Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

médias - Page 12

  • Le monde selon NKM...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue incisif et drôle de Frédéric Rouvillois, cueilli sur Causeur et consacré à l'égérie des médias et des bobos qui votent UMP, Nathalie Koscisuko-Morizet... Professeur de droit public à l’université Paris-Descartes, Frédéric Rouvillois est l'auteur de plusieurs ouvrages d'histoire des idées comme Histoire de la politesse (2006), Histoire du snobisme (2008),  tous deux diponibles en format de poche dans la collection Champs Flammarion, ou L’invention du progrès (CNRS éditions, 2010) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (Flammarion, 2011).

     

    nkm.jpg

    Le monde selon NKM

    En juillet dernier, trois jours avant d’annoncer urbi et orbi ce que tant de Français attendaient avec la plus extrême impatience, sa candidature à la présidence de l’UMP, Nathalie (Kosciusko-Morizet) accordait à L’Express un long entretien, où elle jetait les bases de sa philosophie politique, et prenait, avec une volupté dont témoignent les photos, la pose de future Présidente de la République. « Quand je serai grande, je serai Présidente !… » Un entretien qui, rétrospectivement, peut être lu, au choix, comme une confession, un manifeste, un catéchisme ou un programme, d’autant plus cocasse que la donzelle ne se départit jamais du ton si délicieusement péremptoire qui la caractérise, mais d’autant plus effarant qu’elle dit tout haut ce que certains, à l’UMP, pensent tout bas…

    N’ayant peur de rien, la petite Nathalie commence par un gros morceau, sans doute pour montrer qu’elle a l’étoffe d’une future dirigeante : la distinction droite/gauche. Pour elle, les choses sont claires – même si par ailleurs elle évoque à tout bout de champ la « complexité du réel ». La droite, ce sont trois « valeurs cardinales », le travail, l’autorité et la responsabilité. Voilà. Point final. Nathalie n’a que faire des distinctions oiseuses à la Tocqueville, à la Aron ou à la René Rémond, de l’opposition liberté/égalité, ordre/mouvement, réalisme/idéalisme, tradition/progrès, etc… Pour notre apôtre de la complexité simplifiée, tout se ramène à cette trinité. Travail. Autorité. Responsabilité. C’est la droite de Nathalie. Ce qui laisse supposer, soit, que la gauche – qui jusqu’à nouvel ordre est le contraire de la droite – se reconnaît dans des valeurs strictement opposées (paresse, laxisme, irresponsabilité ?), soit, que la droite possède les mêmes valeurs que la gauche, et donc, que la distinction n’existe pas vraiment, ou que ce que Nathalie appelle la droite est en fait la gauche, ou enfin, qu’elle ne sait pas vraiment ce qu’elle raconte. Ce qui, réflexion faite, constitue l’hypothèse la plus plausible, dans la mesure où ces trois valeurs ne sont pas beaucoup plus connotées idéologiquement que la couleur mauve ou le flan au caramel. Le travail, par exemple, celui de la devise du Maréchal, est aussi au cœur de la pensée marxiste, sans même parler de la rhétorique trotskiste et du merveilleux « Travailleurs, travailleuses » qui fit naguère la célébrité d’Arlette. L’autorité en tant que telle n’a jamais été contestée que par d’infimes segments du gauchisme, ceux que Lénine jugeait pour cette raison même victimes de la « maladie infantile du communisme ». Quant à la responsabilité, elle constitue un dénominateur commun à tous les systèmes politico-juridiques depuis Hammourabi, ce qui rend un peu délicat son éventuelle appropriation exclusive par l’UMP post-sarkozyste. Il y a quelques années, un essayiste malicieux s’était amusé à démontrer que, contrairement au lapin, le lièvre est de droite. Si loufoques fussent-ils, ses arguments paraissaient plus solides que ceux que pourrait avancer Nathalie pour prouver la consistance idéologique de sa trilogie. En somme, la droite de Nathalie ne l’est que par pure convenance. Elle a d’ailleurs le bon goût de l’appeler ma droite, sans doute pour préciser qu’elle se fiche au fond de savoir si sa droite à elle est bien de droite.

