaire de l'EI) qui déchirent le corps de la malheureuse Syrie depuis 5ans pour s'en attribuer le pouvoir et les richesses. Il faut donc décider de sauver l'État syrien et préparer une transition politique crédible et viable au régime d'Assad. Cela veut dire, parallèlement, une politique de grande fermeté vis-à-vis du Qatar, de l'Arabie saoudite et de la Turquie, qui pourrait aller jusqu'à les contraindre à constituer une coalition arabe sunnite véritablement modérée et à cesser leurs doubles jeux délétères. Cela suppose enfin de mener au plus tôt une action diplomatique sincèrement convergente entre Washington et Moscou, pour imaginer et aménager une place politique aux sunnites irakiens mais aussi syriens sans laisser s'y immiscer Al-Qaïda et ses succédanés mêlés à des «reconvertis» de Daech, qui gardent pour cible la déstabilisation des monarchies pétrolières, mais aussi à terme, la fragilisation des nations européennes et de la civilisation occidentale en général.

    Pour Paris, s'arrimer à une telle offensive en claire rupture avec l'actuelle politique occidentale au Moyen-Orient, lui permettrait de sortir d'une impasse et d'un piège aux implications sécuritaires majeures. Nous soutenons en effet de facto en Syrie un islamisme combattant qui nourrit la haine d'une frange de notre propre jeunesse sur notre territoire national et qui ourdit des attentats qui frappent nos concitoyens et minent notre résilience nationale. Nous devons là aussi faire un choix politique et identitaire, l'assumer sans états d'âme et le faire respecter en mettant notre action militaire extérieure enfin en cohérence avec cet objectif politique et sociétal intérieur.

    On compare ici ou là, l'élection de Donald Trump au Brexit. C'est effectivement un second coup de semonce qui affecte l'Europe et la met au pied du mur de ses trop longues inconséquences. Soit l'Europe se reprend et saisit sa chance historique de refonder sa légitimité et de trouver sa place dans un monde qui est en train de se réarticuler sans elle, soit la vague de fond populiste, protectionniste et xénophobe, nourrie par le ralentissement de la croissance mondiale et ses conséquences en termes d'emploi et de creusement des inégalités risque, en France, en Italie, en Autriche, aux Pays Bas et ailleurs, de faire imploser un édifice européen fragilisé qui ne survivra pas longtemps s'il persiste à refuser de répondre aux enjeux identitaires, d'immigration et de frontières qui fragilisent sa légitimité profonde.

    L'économisme béat a ses limites, le quantitative easing aussi. La croissance chinoise marque le pas, ce qui fait craindre une nouvelle crise financière et économique internationale, dont l'EU ne se relèvera pas en ordre dispersé et sans gouvernance politique forte. L'heure est donc au courage et à l'ambition.

    Finalement, au lieu de geindre et de pousser des cris d'orfraie, il faut sans doute se réjouir. Le verdict du peuple américain est rafraîchissant et même rassurant. «L'empire» n'est pas mort. Il renaît de ses cendres et veut exister face à son challenger chinois. Dans ce vaste mouvement géostratégique, la position russe et la manière dont l'Amérique de Trump mais aussi l'Europe vont être capables d'en finir avec leurs vieux cauchemars de Guerre froide pour y associer la Russie, sont rien moins que cardinales. Nul doute que des pressions immenses - à Washington mais aussi en Europe de l'est - vont s'exercer pour poursuivre l'ostracisation de Moscou et la «construction d'un ennemi» qui fait la fortune de l'Alliance atlantique et celle du complexe militaro-industriel américain.

    Pourtant le défi est bien plus grand. C'est l'Occident entier qui devrait faire taire des querelles dépassées pour conjuguer ses forces et stopper l'expansion d'un islamisme conquérant qui a décidé de déstabiliser le ventre mou européen, mais aussi la civilisation occidentale dans son ensemble dont l'Amérique se veut encore la championne. Or, n'en déplaise aux russophobes compulsifs à courte vue, la Russie est un bout d'Occident, et un bout d'Europe évidemment.

