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médias - Page 9

  • Voyage au cœur du mal-être français...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Denis Bachelot, cueilli sur le site de la fondation Polémia et consacré à la bataille autour de la notion de  «Français de souche». Journaliste et essayiste, Denis Bachelot est l’auteur de Les Maîtres à Représenter : essai sur la mise en scène des mythologies médiatiques (Eska, 1997) et de L’Islam, le Sexe et Nous (Buchet-Chastel, 2009).

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    « Français de souche »/ Voyage au cœur du mal-être français

    Que signifie la diabolisation de l’expression « Français de souche » ? Il faut tirer le fil de la pelote et le dérouler jusqu’à ses limites ultimes pour saisir toute la portée de cet interdit. Cela signifie d’évidence que le porteur de l’injonction se donne le droit de définir l’identité de celui qui se définit comme tel. L’identité n’est plus portée par celui qui se définit lui-même en tant que « quelque chose » mais par celui, extérieur à lui-même, qui le définit selon sa propre vision. Ce qui veut dire, en clair, que la définition de son identité n’appartient pas à celui qui se nomme lui-même mais à celui qui le nomme.

    Un enjeu de pouvoir et de domination.

    Nous sommes là face à un enjeu capital de pouvoir et de domination qui, tout au long des siècles, traverse l’histoire des hommes. C’est bien le dominant qui dicte à l’autre la définition de son identité. Pour s’en tenir à l’histoire récente, c’est bien le colonisé qui se voit affublé d’ancêtres « gaulois » par le colonisateur.

    Mais le seul fait pour un groupe humain de se donner à lui-même une définition identitaire qui contredit la norme dominante est déjà une affirmation qui le constitue en une réalité identitaire. Et celui qui nie ce droit, de par sa seule négation, renforce cette réalité identitaire. Il la confirme a contrario, en quelque sorte.

    Les données « objectives » de l’identité, si tant est qu’elles puissent être saisies, n’ont au fond peu ou pas d’importance dans le vécu identitaire. Ce qui compte d’abord, c’est la façon dont un groupe se vit et se perçoit au sein d’un environnement humain auquel il se compare et dont il se différencie par opposition aux autres. Si des millions de Français se vivent et se pensent en tant que « Français de souche », ils existent donc en tant que tels, si le sentiment d’une réalité commune les unit, en dehors de tout jugement de celui qui se sent extérieur à ce vécu identitaire.

    Nier cette réalité existentielle en la renvoyant à une simple aberration historique ou une indignité morale, sans même prendre en considération sa vérité psychologique, est une posture de négation qui ne peut que reposer sur un rapport de forces et de domination.

    Nous touchons là au cœur de la dépression mortifère française. Elle tisse la trame la plus intime de l’enjeu politique contemporain.

    Le processus de déconstruction de l’identité française, socle de l’idéologie dominante depuis quatre décennies, révèle aujourd’hui sa vraie nature dans la géographie sociale du pays. Le socio-géographe Christophe Guilluy a pertinemment analysé le phénomène de recomposition du territoire national en fonction de critères sociaux et ethniques (1). Le constat est clair et sans appel : les perdants de la mondialisation libérale sont les classes populaires blanches, celles qui, massivement, ont été reléguées loin des grandes métropoles créatrices de richesses, pour se « réfugier » dans les zones périphériques défavorisées en termes d’emplois, de services sociaux et de transports.

    Ce processus de transformation territoriale marque le triomphe des classes supérieures adaptées à la mondialisation libérale et qui maîtrisent les codes du pouvoir social et culturel. En contrepoint, les représentations culturelles de la France « d’en bas » ont été massivement dévalorisées au point de devenir les modèles repoussoirs, les anti-modèles donc, d’une modernité cool, mondialisée et, surtout, diverse.

    Le triomphe des « maîtres à représenter ».

    Nous avons publié, il y a bientôt vingt ans, un livre qui analysait en profondeur le processus de retournement des représentations de la culture populaire et traditionnelle française, en une série de représentations répulsives et ringardes (2). L’idéologie dite « antiraciste » a été l’arme principale qui a permis le contrôle et la soumission des esprits; un processus de domination culturelle qui accompagnait, de fait, une nouvelle phase de domination sociale, dans un contexte de mutation économique accélérée.

    On peut même lui fixer une date de naissance qui institutionnalise la haine identitaire de soi dans les représentations de la culture de masse : la sortie, en 1975, du film Dupont Lajoie. Image hideuse et dérisoire du « petit Français » sur fond de racisme assassin. Paradoxe cruel, l’homme qui incarnait à l’écran ce « Dupont Lajoie » abject, quintessence de Français moyen, bistroquet et campeur à caravane de son état, n’était autre que Jean Carmet, le dernier acteur du cinéma français à porter l’âme populaire française, comme Raimu, Fernandel, Bourvil ou Gabin l’avaient fait en leur temps.

