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islam - Page 31

  • La défaite de la laïcité ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue décapant de Jean-Paul Brighelli, cueilli dans le Point et consacré à la question de l'application de la loi sur l'interdiction des signes religieux en milieu scolaire...

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    La défaite de la laïcité

    Dans son édition du samedi 17 mai, le quotidien La Provence (organe de la gauche provençale) se penche sur le sort des malheureuses collégiennes musulmanes obligées, dans les quartiers nord de Marseille (et ailleurs, la cité phocéenne ayant une population immigrée qui depuis belle lurette occupe vaillamment le centre-ville), de se dévoiler chaque matin en arrivant en classe. Et de décrire la hantise matinale de "Sabrina", obligée d'ôter son jilbeb (le long voile brun qui l'enveloppe tout entière), conformément à la loi de 2004 sur l'interdiction des signes religieux en milieu scolaire. Les tenues peuvent être variées (hidjab, jupe longue ou foulard islamique), mais le refrain est toujours le même.

    La proviseur du lycée professionnel de la Calade, qui a, comme elle dit, "bien d'autres problèmes à gérer", participe à la commission laïcité du rectorat - une spécialité locale, les autres rectorats n'en ont pas éprouvé la nécessité. "Nous nous réunissons régulièrement avec des juristes, des historiens, des experts, et même un imam", explique Rodrigue Coutouly, référent académique pour l'éducation prioritaire au rectorat d'Aix-en-Provence. L'idée, c'est d'éclairer ce que la loi ne dit pas.

    Ignorant que j'étais ! Je croyais la loi très claire : tout signe religieux est interdit à l'école - ou dans cette école hors les murs qu'on appelle la sortie scolaire. L'une de mes étudiantes l'an dernier a voulu porter son voile lors d'un voyage scolaire en Angleterre, et l'administration, tout comme l'équipe enseignante, a été très claire : une classe qui sort emporte le règlement intérieur à la semelle de ses souliers. Hors de question que le laxisme anglo-saxon s'applique à un groupe scolaire français.

    Le problème, c'est que les tendances lourdes du système, parfaitement résumées la semaine dernière par Benoît Hamon dans une décision que nous avons commentée ici même, vont dans un sens tout différent.

    Le laxisme expliqué à ma fille

    Premier mouvement : on minimalise le problème. "Une trentaine de jeunes filles sur 1 500 élèves..." "Une question de mode..." "Parmi les musulmans de Marseille, ces milieux représentent une part infime", assure ainsi la sociologue de service, Françoise Lorcerie, longuement interviewée à la suite de l'article - et qui plaint dans un même élan compassionnel les apprentis djihadistes de Syrie et d'ailleurs : "Ils le font par désespoir, pour être quelqu'un, se construire un avenir là où il n'y en a pas, ou, tout au moins, là où ils ne parviennent plus à s'en imaginer un. Plutôt que de stigmatiser ces adolescents, il faut leur donner confiance en eux, dans une école bienveillante, qui ne se braque pas contre son environnement, son quartier." Fini l'enseignement selon Jean Zay, qui expliquait que l'école devait être une forteresse où ne parviendraient pas les rumeurs du dehors. Mérite-t-il vraiment d'être panthéonisé ?

    Deuxième mouvement : la dramatisation. En page 1 du quotidien, sous le titre très explicite "Laïcité : l'école du compromis", on lit l'accroche suivante : "Dix ans après le vote de la loi, des chefs d'établissement des quartiers nord s'interrogent encore : comment faire appliquer le texte sans exclure les élèves voilées ?" "Des milliers d'exclusions par an", affirme Françoise Lorcerie.

    Troisième mouvement : créer une commission ad hoc, non pas pour enterrer la question, comme on le fait d'ordinaire quand on crée une commission, mais pour faire admettre le contournement de la loi, au cas par cas - et de fil en aiguille, pour faire modifier la loi.

    Et là, on a affaire à une collusion entre les "sociologues" ("la loi de 2004 n'a pas eu que de bons côtés", dit Françoise Lorcerie, qui est venue défendre ses thèses dans mon lycée il y a deux ans) et des enseignants, idiots utiles des organisations islamistes, cinquième colonne involontaire d'un militantisme qui a choisi les filles et les femmes pour avancer ses pions.