    Se tromper d'ennemi par paresse intellectuelle, intérêt immédiat ou dogmatisme est criminel. La France et l'Europe sont sous le feu. Il faut oser une rupture cognitive, intellectuelle et même morale pour réintégrer la Russie dans notre camp, au lieu de la pousser dans les bras chinois qui pourraient l'asphyxier. La Chine est en embuscade en effet. Avec son pharaonique projet de «Nouvelle Route de la Soie», qui vise la création d'un marché asiatique gigantesque unique, l'accaparement des ressources économiques et énergétiques des pays traversés, le désenclavement du Pakistan et de l'Afghanistan, mais aussi, au bout de la mire, l'endiguement des puissances américaine et russe et le contournement de l'Inde, la Chine change de modèle de puissance. Elle passe d'une croissance intérieure à un déploiement de puissance et d'influence vers l'extérieur. Elle prend ses points d'appui en Asie centrale et au Moyen-Orient (mais aussi en Afrique et en Amérique latine) pour atteindre les marchés européens, via un maillage d'infrastructures terrestres et maritimes sans précédent, adossé à une renaissance militaire considérable et à des structures bancaires aux moyens colossaux. Nos technocrates européens s'en rendent-ils compte? Comment comptent-ils réagir, se défendre et/ou saisir les opportunités liées à ce projet? Silence radio. À terme, c'est une alternative financière et normative complète au FMI et à la Banque mondiale qui s'ébauche, avec le rêve d'une nouvelle monnaie de référence -chinoise- des échanges internationaux qui détrônera le dollar. Un «système de Bretton Woods-bis» en somme, mais qui ne dit pas encore son nom et avance à petits pas. Pékin est en train, à bas bruit, de mettre en place un véritable «contre-monde» global.

    Alors? Et si l'on changeait enfin notre logiciel mental, et que l'on considérait ce nouveau président américain - après la «phase Obama» souhaitable pour faire oublier l'aventurisme militaire de Bush fils - comme une divine surprise, le héraut involontaire d'un «kairos» (moment opportun) stratégique inespéré pour l'Europe en pleine déconfiture? Cet homme est certes un peu «rough», rustique, emporté, mais aussi très humain, comme l'a montré son tout premier discours après la confirmation des résultats. C'est surtout un pragmatique. Il n'a pas peur du rapport de force et sans doute peut comprendre qu'un bon deal n'est pas forcément celui qui humilie le concurrent ou le détruit et que l'Amérique sera d'autant plus grande, admirée et suivie qu'elle saura nouer des relations plus équilibrées avec ses grands challengers et ses alliés. Dialoguer avec tout le monde est une marque de force et de confiance en soi, pas de faiblesse. Quant à «l'imprévisibilité» du nouveau Président, dont on veut croire qu'elle va rendre le monde plus instable, c'est sans doute l'une des marques même d'une personnalité de leader.

    Nous sommes bien dans «la fin de la fin de l'Histoire». La question est: veut-on écrire une nouvelle Histoire, plus intelligente et humaine, ou nier l'évidence et se scléroser dans des schémas de pensée dépassés que la réalité du monde dément quotidiennement?

    L'Amérique a en fait aujourd'hui l'occasion inédite de restaurer son crédit moral et politique mondial si entamé depuis 2001 et plus encore depuis 2003, et de retrouver un leadership basé sur une politique stabilisatrice plutôt que sur celle de l'organisation permanente du chaos au Moyen-Orient comme en Europe. Il faut s'en réjouir.

    Ironie du sort, c'est peut-être le nouveau possible «reset» de la politique américaine vis-à-vis de la Russie qui conduira l'Europe à devoir elle-même reconsidérer son ostracisation entêtée de Moscou. Le prochain président français devra tenir compte de cette bascule géostratégique majeure, et, il faut le souhaiter, avoir l'intelligence d'initier et de nourrir une relation constructive et de dialogue respectueux avec notre grand voisin qui n'est pas notre ennemi, mais le pôle asiatique naturel d'une Europe des Nations qui compte enfin dans les nouveaux équilibres mondiaux.