    La domination culturelle a précédé la domination économique et sociale. Elle s’est construite, c’est la thèse que nous défendions dans notre ouvrage, comme un processus collectif d’identification à des représentations de masse qui se sont imposées par le jeu de leur dynamique mimétique.

    Bien sûr, des forces d’influence ont pesé dans la mise en œuvre des outils de domination ; un exemple probant est celui de SOS Racisme, création concertée du PS et d’un groupuscule communautariste de gauche, l’UEJF. Pour autant, la correspondance entre les rapports de force sociaux et l’idéologie véhiculée par le système de représentation de l’idéologie « antiraciste » n’est pas mécanique. L’œuvre de déconstruction identitaire, basée sur un intense travail de culpabilisation de l’identité traditionnelle, n’était pas une condition indispensable de la nouvelle phase de déploiement d’un capitalisme en voie de mondialisation. Le nationalisme identitaire peut même être un puissant facteur de développement et de conquête économique, comme on l’a vu, notamment, en Chine, en Corée, à Taïwan ou Singapour. Il peut également cohabiter avec un individualisme consumériste forcené ; la Chine là encore est un bon exemple.

    De même, la puissance hégémonique de l’empire américain n’impliquait pas, inéluctablement, le triomphe du modèle communautariste qui façonne la société américaine. Totalement dominé par la puissance de l’Oncle Sam, le Japon est resté hermétiquement fermé à l’immigration et à la diversité multiculturelle. Ce sont toujours les structures mentales qui, en définitive, font la différence.

    Une partie importante des baby-boomers les plus éduqués a choisi la déconstruction identitaire comme marqueur idéologique de sa prise de pouvoir générationnel pour des raisons psycho-culturelles qui ont, en soi, leurs propres dynamiques, au-delà des simples logiques socio-économiques.

    L’idéologie dominante a appuyé sa légitimité historique sur le long processus d’individuation des sociétés occidentales pour le détourner en mouvement de déconstruction radicale, bien au-delà de ce que les nécessités matérielles du temps l’exigeaient. Elle a construit, en quelques décennies, une représentation du monde qui constitue un horizon indépassable de la conscience collective européenne qui ne peut plus exprimer d’autres réalités que celles voulues, ou tolérées, par ses cadres établis.

    Déconstruction sexuelle et négation identitaire.

    Paradoxalement, dans le même temps, la gauche (c’est-à-dire l’idéologie « progressiste » dans sa fonction de déconstruction de l’homme « ancien ») a perdu la bataille des idées. Elle ne représente plus grand-chose et ne produit plus rien. La gauche «intellectuelle » se concentre dans quelques univers militants, stériles et subventionnés, comme l’Education nationale, la « culture », le monde associatif ou les médias, dont l’influence repose essentiellement sur la proximité avec l’argent public et les réseaux qui lui sont liés.

    Depuis la défaite historique de l’utopie sociale égalitariste, la déconstruction sexuelle et la négation identitaire sont les nouvelles frontières de la vulgate progressiste, en tant qu’aboutissement et réalisation de « l’individu absolu » : celui qui évolue comme en apesanteur face aux héritages du collectif et aux déterminismes de l’ordre « naturel ». L’humanité nouvelle se doit donc d’être « postidentitaire » et « postsexuelle ».

    Toutefois, au-delà de ses formulations militantes qui ne mobilisent que des franges marginales de la société, l’idéologie de l’individu absolu puise sa force et son apparente légitimité dans l’évolution endogène de l’individualisme contemporain qui mène à terme un long processus historique. Cette idéologie polymorphe, dégradée et simplifiée en messages répétitifs, imprègne les outils de représentation de masse de l’ordre marchand. L’individu « libéré », émancipé des limites des identités organiques (celles qui sont héritées de l’histoire) et qui construit son identité en fonction des objets du marché, est le consommateur idéal.

    La perte du pouvoir intellectuel offensif s’est ainsi accompagnée d’une prise de pouvoir quasi absolue dans les représentations de la culture de masse. L’idéologie « révolutionnaire » de l’émancipation individuelle aura donc bouclé son cycle historique en tant que doctrine promotionnelle de l’ordre marchand consumériste qu’elle prétendait subvertir. L’histoire n’est pas à un paradoxe près !

    Pour l’essentiel, désormais, l’utopie égalitariste du socialisme épuisé se déploie autour des questions sociétales.