    La seconde question sur laquelle Nathalie démontre sa maîtrise de la novlangue contemporaine est celle de l’identité. Celle de la France serait-elle en danger ? lui demandent les journalistes qui la confessent. « C’est une question majeure du monde contemporain », rétorque-t-elle aussitôt. « L’identité est un besoin, c’est aussi un capital dans la mondialisation ». Drôle de réponse ? La suite est encore plus bizarre, puisque Nathalie, toujours sur l’identité, développe l’idée qu’en matière de production, « aujourd’hui, on veut un produit qui nous ressemble, qui parle de nous ». C’est-à-dire ? Des automobiles fabriquées en Chine avec un prénom français ? Des nanocomposants californiens bleu-blanc-rouge ? De la viande hallal qui chante la Marseillaise quand on ouvre le paquet fraîcheur ? Tirez sur la languette, et la bobinette cherra ? Voilà en quoi, pour elle, l’identité est « une question majeure ». L’identité, à l’en croire, serait d’ailleurs une idée neuve en Europe. La nation française, assure ainsi notre historienne en herbe, est née « à la fin du XIXe siècle ». Ignorants que nous étions, qui évoquions Philippe Auguste et Bouvines, Saint-Louis, Jeanne-d’Arc ou Henri IV ! C’est sous Jules Grévy, au temps de Panama, de l’affaire Dreyfus et des Inventaires, que les Français ont pris conscience d’appartenir à la communauté nationale. « Notre identité à nous s’est largement forgée sous la IIIe République, autour de l’école, de l’armée et des grands moments politiques et démocratiques ». Avant ? La France, c’était peanuts, comme aurait dit Malherbe, un poète du XVIIe siècle à l’identité incertaine. Voilà pourquoi Nathalie milite résolument pour « une Europe plus intégrée », mettant tous ses espoirs dans « un grand moment démocratique, pourquoi pas l’élection du Président du Conseil européen au suffrage universel », ce qui serait « un grand pas pour l’identité européenne » – de même qu’il y a un peu plus d’un siècle, l’élection d’Émile Loubet à la présidence de la République fut elle aussi un pas gigantesque, décisif, dans la construction d’une identité française. Un grand saut, comme celui des cabris chers au général De Gaulle – et nous voici passés d’une identité à une autre, comme on change de chemise ou de passeport dans la jet-set mondialisée chère à Nathalie où l’on considère que la patrie, c’est là où on se trouve bien à un instant donné, en fonction de son intérêt du moment.

    Et la souveraineté ? Pour Nathalie, « c’est un mot fondateur ». Mais manifestement, ce n’est qu’un mot. « Au XXIe siècle, être souverainiste au sens gaulliste, c’est-à-dire maîtriser notre destin, c’est être européen » : bref, c’est savoir renoncer à notre souveraineté pour la confier à d’autres, dans un grand ensemble dominé par l’Allemagne et par la haute finance. Nul doute en effet que De Gaulle aurait adoré ; et comme elle, sans doute le Général aurait-il considéré qu’avec de telles armes idéologiques, « la droite tient les concepts pour interpréter et transformer le monde contemporain » (et plus si affinités).
    Transformer : voilà au fond le maître mot de Nathalie, à qui l’on a appris que conservatisme est un terme qui commence mal. Elle ne cesse de le répéter : « nous laissons le conservatisme à la gauche, qui en a à revendre ». Sa droite à elle « n’est pas conservatrice », « c’est une droite qui (…) fait le choix de la transformation ». Laquelle ? En mieux, ou en pire ? On verra. L’important, c’est de transformer. Et Nathalie de citer la phrase du Guépard que connaissent tous ceux qui ne l’ont pas lu : « il faut que tout change pour que rien ne change ». Très contente de son petit effet, elle ne s’aperçoit pas qu’elle vient de se contredire en faisant du slogan le plus radicalement conservateur qui soit la devise même de son sarko-modernisme. Car que dit-elle ? Qu’il faut que rien ne change. Rien d’essentiel en tous cas. Et pour assurer cet objectif de conservation absolue, on est prêt à sacrifier tout le reste : les apparences, les fioritures, les accessoires – c’est-à-dire, pour elle, le mariage hétérosexuel, l’identité nationale, la souveraineté de la France. Que tout change pour que rien ne change : le problème, c’est que Nathalie ne sait pas très bien ce qu’il faut sauver à tout prix. Elle semble n’avoir aucune idée précise de ce qu’est cet essentiel pour lequel elle est prête à fourguer tout le reste, sans remords. Ses seules « valeurs intangibles », c’est que tout est négociable –sauf le refus de « l’extrémisme », pour laquelle cette grande bourgeoise éprouve un mépris abyssal et définitif. Mais ce refus suffira-t-il à combler le vide idéologique criant dont témoigne ce succulent entretien ? A faire de cette chipie aux dents longues un véritable personnage politique, et à transformer Nathalie en Margaret Thatcher ? Les adhérents à l’UMP nous le diront bientôt.

