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politique - Page 7

  • Une société de narcissiques immatures...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à notre société qui voit le politique s'effacer au profit de l’émotionnel, du compassionnel ou du thérapeutique ...

     

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    « Le contrôle hygiéniste est le début du contrôle social »

    « Bouffe tes cinq fruits et légumes par jour », « Fais du sport », « Arrête de fumer », « Bois un verre mais pas deux », « Mets ta ceinture au volant », « Ne mange pas trop gras », « Fais du tri sélectif »… Après « Big Brother », « Big Mother » ?

     

    À partir du XIXe siècle, l’État-providence s’est progressivement mis en place pour suppléer à la disparition des solidarités organiques et communautaires dissoutes par la montée de l’idéologie individualiste. Il se transforme aujourd’hui en « État thérapeutique », pour reprendre une expression utilisée notamment par Christopher Lasch. Cet État thérapeutique se définit comme une alliance malsaine de la médecine et de l’État qui permet toutes sortes d’entraves injustifiées à la liberté. L’autorité se fait de plus en plus maternante, mais à la façon d’une mère possessive, désireuse de maintenir ses sujets dans la dépendance. La relation unilatérale avec l’État remplace les anciens liens sociaux. Le contrôle hygiéniste est le début du contrôle social. La médecine devient elle-même totalitaire quand elle participe du contrôle des populations.

     

    Le type humain dominant est aujourd’hui celui du narcissique immature, pour qui il n’existe d’autre réalité que lui-même et qui veut avant tout satisfaire ses pulsions. Ce type infantile, d’orientation tout naturellement libérale-libertaire, consonne parfaitement avec un système qui, comme le disait Marx, a tout noyé « dans les eaux glacées du calcul égoïste ». Il en découle une civilisation thérapeutique centrée sur le moi. Pierre Manent dit très justement que le libéralisme est d’abord un renoncement à penser la vie humaine selon son bien ou selon sa fin.

     

    Dans une société où règne l’industrie du divertissement, où personne ne s’interroge plus sur le sens de sa présence au monde, le soin de soi devient l’alpha et l’oméga de la raison d’être. Il ne s’agit plus seulement d’être en bonne santé, mais d’être « bien dans sa peau » pour oublier sa finitude. En attendant l’immortalité en ce bas monde, un rêve de jeunesse éternelle domine chez des individus qui, n’étant jamais devenus adultes, conçoivent la vie comme une fusion maternelle à laquelle aucun ordre symbolique n’a mis fin, et vivent dans une culture de l’instant ayant évacué tout sens de la continuité historique. La société s’organise alors selon le principe de la rivalité mimétique, d’une rivalités d’egos – en termes freudiens, des Moi débarrassés à la fois du Ça et du Surmoi -, tous persuadés d’être au centre du monde, ce qui ne peut que favoriser la lutte de tous contre tous.

     

    Plus profondément, qu’est-ce que cela veut dire ?

     

    La tendance est à la « psychologisation » des problèmes politiques et sociaux. La montée de l’insécurité devient un « problème de société », le chômage un « malheur individuel », l’immigration de masse un « drame humain » (auquel le « vivre ensemble » remédiera). On escamote ainsi le caractère éminemment politique des problèmes et les responsabilités qui vont avec. Il n’y a plus d’exploités, mais seulement des « malheureux », des « victimes », des « plus démunis », etc., qui n’expriment que des « plaintes contre inconnu ».

     

    Plutôt que de mettre en lumière les modes d’aliénation propres au système dominant, on fait appel à des « cellules de soutien psychologique » chargées de remédier au « mal-être ». La montée de l’émotionnel et de l’idéologie de la compassion va de pair avec la glorification libérale de la sphère privée. La diffusion des modes de pensée thérapeutique marginalise la famille et l’école tout en laissant intact le processus de domination. La propagande de la marchandise n’émancipe des anciennes formes d’autorité que pour mieux assujettir au conditionnement publicitaire. Le sociétal remplace ainsi le social, le libéralisme culturel permettant de mieux faire passer les dégâts causés par le libéralisme économique.

     

    Tout désir matériel ou affectif est immédiatement transformé en « droit ». Dans le système capitaliste, la volonté de suraccumulation se nourrit de cette illimitation du désir. L’extension de la logique marchande implique donc la destruction de tout ce qui peut ralentir le désir d’avoir et inciter au désintéressement. Comme l’écrit Jean Vioulac : « L’avènement de la société de consommation impose la dissolution de tout ce qui serait susceptible de freiner l’achat de marchandises, et donc l’abolition de toute loi morale réprimant la satisfaction immédiate du désir. Le libéralisme, en tant qu’il se définit par l’exigence de la dérégulation et de la désinstitutionnalisation de toutes les activités humaines, est le projet politique de démantèlement complet de l’ordre de la loi, et en cela un des plus puissants moteurs du nihilisme. »

     

    Au fil des années, on a voulu nous coller la trouille avec le péril bolchevik, la menace lepéniste, le raz-de-marée islamiste et, désormais, le terrorisme et le réchauffement climatique. Et vous, Alain de Benoist, de quoi avez-vous peur ?