    Sur la question de l’identité sexuelle, la dernière grande bataille, en France, s’est jouée en 2013 autour du « mariage pour tous ». La gauche a remporté une victoire institutionnelle en imposant sa loi en dépit d’un mouvement de contestation massif, mais elle a, politiquement, remporté une victoire à la Pyrrhus. Elle a dilapidé ses forces dans une guerre d’images qui ne répondait pas aux attentes de la grande majorité de son électorat qui espérait, avant tout, des mesures sur le pouvoir d’achat et le social. Elle a, notamment, sévèrement entamé son capital de sympathie auprès de l’électorat musulman qui avait massivement voté Hollande en 2012. Ses marges de manœuvre sur les problématiques du « genre » se sont donc fortement réduites.

    La question identitaire, épicentre du conflit politique.

    Désormais, l’essentiel du combat politique se resserre autour de la question identitaire que le pouvoir en place reformule en termes de lutte « contre le racisme et l’antisémitisme ». Cette stratégie a le mérite immédiat de ressouder toutes les familles de gauche. Elle permet aussi au pouvoir actuel de se repositionner en tant que champion d’un système menacé par les « extrémismes » et le « populisme », tout en neutralisant, du même coup, la droite institutionnelle, enrôlée dans le même combat.

    L’idéologie dite « antiraciste » est, plus que jamais, le socle et l’épicentre des enjeux de pouvoir et de domination qui agitent la société française. Le lieu où, plus que jamais, les tensions entre les représentations de l’idéologie dominante et les réalités vécues par le corps social sont les plus violentes. Des attentats de Charlie Hebdo au déferlement de réfugiés clandestins sur les côtes d’Europe du Sud, l’actualité est là pour, chaque jour, nous rappeler cette violence.

    L’offensive idéologique se déploie sur deux fronts : celui du politico-judiciaire et celui de la représentation et de l’affect.

    Au plan politique, chaque nouvel épisode de violence lourde issue des faillites de nos politiques migratoires, après les lamentations d’usage sur le refus de l’extrémisme et l’indispensable retour au pacte républicain, entraîne une nouvelle vague de condamnation paroxystique du « racisme et de l’antisémitisme ».

    Cette stratégie de l’amalgame, qui consiste à lancer des accusations indifférenciées, retombe en définitive sur la tête de ceux que le système de représentation dominant a depuis longtemps définis comme porteurs de dangerosité raciste : c’est-à-dire, bien évidemment, le Blanc plein de peur et de ressentiment – le représentant de la « France moisie », chère aux bien-pensants.

    Pour qu’il n’y ait pas de doute possible sur la cible désignée, sans être nécessairement directement nommée, le système a pris soin d’institutionnaliser le mantra du « pas d’amalgame ». L’islam est innocent des crimes que l’on commet en son nom, et la violence observée est le fait de déséquilibrés ou de jeunes révoltés, victimes de l’exclusion. La lutte contre le « racisme et l’antisémitisme » doit donc se doubler d’un nouveau combat contre « l’islamophobie », pour ne pas pousser les « jeunes » à plus de désespoir et donc plus de violence. Le premier ministre est lui-même venu nous expliquer que la France, donc les Français, avait construit un système « d’apartheid » qui fonctionnait au détriment de ses populations issues de l’immigration.

    Ainsi, grâce à un grossier tour de passe-passe, chaque nouvelle poussée de violence de minorités activistes se transforme en une nouvelle séquence répressive généralisée, structurée en système d’accusation de la France traditionnelle.

    Répression et bons sentiments.

    La dernière grande étape de l’offensive politique, suite aux attentats de Charlie Hebdo, a vu le gouvernement socialiste mettre sur pied une loi, dite loi sur le renseignement, sorte de Patriot Act hexagonal, qui tend à mettre sous surveillance l’ensemble de la population pour neutraliser toute personne que le pouvoir qualifiera « d’extrémiste » et considérera potentiellement dangereuse… pour lui ! Les esprits les plus avisés ont dénoncé, en vain, les tendances liberticides de ce texte, à commencer par le célèbre juge antiterroriste Marc Trevidic.

    Depuis plus de trente ans, le filet répressif se resserre autour d’une population qui s’est vue retirer le droit d’exprimer ou légitimer l’idée qu’elle se faisait de sa propre identité et des attentes qui en découlaient : cette France qui ne peut plus se dire « de souche », qui n’a donc plus le droit de se nommer en tant que telle, mais que le système dominant ne cesse de nommer en creux quand il parle de lutte contre le « racisme ».