    Frédéric Rouvillois (Causeur, 17 septembre 2012)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • "On paie très cher le fait d'être considéré comme sulfureux"...

    Vous pouvez visionner ci-dessous un entretien avec Robert Ménard réalisé par le site Enquête&débat. Robert Ménard explique, notamment, les raisons pour lesquelles il est amené à arrêter la parution de l'excellente revue Médias...

    A regarder !...

     


    Interview de Robert Ménard le 26 juin 2012 par enquete-debat

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • 74 % des journalistes votent à gauche !...

    Nous vous signalons la parution du nouveau numéro de Médias (n°33, été 202), l'excellente revue trimestrielle consacrée aux pratiques journalistiques, à laquelle collaborent notamment Robert Ménard et Emmanuelle Duverger.

    On trouvera dans ce numéro un grand entretien avec Alain de Benoist, à l'occasion de la sortie de Mémoire vive (de Fallois, 2012), mais aussi des entretiens avec Reynald Secher, François L'Yvonnet ou Elisabeth Lévy, ainsi qu'une analyse d'un sondage réalisé sur les opinions politiques des journalistes... 

     

    Médias 33.jpg


    Lien permanent Catégories : Revues et journaux 0 commentaire Pin it!
  • Les petites fêtes de l'oligarchie...

    Vous pouvez visionner ci-dessous un amusant petit reportage de Médiapart réalisé le 27 juin 2011 à l'entrée d'une petite sauterie organisée au musée Albert Kahn par Alain Minc. Du beau linge de droite, de gauche, des médias et du CAC40...

     

    Lien permanent Catégories : Décryptage, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Ils ont acheté la presse !...

    Les éditions Jean Picollec viennent de publier Ils ont acheté la presse, une enquête de Benjamin Dormann. L'auteur, qui a été journaliste économique et a fréquenté le monde politique avant de travailler dans les milieux de la finance, lève le voile sur les grands journaux et les intérêts qu'ils servent.

     

    Ils ont acheté la presse.jpg

    "Dans l’affaire Dominique Strauss-Kahn, pourquoi les journalistes français ont-ils attendu sa chute, pour commencer à enfin sortir du silence et révéler ce qu’ils savaient ?
    Parce que la presse d’opinion a pour priorité de contrecarrer la réélection de Nicolas Sarkozy. Du coup, elle communique plus qu’elle n’enquête ou n’informe, reproduisant trop souvent avec complaisance des scénarios mis en scène par des communicants amis.
    Parce que cette presse a docilement accepté de recevoir des centaines de millions de subventions supplémentaires du pouvoir sarkozyste, plutôt que de s’intéresser aux lecteurs.
    Enfin, parce qu’elle s’est de plus en plus vendue à des financiers dits « de gauche », qui, dans la presse comme ailleurs, restent des financiers. En suivant notamment de près les exemples de la reprise du Monde par Matthieu Pigasse et la gestion du Nouvel Observateur par Denis Olivennes, on découvre la réalité méconnue de leurs pratiques …
    Si ce 4ème pouvoir ne joue plus son rôle aujourd’hui, c’est qu’il a accepté de se fondre dans le 5ème pouvoir que l’on pénètre ici : celui des vastes réseaux mondiaux dominants, mêlant hommes d’affaires, financiers, médias et politiques, agissant dans la plus grande discrétion, parallèlement à nos structures démocratiques. Un voyage dans les coulisses où l’on croise notamment Le Siècle, le Young Leader Arnaud Montebourg, le Bilderberger Manuel Valls, le German Marshall Fund, financeur américain de Terra Nova, initiateur des Primaires du Parti Socialiste,… et où l’on apprend les incroyables conditions de la nomination d’Herman Van Rompuy à la Présidence du Conseil Européen."