    «Qu'ils me haïssent pourvu qu'ils me craignent» disait l'empereur Caligula. Peut-être Donald Trump est-il tombé un jour sur cette citation.

    Caligula disait aussi: «j'aime le pouvoir car il donne ses chances à l'impossible». C'est plus engageant.

    Caroline Galactéros (Bouger les lignes, 11 novembre 2016)

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  • Comment peut-on être « pro-russe » ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bruno Guigue, cueilli sur le site suisse Arrêt sur Info et consacré à la propagande russophobe en Occident. Ancien élève de l'Ecole normale supérieure et de l'ENA, Bruno Guigue, après avoir été haut-fonctionnaire, enseigne désormais en faculté.

     

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    Comment peut-on être « pro-russe » ?

    Comme si elle avait les vertus d’un exorcisme incantatoire, une véritable litanie inonde les médias occidentaux. La Russie, dit-on, est une menace pour l’Occident, un péril mortel pour ses intérêts, un ferment corrosif pour ses valeurs. Insensible à la diplomatie, cette puissance aux allures de brute épaisse ne comprend que la force. Hermétique à la négociation, elle est totalement imperméable au code de conduite des nations civilisées. Il faut regarder la réalité en face, et cesser de croire que la Russie a changé, qu’elle n’est pas la réplique d’une URSS dont elle charrie le sinistre héritage. Si l’on veut s’opposer aux ambitions effrénées de l’ogre russe, inutile d’y aller par quatre chemins : il faut réarmer au plus vite et se préparer au pire.

    Résumé bêtifiant de tous les lieux communs de l’atlantisme vulgaire, ce discours belliciste n’est pas qu’un discours. Il y a aussi des actes, et ils sont lourds de signification. Les USA ont installé chez leurs vassaux d’Europe orientale un bouclier antimissile qui fait peser sur Moscou la menace d’une première frappe et rend caduc tout accord de désarmement nucléaire. L’OTAN multiplie les manœuvres conjointes aux frontières occidentales de la Fédération de Russie, de la Mer Baltique à la Mer Noire. Colossal, le budget militaire US représente la moitié des dépenses militaires mondiales. En pleine expansion, il équivaut à neuf fois celui de la Russie. A l’évidence, l’essentiel des dépenses nouvelles vise à développer une capacité de projection des forces à l’extérieur, et non à défendre des frontières que personne ne menace.

    Dans un monde régi par un minimum de rationalité, ces réalités géostratégiques devraient suffire à couvrir de ridicule les gogos de droite et de gauche qui avalent la propagande antirusse comme on boit du petit lait. Mais les idées les plus stupides ont la vie dure, et il y a encore des semi-habiles pour croire que la Russie est une puissance impérialiste au même titre que les Etats-Unis d’Amérique. Si l’impérialisme désigne l’attitude consistant pour une grande puissance à imposer de gré ou de force son hégémonie à d’autres puissances, on se demande en quoi la politique russe relève de cette catégorie. Où sont les Etats envahis ou menacés par la Russie ?

    L’Ukraine est en proie à une crise intérieure gravissime consécutive au coup d’Etat qui a porté au pouvoir une clique ultra-nationaliste dont la politique n’a cessé d’humilier la population russophone des régions orientales. C’est cette provocation délibérée des autorités usurpatrices de Kiev, soutenues par des groupes néo-nazis, qui a poussé les patriotes du Donbass à la résistance et à la sécession. Mais aucun char russe ne foule le territoire ukrainien, et Moscou a toujours privilégié une solution négociée de type fédéral pour son grand voisin. En témoignent les accords de Minsk I et II, qui ont été bafoués par le gouvernement ukrainien, et non par celui de la Russie. Aujourd’hui, la seule armée qui tue des Ukrainiens est celle de Kiev, cyniquement portée à bout de bras par les puissances occidentales pour intimider Moscou. Dans toute cette région, c’est l’Occident qui défie outrageusement la Russie à ses frontières, et non l’inverse. Que dirait-on à Washington si Moscou menait des manœuvres militaires conjointes avec le Mexique et le Canada, et encourageait à coups de millions de roubles la déstabilisation de l’Amérique du Nord ?