     

    Vous vous souvenez sans doute de ce qu’écrit Beaumarchais dans Le Barbier de Séville : « Quand on cède à la peur du mal, on ressent déjà le mal de la peur. » La peur étant mauvaise conseillère, je crois qu’il faut surtout avoir peur des peurs des autres. Personnellement, je n’ai cessé de souffrir de la bêtise de la droite et du sectarisme de la gauche. Selon les jours, c’est l’une ou l’autre qui m’inquiète le plus. Mais je n’aime pas non plus les « petites brutes » dont parlait Bernanos. Ceux qui se flattent de ne jamais rien donner aux mendiants, et qui ne se font qu’une idée haineuse de la politique. La sensibilité est à la fois le contraire de la dureté de cœur et de la sensiblerie.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 28 mai 2015)

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  • L'obligation de penser le monde qui vient et d'enterrer celui qui passe...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue stimulant de Julien Rochedy, cueilli sur son site, Rochedy.fr et consacré aux rôles des intellectuels et des politiques dans une période d'interrègne... Ancien responsable du Front national de la jeunesse, il a publié deux essais, Le marteau - Déclaration de guerre à la décadence moderne (Praelego, 2010) et L'Union européenne contre l'Europe (Perspectives libres, 2014).

     

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    L'obligation de penser le monde qui vient et d'enterrer celui qui passe

    Que l'on s'arrête un temps sur la politique française : on n'y trouvera que de la com. Les choses qui encore se font, se font, à la limite, à l'échelon local – à l'échelon, dirons-nous, communautaire. Pour le reste, c'est à dire au niveau national, il n'y a qu'une stricte application des élans de l'époque, laquelle obéit à une décomposition progressive de tous les acquis des siècles. Le Parti Socialiste au pouvoir, à la suite de l'UMP, détricote les fondamentaux de la France que nos grands-parents et parents ont connu : éducation, symboles, fonction publique, identité, autorité, culture, centralisation, etc. Cette politique effective de déconstruction semble être la seule possible au pouvoir, comme si elle obéissait à des impératifs qui appartiendraient à un déterminisme historique obligatoire d'intermède entre deux siècles. Quand à ceux qui briguent le pouvoir national, les Républicains et les Frontistes, leur rhétorique consiste à vouloir, justement, restaurer. Les uns et les autres veulent « restaurer l'autorité de l'Etat », « appliquer la laïcité telle qu'elle fut pensée en 1905 », « retrouver notre souveraineté nationale », « revenir à l'assimilation », quand il ne s'agit pas de « retrouver notre monnaie nationale » etc. Or, la politique des « re » est pure tautologie d'une nostalgie qui trouve, bien sûr, ses clients et ses électeurs en démocratie. Mais en fin de compte, il ne s'agit que de « com », car s'il peut être pratique de s'adresser à la foule des inquiets qui abondent toujours en périodes historiques  intermédiaires, et de s'adresser à eux à travers une redondance d'appels au passé, il n'en demeure pas moins qu'aucune politique pérenne ne peut se fonder exclusivement sur des « re ». Les exemples historiques – de Sylla, qui voulut refaire la Rome républicaine et aristocratique, à De Gaulle, qui voulut restaurer la France – montrent toujours que ces intentions ne peuvent être que passagères, et que les civilisations, comme les nations et comme les siècles, obéissent toujours à la maxime d'Héraclite : on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Or, l'Histoire est le fleuve par excellence.

     

    Résumons :

     

     

    1 – Nous vivons une période historique intermédiaire qui bientôt va finir, raison pour laquelle la déconstruction des fondamentaux de la France (déconstruction qui, en vérité, a déjà commencé il y a 1 ou 2 siècles) s'accélère particulièrement en ce moment.

     

    2 – Nous entrons progressivement dans un nouveau siècle, avec ses propres conditions, temporalités, impératifs et nécessités.

     

    3 – Les hommes politiques au pouvoir ne font qu'accompagner, consciemment ou non, cette décomposition du temps passé. Quant à ceux qui n'y sont pas, ils ne font qu'appeler à sa restauration qui jamais ne viendra, ou, au mieux, que pour un temps très court, comme les derniers soubresauts d'un mourant.

     

    4 – Les intellectuels actuels n'ont comme seul objet de pensée la destruction du monde qu'ils connaissaient. C'est pourquoi le monde de l'intelligence passe tout entier « à droite », parce qu'il s’aperçoit du carnage et du changement mais se contente, comme les politiques, de le pleurer.

     

    5 – La nécessité pour les intellectuels et les politiques d'aujourd'hui est plutôt de penser le monde de demain pour y projeter des volontés. Finis les « re » : il faut vouloir dans les nouvelles conditions possibles qui se mettent en place petit à petit.

     

    J'imagine que tout ceci est très dur à avaler, car cela fait fi de nos affects et de notre tendresse pour un monde qu'il y a peu nous touchions encore. Pourtant, si l'on veut échapper au règne de la com et/ou de l'impuissance politique, il nous faudra faire le deuil d'un certain nombre de choses pour penser les meilleurs solutions afin d'en préserver d'autres.