    Cette situation de domination culturelle et sociale a été légitimée grâce à un long processus de détournement du réel qui, nous l’avons vu, a eu pour fonction essentielle de masquer la réalité des rapports de force qui structuraient la société. Le plus faible, le petit Blanc, ou le Français «traditionnel », a été présenté comme une menace pour une population immigrée, systématiquement montrée comme fragile et démunie face au racisme et à l’exclusion. Il suffit de voir la longue litanie des dessins de Cabu ou de Plantu, « maîtres à représenter » de l’idéologie dominante, pour se convaincre de cet état de fait. La vulnérabilité voire la détresse du « Français moyen » n’est, elle, jamais représentée.

    Violences symboliques et violences réelles.

    Celui-ci, pourtant, a subi une double peine : outre sa fragilisation économique et sociale qui s’est tout particulièrement traduite dans la nouvelle géographie humaine du territoire national, il a été l’objet d’une entreprise de dévalorisation et de délégitimation de son vécu identitaire qui représente un phénomène de violence symbolique assez unique dans l’histoire. Cette violence, en effet, ne venait pas d’un phénomène d’invasion extérieure, comme l’ont subi les civilisations amérindiennes dans un espace de temps très court qui a suffi à les détruire, mais bien d’une agression endogène, portée par les rapports de force socio-culturels d’un moment de l’histoire européenne.

    Cette violence mentale, toutefois, s’est traduite par une violence bien réelle et physique, celle d’une explosion des actes liés à la délinquance de proximité, pudiquement rebaptisés «incivilités », qui a, au niveau de la rue, placé le Blanc «ordinaire » en situation de victime, fragilisé par son absence de solidarité organique et le rejet global de la violence physique qui caractérise la modernité culturelle des sociétés européennes.

    Cette réalité-là a été absolument niée, traitée en tant que « fantasme sécuritaire » et, surtout, massivement occultée par l’idéologie dominante et ses systèmes de représentation. Pour ne prendre qu’un seul exemple, les rapports annuels du CNCDH, qui, depuis plus de vingt ans, servent de baromètre officiel à l’évaluation du « racisme » en France, n’ont jamais pris en compte les agressions dont sont victimes des Français blancs de la part de personnes d’origine non européenne : une négation qui représente une violence identitaire a contrario, que l’on peut donc qualifier de raciste, qui s’appuie sur la légitimité institutionnelle de l’Etat français.

    Dans l’ordre des représentations dominantes, chacun doit garder la place que le système lui a allouée : le racisme est une émanation de la France blanche traditionnelle et la France nouvelle issue de l’immigration extra-européenne est victime de « stigmatisation » et d’exclusion. A la fois au-dessus et au cœur de la mêlée, la France des autorités « morales » – celle des partis politiques, des associations subventionnées, des autorités religieuses et communautaires, des syndicats, des prêcheurs médiatiques et de tant d’autres – mène le juste combat contre les idées et les propos « nauséabonds » qui rappellent « les heures les plus sombres de notre histoire » ! Le langage est codé, le lexique pavlovien ; nous sommes dans la propagande lourde et le conditionnement de masse qui ne peuvent tolérer le doute, la nuance et la controverse.

    Contrôle de l’information et contrôle des représentations.

    Mais chacun aura bien compris que nous sommes, de fait, dans la simple gestion d’un rapport de pouvoir et de domination. Et qu’importe, au fond, que l’épuisement vital de l’idéologie dominante face aux réalités rebelles ait scellé sa défaite intellectuelle. Le contrôle en profondeur de l’information qui permet d’orienter les perceptions et les affects des citoyens, et la maîtrise des représentations dans les outils de communication de masse, suffisent à maintenir la force de domination du système en place. Ce dernier peut même se contenter de porte-parole dérisoires, tels Jamel Debbouze, Joey Starr, Yann Barthès, ou, dans de grandes occasions, Madonna, pour entretenir l’illusion d’une vitalité offensive. The show can go on ; oui, mais jusqu’à quand ?

    Les résistances identitaires se font de plus en plus sourdes et la négation de la réalité ne suffit pas à anéantir ses effets délétères. Le Français « historique », dans une société qui se communautarise à grands pas, prend conscience de sa spécificité identitaire. Il devient « de souche », sans même l’avoir vraiment voulu. Tous les débats lancinants sur la laïcité, le voile, le hallal, le porc dans les cantines, la mixité dans l’espace public et d’autres encore sont autant de points de tension qui renvoient « l’indigène » à ses origines.

    L’identité est d’abord une affaire d’interaction et d’effets miroirs. Les jeunes, plus immergés que leurs aînés dans les violences polymorphes de la cohabitation multiculturelle, sont les plus touchés par le sursaut identitaire : les jeunes Blancs des couches populaires, les 18/35 ans, massivement votent pour le Front national, seule expression de dissidence à laquelle ils ont accès.