     

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Presse et propagande...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à la propagande des nouveaux chiens de garde de la presse...

     

    propagande et presse.jpeg

     

    Presse et propagande : le nouveau militant

    L’historien notera que le développement et l’influence de la presse, ont été inversement proportionnels à l’évolution du clergé. Là où celui-ci déclinait, celle-là triomphait. Le philosophe Hegel faisait remarquer, dans la période postrévolutionnaire, qui vit l’avènement de l’époque contemporaine, que la lecture du journal du matin avait remplacé, pour l’homme moderne, la prière. Ce « devoir », comme l’avait bien relevé Jacques Ellul dans son ouvrage de grande lucidité « L’Illusion politique », donne en effet l’impression d’être en phase avec l’actualité, de communier avec les battements du temps qui marche, qui va de l’avant, et de posséder quelque importance, surtout lorsque au bureau, on est le premier à rapporter, auprès de collègues épatés, le dernier ragot des rédactions. C’est en effet par le journal, d’abord imprimé, puis télévisuel, que l’on connaît ce qu’il est bon de penser des tribulations du monde, si bien que l’âge laïc a produit ce miracle, que ne réussissait pas toujours l’Eglise de jadis, de répondre à la requête de l’ouaille, en lui transmettant un message d’une luminosité et d’un vérité aveuglantes.

    Il n’est pas non plus anodin que la presse d’opinion ait dû croiser l’itinéraire du militant. Elle n’en sortit pas indemne. Les feuillets imprimés de la révolution de 89 étaient des armes, des diatribes ravageuses qui conduisaient parfois amis comme ennemis à la guillotine. Qui s’étonnera, en comparant les journaux ouvriers des XIXe et XXe siècles, du fond et du ton frondeurs qu’ils manifestaient, y compris la presse communiste ? L’arrière-plan insurrectionnel fut longtemps une composante politique de la vie publique, que les jeunes générations, à l’esprit et à l’intelligence ravalés au karcher du politiquement correct, ont de la peine à imaginer. Cependant, l’Internationale situationniste accusait, dans les années soixante, Le Monde, pourtant « journal de référence », apparemment dans l’opposition, d’être toujours du côté du pouvoir. Le style doctoral de ce journal du soir, attaché à la réflexion de fond, n’est pas sans évoquer l’assurance dédaigneuse de celui qui sait, autrement dit le style « philosophe des Lumière » face à l’ignorant, nécessairement victime de préjugés, de superstition, peuple d’en bas à qui on apposera sur la gueule le masque grotesque du « beauf », ou celui de Dupont la joie. Le Monde servirait de modèle, mais, l’évolution des mœurs aidant, sur un mode plus agressif, plus démagogique, plus près du ruisseau.
    Aussi, comme il existe un haut et un bas clergé, y a-t-il une presse ambitieuse, et une presse « bas de gamme », bien que les deux possèdent de nombreux liens. Là où la première mobilise des régiments d’inévitables « spécialistes », tous experts d’instituts, de « clubs de réflexion » ayant poussé, depuis quelques lustres, comme des champignons, tout en donnant caution à la leçon du jour, les mass médias plus populaires ramènent les messages à un langage plus sommaire, plus à la portée du commun. Ce sont parfois d’ailleurs les mêmes qui œuvrent à ces deux étages. Ce qui nous vaut, à longueur de journée, comme la répétition obstinée d’un moulin à prière, les prétendues analyses du même acabit, prouvant que les choses étant ce qu’elles sont…, ou bien que les Bons devant se défendre contre les Méchants…

    Les progrès technologiques dans le domaine de la communication, le développement des réseaux télévisuels, des téléphonies et la réactivité de la communication, ont élargi la puissance de persuasion des machines propagandistes. La concentration de la presse et les rapports incestueux entre mondes politique, économique et médiatique ont eu pour conséquence une saturation sans réelle concurrence des organes de diffusion du système. En outre, la disparition, après la chute du mur de Berlin, des voix « différentes », comme celles qui se faisaient entendre, durant la Guerre froide, notamment contre la guerre du Vietnam, pour ne prendre qu’un exemple emblématique, donne l’impression d’une morne plaine, malgré l’incroyable choix de canaux mis à la disposition de chacun. Si bien qu’on a l’impression de n’avoir qu’un seul journal, qu’une seule chaîne de télévision, comme dans tout système totalitaire qui se respecte. L’absence quasi-totale de critique visible et audible lors des événements de Libye ou de Syrie, l’impossibilité de rencontrer un point de vue dérangeant quand il s’agit de l’Iran, d’Israël ou de la Russie, les discours fatalistes sur la crise et la rigueur, contribuent à créer une atmosphère lourde, pesante, obscure, propice à toutes les explosions. Le pouvoir croit tenir l’opinion, mais la perte de crédibilité de la presse est patente. Et c’est, paradoxalement, la première à s’en étonner.