     

    J'ajoute qu'il ne s'agit pas là d'un fatalisme pessimiste ; au contraire : plutôt que de perdre son temps dans des combats perdus, une envie impérieuse d'affronter le monde qui vient.

    Julien Rochedy (Rochedy.fr, 1er juin 2015)

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  • Quand le soupçon et la dénonciation remplacent la volonté d’expliquer et de comprendre...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Pierre André Taguieff au site Philitt dans lequel il revient sur la diabolisation de l'adversaire dans le débat publique contemporain et sur la question du nationalisme. Philosophe et historien des idées, Pierre-André Taguieff a récemment publié La revanche du nationalisme - Néopopulistes et xénophobes à l'assaut de l'Europe (PUF, 2015).

     

    « Le soupçon et la dénonciation remplacent la volonté d’expliquer et de comprendre »

    Pierre-André Taguieff est philosophe et historien des idées. Il est directeur de recherche au CNRS et professeur à l’institut d’études politiques de Paris. En 2014, il a publié Du Diable en politique (CNRS éditions), ouvrage dans lequel il analyse le processus de diabolisation de l’adversaire dans le débat intellectuel français. En 2015, dans La Revanche du nationalisme (PUF), il s’intéresse à la résurgence de cette forme politique tout en dénonçant les analyses creuses de ceux qui s’inquiètent d’un « retour des années 30 ».

    PHILITT : Comment éviter la diabolisation dès lors que, comme le dit Philippe Muray, « le champ de ce qui ne fait plus débat ne cesse de s’étendre » ?

    Pierre-André Taguieff : On pourrait dire tout autant que le moindre écart par rapport à la doxa médiatique engendre mécaniquement des faux débats qui chassent les vrais. Dans mon livre paru en 2014, Du diable en politique, j’en donne de nombreux exemples, récents ou non. Dans la France contemporaine, la diabolisation de l’adversaire ou du simple contradicteur s’est banalisée. Il y a là un front inaperçu de l’intolérance, quelque chose comme une intolérance banale, qu’on pratique sur le mode d’un réflexe idéologiquement conditionné. Les pseudo-débats publics sont des tentatives de mises à mort de l’adversaire. Les gladiateurs médiatiques se doivent de divertir les téléspectateurs.

    PHILITT : Peut-on renoncer à diaboliser ceux qui l’ont été un jour sans risquer d’être, à son tour, diabolisé ? N’est-ce pas ce qui vous est arrivé lorsque vous avez choisi de dialoguer avec la « Nouvelle Droite » ?

    Pierre-André Taguieff : Dans l’espace idéologico-médiatique contemporain, le principe maccarthyste de l’association par contiguïté fonctionne comme mode de transmission d’une souillure. Tout contact est pris pour un indice de complicité. La diabolisation imprime au personnage diabolisé la marque d’une souillure durable. Discuter ou dialoguer avec l’ennemi absolu sans l’injurier, sans manifester ostensiblement et bruyamment à son égard de la haine et du mépris, c’est être souillé ou contaminé irrémédiablement par sa nature satanique. Tel est aussi le risque qu’on prend inévitablement lorsqu’on ose simplement étudier, sans le dénoncer avec virulence à chaque pas, le phénomène politique ou le personnage diabolisé. La magie conjuratoire, à condition de garder la bonne distance, semble être devenue le seul mode de traitement de l’adversaire politique. La diabolisation néo-antifasciste a fait de nombreuses victimes, et continue à en faire. Le pli est pris et je ne vois pas comment l’esprit inquisitorial pourrait être combattu efficacement. Qui s’y attaque est voué à la marginalisation et n’a guère à y gagner qu’une réputation d’infréquentabilité. Quel paradoxe tragique dans une France qui célèbre officiellement la liberté d’expression !

    PHILITT : Au-delà de la stratégie politicienne qu’elle implique souvent, la diabolisation n’est-elle pas aussi l’aveu d’une faillite de la pensée, de l’incapacité à comprendre un certain nombre de phénomènes politiques nouveaux ?

    Pierre-André Taguieff : La diabolisation est avant tout, sur le plan cognitif, une méthode de réduction de l’émergent au résurgent, de l’inconnu ou du mal connu au « bien connu » (supposé). En ce sens, elle est illusion de connaissance. Quant à sa fonction affectivo-imaginaire, elle réside dans la réduction au pire, c’est-à-dire à ce qui tient lieu de mal absolu dans une conjoncture donnée. Face à un phénomène qui les surprend ou les dérange, les gêne ou les choque, ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas le comprendre se lancent dans la réduction au pire. À la paresse de la pensée s’ajoute la peur de savoir. Mais l’ignorance n’est toujours pas un argument.

    PHILITT : Le repli sur la morale peut-il être analysé comme le symptôme d’un nouvel ordre idéologique où l’impuissance de l’action cède à la posture pour laisser au politique l’illusion d’une volonté ?