    La sociologie, science de toutes les compromissions

    Pour noyer le poisson, on s'appuie sur les conclusions de Pisa (je reviendrai prochainement sur les enquêtes de cette institution qui donne tous les deux ans du grain à moudre à la presse sans que la scientificité de ses méthodes soit bien établie) qui affirment que la France est l'un des pays dans lesquels les discriminations sociales ne sont en rien gommées par l'école - et qu'elles sont même renforcées. Ce que des médias communautaires du type Ajib, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il ne représente pas l'islam le plus modéré, relaient avec complaisance - tout comme notre sociologue, qui se désole que les garçons, cette fois, soient eux aussi pénalisés par les méchants enseignants français, qui notent sans doute au faciès puisque dans notre pays n'existe aucune statistique ethnique. Françoise Lorcerie est connue par ailleurs pour sa défense bec et ongles des populations brimées par la laïcité à la française, qui a fait d'elle une inlassable activiste saluée par lesorganisations islamiques et les pédagogistes de toutes farines. Elle n'est pas la seule : son collègue Vincent Geisser a été accusé de "caresser les barbus dans le sens du poil", mais il ne renie rien de ses convictions - et Françoise Lorcerie le défend à toute occasion. Il existe une franc-maçonnerie des sociologues, avant-garde et caution "scientifique" des concessions en cours et des abdications à venir.

    On fabrique ainsi une ambiance délétère, qui place forcément les enseignants en porte-à-faux : "Une radicalité qui me met très mal à l'aise", dit l'un ; "C'est dur de conserver une neutralité d'enseignant", avoue une autre. Je veux bien le croire. Quand la loi n'est plus une, mais dépend de l'interprétation des autorités locales, c'est l'autorité tout entière qui se délite.

    Il est évidemment plus simple de ramener au niveau "sociétal" les problèmes vitaux dont l'école de la République est en train de mourir : le collège unique, qui dans ces quartiers est extraordinairement homogène, si je puis dire ; la difficulté dans ce contexte à faire passer une langue, prérequis pour aller plus loin dans l'acquisition des savoirs et de la culture ; l'autorité même, dont les manques sont automatiquement excusés sous prétexte de "discriminations", source, comme on le sait, de toutes les incompétences...

    Pendant ce temps, on organise, à Marseille même, des classes-relais, des prépas à la prépa, où des élèves majoritairement issus de l'immigration trouvent enfin leurs marques, préparent et réussissent des concours difficiles parce qu'on leur a enfin appris à oser aller plus loin que le bout de leur famille et de leurs rites. Mais de cela, il ne faut pas parler. Une pédagogie sans concession, des programmes cohérents, les conditions effectives de la réussite, c'est difficile à mettre en oeuvre. Toiletter une loi pour faire plaisir aux groupes de pression, en revanche...

    Céder un jour, c'est céder toujours

    Qu'un ministre fasse chorus avec ce que le laxisme et l'empathie mortifère ont de pire, c'est un comble. Il faut bien voir qu'un signal ambigu envoyé de la Rue de Grenelle est reçu forcément cinq sur cinq par les recteurs les plus concernés (à Marseille, monsieur Ali Saïb, qui n'avait pas trouvé le temps, en décembre, de recevoir les profs de prépa en grève) et les chefs d'établissement. Et, en bout de chaîne, ce sont les enseignants qui affrontent les mères d'élèves qui viennent voilées aux réunions et participent voilées aux sorties scolaires, et qui gèrent au quotidien les élèves, qu'ils ont amenées voilées à une récente conférence de Thomas Piketty à l'Alcazar de Marseille - je peux en témoigner, j'y étais. Au Blanc-Mesnil, en région parisienne, lesdites mères, animées forcément des meilleures intentions et qui n'écoutent que leur conscience, et pas des prédicateurs déchaînés, se sont mobilisées pour exiger l'aménagement de la loi : Hamon les a entendues.