    Que le terme d’impérialisme s’applique à la politique US, en revanche, ne fait pas l’ombre d’un doute. Elle est d’ailleurs revendiquée par Hillary Clinton qui vient de rappeler que les USA sont « la nation indispensable du monde », un « pays exceptionnel, champion inégalé de la liberté et de la paix », qui montre le chemin à ces peuplades innombrables qui n’ont pas le bonheur d’être américaines, mais qui savent se montrer reconnaissantes à l’égard de leur sauveur à la bannière étoilée. « Les peuples du monde nous regardent et nous suivent. C’est une lourde responsabilité. Les décisions que nous prenons, ou que nous ne prenons pas, affectent des millions de vies. L’Amérique doit montrer le chemin », proclame la candidate démocrate. On imagine la teneur des commentaires si M. Poutine avait affirmé urbi et orbi que la Russie doit guider le monde et sauver l’humanité. Mais c’est l’Amérique, et elle a une « destinée manifeste ». Investie d’une mission civilisatrice à vocation planétaire, l’Amérique est le « nouvel Israël », apportant la lumière aux nations confites d’émotion et saisies d’admiration devant tant de bonté.

    Pour le cas où l’enthousiasme des vassaux viendrait à mollir, toutefois, la présence de 725 bases militaires US à l’étranger devrait probablement suffire à y remédier et à entraîner malgré tout l’adhésion des populations récalcitrantes. 725 bases militaires : un chiffre froid et objectif qui donne un minimum de consistance matérielle à ce joli mot d’impérialisme dont abusent les amateurs en géopolitique lorsqu’ils l’attribuent à la Russie de Vladimir Poutine. Car la Russie, elle, n’a pas 725 bases militaires hors de ses frontières. Précisément, elle en a 2, ce qui fait une sacrée différence. La première base est au Kazhakstan, pays allié et limitrophe de la Russie, dont 40% de la population est russophone. La seconde est en Syrie, près de Lattaquié, installée en 2015 à la demande expresse d’un Etat souverain soumis à une tentative de déstabilisation pilotée depuis l’étranger.

    Il est amusant de constater que l’accusation d’impérialisme proférée contre la Russie est une ânerie partagée par ces officines de propagande quasi-officielles de l’OTAN que sont les médias français et par des groupuscules gauchistes qui ne sont décidément pas guéris des pustules de leur maladie infantile. Vieille répartition des tâches, au fond, dont il y a d’autres exemples. Ce sont les mêmes groupes qui s’imaginent défendre la cause palestinienne tout en soutenant les mercenaires wahhabites en Syrie, lesquels servent surtout de piétaille à l’OTAN et de garde-frontière à l’entité sioniste. Mais demander à ces benêts de comprendre ce qui se passe au Moyen-Orient relève sans doute du vœu pieux, la réalité concrète ayant manifestement perdu à leurs yeux le privilège que Marx lui reconnaissait. « L’impérialisme russe », cette bouteille à l’encre d’un atlantisme presque séculaire, finira sans doute au cimetière des idées reçues, mais il se peut qu’elle continue un certain temps à empoisonner les esprits faibles.

    En attendant, c’est plus fort que lui, le « pro-Russe » n’en démord pas. Obstiné, il tient à ses chimères. Il croit par exemple que celui qui envahit des pays lointains est impérialiste, tandis que celui qui défend ses frontières ne l’est pas. Il pense que celui qui utilise les terroristes pour semer le chaos chez les autres est impérialiste, et non celui qui les combat à la demande d’un Etat allié. Il a la naïveté de penser que le respect de la loi internationale s’applique à tout le monde, et pas seulement aux pays faibles comme l’Irak, la Libye et la Syrie. Dans son incroyable candeur, il juge absurde le reproche fait à la Russie d’annexer la Crimée quand 95% de sa population le demande, alors même que ses accusateurs ont poussé le Kosovo à la sécession. Têtu pour de bon, le « pro-Russe » préfère un monde multipolaire à ce champ de ruines que la fureur néo-conservatrice d’une Hillary Clinton va continuer à répandre si le complexe militaro-industriel et le lobby sioniste réussissent, comme d’habitude, à imposer leur poulain à la tête de la première puissance militaire mondiale.