    Pierre-André Taguieff : L’hyper-moralisme contemporain est un avatar de la mystique des droits de l’Homme. Du même mouvement, l’humanisme s’est dégradé en humanitarisme, prêchi-prêcha dans lequel la rhétorique compassionnelle se marie à un paternalisme lacrymal à dominante victimaire et misérabiliste. Une vulgate issue d’un néo-christianisme dominant, que je considère comme un sous-christianisme, s’est installée dans tous les milieux politiques : elle consiste à prétendre qu’on est du côté (et aux côtés) des « plus faibles », des « plus pauvres », des « plus démunis », des « plus souffrants », des « plus exclus », « stigmatisés », etc. Quand les supposés « faibles » ou « exclus » se transforment en délinquants ou en terroristes, on trouve des belles âmes pour les plaindre ou les excuser.  Cette démophilie misérabiliste est une démagogie, écœurante et grotesque. Elle devrait provoquer rire ou dégoût, ou les deux. Or, aucun politique professionnel n’oserait reprendre aujourd’hui à son compte le mot de Jules Renard ; « J’ai le dégoût très sûr. » L’interdit du dégoût fait partie du conformisme idéologique.

    PHILITT : Contre les formules journalistiques qui prédisent sans cesse un retour du « fascisme » ou des « années 30 », vous diagnostiquez un renouveau du nationalisme. Comment expliquer la perdurance de cette catégorie politique ?

    Pierre-André Taguieff : Il s’agit d’un ensemble de faits observables mais mal définis, que l’application du mot « nationalisme » conceptualise plus ou moins bien. Faute de mieux, j’emploie le terme, comme la plupart des historiens et des théoriciens politiques. Mais il renvoie à des phénomènes très différents et, à bien des égards, hétérogènes. Je mets l’accent sur les métamorphoses de ce qu’on appelle « nationalisme », que je considère autant comme un fait anthropologique (ou « anthropolitique ») que comme une idéologie politique moderne accompagnant la formation des États-nations. Le phénomène est d’abord d’ordre anthropologique. L’accélération des changements, perçus comme immaîtrisables, provoque l’ébranlement du monde stable qui, en nous fournissant des cadres et des repères, nous permet de vivre sans devoir nous adapter sans cesse avec anxiété. On en connaît la traduction politique : nombre de citoyens européens sont tentés de voter pour ceux qui, recourant au style populiste de l’appel au peuple, promettent d’éliminer les causes supposées de l’anxiété identitaire (immigration, mondialisation, Union européenne, « islamisation », etc.), attribuées aux élites irresponsables.

    Si le nationalisme paraît renaître régulièrement de ses cendres dans la vieille Europe, c’est d’abord parce que cette dernière est faite de vieilles nations satisfaites, du moins pour la plupart (il reste bien sûr les micro-nationalismes dont les revendications sont aiguisées par la construction européenne, avec son horizon supranational qui favorise les autonomismes régionaux et les indépendantismes). Construire en faisant table rase du passé y est impossible. Mais la vague nationaliste est observable aussi hors d’Europe. Le national-ethnique et l’ethnico-religieux sont en effet les deux principales ressources symboliques des nouveaux mouvements identitaires partout dans le monde. En Europe, le nouveau nationalisme peut se définir comme l’ensemble des réactions populaires contre l’antinationalisme des élites, que présuppose la grande utopie de notre époque, celle de la démocratie cosmopolite, érigeant le mélange des peuples et des cultures en idéal régulateur. C’est ce mélange forcé, idéalisé par les élites (converties au « multiculturalisme » normatif), que la majorité des citoyens des vieilles nations refusent, comme en témoigne la vague anti-immigrationniste. Les promesses du « doux commerce » et les invocations des droits de l’Homme ne sauraient faire disparaître les inquiétudes identitaires. C’est pourquoi le schème populiste de base, « le peuple contre les élites », conserve ici sa valeur descriptive. Mais la tentation est toujours aussi forte d’interpréter cette opposition de manière manichéenne, soit en prenant le parti du « bon » peuple contre les « mauvaises » élites, comme si le peuple avait toujours raison, soit en défendant les élites contre les accusations des démagogues, comme si les élites dirigeantes ne donnaient jamais dans la démagogie.