    On pourrait arguer qu’elle est pourtant bien placée pour savoir de quoi il retourne. Qui saura distinguer l’avidité et la duperie ? On avancera donc que la déduction fiscale accordée à la profession par Juppé en 2008, ainsi que tous les avantages matériels ou de prestige qu’octroie le métier de journaliste, quand on appartient au moyen ou au grand clergé, ne sont pas pour rien dans le jeu des conviction, dans la pratique de la censure ou de l’autocensure, ou dans la volonté cynique de manipuler l’opinion. Comme le remarquait déjà Pascal, un avocat bien payé se trouve des talents insoupçonnés. Toutefois, il faut faire la part de la conviction, et même de la certitude la plus bétonnée de se trouver dans le vrai. Un cynique sait qu’il ment, et c’est pour cela qu’il n’est pas entièrement médiocre. Au fond, un traître, qui érige sa tâche à l’état d’art, n’est jamais inintéressant. Il ne faudrait pas croire cependant que nos petits journaleux se hissent à ces sommets. Les « héros » qu’ils donnent à l’imaginaire du bon peuple, et singulièrement aux adolescents revenus des « french doctors » passablement discrédités par Kouchner, sont de cette pâte dont on fait les braves soldats un peu niais. Si l’on fait abstraction des incohérences, des mensonges aisément identifiables de l’épopée de tel ou telle (par exemple Edith Bouvier et William Daniels, rescapés de Bab Amr), il ne sera pas difficile de démêler quelle part de foi, de conviction idéologique, d’aveuglement politique entre dans leur détermination à se rendre sur le terrain. Ne parlons pas de ceux qui, en lieu sûr, colportent les fantaisies d’Observatoires des droits de l’homme ou d’autres officines partisanes, comme si elles étaient paroles d’Evangile. Ces gens-là font leur job de propagandistes, dont l’attirance pour l’Amérique ou Israël est évidente. Quant aux premiers, tout aussi atlantistes par ailleurs, nous remarquons qu’ils risquent leur vie, et que, d’ailleurs, certains ont péri. Les héros rejoignent ainsi la condition des martyrs. Les Che du micro, de la caméra et de l’appareil photo ne peuvent qu’avoir raison, puisqu’ils ont mis leur peau en jeu.

    C’est là une vieille histoire qui, des premiers chrétiens aux fondamentalistes islamistes, prouve seulement une chose, c’est que des hommes peuvent éventuellement se sacrifier. Qu’il entre, dans l’affaire, de la griserie, de l’aventure, le frisson que tout combattant savoure, en un âge si terriblement ennuyeux, on peut en convenir. Mais qu’on n’aille pas dire que le danger garantit la véracité des faits ! A ce compte, combien auront eu raison, qui ont été pourtant désavoués par l’Histoire ?
    Car c’est au fond un phénomène majeur dans l’évolution de la presse, que la prolifération d’un nouveau type de militant, « nouveau chien de garde » (annoncé au demeurant par Albert Londres ou Arthur London). La presse prétendait, dans la société industrielle, informer et former le citoyen. Elle le formatait aussi. Il semblerait que ce seul dessein fût son dernier rôle. Le reporter, devenu personnage de fiction, une sorte de Tintin postmoderne, est beaucoup plus proche, dans sa psychologie et sa manière d’être, d’un membre très engagé des anciens partis fascistes ou communistes. La vérité n’est plus qu’une opinion empreinte de relativité. La fin justifie les moyens, et le but final, la « Raison » régnant sur le globe, accrédite toutes les dérives. La falsification des faits devient alors une espèce de « mentir-vrai », une fiction, la projection d’un fantasme manichéen sur le champ du réel.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 8 mars 2012)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!