    Le Blanc populaire, note Christophe Guilluy – après des décennies de polarisation des politiques sociales sur la paupérisation des banlieues – redevient, comme au XIXe siècle, l’incarnation des « classes dangereuses » qui menacent l’ordre établi. Cette « France invisible », selon l’expression du géographe, sur laquelle la France des élites avait mis une croix, non seulement n’a pas disparu, mais peut encore entrer en révolte sociale, type les Bonnets rouges, et demain, peut-être, en rébellion ouverte. La question sociale et la question identitaire se sont mélangées dans les urnes à travers le vote Front national ; qu’adviendrait-il si, un jour, elles fusionnaient dans la rue ?

    Si la notion de Français de souche s’imposait dans le débat public comme une réalité centrale et exigeante, elle bousculerait l’ordre établi qui se légitime dans les systèmes de représentation dominants. Celui qui, depuis des décennies, est stigmatisé pour sa dangerosité raciste et son archaïsme culturel pourrait désormais revendiquer un statut de victime et, à ce titre, changer l’agencement des rapports de force. A contrario, ceux qui se sont donné à eux-mêmes le rôle de conscience supérieure dans le domaine des valeurs démocratiques et humanistes pourraient apparaître alors comme les tourmenteurs de leur peuple.

    Etre collectif vs individu absolu.

    De même, l’appartenance à la nation et à la citoyenneté devrait être repensée en fonction d’une réalité identitaire portée par une longue mémoire qui s’incarne dans la continuité d’un peuple autochtone, même s’il peut s’enrichir d’apports divers à travers les siècles. La rupture est totale par rapport à la vision de la citoyenneté horizontale, désincarnée et formaliste qui sévit aujourd’hui et qui dénie le droit à une communauté, encore majoritaire, de se penser et se vivre comme le référant légitime et premier de l’identité nationale, et même de se nommer en tant qu’entité existante.

    En arrière-plan de cette confrontation politique s’opposent deux visions de l’Etre radicalement inconciliables. L’homme est-il un être de mémoire et d’appartenance dont l’individualité ne peut se concevoir en dehors de l’être collectif qui la constitue, ou bien un sujet, hors sol et hors nature, qui peut se construire et se réinventer à chaque nouvelle étape de son développement ?

    Ce n’est pas la question du « vivre ensemble » – simple mantra de la novlangue institutionnelle – qui se pose aujourd’hui aux sociétés européennes, mais bien la question existentielle de l’être social, qui s’ouvre comme un abîme à l’horizon de leur conscience désorientée. L’idéologie « postmoderne » de l’individu absolu a malmené notre capacité à appréhender l’humain à travers les contraintes « naturelles » de son être collectif.

    Un cadavre encombrant.

    La condamnation de l’expression « Français de souche » dans le débat public est bien une ligne de front, ultime et décisive. Se nommer soi-même, c’est reprendre le contrôle de son destin. Et c’est bien là que sévit le trou noir de la vie politique française depuis des décennies : dans la négation du droit du sentiment populaire (dans le sens de peuple en tant que communauté) de dire ce que l’ « être français » veut dire. Déjà, au début des années 1990, le philosophe Marcel Gauchet, à propos du triomphe récent de l’impératif pluriculturel, notait que « cette transformation présente la particularité d’avoir échappé, de bout en bout, au débat et à la décision démocratique, soit au titre de l’impuissance de l’Etat devant une réalité plus forte que lui, soit au titre d’une chose imposée au pays par l’oligarchie économico-politique… » (3).

    C’est ce cadavre du déni démocratique qui s’agite aujourd’hui dans les placards de la République. Pourra-t-on le tuer une deuxième fois ?

    Denis Bachelot (Polémia, 28 mai 2015)

     

    Notes :

    1- La France périphérique : comment on a sacrifié les classes populaires, Ed. Flammarion.
    2- Les Maîtres à Représenter : essai sur la mise en scène des mythologies médiatiques, Ed. Eska.
    3- Le Débat, n° 60, mai-août 1990
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  • Media Crisis...

    Les éditions L'échappée viennent de publier un essai de Peter Watkins intitulé Media Crisis. Cinéaste politique, Peter Watkins a notamment réalisé La bataille de Culloden (1964), La Bombe (1966) ou La Commune (2000).

    Vous pouvez découvrir la présentation de cet auteur par Ludovic Maubreuil, critique de cinéma à la revue Eléments, sur le site de la revue Causeur.