    Dans les milieux intellectuels à la française, la reconnaissance de la réalité comme de l’importance politique de la question identitaire ou culturelle se heurte toujours à de fortes résistances, qui confinent à l’aveuglement. Certes, on observe des usages politiques xénophobes, voire racistes, des thèmes dits identitaires ou culturels, et j’ai moi-même, dans les années 1980 et 1990, élaboré le modèle du « racisme différentialiste et culturel », ce qui m’a valu à l’époque des critiques acerbes – et aujourd’hui d’innombrables plagiaires. Mais il ne faut pas jeter l’enfant avec l’eau du bain. Dans la préface du Regard éloigné (1983), Claude Lévi-Strauss nous avait mis en garde, nous invitant à ne pas confondre avec du racisme certaines attitudes ethnocentriques constituant des mécanismes de défense « normaux », voire « légitimes », de tout groupe culturel doté d’une identité collective : « On doit reconnaître, écrit Lévi-Strauss, que cette diversité [des “sociétés humaines”] résulte pour une grande part du désir de chaque culture de s’opposer à celles qui l’environnent, de se distinguer d’elles, en un mot d’être soi. » Une forme de bêtise intellectualisée, très répandue dans les milieux universitaires et médiatiques, consiste à réduire le besoin d’identité, d’enracinement ou d’appartenance à ses formes pathologiques, à ses expressions perverses ou monstrueuses (qui existent). Le soupçon et la dénonciation remplacent la volonté d’expliquer et de comprendre. Ce réductionnisme diabolisateur revient à interdire l’étude froide et exigeante des phénomènes identitaires, qui sont loin de n’affecter que les militants des partis nationalistes. Et le terrorisme intellectuel n’est pas loin : des campagnes sont lancées contre ceux qui ne se contentent pas de la vulgate marxisante.  De la même manière, certains réduisent la nation aux formes qu’elle prend dans les nationalismes xénophobes, ou le sentiment d’appartenance communautaire au communautarisme exclusiviste, sociocentrique et auto-ségrégatif. À mon sens, il faut reconnaître le phénomène, quel que soit le nom qu’on lui donne, l’analyser et s’efforcer de l’expliquer, aussi dérangeant soit-il pour la piété de gauche et les convictions lourdes du gauchisme intellectuel, dont certains représentants, en praticiens dogmatiques de la « déconstruction », se sont spécialisés dans la négation des questions et des réalités qui les choquent. C’est la seule voie permettant de comprendre à la fois l’irruption et le dynamisme des mouvements dits « populistes » en Europe, qui sont aujourd’hui, pour la plupart, des mouvements nationalistes dont les revendications et les thèmes de propagande s’articulent autour d’aspirations inséparablement souverainistes et identitaires.

    PHILITT : Dans votre avant-dernier ouvrage, La Revanche du nationalisme, vous posez la question suivante sur le ton de l’ironie : « De quoi les années 30 sont-elles le retour ? » Est-il possible de répondre sérieusement à cette question ?

    Pierre-André Taguieff : Il s’agit d’une boutade visant à montrer l’absurdité même de ce type de question, symptôme parmi d’autres de la bêtise idéologisée qui règne dans les milieux néo-gauchistes. Rien n’est le retour de rien, sauf par miracle. Un miracle, c’est-à-dire un événement mathématiquement possible dans un temps infini, mais physiquement improbable dans ce bas monde défini par sa finitude. Je laisse les hallucinés de l’éternel retour dans l’Histoire à leurs fantasmes pauvres et stéréotypés.

    PHILITT : Vous mettez en avant la possibilité d’un « nationalisme civique » que vous opposez au « nationalisme ethnique ». Quels sont les avantages du premier sur le second ? Est-il nécessaire de dédiaboliser le nationalisme ?

    Pierre-André Taguieff :  Je relativise plutôt l’opposition entre « nationalisme ethnique » et « nationalisme civique », en les situant sur un continuum. Il ne faut pas faire d’une distinction analytique une opposition manichéenne. Il est de tradition de distinguer le nationalisme politique et civique du nationalisme culturel et ethnique, types idéaux qui ne s’incarnent l’un et l’autre que très imparfaitement dans l’histoire. Je trouve cette distinction commode, mais j’ai tendance à la relativiser, en soulignant les zones d’ambiguïté du premier nationalisme idéaltypique comme du second. De la nation civique ou élective à la nation culturelle et ethnique, on passe par des transitions insensibles. Une nation purement civique, authentique communauté de citoyens dénuée de tout héritage culturel et historique propre, est une chimère. Elle revient à prendre naïvement un concept ou un type idéal pour une réalité concrète. La position de Renan consiste précisément à tenir les deux bouts de la définition de la nation. Il en va de même chez le général de Gaulle. Le patriotisme réunit des engagements et des attachements, du volontaire et de l’assumé, des idéaux normatifs et des enracinements idéalisés. La rigidité de la distinction vient de ses usages scolaires ou « démopédiques » (pour parler comme Proudhon), impliquant, dans la tradition républicaine française, de valoriser la « bonne » nation civique, dite « républicaine », et de dévaloriser la « mauvaise » nation historico-culturelle ou ethnique, rejetée un peu vite vers le racisme (ou vers le « germanisme »). Mais les citoyens ne se nourrissent pas seulement d’abstractions et de principes, aussi nobles soient-ils.  Alors qu’il s’agit, sur la question des identités collectives, de faire preuve d’esprit de finesse et de sens des nuances,  les intellectuels français montrent une fois de plus qu’ils ont le goût des grosses catégories classificatoires entrant dans des oppositions manichéennes.