    Marseille est peut-être une ville exceptionnelle, un laboratoire du laxisme ou une zone de renoncement. Les fondations financées par l'Europe décrivent la population marseillaise avec pitié, tout en oubliant de souligner que l'économie souterraine, entre autres celle de la drogue, crée une ville parallèle à côté de la ville officielle. Ici, la loi ne s'applique pas partout, et tout comme la police hésite à patrouiller dans certaines zones de la ville, les enseignants auraient bien tort de s'arc-bouter sur des principes vitaux pour la laïcité - et, à terme, pour la pédagogie : si l'on cède sur un point aussi central, on nous expliquera bientôt ce qu'il faut dire ou ne pas dire en cours, comme on nous a expliqué ce qu'il fallait donner à manger (1). Ce n'est pas un problème réservé aux quartiers nord d'une ville malade : c'est une gangrène obscurantiste qui touche une extrémité, avant de gagner le reste de l'organisme.

    Jean-Paul Brighelli (Le Point, 19 mai 2014)

    Notes

    (1) La question de la nourriture est loin d'être anecdotique. Lire à ce sujet la remarquable étude de Pierre Birnbaum, La République et le Cochon (Seuil, 2013), qui analyse comment les Juifs se sont intégrés, depuis la Révolution, à la République.

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  • La France est-elle une Couveuse à Barbares ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christian Vanneste, cueilli sur le site des Observateurs et consacré à la question des volontaires djihadistes de nationalité française qui œuvrent en Syrie dans les rangs des rebelles islamistes...

     

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    La France est-elle une Couveuse à Barbares ?

    Sept cents « Français » ou résidents dans notre pays participeraient à la guerre contre le gouvernement syrien. Ils seraient avec près de 2000 Européens enrôlés dans les groupes islamistes plus ou moins liés à Al Qaïda. Près de la frontière turque, une de ces bandes composée de Français et de Belges francophones, et désignée par les habitants terrorisés comme  » la brigade française » aurait mené une répression barbare contre les opposants, y compris les rebelles de l’Armée Syrienne Libre : exécutions publiques, tortures, profanation des cadavres. L’association du nom de notre pays à ces actes éveille d’abord la honte, mais doit surtout susciter la réflexion dans deux directions.

    La première est celle des causes. Comment des jeunes ayant vécu dans notre pays, éduqués au sein de son système scolaire, peuvent-ils se comporter de la sorte  ? L’irresponsabilité criminelle de nos gouvernements y a une lourde part. La plus immédiate réside dans l’aventurisme qui a fait participer notre pays à la déstabilisation et à la diabolisation du régime baasiste syrien : un sésame pour les « djihadistes » en herbe. L’enthousiasme pour le prétendu Printemps Arabe s’est éteint avec l’anarchie libyenne et le coup d’Etat égyptien. On peut s’étonner de la légèreté des gouvernants et de la faiblesse des informations données par les services de renseignement et l’une des diplomaties les plus nombreuses au monde. Ils n’ont pas prévu les « printemps ». On se souvient des vacances tunisiennes de MAM et du séjour égyptien de Fillon. Ils ont encore moins prévu les conséquences : la violente explosion tribale en Libye qui a retenti sur l’ensemble du Sahel et le bras de fer entre l’Armée et les Frères Musulmans en Egypte. La capacité de résistance et le poids des alliés de Assad n’ont pas non plus été anticipés. Alors pourquoi ? Pour servir nos intérêts auprès des pays arabes riches ? Les retombées de notre soutien décisif à la « révolution libyenne » seraient nulles. Notre convergence avec le Qatar, de plus en plus présent en France, et l’Arabie Saoudite sur le dossier syrien devient chaque jour moins honorable. Comment peut-on sans cesse s’ériger en pays des Droits de l’Homme, les évoquer, bien modestement, d’ailleurs devant les Chinois dont la puissance mérite toutes les courbettes, et soutenir l’action offensive de pays qui ne les respectent nullement et financent l’islamisme dans le monde. Ces deux pays ont d’ailleurs les moyens d’être rivaux. L’Arabie Saoudite est le banquier bienveillant de la dictature militaire égyptienne tandis que le Qatar est la base de repli des Frères Musulmans. Que va-t-on faire dans cette galère ? Molière a une fois de plus le mot juste ! S’agit-il de protéger Israël en affaiblissant tous ses voisins arabes par la guerre civile ? Les malheurs de ces derniers sont sans proportion avec un résultat qui peut être obtenu autrement . La réussite d’Israël sur le plan économique, sa puissance militaire, et le soutien indéfectible de ses alliés permettent d’envisager plus facilement une paix définitive avec des régimes nationalistes qu’avec des Etats islamistes. Sadate en avait donné l’exemple. Participe-t-on, comme l’une des pièces, le fou sans doute, au grand jeu d’échecs planétaire auquel se livrent les Etats-Unis ? En Syrie comme en Ukraine, la cible est la Russie. En quoi est-elle l’adversaire de la France ? Qui peut croire sérieusement que Poutine songe à envahir la Pologne ou les Etats Baltes ? Il a réussi son coup en Crimée et il s’y arrêtera. Il n’y a aucune raison particulière de stigmatiser plus Moscou que Ryad ou Pékin.