    Peter Watkins, le salutaire

     

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    « Par l’expression « media crisis » (crise des médias), j’entends l’irresponsabilité des mass media audiovisuels (MMAV) et leur impact dévastateur sur l’Homme, la société et l’environnement.
    Je parle des processus manipulateurs et autoritaires mis en place par les médias audiovisuels dont la Monoforme, le langage dominant employé pour structurer les films, journaux télévisés, documentaires… et l’Horloge universelle, cette camisole temporelle qui formate l’ensemble des programmes télévisuels.
    Je parle aussi du silence étourdissant de la part des professionnels des médias et du système éducatif autour de l’impact de la Monoforme sur la société en général, et de ses conséquences sur la crise environnementale qui affecte la planète.
    Je parle enfin du refus systématique des MMAV d’associer le public à tout débat critique sur les processus de fabrication et de diffusion de leurs productions audiovisuelles dans la société contemporaine. »

    Peter Watkins

    Une remise en cause radicale, par un grand cinéaste, des formes de langage qui structurent les messages des films ou des programmes télévisés, ainsi que des processus (hiérarchiques ou autres) de diffusion à l’attention du public.

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  • Feu sur la désinformation... (45)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés, consacrée au décryptage des médias et dirigée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, avec le concours d'Hervé.

    Au sommaire :

    • 1 : Zyed et Bouna, le bobard d’Europe 1.
    • 2 : Le zapping d’I-Média.

    • 3 : Le lobby LGBT impose sa ligne éditoriale.
    • 4 : Tweets d’I-Média.
    • 5 : Monde médiatique, les copains d’abord.
    • 6 : Le bobard de la semaine.

     

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  • Domestication, sidération, manipulation...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné à Claude Chollet, président de l'Observatoire des journalistes et de l'information médiatique, par Laurent Obertone, à l'occasion de la sortie de son livre La France Big Brother... L'auteur revient sur les techniques de domestication, de sidération et de manipulation utilisées par les médias dominants et leurs serviteurs...

     

     

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  • Quand les médias paniquent...

    Nous reproduisons ci-dessous une excellente analyse de l'Observatoire des journalistes et de l'information médiatique consacrée à la panique qui semble s'être emparée des médias depuis qu'ils anticipent une très forte progression du Front national aux élections départementales de la fin mars...

     

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    Élections départementales : quand les médias paniquent

    « Plus une organisation est grande et autoritaire, plus les chances sont grandes que ses hauts dirigeants évoluent dans des mondes purement imaginaires », remarquait l’économiste américain Kenneth E. Boulding (1910-1993). Cette règle se vérifie en ce qui concerne l’État et c’est un lieu commun que de constater combien le pouvoir éloigne de la réalité ceux qui l’exercent. La nouveauté, c’est que cet enfermement dans un monde imaginaire s’applique désormais à la plupart des grands médias dont la grille de lecture n’arrive plus à rendre compte de l’évolution du pays. Le résultat, c’est l’incompréhension et la panique, mais aussi la surenchère dans la violence, laquelle nait, comme on le sait, de l’impuissance des mots à nommer la réalité.

    Vers un nouveau bouleversement politique ?

    Depuis décembre dernier, une batterie de sondages donne régulièrement le Front national gagnant des élections à venir, dans des proportions que ce parti n’a jamais connues. Le dernier en date, effectué par Odoxa pour RTL le 9 mars place le parti de Marine Le Pen à 31% des votes au premier tour, devant l’UMP/UDI (29%) et le PS (20%). Après la victoire des élections européennes, le franchissement de la barre des 30% au premier tour par le Front national serait un nouveau bouleversement politique susceptible de remettre en cause le bipartisme de fait sur lequel repose la vie politique française depuis plusieurs décennies. Les états-majors des deux grands partis menacés ont donc élaboré des stratégies pour tenter de limiter la casse : affirmation d’une alliance électorale objective du PS et du FN pour l’UMP. Dramatisation à outrance sur le mode de « la République en danger » pour le gouvernement socialiste. Manuel Valls a ainsi sorti l’artillerie lourde en affirmant craindre que la France ne vienne se « fracasser » contre le Front national, en revendiquant la « stigmatisation » de Marine Le Pen et en appelant « les élites intellectuelles et culturelles » à s’engager plus avant dans ce qu’il considère désormais comme un combat de civilisation et non plus seulement un combat politique. Le lyrisme du Premier Ministre a ceci de paradoxal que s’il a pour but de sidérer l’électorat de gauche pour le conduire aux urnes, il risque dans le même temps d’encourager davantage encore au vote FN tant il est vrai que c’est précisément contre ces élites intellectuelles et culturelles qu’une partie grandissante des Français se révolte, notamment par le biais du vote pour un parti encore largement perçu comme « anti-élites ».

    Comment lutter contre le Front national ?