    Ceci dit, dans ce domaine, je ne cache pas mes préférences. Elles vont à un nationalisme civique qui aurait retrouvé la mémoire et le sens de l’avenir par-delà l’enfermement « présentiste » et l’aveuglement par la soumission à « l’actualité ». Elles vont donc à un nationalisme civique qui imaginerait la nation à la fois comme héritage, destin commun et avenir voulu. On ne dédiabolise pas par décret le nationalisme. Mais on peut montrer que sa diabolisation empêche de le connaître dans la multiplicité de ses formes historiques et d’en comprendre le sens. Du nationalisme, on connaît les multiples figures historiques diversement valorisées (des mouvements de libération nationale aux dictatures nationalistes). Rien n’interdit de l’imaginer ou de le réinventer comme le principe d’une forme d’organisation politique acceptable, voire souhaitable, pour faire face, par exemple, aux forces uniformisantes ou aux effets destructeurs de la mondialisation, dès lors qu’il s’inscrit dans le cadre d’une démocratie constitutionnelle et pluraliste.

    PHILITT : Péguy serait-il un des représentants de ce « nationalisme civique » que vous décrivez tandis que Barrès et Maurras seraient les tenants d’un « nationalisme ethnique » ?

    Pierre-André Taguieff :  Péguy a ouvert la voie à une forme de « nationalisme civique » qui ne prône pas la tabula rasa, la rupture avec le passé, l’oubli volontaire des héritages. En quoi il engage à penser un nationalisme à la fois civique et historico-culturel, qui n’est nullement incompatible avec une vision universaliste, à condition de ne pas se laisser éblouir par les fausses lumières de l’universalisme abstrait et d’un cosmopolitisme sans âme. L’utopie de la table rase et la quête fanatique de l’émancipation totale ont donné naissance à un rejeton imprévu : l’hyper-individualisme égalitaire contemporain, qu’on reconnaît aux revendications sans limites de ses adeptes. Le nationalisme de Barrès (celui des années 1890) est plus ethnique, celui de Maurras plus historique. Mais ils sont l’un et l’autre pervertis par l’antisémitisme, qui constitue à lui seul une religion politique. Bernanos s’en est rendu compte et a pris clairement ses distances avec les tenants du nationalisme antijuif.

    Pierre-André Taguieff, propos recueillis par Matthieu Giroux (Philitt, 25 mai 2015)

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  • Carl Schmitt, l'Europe et la démocratie universelle...

    Les éditions Le bord de l'eau viennent de publier un essai de Tristan Storme intitulé Carl Schmitt, l'Europe et la démocratie universelle - Une critique systématique du cosmopolitisme. Membre du Centre de Théorie politique de l’Université Libre de Bruxelles, Tristan Storme est un spécialiste de la pensée politique de Carl Schmitt.

     

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    " Depuis plusieurs années déjà, l'ombre de Carl Schmitt plane sur les discussions théoriques autour de la construction européenne. Sans doute est-il devenu indispensable d'étudier en profondeur ces éléments de pensée schmittienne figurant en arrière-plan des critiques « souverainistes » de l'intégration européenne qui assimilent le cosmopolitisme à la fin du politique en tant que tel. Pour Schmitt, il n'y a pas d'étaticité sans européanité - pas d'États sans Europe -, ce qui fait de lui un « penseur de l'Europe » résolument opposé à toute construction politique aux ambitions post-étatiques ou universalistes. C'est en fait à partir de la question européenne que l'oeuvre de Carl Schmitt est susceptible de nous révéler toute sa cohérence interne. Le présent ouvrage vise à établir cette cohérence des concepts de théorie politique de Schmitt, en partant de leur ancrage métaphysique pour déboucher sur leurs conséquences empiriques les plus concrètes. Du concept de politique à l'ordre européen, cette séquence logique transite par la souveraineté étatique, par la forme-État, dont Schmitt est indéniablement un fervent partisan, un penseur invétéré, mais avant tout dans un sens qui veut que l'État soit chargé d'européanité. La cohérence et la logique internes de la pensée schmittienne, souvent déniées par les commentateurs de l'auteur, donnent à voir quelque chose comme un « devenir-États » (au pluriel) du continent européen ; elles font apparaître une intrication intime entre européanité et étaticité. Alors qu'il est courant d'identifier hâtivement la pensée schmittienne de l'État-nation comme l'antithèse toute désignée du projet européen, ce livre cherche à montrer que, malgré ou plutôt du fait même de ces tensions, Schmitt est un penseur de l'État précisément dans la mesure où il est un penseur de l'Europe. Mais il est ce théoricien de l'Europe qui s'oppose violemment à la perspective cosmopolitique et à l'idée d'un droit appelé à traverser les frontières en faisant fi des appartenances nationales des individus, des souverainetés étatiques et du plurivers européen. À cet égard, on peut considérer que sa pensée reste profondément actuelle ; elle constitue un véritable test, une épreuve conceptuelle importante, pour le cosmopolitisme contemporain. "

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  • Du rôle de l'état...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue Patrice-Hans Perrier, cueilli sur De Defensa, animé par Philippe Grasset, et consacré au phénomène de la dissolution de l'état...

     

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    Du rôle de l'état

    Tentative d’explication du phénomène de la dissolution de l’état

    L’état, pour ce qu’il en reste en 2015, constitue l’appareil de représentation des intérêts en jeu au sein de la cité. À l’époque de la Grèce antique, la Polis désignait une communauté de citoyens libres et autonomes. Par-delà les débats entourant la notion équivoque de liberté, c’est l’autonomie politique qui nous interpelle avant tout.