    Mais l’engagement de « Français » dans ce triste combat vient aussi de l’abandon de notre politique d’assimilation des immigrés. Parce que notre démographie et notre économie réclamaient de l’immigration selon les penseurs de salon qui inspirent nos dirigeants, on a ouvert les portes et, avec elles, la boîte de Pandore. Regroupement familial, distribution gratuite et indolore de la nationalité, constitution de « banlieues » majoritairement peuplées d’immigrés non-européens, discrimination positive, accommodements raisonnables, soutien à la multiplication des lieux de culte financés par l’étranger et incontrôlables, discours de repentance, et censure du patriotisme : la liste est longue des erreurs dénoncées par la courageuse Malika Sorel. Ajoutez-y les paraboles, la facilité des voyages, les multi-nationalités, le laxisme judiciaire notamment à l’égard des mineurs,  l’absence de service militaire et vous avez des barbares de l’intérieur à qui on a appris à détester notre pays et sa culture et qui trouvent plus de plaisir à fantasmer leur prétendue appartenance religieuse qu’à exercer un rôle social positif mais modeste. Certes le chômage n’arrange rien, mais ce n’est pas un contrat d’avenir qui pourra rivaliser chez un jeune  vidé de tout élan par une éducation insipide avec la fièvre que fait naître un prêche enflammé ou les images venues d’ailleurs, comme un film ou un jeu video dans lesquels il peut, là, s’insérer. C’est aussi vrai pour l’immigré que pour le converti. Ce phénomène est le symptôme d’un pays qui ne parvient plus à transmettre des valeurs si tant est qu’il en ait encore. Le malade belge, ce « paradis » du progrès sociétal, est encore plus touché que nous. Lorsqu’on fait le vide moral, il ne faut pas s’étonner que n’importe quoi vienne le remplir.

    Cette « politique » tellement absurde qu’elle n’en mérite pas le nom privilégie des intérêts économiques pour les uns, électoraux pour les autres, à court terme. Les seconds sont déjà déçus. Les autres le seront aussi lorsque la destruction du tissu social coûtera plus cher que l’illusoire bonus démographique. Dans l’immédiat, vont revenir en France des fanatiques qui voudront faire payer à notre pays la défaite de leur prétendue guerre sainte en Syrie. Ils auront appris à utiliser les armes et en rapporteront peut-être. Notre réflexion doit donc aussi porter sur l’avenir plein de risques que les dirigeants irresponsables qui sont à la tête de notre pays depuis si longtemps  ont construit pour ses habitants. Le regroupement familial date de 1976 sous la présidence de Giscard d’Estaing, Chirac étant Premier Ministre. Il est imposé par Bruxelles depuis 2003. La gauche au pouvoir facilite de toutes les manières l’immigration.  Le suicide culturel n’est pourtant pas la meilleure réponse à la stagnation démographique et économique, mais c’est celle des technocrates et des politiciens dont il est vital de se débarrasser !

    Christian Vanneste (Les observateurs, 28 mars 2014)

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  • France - Arabie saoudite : une dangereuse alliance...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une analyse par Aymeric Chauprade, cueillie sur Realpolitik, de la curieuse alliance de la France avec la monarchie saoudienne et des dangers qu'elle recèle...

     


    France / Arabie Saoudite : une dangereuse alliance par realpolitiktv

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  • L’Union européenne, meilleure alliée de l’islamisation de l’Europe ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Aymeric Chauprade à Boulevard Voltaire et consacré à la question du choc des civilisations...

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    L’Union européenne, meilleure alliée de l’islamisation de l’Europe ?