    Bruno Guigue (Arrêt sur info, 5 septembre 2016)

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  • Les enjeux du sport...

    Le nouveau numéro de la revue Conflits (n°10, juillet-août-septembre 2016), dirigée par Pascal Gauchon, vient de sortir en kiosque. Le dossier central est consacré aux enjeux du sport.

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    Au sommaire de ce numéro :

    ÉCHOS

    ÉDITORIAL

    La force du territoire, par Pascal Gauchon

    ACTUALITÉ

    ENTRETIEN

    Pascal Boniface. Le géosportif, propos recueillis par Anne Delteuil

    PORTRAIT

    Sergueï Lavrov, pilier géopolitique de Poutin par Frédéric Pons

    ENJEUX

    L'ISI. Vers l'intégration eurasiatique ?, par Sébastien Sébépart

    ENJEUX

    Le retour de la puissance militaire russe, par Pascal Marchand

    ENJEUX

    Brésil. La démocratie par la rue, par Gustavo Ribeiro

    ENJEUX

    Après les paradis fiscaux, les paradis maritimes, par Jean-Yves Bouffet

    IDÉES REÇUES

    Le développement un projet caduc ?, par Jean-Marc Huissoud

    IDÉES

    Aux origines de la géopolitique française : Jacques Ancel, par Florian Louis

    GRANDE STRATÉGIE

    Frédéric II ou l'Empire impossible, par Sylvain Gougenheim

    GRANDE BATAILLE

    Verdun (1916). L'invention de la bataille commémorative, par Pierre Royer

    BOULE DE CRISTAL DE MARC DE CAFÉ

    Immigration et prospérité : histoire d'un divorce, par Jean-Baptiste Noé

    BIBLIOTHÈQUE GÉOPOLITIQUE

    La pensée de la défaite comme défaite de la pensée, par Serge Le Diraison

    CHRONIQUES

    LIVRES/REVUES/INTERNET /CINÉMA

    GÉOPO-TOURISME

    Prague, tchèque et européenne, par Thierry Buron

     

    DOSSIER : Sport et puissance

    Le sport, une affaire de prestige, par Pascal Gauchon

    Sport et puissance, par Jean-Marc Holz

    Une histoire (très politique) des Jeux Olympiques, par Frédéric Munier

    Le football, entre identités multiples et mondialisation, par Paul Dietschy

    Une géopolitique des circuits, par Jean-François Susbielle

    La fauconnerie, un "sport-héritage" en Arabie, par Natalie Koch

    Le sport, un substitut à la guerre et à la révolution, par John Mackenzie

    Une géopolitique du hooliganisme, par Didier Giorgini

    Etats-Unis. Main basse sur le sport mondial ?, par Franck Favier

    Le Qatar, médaille d'or, par Hadrien Desuin

    Inde. Peut-on ne pas être sportif ? par Jean-Marc Holz

    LE MOT DU PHILOSOPHE

    La gloire et l'excellence, par Frédéric Laupiès

    L'HISTOIRE MOT À MOT

    Churchill : "No sport", par Pierre Royer

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  • Tour d'horizon... (111)

    Observateurs classe.jpg

    Au sommaire cette semaine :

    - sur le site du Collectif Culture, Libertés, Création, Gabriel Robin s'interroge sur la notion de patrie au XXIe siècle...

    Métaphysique et politique, en France au XXIème siècle

    charbonnel

    - sur le site de la revue Défense nationale, Bertrand Gori assimile le jeu diplomatique de Poutine à celui d'un joueur de poker plutôt qu'à celui d'un joueur d'échec...

    Poutine : champion du monde de poker « diplomatique » ?

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