    Le communautarisme, ce cancer des sociétés postmodernes occidentales, agit comme un dissolvant qui prive les citoyens d’une réelle autonomie. La joute qui oppose les avatars communautaires et la représentation étatique corrode toute notion de patriotisme. Derrière les avatars du communautarisme se profile une lutte de «tous contre tous», dans un contexte où la politique des lobbies (et autres obédiences) pervertit les échanges au sein d’une agora ressemblant à une place boursière.

    Voilà ce qui explique pourquoi nos états sont corrompus jusqu’à la moelle. Les politiques, acteurs cooptés par le monde du spectacle, sont élus par des minorités agissantes sur la base de fausses promesses qui ne seront jamais tenues au final. Le jeu politique consiste en une médiation entre l’ordre économique et les intérêts réels des citoyens. Cette médiation a pour but d’apaiser les craintes exprimées par les citoyens à propos de la violence vécue au quotidien.

    De citoyens à simples payeurs de taxes

    Les citoyens sont des payeurs de taxes, donc les pourvoyeurs d’un immense fond d’investissement qui profite à cette bienveillante «main invisible du marché» qui dicte l’agenda politique. Une partie des subsides de l’état sert à l’entretien d’infrastructures qui permettent aux «forces du marché» de mener à bien leurs entreprises. Une autre partie est ponctionnée au profit de «l’intérêt sur la dette». Finalement, ce qui reste est attribué aux instruments de contrôle, de répression et d’endoctrinement de la populace. Puisqu’il faut bien le dire : la citoyenneté est morte, c’est le peuple des consommateurs qui est convié à assister, en toute impuissance, à la joute politique consacrée par l’appareil médiatique.

    La politique, médiation des intérêts en lice au sein de la Polis, est tombée en désuétude. Le «monde du spectacle» a pris le relais comme médiation obligée entre les représentants de la populace et les véritables tenants du pouvoir. La médiation ne concerne plus l’équilibrage des intérêts des citoyens, elle s’apparente plutôt à une mise-au-foyer des icônes de la représentation. Voilà pourquoi nous vivons dans un monde iconoclaste et c’est, par voie de conséquence, ce qui explique pourquoi le pouvoir de la rente mobilise ses activistes stipendiés pour avilir ou détruire certaines icônes représentant l’ordre ancien.

    Les marchands du temple

    Qu’il nous soit permis de rappeler à nos lecteurs que la médiation au sein de la Polis se joue sur la valeur marchande des échanges, non plus à partir d’une verticalité ontologique. Le Veau d’or, pourtant conspué dans la Bible, a retrouvé sa place à New-York, Babylone des temps modernes. Et, ses vestales sont les opérateurs de transactions boursières qui ressemblent de plus en plus à des incantations qui échappent aux citoyens.

    Ce changement d’allégeance explique la frénésie actuelle des élites aux commandes pour ce qui est de permuter les valeurs symboliques, dans un contexte où la «liberté d’expression» est, plus que jamais, à géométrie variable. Puisque, ne l’oublions pas, c’est la sphère marchande qui dicte l’ordre moral. Plus que jamais les ministères à vocation éducative, culturelle, ou qui s’occupent du monde de la communication, se voient investis d’une mission capitale pour le capital. Il s’agit de neutraliser tous les relais de la représentation pour que la mémoire collective soit harnachée en fonction de ce fameux «narratif» de service.

    L’histoire est prise en otage par les prescripteurs embauchés par le «monde du spectacle». Le monde de la «politique spectaculaire». Plus que jamais, les vainqueurs réécrivent l’histoire à leur avantage et, bien avant qu’un événement ne se produise, il convient d’afficher le récit officiel qui finira par s’imposer de lui-même. La sphère politique est comparable à un prétoire à l’intérieur duquel les représentants du grand capital font semblant de … nous représenter.

    La corruption et la vertu

    L’état serait, toujours de l’avis de nos habiles prescripteurs, cet arbitre impartial qui a pour mandat de faire en sorte que les «affaires de la cité» soient menées au bénéfice du plus grand nombre. Justement, le plus grand nombre désigne cette masse protéiforme qui se déplace en fonction des flux monétaires qui détruisent certains marchés économiques pour en reconstruire d’autres. Sous d’autres latitudes et en fonction d’agendas géopolitiques qui satisfont aux desideratas de la nouvelle gouvernance mondialiste.

    Il s’agit de satisfaire aux caprices (travestis en aspirations) du plus grand nombre à l’intérieur d’un grand «marché maximus» s’adaptant aux objectifs de la rente. C’est ce qui explique pourquoi les anciennes vertus ont cédé la place aux vices de la surconsommation à outrance. Et, à défaut de denrées et services en espèces trébuchantes, il restera toujours de l’information à consommer. Comme l’explique Guy Debord dans son essai «La Société du Spectacle», le spectacle de la consommation se suffit à lui-même et les consommateurs sont assujettis à un ordre marchand qui édicte une doxa que nul ne peut contester.