    Le choc des civilisations, il y a ceux qui en font un fonds de commerce, ceux qui le redoutent, sans oublier ceux qui le suscitent. Où vous situez-vous dans cette béchamel ?

    Dans aucun de ces camps. Je suis un réaliste. La réalité historique s’impose à moi, c’est tout et je n’ai pas à la refaire à mon goût. Et l’histoire dans la longue durée, c’est le choc des civilisations et des peuples. Comment nier d’ailleurs le choc multiséculaire entre l’Occident et l’islam ? Bien évidemment, ce choc est à nuancer par le jeu des nations, lesquelles ont pu faire des choix contradictoires. Je sais très bien que la France de François Ier était alliée à l’Empire ottoman et que nous n’étions pas du côté de la civilisation chrétienne à Lépante. L’histoire est complexe, nuancée. Mais, dans la longue durée, la civilisation est ce qui compte par-dessus tout. C’est ce qui reste quand tout ou presque a changé, a pu dire un historien. En tant qu’historien, je constate le choc ; en tant que politique, je soutiens le dialogue (des civilisations) mais j’ai le devoir de ne pas être angélique face à l’islamisation.

     

    Aujourd’hui, deux constats s’imposent à nous. Le premier tient au fait que dans le monde musulman, alors que les tentatives nationalistes laïcisantes (Nasser, Saddam Hussein, Bourguiba, Kadhafi…) sont désormais derrière nous, l’islam comme projet politique (mais l’islam n’est-il pas, par essence, un projet politique ?) revient en force partout. Et ce retour ramène la femme à une place d’infériorité évidente, comme il ramène les minorités non sunnites (chiites ou chrétiennes) à un statut d’infériorité. Cette révolte du monde musulman contre le glissement qui s’était produit vers des standards occidentaux, cette révolte contre une « mondialisation-occidentalisation », qui peut la nier ? Les prétendus printemps arabes ne se sont pas faits pour installer la démocratie occidentale. Ils sont l’expression de la réislamisation du monde arabe. Cette révolte va des Frères musulmans à Al-Qaïda, de l’expression politique à l’expression terroriste. Or, nous serons obligés d’en tenir compte, dans les années à venir, d’autant plus que la démographie sera largement à l’avantage de la rive sud de la Méditerranée. Malheureusement, parce que l’Européen est un oublieux de l’histoire, il laisse progressivement l’islam se rapprocher de lui en matière de capacités militaires.

    Le deuxième constat est que ce réveil de l’islam se combine, en Europe de l’Ouest (mais de plus en plus, aussi, en Europe centrale, je le vois en Autriche), avec une immigration de masse en majorité musulmane, ce qui produit l’islamisation de l’Europe. En imposant le modèle du multiculturalisme au détriment de l’assimilation, l’Union européenne se révèle être la meilleure alliée de l’islamisation. C’est la raison pour laquelle il est impossible de combattre l’islamisation de l’Europe si l’on ne libère pas celle-ci de l’Union européenne.

    À regarder plus loin en arrière, les guerres intra-européennes, n’auraient-elles pas été plus meurtrières que les conflits ayant opposé Orient et Occident ?

    D’abord, il est dangereux de comparer les époques en matière de bilans humains. Ce sont les seuils technologiques qui expliquent avant tout ces bilans terribles. Il est évident que les guerres intra-européennes modernes ont tué des millions d’Européens du fait même de la puissance de feu au XXe siècle qui n’a rien à voir avec celle des XVIe et XVIIe siècle au moment où l’Europe affrontait l’Empire ottoman. Donc, je ne crois pas que la comparaison soit pertinente sur le plan quantitatif.

    Et d’ailleurs, l’affrontement entre ces nations européennes, logées sur de petits territoires avec des démographies limitées, s’avère être l’un des facteurs les plus essentiels du progrès technologique européen – progrès qui a contribué à sa supériorité sur les autres civilisations à partir du XVIe siècle. Ce que je veux dire, c’est que jusqu’au XIXe siècle, on peut considérer que les guerres intra-européennes ont davantage été un moteur de puissance pour les Européens qu’un frein. Le XXe siècle, en revanche, a été un véritable suicide européen qui a conduit à son déclassement au profit des États-Unis.