    Les médias dominants prennent évidemment leur part dans cette tentative désespérée de contenir ce qu’ils perçoivent dans leur immense majorité comme une « menace » à laquelle leur conscience citoyenne leur intime l’ordre de lutter de toutes leurs forces, en contradiction parfois avec leur statut de journalistes censé leur conférer sinon l’objectivité, du moins une certaine neutralité. Mais comment lutter contre le Front National ? Depuis de nombreuses années, cette question hante les rédactions mais aucun consensus ne s’est jamais dégagé. Pour certains journalistes, il faut inviter les dirigeants du parti sur les plateaux pour démonter leurs arguments ; pour d’autres il faut au contraire ne pas les inviter pour ne pas leur offrir de tribune. Certains estiment qu’il faut continuer à « diaboliser » Marine Le Pen quand d’autres affirment à l’inverse qu’il faut la traiter comme les autres hommes et femmes politiques pour lui ôter cette odeur de soufre qui attirerait précisément les mécontents. Aucun pour dire qu’il faudrait peut-être simplement se limiter à informer sur Marine Le Pen et le Front national de la même façon qu’il faut informer sur les autres dirigeants et partis politiques. C’est donc un joyeux bouillonnement intellectuel et stratégique, dont la réflexion proprement journalistique est souvent très éloignée, qui occupe les rédactions autour de cette question, avec cette petite précision utile : aucune de ces stratégies n’a jamais fonctionné. Le FN grimpe inexorablement.

    Impuissance des journalistes

    On pourrait attendre des élites intellectuelles et culturelles, dont les journalistes font partie, qu’elles se posent enfin la question du pourquoi et non seulement celle du comment. Pourquoi leurs stratégies ne marchent pas ? Pourquoi le FN grimpe inexorablement ? Pourquoi son programme séduit-il de plus en plus de Français ? Certains intellectuels le font : Michel Onfray, Christophe Guilluy ou Jean-Claude Michéa, pour ne citer que ceux d’entre les plus connus qui sont marqués à gauche, et il est intéressant de remarquer au passage qu’aucun d’entre eux n’est rattaché à une institution.

    Une hypothèse serait d’avancer que les institutions, y compris les grands groupes de presse, ont tellement partie liée avec l’ordre économique et social actuel qu’ils sont incapables non seulement de le remettre en cause mais de voir combien cet ordre, s’il profite à une minorité, nuit de plus en plus à la majorité qui le rejette ainsi logiquement de plus en plus violemment. Le travail d’analyse qui consisterait à mettre à jour ce que cet ordre a de punitif et d’injuste est ici rendu compliqué, voire impossible, par l’intérêt personnel que tirent la plupart des journalistes de cet ordre. Le remettre en cause consisterait pour certains journalistes à scier la branche sur laquelle ils sont assis et il ne leur reste alors plus qu’à se convaincre, à défaut de convaincre leurs lecteurs, que les électeurs du FN sont au mieux manipulés par « des semeurs de haine » (que l’on est donc moralement autorisé à « stigmatiser »), au pire des salauds. De la concurrence sauvage à laquelle sont soumises les petites PME provinciales depuis la fin des frontières à l’immigration incontrôlée qui déstabilise les modes de vie en passant par les bandes d’Albanais et autres balkaniques qui mettent une partie du pays en coupe réglée au point de donner naissance à des milices privées, on ne dira pas un mot si ce n’est pour se moquer des « fantasmes » d’une population tentée par le « repli sur soi », comme Le Petit Journal s’en est fait une spécialité.

    Un aveuglement touchant

    Les stratégies politiques des médias pour endiguer le Front National ont toutes échoué ? Appliquons-les quand même. Telle est aujourd’hui la tragique impuissance des médias dominants qui à mesure que l’échéance électorale approche ressortent leurs lance-pierres et leurs sarbacanes face aux panzers de Marine Le Pen qui sont eux portés par une situation objective, c’est-à-dire par une forme de fatalité tant que cet ordre demeurera ce qu’il est. Le journalisme n’est souvent pas très loin de la communication et peut-être ceci explique-t-il cette foi naïve dans les slogans et dans la tentative de culpabilisation morale face à des gens réels vivant des situations réelles et désireux de changer cette réalité dont ils sont les victimes.

    Face à l’ouvrier licencié d’une entreprise de construction, qui pour survivre à la compétition est obligée d’avoir recours à une main d’œuvre intérimaire polonaise, les médias affirment que le parti pour lequel il s’apprête à voter n’est pas républicain. Face au paysan à qui des gangs de Roumains volent essence, tracteurs, vaches et chevaux, on brandit les années 1930. Face à la mère de famille dont le cours de piscine de sa fille est annulé à l’école publique parce que les élèves musulmanes refusent de montrer leur corps, les journalistes parlent du danger fasciste. L’aveuglement en est presque touchant.