    Le procès de la consommation fonctionne comme une concaténation qui se nourrit, inexorablement, de corruption et de prébendes. La «rectitude politique» réclame toujours plus de vertu, d’intentions vertueuses; alors que les « forces du marché » tablent sur la corruption totalitaire à tous les échelons du spectacle ambiant. La corruption permet d’accélérer le processus de liquidation des «places fortes» de nos antiques démocraties mourantes. Le modus operandi est simple : il suffit d’acheter des dirigeants et des politiques, de les corrompre et de les remplacer par de nouveaux acteurs. Cette machination a été calquée sur le modèle du «star system» hollywoodien.

    Le pouvoir est corruptible

    Les lobbies, et autres obédiences qui oeuvrent en sous-main, s’accaparent la meilleure part du gâteau. Il s’agit de faire adopter divers agendas qui constituent les pierres d’un édifice qui nous embastillera tous, de manière inexorable. L’agenda consiste à laisser pourrir de l’intérieur l’état et tous ses relais : de l’entretien des infrastructures jusqu’à l’éducation nationale, en passant par la défense nationale. De toutes manières, les partenariats public-privé (PPP) ont déjà pris le relais.

    Ainsi, le plus simplement du monde, les écoles et les prisons sont privatisées, les multinationales des grands travaux publics et des infrastructures de l’eau ont été mis dans le coup et, jusqu’aux ministères de la défense qui doivent sous-contracter des mercenaires (de type Blackwater ) afin d’assurer la projection militaires sur certains terrains d’opération. De grands groupes d’actuaires (KPMG et consorts) viennent auditionner les comptes courants de nos gouvernements, en attendant que les agences de notation privées ne décident de faire plonger dans le rouge la cote financière des états qui refusent de s’aligner sur les politiques du jour.

    La société liquide

    La pression du grand capital a fini par faire éclater les digues qui protégeaient la cité. Les flux financiers se déplacent de manière instantanée grâce à la numérisation des transactions. Le monde de la finance impose sont ubiquité à tous les relais du pouvoir et les agences de notation donnent le «la».

     

    Les grands prêtres de la finance ont décidé quand et comment il fallait mettre en place des sanctions économiques contre la Russie. Ensuite, ils ont concocté les montages financiers destinés à armer la junte au pouvoir en Ukraine. Puis, les agences de notation ont abaissé la note de crédit souverain de la Russie … les dirigeants russes ont rétorqué par l’entremise du premier ministre russe Dimitri Medvedev que «l’abaissement de la notation d’un pays constitue un élément politique pur et dur». En fait, les dirigeants russes ont très bien compris que la politique internationale se décide sur les places financières de la cité virtuelle par excellence : la City.

    Outre le fait que les dirigeants russes ne désirent plus transiger en utilisant les pétrodollars, c’est leur entêtement à vouloir conserver une direction politique qui choque les milieux financiers. Contrairement à leurs alliés chinois, les parlementaires russes refusent de laisser les places sacrées de leur Polis être souillées par les incantations des grands prêtres de la finance.

    La politique internationale est, désormais, au service de la haute finance qui, en dernier ressort, exécute les desseins d’une caste de grands prêtres aux commandes. Les religions antédiluviennes refusent de céder la place. La Grèce antique avait façonné le logos. La Chrétienté mettra de l’avant la charité. De cette alliance historique naîtra la civilisation européenne.

    Une société liquide vient de leur succéder. L’indifférenciation constitue une des pierres d’assise du nouveau contrat social. Tout doit pouvoir s’échanger de manière fluide et sans contraintes politiques. Voilà pourquoi la politique fonctionne comme une entreprise de relations publiques totalement assujettie aux marchés financiers.

    Le traité transatlantique (TAFTA), qui devrait être adopté en 2015, si tout va bien, poursuivra l’œuvre de laminage entreprise par l’Union européenne. De la sorte, une poignée de puissants conglomérats pourra dicter sa loi aux états moribonds situés de part et d’autre de l’Atlantique. Tous les Council on Foreign Relations (FCR) et les Round Table de ce monde n’auront servi qu’à aplanir les divergences émanant de nos gouvernement tenus en otage. Pour que le «langage machine» des opérateurs financiers finisse par remplacer la dialectique d’une «rectitude politique» qui ne sert plus à rien au bout du compte. Le compte y est.

     

    Patrice-Hans Perrier (De Defensa, 11 mars 2015)

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  • L'effacement du politique ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'émission de TV Libertés consacrée au débat d'idées, intitulée Les idées à l'endroit et animée par Alain de Benoist et Olivier François. Ce deuxième débat est consacré à l'effacement du politique, avec autour de la table Michel Maffesoli, sociologue et ancien élève de Gilbert Durand et de Julien Freund, Marco Tarchi, politologue italien, professeur à l’université de Florence et chef de file de la « Nouvelle Droite » transalpine et Pierre Le Vigan, essayiste, auteur de L'effacement du politique (La Barque d'Or, 2014).

     

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