    La question des guerres entre Orient et Occident est très différente. L’islam a pu donner l’illusion d’une supériorité sur les autres civilisations durant les trois premiers siècles parce qu’il s’est étendu très vite. En réalité, il a recouvert, avec une facilité déconcertante, les vides démographiques ; mais a buté sur les civilisations denses, l’Europe féodale, l’Inde, la Chine, la Russie. Les croisades, première contre-offensive européenne à l’islam, puis l’ouverture des routes maritimes au XVIe siècle, ont donné aux Européens l’avantage grâce au contournement de l’islam pour gagner l’Asie.

    Ce qui est certain, c’est que, dans l’imaginaire musulman, il y a cette idée que la marche normale du monde aurait dû être la continuation de l’expansion des premiers siècles jusqu’à l’unité islamique mondiale. Si vous étudiez les idéologies du monde arabe, qu’elles soient nationalistes ou islamistes (les deux seuls modèles importants en réalité), vous constatez qu’elles sont toutes mues par l’objectif de la revanche sur l’Occident chrétien.

    C’est donc terrible à dire, mais je pense que si le monde musulman rattrapait l’Occident en puissance, nous connaîtrions un enfer bien pire que celui que nos expéditions guerrières font subir épisodiquement aux peuples musulmans. Ce serait une terrible revanche de l’histoire. Je ne le souhaite pas, mais ce n’est pas pour autant que je soutiens des guerres inutiles dans le monde musulman. Je ne vois pas en quoi massacrer régulièrement une famille de dix personnes en Afghanistan, à coups de « jeu vidéo-drone », pour tuer un hypothétique taliban, peut contribuer à la sécurité des Américains ou des Européens. Ce sont des crimes injustes qui renforcent la haine des musulmans à l’encontre de l’Occident. Imaginez un enfant qui voit un missile venu de nulle part (commandé par un type derrière une console à des milliers de km) découper en morceaux ses parents, ses frères et soeurs. Il y a l’horreur doublée de l’humiliation. Croyez-vous qu’il puisse entendre quelque chose à la théorie de l’exportation de la démocratie par l’Occident ?

    L’ancestrale opposition entre thalassocratie et tellurocratie, soit le Vieux et le Nouveau Monde, vous paraît-elle être une ligne de fracture toujours pertinente ?

    Oui, je le pense. Je pense que deux modèles géopolitiques possibles s’opposent pour les Européens : le bloc transatlantique, dominé par les Américains – ce que nous avons aujourd’hui, au fond, et qui fait de l’Union européenne un ventre mou de l’Amérique – et le modèle continental, qui serait Paris-Berlin-Moscou, et qui changerait complètement les données géopolitiques mondiales. Je pense que toute la géopolitique américaine continue de reposer sur la pensée de Mackinder, qui réfléchissait à la manière de conserver aux puissances maritimes (Angleterre, puis États-Unis) l’avantage sur les éventuelles unités continentales. La meilleure manière de sauver les équilibres planétaires et repousser la perspective d’une guerre mondiale entre un bloc atlantique et la Chine (et où serait alors la Russie ?), c’est d’avoir une Europe-puissance et un monde multipolaire. La construction de l’Europe-puissance passe par la destruction de l’édifice bruxellois, qui aliène les Européens à l’Amérique, pour le remplacer par une Europe confédérale, fondée sur les synergies de puissance.

    Aymeric Chauprade, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 16 décembre 2013)

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  • Bienvenue dans un monde sans frontière...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Romaric Sangars, cueilli sur Causeur et consacré à l'attaque par des djihadistes d'un centre commercial de Nairobi...

    Romaric Sangars anime avec Olivier Maulin le Cercle Cosaque.

     

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    Prise d’otages de Nairobi : la Charia contre le Marché

    Si le XXème siècle a été traversé par une grande « guerre civile européenne » (selon l’expression d’Ersnt Nolte), en deux phases, mutant ensuite en une guerre mondiale Est-Ouest verrouillée par le feu nucléaire, le XXIème siècle est entré dans une phase de guerre civile mondialisée, et les récents événements au Kenya en sont un symptôme extraordinairement révélateur. Dans un supermarché – métaphore assez littérale de ce que la planète est en passe de devenir -, des civils européens ont été abattus par des jihadistes européens au nom d’une idéologie politico-religieuse d’origine arabo-musulmane, au sein d’un pays d’Afrique noire qui représentait un lieu de tourisme pour certaines victimes, de terrorisme pour les bourreaux, l’assaut ayant été relayé en temps réel sur Twitter, afin que son écho médiatique soit mondial. Comment résumer plus éloquemment la nature du conflit où nous sommes sommés jetés ?