    Bêtise ou malhonnêteté ?

    Les armes sont donc toujours les mêmes et chaque campagne a désormais son lot de « traqueurs de dérapages » ou de traqueurs de « candidats fantômes ». LCI a ainsi découvert « une septuagénaire aveugle du Puy-de-Dôme qui a eu la surprise de découvrir qu’elle était candidate aux élections départementales sur une liste FN ». Bigre. Certains médias locaux ou nationaux ont également beaucoup insisté sur les « dérapages » de candidats, la plupart du temps des dessins postés sur leur compte twitter (« le niqab jetable », « le grand remplacement », etc.) ou des formules provocatrices sur « l’islam, peste bubonique », « l’islamophobie est un droit. Combattre l’islam un devoir », etc. En tout une quinzaine de « dérapages », la plupart des blagues de café du commerce, qu’ont mis à jour les limiers du journalisme sur 7648 candidats se présentant aux élections. On prend très peu de risque en affirmant que le même travail systématique exécuté dans n’importe quel autre parti aurait probablement donné un résultat à peu près similaire. Oui, il y a une France moins fine qu’à Saint-Germain-des-Prés qui fait des blagues de mauvais goût « sur les Arabes et les pédés ». Bonjour le scoop.

    Le but de ces compilations de dérapages est évidemment de montrer que « le Front National n’a pas changé », ce qui est un élément important de la doxa anti-FN. Pour des journalistes généralement à l’avant-garde dans la dénonciation de « l’essentialisme », il est amusant de constater que tout et tout le monde peut échapper à tous les déterminismes, sauf le Front national, enfermé à jamais dans une identité mythique fossilisée dans le racisme et l’antisémitisme. Et cela en dépit des études des politologues ou des sociologues montrant que depuis l’accession à la tête du parti de la fille de Jean-Marie Le Pen, le parti a bel et bien effectué sa révolution copernicienne sur le fond comme sur la forme. Répéter que le FN d’aujourd’hui est le même que le FN des années 1990 relève ainsi, au choix, de la bêtise ou de la malhonnêteté.

    Et revoici le cordon sanitaire…

    C’est pourtant la position de Jean Quatremer, brillant journaliste spécialisé dans les questions européennes pour qui le Front National est un parti fasciste de toute éternité. Invité le 6 mars dernier dans l’émission « 28 minutes » sur Arte sur le thème « La victoire annoncée du FN est-elle inéluctable ? », c’est en tout ce qu’il a affirmé héroïquement. Selon lui, la montée du Front National n’a rien à voir avec des revendications légitimes d’électeurs défendant leurs intérêts (comme lui défend les siens) mais tout à voir avec la maladresse des autres partis et surtout la complicité des médias. Quatremer s’insurge ainsi de voir les dirigeants du Front National invités sur les plateaux télé et les journalistes « poser des tas de questions à Marine Le Pen ». Pour que l’on comprenne bien le fond de sa pensée, il donne « l’exemple de la Belgique où pendant 25 ans, il y a eu un cordon sanitaire autour du Vlaams Belang ».

    En clair, ce que souhaite Quatremer, c’est que les journalistes ne parlent plus du premier parti de France, qu’ils passent sous silence toute information à son sujet de manière à le plonger dans la nuit médiatique. Curieuse conception et du journalisme et de la démocratie. « À Libération par exemple, nous n’allons jamais interviewer de responsables du Front National parce qu’on considère que ce sont des menteurs », ajoute ce journaliste qui prend décidément son métier bien à la légère. Il faut être du bon côté de la barrière pour pouvoir affirmer de telles énormités sur un plateau télé sans soulever chez ses confrères certaines questions déontologiques de base. Le dernier paradoxe de cette séquence, c’est qu’en agissant à visage découvert en militants et non plus en professionnels de l’information, les journalistes se coupent de plus en plus de leur public qui leur accorde de moins en moins de crédit. Tels des hamsters dans leur cage, ils tournent dans leur petit monde imaginaire, rêvant de cordon sanitaire et de censure tandis que plus personne ne les écoute et que le Front National gagne élection sur élection. Une vraie tragédie antique.

    Observatoire des journalistes et de l'information médiatique (OJIM, 11 mars 2015)

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  • Décrypter les médias : une nécessité !...

    Claude Chollet, président de l'Observatoire des journalistes et de l'information médiatique, était reçu le 5 mars 2015 par Martial Bild et Elise Blaise dans le journal de TV Libertés. Il a évoqué à cette occasion le travail assez unique de décryptage et d'analyse du fonctionnement des médias réalisés par l'OJIM...

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