    Ce massacre doit être au moins l’occasion du procès d’un certain nombre de lieux communs débiles qui pourrissent depuis trop longtemps dans la pensée dominante. Cette pensée est manichéenne, simpliste, benoîtement optimiste, bref : criminelle. Elle supposait, avec une naïveté touchante, que la relativisation ou la disparition des frontières nationales, signifierait mécaniquement la fin des guerres sous l’égide bienveillante de l’ONU. Résultat : la guerre ne se déroule presque plus entre nations – peut-on appeler « guerre » au sens classique les opérations de gendarmerie menées par les Occidentaux ? -, non, la guerre est civile et elle est mondiale. On chantait les bienfaits de la circulation accélérée des individus sur toute la planète et des nombreux échanges rendus possibles grâce au réseau Internet. Oui, mais cela signifie également la potentielle omniprésence fantôme de l’ennemi, et la diffusion exponentielle des haines. On se pâmait devant la symbolique du métissage, en tant que dissolution des différences par la grâce de l’amour. Le couple mixte qu’a formé la « Veuve blanche » avec son djihadiste de mari, l’a mené à assassiner ses compatriotes, sans distinction de races, au nom de l’universalisme islamique. United colors of total war.

    Oui, décidément, il y a quelque chose de pourri dans le village global. Nous qui ne sommes pas bêtement « progressistes » nous nous doutions bien qu’un phénomène – comme celui de la mondialisation -, n’est jamais innocent, et porte toujours son revers, et que là où un certain Bien semble s’affirmer, le mal mute. Aussi ne sommes-nous pas tellement étonnés. Mais permettez tout de même que nous expliquions aux mondialistes béats que si cette guerre présente gagne en intensité, alors sans doute nous n’aurons plus d’armée aux frontières, pas la moindre ligne Maginot, non, mais un flic ou une caméra dans chaque rue et un ennemi dans chaque immeuble. S’il n’y a plus de front, le front est partout. Si nous sommes tous « citoyens du monde », cela implique que désormais, toute guerre sera civile. C’est-à-dire, selon Pascal : le pire des maux.

    Moi qui ne suis pas un « citoyen du monde » au sens où ils emploient cette expression, mais un Français héritier de 2000 ans d’Histoire, c’est avec un dédain parfaitement aristocratique que j’observe les bannières des camps en présence, m’interrogeant seulement : « Reste-t-il une voie entre la Charia et le Marché ? » Les deux idéologies sont des hérésies en miroir. La seconde adore un argent devenu bien trop abstrait, la première un esprit franchement lourd, si temporel, tellement littéral. J’ai la nostalgie d’une âme dans un corps. Une culture singulière au sein d’une géographie définie. J’ai la nostalgie de la forme nationale, parce qu’elle est à taille humaine, parce qu’elle est une grande personne avec son tempérament propre, son passé, ses drames, parce qu’on peut la voir, la cerner, parce qu’elle est plus facilement bridée dans ses volontés hégémoniques. Bien entendu, défendre aujourd’hui la forme nationale ne pourrait se faire qu’à condition de s’adapter au paradigme actuel, de viser une sorte d’Internationale des peuples souverains et des cultures, tel que Dominique de Roux voulut le faire avec son « gaullisme révolutionnaire » auquel les gaullistes de son temps n’ont pas compris grand-chose. La France pourrait justement, dans cette optique, jouer un rôle de premier ordre, en tant que modèle, par excellence, de la « vieille nation historique ». Oui, mais pour cela, il faudrait déjà qu’elle se souvienne qu’elle existe.

    Romaric Sangars (Causeur, 27 septembre 2013)

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  • A propos du printemps arabe...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous, dans une vidéo cueillie sur son site, Bernard Lugan présenter avec brio et clarté son dernier livre intitulé Printemps arabe - Histoire d'une tragique illusion. Le livre est disponible ici.

     


    Bernard Lugan présente son nouveau livre par BernardLugan

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